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Sermon 44 : LE PÉCHÉ ORIGINEL
Genèse
6,5 (1759)
Et
l’Éternel vit que la malice des hommes étaient grande sur la
terre, et que toute l'imagination des pensées de leur cœur n'était
que mal en tout temps. (Genèse 6:5)
Combien ce portrait de la nature humaine ne diffère-t- il pas de ces beaux tableaux que les hommes en ont faits de tout temps ? On trouve à chaque instant, dans les écrits de plusieurs des anciens, de riantes descriptions de la dignité de l'homme ; quelques-uns d'entre eux le représentent comme un composé de tout ce qu'il y a de plus vertueux et de plus heureux, ou tout au moins comme ayant tout cela à sa disposition et sans avoir d'obligations vis-à-vis de personne ; ils nous le peignent comme pouvant se suffire à lui-même et vivre de ses propres ressources, comme presque égal à Dieu.
Mais
ce ne sont pas seulement des païens, des hommes qui n'ont que le
pâle flambeau de la raison pour les éclairer dans leurs recherches
de la vérité, qui tiennent ce langage ; beaucoup de ceux qui
portent le nom de chrétiens, et a qui les oracles de Dieu ont été
confiés (Romains 3 : 2), ont aussi tracé des tableaux
magnifiques de la nature humaine, tout comme si elle n'était
qu'innocence et perfection. On a fait quantité de ces descriptions
dans notre siècle (Le dix-huitième siècle), et peut-être nulle
part plus que dans notre pays (L'Angleterre). Plusieurs de nos
compatriotes, gens de grand talent et d'un savoir étendu, se sont
exercés de leur mieux à montrer ce qu'ils ont appelé le beau côté
de la nature humaine. Et il faut convenir que, si leurs descriptions
étaient exactes, l'homme ne serait qu' « un peu inférieur aux
anges » (Hébreux 2 : 7 cité de Psaume 8 : 6) ou,
comme on pourrait traduire plus littéralement, « un peu
inférieur à Dieu !) ». (Psaume 8 : 6) (version de
Lausanne : « Tu l'as fait de peu inférieur à Dieu ».
)
Faut-il
s'étonner de ce que ces descriptions ont été en général
accueillies avec faveur ? Mais qui est-ce qui n'est pas disposé
à avoir de lui-même une bonne opinion ? Aussi ces écrivains-là
ont-ils été lus, admirés, applaudis par tous. Ils ont trouvé des
disciples sans nombre, non seulement dans le beau monde ; mais
aussi dans le monde savant. Il en résulte qu'aujourd'hui il est de
mauvais ton de parler autrement, de rien dire pour critiquer la
nature humaine, qui passe généralement pour être, en dépit de
quelques infirmités, parfaitement innocente, sage et vertueuse.
Mais, en attendant, que ferons-nous de nos Bibles Car il est
impossible de les faire accorder avec cet enseignement. Ces
descriptions qui flattent si agréablement la chair et le sang, sont
irréconciliables avec les Écritures Saintes. En effet, celles-ci
affirment que « par la désobéissance d'un seul homme,
plusieurs ont été rendus pécheurs » ; (Romains 5 :
19) que « tous meurent par Adam (1Corinthiens 15 : 22) »,
sont morts spirituellement, ont perdu la vie et l'image de Dieu ;
que, lorsque Adam fut déchu et pécheur, il « engendra un fils
à sa ressemblance et à son image (Genèse 5 : 3) ; (comment eût-il
pu. en être autrement ? car « qui est-ce qui tirera une
chose nette de ce qui est souillé ? (Job 14 : 4) » ;
que, par conséquent, nous étions, tout comme les autres, par nature
« morts dans nos fautes et dans nos péchés (Éphésiens 2 :
1) », « n'ayant point d'espérance, et étant sans Dieu
dans le monde (Éphésiens 2 : 12) », et, par suite, étant « des
enfants de colère (Éphésiens 2 : 3) ; » qu'ainsi tout homme
peut dire : « J'ai été formé dans l'iniquité, et ma
mère m'a conçu dans le péché (Psaume 51 : 7) », et qu'
« il n'y a point de distinction ; puisque tous ont péché
et sont privés de la gloire de Dieu (Romains 3 : 22) », de
cette image glorieuse de Dieu, selon laquelle l'homme fut créé à
l'origine. Aussi, quand « Dieu a regardé des cieux sur les
fils des hommes », il a vu que « tous se sont dévoyés ;
Ils se sont corrompus tous ensemble ; il n'y a, personne qui
fasse le bien, non pas même un (Psaume 53 : 3,4) ; » il n'y
en a point qui cherche véritablement Dieu. Cela correspond
parfaitement à ce que le Saint-Esprit, déclare dans notre texte,
que l'Éternel, regardant des cieux, comme dans le passage que nous
venons de citer, « vit que la malice (ou méchanceté) des
hommes était très grande sur la terre », si grande que
« toute l'imagination des pensées de leur cœur n'était que
mal en tout temps ».
