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Sermon 29 : (1748) LE SERMON SUR LA MONTAGNE, NEUVIÈME DISCOURS
Matthieu 6,24-34
24 Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un, et aimera l’autre; ou il s’attachera à l’un, et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon.
25 C’est pourquoi je vous dis: Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps, de quoi vous serez vêtus. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement?
26 Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n ‘amassent rien dans des greniers; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux?
27 Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une coudée à la durée de sa vie?
28 Et pourquoi vous inquiéter au sujet du vêtement? Considérez comment croissent les lis des champs: ils ne travaillent ni ne filent;
29 cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux.
Sermon 29 : (1748) LE SERMON SUR LA MONTAGNE, NEUVIÈME DISCOURS
Matthieu 6,24-34
24 Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un, et aimera l’autre; ou il s’attachera à l’un, et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon.
25 C’est pourquoi je vous dis: Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps, de quoi vous serez vêtus. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement?
26 Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n ‘amassent rien dans des greniers; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux?
27 Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une coudée à la durée de sa vie?
28 Et pourquoi vous inquiéter au sujet du vêtement? Considérez comment croissent les lis des champs: ils ne travaillent ni ne filent;
29 cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux.
30
Si Dieu revêt ainsi l’herbe des champs, qui existe aujourd’hui
et qui demain sera jetée au four, ne vous vêtira-t-il pas à plus
forte raison, gens de peu de foi?
31 Ne vous inquiétez donc point, et ne dites pas: Que mangerons-nous? que boirons-nous? de quoi serons-nous vêtus?
31 Ne vous inquiétez donc point, et ne dites pas: Que mangerons-nous? que boirons-nous? de quoi serons-nous vêtus?
32
Car toutes ces choses, ce sont les païens qui les recherchent. Votre
Père céleste sait que vous en avez besoin.
33 Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu; et toutes ces choses vous seront données par-dessus.
34 Ne vous inquiétez donc pas du lendemain; car le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine.
33 Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu; et toutes ces choses vous seront données par-dessus.
34 Ne vous inquiétez donc pas du lendemain; car le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine.
Nous
lisons dans le livre des rois que les nations que le roi d'Assyrie
plaça dans les villes de la Samarie, après avoir transporté Israël
en captivité, « révéraient l’internet et servaient en même
temps leurs dieux ». Ces nations, « dit l'auteur
inspiré », craignaient (ou révéraient) l’Éternel,
« c'est-à-dire lui rendaient extérieurement une sorte de
culte et en même temps elles servaient leurs images, et leurs
enfants et les enfants de leurs enfants font jusqu'à ce jour comme
leurs pères ont fait (2 Rois 17 : 33-41).
Combien la plupart des chrétiens actuels se rapprochent, dans leur conduite, de ces tribus païennes ! Eux aussi révèrent le Seigneur ; par le culte extérieur qu'ils lui rendent, ils montrent qu'ils le craignent en quelque mesure ; mais eux aussi servent leurs propres dieux. Eux aussi ont, comme ces Assyriens, des gens qui leur enseignent « la manière de servir le dieu du pays », le dieu dont le pays porte le nom jusqu'à ce jour et qui y reçut jadis une plus véritable adoration ; toutefois ils ne le servent pas seul ; ils ne le craignent pas assez pour cela ; mais « chaque nation se fait ses » propres « dieux », chaque nation dans les villes qu'elle habite ». Ces nations « craignent le Seigneur » ; elles n'ont pas mis de côté les formes de son service, mais « elles servent leurs images » d'argent et d'or, faites de main d'homme : l'argent, le plaisir, la gloire, — qui sont les dieux de ce monde, font plus que partager leurs hommages avec le Dieu d'Israël ; « et leurs enfants et les enfants de leurs enfants font jusqu'à ce jour comme leurs pères ont fait ».
Mais quoiqu'il soit dit, dans un sens peu rigoureux et selon le langage ordinaire des hommes, que ces pauvres païens « servaient l’Éternel », il nous faut bien remarquer que le Saint-Esprit ajoute immédiatement après, parlant selon la vraie nature des choses : « Ils ne craignent donc point l’Éternel et ne suivent point les lois et les commandements que le Seigneur commanda aux enfants d'Israël, avec lesquels il fit une alliance et auxquels il commanda en disant : Vous ne craindrez point d'autres dieux et ne vous prosternerez point devant eux, mais vous craindrez l’Éternel et il vous délivrera de la main de vos ennemis ».
Tel est aussi le jugement que l'Esprit qui ne peut mentir (et même quiconque a les yeux ouverts pour discerner les choses de Dieu), porte sur ces pauvres chrétiens de nom. A parler selon la vérité et la nature réelle des choses, « ils ne craignent ni ne servent l’Éternel ». Car ils ne font ni selon l'alliance que le Seigneur a faite avec eux, ni d'après la loi et le commandement qu'il leur a donné, en disant : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui seul ». Ils servent jusqu'à ce jour d'autres dieux et — « nul ne peut servir deux maîtres ».
