dimanche 24 juillet 2016

(11) LES SERMONS DE WESLEY LE PÉCHÉ ORIGINEL

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

Sermon 44 :    LE PÉCHÉ ORIGINEL

Genèse 6,5   (1759)


Et l’Éternel vit que la malice des hommes étaient grande sur la terre, et que toute l'imagination des pensées de leur cœur n'était que mal en tout temps. (Genèse 6:5)

                    Combien ce portrait de la nature humaine ne diffère-t- il pas de ces beaux tableaux que les hommes en ont faits de tout temps ? On trouve à chaque instant, dans les écrits de plusieurs des anciens, de riantes descriptions de la dignité de l'homme ; quelques-uns d'entre eux le représentent comme un composé de tout ce qu'il y a de plus vertueux et de plus heureux, ou tout au moins comme ayant tout cela à sa disposition et sans avoir d'obligations vis-à-vis de personne ; ils nous le peignent comme pouvant se suffire à lui-même et vivre de ses propres ressources, comme presque égal à Dieu.

                    Mais ce ne sont pas seulement des païens, des hommes qui n'ont que le pâle flambeau de la raison pour les éclairer dans leurs recherches de la vérité, qui tiennent ce langage ; beaucoup de ceux qui portent le nom de chrétiens, et a qui les oracles de Dieu ont été confiés (Romains 3 : 2), ont aussi tracé des tableaux magnifiques de la nature humaine, tout comme si elle n'était qu'innocence et perfection. On a fait quantité de ces descriptions dans notre siècle (Le dix-huitième siècle), et peut-être nulle part plus que dans notre pays (L'Angleterre). Plusieurs de nos compatriotes, gens de grand talent et d'un savoir étendu, se sont exercés de leur mieux à montrer ce qu'ils ont appelé le beau côté de la nature humaine. Et il faut convenir que, si leurs descriptions étaient exactes, l'homme ne serait qu' « un peu inférieur aux anges » (Hébreux 2 : 7 cité de Psaume 8 : 6) ou, comme on pourrait traduire plus littéralement, « un peu inférieur à Dieu !)  ». (Psaume 8 : 6) (version de Lausanne : « Tu l'as fait de peu inférieur à Dieu ». )

                    Faut-il s'étonner de ce que ces descriptions ont été en général accueillies avec faveur ? Mais qui est-ce qui n'est pas disposé à avoir de lui-même une bonne opinion ? Aussi ces écrivains-là ont-ils été lus, admirés, applaudis par tous. Ils ont trouvé des disciples sans nombre, non seulement dans le beau monde ; mais aussi dans le monde savant. Il en résulte qu'aujourd'hui il est de mauvais ton de parler autrement, de rien dire pour critiquer la nature humaine, qui passe généralement pour être, en dépit de quelques infirmités, parfaitement innocente, sage et vertueuse. Mais, en attendant, que ferons-nous de nos Bibles Car il est impossible de les faire accorder avec cet enseignement. Ces descriptions qui flattent si agréablement la chair et le sang, sont irréconciliables avec les Écritures Saintes. En effet, celles-ci affirment que « par la désobéissance d'un seul homme, plusieurs ont été rendus pécheurs  » ; (Romains 5 : 19) que « tous meurent par Adam (1Corinthiens 15 : 22) », sont morts spirituellement, ont perdu la vie et l'image de Dieu ; que, lorsque Adam fut déchu et pécheur, il « engendra un fils à sa ressemblance et à son image (Genèse 5 : 3) ; (comment eût-il pu. en être autrement ? car « qui est-ce qui tirera une chose nette de ce qui est souillé ? (Job 14 : 4) » ; que, par conséquent, nous étions, tout comme les autres, par nature « morts dans nos fautes et dans nos péchés (Éphésiens 2 : 1) », « n'ayant point d'espérance, et étant sans Dieu dans le monde (Éphésiens 2 : 12) », et, par suite, étant « des enfants de colère (Éphésiens 2 : 3) ; » qu'ainsi tout homme peut dire : « J'ai été formé dans l'iniquité, et ma mère m'a conçu dans le péché (Psaume 51 : 7) », et qu' « il n'y a point de distinction ; puisque tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu (Romains 3 : 22) », de cette image glorieuse de Dieu, selon laquelle l'homme fut créé à l'origine. Aussi, quand « Dieu a regardé des cieux sur les fils des hommes », il a vu que « tous se sont dévoyés ; Ils se sont corrompus tous ensemble ; il n'y a, personne qui fasse le bien, non pas même un (Psaume 53 : 3,4) ; » il n'y en a point qui cherche véritablement Dieu. Cela correspond parfaitement à ce que le Saint-Esprit, déclare dans notre texte, que l'Éternel, regardant des cieux, comme dans le passage que nous venons de citer, « vit que la malice (ou méchanceté) des hommes était très grande sur la terre », si grande que « toute l'imagination des pensées de leur cœur n'était que mal en tout temps ».

                    Telle est la description que Dieu fait de l'homme. En partant de là. je me propose, premièrement, de montrer ce qu'étaient les hommes avant le déluge ; en second lieu, d'examiner s'ils sont les mêmes aujourd'hui qu'alors ; et, enfin, de tirer quelques conclusions.

I

                    Je voudrais d'abord, en développant les paroles de mon texte, montrer ce qu'étaient les hommes avant le déluge. Nous pouvons compter sur la parfaite exactitude des renseignements qui nous sont donnés ici ; car c'est Dieu qui l'a vu, et il ne peut se tromper. « Il vit que la malice des hommes était très grande  » ; non pas de tel ou tel homme, ou de quelques hommes seulement, ou de la plupart, mais des hommes en général, de la totalité des hommes. Ce mot comprend toute la race humaine, tous ceux qui participent à la nature humaine. Il ne serait pas facile de calculer combien il pouvait y en avoir, à cette époque, de milliers ou de millions. La terre possédait encore en grande partie sa beauté et sa fécondité primitives. La surface du globe n'était pas déchirée et bouleversée comme elle l'est aujourd'hui. Le printemps et l'été s'y donnaient toujours la main. Il est donc probable que la terre était alors capable de nourrir beaucoup plus d'habitants qu'elle ne le pourrait actuellement ; et les hommes doivent s'être multipliés très rapidement dans un temps où ils engendraient des fils et des filles pendant sept ou huit cents ans. Et pourtant, dans cette foule innombrable, Noé seul « trouva grâce devant l’Éternel (Genèse 6 : 8)  ». Lui seul (peut-être avec une partie de sa famille) faisait exception dans cette méchanceté universelle qui devait bientôt, par un juste jugement de Dieu, aboutir à une destruction universelle. Tous les autres participaient ensemble au crime et participèrent ensemble au châtiment.

                    Dieu vit « toute l'imagination des pensées de leur cœur c'est-à-dire de leur âme, de l'homme intérieur, de cet esprit qui est en l'homme et qui est le principe de tous ses actes, soit intérieurs, soit extérieurs. Toute l'imagination ! » aucun autre terme ne saurait avoir une portée plus étendue ; car ce mot imagination embrasse tout ce qui se forme, se fait ou s'invente au dedans de l'homme : tout ce qui existe ou se passe dans son âme ; toutes ses inclinations, affections, passions et convoitises ; tous ses sentiments, tous ses desseins, toutes ses pensées. Ce mot comprend même les paroles et les actions, puisqu'elles découlent nécessairement de cette même source, et que leur qualité est bonne ou mauvaise selon que la source est bonne ou mauvaise.

                    Eh bien, Dieu vit que tout cela, sans aucune réserve, était mauvais, contraire. à la droiture morale ; contraire à la nature divine qui renferme nécessairement tout ce qui est bon : contraire là la volonté divine qui est la règle éternelle du bien et du mal ; contraire à l'image pure et sainte, de Dieu selon laquelle l'homme fut créé à l'origine et qu'il portait lorsque Dieu, contemplant les œuvres de ses mains, vit que tout ce qu'il avait fait était très bon ; contraire enfin à la,justice, à la miséricorde et à la vérité, aux rapports intimes qui doivent unir l'homme à son créa leur et à ses semblables.

