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Sermon 42 LE CHEMIN DU SALUT D’APRÈS LA BIBLE
Ephésiens
2,8 (1765)
Vous êtes sauvés par la foi
Rien
de plus embrouillé, rien de plus abstrait, de moins intelligible que
la religion telle qu'on l'a souvent représentée ! Et ceci est
vrai, non seulement de la religion des païens décrite par ses
organes les plus sages, mais encore de celle de gens qui, jusqu'à un
certain point, étaient des chrétiens, qui même ont eu de la
célébrité dans la chrétienté et semblaient être les colonnes du
christianisme. Et pourtant, qu'elle est simple et facile à
comprendre, la vraie religion de Jésus-Christ ! A condition
toutefois qu'on la cherche là où elle apparaît sous ses formes
primitives, dans les oracles divins. Celui dont la sagesse a créé
et régit l'univers, a soigneusement. adapté cette religion aux
ressources limitées de l'intelligence humaine, telle que nous la
connaissons, dans son état de déchéance. Ce fait apparaît
clairement dès qu'on considère, d'un côté, le but qu'elle se
propose et de l'autre, les moyens qu'elle emploie pour arriver à ce
but. Ce but, c'est pour tout dire en un mot, le salut ; le moyen
d'y parvenir, c'est la foi
On
peut voir du premier coup d’œil que ces deux petits mots :
Salut et Foi, résument toute la Bible et contiennent, en quelque
sorte, la moelle de toutes les Écritures. Il nous importe d'autant
plus de nous préserver de toute erreur à leur sujet, et de nous
faire une idée juste et complète du sens de l'un et de l'autre.
Appliquons-nous
donc à rechercher ce que c'est que le salut, quelle est la foi par
le moyen de laquelle nous sommes sauvés, et enfin de quelle façon
elle nous sauve.
I
Nous
rechercherons, en premier lieu, ce que c'est que le salut. Celui dont
il s'agit dans le texte, n'est pas ce qu'on a souvent désigné par
ce mot ; c'est-à-dire l'entrée de l'âme dans le ciel, dans le
bonheur éternel. Ce n'est pas la possession de ce paradis que notre
Seigneur appela « le sein d'Abraham (Luc 16 : 22) ».
Ce n'est pas une bénédiction qui se reçoive de l'autre côté du
tombeau ou, comme on dit vulgairement, dans l'autre monde. Les termes
eux-mêmes de notre texte décident irrévocablement la question :
« Vous êtes sauvés ». La chose n'est pas dans
l'avenir ; c'est quelque chose d'actuel ; c'est une grâce,
que la miséricorde gratuite du Seigneur nous accorde dès à
présent. Il y a plus ; on eût pu traduire avec tout autant de
raison : « Vous avez été, sauvés ». Ainsi le
salut dont il s'agit ici comprendrait l'œuvre de Dieu tout entière,
depuis l'apparition des premiers rayons de la grâce dans l'âme
humaine jusqu'à son plein couronnement dans la gloire.
Si
nous considérons cette œuvre dans toute son étendue, nous
prendrons pour point de départ les opérations de ce qu'on a souvent
nommé la conscience naturelle, mais qu'on appelle avec plus de
raison la grâce prévenante ; ce sont ces attraits du Père,
ces aspirations après Dieu qui, si nous y obéissons, iront
toujours croissant ; c'est cette lumière dont le Fils de Dieu
« éclaire tout homme qui vient au monde (Jean 1 : 9) »,
et qui lui enseigne à « faire ce qui est droit, à aimer la
miséricorde et à marcher dans l'humilité avec son Dieu (Michée 6 :
8) ; » ce sont enfin toutes les convictions que, de temps à
autre, le Saint-Esprit : produit dans le cœur des hommes. Sans
doute la plupart se hâtent de les étouffer ; et, peu à peu,
ils finissent par oublier, ou tout au moins par nier, qu'elles se
soient jamais produites chez eux.
Mais
tenons-nous en au salut dont parle ici tout spécialement l'apôtre
Paul. Ce salut peut se décomposer d'une manière générale en
justification et sanctification.