Telle
est la description que Dieu fait de l'homme. En partant de là. je me
propose, premièrement, de montrer ce qu'étaient les hommes avant le
déluge ; en second lieu, d'examiner s'ils sont les mêmes
aujourd'hui qu'alors ; et, enfin, de tirer quelques conclusions.
I
Je
voudrais d'abord, en développant les paroles de mon texte, montrer
ce qu'étaient les hommes avant le déluge. Nous pouvons compter sur
la parfaite exactitude des renseignements qui nous sont donnés ici ;
car c'est Dieu qui l'a vu, et il ne peut se tromper. « Il vit
que la malice des hommes était très grande » ; non
pas de tel ou tel homme, ou de quelques hommes seulement, ou de la
plupart, mais des hommes en général, de la totalité des hommes. Ce
mot comprend toute la race humaine, tous ceux qui participent à la
nature humaine. Il ne serait pas facile de calculer combien il
pouvait y en avoir, à cette époque, de milliers ou de millions. La
terre possédait encore en grande partie sa beauté et sa fécondité
primitives. La surface du globe n'était pas déchirée et
bouleversée comme elle l'est aujourd'hui. Le printemps et l'été
s'y donnaient toujours la main. Il est donc probable que la terre
était alors capable de nourrir beaucoup plus d'habitants qu'elle ne
le pourrait actuellement ; et les hommes doivent s'être
multipliés très rapidement dans un temps où ils engendraient des
fils et des filles pendant sept ou huit cents ans. Et pourtant, dans
cette foule innombrable, Noé seul « trouva grâce devant l’Éternel (Genèse 6 : 8) ». Lui seul (peut-être avec une
partie de sa famille) faisait exception dans cette méchanceté
universelle qui devait bientôt, par un juste jugement de Dieu,
aboutir à une destruction universelle. Tous les autres participaient
ensemble au crime et participèrent ensemble au châtiment.
Dieu
vit « toute l'imagination des pensées de leur cœur
c'est-à-dire de leur âme, de l'homme intérieur, de cet esprit qui
est en l'homme et qui est le principe de tous ses actes, soit
intérieurs, soit extérieurs. Toute l'imagination ! »
aucun autre terme ne saurait avoir une portée plus étendue ;
car ce mot imagination embrasse tout ce qui se forme, se fait ou
s'invente au dedans de l'homme : tout ce qui existe ou se passe
dans son âme ; toutes ses inclinations, affections, passions et
convoitises ; tous ses sentiments, tous ses desseins, toutes ses
pensées. Ce mot comprend même les paroles et les actions,
puisqu'elles découlent nécessairement de cette même source, et que
leur qualité est bonne ou mauvaise selon que la source est bonne ou
mauvaise.
Eh
bien, Dieu vit que tout cela, sans aucune réserve, était mauvais,
contraire. à la droiture morale ; contraire à la nature divine
qui renferme nécessairement tout ce qui est bon : contraire là
la volonté divine qui est la règle éternelle du bien et du mal ;
contraire à l'image pure et sainte, de Dieu selon laquelle l'homme
fut créé à l'origine et qu'il portait lorsque Dieu, contemplant
les œuvres de ses mains, vit que tout ce qu'il avait fait était
très bon ; contraire enfin à la,justice, à la miséricorde et
à la vérité, aux rapports intimes qui doivent unir l'homme à son
créa leur et à ses semblables.
Mais
ce mal n'était-il pas mélangé de quelque bien ? N'y avait-il
aucune lumière qui se mêlât à ces ténèbres ? Non, il n'y
en avait point : « Dieu vit que toute l'imagination des
pensées de leur cœur n'était. que mal ». Il est certain
qu'en beaucoup de ces hommes, en tous peut-être, il se produisait de
bons mouvements ; car l'Esprit de Dieu, déjà alors,
« contestait avec les hommes (Genèse 6 : 3) », pour les
porter à la repentance, surtout pendant ce sursis miséricordieux
qui dura cent vingt ans, tandis que l'arche se bâtissait. Mais « en
eux, en leur chair, n'habitait aucun bien (Romains 7 : 18) la nature
humaine était foncièrement mauvaise, et elle était tout d'une
pièce, sans alliage d'aucun bon élément.