                    Mais ce mal n'était-il pas mélangé de quelque bien ? N'y avait-il aucune lumière qui se mêlât à ces ténèbres ? Non, il n'y en avait point : « Dieu vit que toute l'imagination des pensées de leur cœur n'était. que mal ». Il est certain qu'en beaucoup de ces hommes, en tous peut-être, il se produisait de bons mouvements ; car l'Esprit de Dieu, déjà alors, « contestait avec les hommes (Genèse 6 : 3) », pour les porter à la repentance, surtout pendant ce sursis miséricordieux qui dura cent vingt ans, tandis que l'arche se bâtissait. Mais « en eux, en leur chair, n'habitait aucun bien (Romains 7 : 18) la nature humaine était foncièrement mauvaise, et elle était tout d'une pièce, sans alliage d'aucun bon élément.

                    On pourrait cependant se demander encore : « Mais ce mal régnait-il sans interruption aucune ? N'y avait-il pas chez l'homme des moments lucides où l'on eût pu trouver quelque chose de bon dans son cœur ? » Nous ne devons pas faire entrer ici en ligne de compte ce que la grâce divine pouvait, par moments, produire dans ces âmes ; et, en faisant abstraction de cela,, nous avons tout lieu de croire que le mal était sans intermittence. Car Dieu qui avait vu que « toute l'imagination des pensées de leur cœur n'était que mal », vit également que c'était toujours de même, que ce « n'était que mal en tout temps », d'année en année, chaque jour et à tout moment. L'homme ne se tournait jamais vers le bien.

II

                     Telle est la description authentique de l'état du genre humain tout entier, qui a été tracée pour notre instruction par Celui qui sait ce qui est en l'homme, qui sonde les cœurs et éprouve les reins. C'était là ce qu'étaient les hommes avant que Dieu. envoyât le déluge sur la terre. Nous avons maintenant à examiner si ceux d'aujourd'hui sont dans le même état.

                    Il est certain que rien, dans la Bible, ne permet de croire qu'ils valent mieux. Tous les passages énumérés ci-dessus se rapportent, en effet, aux hommes qui ont vécu après le déluge. C'est plus de mille ans après cet événement que Dieu, parlant par David, s'exprimait ainsi au sujet des enfants des hommes : « Ils se sont tous dévoyés (du chemin de la vérité et de la sainteté) ; il n'y a personne qui fasse le bien, non pas même un (Psaume 53 : 4)  ». Et tous les prophètes, de siècle en rendent témoignage à ce fait lamentable. Esaïe dit, en parlant du peuple particulier de Dieu, (et assurément les païens ne valaient pas mieux) « Toute la tête est en douleur et tout le cœur est languissant. Depuis la plante du pied jusqu'à la tête, il n'y a rien d'entier en lui : il n'y a que blessure, meurtrissure et plaies purulentes (Esaïe 1 : 5,6)  ». Tous les apôtres tiennent le même langage ; c'est là le sens uniforme des Écritures Saintes. Partout elles nous enseignent que, pour ce qui est  de l'homme naturel, sans le secours de la grâce de Dieu, « toute l'imagination des pensées de son cœur n'est que mal, et mal en tout temps », aujourd'hui comme autrefois.

                    L'expérience journalière vient à l'appui de ces révélations sur l'état actuel de l'humanité. Il est vrai que l'homme naturel ne discerne pas ces choses ; mais faut-il s'en étonner ? Aussi longtemps que l'aveugle-né demeure aveugle, il a à peine conscience de ce qui lui manque. A plus forte raison, si nous pouvions imaginer un pays où tout le monde serait aveugle, on y aurait encore moins le sentiment de cette infirmité. C'est ainsi que les hommes ne sentent point leurs besoins spirituels, et surtout leur état de péché, aussi longtemps qu'ils demeurent dans l'état d'esprit qui leur est naturel. Mais, dès que le Seigneur ouvre leur âme, ils aperçoivent l'état dans lequel ils étaient ; ils deviennent profondément convaincus que « tout homme qui subsiste n'est que vanité » (Psaume 39 : 6), qu'il n'est, par nature, que folie et ignorance, péché et méchanceté et que cela est tout spécialement vrai d'eux-mêmes.

                    Quand Dieu nous ouvre les yeux, nous voyons qu'auparavant nous étions « sans Dieu (ou mieux athées) dans le monde » (Éphésiens 2 : 12). Par nature, nous n'avions aucune connaissance de Dieu, aucun rapport avec lui. Il est vrai que, lorsque nous avons commencé à faire usage de notre raison, nous avons appris à connaître « les choses invisibles de Dieu, savoir : sa puissance éternelle et sa divinité, qui se voient comme à l’œil, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages » (Romains 1 : 20). De ces choses qu'on voit nous avons conclu à l'existence d'un Être qu'on ne voit pas, et qui est éternel et tout puissant. Mais, tout en reconnaissant son existence, nous n'avions aucun rapport avec lui. C'était comme pour l'empereur de la Chine ; nous savons qu'il y en a un, mais nous ne le connaissons, pas. Ainsi nous savions qu'il y avait un Roi de l'univers, mais nous ne le connaissions pas. Et, à la vérité nous ne pouvions pas le connaître par nos facultés ordinaires ; aucune d'elles ne pouvait nous procurer la connaissance de Dieu. Nous ne pouvions pas davantage l'apercevoir à l'aide de notre intelligence naturelle que nous n'aurions pu le voir avec nos yeux. Car « nul ne connaît le Fils que le Père », et celui à qui cela a été révélé par le Père ; « et nul ne connaît le Père que le Fils, et celui à qui le Fils aura voulu le faire connaître ». (Matthieu 11 : 27 ; 16 : 17)

                    On raconte qu'un roi, dans l'antiquité, voulant découvrir quelle était la langue naturelle des hommes, crut pouvoir arriver à un résultat concluant en faisant l'expérience suivante : Deux enfants qui venaient de naître furent transportés dans un endroit spécialement préparé pour les recevoir, où on les éleva sans leur rien enseigner et sans que jamais ils entendissent une voix humaine. Qu'arriva-t-il ? C'est que, lorsqu'on les retira de cette solitude, ils ne parlaient aucun langage ; ils poussaient seulement des cris inarticulés comme ceux des animaux. Eh bien, si on élevait ainsi deux enfants dès leur naissance, sans leur donner la moindre instruction religieuse, il est, plus que probable qu'à moins d'une intervention de la grâce divine, on obtiendrait un résultat analogue : ils n'auraient point de religion ; ils n'auraient pas plus de connaissance de Dieu que n'en ont les bêtes des champs, que n'en a le poulain de l'âne sauvage. Et c'est là tout ce qui reste de la religion naturelle, si l'on fait abstraction des traditions religieuses et de l'action du Saint-Esprit !

                     Ne connaissant pas Dieu, nous ne pouvons pas L'aimer ; on ne peut aimer quelqu'un qu'on ne connaît pas. Il est vrai que la plupart des hommes parlent d'aimer Dieu, et peut être croient-ils L'aimer ; en tout cas, il y en a peu qui confessent qu'ils ne L'aiment pas. Mais le fait est trop évident pour qu'on puisse le nier : aucun homme n'aime Dieu naturellement, pas plus qu'il n'aime une, pierre ou le sol qu'il foule sous ses pieds. Nous trouvons notre bonheur dans l'objet que nous aimons ; mais aucun homme ne trouve par nature le moindre, bonheur en Dieu. Dans notre état naturel, nous ne pouvons pas même concevoir que quelqu'un y trouve son bonheur ; car pour nous, nous n'y prenons aucun plaisir ; Dieu nous est complètement insipide. Aimer Dieu ! Oh ! c'est bien au delà et bien au-dessus de notre portée. Dans notre état naturel, nous ne saurions y parvenir.

                    Par nature, nous n'avons pas plus de crainte de Dieu que d'amour pour lui. On s'accorde à dire que, tôt ou tard, il se produit chez la majeure partie des hommes une espèce de crainte sotte et irréfléchie ; qui s'appelle de son vrai nom superstition quoique des Épicuriens peu intelligents lui aient donné celui de religion. Mais cette crainte elle-même n'est pas quelque chose de naturel ; on l'acquiert en s'entretenant avec d'autres hommes, ou bien c'est le fruit de leurs exemples. Dans notre état naturel, « nous n'avons pas Dieu dans toutes nos pensées (Psaume 10 : 4 d'après la version anglaise.)  ». Nous le laissons faire ses propres affaires, tranquillement assis dans le ciel (car c'est ainsi que nous nous le figurons), et nous laissant faire les nôtres sur la terre. Ainsi, nous n'avons pas davantage la crainte de Dieu devant nos yeux que nous n'avons son amour dans nos cœurs.