Justification
est synonyme de pardon. C'est la rémission de tous nos péchés et
notre réconciliation avec Dieu ; car ces deux grâces sont
nécessairement enchaînées l'une à l'autre. Le prix auquel elles
nous ont été acquises, ce qu'on nomme communément la cause
méritoire de notre justification, c'est le sang et la justice de
Christ, ou, pour parler plus clairement, tout ce que Jésus a fait et
a souffert pour nous jusqu'au moment où il « livra son âme
(Esaïe 53 : 12) » pour les pécheurs. Les résultats
immédiats de la justification sont la paix de Dieu, cette « paix
qui surpasse toute intelligence (Philippiens 4 : 7) » et cette
« joie ineffable et glorieuse (1Pierre 1 : 8) », par
laquelle « nous nous glorifions dans l'espérance de la gloire
de Dieu (Romains 5 : 2) ».
Lorsque nous sommes justifiés et, à vrai dire, dès le moment où nous le sommes, notre sanctification commence. Car alors nous naissons « de nouveau, d'en haut, de l'Esprit (Jean 3 : 3,5) ». Il s'opère donc un changement réel aussi bien qu'un changement relatif. La puissance de Dieu nous régénère intérieurement. Nous sentons que « l'amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné (Romains 5 : 5) », et qu'il y fait naître de l'affection pour tous les hommes, surtout pour les enfants du Seigneur. Cet amour exclut de notre âme l'amour du monde, l'amour des plaisirs, de la mollesse, des honneurs, de l'argent ; et il en bannit également l'orgueil, la colère, la volonté charnelle et autres vices. En un mot, il convertit notre caractère « terrestre, sensuel et diabolique (Jacques 3 : 15) », en ces « sentiments que Jésus- Christ a eus (Philippiens 2 : 5) ».
Qu'il
paraît naturel à ceux chez qui se produit cette transformation, de
supposer que tout péché a disparu de leur cœur, qu'il en a été
complètement déraciné, qu'il ne s'y trouve plus ! Comme on
fait volontiers alors ce raisonnement : « Je ne sens pas
de péché en moi ; j'en suis donc exempt ! » Ce qui
revient à dire : Il ne bouge pas, conséquemment il n'existe
pas ; il est immobile, donc il est mort.
Mais
on ne tarde guère à se désillusionner sur ce point ; on
apprend bientôt que le péché n'était pas détruit, mais seulement
suspendu en nous. La tentation revient et le péché revit, montrant
par là qu'il n'était pas mort, mais uniquement engourdi. Alors on
trouve en soi ces deux principes qui sont directement opposés l'un à
l'autre, « la chair qui a des désirs contraires à ceux de
l'Esprit (Galates 5 : 17) », la nature humaine résistant à
la grâce divine. Ceux en qui cela se passe ne sauraient nier que,
tout en possédant la même foi en Christ, le même amour pour Dieu,
tout en éprouvant encore que « l'Esprit rend témoignage à
leur esprit qu'ils sont enfants de Dieu (Romains 8 : 16) », ils
ne ressentent aussi en eux-mêmes, tantôt de l'orgueil, tantôt de
la volonté charnelle, ou bien de la colère ou de l'incrédulité.
Ils sentent fréquemment l'un ou l'autre de ces penchants se remuer
dans leur cœur, sans y gagner le dessus toutefois ; ces ennemis
cachés les « poussent rudement pour les faire tomber ;
mais l'Éternel les secourt (Psaume 118 : 13) ».
Avec
quelle exactitude. Macaire (Saint Macaire, moine de la Thébaïde,
mort vers 390.) décrivait, il y a quatorze siècles, ce qu'éprouvent
les enfants de Dieu de nos jours ! « Les gens sans
capacité (ou sans expérience) s'imaginent, dès que la grâce vient
à opérer en eux, qu'ils sont sans péché. Mais les hommes qui sont
plus avancés doivent avouer que nous6mêmes qui possédons la grâce
divine, pouvons être assaillis par le mal. Car il est souvent arrivé
parmi nous que des frères ont reçu une grâce si grande qu'ils
affirmaient avoir été délivrés de tout péché. Cependant, au
moment où ils s'en croyaient tout à fait affranchis, le mal qui
sommeillait dans leurs cœurs s'est réveillé, et il s'en est peu
fallu qu'ils n'aient été consumés ».
A
partir de l'heure où nous naissons de nouveau, l'œuvre graduelle de
notre sanctification s'accomplit. Nous apprenons « à mortifier
(ou faire mourir) par l'Esprit les œuvres du corps (Romains 8 :
12) », les œuvres de notre mauvaise nature. Et mourant de plus
en plus au péché, de plus en plus nous devenons vivants à Dieu.