Que ce désir de servir deux maîtres, qui que ce soit qui le forme, est insensé ! N'est-il pas aisé de prévoir la conséquence inévitable d'une telle tentative ? « Ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre ». Ces deux sentences, quoique présentées séparément, sont intimement liées, quant au sens, et l'une est la conséquence de l'autre. Naturellement il s'attachera à celui qu'il aime, en sorte qu'il lui rendra un service volontaire, fidèle et actif ; tandis que, pour le maître qu'il hait, il le méprisera au moins assez pour n'avoir que peu d'égards pour ses commandements et pour n'y prêter obéissance, si obéissance il y a, qu'imparfaitement et avec négligence.
Ainsi donc, quoi qu'en pensent les sages de ce monde, « vous ne pouvez servir Dieu et Mammon ».
Mammon était le nom d'une divinité païenne qu'on supposait présider aux richesses. Il est pris ici pour les richesses elles-mêmes, pour l'argent et l'or, et, par une figure ordinaire de langage, pour tout ce qu'on peut se procurer à prix d'argent, — le bien-être, l'honneur et les plaisirs sensuels.
Mais que faut-il entendre ici par le service de Dieu et par le service de Mammon ?
Nous ne pouvons servir Dieu si nous ne croyons en lui. La foi est la vraie base de son service. Croire en Dieu comme « réconciliant le monde avec lui-même par Jésus-Christ », croire en lui comme en un Dieu qui aime et qui pardonne, c'est par là qu'il faut commencer pour le servir.
Croire ainsi en Dieu, — c'est nous confier en lui comme en notre force sans laquelle nous ne pouvons rien, et qui nous revêt incessamment de cette vertu d'en haut qui est indispensable pour lui plaire ; comme en notre soutien, notre seul soutien qui, dans le temps de détresse, nous environne de chants de délivrance ; comme en notre bouclier, notre défenseur qui élève notre tête par-dessus nos ennemis qui campent autour de nous.
Croire ainsi en Dieu, — c'est nous confier en lui comme en notre vie, comme au Père des esprits, l'unique repos de nos âmes, le seul bien qui réponde à la grandeur de nos facultés et qui puisse suffire à remplir les désirs qu'il a lui-même mis au dedans de nous.
Croire ainsi en Dieu, — c'est nous confier en lui comme en notre fin, regarder à lui en toutes choses ; n'user des choses que par rapport à lui et comme moyen de le connaître et de le posséder ; c'est voir dans toutes nos allées et nos venues Celui qui est invisible nous regardant avec bienveillance, enfin c'est lui rapporter toutes choses en Jésus-Christ.
Croire ainsi en Dieu est la première partie du service de Dieu. La seconde, c'est de l'aimer.
Aimer Dieu, suivant la définition des Écritures et comme Dieu lui-même le requiert de nous et s'engage par cela même à opérer en nous dans ce but, c'est l'aimer comme le seul Dieu, c'est-à-dire « de tout notre cœur, de toute notre âme, de toute notre pensée et de toutes nos forces ». C'est désirer Dieu pour lui-même et ne rien désirer qu'à cause de lui ; c'est se réjouir en Dieu, mettre en lui ses délices, non seulement chercher mais trouver son bonheur en lui, l'aimer comme le premier « entre dix mille », nous reposer en lui comme en notre tout ; — en un mot, c'est avoir de lui cette possession qui rend continuellement heureux.
Servir Dieu, c'est encore lui ressembler, l'imiter.
« La meilleure adoration de Dieu », disait un ancien père, « c'est d'imiter celui que tu adores ». L'imitation dont je parle est celle de notre esprit et de nos pensées, car c'est là que commence la manière chrétienne d'imiter Dieu. « Dieu est esprit », et il faut que ceux qui l'imitent lui ressemblent « en esprit et en vérité ».
Or, « Dieu est amour » ; c'est pourquoi ceux qui lui ressemblent en esprit sont « transformés dans cette même image ». Ils sont « miséricordieux, comme il est miséricordieux ». Leur âme est tout amour. Ils sont doux, bienveillants, compatissants et tendres ; et cela non seulement pour ceux qui sont bons et doux, mais pour ceux-mêmes dont l'humeur est difficile et acariâtre. Comme lui ils sont « bons pour tous », et leurs « compassions s'étendent à toutes ses œuvres ».
Servir Dieu, c'est enfin lui obéir, c'est le glorifier dans nos corps comme dans nos esprits, garder au dehors comme au dedans ses ordonnances, faire avec zèle tout ce qu'il commande, éviter avec soin tout ce qu'il interdit, accomplir les actes ordinaires de la vie d'un œil simple et d'un cœur pur, et les offrir par un amour saint et fervent, comme des sacrifices à Dieu par Jésus-Christ.
