dimanche 19 juin 2016

(12) LE SERMON SUR LA MONTAGNE, DOUZIÈME DISCOURS Matthieu 7:15-20

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

Sermon 32 :           LE SERMON SUR LA MONTAGNE, DOUZIÈME DISCOURS

Matthieu 7,15-20  (1750)

Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs.

Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons?

Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ni un mauvais arbre porter de bons fruits.

Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits est coupé et jeté au feu. C’est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez.   (Matthieu 7,15-20)

                    Il est presque impossible d'exprimer ou de concevoir quelle multitude d'âmes ont couru à la perdition pour ne pas vouloir, même en vue du salut, suivre un chemin étroit. Et c'est ce que nous observons encore journellement. Telle est la folie, la démence des hommes, que des milliers d'entre eux continuent à courir dans la voie de l'enfer, par le seul motif que c'est une voie large. Ils y marchent parce que d'autres y marchent. Puisqu'il y en a tant qui périssent, ils veulent grossir le nombre. Telle est sur les pauvres enfants des hommes la surprenante influence de l'exemple ! Elle ne cesse de peupler les régions de la mort et de précipiter d'innombrables multitudes dans la perdition éternelle !

                     Pour avertir les hommes et pour en sauver le plus possible de cette envahissante contagion, Dieu a commandé à ses sentinelles d'élever la voix et de leur montrer le danger où ils sont. C'est pour cela que de siècle en siècle il a envoyé ses serviteurs les prophètes pour indiquer l'étroit sentier et pour exhorter tout homme à ne point se conformer au siècle présent. Mais que sera-ce si les sentinelles mêmes tombent dans le piège qu'elles devraient signaler ? Que sera-ce si les prophètes prophétisent le mensonge et font détourner le peuple du chemin ? S'ils montrent comme chemin de la vie éternelle celui qui conduit en réalité à l'éternelle mort, et s'ils exhortent les gens à marcher, comme ils le font eux-mêmes, dans la voix large et non dans la voie étroite ?

                     Est-ce une chose inouïe ou peu commune ? Hélas, non ! Dieu le sait. Les exemples en sont presque innombrables, et cela dans tous les siècles et chez toute nation. Mais quoi ! les ambassadeurs de Dieu se changer en agents du Diable, ceux qui avaient charge d'enseigner aux hommes le chemin du ciel leur enseigner celui de l'enfer, n'est-ce pas terrible ? Ils sont comme les sauterelles d'Egypte « qui broutèrent tout ce que la grêle avait laissé de reste ». Ils dévorent le petit reste qui avait échappé au mauvais exemple. Est-ce donc sans motif que notre sage et miséricordieux Maître nous prévient si solennellement contre eux ? « Gardez-vous, nous dit-il, des faux prophètes qui viennent à vous en habits de brebis, mais qui, au dedans sont des loups ravissants ».

                     Grave et important avertissement ! Pour qu'il pénètre avec plus d'efficace dans nos cœurs, recherchons 1° qui sont ces faux prophètes ; 2° de quelle apparence ils se revêtent ; et 3° comment, en dépit de cette belle apparence, nous pouvons connaître ce qu'ils sont réellement.

I

                     Recherchons d'abord qui sont ces faux prophètes. C'est ce qu'il faut faire d'autant plus soigneusement qu'ils ont eux-mêmes plus travaillé à tordre cette parole, à leur propre perdition et à celle d'autrui. Je vais donc pour couper court à toute dispute, sans me servir, comme quelques-uns, d'exclamations vagues et emphatiques, pour jeter de la poudre aux yeux et séduire les cœurs des simples, je vais, dis-je, présenter de ces vérités simples et sévères que doit reconnaître quiconque a un reste d'intelligence et de modestie ; des vérités d'ailleurs intimement liées à tout ce qui précède ; car trop souvent on a interprété ces paroles sans égard au contexte et comme si elles n'avaient aucune relation au discours dont elles forment la conclusion.

                     Par prophètes il faut entendre ici (comme dans plusieurs autres passages des Écritures et surtout du Nouveau Testament), non pas ceux qui prédisent l'avenir, mais ceux qui parlent au nom de Dieu, ceux qui font profession d'être envoyés de Dieu pour enseigner aux autres le chemin du ciel. — Les faux prophètes sont donc ceux qui enseignent un faux chemin, un chemin qui ne conduit point au ciel, ou tout au moins ceux qui négligent d'enseigner le véritable.

                     Tout chemin large est infailliblement un faux chemin. De là cette règle simple et certaine : Quiconque enseigne aux hommes un chemin large, un chemin de multitude, est un faux prophète.

                     Réciproquement, le vrai chemin du ciel est un chemin étroit. De là cette autre règle non moins certaine : Quiconque n'enseigne pas aux hommes un chemin étroit, un chemin à part du grand nombre, est un faux prophète.

                  Et pour préciser encore plus, le seul vrai chemin est indiqué dans le discours précédent du Seigneur. Tous ceux qui n'enseignent pas aux hommes à marcher dans ce chemin, sont de faux prophètes. Or le chemin indiqué dans ce qui précède est l'humilité, la tristesse à cause du péché, la douceur, les saints désirs, l'amour de Dieu et du prochain, la pratique du bien et la patience dans la persécution endurée pour l'amour de Christ. Ceux donc qui nous enseignent comme chemin du ciel un autre chemin quelconque, sont de faux prophètes.