                    C'est dans ce sens que, tous les hommes sont « des athées dans le monde ». Maïs cet athéisme n'empêche pas d'être aussi idolâtre. Dans son état de nature, tout homme qui vient au monde est un idolâtre consommé. Nous ne le sommes peut-être pas au sens vulgaire de ce mot. Nous n'adorons pas, comme les païens idolâtres, des images taillées ou fondues. Nous ne nous prosternons pas devant un tronc d'arbre façonné par nos propres mains. Nous n'invoquons pas les anges ni les saints qui sont dans le ciel, pas plus que ceux qui sont sur la terre. Qu'adorons-nous donc ? Ah ! c'est dans nos cœurs que nous avons érigé nos idoles, devant lesquelles nous nous prosternons et que nous adorons ; nous nous adorons nous-mêmes, quand nous nous attribuons à nous-mêmes l'honneur qui est dû à Dieu seul. Tout orgueil est donc une idolâtrie ; car il consiste à nous attribuer ce qui n'appartient qu'à Dieu. Et bien que Dieu n'ait pas fait l'homme pour l'orgueil, quel est l'homme qui n'est pas né orgueilleux ? Par notre orgueil, nous dérobons au Seigneur ce qui lui revient en vertu d'un droit inaliénable ; nous usurpons sa gloire par notre idolâtrie.

                    Mais l'orgueil n'est pas la seule espèce d'idolâtrie dont nous soyons coupables par nature. Satan a, aussi imprimé sur notre âme un autre trait de son image c'est la volonté charnelle. Avant d'être précipité du ciel, il dit : « Je serai assis sur la montagne de l'assemblée, aux côtés d'Aquilon (Esaïe 14 : 13) ; » ce qui voulait dire : « Je veux faire ma volonté, agir selon mon bon plaisir, sans tenir compte de la volonté de mon Créateur ». Et c'est là ce que dit tout homme venant au monde, et non pas une fois, mais mille ; et il l'avoue sans en rougir, sans éprouver ni honte ni crainte. Demandez-lui : « Pourquoi as tu fait ceci ou cela ? » Il vous répondra : Parce que cela me plaît  » ; ce qui revient à dire. « Parce que c'est ma volonté, parce que le diable et moi nous sommes d'accord, parce que lui et moi nous suivons la même ligne de conduite ». Et, en attendant, la volonté de Dieu n'entre pour rien dans ses pensées ; il ne la consulte aucunement, bien qu'elle soit la loi suprême de toute créature raisonnable dans les cieux ou sur la terre, bien qu'elle soit l'expression des rapports essentiels et immuables qui existent entre toutes ces créatures et leur Créateur.

                    Jusqu'ici nous tenons pied à Satan et nous portons son image. Mais encore un pas, et nous le dépassons, en commettant une idolâtrie dont lui ne se rend pas coupable. Je veux parler de l'amour du monde, aussi naturel à tout homme que d'aimer à faire sa propre volonté. Quoi de plus naturel pour nous que de chercher notre bonheur dans la créature plutôt que dans le Créateur, de chercher dans l'œuvre de ses mains la jouissance qui ne peut se trouver qu'en Lui ? Quoi de plus naturel que « la, convoitise de la chair (1Jean 2 : 16) » , le désir des plaisirs des sens dans leur diversité Sans doute on entend les hommes, surtout ceux qui sont instruits et cultivés, se vanter hautement de mépriser ces plaisirs terre à terre. Ils prétendent ne pas tenir à satisfaire ces penchants qui mettent l'homme au même niveau que la brute qui périt. Mais ce n'est là qu'une prétention vaine ; car tout homme sait parfaitement bien qu'à cet égard il est par nature une vraie brute. Les appétits sensuels, et même les plus bas, ont plus ou moins d'empire sur lui. Il en est l'esclave ; ils l'entraînent et le mènent, en dépit de sa prétendue raison. Malgré toute son éducation, malgré toutes ses belles manières, il ne l'emporte pas sur le bouc lui-même. On pourrait même se demander si ce n'est pas l'animal qui l'emporte sur l'homme. Et il l'emporte en effet, si nous nous en rapportons au, dire d'un des oracles modernes de ce monde :

Uniquement en sa saison
L'animal privé, de raison
Aux plaisirs de l'amour se livre ;
L'homme, de sa raison si fier,
Des convoitises de la chair
Toute l'année, hélas ! s'enivre.

                    Il est vrai qu'à cet égard il y a d'un homme à l'autre beaucoup de différence, ce qui tient (sans parler de l'influence de la grâce), à la différence des tempéraments et de l'éducation. Mais, malgré cela, qui est-ce qui se connaît, assez peu lui-même pour être disposé à jeter la première pierre à son prochain ? Qui est-ce qui est de force à subir sans reproche l'application que Jésus fait du septième commandement : « Quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis l'adultère avec elle dans son cœur (Matthieu 5 : 28)  ». Aussi ne sait-on de quoi il faut s'étonner le plus, si c'est de l'ignorance ou bien de l'impudence de ces hommes qui parlent avec un si grand dédain de leurs semblables, parce qu'ils ont cédé à des désirs que tout homme a ressentis dans son cœur : car le désir des plaisirs sensuels de toute sorte, innocents ou coupables, est naturel à tous les enfants des hommes.

                    Il en est de même de « la convoitise des yeux (1Jean 2 : 16) », du désir des plaisirs que donne l'imagination. Ces plaisirs, on les cherche dans les objets remarquables par leur grandeur, leur beauté ou leur rareté. Mais peut-être les deux premières de ces qualités se confondent-elles avec la dernière ; car, en examinant bien les choses, ou découvrirait probablement que les objets doués de grandeur et ; de beauté cessent de plaire dès qu'ils ne sont plus nouveaux. Dès que la nouveauté en est passée, presque tout le plaisir qu'ils donnaient est aussi passé ; dans la mesure où l'on s'y accoutume, ils deviennent ennuyeux et insipides. Mais on a beau répéter cent fois cette expérience, le désir persiste dans l'âme. Cette soif innée du cœur ne le quitte pas, ou plutôt elle ne fait qu'augmenter, plus on s'efforce de la satisfaire ; elle nous excite à poursuivre de nouveaux objets l'un après l'autre, bien que toujours nous voyions nos espérances avorter et nos illusions s'évanouir.

Malgré les cheveux gris qui recouvrent sa tête,
Ce fou, qui rencontra tant de maux en chemin,
Refuse d'obéir à la voix qui l'arrête.
Son enjeu, le dernier, il le met sur demain !
Mais demain est venu : ce jour aussi s'envole ;
L'oubli, comme un linceul, s'étend pour le couvrir.
Le fou marche toujours dans son espoir frivole,
Jusqu'au jour qui lui dit : « Ce soir il faut mourir ! »

                     Un troisième symptôme de cette maladie fatale, de cet amour du monde qui a des racines si profondes dans notre âme, c'est « l'orgueil de la vie (1Jean 2 : 16) », le désir des louanges, de l'honneur qui vient des hommes. Les plus grands admirateurs de la nature humaine considèrent ce désir, comme tout à fait naturel, tout autant que la vue, l'ouïe ou quelque autre de nos sens physiques. Et en rougissent-ils, notamment les littérateurs, les hommes de goût et de culture ? Bien loin de là : ils en sont fiers ! Ils s'applaudissent d'aimer à être applaudis. Il se trouve même des gens illustres parmi les chrétiens (de nom) qui ne se font pas scrupule d'approuver cette maxime d'un païen vaniteux de l'antiquité : Animi dissoluti est et nequam negligere quid de se homines sentiant. « C'est la marque d'une âme sans principes et méchante que de ne pas faire cas de l'opinion des hommes à notre égard ». Ainsi, lorsqu'un individu demeure calme et impassible dans l'opprobre comme dans l'honneur, au travers de la mauvaise réputation comme dans la bonne, c'est pour ces gens-là la preuve qu'il ne mérite pas de vivre : « Ôte-le du monde ! (Actes 21 : 36) » Qui supposerait qu'ils ont jamais entendu parler de Jésus et de ses apôtres, ou qu'ils savent de qui est cette parole : « Comment pouvez-vous croire, vu que vous aimez à recevoir de la gloire les uns des autres, et que vous ne recherchez point la gloire qui vient de Dieu seul ? (Jean 5 : 44) » Et s'il en est ainsi effectivement, s'il est impossible de croire, impossible par suite de plaire à Dieu, aussi longtemps que l'on attend ou qu'on recherche de la gloire les uns des autres, aussi longtemps qu'on ne recherche pas celle qui vient de Dieu seul, quelle est donc la situation morale de l'humanité entière, des chrétiens comme des païens ? car tous ils cherchent à recevoir de la gloire l'un de l'autre, et c'est pour eux, ils l'avouent, chose aussi naturelle que de voir la lumière qui vient frapper leurs yeux, ou d'entendre les sons qui retentissent à leurs oreilles. Et même, ils considèrent comme la marque d'une âme vertueuse de chercher la gloire qui vient des hommes, et comme le signe d'un esprit pervers qu'on se contente de celle qui vient de Dieu seul !