On
pourrait cependant se demander encore : « Mais ce mal
régnait-il sans interruption aucune ? N'y avait-il pas chez
l'homme des moments lucides où l'on eût pu trouver quelque chose de
bon dans son cœur ? » Nous ne devons pas faire entrer ici
en ligne de compte ce que la grâce divine pouvait, par moments,
produire dans ces âmes ; et, en faisant abstraction de cela,,
nous avons tout lieu de croire que le mal était sans intermittence.
Car Dieu qui avait vu que « toute l'imagination des pensées de
leur cœur n'était que mal », vit également que c'était
toujours de même, que ce « n'était que mal en tout temps »,
d'année en année, chaque jour et à tout moment. L'homme ne se
tournait jamais vers le bien.
II
Telle
est la description authentique de l'état du genre humain tout
entier, qui a été tracée pour notre instruction par Celui qui sait
ce qui est en l'homme, qui sonde les cœurs et éprouve les reins.
C'était là ce qu'étaient les hommes avant que Dieu. envoyât le
déluge sur la terre. Nous avons maintenant à examiner si ceux
d'aujourd'hui sont dans le même état.
Il
est certain que rien, dans la Bible, ne permet de croire qu'ils
valent mieux. Tous les passages énumérés ci-dessus se rapportent,
en effet, aux hommes qui ont vécu après le déluge. C'est plus de
mille ans après cet événement que Dieu, parlant par David,
s'exprimait ainsi au sujet des enfants des hommes : « Ils
se sont tous dévoyés (du chemin de la vérité et de la sainteté)
; il n'y a personne qui fasse le bien, non pas même un (Psaume 53 :
4) ». Et tous les prophètes, de siècle en rendent témoignage
à ce fait lamentable. Esaïe dit, en parlant du peuple particulier
de Dieu, (et assurément les païens ne valaient pas mieux) « Toute
la tête est en douleur et tout le cœur est languissant. Depuis la
plante du pied jusqu'à la tête, il n'y a rien d'entier en lui :
il n'y a que blessure, meurtrissure et plaies purulentes (Esaïe 1 :
5,6) ». Tous les apôtres tiennent le même langage ;
c'est là le sens uniforme des Écritures Saintes. Partout elles nous
enseignent que, pour ce qui est de l'homme naturel, sans le
secours de la grâce de Dieu, « toute l'imagination des pensées
de son cœur n'est que mal, et mal en tout temps », aujourd'hui
comme autrefois.
L'expérience
journalière vient à l'appui de ces révélations sur l'état actuel
de l'humanité. Il est vrai que l'homme naturel ne discerne pas ces
choses ; mais faut-il s'en étonner ? Aussi longtemps que
l'aveugle-né demeure aveugle, il a à peine conscience de ce qui lui
manque. A plus forte raison, si nous pouvions imaginer un pays où
tout le monde serait aveugle, on y aurait encore moins le sentiment
de cette infirmité. C'est ainsi que les hommes ne sentent point
leurs besoins spirituels, et surtout leur état de péché, aussi
longtemps qu'ils demeurent dans l'état d'esprit qui leur est
naturel. Mais, dès que le Seigneur ouvre leur âme, ils aperçoivent
l'état dans lequel ils étaient ; ils deviennent profondément
convaincus que « tout homme qui subsiste n'est que vanité »
(Psaume 39 : 6), qu'il n'est, par nature, que folie et ignorance,
péché et méchanceté et que cela est tout spécialement vrai
d'eux-mêmes.
Quand
Dieu nous ouvre les yeux, nous voyons qu'auparavant nous étions
« sans Dieu (ou mieux athées) dans le monde » (Éphésiens 2 :
12). Par nature, nous n'avions aucune connaissance de Dieu, aucun
rapport avec lui. Il est vrai que, lorsque nous avons commencé à
faire usage de notre raison, nous avons appris à connaître « les
choses invisibles de Dieu, savoir : sa puissance éternelle et
sa divinité, qui se voient comme à l’œil, depuis la création du
monde, quand on les considère dans ses ouvrages » (Romains 1 :
20). De ces choses qu'on voit nous avons conclu à l'existence d'un Être qu'on ne voit pas, et qui est éternel et tout puissant. Mais,
tout en reconnaissant son existence, nous n'avions aucun rapport avec
lui. C'était comme pour l'empereur de la Chine ; nous savons
qu'il y en a un, mais nous ne le connaissons, pas. Ainsi nous savions
qu'il y avait un Roi de l'univers, mais nous ne le connaissions pas.