                     Peu importe le nom qu'ils donnent à cette autre voie. Qu'ils l'appellent la foi — ou les bonnes œuvres, — ou la foi et les œuvres, — ou la repentance, — la foi et la nouvelle obéissance ; — tous ces noms sont excellents ; mais si, à l'abri de ces noms ou de tout autre, ils enseignent aux hommes un chemin différent de celui que Jésus nous trace dans ce discours, ils ne sont réellement que de faux prophètes.

                    Combien plus cette sentence retombe-t-elle sur ceux qui médisent du vrai chemin et surtout sur ceux qui enseignent un chemin directement contraire : le chemin de l'orgueil, de la légèreté, des passions, des désirs mondains ; qui enseignent à aimer le monde plutôt que Dieu, à être malveillant pour le prochain, à négliger les bonnes œuvres et à ne supporter ni maux, ni persécutions pour la cause de la justice !

                      Mais, dites-vous, qui a jamais enseigné ou qui enseigne que ce soit là le chemin du ciel ? — Je réponds : Ce sont des milliers et des dix milliers de gens sages et honorables, ce sont même, quelque nom qu'ils prennent, tous ceux qui laissent vivre dans l'espérance d'aller au ciel les orgueilleux, les gens frivoles, colères, amateurs du monde, les hommes de plaisir, les injustes ou les  malveillants, les êtres inutiles et insouciants, ceux qui aiment leurs aises, ou ceux qui ne veulent souffrir aucun opprobre pour la cause de la justice. Ils ne sont rien moins que de faux prophètes, et, dans toute la force du terme, les premiers-nés de Satan, les fils d'Apollyon, « le destructeur  » ; bien plus coupables que des meurtriers ordinaires, car ils sont les meurtriers des âmes. Sans cesse ils travaillent à peupler les régions de l'obscurité, et quand, à leur tour, ils descendront vers les pauvres âmes qu'ils ont fait périr, « l'enfer s'émouvra pour aller au-devant d'eux à leur venue ».

II

                    Mais se présentent-ils à vous maintenant sous leur vraie forme ? Nullement. S'il en était ainsi, ils ne pourraient vous nuire. Vous prendriez l'alarme et vous vous hâteriez de sauver votre vie. Ils se revêtent donc d'une apparence toute contraire (c'est le second point à considérer), « ils viennent à vous en habit de brebis, quoiqu'ils soient, au dedans, des loups ravissants ».

                     « Ils viennent à vous, 1° en habit de brebis », c'est-à-dire sous une apparence innocente. Ils viennent de l'air le plus inoffensif, le plus doux, sans aucune marque, ni signe d'inimitié. Qui pourrait croire que ces êtres paisibles voudraient nuire à âme qui vive ? Peut-être leur reprocheriez-vous quelque tiédeur, quelque défaut de zèle pour le bien. Néanmoins vous ne voyez pas de raison de les soupçonner d'en vouloir à qui que ce soit. Mais il y a plus :

                     Ils viennent à vous, 2° comme très capables de vous faire du bien. C'est, en effet, à cela qu'ils sont particulièrement appelés. Ils sont mis à part dans ce but. Ils ont charge spéciale de veiller sur vos âmes et de vous former pour la vie éternelle. Ils n'ont pas d'autre affaire que « d'aller de lieu en lieu, faisant du bien et guérissant ceux qui sont opprimés par le diable  » ; et c'est sous cet aspect que vous êtes accoutumés à les considérer « comme des messagers de Dieu » qui vous apportent de sa part la bénédiction.

                    Ils viennent, en troisième lieu, avec une apparence de religion. Ne font-ils pas tout par conscience ? C'est par zèle pour Dieu, à les en croire, qu'ils font Dieu menteur ! C'est par zèle désintéressé pour la religion qu'ils voudraient la détruire jusqu'aux racines. S'ils parlent, ce n'est que par amour pour la vérité et pour la garantir d'outrages, c'est peut-être même par amour pour l'Eglise et par le désir de la défendre contre ses ennemis.

                    Surtout ils viennent à vous sous une apparence d'amour. N'est-ce pas uniquement pour votre bien qu'ils se donnent tant de peine ? Ils ne se tourmenteraient pas pour vous s'ils n'avaient de la tendresse pour vous. Ils feront de grandes protestations de leur bon vouloir, du souci que leur donne le danger où vous êtes, de leur vif désir de vous préserver de tomber dans l'erreur et d'être embarrassés dans des doctrines nouvelles et funestes. Ils auraient vraiment du chagrin à voir des gens sages comme vous jetés dans les extrêmes, embrouillés d'idées étranges et inintelligibles, ou séduits par les illusions de l'enthousiasme. C'est dans ce sentiment qu'ils vous avertissent de vous tenir toujours dans un juste milieu et de ne point être « justes plus qu'il ne faut », de peur que vous ne vous perdiez.

III

                     Mais comment pourrons-nous, sous ces belles apparences, reconnaître leur vrai caractère ? Notre Sauveur, sachant combien il est nécessaire pour tous de discerner les faux prophètes, et combien la plupart des hommes sont incapables de suivre un raisonnement compliqué, nous donne ici une règle courte et facile, accessible aux intelligences les plus communes et d'une application aisée et constante : « Vous les connaîtrez à leurs fruits ».