Considérons
maintenant, d'autre part, ce qu'il faut entendre par servir Mammon.
Servir Mammon, c'est, d'abord, nous confier aux richesses et en tout ce qu'elles procurent comme en notre force, comme au moyen d'accomplir tout ce qui nous plaît ; — comme en notre secours, par lequel nous comptons être consolés ou délivrés dans les jours de détresse.
Servir Mammon, c'est nous confier au monde pour notre bonheur ; c'est croire que lorsque « les biens abondent à quelqu'un, il a la vie », le bonheur de la vie « par ses biens » ; c'est attendre notre repos des objets visibles, notre contentement de l'abondance extérieure, c'est attendre des choses du monde cette sorte de satisfaction qu'on ne saurait trouver hors de Dieu.
Et dès lors servir Mammon, c'est nécessairement faire du monde notre fin, le dernier but tout au moins d'un grand nombre de nos entreprises, d'un grand nombre de nos actions et de nos desseins, dans lesquels nous viserons uniquement à accroître notre fortune, à obtenir les plaisirs ou les louanges, à nous procurer plus de biens temporels sans avoir égard aux choses éternelles.
Servir Mammon, c'est, en deuxième lieu, aimer le monde ; c'est désirer le monde pour lui-même, c'est placer notre joie dans les choses du monde et y mettre notre cœur, c'est y chercher, bien vainement sans doute, notre bonheur, c'est nous appuyer de toute la puissance de notre âme sur ce roseau brisé, quoiqu'une expérience journalière nous montre qu'il ne peut servir d'appui, mais qu'il ne fait que nous « percer la main ».
Servir Mammon, c'est, en troisième lieu, ressembler au monde, s'y rendre conforme, c'est avoir non seulement des desseins, mais des désirs, des sentiments, des affections d'accord avec ceux du monde, c'est être terrestres, sensuels, enchaînés aux choses de la terre, c'est être attachés à notre volonté propre, amateurs passionnés de nous-mêmes, c'est avoir une haute opinion de nos qualités, c'est nous complaire dans les louanges des hommes, c'est craindre, éviter, détester ses reproches, c'est être impatients de la répréhension, irritables et prompts à rendre le mal pour le mal.
Servir Mammon, c'est, enfin, obéir au monde, en suivant, au dehors, ses maximes et ses coutumes, c'est faire comme les autres, marcher dans la route commune, dans le sentier large, facile et battu, c'est être à la mode et suivre la multitude, c'est faire, en un mot, la volonté de la chair et de nos pensées, caresser nos appétits et nos penchants, sacrifier à nous-mêmes et ne chercher dans l'ensemble de nos actions et de nos paroles que notre plaisir et notre propre satisfaction. N'est-il donc pas évident par-dessus toute évidence qu'un tel service ne peut être rendu à la fois à Dieu et à Mammon ?
Qui ne voit qu'on ne peut commodément les servir tous deux ? Que flotter entre Dieu et le monde est le plus sûr moyen d'être désappointé des deux parts et de n'avoir de repos d'aucun côté ? Quelle condition que celle d'un homme qui, craignant Dieu sans l'aimer, le servant mais non de tout son cœur, ne recueille que les peines et non les plaisirs de la religion ? Il a tout juste assez de religion pour être misérable, mais pas assez pour être heureux ; la religion ne lui permet pas de jouir du monde, et le monde ne lui permet pas de jouir de Dieu. En sorte que, pour se tenir entre deux, il les perd tous deux et n'a la paix ni avec Dieu ni avec le monde.
Qui ne voit qu'on ne peut de manière à être conséquent avec soi-même les servir tous deux ? Quelle plus éclatante contradiction peut-on concevoir que celle qui paraît continuellement dans la conduite d'un homme qui s'efforce de servir à la fois Dieu et Mammon ? C'est un pécheur qui « va par deux chemins », un pas en avant, un pas en arrière. Sans cesse il bâtit d'une main et démolit de l'autre ; il aime le péché, et cependant il le hait ; toujours cherchant Dieu et toujours fuyant loin de Lui. Il veut et ne veut pas. Il n'est pas le même homme pendant un jour, que dis-je, pendant une heure entière. C'est un mélange bizarre de contrastes, un amas de contradictions fondues en une seule. Oh ! soyez, de manière ou d'autre, d'accord avec vous-même ! Prenez à droite ou à gauche. Si Mammon est Dieu, servez-le ! Si l'Éternel est Dieu, servez-le ! Mais n'allez pas croire que vous servez l'un ou l'autre, à moins que vous ne le fassiez de tout votre cœur.