Et, à la vérité nous ne pouvions pas le connaître par nos
facultés ordinaires ; aucune d'elles ne pouvait nous procurer
la connaissance de Dieu. Nous ne pouvions pas davantage l'apercevoir
à l'aide de notre intelligence naturelle que nous n'aurions pu le
voir avec nos yeux. Car « nul ne connaît le Fils que le
Père », et celui à qui cela a été révélé par le Père ;
« et nul ne connaît le Père que le Fils, et celui à qui le
Fils aura voulu le faire connaître ». (Matthieu 11 : 27 ;
16 : 17)
On
raconte qu'un roi, dans l'antiquité, voulant découvrir quelle était
la langue naturelle des hommes, crut pouvoir arriver à un résultat
concluant en faisant l'expérience suivante : Deux enfants qui
venaient de naître furent transportés dans un endroit spécialement
préparé pour les recevoir, où on les éleva sans leur rien
enseigner et sans que jamais ils entendissent une voix humaine.
Qu'arriva-t-il ? C'est que, lorsqu'on les retira de cette
solitude, ils ne parlaient aucun langage ; ils poussaient
seulement des cris inarticulés comme ceux des animaux. Eh bien, si
on élevait ainsi deux enfants dès leur naissance, sans leur donner
la moindre instruction religieuse, il est, plus que probable qu'à
moins d'une intervention de la grâce divine, on obtiendrait un
résultat analogue : ils n'auraient point de religion ; ils
n'auraient pas plus de connaissance de Dieu que n'en ont les bêtes
des champs, que n'en a le poulain de l'âne sauvage. Et c'est là
tout ce qui reste de la religion naturelle, si l'on fait abstraction
des traditions religieuses et de l'action du Saint-Esprit !
Ne
connaissant pas Dieu, nous ne pouvons pas L'aimer ; on ne peut
aimer quelqu'un qu'on ne connaît pas. Il est vrai que la plupart des
hommes parlent d'aimer Dieu, et peut être croient-ils L'aimer ;
en tout cas, il y en a peu qui confessent qu'ils ne L'aiment pas.
Mais le fait est trop évident pour qu'on puisse le nier : aucun
homme n'aime Dieu naturellement, pas plus qu'il n'aime une, pierre ou
le sol qu'il foule sous ses pieds. Nous trouvons notre bonheur dans
l'objet que nous aimons ; mais aucun homme ne trouve par nature
le moindre, bonheur en Dieu. Dans notre état naturel, nous ne
pouvons pas même concevoir que quelqu'un y trouve son bonheur ;
car pour nous, nous n'y prenons aucun plaisir ; Dieu nous est
complètement insipide. Aimer Dieu ! Oh ! c'est bien au
delà et bien au-dessus de notre portée. Dans notre état naturel,
nous ne saurions y parvenir.
Par
nature, nous n'avons pas plus de crainte de Dieu que d'amour pour
lui. On s'accorde à dire que, tôt ou tard, il se produit chez la
majeure partie des hommes une espèce de crainte sotte et
irréfléchie ; qui s'appelle de son vrai nom superstition
quoique des Épicuriens peu intelligents lui aient donné celui de
religion. Mais cette crainte elle-même n'est pas quelque chose de
naturel ; on l'acquiert en s'entretenant avec d'autres hommes,
ou bien c'est le fruit de leurs exemples. Dans notre état naturel,
« nous n'avons pas Dieu dans toutes nos pensées (Psaume 10 :
4 d'après la version anglaise.) ». Nous le laissons faire ses
propres affaires, tranquillement assis dans le ciel (car c'est ainsi
que nous nous le figurons), et nous laissant faire les nôtres sur la
terre. Ainsi, nous n'avons pas davantage la crainte de Dieu devant
nos yeux que nous n'avons son amour dans nos cœurs.