                      Cette règle est d'une application facile et constante. Voulez-vous savoir si tel homme qui parle au nom de Dieu est ou non un vrai prophète ? Observez, vous le pouvez aisément, quels sont les fruits de sa doctrine, d'abord pour lui-même. Quel effet a-t-elle sur sa vie ? Est-il saint et irréprochable en toutes choses ? Quel effet sur son cœur : voit-on, par l'ensemble de sa conduite, qu'il soit dans des dispositions saintes et célestes ? qu'il ait en lui les mêmes sentiments que Jésus-Christ a eus ? qu'il soit doux, humble, patient, ami de Dieu et des hommes, et zélé pour les bonnes œuvres ?

                       Il vous sera facile, en second lieu, d'observer quels sont les fruits de sa doctrine pour ceux qui l'écoutent ; pour plusieurs, du moins ; non, il est vrai, pour tous ; car les apôtres eux-mêmes ne convertirent pas tous leurs auditeurs. Leurs disciples ont-ils les sentiments de Jésus-Christ, marchent-ils comme il a marché lui-même ? Est-ce en entendant cet homme qu'ils sont devenus tels ? Avant de l'entendre étaient-ils intérieurement et extérieurement adonnés au mal ? S'il en est ainsi, c'est une preuve manifeste que cet homme est un vrai prophète, un docteur envoyé de Dieu. Mais s'il n'en est point ainsi, s'il n'apprend réellement l'amour et l'obéissance de Dieu ni aux autres, ni à lui-même, c'est une preuve manifeste que c'est un faux prophète, et que Dieu ne l'a point envoyé.

                    « Cette parole est dure, qui peut l'ouïr ! » Le Seigneur sachant cela daigne la confirmer par plusieurs arguments clairs et convaincants. « Cueille-t-on, dit-il, des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons ? » (Verset 16.) Pouvez-vous attendre que ces hommes méchants portent de bons fruits ? Autant auriez-vous le droit d'espérer que les épines produisent des raisins ou les chardons des figues ! « Tout bon arbre porte de bons fruits ». (Verset 17.) Tout vrai prophète, tout docteur que j'ai envoyé, porte le bon fruit de la sainteté. Mais tout faux prophète, tout docteur que je n'ai point envoyé, ne produit que péché et méchanceté. « Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ni un mauvais arbre porter de bons fruits ». Un vrai prophète, un docteur envoyé de Dieu produit de bons fruits, non pas quelquefois seulement, mais toujours ; ce n'est pas un accident, mais comme une nécessité. De même un faux prophète, un docteur que Dieu n'a pas envoyé, ne produit pas de mauvais fruits accidentellement ou quelquefois seulement, mais toujours et nécessairement. « Tout arbre qui ne produit pas de bons fruits est coupé et jeté au feu ». (Verset 19.) Tel sera infailliblement le sort de ces prophètes qui ne portent pas de bons fruits, qui ne sauvent pas les âmes du péché, qui n'amènent pas les pécheurs à la repentance. Qu'ainsi donc cette règle demeure : « Vous les connaîtrez à leurs fruits ». (Verset 20.) Ceux qui, de fait, amènent les orgueilleux, les amateurs du monde, les hommes colères et sans miséricorde, à la douceur, à l'humilité, à l'amour de Dieu et des hommes, ceux-là sont de vrais prophètes ; Dieu les a envoyés, c'est pourquoi il confirme leur parole. Mais, par contre, ceux dont les auditeurs, injustes qu'ils étaient, demeurent injustes, ou du moins sans une « justice qui surpasse celle des Scribes et des Pharisiens », ceux-là sont de faux prophètes ; Dieu ne les a pas envoyés, c'est pourquoi leurs paroles tombent à terre, et à moins d'un miracle de la grâce, ils tomberont, avec ceux qui les écoutent, dans l'abîme !

                        Oh ! gardez-vous de ces faux prophètes ! car s'ils viennent en habit de brebis, ils n'en sont pas moins au dedans « des loups ravissants  » ; ils ne font  que détruire et dévorer le troupeau, ils le mettent en pièces, s'il n'y a personne pour le délivrer de leurs mains. Ils ne veulent ni ne peuvent vous conduire au chemin des cieux. Comment le pourraient-ils s'ils ne le connaissent pas eux-mêmes ? Oh ! prenez garde qu'ils ne vous détournent du bon chemin, et ne vous fassent perdre le fruit de votre travail !

                     Mais, si leurs paroles sont si dangereuses, demandera quelqu'un, dois-je en aucune manière les écouter ? Grave question qui mérite l'examen le plus sérieux et qui ne doit être résolue qu'après la plus calme et la plus mûre délibération. Pendant bien des années, j'ai redouté, même d'en parler, étant incapable de rien décider ni pour ni contre, ou de me prononcer en aucun sens. Bien des raisons plausibles me porteraient encore à dire : Ne les écoutez point ! Et pourtant ce que le Seigneur déclare touchant les faux prophètes de son temps, semble nous diriger en sens contraire. « Alors Jésus parlant au peuple et à ses disciples, leur disait : Les Scribes et les Pharisiens sont assis dans la chaire de Moïse », — sont les docteurs ordinaires, les docteurs établis de votre Eglise ; « observez donc et faites tout ce qu'ils vous diront d'observer ; mais ne faites point comme ils font, car ils disent et ne font pas (Mat 23 : 1,3)  ». Or, que ce fussent de faux prophètes dans toute la force du terme, c'est ce que le Sauveur a montré par tout son ministère, comme il le montre, au reste, par ces paroles mêmes : « Ils disent et ne font pas ». Il était donc impossible que ses disciples ne les « connussent pas à leurs fruits », puisque ces fruits étaient évidents pour tous les hommes. C'est pourquoi il ne cesse de les prémunir contre ces faux prophètes. Et néanmoins il ne défend pas à ses disciples de les écouter, il le leur commande plutôt en disant : « Observez et faites tout ce qu'ils vous diront d'observer  » ; car, à moins de les écouter, ils ne pouvaient connaître, combien moins garder ce qu'ils ordonnaient de garder. Ici donc le Seigneur lui-même donne à ses apôtres et à toute la multitude une direction claire d'écouter, dans certaines circonstances, même de faux prophètes manifestement connus et reconnus pour tels.

