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Yves PETRAKIAN Copie
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21 Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.
22 L’œil est la lampe du corps. Si ton œil est en bon état, tout ton corps sera éclairé;
23 mais si ton œil est en mauvais état, tout ton corps sera dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes ces ténèbres!
Sermon
28 : (1748)
LE
SERMON SUR LA MONTAGNE, HUITIÈME DISCOURS
Matthieu
6,19-23
19 Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et la rouille détruisent, et où les voleurs percent et dérobent;
20 mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la teigne et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent.21 Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.
22 L’œil est la lampe du corps. Si ton œil est en bon état, tout ton corps sera éclairé;
23 mais si ton œil est en mauvais état, tout ton corps sera dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes ces ténèbres!
Des
actions qu'on appelle ordinairement religieuses et qui font
réellement partie de la vraie religion quand elles découlent d'une
intention pure et sainte, et que la manière de les accomplir y
répond, notre Seigneur passe aux actions de la vie commune et montre
que la même pureté d'intention n'est pas moins indispensablement
requise dans nos affaires ordinaires que dans nos aumônes, nos
jeûnes et nos prières.
Il
est évident que la même pureté d'intention qui rend nos aumônes
et nos dévotions agréables à Dieu, n'est pas moins nécessaire
pour faire de notre travail et de nos occupations un service qui lui
plaise. Si un homme s'attache au travail pour s'acquérir un rang et
des richesses dans le monde, il ne sert point Dieu et n'a pas plus de
titres à sa récompense que celui qui fait l'aumône pour être vu
ou qui prie pour être entendu des hommes. Car des vues terrestres et
vaines ne sont pas plus de mise dans nos emplois divers que dans nos
aumônes ou nos dévotions. Ces vues ne sont pas mauvaises seulement
quand elles se mêlent à nos bonnes œuvres, à nos actes
religieux ; elles ont la même nature quand elles entrent pour
quelque chose dans notre activité ordinaire. S'il était permis de
les poursuivre dans nos soins temporels, il serait permis de les
poursuivre dans nos dévotions. Mais comme nos aumônes et nos
dévotions ne sont un service légitime que lorsqu'elles procèdent
d'une pure intention, notre travail terrestre n'appartient au service
de Dieu que s'il est dirigé par la même piété de cœur.
C'est
ce que le Seigneur déclare de la manière la plus vivante dans ces
fortes et riches expressions, sur l'explication, la démonstration et
le développement desquelles roule tout ce chapitre. « L’œil
est la lumière du corps. Si donc ton oeil est sain, tout ton corps
sera éclairé ; mais si ton œil est mauvais, tout ton corps
sera ténébreux ». L’œil signifie ici l'intention : ce
que l’œil est pour le corps, l'intention l'est pour l'âme. Comme
l'un guide tous les mouvements du corps, l'autre guide tous les
mouvements de l'âme. Cet œil de l'âme est appelé sain, ou mieux
encore simple, s'il n'a en vue qu'une chose, si nous nous proposons
uniquement de « connaître Dieu et Jésus-Christ qu'il a
envoyé », de le connaître de cœur comme d'intelligence, en
l'aimant comme il nous a aimés, de lui plaire en toutes choses, de
le servir comme nous l'aimons, savoir de tout notre cœur, de tout
notre esprit, de toute notre âme et de toute notre force, et de
prendre, en tout et par-dessus tout, notre plaisir en lui seul, dans
le temps et dans l'éternité.
Si
ton cœur a cette simplicité, cette pureté, « tout ton corps
sera éclairé » ; — « tout ton corps »,
— tout ce qui est guidé par l'intention comme le corps l'est par l’œil : tout ce que tu es, tout ce que tu fais, tes désirs,
ton caractère, tes affections, tes pensées, tes paroles, tes actes.
Tout cela sera éclairé, lumineux, plein d'une vraie, d'une divine
lumière. — Ceci se rapporte d'abord à la connaissance. « C'est
par sa lumière que nous voyons clair ». « Celui qui a
dit au commencement que la lumière sortît des ténèbres, répandra
sa lumière dans vos cœurs » ; « il éclairera
les yeux de votre entendement » par la connaissance de la
gloire de Dieu. Son Esprit vous révèlera « les choses
profondes de Dieu ». L'onction du saint « vous donnera
l'intelligence et vous fera connaître « la sagesse dans le
secret de votre cœur ». « Oui, cette onction même que
vous recevez de Lui demeurera en vous » « et vous
enseignera toutes choses.
Combien
ceci est confirmé par l'expérience ! Même après que Dieu a
ouvert les yeux de notre entendement, si nous cherchons autre chose
que Lui, combien notre cœur devient aussitôt ténébreux ! De
nouveaux nuages s'amassent sur lui ; les doutes et les craintes
l'entourent encore. Nous sommes ballottés çà et là, incertains de
ce que nous devons faire ou du sentier qu'il nous faut prendre. Mais
si nous ne désirons et ne cherchons que Dieu seul, les nuages, les
doutes s'évanouissent. Nous « qui étions autrefois ténèbres,
nous sommes lumière dans le Seigneur ». La nuit brille
maintenant comme le jour, et nous expérimentons que « le
sentier du juste est une lumière resplendissante ». Dieu nous
montre le chemin où nous devons marcher et dresser le sentier devant
nos pas.
Ces
paroles se rapportent, en second lieu, à la sainteté. Si tu
cherches Dieu en tout, tu le trouveras en tout, comme la source de
toute sainteté te revêtant continuellement de sa ressemblance, « de
justice, de miséricorde, de fidélité ». Si tu ne regardes
qu'à Jésus, tu seras rempli « des sentiments qui étaient en
Jésus ». Ton âme sera renouvelée, jour par jour, « à
l'image de Celui qui l'a créée ». Si tu ne le quittes point
des yeux de ton âme, si tu demeures ferme comme voyant Celui qui est
invisible », ne cherchant « rien d'autre au ciel ou sur
la terre », alors « contemplant la gloire du Seigneur »,
tu seras « transformé en la même image, comme par l'Esprit du
Seigneur ».