C'est
dans ce sens que, tous les hommes sont « des athées dans le
monde ». Maïs cet athéisme n'empêche pas d'être aussi
idolâtre. Dans son état de nature, tout homme qui vient au monde
est un idolâtre consommé. Nous ne le sommes peut-être pas au sens
vulgaire de ce mot. Nous n'adorons pas, comme les païens idolâtres,
des images taillées ou fondues. Nous ne nous prosternons pas devant
un tronc d'arbre façonné par nos propres mains. Nous n'invoquons
pas les anges ni les saints qui sont dans le ciel, pas plus que ceux
qui sont sur la terre. Qu'adorons-nous donc ? Ah ! c'est
dans nos cœurs que nous avons érigé nos idoles, devant lesquelles
nous nous prosternons et que nous adorons ; nous nous adorons
nous-mêmes, quand nous nous attribuons à nous-mêmes l'honneur qui
est dû à Dieu seul. Tout orgueil est donc une idolâtrie ; car
il consiste à nous attribuer ce qui n'appartient qu'à Dieu. Et bien
que Dieu n'ait pas fait l'homme pour l'orgueil, quel est l'homme qui
n'est pas né orgueilleux ? Par notre orgueil, nous dérobons au
Seigneur ce qui lui revient en vertu d'un droit inaliénable ;
nous usurpons sa gloire par notre idolâtrie.
Mais
l'orgueil n'est pas la seule espèce d'idolâtrie dont nous soyons
coupables par nature. Satan a, aussi imprimé sur notre âme un autre
trait de son image c'est la volonté charnelle. Avant d'être
précipité du ciel, il dit : « Je serai assis sur la
montagne de l'assemblée, aux côtés d'Aquilon (Esaïe 14 : 13)
; » ce qui voulait dire : « Je veux faire ma
volonté, agir selon mon bon plaisir, sans tenir compte de la volonté
de mon Créateur ». Et c'est là ce que dit tout homme venant
au monde, et non pas une fois, mais mille ; et il l'avoue sans
en rougir, sans éprouver ni honte ni crainte. Demandez-lui :
« Pourquoi as tu fait ceci ou cela ? » Il vous
répondra : Parce que cela me plaît » ; ce qui
revient à dire. « Parce que c'est ma volonté, parce que le
diable et moi nous sommes d'accord, parce que lui et moi nous suivons
la même ligne de conduite ». Et, en attendant, la volonté de
Dieu n'entre pour rien dans ses pensées ; il ne la consulte
aucunement, bien qu'elle soit la loi suprême de toute créature
raisonnable dans les cieux ou sur la terre, bien qu'elle soit
l'expression des rapports essentiels et immuables qui existent entre
toutes ces créatures et leur Créateur.
Jusqu'ici
nous tenons pied à Satan et nous portons son image. Mais encore un
pas, et nous le dépassons, en commettant une idolâtrie dont lui ne
se rend pas coupable. Je veux parler de l'amour du monde, aussi
naturel à tout homme que d'aimer à faire sa propre volonté. Quoi
de plus naturel pour nous que de chercher notre bonheur dans la
créature plutôt que dans le Créateur, de chercher dans l'œuvre de
ses mains la jouissance qui ne peut se trouver qu'en Lui ? Quoi
de plus naturel que « la, convoitise de la chair (1Jean 2 :
16) » , le désir des plaisirs des sens dans leur diversité
Sans doute on entend les hommes, surtout ceux qui sont instruits et
cultivés, se vanter hautement de mépriser ces plaisirs terre à
terre. Ils prétendent ne pas tenir à satisfaire ces penchants qui
mettent l'homme au même niveau que la brute qui périt. Mais ce
n'est là qu'une prétention vaine ; car tout homme sait
parfaitement bien qu'à cet égard il est par nature une vraie brute.
Les appétits sensuels, et même les plus bas, ont plus ou moins
d'empire sur lui. Il en est l'esclave ; ils l'entraînent et le
mènent, en dépit de sa prétendue raison. Malgré toute son
éducation, malgré toutes ses belles manières, il ne l'emporte pas
sur le bouc lui-même. On pourrait même se demander si ce n'est pas
l'animal qui l'emporte sur l'homme. Et il l'emporte en effet, si nous
nous en rapportons au, dire d'un des oracles modernes de ce monde :
Uniquement
en sa saison
L'animal
privé, de raison
Aux
plaisirs de l'amour se livre ;
L'homme,
de sa raison si fier,
Des
convoitises de la chair
Toute
l'année, hélas ! s'enivre.