                       Mais, dira-t-on peut-être, il voulait seulement qu'on les écoutât lorsqu'ils lisaient l’Écriture dans les synagogues. Je réponds : Lorsqu'ils lisaient ainsi les Ecritures, ils avaient coutume d'en faire aussi l'explication. Et rien ici ne dit que les disciples dussent écouter la lecture et non l'explication. Mais plutôt les termes mêmes : « tout ce qu'ils vous diront d'observer », excluent absolument un tel partage.

                         Il y a plus. A de tels faux prophètes, bien manifestés comme tels, est souvent confiée (oh ! douleur ! car il ne devrait sûrement pas en être ainsi) l'administration des sacrements. Défendre aux hommes de les écouter, ce serait donc, par le fait, les priver des ordonnances de Dieu. Mais nous n'avons pas le droit de le faire. Car l'efficacité de l'ordonnance ne dépend pas de la pureté de celui qui l'administre, mais uniquement de la fidélité de Dieu, qui veut bien se faire trouver par, nous, et qui effectivement vient à nous dans la voie qu'il a lui-même établie. Pour ce motif encore je me fais scrupule de dire, même pour les faux prophètes : Ne les écoutez point. Même par ces hommes sur qui repose la malédiction, Dieu peut et veut vous bénir. Car le pain qu'ils rompent, nous le savons par expérience, est pour nous « la communion du corps de Christ », et la coupe que Dieu bénit par leurs mains profanes, est pour nous « la communion du sang de Christ ».

                         Voici donc ce que je puis dire : Dans chaque cas particulier, consultez Dieu par d'humbles et ferventes prières, puis agissez pour le mieux, selon vos lumières ; faites ce que vous croirez convenir le mieux à votre avantage spirituel. Gardez-vous bien de juger personne témérairement, de considérer légèrement qui que ce soit comme faux prophète, et même, si les preuves sont convaincantes, n'ayez ni colère ni mépris dans vos cœurs. Prenez alors, dans la crainte et sous le regard de Dieu, une détermination pour vous-même,. Je vous dirai seulement : Ne les écoutez pas si vous éprouvez que cela nuise à votre âme. Retirez-vous en paix vers ceux qui vous font du bien. Si vous trouvez, au contraire, que votre âme n'en souffre pas, continuez à les écoutez. Seulement « prenez garde à ce que vous écoutez ! » Gardez-vous d'eux et de leur doctrine. Écoutez « avec crainte et tremblement », de peur que vous ne soyez séduits et livrés, comme eux, à l'efficace de l'erreur. Ils mêlent sans cesse le mensonge et la vérité ; qu'il vous est difficile de ne pas les recevoir ensemble ! Ecoutez, mais en adressant de ferventes et continuelles prières à Celui qui seul enseigne la sagesse. Et tout ce que vous entendrez, ayez soin de le rapporter « à la loi et au témoignage ». Éprouvez avant de recevoir, pesez toutes choses « à la balance du sanctuaire  » ; ne croyez rien qui ne soit clairement confirmé par les passages des saints livres. Rejetez absolument tout ce qui en diffère, tout ce qui n'y trouve pas sa confirmation. Repoussez surtout, avec horreur, toute voie de salut étrangère ou inférieure à celle que notre Seigneur indique lui-même dans le discours qui précède.

                       Je ne puis terminer, sans adresser aussi quelques paroles simples et claires à ceux dont nous nous occupons. O vous, faux prophètes ! O vous, ossements secs ! Écoutez, une fois, la Parole du Seigneur ! Jusques à quand mentirez-vous au nom de Dieu, disant : « Ainsi dit l'Éternel », quand l'Éternel ne parle point par vous ? jusques à quand pervertirez-vous les voies de Dieu qui sont droites, faisant des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres ? Jusques à quand donnerez-vous le chemin de la mort pour le chemin de la vie ? Jusques à quand livrerez-vous à Satan les âmes que vous faites profession de conduire à Dieu ?