Nous marchons de grâce en grâce, ayant toujours soin de « nous
abstenir de tout ce qui a quelque apparence de mal (1Thessaloniciens 6 :
22) », d'être « zélés pour les bonnes œuvres (Tite 2 :
14) », et de faire du bien à tous les hommes, selon que nous
en avons l'occasion ; persévérant aussi dans les ordonnances
de Dieu d'une façon irréprochable et l'adorant en esprit en en
vérité ; et enfin, nous chargeant de notre croix et nous
privant de tout plaisir qui ne nous ramène pas à Dieu.
C'est
dans ces dispositions que nous attendons une entière sanctification,
une délivrance complète de tous nos péchés, de l'orgueil, de la
volonté charnelle, de la colère, de l'incrédulité ; c'est
ainsi que, pour emprunter le langage de saint Paul, nous « tendons
à la perfection (Hébreux 6 : 1) ». Mais qu'est-ce donc que
la perfection ? Ce mot a plusieurs sens distincts ; ici il
veut dire amour parfait. C'est un amour qui bannit le péché, qui
remplit le cœur, qui absorbe toute l'âme. C'est cet amour qui « est
toujours joyeux, prie sans cesse et rend grâces à Dieu en toutes
choses (1Thessaloniciens 5 : 16-18) ».
II
Mais
quelle est la foi qui nous procure ce salut ? tel est le second
point que nous désirons examiner.
L'apôtre Paul définit la foi d'une manière générale en ces termes : « une démonstration (ou conviction, car le mot grec peut se traduire de ces deux manières), une démonstration et une conviction divines des choses invisibles (Hébreux 11 : 1) », de celles que nous n'apercevons ni de nos yeux, ni par quelque autre de nos sens physiques. Dans la foi se trouvent donc réunies, d'un côté une démonstration surnaturelle de l'existence de Dieu et des choses qui se rapportent à lui, démonstration qui est pour l'âme une lumière spirituelle, et de l'autre une perception surnaturelle de cette démonstration, une vision surnaturelle de cette lumière. Aussi la parole de Dieu nous montre t-elle le Seigneur donnant d'abord la lumière, puis le pouvoir de la discerner. Saint Paul parle ainsi : « Dieu, qui a dit que la lumière sortit des ténèbres, a répandu sa lumière dans nos cœurs, afin que nous éclairions (ou soyons éclairés) par la connaissance de Dieu en présence de Jésus-Christ (2Corinthiens 4 : 6) ». Et ailleurs : « Qu'il éclaire les yeux de votre esprit (Éphésiens 1 : 18) ». Cette double opération du Saint-Esprit, qui ouvre nos yeux et les illumine, nous rend capables d'apercevoir « les choses que l’œil (de la chair) n'a point vues, ni l'oreille entendues (1Corinthiens 2 : 9) ». Alors nous découvrons les choses invisibles de Dieu, ce monde spirituel qui nous environne, et que pourtant nos sens physiques et nos facultés naturelles ne discernent pas davantage que s'il n'existait point. Nous voyons alors le monde éternel apparaître à travers le voile qui sépare le temps de l'éternité. Les nuées et l'obscurité ne l'enveloppent plus pour nous ; déjà nous contemplons la gloire qui doit être un jour manifestée.
Mais
si nous nous attachons au sens spécial du mot foi, nous définirons
la foi : une démonstration et une conviction divines que, non
seulement « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec
soi (2Corinthiens 5 : 19) », mais encore que « le Fils de
Dieu m'a aimé et s'est donné soi-même pour moi (Galates 2 : 20)
». C'est par la foi (appelez cet acte l'essence de la foi ou
l'une de ces applications, peu importe), c'est par la foi que nous
recevons Jésus, que nous le recevons dans toutes ses fonctions,
comme prophète, comme sacrificateur et comme roi. C'est par elle
qu'il « nous est fait, de la part de Dieu, sagesse, justice,
sanctification et rédemption (1Corinthiens 1 : 30) .