Et
sur ce point aussi l'expérience montre chaque jour que c'est
ainsi que nous sommes « sauvés par grâce, par la foi ».
C'est la foi qui ouvre les yeux de notre âme pour voir l'éclat de
la gloire de l'amour de Dieu ; et pour autant qu'ils ne cessent
de contempler ainsi fixement « Dieu manifesté en Christ,
réconciliant le monde avec soi », nous sommes de plus en plus
remplis de l'amour de Dieu et du prochain, « de douceur, de
bonté, de patience », de tous les fruits de sainteté qui sont
par Jésus-Christ à la gloire de Dieu le Père.
Ces
paroles se rapportent en troisième lieu au bonheur, aussi bien qu'à
la connaissance et à la sainteté.
« Il
est vrai que la lumière est douce et qu'il est agréable aux yeux de
voir le soleil » ; mais combien plus de voir
continuellement les rayons du « soleil de justice ! »
Et « s'il y a quelque consolation en Christ, quelque
soulagement dans l'amour », s'il y a « une paix qui passe
toute intelligence », une « joie dans l'espérance de la
gloire de Dieu », tout cela appartient à celui dont l'oeil est
simple. — Ainsi « tout son corps est lumineux ». Il
marche dans la lumière comme Dieu lui-même est dans la lumière »,
« toujours joyeux, priant sans cesse, rendant grâce en toutes
choses », et trouvant sa joie dans tout ce qui est la volonté
de Dieu en Jésus-Christ à son égard.
« Mais
si ton œil est mauvais, tout ton corps sera ténébreux ». —
« Si ton œil est mauvais », — il n'y a pas de moyen
terme entre un œil sain et un œil mauvais. Si l’œil n'est pas sain
(ou simple), il est mauvais. Si notre intention, dans tout ce que
nous faisons, n'est pas uniquement pour Dieu, si nous cherchons
encore autre chose, alors « notre esprit est souillé ainsi que
notre conscience ».
Notre œil est donc mauvais si, en quoi que ce soit, nous nous proposons
autre chose que Dieu, autre chose que de connaître et d'aimer Dieu,
de lui plaire et de le servir en toutes choses ; autre chose que
de posséder Dieu, d'être heureux en lui dès maintenant et à
toujours.
Si
ton œil ne regarde pas uniquement à Dieu, « tout ton corps
sera rempli de ténèbres ». Le voile, alors, demeure sur ton
cœur. Ton esprit sera toujours plus aveuglé par « le Dieu de
ce siècle », pour ne pas voir « la lumière du glorieux Évangile de Christ ». Tu seras plein d'ignorance et d'erreurs
sur les choses de Dieu, sans pouvoir ni les recevoir, ni les
discerner. Et si même tu as quelque désir de servir Dieu, tu seras
plein d'incertitude sur la manière de le servir, trouvant partout
des doutes et des difficultés et ne sachant comment en sortir.
Que
dis-je, si ton œil n'est pas simple, si tu poursuis quelque but
terrestre, tu seras plein d'impiété et d'injustice, toutes tes
affections, tous tes désirs et tes sentiments étant déréglés,
ténébreux, profanes et vains. Et ta conversation sera mauvaise
aussi bien que ton cœur, n'étant pas « assaisonnée de sel »,
ni capable « de communiquer la grâce à ceux qui t'écoutent »,
mais vaine, inutile, corrompue et propre seulement à « contrister
le Saint-Esprit » de Dieu.
« La
désolation et la ruine sont dans tes voies », car « tu
ne connais pas le chemin de la paix ». Il n'y a point de paix,
de paix solide pour ceux « qui ne connaissent point Dieu ».
Il n'y a pas de contentement vrai ni durable pour qui ne le cherche
pas de tout son cœur. Poursuivant un bien périssable, quel qu'il
soit, tu n'en retires « que la vanité », et de plus « le
tourment d'esprit », non seulement dans la recherche, mais dans
la jouissance même. Tu poursuis, en effet, une ombre vaine, et c'est
vainement que tu te tourmentes. Tu marches dans des « ténèbres
qu'on peut toucher avec la main ». Dors toujours, mais tu ne
pourras goûter de repos. Les rêves de la vie peuvent tourmenter, tu
le sais bien ; mais ils ne peuvent donner la paix. Il n'y a,
dans ce monde et dans le monde à venir, de paix qu'en Dieu seul, le
centre des esprits. « Si la lumière qui est en toi n'est que
ténèbres, combien seront grandes ces ténèbres ! » Si
l'intention, dont la pureté devait éclairer l'âme entière, la
remplir de connaissance, d'amour, de paix, et qui répond à ce but
quand elle est simple et ne regarde qu'à Dieu, si cette intention
n'est que ténèbres, si, regardant à autre chose qu'à Dieu, au
lieu de répandre la lumière sur l'âme, elle la couvre de ténèbres,
d'ignorance et d'erreur, de péché et de misère, — combien seront
grandes ces ténèbres ! C'est la fumée qui monte du puits de
l'abîme ! c'est la nuit absolue qui règne, dans le plus
profond abîme, dans « la région de l'ombre de la mort ! »
« C'est
pourquoi ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où les vers
et la rouille gâtent tout, et où les larrons percent et dérobent ».
Si vous le faites, il est clair que votre œil est mauvais ; il
ne regarde pas uniquement à Dieu.