III

                    Il me reste a, tirer quelques conclusions de ce que nous avons dit. Tout d'abord, nous pouvons y puiser la connaissance d'un trait fondamental qui distingue le christianisme, comme ensemble de doctrines, des formes les moins grossières du paganisme. Beaucoup de païens dans l'antiquité ont décrit de la façon la plus détaillée les vices de certains individus. Ils ont invectivé contre l'avarice, la cruauté, le luxe, la prodigalité de certains hommes. Il s'en est trouvé, pour dire que « nul homme ne naît sans quelques vices, d'une espèce ou d'autre ». Mais nul d'entre eux ne connaissant l'histoire de la chute de l'homme, n'a soupçonné sa complète dépravation. Ils ne savaient pas que tous les hommes sont vides de tout bien et remplis de toute sorte de mal. Ils ignoraient absolument l'entière déchéance de la nature humaine tout entière, de tout homme venant au monde, et dans toutes les facultés de son âme ; cette dépravation qui ne se manifeste pas tant par les vices particuliers à tel ou tel individu, que par le débordement universel de l'athéisme et de l'idolâtrie, de l'orgueil, de la volonté charnelle et de l'amour du monde. Tel est le premier, le grand trait qui distingue le christianisme du paganisme. Ce dernier reconnaît bien que beaucoup d'hommes sont atteints de vices nombreux, et même qu'ils naissent enclins à ces vices ; mais il suppose pourtant qu'il en est d'autres chez qui le bien contrebalance largement le mal. Le christianisme, lui, proclame que tous ont été « conçus dans le péché et formés dans l'iniquité (Psaume 51 : 7) ; » que par suite il y a, en tout homme une « affection de la chair qui est ennemie de Dieu, qui ne se soumet pas à la loi de Dieu et qui ne le peut (Romains 8 : 7) », qui corrompt tellement l'être moral tout entier que « dans sa chair, (c'est-à-dire dans son état naturel), le bien n'habite point en lui (Romains 7 : 18) », mais que « toute l'imagination des pensées de son cœur n'est que mal en tout temps (Genèse 6 : 5)  ».

                    La seconde leçon que nous apprenons ici, c'est que tous ceux qui nient cet état de choses, qu'on l'appelle péché originel ou autrement, ne sont encore que des païens, en ce qui constitue la distinction fondamentale entre le paganisme et le christianisme. Ils accorderont peut-être qu'il y a bien des vices parmi les hommes, que certains vices naissent avec nous, et que, par suite, nous ne naissons pas aussi sages, aussi vertueux qu'on pourrait le désirer. Car, de fait, il y a peu de gens qui iraient jusqu'à dire tout carrément : « Nous naissons avec, autant de penchants pour le bien que pour le mal, et tout homme est, par nature, aussi vertueux et aussi sage qu'Adam l'était quand il fut créé ». Mais voici ce qui servira de Schibboleth (Juges 12 : 6) : L'homme, par nature, est-il plein de toute sorte de mal ? Est-il vide de tout bien ? Est-il entièrement déchu ? Son âme est-elle totalement corrompue ? Ou bien, pour en revenir à mon texte, toute l'imagination des pensées de son cœur n'est-elle que mal en tout temps ? Si vous admettez cela, vous êtes chrétiens sur ce point. Si vous le niez, vous n'êtes encore qu'un païen !

                    En troisième lieu, nous apprenons par ces choses qu'elle est la vraie nature de la religion, de celle de Jésus Christ. C'est la méthode divine pour guérir l'âme qui est atteinte de cette maladie. Voici comment le grand médecin des âmes applique les remèdes qui font disparaître le mal et guérissent la nature humaine, qui s'était corrompue dans toutes ses facultés. Dieu guérit entièrement notre athéisme par la connaissance de lui-même et de Jésus-Christ qu'Il a, envoyé ; en nous donnant la foi, preuve et conviction divines de l'existence de Dieu et des choses de Dieu, en particulier de cette vérité importante « Le Fils de Dieu m'a, aimé et s'est donné pour moi (Galates 2 : 20)  ». Par la repentance et l'humiliation du cœur est guérie la maladie mortelle de l'orgueil ; celle de la volonté charnelle est guérie par la résignation, par une soumission, pleine de candeur et de reconnaissance, à la volonté du Seigneur ; pour l'amour du monde dans toutes ses variétés, c'est l'amour de Dieu qui est le remède souverain. Voilà l'essence de la religion, « la foi agissante par la charité (Galates 5 : 6) », produisant l'humilité sincère et candide, une mort effective au monde et une adhésion aimante et reconnaissante, une parfaite conformité à toute la volonté, à toute la parole de Dieu.

                   Mais si l'homme n'était pas déchu à ce point, tout cela ne serait pas nécessaire. Il n'y aurait pas lieu de faire cette œuvre dans son cœur, de renouveler ainsi son âme. Excès de piété, serait alors une expression bien plus juste que celle d' « excès de malice (Jacques 1 : 21)  ». Une religion tout extérieure et sans aucune piété suffirait pour s'acquitter de ce qui serait strictement raisonnable. Aussi bien cela suffit-il aux yeux de tous les hommes qui nient la corruption de notre nature. Ils ne font guère plus de cas de la religion que le fameux Hobbes n'en faisait de la raison. D'après lui, la raison ne serait qu' « un bel enchaînement de mots ». Et, d'après eux, la religion ne serait, elle aussi, qu'un bel enchaînement de mots et d'actes. En cela ils sont conséquents ; car si le dedans n'est point rempli de méchanceté, s'il est déjà net, que reste-t-il à faire si ce n'est de « nettoyer le dehors de la coupe ? (Matthieu 23 : 25) ». Si leur hypothèse est fondée, une réforme extérieure est la seule chose nécessaire.

                    Mais ce n'est pas ainsi que vous avez appris les oracles de Dieu. Vous savez que celui qui voit ce qui est en l'homme a décrit tout autrement la nature et la grâce, notre chute et notre relèvement. Vous savez que le grand but que se propose la religion ; c'est de renouveler nos cœurs à l'image de Dieu ; c'est de réparer la perte absolue de toute justice, de toute vraie sainteté qui a été pour nous la conséquence du péché de notre ancêtre Adam. Vous savez que toute religion qui n'atteint pas ce but, qui n'arrive pas à changer notre âme en lui rendant la ressemblance divine, l'image de son Créateur, n'est qu'une lamentable comédie ; c'est tout simplement se moquer de Dieu et perdre sa propre, âme. Fuyez donc ces docteurs de mensonges qui voudraient vous faire accepter cela pour le christianisme. Ne les écoutez pas, lors même s'ils viennent à vous « avec toutes les séductions de l'iniquité (1Thessaloniciens 2 : 10) », avec un langage parfaitement agréable, parfaitement convenable. avec de belles phrases bien élégantes, avec toutes sortes de professions de zèle pour vos intérêts et ; de respect pour les Saintes Écritures. Tenez-vous en à la simple foi du temps passé, à celle qui « a été donnée une fois aux saints (Jude 1 : 3) », à cette que l'Esprit de Dieu a donnée à votre âme. Reconnaissez votre mal et reconnaissez-en le remède. Vous êtes nés dans le péché ; il faut donc que vous naissiez de nouveau, que vous naissiez de Dieu (Jean 3 : 3 ; 1 : 13). Par nature vous êtes totalement corrompus ; il faut que vous soyez totalement renouvelés par la grâce. Vous êtes tous morts en Adam ; tous vous revivrez en Jésus-Christ, le nouvel Adam. « Vous étiez morts dans vos fautes et dans vos péchés  » ; mais « Il vous a vivifiés (Éphésie 2 : 1,5) ; » Il vous a communiqué le principe de la vie, la foi en Celui qui vous a aimés et s'est donné pour vous. Allez donc maintenant « de foi en foi (Romains 1 : 17) », jusqu'à ce qu'en vous tout mal soit guéri, jusqu'à ce que vous « ayez les mêmes sentiments que Jésus-Christ a eus ! (Philippiens 2 : 5) »



vendredi 22 juillet 2016

(10) LES SERMONS DE WESLEY LE CHEMIN DU SALUT D’APRÈS LA BIBLE

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

 Sermon 42  LE CHEMIN DU SALUT D’APRÈS LA BIBLE

Ephésiens 2,8  (1765)