Quel homme raisonnable et réfléchi ne voit qu'il est impossible de les servir tous deux, attendu qu'il y a entre eux l'opposition la plus absolue, l'inimitié la plus irréconciliable. L'opposition qui existe ici-bas entre les choses les plus contraires, entre le feu et l'eau, entre les ténèbres et la lumière, s'évanouit entièrement devant celle qui existe entre Dieu et Mammon, en sorte que vous ne pouvez servir l'un, en quoi que ce soit, sans renier l'autre. Vous croyez en Dieu par Jésus-Christ, vous l'embrassez comme votre force, votre secours, votre bouclier, votre « très grande récompense », — comme votre vie, votre tout dans tout et par-dessus tout ? Mais alors vous ne vous confiez point aux richesses. Vous ne sauriez absolument le faire aussi longtemps que vous avez cette foi en Dieu. Vous vous confiez aux richesses ? Alors vous avez renié la foi, et vous ne vous confiez pas au Dieu vivant. Aimez-vous Dieu, avez-vous cherché et trouvé votre bonheur en lui ? Alors vous ne pouvez aimer le monde ni les choses du monde. Vous êtes crucifié au monde et le monde vous est crucifié. Aimez-vous le monde ? Vos affections appartiennent-elles aux choses d'ici-bas ? Y cherchez-vous votre bonheur ? Alors il est impossible que vous aimiez Dieu ; alors « l'amour du Père n'est point en vous ». Ressemblez-vous à Dieu ? Êtes-vous miséricordieux comme votre Père est miséricordieux ? Êtes-vous transformés par le renouvellement de votre esprit à l'image de celui qui vous a créés ? Alors vous ne pouvez « vous conformer au présent siècle ». Vous avez renoncé à ses affections et ses convoitises. Êtes-vous conformes au monde ? Votre âme porte-t-elle encore « l'image du terrestre ? » Alors vous n'êtes pas renouvelé dans l'esprit de votre entendement ; vous ne portez pas « l'image du céleste ». Obéissez-vous à Dieu ? Êtes-vous zélés pour sa volonté sur la terre comme les anges le sont dans le ciel ? Alors il est impossible que vous obéissiez à Mammon. Alors vous bravez le monde, vous foulez aux pieds ses coutumes et ses maximes, et vous ne voulez ni les suivre, ni vous laisser diriger par elles. Suivez-vous le monde ? Vivez-vous comme les autres hommes ? Plaisez-vous aux hommes ? Vous plaisez-vous à vous-mêmes ? Alors vous ne pouvez être serviteurs de Dieu ; vous servez le diable, votre maître et votre père.
C'est pourquoi « tu adoreras l'Éternel ton Dieu, et tu le serviras lui seul ». Tu renonceras à toute idée d'obéir à deux maîtres, de servir Dieu et Mammon. Tu ne te proposeras pas d'autre fin, d'autre aide, d'autre bonheur que Dieu. Tu ne chercheras « que lui dans le ciel et sur la terre », tu n'auras d'autre but que de le connaître, de l'aimer et de le posséder : Et, puisque c'est là votre seule affaire ici-bas, la seule vue, le seul dessein que vous puissiez raisonnablement avoir et poursuivre en toutes choses, pour cette raison « je vous dis », continue le Seigneur, « ne soyez point en souci de votre vie de ce que vous mangerez et de ce que vous boirez, ni pour votre corps de quoi vous serez vêtus » ; — profonde et importante instruction qu'il nous importe de bien considérer et de bien comprendre.
Ce que le Seigneur commande, dans ce passage, ce n'est pas que nous soyons absolument sans souci, même pour les intérêts de la terre. L'étourderie et l'insouciance sont aussi loin que possible de la religion de Christ. Il ne nous commande pas non plus d'être lâches, paresseux et lents dans les affaires. Ce n'est pas moins contraire à l'esprit tout entier de sa religion. Le chrétien abhorre la paresse autant que l'ivrognerie, et fuit l'oisiveté autant que l'adultère. Il est une sorte de soins auxquels Dieu prend plaisir, et qui sont nécessaires pour remplir comme il faut les devoirs extérieurs auxquels la providence de Dieu nous appelle.
Dieu veut que chacun travaille pour manger son propre pain et qu'il pourvoie au besoin des siens, de ceux de sa propre maison. Il veut aussi « que nous ne devions rien à personne », recherchant « les choses qui sont honnêtes devant tous les hommes ». Mais cela ne peut se faire sans réflexion, sans quelque souci, souvent même sans de longues et sérieuses préoccupations et sans une grave sollicitude. Le Seigneur ne peut donc condamner ces pensées et ce souci indispensables. C'est, au contraire, une chose bonne et agréable à Dieu, notre Sauveur.
Il est bon et agréable à Dieu que nos pensées travaillent assez relativement à tout ce dont nous nous occupons pour bien comprendre et bien régler le plan de toute affaire avant de l'entreprendre. Il est bon aussi que, de temps en temps, nous considérions avec soin la marche qu'il faut y suivre, après avoir tout préparé d'avance pour y réussir de notre mieux. Ces « soucis de la tête », comme quelques-uns les appellent, ne sont nullement ce que le Seigneur a eu l'intention de condamner.