—
« Mais,
dira quelqu'un, est-ce là la, foi d'assurance ou la foi
d'adhésion ? » Ces distinctions n'existent pas dans l’Écriture Sainte. Saint Paul dit au contraire : « Il y a
une seule foi, comme vous êtes appelés à une seule espérance par
votre vocation » ; il y a une seule foi chrétienne
et salutaire, comme « il y a un seul Seigneur », en qui
nous croyons, et « un seul Dieu et Père de tous (Éphésien 4 :
4-6) ». Il est bien vrai que la foi suppose une assurance (ou
démonstration, ce qui revient au même) que « le Fils de Dieu
m'a aimé et s'est donné soi-même pour moi ». Car « celui
qui croit (d'une foi véritable et aimante) a le témoignage en
lui-même (1Jean 5 : 10) ; » « l'Esprit rend
témoignage à son esprit qu'il est enfant de Dieu » ;
et, en lui donnant cette assurance, il lui inspire aussi une
confiance filiale en Dieu. Mais, ne l'oublions pas, il est dans la
nature même des choses que l'assurance précède cette confiance.
Personne, en effet, ne saurait avoir en Dieu une confiance filiale
s'il ne se sent déjà enfant de Dieu. Aussi la confiance, sous tous
les noms qu'on voudra lui donner, n'est pas la première branche, le
premier acte de la foi, comme quelques-uns le croient, mais seulement
le second.
C'est
par cette foi que nous sommes sauvés, justifiés et sanctifiés ;
sauvés dans le sens le plus élevé de ce mot. Mais de quelle façon
la foi nous justifie-t-elle, nous sanctifie t-elle ? telle est
la troisième question à laquelle nous avons à répondre. Et
attendu que c'est là le côté le plus important de notre sujet, il
convient que nous lui accordions un examen plus spécial et plus
complet.
III
Et
d'abord, comment sommes-nous justifiés par la foi ? Quel sens
faut-il attacher à cette expression ? Je réponds :
« Celui-ci : que la foi est la condition, l'unique
condition. Nul autre que le croyant n'est justifié ; sans la
foi aucun homme ne reçoit cette grâce, mais c'est aussi l'unique
condition, car la foi suffit, à elle seule, pour le justifié.
Quiconque croit est justifié, quelles que soient les autres qualités
qu'il possède ou ne possède pas. En d'autres termes, personne n'est
justifié avant d'avoir cru, et tout homme qui croit est justifié
dès le moment où il croit ».
—
« Mais,
dira quelqu'un, Dieu ne nous a-t-il pas aussi commandé de nous
repentir, et même de « faire des fruits convenables à la
repentance ? (Matthieu 3 : 8) » Par exemple, de cesser de
mal faire et d'apprendre à bien faire ? Et n'est-il pas
essentiel que nous fassions ces deux choses qu'il nous commande, si
essentiel que, si nous négligeons volontairement soit de nous
repentir, soit de porter des fruits de repentance, nous n'avons
aucune raison de compter sur notre justification ? S'il en est
ainsi, pourquoi dire que la foi est la seule condition de
justification ? »
II
est très certain, en effet, que Dieu nous commande et de nous
repentir et de porter des fruits convenables à la repentance ;
il est tout aussi évident que, si nous négligeons volontairement
d'obéir à ces deux commandements, nous n'avons pas le droit de nous
attendre à être justifiés ; d'où il suit que, jusqu'à un
certain point et dans un certain sens, la repentance et les fruits de
repentance sont nécessaires pour la justification. Mais ils ne le
sont ni dans le même sens, ni au même degré que la foi. Ce n'est
pas au même degré, car ces fruits ne sont exigés que
conditionnellement, c'est-à-dire si le temps et l'occasion ont
permis de les porter. Quand ces deux conditions font défaut, on peut
être justifié sans cela, comme le fut le brigand sur la croix, (je
ne sais si nous devrions dire le brigand, attendu qu'un écrivain de
nos jours a découvert que c'était un personnage honnête et
respectable.) Mais, dans aucun cas, on ne saurait être justifié
sans la foi ; c'est une chose impossible. D'un autre côté, un
homme pourrait montrer un repentir absolu et porter des fruits
innombrables de repentance, tout cela ne servirait à rien ;
tant qu'il ne croit pas, il n'est pas justifié. Mais du moment où
il croit, il l'est, avec ou sans ses fruits, et même avec un degré
plus ou moins grand de repentance. Ce n'est pas non plus dans le même
sens que la foi et la repentance avec ses fruits sont nécessaires ;
car le repentir et les œuvres qui s'y rattachent ne sont
indispensables qu'accessoirement et pour conduire à la foi, tandis
que celle-ci est nécessaire d'une façon directe et immédiate. La
conclusion de tout ceci est donc que la foi est la seule condition
immédiate et absolue de la justification.