Pour
l'observation de la plupart des commandements de Dieu, soit
intérieurs, soit extérieurs, nous trouvons peu de différence entre
les païens d'Afrique et d'Amérique, et le plus grand nombre des
chrétiens de nom. Les chrétiens, à peu d'exceptions près, les
gardent aussi bien que les païens. Ainsi la généralité des
Anglais, soi-disant chrétiens, sont aussi sobres et aussi tempérants
que la généralité des païens du cap de Bonne-Espérance, et les
chrétiens des Pays-Bas ou de France sont aussi humbles ou aussi
chastes que les Iroquois ou que les Chactas. (Wesley a publié ces
discours en 1747— Edit.)
A
considérer les masses, soit en Europe, soit en Amérique, il n'est
pas aisé de dire de quel côté est la supériorité. En tout cas,
l'Américain n'a pas de beaucoup l'avantage. Mais pour le
commandement dont il s'agit ici, nous ne pouvons en dire autant. Ici
le païen a décidément la prééminence. Il ne désire, il ne
recherche en fait de nourriture ou de vêtement que ce qu'il y a de
plus simple, et il ne le recherche que jour par jour, ne réservant,
n'amassant rien, si ce n'est peut-être assez de grain pour vivre
d'une saison à l'autre.
Ainsi
donc, sans le connaître, les païens observent constamment et
ponctuellement ce commandement ; ils ne s'amassent pas de
trésors sur la terre, ni de pourpre ou de fin lin, ni d'or ou
d'argent, « que les vers ou la rouille gâtent, que les larrons
percent et dérobent ». Mais les chrétiens, comment
observent-ils ce qu'ils professent de recevoir comme commandement du
Dieu Très-Haut ? Ils ne l'observent pas du tout, ils ne
l'observent à aucun degré, ils ne l'observent pas plus que si
jamais pareil commandement n'eût été donné aux hommes. Même les
bons chrétiens, comme on les appelle, et qui se tiennent eux-mêmes
pour tels, ne le jugent digne d'aucune attention, et, pour le compte
qu'ils en tiennent, autant vaudrait qu'il fût encore caché dans
l'original grec. Dans quelle ville chrétienne trouve-t-on un homme
sur cinq cents qui se fasse le moindre scrupule d'amasser autant de
trésors qu'il peut, d'accroître ses biens autant qu'il en est
capable ? On trouve, il est vrai, qui ne voudrait pas le faire
illégalement ou même injustement, qui ne voudrait ni voler, ni
dérober, ni peut-être user de fraude, ou même tirer profit de
l'ignorance ou de la nécessité du prochain. Mais il ne s'agit point
de cela ; et ce n'est point de la transgression de ce
commandement, mais de la manière de le transgresser que ces
personnes se font scrupule. Ce n'est pas d'amasser des biens sur la
terre, mais de les amasser d'une manière déshonnête. Ce qui les
révolte, ce n'est pas de désobéir à Christ, mais de faire brèche
à leur moralité païenne. En sorte que ces honnêtes gens
n'obéissent pas plus en ceci qu'un voleur de grand chemin ou qu'un
larron. Que dis-je ? Ils n'ont jamais eu le dessein d'obéir. La
chose ne leur est jamais venue à l'esprit. — Car, dès leur
jeunesse, leurs parents, leurs maîtres et amis chrétiens les
élevèrent sans leur donner à cet égard aucune instruction, si ce
n'est peut-être celle de violer ce commandement le plus tôt et le
plus possible, et de continuer à le violer jusqu'à la fin de leur
vie.
Il
n'y a pas au monde un exemple d'infatuation spirituelle plus étonnant
que celui-là. La plupart de ces gens lisent la Bible, plusieurs même
chaque dimanche. Ils ont lu ou entendu cent fois ces paroles, sans
jamais soupçonner qu'ils soient plus condamnés par elles que par
celles qui défendent aux parents de sacrifier leurs fils et leurs
filles à Moloc. Oh ! que Dieu veuille, de sa voix, de sa
puissante voix, parler à ces malheureux qui s'abusent eux-mêmes ;
qu'ils puissent enfin « se réveiller des pièges du diable »,
et que « les écailles tombent de leurs yeux ! »
Désirez-vous
savoir ce que c'est que « d'amasser des trésors sur la
terre ? » C'est ce qu'il importe de bien établir. Et
d'abord distinguons ce que ce commandement ne défend pas, afin de
pouvoir clairement discerner ce qu'il défend.
1°
Ce commandement ne nous défend pas de nous procurer ce qui est
« honorable devant tous les hommes », ce par quoi nous
pouvons « rendre à chacun ce qui lui est dû », et
répondre à ce qu'on peut justement exiger de nous. Loin de là,
Dieu lui-même nous exhorte à « ne devoir rien à personne ».
Nous devons donc, dans notre vocation, montrer toute l'activité
nécessaire pour ne devoir rien à personne ; c'est une loi
toute simple de la justice commune que notre Seigneur « n'est
pas venu détruire, mais accomplir ».
2°
Il ne nous défend pas non plus de pourvoir aux nécessités de notre
corps par une quantité suffisante de bonne et simple nourriture et
par des vêtements convenables. C'est même notre devoir de nous
procurer cela selon les moyens que Dieu nous donne, afin que nous
mangions notre propre pain et que nous ne soyons à charge à
personne.
3°
Ce commandement ne nous défend pas de pourvoir aux besoins de nos
enfants et des personnes de notre maison. C'est plutôt notre devoir,
d'après les principes mêmes de la moralité païenne. Chacun doit
procurer à sa femme et à ses enfants les choses nécessaires à la
vie, et les mettre en état de se procurer eux-mêmes ces choses
quand il ne sera plus dans ce monde. Je dis ces choses, — non pas
des délicatesses, ni des superfluités, — mais les choses
qu'exigent les simples besoins de la vie, et cela par leur travail
assidu ; car nul homme n'est tenu de procurer à d'autres plus
qu'à lui-même
de quoi vivre dans l'oisiveté et le luxe. Mais celui qui, dans ces
limites, refuse de prendre soin des siens (ou des veuves de sa propre
maison, dont saint Paul parle particulièrement dans le passage
auquel je fais allusion), « il a » pratiquement « renié
la foi, et il est pire qu'un infidèle ».