Vous êtes sauvés par la foi

                    Rien de plus embrouillé, rien de plus abstrait, de moins intelligible que la religion telle qu'on l'a souvent représentée ! Et ceci est vrai, non seulement de la religion des païens décrite par ses organes les plus sages, mais encore de celle de gens qui, jusqu'à un certain point, étaient des chrétiens, qui même ont eu de la célébrité dans la chrétienté et semblaient être les colonnes du christianisme. Et pourtant, qu'elle est simple et facile à comprendre, la vraie religion de Jésus-Christ ! A condition toutefois qu'on la cherche là où elle apparaît sous ses formes primitives, dans les oracles divins. Celui dont la sagesse a créé et régit l'univers, a soigneusement. adapté cette religion aux ressources limitées de l'intelligence humaine, telle que nous la connaissons, dans son état de déchéance. Ce fait apparaît clairement dès qu'on considère, d'un côté, le but qu'elle se propose et de l'autre, les moyens qu'elle emploie pour arriver à ce but. Ce but, c'est pour tout dire en un mot, le salut ; le moyen d'y parvenir, c'est la foi

                    On peut voir du premier coup d’œil que ces deux petits mots : Salut et Foi, résument toute la Bible et contiennent, en quelque sorte, la moelle de toutes les Écritures. Il nous importe d'autant plus de nous préserver de toute erreur à leur sujet, et de nous faire une idée juste et complète du sens de l'un et de l'autre.

                     Appliquons-nous donc à rechercher ce que c'est que le salut, quelle est la foi par le moyen de laquelle nous sommes sauvés, et enfin de quelle façon elle nous sauve.

I

                     Nous rechercherons, en premier lieu, ce que c'est que le salut. Celui dont il s'agit dans le texte, n'est pas ce qu'on a souvent désigné par ce mot ; c'est-à-dire l'entrée de l'âme dans le ciel, dans le bonheur éternel. Ce n'est pas la possession de ce paradis que notre Seigneur appela « le sein d'Abraham (Luc 16 : 22)  ». Ce n'est pas une bénédiction qui se reçoive de l'autre côté du tombeau ou, comme on dit vulgairement, dans l'autre monde. Les termes eux-mêmes de notre texte décident irrévocablement la question : « Vous êtes sauvés ». La chose n'est pas dans l'avenir ; c'est quelque chose d'actuel ; c'est une grâce, que la miséricorde gratuite du Seigneur nous accorde dès à présent. Il y a plus ; on eût pu traduire avec tout autant de raison : « Vous avez été, sauvés ». Ainsi le salut dont il s'agit ici comprendrait l'œuvre de Dieu tout entière, depuis l'apparition des premiers rayons de la grâce dans l'âme humaine jusqu'à son plein couronnement dans la gloire.

                    Si nous considérons cette œuvre dans toute son étendue, nous prendrons pour point de départ les opérations de ce qu'on a souvent nommé la conscience naturelle, mais qu'on appelle avec plus de raison la grâce prévenante ; ce sont ces attraits du Père, ces aspirations après  Dieu qui, si nous y obéissons, iront toujours croissant ; c'est cette lumière dont le Fils de Dieu « éclaire tout homme qui vient au monde (Jean 1 : 9) », et qui lui enseigne à « faire ce qui est droit, à aimer la miséricorde et à marcher dans l'humilité avec son Dieu (Michée 6 : 8) ; » ce sont enfin toutes les convictions que, de temps à autre, le Saint-Esprit : produit dans le cœur des hommes. Sans doute la plupart se hâtent de les étouffer ; et, peu à peu, ils finissent par oublier, ou tout au moins par nier, qu'elles se soient jamais produites chez eux.

                     Mais tenons-nous en au salut dont parle ici tout spécialement l'apôtre Paul. Ce salut peut se décomposer d'une manière générale en justification et sanctification.

                    Justification est synonyme de pardon. C'est la rémission de tous nos péchés et notre réconciliation avec Dieu ; car ces deux grâces sont nécessairement enchaînées l'une à l'autre. Le prix auquel elles nous ont été acquises, ce qu'on nomme communément la cause méritoire de notre justification, c'est le sang et la justice de Christ, ou, pour parler plus clairement, tout ce que Jésus a fait et a souffert pour nous jusqu'au moment où il « livra son âme (Esaïe 53 : 12) » pour les pécheurs. Les résultats immédiats de la justification sont la paix de Dieu, cette « paix qui surpasse toute intelligence (Philippiens 4 : 7) » et cette « joie ineffable et glorieuse (1Pierre 1 : 8) », par laquelle « nous nous glorifions dans l'espérance de la gloire de Dieu (Romains 5 : 2)  ».

                     Lorsque nous sommes justifiés et, à vrai dire, dès le moment où nous le sommes, notre sanctification commence. Car alors nous naissons « de nouveau, d'en haut, de l'Esprit (Jean 3 : 3,5)  ». Il s'opère donc un changement réel aussi bien qu'un changement relatif. La puissance de Dieu nous régénère intérieurement. Nous sentons que « l'amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné (Romains 5 : 5) », et qu'il y fait naître de l'affection pour tous les hommes, surtout pour les enfants du Seigneur. Cet amour exclut de notre âme l'amour du monde, l'amour des plaisirs, de la mollesse, des honneurs, de l'argent ; et il en bannit également l'orgueil, la colère, la volonté charnelle et autres vices. En un mot, il convertit notre caractère « terrestre, sensuel et diabolique (Jacques 3 : 15) », en ces « sentiments que Jésus- Christ a eus (Philippiens 2 : 5)  ».

                     Qu'il paraît naturel à ceux chez qui se produit cette transformation, de supposer que tout péché a disparu de leur cœur, qu'il en a été complètement déraciné, qu'il ne s'y trouve plus ! Comme on fait volontiers alors ce raisonnement : « Je ne sens pas de péché en moi ; j'en suis donc exempt ! » Ce qui revient à dire : Il ne bouge pas, conséquemment il n'existe pas ; il est immobile, donc il est mort.

                     Mais on ne tarde guère à se désillusionner sur ce point ; on apprend bientôt que le péché n'était pas détruit, mais seulement suspendu en nous. La tentation revient et le péché revit, montrant par là qu'il n'était pas mort, mais uniquement engourdi. Alors on trouve en soi ces deux principes qui sont directement opposés l'un à l'autre, « la chair qui a des désirs contraires à ceux de l'Esprit (Galates 5 : 17) », la nature humaine résistant à la grâce divine. Ceux en qui cela se passe ne sauraient nier que, tout en possédant la même foi en Christ, le même amour pour Dieu, tout en éprouvant encore que « l'Esprit rend témoignage à leur esprit qu'ils sont enfants de Dieu (Romains 8 : 16) », ils ne ressentent aussi en eux-mêmes, tantôt de l'orgueil, tantôt de la volonté charnelle, ou bien de la colère ou de l'incrédulité. Ils sentent fréquemment l'un ou l'autre de ces penchants se remuer dans leur cœur, sans y gagner le dessus toutefois ; ces ennemis cachés les « poussent rudement pour les faire tomber ; mais l'Éternel les secourt (Psaume 118 : 13)  ».

                    Avec quelle exactitude. Macaire (Saint Macaire, moine de la Thébaïde, mort vers 390.) décrivait, il y a quatorze siècles, ce qu'éprouvent les enfants de Dieu de nos jours ! « Les gens sans capacité (ou sans expérience) s'imaginent, dès que la grâce vient à opérer en eux, qu'ils sont sans péché. Mais les hommes qui sont plus avancés doivent avouer que nous6mêmes qui possédons la grâce divine, pouvons être assaillis par le mal. Car il est souvent arrivé parmi nous que des frères ont reçu une grâce si grande qu'ils affirmaient avoir été délivrés de tout péché. Cependant, au moment où ils s'en croyaient tout à fait affranchis, le mal qui sommeillait dans leurs cœurs s'est réveillé, et il s'en est peu fallu qu'ils n'aient été consumés ».