Ce
qu'il condamne ici ce sont les « soucis du cœur » ;
les soucis inquiets, les soucis qui rongent, tout souci propre à
faire du tort soit au corps, soit à l'âme. Ce qu'il interdit, c'est
ce genre de soucis qui, comme le montre l'expérience, troublent
notre sang et épuisent nos esprits, qui devancent la misère qu'ils
redoutent, et qui viennent nous « tourmenter avant le temps » ;
ces soucis qui empoisonnent la bénédiction d'aujourd'hui par la
crainte de ce qui peut arriver demain, et empêchent de jouir de
l'abondance actuelle par l'appréhension d'une indigence future. De
tels soucis ne sont pas seulement une maladie, une grave maladie de
l'âme, mais encore une offense odieuse envers Dieu, un très grand
péché, un outrage au sage Dispensateur de toutes choses ; car
c'est dire que le souverain Juge ne juge pas justement et qu'il
n'ordonne pas bien les choses d'ici-bas. C'est dire ou qu'il manque
de sagesse, s'il ne sait pas ce dont nous avons besoin, ou de bonté,
s'il refuse de procurer ces choses à l'un de ceux qui se confient en
lui. Gardez-vous donc de cette sorte de soucis ; n'ayez de
soucis inquiets pour aucune chose. Ne vous tourmentez pas dans vos
pensées ; cette règle est claire et certaine : tout souci
inquiet est mauvais. Faites, d'un œil simple, tout ce qui
est en votre pouvoir pour vous procurer les choses qui
sont « honnêtes devant tous les hommes », puis
remettez le tout en de meilleures mains, et attendez le succès de
Dieu.
Dans
ce sens « ne vous inquiétez pas même, pour votre vie, de ce
que vous mangerez, de ce que vous boirez, ni, pour votre corps, de
quoi vous serez vêtus. La vie n'est-elle pas plus que la nourriture,
et le corps plus que le vêtement ? » Dieu, qui vous a
fait le plus grand don, celui de la vie, ne vous en accordera-t-il
pas un moindre, la nourriture nécessaire à cette vie ? S'il
vous a donné le corps, comment doutez-vous qu'il ne vous donne de
quoi le vêtir ? surtout si vous vous abandonnez à lui et le
servez de tout votre cœur. « Considérez », regardez
devant vous « les oiseaux de l'air : ils ne sèment ni ne
moissonnent, et n'amassent rien dans des greniers », et
cependant ils ne manquent de rien, mais « votre Père céleste
les nourrit ». N'êtes-vous pas plus excellents qu'eux ?
« Vous, créatures capables de posséder Dieu, n'avez-vous pas
plus de valeur à ses yeux, et votre rang n'est-il pas plus élevé
dans l'échelle des êtres ? « Et lequel de vous, par son
souci, pourrait ajouter une coudée à sa taille ? » Que
gagneriez-vous à vous inquiéter ? Ce souci est donc de toute
manière inutile et sans fruit.
« Et pourquoi vous mettez-vous en peine pour le vêtement ? » N'avez-vous pas tous les jours, sous les yeux, votre censure ? « Apprenez comment les lis des champs croissent : ils ne travaillent ni ne filent. Cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n'a point été vêtu comme l'un d'eux. Si donc Dieu revêt ainsi l'herbe des champs qui est aujourd'hui et qui demain sera jetée dans le four, ne vous revêtira-t-il pas beaucoup plutôt ? ô gens de petite foi », vous qu'il a faits pour vivre toujours, pour être à l'image de son éternité ! Vous êtes vraiment de petite foi, car autrement vous ne pourriez douter de son amour et de sa sollicitude, non, pas même pour un moment.
« Ne soyez donc point en souci disant : Que mangerons-nous » si nous n'amassons des trésors sur la terre ? Que boirons-nous » si nous servons Dieu de toutes nos forces, si, d'un cœur simple, nous regardons à lui seul ? « De quoi serons-nous vêtus » si nous ne nous confions pas au monde, si nous heurtons ceux de qui nous pourrions tirer profit ? « Car ce sont les païens qui recherchent toutes ces choses », les païens qui ne connaissent point Dieu. Mais vous n'ignorez pas que « votre Père céleste sait que vous avez besoin de toutes ces choses-là ». Et il vous indique une marche infaillible pour en être toujours pourvus : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par-dessus ».