--
« Mais, ajoutera-t-on, croyez-vous aussi que l'on soit
sanctifié par la foi ? Nous savons que vous croyez à la
justification par la foi ; mais ne croyez-vous pas à la
sanctification par les œuvres, et ne la prêchez-vous pas ? »
Telle est l'accusation que ; depuis vingt-cinq ans, on lance
contre moi avec assurance, avec violence même. Cependant, j'ai
toujours prêché une doctrine diamétralement opposée, et je l'ai
fait sur tous les tons. J'ai sans cesse déclaré, soit en public,
soit en particulier, que la foi nous sanctifie comme elle nous
justifie. Et, à vrai dire, l'une de ces grandes doctrines jette un
jour merveilleux sur l'autre. Tout comme on est justifié par le
moyen de la foi, on est aussi sanctifié par son moyen. Dans le
second cas, comme dans le premier, elle est la condition, l'unique
condition. Elle est la condition, parce que nul autre que le croyant
n'est sanctifié, parce que sans la foi on ne saurait obtenir la
sanctification. Elle est l'unique condition, parce qu'à elle seule
elle suffit pour que nous soyons sanctifiés. Quiconque croit est
sanctifié, quelles que soient les autres qualités qu'il possède ou
qui lui manquent. En d'autres termes, personne n'est sanctifié avant
d'avoir cru ; tout homme qui croit est sanctifié dès l'instant
où il croit.
—
« Mais
n'y a-t-il pas une repentance qui suit la justification, comme il y
en a une qui là précède ? Et le
devoir d'être « zélés pour les bonnes œuvres »
n'est-il pas imposé à tous ceux qui ont obtenu le pardon ? »
Les bonnes œuvres ne sont elles pas même si importantes que l'homme
qui les négligerait volontairement n'aurait pas le droit de
s'attendre à être jamais sanctifié dans toute l'étendue de ce
mot ; c'est-à-dire perfectionné dans l'amour ? Il y a
plus : pourrait-il même croître en grâce et dans la
connaissance et l'amour, de notre Seigneur Jésus-Christ, ou même
conserver les grâces qu'il a précédemment reçues de Dieu ?
Peut-il persévérer sans cela dans la foi, ou conserver la faveur de
Dieu ? N'est-ce pas là ce que vous admettez ; ce que vous
affirmez constamment ? Mais s'il en est ainsi, comment ;
pouvez-vous dire que la foi est la seule condition de la
sanctification ?
Oui,
sans doute, c'est là ce que j'admets et ce que j'affirme constamment
comme étant la vérité divine. J'admets qu'il y a une repentance
qui suit la justification, comme il y en a une qui la précède.
J'admets que tous ceux qui ont été justifiés sont tenus d'être
zélés pour les bonnes œuvres, et que celles-ci sont si nécessaires
que l'homme qui les négligerait volontairement n'aurait plus le
droit de s'attendre à être sanctifié. Je crois qu'il ne pourrait
croître en grâce, croître à l'image de Dieu et dans les
sentiments qui étaient en Jésus. J'admets même que, sans elles, il
ne saurait conserver les grâces déjà reçues, ou persévérer dans
la foi, ou demeurer dans la faveur de Dieu.
Mais
que devons-nous conclure de cela, sinon que la repentance bien
comprise, et la pratique de toutes les bonnes œuvres, soit œuvres
de piété, soit œuvres de charité, (œuvres qu'on peut appeler
bonnes, puisqu'elles découlent de la foi), sont l'une et l'autre,
dans un certain sens, nécessaires pour notre sanctification ?
J'ai
dit : la repentance bien comprise. C'est qu'il ne faudrait pas
confondre cette repentance-ci avec la première. Celle qui suit la
justification diffère considérablement de celle qui la précède ;
car elle n'apporte à l'âme ni remords, ni sentiments de
condamnation, ni appréhension de la colère de Dieu ; elle ne
suppose pas nécessairement de doute quant à la faveur divine, ou
cette « crainte qui est accompagnée de peine (1Jean 4 : 18)
». C'est, à proprement parler, une conviction qu'opère en
nous le Saint-Esprit, relativement au péché qui existe encore dans
notre cœur, relativement à cette inclination charnelle qui, pour
emprunter le langage de notre Église (L'Église anglicane.),
« subsiste encore, même chez ceux qui sont régénérés »,
bien qu'elle n'y règne pas, bien qu'elle n'y ait plus de domination.