                     « Malheur à vous ! aveugles, conducteurs d'aveugles ! » car vous fermez aux hommes le royaume des cieux : vous n'y entrez point vous-mêmes et vous ne laissez point entrer ceux qui y entrent. S'efforcent-ils d'entrer par la porte étroite ? vous les rappelez dans la voie large. Ont-ils fait un premier pas dans les voies de Dieu ? vous leur donnez l'avertissement satanique de ne pas aller trop loin. Commencent-ils à avoir faim et soif de la justice ? vous leur recommandez de n'être pas justes plus qu'il ne faut. C'est ainsi que sur le seuil même vous les faites broncher, que dis-je ? tomber pour ne plus se relever ! Oh ! pourquoi agissez vous de la sorte ? Quel profit avez-vous à leur sang s'ils descendent dans la fosse ? Triste profit pour vous ! car « ils périront dans leur iniquité, mais Dieu redemandera leur sang de votre main ! »

                       Où sont vos yeux ? Où est votre intelligence ? A force de séduire, vous êtes-vous séduits vous-mêmes ? Qui vous demande d'enseigner un chemin que vous n'avez jamais connu ? Êtes-vous tellement livrés à l'efficace de l'erreur que vous croyiez vous-mêmes le mensonge que vous enseignez ? et pouvez-vous penser que Dieu vous envoie, que vous êtes ses messagers ? Ah ! si le Seigneur vous avait envoyés, l'œuvre du Seigneur prospèrerait entre vos mains. Aussi vrai que Dieu est vivant, si vous étiez ses messagers, il confirmerait votre parole. Mais l'œuvre du Seigneur ne prospère point entre vos mains, car vous n'amenez point les pécheurs à la repentance. Le Seigneur ne confirme point votre parole, car vous ne sauvez point les âmes de la mort.

                       Comment pouvez-vous éluder la force des paroles du Seigneur, qui sont si complètes, si fortes, si expresses ? Comment fermez-vous les yeux à l'évidence pour ne pas vous reconnaître à vos fruits, fruits mauvais d'arbres mauvais ? Et s'ils sont mauvais, qu'y a-t-il d'étonnant ? Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons ? Prenez à cœur ces paroles qui s'adressent à vous, ô arbres stériles ! Pourquoi occupez-vous inutilement la terre ? « Tout bon arbre porte de bons fruits ». Ne voyez-vous pas qu'il n'y a point d'exception ? Reconnaissez-le donc, vous n'êtes pas de bons arbres puisque vous ne portez pas de bons fruits. « Mais tout mauvais arbre porte de mauvais fruits », et c'est ce que vous avez fait depuis le commencement. En parlant au nom de Dieu, vous n'avez fait qu'affermir vos auditeurs dans les dispositions ou même dans les œuvres du diable. Oh ! recevez instruction de Celui au nom de qui vous parlez, avant que s'accomplisse cette sentence qu'il a prononcée : « Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu ! »

                       Frères, n'endurcissez pas vos cœurs ! Trop longtemps vous avez fermé les yeux pour ne pas voir la lumière. Ouvrez-les, maintenant, avant qu'il soit trop tard, avant que vous soyez jetés « dans les ténèbres du dehors ! » Qu'aucune considération temporelle ne pèse sur vous, car l'éternité est en jeu. Vous avez couru avant d'être envoyés. Oh ! n'allez pas plus loin ! Ne persistez pas à vous perdre en perdant ceux qui vous écoutent ! Vous n'avez pas de fruits de votre travail, et pourquoi ? Par cette raison même que le Seigneur n'est point avec vous. Mais iriez-vous à cette guerre à vos propres dépens ? Cela ne se peut. Humiliez-vous donc devant Lui. Crie à lui, le front dans la poussière, pour qu'il vivifie premièrement ton âme, pour qu'il te donne à toi-même la foi qui opère par l'amour, la foi qui est humble et douce, pure et compatissante, zélée pour les bonnes œuvres, et qui se réjouit dans les tribulations, dans les opprobres, dans les détresses, dans les persécutions pour la justice ! C'est ainsi que l'Esprit de gloire, l'Esprit de Christ reposera sur toi, et qu'on pourra connaître que Dieu t'a envoyé. C'est ainsi que tu feras « l'œuvre d'un évangéliste » et que tu « rempliras ton ministère ». C'est ainsi que la Parole de Dieu sera dans ta bouche comme un marteau qui brise la pierre ! »  Alors tu seras manifesté comme prophète de l’Éternel par les fruits, savoir : par « les enfants que le Seigneur t'aura donnés ». Et après en avoir « amené plusieurs à la justice, tu luiras comme les étoiles, à toujours et à perpétuité ! 

vendredi 17 juin 2016

(11) LE SERMON SUR LA MONTAGNE, ONZIÈME DISCOURS Matthieu 7:13-14

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Sermon 31 :           LE SERMON SUR LA MONTAGNE, ONZIÈME DISCOURS

Matthieu 7,13-14
1750

« Entrez par la porte étroite ; car la porte large et le chemin spacieux mènent à la perdition, et il y en a beaucoup qui y entrent ; mais la porte étroite et le chemin étroit mènent à la vie, et il y en a peu qui les trouvent ». (Mat 7 : 13,14.)

                    Notre Seigneur nous ayant avertis des dangers intérieurs qui nous assiègent facilement à nos premiers pas dans la vraie religion, des obstacles qui naissent naturellement de la perversité de nos propres cœurs, nous fait connaître maintenant les empêchements du dehors, particulièrement ceux qui proviennent des mauvais exemples et des mauvais conseils. Par l'une ou l'autre de ces deux influences, des milliers d'âmes qui « couraient bien » se sont retirées, pour marcher à la perdition, des âmes mêmes qui n'étaient plus novices dans la piété, mais qui avaient fait des progrès dans la justice. C'est pourquoi il nous donne, à ces deux égards, l'avertissement le plus pressant et le plus sérieux, et le répète sous plusieurs formes pour qu'en aucune manière nous ne le laissions écouler. Ainsi, pour nous garder contre le premier danger, il nous dit : « Entrez par la porte étroite, car la porte est large et le chemin est spacieux qui mène à la perdition, et il y en a beaucoup qui y entrent, mais la porte est étroite et le chemin est étroit qui mène à la vie, et il y en a peu qui le trouvent ». Et pour nous prémunir contre le second danger : « Gardez-vous des faux prophètes », etc. Pour aujourd'hui nous nous en tiendrons au premier point.