Il
est vrai qu'à cet égard il y a d'un homme à l'autre beaucoup de
différence, ce qui tient (sans parler de l'influence de la grâce),
à la différence des tempéraments et de l'éducation. Mais, malgré
cela, qui est-ce qui se connaît, assez peu lui-même pour être
disposé à jeter la première pierre à son prochain ? Qui
est-ce qui est de force à subir sans reproche l'application que
Jésus fait du septième commandement : « Quiconque
regarde une femme pour la convoiter a déjà commis l'adultère avec
elle dans son cœur (Matthieu 5 : 28) ». Aussi ne sait-on de
quoi il faut s'étonner le plus, si c'est de l'ignorance ou bien de
l'impudence de ces hommes qui parlent avec un si grand dédain de
leurs semblables, parce qu'ils ont cédé à des désirs que tout
homme a ressentis dans son cœur : car le désir des plaisirs
sensuels de toute sorte, innocents ou coupables, est naturel à tous
les enfants des hommes.
Il
en est de même de « la convoitise des yeux (1Jean 2 :
16) », du désir des plaisirs que donne l'imagination. Ces
plaisirs, on les cherche dans les objets remarquables par leur
grandeur, leur beauté ou leur rareté. Mais peut-être les deux
premières de ces qualités se confondent-elles avec la dernière ;
car, en examinant bien les choses, ou découvrirait probablement que
les objets doués de grandeur et ; de beauté cessent de plaire
dès qu'ils ne sont plus nouveaux. Dès que la nouveauté en est
passée, presque tout le plaisir qu'ils donnaient est aussi passé ;
dans la mesure où l'on s'y accoutume, ils deviennent ennuyeux et
insipides. Mais on a beau répéter cent fois cette expérience, le
désir persiste dans l'âme. Cette soif innée du cœur ne le quitte
pas, ou plutôt elle ne fait qu'augmenter, plus on s'efforce de la
satisfaire ; elle nous excite à poursuivre de nouveaux objets
l'un après l'autre, bien que toujours nous voyions nos espérances
avorter et nos illusions s'évanouir.
Malgré
les cheveux gris qui recouvrent sa tête,
Ce
fou, qui rencontra tant de maux en chemin,
Refuse
d'obéir à la voix qui l'arrête.
Son
enjeu, le dernier, il le met sur demain !
Mais
demain est venu : ce jour aussi s'envole ;
L'oubli,
comme un linceul, s'étend pour le couvrir.
Le
fou marche toujours dans son espoir frivole,
Jusqu'au
jour qui lui dit : « Ce soir il faut mourir ! »
Un
troisième symptôme de cette maladie fatale, de cet amour du monde
qui a des racines si profondes dans notre âme, c'est « l'orgueil
de la vie (1Jean 2 : 16) », le désir des louanges, de
l'honneur qui vient des hommes. Les plus grands admirateurs de la
nature humaine considèrent ce désir, comme tout à fait naturel,
tout autant que la vue, l'ouïe ou quelque autre de nos sens
physiques. Et en rougissent-ils, notamment les littérateurs, les
hommes de goût et de culture ? Bien loin de là : ils en
sont fiers ! Ils s'applaudissent d'aimer à être applaudis. Il
se trouve même des gens illustres parmi les chrétiens (de nom) qui
ne se font pas scrupule d'approuver cette maxime d'un païen vaniteux
de l'antiquité : Animi dissoluti est et nequam negligere quid
de se homines sentiant. « C'est la marque d'une âme sans
principes et méchante que de ne pas faire cas de l'opinion des
hommes à notre égard ». Ainsi, lorsqu'un individu demeure
calme et impassible dans l'opprobre comme dans l'honneur, au travers
de la mauvaise réputation comme dans la bonne, c'est pour ces
gens-là la preuve qu'il ne mérite pas de vivre : « Ôte-le
du monde ! (Actes 21 : 36) » Qui supposerait qu'ils ont
jamais entendu parler de Jésus et de ses apôtres, ou qu'ils savent
de qui est cette parole : « Comment pouvez-vous croire, vu
que vous aimez à recevoir de la gloire les uns des autres, et que
vous ne recherchez point la gloire qui vient de Dieu seul ? (Jean
5 : 44) » Et s'il en est ainsi effectivement, s'il est
impossible de croire, impossible par suite de plaire à Dieu, aussi
longtemps que l'on attend ou qu'on recherche de la gloire les uns des
autres, aussi longtemps qu'on ne recherche pas celle qui vient de
Dieu seul, quelle est donc la situation morale de l'humanité
entière, des chrétiens comme des païens ? car tous ils
cherchent à recevoir de la gloire l'un de l'autre, et c'est pour
eux, ils l'avouent, chose aussi naturelle que de voir la lumière qui
vient frapper leurs yeux, ou d'entendre les sons qui retentissent à
leurs oreilles. Et même, ils considèrent comme la marque d'une âme
vertueuse de chercher la gloire qui vient des hommes, et comme le
signe d'un esprit pervers qu'on se contente de celle qui vient de
Dieu seul !