                     A partir de l'heure où nous naissons de nouveau, l'œuvre graduelle de notre sanctification s'accomplit. Nous apprenons « à mortifier (ou faire mourir) par l'Esprit les œuvres du corps (Romains 8 : 12) », les œuvres de notre mauvaise nature. Et mourant de plus en plus au péché, de plus en plus nous devenons vivants à Dieu. Nous marchons de grâce en grâce, ayant toujours soin de « nous abstenir de tout ce qui a quelque apparence de mal (1Thessaloniciens 6 : 22) », d'être « zélés pour les bonnes œuvres (Tite 2 : 14) », et de faire du bien à tous les hommes, selon que nous en avons l'occasion ; persévérant aussi dans les ordonnances de Dieu d'une façon irréprochable et l'adorant en esprit en en vérité ; et enfin, nous chargeant de notre croix et nous privant de tout plaisir qui ne nous ramène pas à Dieu.

                    C'est dans ces dispositions que nous attendons une entière sanctification, une délivrance complète de tous nos péchés, de l'orgueil, de la volonté charnelle, de la colère, de l'incrédulité ; c'est ainsi que, pour emprunter le langage de saint Paul, nous « tendons à la perfection (Hébreux 6 : 1) ». Mais qu'est-ce donc que la perfection ? Ce mot a plusieurs sens distincts ; ici il veut dire amour parfait. C'est un amour qui bannit le péché, qui remplit le cœur, qui absorbe toute l'âme. C'est cet amour qui « est toujours joyeux, prie sans cesse et rend grâces à Dieu en toutes choses (1Thessaloniciens 5 : 16-18)  ».

II

                   Mais quelle est la foi qui nous procure ce salut ? tel est le second point que nous désirons examiner.

                    L'apôtre Paul définit la foi d'une manière générale en ces termes :  « une démonstration (ou conviction, car le mot grec peut se traduire de ces deux manières), une démonstration et une conviction divines des choses invisibles (Hébreux 11 : 1) », de celles que nous n'apercevons ni de nos yeux, ni par quelque autre de nos sens physiques. Dans la foi se trouvent donc réunies, d'un côté une démonstration surnaturelle de l'existence de Dieu et des choses qui se rapportent à lui, démonstration qui est pour l'âme une lumière spirituelle, et de l'autre une perception surnaturelle de cette démonstration, une vision surnaturelle de cette lumière. Aussi la parole de Dieu nous montre t-elle le Seigneur donnant d'abord la lumière, puis le pouvoir de la discerner. Saint Paul parle ainsi : « Dieu, qui a dit que la lumière sortit des ténèbres, a répandu sa lumière dans nos cœurs, afin que nous éclairions (ou soyons éclairés) par la connaissance de Dieu en présence de Jésus-Christ (2Corinthiens 4 : 6)  ». Et ailleurs : « Qu'il éclaire les yeux de votre esprit (Éphésiens 1 : 18)  ». Cette double opération du Saint-Esprit, qui ouvre nos yeux et les illumine, nous rend capables d'apercevoir « les choses que l’œil (de la chair) n'a point vues, ni l'oreille entendues (1Corinthiens 2 : 9)  ». Alors nous découvrons les choses invisibles de Dieu, ce monde spirituel qui nous environne, et que pourtant nos sens physiques et nos facultés naturelles ne discernent pas davantage que s'il n'existait point. Nous voyons alors le monde éternel apparaître à travers le voile qui sépare le temps de l'éternité. Les nuées et l'obscurité ne l'enveloppent plus pour nous ; déjà nous contemplons la gloire qui doit être un jour manifestée.

                     Mais si nous nous attachons au sens spécial du mot foi, nous définirons la foi : une démonstration et une conviction divines que, non seulement « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec soi (2Corinthiens 5 : 19) », mais encore que « le Fils de Dieu m'a aimé et s'est donné soi-même pour moi (Galates 2 : 20)  ». C'est par la foi (appelez cet acte l'essence de la foi ou l'une de ces applications, peu importe), c'est par la foi que nous recevons Jésus, que nous le recevons dans toutes ses fonctions, comme prophète, comme sacrificateur et comme roi. C'est par elle qu'il « nous est fait, de la part de Dieu, sagesse, justice, sanctification et rédemption (1Corinthiens 1 : 30) .

                     — « Mais, dira quelqu'un, est-ce là la, foi d'assurance ou la foi d'adhésion ? » Ces distinctions n'existent pas dans l’Écriture Sainte. Saint Paul dit au contraire : « Il y a une seule foi, comme vous êtes appelés à une seule espérance par votre vocation  » ; il y a une seule foi chrétienne et salutaire, comme « il y a un seul Seigneur », en qui nous croyons, et « un seul Dieu et Père de tous (Éphésien 4 : 4-6)  ». Il est bien vrai que la foi suppose une assurance (ou démonstration, ce qui revient au même) que « le Fils de Dieu m'a aimé et s'est donné soi-même pour moi ». Car « celui qui croit (d'une foi véritable et aimante) a le témoignage en lui-même (1Jean 5 : 10) ; » « l'Esprit rend témoignage à son esprit qu'il est enfant de Dieu  » ; et, en lui donnant cette assurance, il lui inspire aussi une confiance filiale en Dieu. Mais, ne l'oublions pas, il est dans la nature même des choses que l'assurance précède cette confiance. Personne, en effet, ne saurait avoir en Dieu une confiance filiale s'il ne se sent déjà enfant de Dieu. Aussi la confiance, sous tous les noms qu'on voudra lui donner, n'est pas la première branche, le premier acte de la foi, comme quelques-uns le croient, mais seulement le second.

                    C'est par cette foi que nous sommes sauvés, justifiés et sanctifiés ; sauvés dans le sens le plus élevé de ce mot. Mais de quelle façon la foi nous justifie-t-elle, nous sanctifie t-elle ? telle est la troisième question à laquelle nous avons à répondre. Et attendu que c'est là le côté le plus important de notre sujet, il convient que nous lui accordions un examen plus spécial et plus complet.

III

                      Et d'abord, comment sommes-nous justifiés par la foi ? Quel sens faut-il attacher à cette expression ? Je réponds : « Celui-ci : que la foi est la condition, l'unique condition. Nul autre que le croyant n'est justifié ; sans la foi aucun homme ne reçoit cette grâce, mais c'est aussi l'unique condition, car la foi suffit, à elle seule, pour le justifié. Quiconque croit est justifié, quelles que soient les autres qualités qu'il possède ou ne possède pas. En d'autres termes, personne n'est justifié avant d'avoir cru, et tout homme qui croit est justifié dès le moment où il croit ».

                      — « Mais, dira quelqu'un, Dieu ne nous a-t-il pas aussi commandé de nous repentir, et même de « faire des fruits convenables à la repentance ? (Matthieu 3 : 8) » Par exemple, de cesser de mal faire et d'apprendre à bien faire ? Et n'est-il pas essentiel que nous fassions ces deux choses qu'il nous commande, si essentiel que, si nous négligeons volontairement soit de nous repentir, soit de porter des fruits de repentance, nous n'avons aucune raison de compter sur notre justification ? S'il en est ainsi, pourquoi dire que la foi est la seule condition de justification ? »

                     II est très certain, en effet, que Dieu nous commande et de nous repentir et de porter des fruits convenables à la repentance ; il est tout aussi évident que, si nous négligeons volontairement d'obéir à ces deux commandements, nous n'avons pas le droit de nous attendre à être justifiés ; d'où il suit que, jusqu'à un certain point et dans un certain sens, la repentance et les fruits de repentance sont nécessaires pour la justification. Mais ils ne le sont ni dans le même sens, ni au même degré que la foi. Ce n'est pas au même degré, car ces fruits ne sont exigés que conditionnellement, c'est-à-dire si le temps et l'occasion ont permis de les porter. Quand ces deux conditions font défaut, on peut être justifié sans cela, comme le fut le brigand sur la croix, (je ne sais si nous devrions dire le brigand, attendu qu'un écrivain de nos jours a découvert que c'était un personnage honnête et respectable.) Mais, dans aucun cas, on ne saurait être justifié sans la foi ; c'est une chose impossible. D'un autre côté, un homme pourrait montrer un repentir absolu et porter des fruits innombrables de repentance, tout cela ne servirait à rien ; tant qu'il ne croit pas, il n'est pas justifié. Mais du moment où il croit, il l'est, avec ou sans ses fruits, et même avec un degré plus ou moins grand de repentance. Ce n'est pas non plus dans le même sens que la foi et la repentance avec ses fruits sont nécessaires ; car le repentir et les œuvres qui s'y rattachent ne sont indispensables qu'accessoirement et pour conduire à la foi, tandis que celle-ci est nécessaire d'une façon directe et immédiate. La conclusion de tout ceci est donc que la foi est la seule condition immédiate et absolue de la justification.