« Entrez, dit le Seigneur, par la porte étroite, car la porte est large et le chemin spacieux qui mène à la perdition, et il y en a beaucoup qui y entrent, mais la porte est étroite et le chemin étroit qui mène à la vie, et il y en a peu qui le trouvent ».


                    Nous considèrerons ici trois choses : 
1° les caractères propres et inséparables du chemin de l'enfer « La porte est large et le chemin spacieux qui mène à la perdition, et il y en a beaucoup qui y entrent ». 
2° Les caractères propres et inséparables du chemin du ciel : « La porte est étroite et le chemin étroit qui mène à la vie, et il y en a peu qui le trouvent ». 
3° L'exhortation sérieuse qui en est la conséquence « Entrez par la porte étroite ».

                                                                     I

                     Et d'abord, quant au premier point, combien est large la porte, combien est spacieux le chemin qui mène à la perdition ! car la porte de l'enfer, c'est le péché, et le chemin de la perdition, c'est la méchanceté ! Le « commandement de Dieu est d'une grande étendue », puisqu'il s'étend non seulement à toutes nos actions, mais à toute parole qui sort de nos lèvres, à toute pensée même qui s'élève de nos cœurs. Or, l'étendue du péché est tout aussi grande, puisque toute violation du commandement est péché. Que dis-je ? elle est mille fois plus grande ; car il n'y a qu'une manière d'observer le commandement, puisque nous ne l'observons en réalité que si dans la chose même que nous faisons, dans la manière de la faire et dans tout ce qui s'y rattache, nous sommes irréprochables, tandis qu'il y a mille manières de violer chaque commandement. Cette porte est donc vraiment large !

                     Mais considérons ceci d'un peu plus près ; quelle n'est pas l'étendue de ces péchés fondamentaux d'où naissent tous les autres ; de cet « amour du monde qui est inimitié contre Dieu, de l'esprit charnel, de l'orgueil, de la volonté propre ! Pouvons-nous leur assigner des limites ? Ne se répandent-ils pas à travers nos pensées, ne se mêlent-ils pas à tous nos sentiments ? Ne sont-ils pas comme un levain qui fait lever, plus ou moins, toute la masse de nos affections ? Et ne pouvons-nous pas, par une observation attentive et fidèle de nous-mêmes, voir ces « racines d'amertume bourgeonnant continuellement en haut », infectant toutes nos paroles, souillant toutes nos actions ? Et que leurs rejetons sont innombrables de siècle en siècle ! assez pour couvrir la terre entière de ténèbres et « de demeures de violence ! »

                     Oh ! qui fera l'énumération de leurs fruits maudits ! Qui comptera tous les péchés qui se commettent, soit contre Dieu, soit contre le prochain ? Ce n'est point un rêve de notre imagination, mais on peut les constater par une triste et journalière expérience. Et pour les trouver nous n'avons pas besoin de courir le monde. Observez un seul royaume, une seule province, une seule ville, et vous ferez, en ce genre, une riche moisson ! Et ne prenez pas une contrée mahométane ou païenne, prenez une de celles qui se nomment du nom de Christ et qui se glorifient de la lumière de son Evangile. Arrêtez-vous dans notre pays même et dans la ville que nous habitons. Nous nous disons chrétiens et même des chrétiens par excellence, des chrétiens réformés ! Mais, hélas ! qui fera pénétrer dans nos cœurs et dans notre vie la réformation de nos opinions ? Car combien sont innombrables nos péchés, nos péchés les plus criants ! Les abominations les plus grossières n'abondent-elles pas parmi nous chaque jour ? Nos péchés, de toute sorte, ne couvrent-ils pas le pays comme le fond de la mer est couvert par les eaux ? Qui pourrait les compter ? Allez plutôt compter les gouttes de pluie, ou le sable des bords de la mer ! Tant est large la porte, tant est « spacieux le chemin qui mène à la perdition ! »

                     Et « il y en a beaucoup qui entrent » par cette porte, beaucoup qui vont par ce chemin, autant presque qu'il y en a qui entrent par la porte de la mort et qui descendent dans le sépulcre. Car on ne peut nier (quoiqu'on ne puisse non plus le reconnaître sans honte et sans douleur) que, même dans ce pays chrétien, les masses de tout âge, de tout sexe, de tout état, de tout rang, grands et petits, riches et pauvres, suivent le chemin de la perdition. Et, dans cette ville, les habitants, en grande majorité, vivent, jusqu'à ce jour, dans le péché, dans quelque transgression palpable, habituelle, consciente de la loi divine qu'ils font profession d'observer, et même dans quelque forme grossière d'impiété ou d'injustice, dans quelque violation ouverte de leurs devoirs, soit envers Dieu, soit envers les hommes. Ceux-là donc, évidemment, marchent tous dans le chemin de la perdition. Joignez-y ceux qui ont, il est vrai, « le bruit de vivre », mais qui ne connaissent pas la vie de Dieu ; ceux qui, au dehors, paraissent beaux aux yeux des hommes, mais qui sont, au dedans, pleins de corruption, pleins d'orgueil et de vanité, de colère et de rancune, d'ambition et de convoitises, amateurs d'eux-mêmes, amateurs du monde et des plaisirs plutôt que de Dieu. Ceux-là peuvent être, sans doute, fort estimés des hommes, mais ils sont abominables aux yeux du Seigneur. Et combien ces saints du monde n'enfleront-ils pas le nombre des enfants de perdition ! Ajoutez encore ; quels qu'ils puissent être à d'autres égards, tous ceux qui ne connaissant pas la justice de Dieu et voulant établir leur propre justice, ne se soumettent point à la justice qui vient de Dieu par la foi. Tout cela joint ensemble, de quelle terrible vérité vous paraîtra cette assertion du Seigneur : « La porte est large et le chemin spacieux qui mène à la perdition, et il y en a beaucoup qui y entrent ! »