III
Il
me reste a, tirer quelques conclusions de ce que nous avons dit. Tout
d'abord, nous pouvons y puiser la connaissance d'un trait fondamental
qui distingue le christianisme, comme ensemble de doctrines, des
formes les moins grossières du paganisme. Beaucoup de païens dans
l'antiquité ont décrit de la façon la plus détaillée les vices
de certains individus. Ils ont invectivé contre l'avarice, la
cruauté, le luxe, la prodigalité de certains hommes. Il s'en est
trouvé, pour dire que « nul homme ne naît sans quelques
vices, d'une espèce ou d'autre ». Mais nul d'entre eux ne
connaissant l'histoire de la chute de l'homme, n'a soupçonné sa
complète dépravation. Ils ne savaient pas que tous les hommes sont
vides de tout bien et remplis de toute sorte de mal. Ils ignoraient
absolument l'entière déchéance de la nature humaine tout entière,
de tout homme venant au monde, et dans toutes les facultés de son
âme ; cette dépravation qui ne se manifeste pas tant par les
vices particuliers à tel ou tel individu, que par le débordement
universel de l'athéisme et de l'idolâtrie, de l'orgueil, de la
volonté charnelle et de l'amour du monde. Tel est le premier,
le grand trait qui distingue le christianisme du paganisme. Ce
dernier reconnaît bien que beaucoup d'hommes sont atteints de vices
nombreux, et même qu'ils naissent enclins à ces vices ; mais
il suppose pourtant qu'il en est d'autres chez qui le bien
contrebalance largement le mal. Le christianisme, lui, proclame que
tous ont été « conçus dans le péché et formés dans
l'iniquité (Psaume 51 : 7) ; » que par suite il y a, en tout
homme une « affection de la chair qui est ennemie de Dieu, qui
ne se soumet pas à la loi de Dieu et qui ne le peut (Romains 8 :
7) », qui corrompt tellement l'être moral tout entier que
« dans sa chair, (c'est-à-dire dans son état naturel), le
bien n'habite point en lui (Romains 7 : 18) », mais que « toute
l'imagination des pensées de son cœur n'est que mal en tout temps
(Genèse 6 : 5) ».
La
seconde leçon que nous apprenons ici, c'est que tous ceux qui nient
cet état de choses, qu'on l'appelle péché originel ou autrement,
ne sont encore que des païens, en ce qui constitue la distinction
fondamentale entre le paganisme et le christianisme. Ils accorderont
peut-être qu'il y a bien des vices parmi les hommes, que certains
vices naissent avec nous, et que, par suite, nous ne naissons pas
aussi sages, aussi vertueux qu'on pourrait le désirer. Car, de fait,
il y a peu de gens qui iraient jusqu'à dire tout carrément :
« Nous naissons avec, autant de penchants pour le bien que pour
le mal, et tout homme est, par nature, aussi vertueux et aussi sage
qu'Adam l'était quand il fut créé ». Mais voici ce qui
servira de Schibboleth (Juges 12 : 6) : L'homme, par nature,
est-il plein de toute sorte de mal ? Est-il vide de tout bien ?
Est-il entièrement déchu ? Son âme est-elle totalement
corrompue ? Ou bien, pour en revenir à mon texte, toute
l'imagination des pensées de son cœur n'est-elle que mal en tout
temps ? Si vous admettez cela, vous êtes chrétiens sur ce
point. Si vous le niez, vous n'êtes encore qu'un païen !