4°
Enfin, ce commandement ne nous défend pas d'amasser ce qui nous est
nécessaire, d'époque en époque, pour poursuivre nos affaires
temporelles et pour les étendre autant que le demandent les divers
buts ci-dessus mentionnés, savoir : de ne devoir rien à
personne, de nous procurer les nécessités de la vie, d'entretenir
nos enfants pendant notre vie et de les mettre en état de
s'entretenir eux-mêmes quand nous serons retournés à Dieu.
D'après
cela nous pouvons discerner clairement (à moins que nous ne voulions
pas le discerner) quelle est la défense qui nous est faite ici.
C'est de nous procurer de propos délibéré plus de biens terrestres
qu'il ne nous en faut pour les buts mentionnés. Tel est le sens
positif et absolu du texte ; il n'en peut avoir d'autre. La
règle est donc certaine pour tous, et quiconque ne devant rien à
personne, ayant le vêtement et la nourriture pour sa famille, et de
quoi faire marcher ses affaires, quiconque, dis-je, étant déjà
dans cette position, cherche encore une plus grande part des biens de
la terre, — il renie ouvertement et habituellement le Seigneur qui
l'a racheté ; il a pratiquement renié la foi, il est pire
qu'un infidèle.
Écoutez ceci, vous tous qui vivez dans le monde et qui aimez ce monde ou vous
vivez ! peut-être êtes-vous en grande estime auprès des
hommes, mais vous êtes « une abomination aux yeux de Dieu ! »
Jusques à quand vos âmes seront-elles attachées à la poudre
Jusques à quand vous chargerez-vous de cette argile épaisse ?
Et quand ouvrirez-vous les yeux pour voir que les païens proprement
dits sont plus près que vous du royaume des cieux ? Quand
voudrez-vous choisir la bonne part qui ne peut vous être ôtée ?
Quand voudrez-vous n'amasser des trésors que dans le ciel, rejetant,
redoutant, abhorrant tout le reste ? Si vous cherchez à
« amasser des trésors sur la terre », non seulement vous
perdez votre temps et vous consumez votre force pour ce qui ne
nourrit point, car quels fruits retirez-vous de vos succès ?
mais vous êtes les meurtriers de votre propre âme. Vous avez éteint
en elle la dernière étincelle de vie spirituelle, vous êtes morts
en vivant ! Vous vivez comme homme, mais vous êtes morts comme
chrétiens. Car « là où est votre trésor, là sera aussi
votre cœur ». Votre cœur est enfoncé dans la poussière,
votre âme est collée à la poudre ; vos affections sont
attachées, non aux choses d'en haut, mais aux choses de la terre, à
de vaines écorces qui peuvent empoisonner, mais vides de ce qui peut
satisfaire un esprit créé pour Dieu et pour l'éternité !
Votre amour, votre joie, vos désirs n'appartiennent qu'à des choses
qui « se détruisent par l'usage ». Vous avez rejeté le
trésor des cieux, vous avez perdu Christ, vous avez gagné des
richesses et l'enfer !
Oh !
« qu'il est difficile que ceux qui ont des richesses entrent
dans le royaume de Dieu ! » Lorsque les disciples parurent
étonnés de ces paroles, le Seigneur, bien loin de se rétracter,
répéta en des termes encore plus forts cette imposante vérité :
« Il est plus aisé qu'un chameau passe par le trou d'une
aiguille, qu'il ne l'est qu'un riche entre dans le royaume de Dieu ».
Qu'il leur est difficile, à eux dont on applaudit toutes les
paroles, de n'être pas « sages à leurs propres yeux ! »
Qu'il leur est difficile de ne pas croire valoir mieux que la
populace dégradée, pauvre et sans éducation ! Qu'il leur est
difficile de ne pas chercher le bonheur dans leurs richesses ou dans
les choses qui en dépendent, dans la satisfaction des « désirs
de la chair, des désirs des yeux et de l'orgueil de la vie ! »
O riches ! comment pourrez-vous échapper à la condamnation de
l'enfer ? Avec Dieu seul « toutes choses deviennent
possibles ! »
Et
si même vous ne réussissez pas dans vos tentatives, en êtes-vous
plus avancés pour vos âmes ? « Ceux qui veulent devenir
riches », — ceux qui font des efforts pour cela, qu'ils aient
ou non du succès, — « tombent dans la tentation et dans le piège », — dans les pièges du diable, — « et en
plusieurs désirs insensés et pernicieux », — des désirs où
la raison n'a aucune part, et qui conviennent aux bêtes brutes
plutôt qu'à des êtres immortels et raisonnables, — « qui
plongent les hommes dans la ruine et dans la perdition », —
dans des misères temporelles et éternelles. Ouvrons les yeux
seulement, et nous en verrons tous les jours la triste preuve. Des
hommes qui, désirant, voulant être riches, convoitant ce qui est
« la racine de tous maux, se sont eux-mêmes embarrassés dans
bien du tourment », anticipant ainsi sur l'enfer où ils se
rendent !
Il
faut remarquer la juste précision avec laquelle s'exprime l'apôtre.
Il ne menace point absolument les riches, car un homme peut être
riche sans que ce soit par sa faute, il peut l'être par une
dispensation de la Providence indépendamment de son choix ;
mais il s'adresse à ceux qui veulent devenir riches, qui le désirent
et qui le cherchent. Quelque dangereuses que soient les richesses,
elles ne précipitent pas toujours les hommes dans la perdition ;
mais le désir des richesses le fait. Ceux qui les poursuivent de
propos délibéré, qu'ils réussissent où non à faire fortune en
ce monde, perdent infailliblement leurs âmes. Ce sont eux qui, pour
quelques pièces d'or et d'argent, vendent Celui qui les a rachetés.