                     Encore ceci ne regarde-t-il pas uniquement le vulgaire, — le pauvre, stupide et vil troupeau de l'humanité. Des hommes éminents dans le monde, des hommes qui ont beaucoup de terres et de couples de boeufs, n'ont garde, en ceci, de se faire excuser. Au contraire, il y en a ici « beaucoup d'appelés » d'entre les sages selon la chair, d'entre les puissants, les courageux, les riches, les nobles au jugement des hommes, appelés dans la voie large par le monde, la chair et le diable, et qui obéissent avec empressement à cet appel. Que dis-je ? plus ils sont élevés en fortune et en puissance, plus ils se dégradent en perversité. Plus ils ont reçu de bénédictions de Dieu, plus ils l'offensent, employant leurs honneurs, leurs richesses, leur sagesse, leur science, non comme moyens de travailler à leur salut, mais plutôt comme moyens d'exceller dans le vice et de rendre leur perdition plus certaine.

II

                     Au reste, c'est précisément parce qu'il est large, que plusieurs suivent ce chemin avec tant de sécurité, ne considérant pas que c'est le caractère inséparable du chemin de la perdition. Ils y marchent par la raison même qui devrait le leur faire éviter, parce qu'il est large et parce que « le chemin de la vie est étroit et qu'il y en a peu qui le trouvent ».

                     « La porte de la vie est étroite, le chemin de la vie est étroit  » ; si étroit qu'il ne peut y entrer « rien d'impur ni de souillé ». C'est un caractère inséparable du chemin du ciel. Nul pécheur ne peut passer par cette porte avant d'être sauvé de tous ses péchés. Non pas seulement de ses grossiers péchés, « de la vaine manière de vivre qu'il a apprise de ses pères ». Il ne suffit pas qu'il ait « cessé de mal faire, appris à bien faire », ni qu'il soit sauvé de  toute action impure, de toute parole inutile et mauvaise. Il faut encore qu'il soit changé intérieurement et complètement renouvelé dans l'esprit de son entendement ; sans quoi il ne peut passer, par la porte de la vie, ni entrer dans la gloire.

                     Car le chemin qui conduit à la vie, — le chemin de la parfaite sainteté est étroit. — Il est étroit, le chemin de la pauvreté d'esprit, le chemin de la sainte tristesse, le chemin de l'humilité, le chemin de la faim et de la soif de la justice. Il est étroit le chemin de la miséricorde, de la charité sans hypocrisie, de la pureté du cœur, de la bienfaisance envers tous les hommes, de la patience et de la joie lorsqu'on souffre le mal, toute sorte de mal pour la cause de la justice.

                     « Et il y en a peu qui le trouvent ». Hélas ! qu'il y en a peu qui trouvent même l'honnêteté païenne ! qu'il y en a peu qui s'abstiennent de faire à autrui ce qu'ils ne veulent pas qu'on leur fasse à eux-mêmes ! qui soient innocents devant Dieu d'actes injustes ou malveillants ! qui ne pèchent pas par leur langue, qui ne prononcent aucune méchanceté, aucun mensonge ! Qu'il est petit le nombre de ceux qui sont exempts des transgressions du dehors ! A plus forte raison sont-ils peu nombreux ceux dont le cœur est droit, pur et saint devant Dieu ! Où sont ceux que son oeil scrutateur trouve vraiment humbles, s'abaissant et s'abhorrant eux-mêmes dans la poudre et la cendre, devant Dieu leur Sauveur, ceux qu'il voit profondément et constamment sérieux, sentant leurs besoins et se conduisant avec crainte durant le temps de leur séjour sur la terre ; ceux qu'il voit débonnaires et doux, n'étant jamais surmontés par le mal, mais surmontant le mal par le bien, toujours altérés de Dieu et soupirant pour le renouvellement à sa ressemblance ! Qu'ils sont clairsemés sur la terre ceux dont l'âme est élargie pour aimer tous les hommes, et qui aiment Dieu de toute leur force, qui lui ont donné leur cœur et qui ne souhaitent que lui dans le ciel et sur la terre ; ceux qui par amour pour Dieu et pour les hommes se dépensent entièrement à faire du bien aux hommes, et qui sont prêts à souffrir tout, même la mort, pour sauver une seule âme de la perdition !