                     -- « Mais, ajoutera-t-on, croyez-vous aussi que l'on soit sanctifié par la foi ? Nous savons que vous croyez à la justification par la foi ; mais ne croyez-vous pas à la sanctification par les œuvres, et ne la prêchez-vous pas ? » Telle est l'accusation que ; depuis vingt-cinq ans, on lance contre moi avec assurance, avec violence même. Cependant, j'ai toujours prêché une doctrine diamétralement opposée, et je l'ai fait sur tous les tons. J'ai sans cesse déclaré, soit en public, soit en particulier, que la foi nous sanctifie comme elle nous justifie. Et, à vrai dire, l'une de ces grandes doctrines jette un jour merveilleux sur l'autre. Tout comme on est justifié par le moyen de la foi, on est aussi sanctifié par son moyen. Dans le second cas, comme dans le premier, elle est la condition, l'unique condition. Elle est la condition, parce que nul autre que le croyant n'est sanctifié, parce que sans la foi on ne saurait obtenir la sanctification. Elle est l'unique condition, parce qu'à elle seule elle suffit pour que nous soyons sanctifiés. Quiconque croit est sanctifié, quelles que soient les autres qualités qu'il possède ou qui lui manquent. En d'autres termes, personne n'est sanctifié avant d'avoir cru ; tout homme qui croit est sanctifié dès l'instant où il croit.

                      — « Mais n'y a-t-il pas une repentance qui suit la justification, comme il y en a une qui là précède ? Et le devoir d'être « zélés pour les bonnes œuvres » n'est-il pas imposé à tous ceux qui ont obtenu le pardon ? » Les bonnes œuvres ne sont elles pas même si importantes que l'homme qui les négligerait volontairement n'aurait pas le droit de s'attendre à être jamais sanctifié dans toute l'étendue de ce mot ; c'est-à-dire perfectionné dans l'amour ? Il y a plus : pourrait-il même croître en grâce et dans la connaissance et l'amour, de notre Seigneur Jésus-Christ, ou même conserver les grâces qu'il a précédemment reçues de Dieu ? Peut-il persévérer sans cela dans la foi, ou conserver la faveur de Dieu ? N'est-ce pas là ce que vous admettez ; ce que vous affirmez constamment ? Mais s'il en est ainsi, comment ; pouvez-vous dire que la foi est la seule condition de la sanctification ?

                     Oui, sans doute, c'est là ce que j'admets et ce que j'affirme constamment comme étant la vérité divine. J'admets qu'il y a une repentance qui suit la justification, comme il y en a une qui la précède. J'admets que tous ceux qui ont été justifiés sont tenus d'être zélés pour les bonnes œuvres, et que celles-ci sont si nécessaires que l'homme qui les négligerait volontairement n'aurait plus le droit de s'attendre à être sanctifié. Je crois qu'il ne pourrait croître en grâce, croître à l'image de Dieu et dans les sentiments qui étaient en Jésus. J'admets même que, sans elles, il ne saurait conserver les grâces déjà reçues, ou persévérer dans la foi, ou demeurer dans la faveur de Dieu.

                     Mais que devons-nous conclure de cela, sinon que la repentance bien comprise, et la pratique de toutes les bonnes œuvres, soit œuvres de piété, soit œuvres de charité, (œuvres qu'on peut appeler bonnes, puisqu'elles découlent de la foi), sont l'une et l'autre, dans un certain sens, nécessaires pour notre sanctification ?

                    J'ai dit : la repentance bien comprise. C'est qu'il ne faudrait pas confondre cette repentance-ci avec la première. Celle qui suit la justification diffère considérablement de celle qui la précède ; car elle n'apporte à l'âme ni remords, ni sentiments de condamnation, ni appréhension de la colère de Dieu ; elle ne suppose pas nécessairement de doute quant à la faveur divine, ou cette « crainte qui est accompagnée de peine (1Jean 4 : 18)  ». C'est, à proprement parler, une conviction qu'opère en nous le Saint-Esprit, relativement au péché qui existe encore dans notre cœur, relativement à cette inclination charnelle qui, pour emprunter le langage de notre Église (L'Église anglicane.), « subsiste encore, même chez ceux qui sont régénérés », bien qu'elle n'y règne pas, bien qu'elle n'y ait plus de domination. La seconde repentance est une conviction intime de notre inclination naturelle au mal, de l'existence en nous d'un cœur prompt à se détourner de Dieu, et de cette disposition constante de la chair à s'opposer à l'esprit. A moins que nous ne veillons et ne prions sans cesse, ce cœur mauvais nous porte tantôt à l'orgueil, tantôt à la colère, tantôt encore à l'amour du monde, de la mollesse, ou des honneurs, ou à aimer les plaisirs plus que Dieu. Cette repentance est enfin la conviction que notre cœur est enclin à la rébellion, à l'athéisme, à l'idolâtrie, mais surtout à l'incrédulité qui, à chaque moment, de mille manières et sous mille prétextes divers, nous fait plus ou moins abandonner le Dieu vivant.

                    A cette conviction qu'il reste du péché dans nos cœurs, se joint une conviction non moins profonde qu'il en reste aussi dans notre conduite et que toutes nos actions, toutes nos paroles en sont entachées. Nous arrivons ainsi à démêler dans les meilleures de ces paroles, de ces actions, un alliage de mal ; c'est tantôt dans nos dispositions, tantôt dans notre intention, tantôt enfin dans l'exécution elle-même que se manifeste ce mal, ce quelque chose qui ne pourrait trouver grâce devant la justice divine, « si Dieu prenait garde (regardait rigoureusement) aux iniquités (Psaume 130 : 3)  ». Là où nous y aurions le moins songé, nous découvrons l'empreinte funeste de l'orgueil ou de la volonté charnelle, de l'incrédulité ou de l'idolâtrie. Aussi advient-il alors que nous rougissons davantage de nos meilleures œuvres, que nous ne faisions jadis de nos péchés les plus grossiers. Bien loin de croire que ces œuvres possèdent quelque mérite, bien loin même de les regarder comme pouvant trouver grâce devant la justice divine, nous sentons que, n'était le sang de l'alliance, elles ne feraient qu'ajouter à notre condamnation devant le Seigneur.

                    L'expérience démontre qu'outre cette conviction, relative au péché qui reste encore dans notre cœur et s'attache à toutes nos paroles ; à tous nos actes ; outre le sentiment que nous serions frappés de condamnation si nous n'avions continuellement recours à l'aspersion du sang expiatoire, il entre encore un élément dans cette repentance : c'est la conviction de notre, impuissance, de l'incapacité absolue où nous nous trouvons de penser une bonne pensée, de concevoir un bon désir, à plus forte raison de prononcer une bonne parole ou d'accomplir une bonne œuvre, à moins que la grâce toute-puissante de Dieu ne nous y dispose tout d'abord, et ne nous soutienne ensuite jusqu'au bout.

                    — « Mais quelles sont donc les bonnes œuvres dont la pratique vous semble nécessaire pour notre sanctification ? » En premier lieu, il y a les œuvres de piété ; par exemple, la prière en public, en famille et en secret, la participation à la Cène du Seigneur, l'étude des Écritures qui consiste à les entendre expliquer, à les lire et à les méditer, et l'emploi du jeûne et des abstinences, dans la mesure où le permet notre santé.

                      En second lieu viennent les œuvres de miséricorde, tant celles qui s'adressent au corps que celles qui ont en vue l'âme de nos semblables. A la première classe de ces œuvres appartiennent le soulagement des affamés et de ceux qui sont nus, l'hospitalité accordée aux étrangers et la visite des prisonniers ; des malades et de ceux qui sont affligés par diverses épreuves. A la seconde se rattachent les efforts faits pour instruire les ignorants, pour réveiller les pécheurs indifférents, pour stimuler les âmes tièdes, pour affermir ceux qui chancellent, pour encourager ceux qui se laissent abattre, pour secourir ceux qui sont tentés, enfin pour aider d'une façon quelconque à arracher des âmes à la mort éternelle. Telle est la repentance, tels sont les fruits de repentance qui sont nécessaires pour notre sanctification entière. Tel est le chemin où Dieu veut que ses enfants marchent pour arriver au salut parfait.