« Cherchez premièrement le royaume de Dieu : » Avant toute autre pensée, tout autre souci, ayez le désir ardent que Dieu règne dans vos cœurs, lui le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui a donné son Fils unique pour vous, qu'il se manifeste en vous, qu'il y habite et y gouverne ; « qu'il renverse les forteresses et tout ce qui s'élève contre sa connaissance et soumette toutes vos pensées captives à l'obéissance de Christ » ; que Dieu seul ait domination sur vous ; que seul il soit votre attente, votre joie, votre amour ; en sorte que tout ce qui est en vous répète continuellement : « Le Seigneur Dieu tout-puissant règne ! »
« Cherchez le royaume de Dieu et sa justice ». La justice habite là où Dieu règne ainsi dans le cœur ; et qu'est-ce que la justice, si ce n'est l'amour ? l'amour de Dieu et de tous les hommes, découlant de la foi en Jésus-Christ et produisant l'humilité d'esprit, la douceur, la débonnaireté, la longanimité, la patience, le renoncement au monde, et toute bonne disposition envers Dieu et envers les hommes ; d'où naissent à leur tour, toutes les actions saintes, aimables et dignes de louange, toute œuvre de foi, tout travail de charité agréable à Dieu et utile au prochain.
« Sa justice ». -Tout cela demeure sa justice ; c'est le don libre de sa grâce envers nous, en Jésus-Christ le Juste, par qui seul elle nous est acquise ; et c'est son œuvre ; lui seul l'opère en nous par l'effusion du Saint-Esprit.
Ceci peut jeter du jour sur d'autres passages que nous n'avons peut-être pas clairement compris. Saint Paul, dans son Épître aux Romains, dit, en parlant des Juifs incrédules : « Ne connaissant pas la justice de Dieu, et voulant établir leur propre justice, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu ». Je pense donc que par ces mots : « Ne connaissant pas la justice de Dieu », il ne faut pas entendre seulement qu'ils ignoraient la justice de Christ imputée à tout croyant, par laquelle ses péchés sont effacés, en sorte qu'il retrouve la faveur de Dieu, mais aussi et plus immédiatement encore, qu'ils ignoraient cette justice intérieure, cette sainteté de cœur qui mérite parfaitement d'être appelée « justice de Dieu », puisqu'elle est, à la fois, son don gratuit en Jésus et son œuvre par le Saint-Esprit. C'est parce qu'ils ignoraient cette justice qu'ils cherchaient à établir « leur propre justice ». Ils s'efforçaient d'établir cette justice extérieure ; qui méritait bien d'être appelée la leur, car elle n'était, ni produite par l'Esprit de Dieu, ni avouée et reconnue de lui. Ils pouvaient l'opérer eux-mêmes par leurs forces naturelles ; et quoique ce ne fût qu'une abomination devant Dieu et une puanteur à ses narines, cependant comme ils s'y confiaient, ils ne voulaient point se soumettre à la justice de Dieu, et même ils s'endurcissaient contre la foi par laquelle seule on peut l'atteindre. « Car Christ est la fin de la loi en justice à tout croyant ». Christ, lorsqu'il s'écria : « Tout est accompli », mit fin à la loi, à la loi des cérémonies et des rites extérieurs, afin de nous procurer une justice plus excellente par son sacrifice, savoir le don de la ressemblance de Dieu gravée au plus profond de l'âme de tout croyant.
Je trouve un sens analogue dans ces paroles de Paul aux Philippiens : « Je ne regarde toutes choses que comme de l'ordure, pourvu que je gagne Christ et que je sois trouvé en lui, ayant non la justice qui me venait de la loi, mais celle qui vient de la foi en Christ, la justice qui est de Dieu par la foi ». « N'ayant pas la justice qui me venait de la loi », une justice purement du dehors, la religion que j'avais autrefois quand je fondais mon espérance sur ce que, « à l'égard de la justice de fa loi, j'étais sans reproche », mais « la justice qui vient de la foi en Christ, la justice qui est de Dieu par la foi », ce renouvellement complet de l'âme, qui est l'œuvre de Dieu et non des hommes ; qui est « par la foi », par la foi en Christ par laquelle seule nous obtenons la rémission des péchés et un héritage parmi ceux qui sont sanctifiés.
« Cherchez premièrement » ce « royaume de Dieu » qui s'établit dans le cœur, cette justice qui est le don et l'œuvre de Dieu et le renouvellement de l'image de Dieu dans vos âmes ; et « tout le reste », c'est-à-dire, tout ce qui est nécessaire pour le corps, dans la mesure la plus convenable pour l'avancement de son règne, « tout le reste vous sera donné par-dessus ». Dieu vous le donnera par-dessus le marché. En cherchant la paix et l'amour de Dieu, vous ne trouverez pas seulement ce premier objet de vos désirs — « le royaume qui ne peut être ébranlé » — mais encore vous trouverez ce que vous ne cherchez point, et que du moins vous ne cherchez nullement pour soi ; — vous trouverez sur votre chemin les biens extérieurs en tant qu'il vous convient d'en avoir ; c'est un soin que Dieu prend à sa charge ; jetez donc sur lui le fardeau de vos soucis. Il sait vos besoins et il ne manquera pas de suppléer à ce qui vous manque.