En
troisième lieu, nous apprenons par ces choses qu'elle est la vraie
nature de la religion, de celle de Jésus Christ. C'est la méthode
divine pour guérir l'âme qui est atteinte de cette maladie. Voici
comment le grand médecin des âmes applique les remèdes qui font
disparaître le mal et guérissent la nature humaine, qui s'était
corrompue dans toutes ses facultés. Dieu guérit entièrement notre
athéisme par la connaissance de lui-même et de Jésus-Christ qu'Il
a, envoyé ; en nous donnant la foi, preuve et conviction
divines de l'existence de Dieu et des choses de Dieu, en particulier
de cette vérité importante « Le
Fils de Dieu m'a, aimé et s'est donné pour moi (Galates 2 : 20)
». Par la repentance et l'humiliation du cœur est guérie la
maladie mortelle de l'orgueil ; celle de la volonté charnelle
est guérie par la résignation, par une soumission, pleine de
candeur et de reconnaissance, à la volonté du Seigneur ; pour
l'amour du monde dans toutes ses variétés, c'est l'amour de Dieu
qui est le remède souverain. Voilà l'essence de la religion, « la
foi agissante par la charité (Galates 5 : 6) », produisant
l'humilité sincère et candide, une mort effective au monde et une
adhésion aimante et reconnaissante, une parfaite conformité à
toute la volonté, à toute la parole de Dieu.
Mais
si l'homme n'était pas déchu à ce point, tout cela ne serait pas
nécessaire. Il n'y aurait pas lieu de faire cette œuvre dans son
cœur, de renouveler ainsi son âme. Excès de piété, serait alors
une expression bien plus juste que celle d' « excès de malice
(Jacques 1 : 21) ». Une religion tout extérieure et sans
aucune piété suffirait pour s'acquitter de ce qui serait
strictement raisonnable. Aussi bien cela suffit-il aux yeux de tous
les hommes qui nient la corruption de notre nature. Ils ne font guère
plus de cas de la religion que le fameux Hobbes n'en faisait de la
raison. D'après lui, la raison ne serait qu' « un bel
enchaînement de mots ». Et, d'après eux, la religion ne
serait, elle aussi, qu'un bel enchaînement de mots et d'actes. En
cela ils sont conséquents ; car si le dedans n'est point rempli
de méchanceté, s'il est déjà net, que reste-t-il à faire si ce
n'est de « nettoyer le dehors de la coupe ? (Matthieu 23 :
25) ». Si leur hypothèse est fondée, une réforme extérieure
est la seule chose nécessaire.
Mais
ce n'est pas ainsi que vous avez appris les oracles de Dieu. Vous
savez que celui qui voit ce qui est en l'homme a décrit tout
autrement la nature et la grâce, notre chute et notre relèvement.
Vous savez que le grand but que se propose la religion ; c'est
de renouveler nos cœurs à l'image de Dieu ; c'est de réparer
la perte absolue de toute justice, de toute vraie sainteté qui a été
pour nous la conséquence du péché de notre ancêtre Adam. Vous
savez que toute religion qui n'atteint pas ce but, qui n'arrive pas à
changer notre âme en lui rendant la ressemblance divine, l'image de
son Créateur, n'est qu'une lamentable comédie ; c'est tout
simplement se moquer de Dieu et perdre sa propre, âme. Fuyez donc
ces docteurs de mensonges qui voudraient vous faire accepter cela
pour le christianisme. Ne les écoutez pas, lors même s'ils viennent
à vous « avec toutes les séductions de l'iniquité (1Thessaloniciens 2 :
10) », avec un langage parfaitement agréable, parfaitement
convenable. avec de belles phrases bien élégantes, avec toutes
sortes de professions de zèle pour vos intérêts et ; de
respect pour les Saintes Écritures. Tenez-vous en à la simple foi du
temps passé, à celle qui « a été donnée une fois aux
saints (Jude 1 : 3) », à cette que l'Esprit de Dieu a
donnée à votre âme. Reconnaissez votre mal et reconnaissez-en le
remède. Vous êtes nés dans le péché ; il faut donc que vous
naissiez de nouveau, que vous naissiez de Dieu (Jean 3 : 3 ;
1 : 13). Par nature vous êtes totalement corrompus ; il
faut que vous soyez totalement renouvelés par la grâce. Vous êtes
tous morts en Adam ; tous vous revivrez en Jésus-Christ, le
nouvel Adam. « Vous étiez morts dans vos fautes et dans vos
péchés » ; mais « Il vous a vivifiés (Éphésie
2 : 1,5) ; » Il vous a communiqué le principe de la vie,
la foi en Celui qui vous a aimés et s'est donné pour vous. Allez
donc maintenant « de foi en foi (Romains 1 : 17) »,
jusqu'à ce qu'en vous tout mal soit guéri, jusqu'à ce que vous
« ayez les mêmes sentiments que Jésus-Christ a eus !
(Philippiens 2 : 5) »
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