Ce sont eux qui entrent en « alliance avec la mort et
l'enfer » ; et cette alliance subsiste, car ils se
rendent tous les jours plus propres à partager l'héritage du diable
et de ses anges.
Oh !
qui avertira cette « race de vipères » de « fuir
la colère qui est à venir ! » Non pas ceux qui sont
couchés à leur porte ou rampent à leurs pieds, désirant se
rassasier des miettes qui tombent de leur table ; non pas un de
ceux qui courtisent leur faveur ou craignent leur courroux ; non
pas un de ceux qui ont en vue les choses terrestres. Mais s'il y a
sur la terre un chrétien, s'il y a un homme qui ait vaincu le monde,
qui ne désire rien hors de Dieu, et ne craigne personne si ce n'est
« Celui qui peut détruire l'âme et le corps dans la
géhenne », — toi, homme de Dieu, parle, ne t'épargne
point ! élève ta voix comme un cornet, crie à haute voix et
montre à ces pécheurs honorables la condition désespérée où ils
se trouvent ! Peut-être y en aura-t-il au moins un sur mille
qui ait des oreilles pour entendre, qui se relève de la poussière ;
qui rompe les chaînes qui l'attachaient au monde et qui finisse par
amasser des trésors dans le ciel.
Et
s'il arrivait qu'une de ces âmes, réveillée par la puissance de
Dieu, s'écriât : « Que faut-il que je fasse pour être
sauvée ? » La réponse que fournissent les oracles de
Dieu est claire, expresse et complète. Dieu ne te dit pas :
« Vends ce que tu as ». Il est vrai que, dans un cas
particulier, pour le jeune homme riche dont parle l'Évangile, Celui
qui sonde le cœur des hommes, jugea nécessaire de donner cet
ordre ; mais jamais il n'en a fait une règle générale pour
tous les riches et pour toutes les générations. Voici ses
directions générales :
1°
« Ne t'élève point par orgueil ! » Dieu « n'a
pas égard aux choses auxquelles l'homme a égard ». Il ne
t'estimera point pour tes richesses, pour le faste de tes équipages,
pour aucune qualité directement ou indirectement due à ton
opulence. Tout cela n'est pour lui que de « l'ordure et du
fumier ». Qu'il en soit de même pour toi. Garde-toi de te
croire, pour toutes ces choses, plus sage ou meilleur d'un fétu.
Sers-toi, pour te peser, d'une autre balance. Ne t'estime que selon
le degré de foi et d'amour que Dieu t'a donné. Si tu as plus de
connaissance de Dieu ou plus d'amour, pour ce motif seul, et non pour
aucun autre, tu es plus sage, plus honorable que celui qui vit avec
les chiens de ton troupeau. Mais si ce trésor-là te manque, tu es
plus ignorant, plus vil, plus méprisable, je ne dirai pas que le
dernier des serviteurs qu'abrite ton toit, mais que le mendiant
couvert d'ulcères qui est couché à ta porte.
2°
« Ne mets pas ta confiance dans l'instabilité des richesses ».
N'en attends ni secours, ni bonheur.
Et
d'abord n'en attends pas de secours. Tu t'abuses misérablement si tu
espères un tel service de l'argent ou de l'or. Ils ne peuvent pas
plus te mettre au-dessus du monde qu'au-dessus du diable. Sache que
le monde et le prince de ce monde se rient également de telles
armes. Elles servent peu dans le jour de l'affliction, lors même
qu'alors elles demeurent. Mais qui te dit qu'elles te demeureront ?
Combien souvent elles prennent alors des ailes et s'envolent ?
Mais, si elles restent, que peuvent-elles même dans les peines
ordinaires de la vie ? « Le désir de tes yeux », la
femme de ta jeunesse, ton fils, ton unique, l'ami « que tu
aimais comme ton âme », t'est enlevé par un coup soudain. Tes
richesses ranimeront-elles leur argile ? y rappelleront-elles
leur âme ? ou pourront-elles te garantir toi-même de maladies,
d'infirmités, de souffrances ? Ces maux ne visitent-ils que le
pauvre ? Ah ! le berger de ton troupeau, l'ouvrier qui
laboure ton champ, en souffre moins que toi. Il est moins souvent
visité de ces hôtes incommodes, et, s'ils viennent cependant, ils
se laissent plus aisément chasser de l'humble chaumière que des
palais dont les cimes sont dans les nuages. Et dans le temps où les
infirmités te châtient, où la maladie te consume, que peuvent pour
toi tes trésors ? Les païens eux-mêmes auraient pu répondre :
Ce
que peut un tableau pour des yeux malades,
Ou
les sons de la harpe pour des oreilles souffrantes.
Mais
voici bien un autre tourment : il te faut mourir, il te faut
descendre dans la poudre, retourner en la terre d'où tu as été
pris et t'y confondre avec le vulgaire. Tu vas rendre ton corps à la
terre d'où tu fus tiré et ton esprit à Dieu qui l'a donné. Et le
temps marche, et les années s'écoulent d'un cours rapide, quoique
silencieux. Peut-être es-tu près de la fin ; le midi de la vie
est passé, les ombres du soir s'abaissent sur toi. Tu sens les sûres
approches du dépérissement. Les sources de la vie s'épuisent avec
rapidité. Que vont faire pour toi tes richesses ?