La seconde repentance est une conviction intime de notre inclination
naturelle au mal, de l'existence en nous d'un cœur prompt à se
détourner de Dieu, et de cette disposition constante de la chair à
s'opposer à l'esprit. A moins que nous ne veillons et ne prions sans
cesse, ce cœur mauvais nous porte tantôt à l'orgueil, tantôt à
la colère, tantôt encore à l'amour du monde, de la mollesse, ou
des honneurs, ou à aimer les plaisirs plus que Dieu. Cette
repentance est enfin la conviction que notre cœur est enclin à la
rébellion, à l'athéisme, à l'idolâtrie, mais surtout à
l'incrédulité qui, à chaque moment, de mille manières et sous
mille prétextes divers, nous fait plus ou moins abandonner le Dieu
vivant.
A
cette conviction qu'il reste du péché dans nos cœurs, se joint une
conviction non moins profonde qu'il en reste aussi dans notre
conduite et que toutes nos actions, toutes nos paroles en sont
entachées. Nous arrivons ainsi à démêler dans les meilleures de
ces paroles, de ces actions, un alliage de mal ; c'est tantôt
dans nos dispositions, tantôt dans notre intention, tantôt enfin
dans l'exécution elle-même que se manifeste ce mal, ce quelque
chose qui ne pourrait trouver grâce devant la justice divine, « si
Dieu prenait garde (regardait rigoureusement) aux iniquités (Psaume
130 : 3) ». Là où nous y aurions le moins songé, nous
découvrons l'empreinte funeste de l'orgueil ou de la volonté
charnelle, de l'incrédulité ou de l'idolâtrie. Aussi advient-il
alors que nous rougissons davantage de nos meilleures œuvres, que
nous ne faisions jadis de nos péchés les plus grossiers. Bien loin
de croire que ces œuvres possèdent quelque mérite, bien loin même
de les regarder comme pouvant trouver grâce devant la justice
divine, nous sentons que, n'était le sang de l'alliance, elles ne
feraient qu'ajouter à notre condamnation devant le Seigneur.
L'expérience
démontre qu'outre cette conviction, relative au péché qui reste
encore dans notre cœur et s'attache à toutes nos paroles ; à
tous nos actes ; outre le sentiment que nous serions frappés de
condamnation si nous n'avions continuellement recours à l'aspersion
du sang expiatoire, il entre encore un élément dans cette
repentance : c'est la conviction de notre, impuissance, de
l'incapacité absolue où nous nous trouvons de penser une bonne
pensée, de concevoir un bon désir, à plus forte raison de
prononcer une bonne parole ou d'accomplir une bonne œuvre, à moins
que la grâce toute-puissante de Dieu ne nous y dispose tout d'abord,
et ne nous soutienne ensuite jusqu'au bout.
—
« Mais
quelles sont donc les bonnes œuvres dont la pratique vous semble
nécessaire pour notre sanctification ? » En premier lieu,
il y a les œuvres de piété ; par exemple, la prière en
public, en famille et en secret, la participation à la Cène du
Seigneur, l'étude des Écritures qui consiste à les entendre
expliquer, à les lire et à les méditer, et l'emploi du jeûne et
des abstinences, dans la mesure où le permet notre santé.
En
second lieu viennent les œuvres de miséricorde, tant celles qui
s'adressent au corps que celles qui ont en vue l'âme de nos
semblables. A la première classe de ces œuvres appartiennent le
soulagement des affamés et de ceux qui sont nus, l'hospitalité
accordée aux étrangers et la visite des prisonniers ; des
malades et de ceux qui sont affligés par diverses épreuves. A la
seconde se rattachent les efforts faits pour instruire les ignorants,
pour réveiller les pécheurs indifférents, pour stimuler les âmes
tièdes, pour affermir ceux qui chancellent, pour encourager ceux qui
se laissent abattre, pour secourir ceux qui sont tentés, enfin pour
aider d'une façon quelconque à arracher des âmes à la mort
éternelle. Telle est la repentance, tels sont les fruits de
repentance qui sont nécessaires pour notre sanctification entière.
Tel est le chemin où Dieu veut que ses enfants marchent pour arriver
au salut parfait.