« Ne soyez donc point en souci pour le lendemain ». Non seulement ne vous mettez point en souci d'amasser des trésors sur la terre, d'asseoir votre position dans le monde, — mais, même pour ce qui est absolument nécessaire, n'ayez pas de souci inquiet. Ne vous tourmentez pas maintenant de ce que vous aurez à faire dans une éventualité encore éloignée. Peut-être ne viendra-t-elle jamais ou ne viendra-t-elle pas pour vous dont la nacelle aura déjà abordé dans l'éternité. Toutes ces vues éloignées doivent être étrangères à des créatures d'un jour. Et qu'avez-vous à faire proprement avec le lendemain ! pourquoi vous tourmenter sans nécessité ? Dieu prend soin pour aujourd'hui de soutenir la vie qu'il vous a donnée. Cela suffit. Mettez-vous entre ses mains. Un autre jour, si vous vivez, il prendra encore soin de vous.
Surtout que le souci de l'avenir ne vous soit pas un prétexte pour négliger le devoir présent. C'est la manière la plus funeste de prendre souci du lendemain. Et que ce travers est commun ! Que de gens, lorsque nous les exhortons à conserver une conscience pure, à s'abstenir de ce qu'ils savent être mal, ne se font aucun scrupule de répliquer : « Et que ferons-nous pour vivre ? Ne faut-il pas vivre, nous et notre famille ? » Ils croient cette raison suffisante pour persévérer volontairement dans le péché. Ils voudraient, disent-ils, sincèrement peut-être, ils voudraient servir Dieu aujourd'hui ; mais ils perdraient aussitôt leur pain. Ils voudraient se préparer pour l'éternité ; mais ils craignent de manquer du nécessaire. C'est ainsi qu'ils servent le diable pour un morceau de pain ; ils courent en enfer par crainte du besoin ; ils perdent leurs pauvres âmes de crainte de manquer, un jour ou l'autre, de ce qui est nécessaire pour le corps.
Empiétant ainsi sur l'action de Dieu et sur les soins qu'il s'est réservés, il n'est pas étonnant qu'ils soient souvent désappointés dans les choses mêmes qu'ils recherchent et que jetant les biens du ciel pour s'assurer ceux de la terre, ils perdent les uns sans gagner les autres. Le Dieu jaloux permet souvent cela dans sa providence ; et ceux qui ne veulent pas « rejeter leurs soucis sur l’Éternel », perdent souvent cela même qu'ils ont choisi pour leur portion. Une malédiction visible repose ; sur toutes leurs entreprises, et ils échouent en tout et partout, en sorte qu'après avoir abandonné Dieu pour le monde, ils perdent ce qu'ils cherchent aussi bien que ce qu'ils ne cherchent point, et se trouvent privés du royaume de Dieu et de sa justice sans que les autres choses leur soient données en compensation.
Mais il est une autre manière de « se mettre en souci pour le lendemain » qui se rapporte aux choses spirituelles et qui n'est pas moins condamnée par ce texte. L'inquiétude pour un avenir plus ou moins éloigné peut nous faire négliger les devoirs que nous avons sous la main. Oh ! qu'il est facile, à moins de veiller et de prier sans cesse, de se laisser entraîner insensiblement dans cet écart, et de rêver pour ainsi dire, les yeux ouverts, formant des projets pour un avenir lointain et se repaissant des peintures séduisantes de l'imagination. Que de bien ne ferai-je pas quand je serai dans tel lieu, dans telle position ! Comme j'abonderai en bonnes œuvres quand je serai bien dans mes affaires ! Avec quel zèle je servirai Dieu quand je n'aurai plus tel ou tel obstacle sur mon chemin !
Vous êtes peut-être dans un pénible état d'âme ; Dieu semble vous cacher sa face, vous voyez peu sa lumière ; vous avez peu le sentiment de son amour. Dans cette position qu'il est naturel de penser : « Oh ! combien je louerai Dieu quand il aura fait lever de nouveau sur moi la clarté de sa face ! Comme j'exhorterai les âmes à le bénir quand son amour sera de nouveau répandu dans mon cœur ! Je rendrai partout témoignage à Dieu ; je n'aurai point honte de l’Évangile de Christ ; je rachèterai le temps, je ferai valoir tous les talents qu'il m'a donnés ! » Ne crois rien de tout cela. Tu ne le feras point alors, si tu ne le fais dès aujourd'hui. « Celui qui est fidèle dans les petites choses », quelle qu'en soit la nature, qu'il s'agisse de la terre ou du ciel, « sera aussi fidèle dans les grandes ». Si tu caches maintenant dans la terre ce seul talent que tu possèdes, tu en cacheras alors cinq s'ils te sont donnés : mais il n'y a pas apparence que tu les obtiennes ». Car « à celui qui a », c'est-à-dire qui emploie ce qu'il a, on donnera davantage ; mais « à celui qui n'a pas », c'est-à-dire qui n'emploie pas la grâce petite ou grande qu'il a déjà reçue, « on lui ôtera même ce qu'il a ».