T'adouciront-elles la mort, te feront-elles aimer cette heure
solennelle ? Ah ! loin de là ! « O mort !
que tu es amère pour celui qui vit à l'aise dans ses
possessions ! » et qu'il reçoit mal cette terrible
sentence : « Cette nuit même ton âme te sera
redemandée ! » Préviendront-elles ce coup fatal ou
diffèreront-elles cette heure ? « Délivreront-elles
votre âme en sorte qu'elle ne voie point la mort ? » Vous
rendront-elles les années écoulées ? ajouteront-elles au
temps qui vous est assigné, un mois, un jour, une heure, un moment ?
Ou les biens dont vous aviez fait ici-bas votre portion vous
suivront-ils au-delà de la fosse ? Non ; mais nu vous êtes
entré dans le monde, et nu vous en sortirez.
Et,
comme dit encore le poète païen :
Terres,
maisons, tendre épouse, il faut tout laisser.
Et
d'entre tous les arbres que tu cultives,
N'être
accompagné que des tristes cyprès.
Oh !
oui, si ce n'était qu'on ne remarque pas ces vérités parce
qu'elles sont trop claires, trop claires pour être contestées, nul
homme appelé à mourir ne pourrait attendre de secours de
l'instabilité des richesses. N'en attendez pas non plus le bonheur.
Car ici encore elles se montrent trompeuses quand on en fait
l'épreuve. C'est ce que tout homme raisonnable peut déduire de ce
qui précède. Car si l'or ou les avantages qui en découlent ne
peuvent nous empêcher d'être misérables, il est bien évident
qu'ils ne peuvent nous rendre heureux. Quel bonheur peuvent-ils
apporter à celui qui, malgré tout, est obligé de s'écrier :
La
tristesse toujours vient hanter mes parois,
Et
sous mes toits dorés voltigent les soucis.
De
fait, l'expérience parle ici d'une manière si victorieuse, qu'elle
rend tous les autres arguments inutiles. Qu'il nous suffise d'en
appeler aux faits. Les riches et les grands sont-ils les seuls
heureux, et leur mesure de bonheur est-elle en proportion de la
mesure de leurs richesses ? Ont-ils même quelque bonheur ?
j'allais dire ne sont-ils pas de tous les hommes les plus
misérables ? Riches, dites une fois la vérité telle qu'elle
est dans votre cœur, dites tous ensemble :
Toujours,
du sein de l'abondance,
Un
vide cruel dans nos cœurs
Empoisonne
la jouissance.
Oui,
et cet état durera jusqu'à ce que vos jours d'ennuyeuse vanité
soient allés se perdre dans la nuit de la mort !
Il
n'y a donc pas, sous le soleil, de plus grande folie que de
s'attendre aux richesses pour être heureux. N'en êtes-vous pas
convaincu ? Est-il possible que vous espériez encore trouver le
bonheur dans l'argent ou dans ce qu'il procure ? Quoi ! de
l'argent ou de l'or pourraient te rendre heureux ? Manger et
boire, avoir des chevaux, des serviteurs, un appareil brillant, des
distractions et des plaisirs (comme on les appelle), cela pourrait te
rendre heureux ? Autant vaudrait dire que cela peut te rendre
immortel !
Toutes
ces choses ne sont qu'apparence et que mort. Ne les estime point.
Confie-toi en Dieu, et tu seras tranquille « à l'ombre du
Tout-Puissant ». Sa fidélité, sa vérité sera ton bouclier
et ton écu. Sa délivrance est proche au temps de la détresse, et
son secours ne peut tromper. Si tous tes amis viennent à te manquer,
tu t'écrieras : L’Éternel vit ! béni soit mon puissant
Sauveur ! Il se souviendra de toi quand tu seras couché sur ton
lit privé de tout secours humain. Alors, dans l'impuissance de tout
moyen terrestre, il « changera tout ton lit », il
soulagera tes douleurs ; dans les flammes mêmes, les
consolations de Dieu te feront chanter de joie. Et, lors même que
cette maison terrestre sera prête à crouler et à tomber en
poussière, il t'enseignera à dire : « O mort ! où
est ton aiguillon, ô sépulcre ! où est ta victoire ? »
Grâces à Dieu, qui « me donne la victoire » par
Jésus-Christ mon « Seigneur ! »
Oh !
attendez de Lui et bonheur et secours ! Toutes les sources du
bonheur sent en Lui. : Attendez-vous à Celui, qui « nous
donne toutes choses abondamment pour en jouir » ;
qui, du trésor de ses libres miséricordes, nous les présente en
quelque sorte de sa propre main, afin que, les recevant comme ses
dons et comme un gage de son amour nous puissions en jouir. C'est son
amour qui donne de la saveur à tout, qui met partout la vie et la
douceur, et, réciproquement, tout nous élève à notre Créateur,
et la terre entière est pour nous l'échelle des cieux. Il verse les
« joies qui se trouvent à sa droite » dans tout ce qu'il
donne à ses enfants, qui jouissent en tout et par dessus tout de la
communion du Père en son Fils Jésus-Christ.
3°
Ne cherche pas à devenir plus riche. « N'amasse point »
pour toi-même des trésors sur la terre. C'est un commandement
simple et positif, et tout aussi clair que « tu ne commettras
point d'adultère ». Comment un homme riche pourrait-il donc
s'enrichir encore sans renier le Seigneur qui l'a racheté ? Et
même comment celui qui a le nécessaire de la vie pourrait-il sans
péché chercher encore plus ? « Ne vous amassez pas de
trésors sur la terre », dit le Seigneur. Si, nonobstant cela,
vous voulez toujours amasser des biens « que les vers et la
rouille gâtent et que les larrons percent et dérobent » ;
si vous voulez « joindre maison à maison, et approcher un
champ de l'autre », pourquoi vous donnez-vous le nom de
chrétien ? Vous n'obéissez pas à Jésus-Christ, vous n'avez
pas l'intention de lui obéir ; pourquoi donc vous réclamer de
son nom ? « Pourquoi m'appelez-vous Seigneur, Seigneur »,
dit-il lui-même, « pendant que vous ne faites pas ce que je
dis ? »
Mais
que faut-il faire de nos biens, demandez-vous, puisque nous en avons
plus que nous ne saurions employer ? Faut-il donc les jeter ?