Tout
ceci sert bien à montrer le caractère funeste de cette opinion, si
inoffensive en apparence, qu'il ne reste pas de péché en celui qui
a cru, que tout péché a été détruit depuis la racine jusqu'aux
rameaux, dès le moment où il a été justifié. Cette doctrine,
dispensant le croyant de la seconde repentance, lui ferme l'accès de
la grâce de la sanctification ; car il n'y a pas lieu de se
repentir quand on croit son cœur et sa conduite également exempts
de péché, et il n'y a pas davantage lieu de se perfectionner dans
l'amour, puisque la repentance est essentielle, indispensable en vue
de ce perfectionnement.
De
ce que nous avons dit on peut également tirer cette conclusion,
qu'il ne saurait y avoir le moindre danger à attendre le salut
parfait dans ces dispositions. A supposer que cette grâce n'ait
jamais été reçue ou ne puisse s'obtenir, on ne perdrait pourtant
rien à agir ainsi. Car le simple fait que nous attendons cette grâce
nous excite à faire valoir tous les talents que Dieu nous a confiés,
à les mettre tous à profit et de telle sorte que, lorsque notre
Maître viendra, il puisse « retirer ce qui est à lui avec
l'intérêt (Matthieu 25 : 27) ».
Mais
reprenons notre sujet. Bien que nous admettions que cette seconde
repentance et ses fruits sont nécessaires pour le salut parfait,
nous maintenons cependant que ce n'est ni dans le même sens, ni au
même degré que la foi. Ce n'est pas au même degré ; car ces
fruits ne sont exigés que conditionnellement ; c'est-à-dire en
supposant qu'on en trouve le temps et l'occasion. Mais on ne saurait
aucunement être sanctifié sans la foi. On aurait beau fournir une
repentance aussi complète que l'on voudra la supposer, ou des fruits
aussi abondants que possible, cela ne change rien à la chose ;
on n'est sanctifié que lorsqu'on croit. Mais dès le moment où l'on
croit, on est sanctifié, que l'on ait d'ailleurs porté ces fruits
ou non. Ce n'est pas non plus dans le même sens ; car cette
repentance et ces fruits ne sont nécessaires qu'accessoirement, pour
l'entretien et l'accroissement de la foi, tandis que celle-ci est
nécessaire d'une manière directe et absolue. D'où il suit que la
foi est la seule condition directe et immédiate de la
sanctification.
—
« Mais
quelle est la foi spéciale, par le moyen de laquelle nous sommes
sanctifiés, délivrés du péché et perfectionnés dans l'amour ? »
C'est, une démonstration et une conviction divines des vérités
suivantes. Premièrement, que Dieu l'a promise dans sa sainte parole.
Impossible d'avancer d'un seul pas, tant que nous ne sommes pas
convaincus de cela. Mars il me semble qu'il devrait suffire, pour
assurer de ce fait un homme raisonnable, de cette promesse si
ancienne : « l’Éternel
ton Dieu circoncira ton cœur et le cœur de ta postérité, afin que
tu aimes l’Éternel ton Dieu de tout toit cœur et de toute ton âme
(Deutéronome 30 : 6) ». Avec quelle clarté ces paroles expriment
le perfectionnement de l'amour ! Avec quelle énergie elles
indiquent la délivrance complète du péché ! En effet, aussi
longtemps que le cœur est tout rempli d'amour, quelle place le péché
y trouverait-il ?
C'est,
en second lieu, la démonstration et la conviction divines de cette
vérité que le Seigneur peut faire ce qu'Il a promis. Bien que nous
croyons que c'est une rouvre « impossible quant aux hommes (Marc
10 : 27) » « de tirer une chose nette de ce qui est
souillé (Job 14 : 4) », de purifier le cœur de tout
péché et de le remplir de toute sainteté, cela ne doit pas nous
embarrasser, puisque « toutes choses sont possibles à Dieu (Marc
10 : 27) ». Et à coup sûr personne n'irait supposer que
cette œuvre pût s'accomplir autrement que par la puissance du
Tout-Puissant ! Mais que Dieu parle et la chose se fera « Dieu
dit : Que la lumière soit ! et la lumière fut (Genèse 1 :
3) ».
C'est,
en troisième lieu, la démonstration et la conviction divines de
cette vérité qu'il peut et veut le faire maintenant. Et pourquoi
pas maintenant ? Un moment n'est-il pas pour lui comme mille
ans ? Il ne lui faut pas plus de temps que cela pour accomplir
ce qu'Il veut accomplir. Il n'a pas non plus besoin d'attendre que
les personnes qu'Il veut bénir soient plus dignes de sa bénédiction
ou mieux préparées. Nous pouvons donc, à quelque instant que ce
soit, dire hardiment : « Voici maintenant le jour du
salut ! (2Corinthiens 6 : 2) ». « Si aujourd'hui vous
entendez sa voix, n'endurcissez pas votre cœur (Psaume 95 : 8) ».