                     Tout ceci sert bien à montrer le caractère funeste de cette opinion, si inoffensive en apparence, qu'il ne reste pas de péché en celui qui a cru, que tout péché a été détruit depuis la racine jusqu'aux rameaux, dès le moment où il a été justifié. Cette doctrine, dispensant le croyant de la seconde repentance, lui ferme l'accès de la grâce de la sanctification ; car il n'y a pas lieu de se repentir quand on croit son cœur et sa conduite également exempts de péché, et il n'y a pas davantage lieu de se perfectionner dans l'amour, puisque la repentance est essentielle, indispensable en vue de ce perfectionnement.

                    De ce que nous avons dit on peut également tirer cette conclusion, qu'il ne saurait y avoir le moindre danger à attendre le salut parfait dans ces dispositions. A supposer que cette grâce n'ait jamais été reçue ou ne puisse s'obtenir, on ne perdrait pourtant rien à agir ainsi. Car le simple fait que nous attendons cette grâce nous excite à faire valoir tous les talents que Dieu nous a confiés, à les mettre tous à profit et de telle sorte que, lorsque notre Maître viendra, il puisse « retirer ce qui est à lui avec l'intérêt (Matthieu 25 : 27)  ».

                     Mais reprenons notre sujet. Bien que nous admettions que cette seconde repentance et ses fruits sont nécessaires pour le salut parfait, nous maintenons cependant que ce n'est ni dans le même sens, ni au même degré que la foi. Ce n'est pas au même degré ; car ces fruits ne sont exigés que conditionnellement ; c'est-à-dire en supposant qu'on en trouve le temps et l'occasion. Mais on ne saurait aucunement être sanctifié sans la foi. On aurait beau fournir une repentance aussi complète que l'on voudra la supposer, ou des fruits aussi abondants que possible, cela ne change rien à la chose ; on n'est sanctifié que lorsqu'on croit. Mais dès le moment où l'on croit, on est sanctifié, que l'on ait d'ailleurs porté ces fruits ou non. Ce n'est pas non plus dans le même sens ; car cette repentance et ces fruits ne sont nécessaires qu'accessoirement, pour l'entretien et l'accroissement de la foi, tandis que celle-ci est nécessaire d'une manière directe et absolue. D'où il suit que la foi est la seule condition directe et immédiate de la sanctification.

                     — « Mais quelle est la foi spéciale, par le moyen de laquelle nous sommes sanctifiés, délivrés du péché et perfectionnés dans l'amour ? » C'est, une démonstration et une conviction divines des vérités suivantes. Premièrement, que Dieu l'a promise dans sa sainte parole. Impossible d'avancer d'un seul pas, tant que nous ne sommes pas convaincus de cela. Mars il me semble qu'il devrait suffire, pour assurer de ce fait un homme raisonnable, de cette promesse si ancienne : « l’Éternel ton Dieu circoncira ton cœur et le cœur de ta postérité, afin que tu aimes l’Éternel ton Dieu de tout toit cœur et de toute ton âme (Deutéronome 30 : 6)  ». Avec quelle clarté ces paroles expriment le perfectionnement de l'amour ! Avec quelle énergie elles indiquent la délivrance complète du péché ! En effet, aussi longtemps que le cœur est tout rempli d'amour, quelle place le péché y trouverait-il ?

                    C'est, en second lieu, la démonstration et la conviction divines de cette vérité que le Seigneur peut faire ce qu'Il a promis. Bien que nous croyons que c'est une rouvre « impossible quant aux hommes (Marc 10 : 27) » « de tirer une chose nette de ce qui est souillé (Job 14 : 4) », de purifier le cœur de tout péché et de le remplir de toute sainteté, cela ne doit pas nous embarrasser, puisque « toutes choses sont possibles à Dieu (Marc 10 : 27)  ». Et à coup sûr personne n'irait supposer que cette œuvre pût s'accomplir autrement que par la puissance du Tout-Puissant ! Mais que Dieu parle et la chose se fera « Dieu dit : Que la lumière soit ! et la lumière fut (Genèse 1 : 3)  ».

                     C'est, en troisième lieu, la démonstration et la conviction divines de cette vérité qu'il peut et veut le faire maintenant. Et pourquoi pas maintenant ? Un moment n'est-il pas pour lui comme mille ans ? Il ne lui faut pas plus de temps que cela pour accomplir ce qu'Il veut accomplir. Il n'a pas non plus besoin d'attendre que les personnes qu'Il veut bénir soient plus dignes de sa bénédiction ou mieux préparées. Nous pouvons donc, à quelque instant que ce soit, dire hardiment : « Voici maintenant le jour du salut ! (2Corinthiens 6 : 2) ». « Si aujourd'hui vous entendez sa voix, n'endurcissez pas votre cœur (Psaume 95 : 8)  ». « Tout est prêt ; venez aux noces (Matthieu 22 : 4)  ».

                     A cette persuasion, que Dieu peut et veut nous sanctifier maintenant, il faut ajouter une chose de plus, savoir une certitude et une conviction célestes que Dieu le fait immédiatement. Et dans l'instant même il en est ainsi. Dieu dit à l'âme : « Qu'il te soit fait selon ta foi ! (Matthieu 9 : 29) » Aussitôt l'âme est lavée de toutes les taches du péché, purifiée de toute iniquité. Alors le croyant sent toute la profondeur de ces paroles solennelles : « Si nous marchons dans la lumière, comme Il est lui-même dans la lumière, nous avons une communion mutuelle, et le sang de son Fils Jésus-Christ nous purifie de tout péché (1Jean 1 : 7)  ».

                    — « Mais est-ce graduellement ou bien instantanément que Dieu accomplit dans l'âme cette grande œuvre ? » Peut-être est-il des personnes en qui elle s'accomplit graduellement, en ce sens du moins qu'elles ne savent pas le moment précis où le péché cesse d'exister en elles. Mais il est infiniment préférable, si Dieu le veut ainsi, que ce soit fait en un instant, que le Seigneur détruise le mal « par le souffle de sa bouche (2Thessaloniciens 2 : 8) », en un moment, en un clin-d’œil. Et c'est là ce qu'Il fait en général ; la chose est assez évidente pour que tout homme qui n'est pas prévenu puisse s'en convaincre.

                     Toi donc, âme qui attends cette délivrance, attends-la de moment en moment. Attends-la de la manière que nous indiquions tout à l'heure, c'est-à-dire en accomplissant ces « bonnes œuvres pour lesquelles tu as été créée de nouveau en Jésus-Christ (Ephésiens 2 : 10)  ». Alors vous ne courrez aucun risque ; si vous ne gagnez rien à vivre dans cette attente, au moins n'y perdrez-vous rien. Car à supposer que votre espérance fût déçue, vous n'auriez rien perdu à cause d'elle. Mais votre espérance ne sera point déçue : « Il viendra assurément et il ne tardera point (Hébreux 10 : 37)  ». Attendez donc cette grâce chaque jour, à chaque heure, à chaque instant. Et pourquoi pas dans cette heure-ci, dans ce moment ? A coup sûr, si vous croyez que c'est par la foi, vous pouvez l'attendre maintenant. Et c'est à ceci que vous reconnaîtrez si vous la cherchez par la foi ou si c'est par les œuvres. Si c'est par les œuvres, vous voulez faire quelque chose d'abord, avant d'être entièrement sanctifié. Vous vous dites :

                    « Il faut que je devienne ceci, ou que je fasse cela auparavant ». S'il en est ainsi, sachez que jusqu'à ce jour vous cherchez cette, grâce par vos œuvres. Si, au contraire, c'est par la foi, alors vous devez l'attendre tel que vous êtes et par conséquent l'attendre maintenant. Il importe que vous remarquiez le rapport intime qui existe entre ces trois choses : attendez-la par la foi ; attendez-la tel que vous êtes ; attendez-la maintenant. En rejeter une, c'est les rejeter toutes les trois ; en admettre une, c'est les admettre toutes. Croyez-vous que c'est par la foi qu'on est sanctifié ? Soyez donc fidèle à votre principe, et cherchez cette grâce tel que vous êtes, sans prétendre vous améliorer, comme un pauvre pécheur qui n'a d'autre rançon, d'autre plaidoyer que la mort de Christ. Et si c'est tel que vous êtes que vous voulez l'attendre, attendez-la donc maintenant. Pourquoi tarderiez-vous davantage ? Rien ne vous y oblige ; Jésus est prêt, et c'est Lui qui doit être tout pour vous. Il vous attend : il se tient à la porte ! Oh ! que votre âme lui dise avec transport :

Entre chez moi, Jésus, hôte divin,
Et pour toujours dans ma demeure ;
Et pour banquet donne-moi d'heure en heure
Ton amour sans bornes, sans fin !