Je réponds : Si vous les jetiez dans la mer, ou si vous tes
livriez aux flammes, cela vaudrait mieux que l'usage que vous en
faites maintenant. Vous ne sauriez trouver une pire manière de les
perdre que de les amasser pour votre postérité ou de les dépenser
pour vous-mêmes dans le luxe et la folie. De toutes les manières de
jeter l'argent à la rue, ces deux-là sont les plus mauvaises, les
plus contraires à l'Évangile de Christ et les plus fatales à votre
propre âme.
Quant
à la dernière, écoutez ces excellentes réflexions d'un auteur :
« Si
nous dissipons notre argent, non seulement nous sommes coupables de
dissiper un talent que Dieu nous a confié, mais nous nous faisons
encore tort à nous mêmes, nous employons ce talent précieux contre
nous-mêmes comme un puissant moyen de corruption ; car le mal
dépenser, c'est le dépenser au service de quelque mauvaise
disposition et pour la satisfaction de désirs vains et
déraisonnables auxquels, comme chrétiens, nous sommes tenus de
renoncer ».
« Comme
l'esprit et les talents qui, lorsqu'on en fait un vain usage,
exposent ceux qui en sont doués à plus de folies, il en est de même
de l'argent : non seulement on peut le dissiper vainement, mais,
s'il n'est pas employé conformément à la raison et à la religion,
il rend les gens plus insensés et plus extravagants dans leur
conduite qu'ils n'eussent été s'ils n'en avaient eu. Si donc vous
n'employez pas votre argent pour faire du bien à autrui, vous
l'employez nécessairement pour vous faire du tort à vous-même.
Vous faites comme celui qui refuserait à son ami malade le cordial
qu'il ne peut prendre lui-même sans se rendre malade à son tour.
Car telle est la condition du superflu, si vous le donnez à ceux qui
ont besoin, c'est un cordial : si vous l'employez, sans besoin,
pour vous-même, il ne fait que mettre la fièvre et la discorde dans
votre âme ».
« Employer
les richesses sans utilité réelle et sans vrai besoin, c'est les
employer à, notre grand dommage, en provoquant de vains désirs, en
nourrissant nos mauvais penchants, en flattant nos passions et nous
encourageant dans une folle disposition d'âme. Car le luxe dans le
manger et dans le boire, le luxe des habits et des maisons, le faste
des équipages, les gais divertissements et les plaisirs, tout cela
met naturellement le désordre dans notre cœur. Tout cela nourrit la
folie et la faiblesse de notre nature et ne fait qu'entretenir et
favoriser ce qui ne devrait pas l'être. Tout cela contrarie cette
sobriété, cette piété de cœur qui goûte les choses divines. Ce
sont autant de fardeaux qui pèsent sur notre âme et qui nous
rendent moins désireux et moins capables d'élever nos pensées vers
les choses d'en haut ».
« Dépenser
ainsi l'argent, ce n'est donc pas seulement le perdre, mais c'est le
dépenser dans un coupable but et pour de mauvais effets, pour mettre
le désordre et la corruption dans nos cœurs, pour nous rendre
incapables de suivre les doctrines sublimes de l'Évangile. Ce n'est
rien moins que si nous le refusions aux pauvres pour en acheter du
poison pour nous-mêmes ».
Ceux
qui amassent sans besoin réel ne sont pas moins coupables :
« Si
un homme avait en son pouvoir des mains, des yeux, des pieds à
distribuer à ceux qui en manquent, et s'il les renfermait dans un
coffre au lieu de les donner à ses frères aveugles ou estropiés,
ne l'appellerions-nous pas méchant et cruel ? S'il s'amusait à
en faire provision au lieu de s'acquérir par ses bienfaits un titre
à d'éternelles récompenses, ne le tiendrions-nous pas pour un
insensé ? »
« Or,
l'argent est en réalité comme des mains, des pieds et des yeux. Si
nous l'enfermons dans des coffres, pendant que les pauvres et les
malheureux en manquent pour vivre, nous ne sommes guère moins cruels
que celui lui amasserait des mains et des yeux plutôt que de les
distribuer à ceux qui en manquent. Si vous aimez mieux l'amasser que
d'acquérir par grâce des titres à une récompense éternelle en le
distribuant à propos, vous tombez dans la culpabilité et la folie
de celui qui renfermerait des pieds, des mains et des yeux plutôt
que de se faire bénir à jamais en les donnant à qui en a besoin ».
N'est-ce
pas aussi pour cela que les riches entreront si difficilement dans le
royaume des cieux ? Ils sont pour la plupart sous la
malédiction, sous une malédiction particulière de Dieu, en tant
que, par la direction générale de leur vie, non contents de
« piller Dieu », de dissiper et de prodiguer
continuellement les biens de leur Seigneur, et de corrompre ainsi
leur âme, ils volent encore les pauvres, les affamés, les
misérables ; ils font tort à la veuve et à l'orphelin, et se
rendent responsables de tous les besoins, de toutes les afflictions
et les détresses qu'ils ne soulagent point quand ils pourraient le
faire. Que dis-je ? Le sang de tous ceux qui périssent faute de
ces biens, qu'ils amassent ou qu'ils prodiguent follement, ne
crie-t-il pas de la terre contre eux ? Oh ! quel terrible
compte n'auront-ils pas à rendre à Celui qui est « prêt à
juger les vivants et les morts ! »
4°
Apprenez en quatrième lieu la vraie manière d'employer votre
superflu, par ces paroles du Seigneur qui font le pendant de celles
qui précèdent : « Amassez-vous des trésors dans les
cieux, où les vers ni la rouille ne gâtent rien, et où les larrons
ne percent ni ne dérobent ». Place tes économies en un lieu
plus sûr que tu ne peux trouver sur la terre. Mets tes fonds à la
banque des cieux, et Dieu te les rendra au dernier jour. « Celui
qui a pitié du pauvre, prête à l'Eternel, et il lui rendra son
bienfait » ; ce qu'il dépense ainsi lui sera
remboursé. « Porte-le-moi en compte », lui dit-il,
« pour ne pas dire que tu te dois toi-même à moi ! »
Donne
au pauvre, avec un œil simple et un cœur droit ; puis écris :
« Pour tant donné à Dieu ». Car « en tant que
vous l'avez fait au plus petit de mes frères », nous dit-il,
« vous me l'avez fait à moi-même ».