« Tout est prêt ; venez aux noces (Matthieu 22 : 4) ».
A
cette persuasion, que Dieu peut et veut nous sanctifier maintenant,
il faut ajouter une chose de plus, savoir une certitude et une
conviction célestes que Dieu le fait immédiatement. Et dans
l'instant même il en est ainsi. Dieu dit à l'âme : « Qu'il
te soit fait selon ta foi ! (Matthieu 9 : 29) » Aussitôt
l'âme est lavée de toutes les taches du péché, purifiée de toute
iniquité. Alors le croyant sent toute la profondeur de ces paroles
solennelles : « Si nous marchons dans la lumière, comme
Il est lui-même dans la lumière, nous avons une communion mutuelle,
et le sang de son Fils Jésus-Christ nous purifie de tout péché
(1Jean 1 : 7) ».
—
« Mais
est-ce graduellement ou bien instantanément que Dieu accomplit dans
l'âme cette grande œuvre ? » Peut-être est-il des
personnes en qui elle s'accomplit graduellement, en ce sens du moins
qu'elles ne savent pas le moment précis où le péché cesse
d'exister en elles. Mais il est infiniment préférable, si Dieu le
veut ainsi, que ce soit fait en un instant, que le Seigneur détruise
le mal « par le souffle de sa bouche (2Thessaloniciens 2 : 8) »,
en un moment, en un clin-d’œil. Et c'est là ce qu'Il fait en
général ; la chose est assez évidente pour que tout homme qui
n'est pas prévenu puisse s'en convaincre.
Toi
donc, âme qui attends cette délivrance, attends-la de moment en
moment. Attends-la de la manière que nous indiquions tout à
l'heure, c'est-à-dire en accomplissant ces « bonnes œuvres
pour lesquelles tu as été créée de nouveau en Jésus-Christ (Ephésiens
2 : 10) ». Alors vous ne courrez aucun risque ; si
vous ne gagnez rien à vivre dans cette attente, au moins n'y
perdrez-vous rien. Car à supposer que votre espérance fût déçue,
vous n'auriez rien perdu à cause d'elle. Mais votre espérance ne
sera point déçue : « Il viendra assurément et il ne
tardera point (Hébreux 10 : 37) ». Attendez donc cette grâce
chaque jour, à chaque heure, à chaque instant. Et pourquoi pas dans
cette heure-ci, dans ce moment ? A coup sûr, si vous croyez que
c'est par la foi, vous pouvez l'attendre maintenant. Et c'est à ceci
que vous reconnaîtrez si vous la cherchez par la foi ou si c'est par
les œuvres. Si c'est par les œuvres, vous voulez faire quelque
chose d'abord, avant d'être entièrement sanctifié. Vous vous
dites :
« Il faut que je devienne ceci, ou que je fasse cela auparavant ». S'il en est ainsi, sachez que jusqu'à ce jour vous cherchez cette, grâce par vos œuvres. Si, au contraire, c'est par la foi, alors vous devez l'attendre tel que vous êtes et par conséquent l'attendre maintenant. Il importe que vous remarquiez le rapport intime qui existe entre ces trois choses : attendez-la par la foi ; attendez-la tel que vous êtes ; attendez-la maintenant. En rejeter une, c'est les rejeter toutes les trois ; en admettre une, c'est les admettre toutes. Croyez-vous que c'est par la foi qu'on est sanctifié ? Soyez donc fidèle à votre principe, et cherchez cette grâce tel que vous êtes, sans prétendre vous améliorer, comme un pauvre pécheur qui n'a d'autre rançon, d'autre plaidoyer que la mort de Christ. Et si c'est tel que vous êtes que vous voulez l'attendre, attendez-la donc maintenant. Pourquoi tarderiez-vous davantage ? Rien ne vous y oblige ; Jésus est prêt, et c'est Lui qui doit être tout pour vous. Il vous attend : il se tient à la porte ! Oh ! que votre âme lui dise avec transport :
Entre
chez moi, Jésus, hôte divin,
Et
pour toujours dans ma demeure ;
Et
pour banquet donne-moi d'heure en heure
Ton
amour sans bornes, sans fin !
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