Ne vous préoccupez pas non plus des tentations du lendemain. Ce piège aussi est dangereux. Ne dites pas : « Que ferai-je en face de cette tentation et comment y résisterai-je ? Je me sens incapable de la surmonter. Je ne saurais vaincre cet ennemi ».
Il est vrai, vous n'avez pas maintenant la force dont vous n'avez pas besoin maintenant. Vous ne sauriez vaincre à cette heure tel ennemi, mais à cette heure il ne vous attaque point. Avec la force que vous avez, vous ne sauriez résister aux tentations que vous n'avez point. Mais quand viendra la tentation, alors viendra la grâce. Dans une plus grande épreuve vous recevrez plus de force. Lorsque les souffrances abonderont, les consolations de Dieu abonderont dans la même proportion, en sorte que dans toute situation, vous puissiez dire : « Sa grâce me suffit ». Chaque jour vous pourrez dire : Il ne permet point aujourd'hui que je sois tenté au-dessus de mes forces. « Dans toute tentation, il vous donnera une issue ». « Ta force durera autant que tes jours ».
Que « le lendemain donc ait soin de ce qui le regarde », c'est-à-dire, attends d'être au lendemain pour t'en occuper. Vis jour par jour. Que ton grand souci soit de mettre à profit l'heure présente. Elle t'appartient, et c'est tout ce qui t'appartient. Le passé n'est plus rien et c'est comme s'il n'avait jamais été. L'avenir n'est rien encore ; il n'est point encore à toi, peut-être ne sera-t-il jamais à toi. Tu ne peux y compter ; car tu ne sais ce qu'amènera le jour de demain. Occupe-toi donc d'aujourd'hui ; ne perds pas une heure ; emploie le moment présent, car c'est là ta portion. Qui est-ce qui connaît ce qui a été avant lui ou ce qui sera après lui sous le soleil ? « Les générations qui furent dès le commencement, où sont-elles ? Elles sont disparues, elles sont oubliées. Elles furent, elles vécurent leur jour ; puis elles tombèrent comme les feuilles d'un arbre qu'on secoue, et allèrent se confondre dans la commune poussière. Puis vinrent d'autres générations qui bientôt rejoignirent leurs pères pour « ne plus voir la lumière ». Maintenant tu es sur la terre à ton tour : « Jeune homme, réjouis-toi dans les jours de ta jeunesse ». Maintenant, maintenant embrasse Celui dont les années ne finissent point. Maintenant regarde d'un œil simple à Celui « en qui il n'y a ni variation ni ombre de changement ». Maintenant donne-lui ton cœur, maintenant appuie-toi sur lui ; maintenant sois saint comme il est saint ! Maintenant saisis l'occasion bénie de faire sa volonté agréable et parfaite ! Maintenant endure avec joie « la perte de toutes choses, afin de gagner Christ ! » Souffre avec joie « aujourd'hui » pour son nom, mais ne t'inquiète pas des souffrances de demain : « A chaque jour suffit sa peine ». « Sa peine », oui, c'est ainsi qu'il faut appeler, dans la langue des hommes, l'opprobre et le besoin, la douleur et la maladie ; mais dans la langue de Dieu, ce n'est que bénédiction ». C'est un baume précieux préparé par sa sagesse, et diversement distribué parmi ses enfants, suivant les diverses maladies de leurs âmes. Il en donne « chaque jour » une dose suffisante pour ce jour, selon le besoin et la force du malade. Si donc tu anticipes sur la dose de demain, la joignant à ce qui t'est donné pour aujourd'hui, ce sera plus que tu ne peux porter, et c'est le moyen non de guérir, mais de détruire ton âme. Contente-toi donc aujourd'hui de ce qu'il te prescrit pour aujourd'hui. Aujourd'hui, fais et endure sa volonté ! Aujourd'hui livre ton corps ton âme, ton esprit à Dieu par Jésus-Christ, ne désirant rien, si ce n'est de le glorifier dans tout ce que tu es, dans tout ce que tu fais, dans tout ce que tu souffres ; ne cherchant rien si ce n'est la connaissance de Dieu et de Jésus-Christ, son Fils, par l'Esprit éternel ; ne te proposant rien, si ce n'est de l'aimer, de le servir, et de le posséder à cette heure et dans toute l'éternité !
Or, à Dieu le père qui m'a créé, qui a créé le monde, — à Dieu le Fils qui m'a racheté, qui a racheté tous les hommes, — à Dieu le Saint-Esprit qui me sanctifie et qui sanctifie tous les élus de Dieu, soit honneur, louange, majesté et puissance, aux siècles des siècles ! Amen !