Tel
est donc le devoir d'un économe sage et fidèle ; non de vendre
ses maisons, ses terres, ou d'aliéner ses capitaux, quelle qu'en
soit la valeur, à moins que des circonstances particulières ne
l'exigent ; non de chercher à les accroître, pas plus que de
les dissiper dans la vanité ; — mais de les consacrer sans
réserve aux usages sages et raisonnables pour lesquels son Maître
les a placés entre ses mains. Le sage économe, après avoir pourvu
les siens de ce qui est nécessaire pour la vie et la piété,
se fait « des amis » avec tout ce qui lui reste chaque
année, « de ce Mammon d'injustice », —- « afin
que quand il viendra à manquer, ils le reçoivent dans les
tabernacles éternels » ; — afin que, dans la
ruine de son tabernacle terrestre, ceux qui furent portés avant lui
« dans le sein d'Abraham », après avoir mangé son pain
et porté la laine de ses troupeaux, et loué Dieu pour ses
consolations, viennent le saluer à son entrée dans le Paradis et
dans la maison éternelle de Dieu dans les cieux ».
Nous
vous exhortons donc, en l'autorité de notre Seigneur et Maître,
vous tous qui êtes « riches en ce monde », « à
faire du bien », au point que votre vie soit une suite de
bonnes œuvres. « Soyez miséricordieux comme votre Père
céleste est miséricordieux » ; car « il
agit » ainsi « continuellement ». Soyez
miséricordieux : En quelle mesure ? Dans la mesure de
votre pouvoir et selon toute la capacité que Dieu vous donne. Que ce
soit là votre seule limite dans les bonnes œuvres au lieu des
maximes précaires et des vaines coutumes du monde. Nous vous
exhortons à être « riches en bonnes œuvres ». Vous
avez abondamment : donnez abondamment. Et, comme vous avez reçu
gratuitement, donnez gratuitement, en sorte que vous n'amassiez des
trésors que dans les cieux. Soyez « prompts à donner »
à chacun selon ses besoins. « Répandez, donnez aux
pauvres » ; distribuez votre pain aux affamés.
Revêtez ceux qui sont nus, recueillez l'étranger, portez ou envoyez
des secours aux prisonniers, guérissez les malades, non par des
miracles, mais par la bénédiction dont Dieu bénira vos soins
empressés. Que la bénédiction de Celui qui allait périr de besoin
vienne sur toi ! Défends l'opprimé, plaide la cause de
l'orphelin et fais que le cœur de la veuve chante de joie.
Nous
vous exhortons an nom de notre Seigneur Jésus-Christ à être
« prompts à donner » et à faire volontiers « part
de vos biens » ; étant dans le même esprit.
(malgré la différence de position extérieure) que ces croyants des
premiers jours qui « persévéraient dans la communion »,
dans cette fraternité sainte et bénie, où « nul ne disait
que rien lui appartînt en propre, mais où toutes choses leur
étaient communes ». Soyez un économe, un fidèle et sage
économe de Dieu et des pauvres, ne différant de ceux-ci qu'en ce
que vos propres nécessités sont d'abord prélevées sur cette
portion des biens de Dieu qui reste entre vos mains et qu'en ce que
vous avez le « bonheur de donner ». Acquérez vous ainsi,
non pour le temps présent, mais pour le siècle à venir, « un
trésor placé sur un bon fondement, afin d'obtenir la vie
éternelle ». Il est vrai que le grand fondement de toutes les
bénédictions de Dieu, soit temporelles soit éternelles, c'est
Jésus-Christ, notre Seigneur ; c'est sa justice, son sang,
c'est ce qu'il a fait et souffert pour nous. Et, dans ce sens, nul ne
peut poser d'autre fondement, non pas même un apôtre, pas même un
ange du ciel. Mais, par ses mérites, tout ce que nous faisons en son
nom est un fondement pour recevoir sa récompense, au jour où chacun
recevra « sa propre récompense selon son propre travail ».
Toi donc, travaille « non pour la nourriture qui périt, mais
pour celle qui demeure pour la vie éternelle ». Fais donc,
« tout ce que tu as maintenant moyen de faire, selon ton
pouvoir ». Toi donc, saisis l'occasion avant qu'elle s'envole,
assure, dans le temps, l'immense éternité ! « En
persévérant à bien faire », « cherche l'honneur, la
gloire et l'immortalité ». Dans la pratique constante et zélée
de toutes sortes de bonnes œuvres, attends l'heure bienheureuse où
le Seigneur dira : « J'ai eu faim et vous m'avez donné à
manger ; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire ;
j'étais étranger et vous m'avez recueilli ; j'étais nu et
vous m'avez vêtu ; j'étais malade et vous m'avez visité ;
j'étais en prison et vous m'êtes venu voir. Venez, les bénis de
mon Père, possédez en héritage le royaume qui vous a été préparé
dès la fondation du monde ! »
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