                     Mais puisqu'il y en a si peu dans le chemin de la vie et tant dans le chemin de la perdition, il est fort à craindre que nous ne soyons entraînés avec ces derniers par le torrent de l'exemple. Quelle impression un exemple même isolé ne peut-il pas faire sur nous, s'il est continuellement sous nos yeux, surtout s'il a pour lui la nature, s'il s'accorde avec nos inclinations ! Combien grande sera donc la force d'exemples si nombreux et toujours placés devant nous, et tous conspirant avec nos propres cœurs à nous faire descendre le courant de la corruption ! Qu'il est difficile d'aller contre vent et marée et de nous conserver purs des souillures du monde !

                     Mais voici qui aggrave encore la difficulté : ce n'est pas la foule ignorante et sans entendement, ce n'est point elle seule du moins qui nous donne l'exemple, qui nous pousse dans le chemin de l'abîme ; mais ce sont les gens sages, polis, bien nés, les gens capables, instruits, éloquents, les gens de goût et de science, les gens raisonnables et qui ont la connaissance du monde ! Tous ceux-là, ou presque tous, sont contre nous. Et comment leur résister ? Leurs lèvres ne distillent-elles pas le miel et n'entendent-ils pas à fond la douce persuasion ? Ne sont-ils pas maîtres en fait de raisonnement, de controverse, de disputes de mots ? Ce n'est que jeu pour eux de prouver que le chemin est le droit chemin puisqu'il est large, qu'on ne peut faire le mal en suivant la multitude mais en refusant de la suivre, que votre chemin est le mauvais chemin puisqu'il est étroit et puisqu'il y en a si peu qui le trouvent. Ils prouveront jusqu'à l'évidence que le mal est bien et le bien mal, que la voie de la sainteté est la voie de la perdition, et que le chemin du monde est le seul chemin qui mène au ciel.

                     Comment de pauvres ignorants pourraient-ils se défendre contre de tels opposants ? Et pourtant il faut encore qu'ils soutiennent contre d'autres adversaires une lutte non moins inégale. Car il y a encore dans le chemin qui mène à la perdition, « beaucoup de puissants et de nobles », qui ont pour convaincre une voie plus courte que celle de la discussion et du raisonnement. Ce n'est point à l'intelligence qu'ils ont coutume de s'adresser, mais à la timidité de ceux qui leur résistent, et, là même où l'argumentation ne sert de rien, cette méthode d'intimidation manque rarement son effet, étant au niveau de la capacité de tous les hommes ; car tous sont accessibles à la peur, qu'ils sachent ou non raisonner. Et comment, sans une ferme confiance en Dieu, en sa puissance et en son amour, ne pas craindre de déplaire à ceux qui ont entre les mains la puissance de ce monde ? Il n'est donc pas étonnant que leur exemple soit une loi pour tous ceux qui ne connaissent point Dieu.

                     Il y a aussi, dans la voie large, « beaucoup de riches », Et ceux-ci font appel aux espérances et aux vaines convoitises des gens avec non moins de force et de succès que les puissants et les nobles à leurs craintes. En sorte qu'il vous est difficile de persévérer dans le chemin du royaume, à moins que vous ne soyez morts à tout ce qui est d'ici-bas, que Dieu seul soit votre désir, que le monde soit crucifié à votre égard et que vous soyez crucifié au monde.

                   Car voyez comme tout, dans la voie opposée, paraît obscur, incommode, rebutant ! Une porte étroite ; un chemin étroit ! et peu de gens seulement qui trouvent cette porte ! peu qui suivent ce chemin ! Encore si ce peu de gens étaient des sages, des hommes instruits, éloquents ! mais loin de là, ils ne savent mettre ni clarté, ni forces dans leurs raisonnements ; ils ne savent soutenir aucune discussion à leur avantage. Ils sont incapables de prouver ce qu'ils font profession de croire, ou même de rendre compte de ce qu'ils appellent leur expérience : Evidemment de tels avocats, bien loin de recommander la cause qu'ils ont embrassée, ne peuvent que jeter sur elle du discrédit.

                      Ajoutez à cela qu'ils ne sont ni nobles, ni honorés dans le monde. S'ils l'étaient, vous supporteriez peut-être leur folie. Ce sont des gens sans crédit, sans autorité, des gens du commun, des gens de rien, et qui, lors même qu'ils le voudraient, n'auraient  pas le pouvoir de vous nuire. Il n'y a donc rien à craindre d'eux, ni rien à espérer, car ils peuvent dire pour la plupart : « Je n'ai ni argent, ni or », ou au moins ils en ont bien peu ; quelques-uns même ont à peine de quoi manger ou de quoi se vêtir. C'est pour cela aussi bien que pour la singularité de leurs voies, que partout on parle contre eux, on les méprise, on rejette leur nom comme mauvais, on les persécute, on les traite comme l'ordure et la balayure du monde. En sorte que soit vos craintes, soit vos espérances, soit vos désirs (excepté ceux qui vous viennent directement de Dieu), tout, en un mot, dans vos sentiments et dans vos passions naturelles vous pousse continuellement à retourner dans le chemin large et spacieux !

                                                                    III

                   C'est pour cela que le Seigneur nous dit avec tant d'insistance : « Entrez », ou, suivant l'expression d'un autre Evangile : « Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite  » ; l'expression du texte indique même un combat et comme une agonie. « Car plusieurs », dit le Seigneur, « chercheront (il ne dit pas s'efforceront) d'y entrer, mais ils ne le pourront ».


                     Il est vrai que le verset suivant semble indiquer pour leur réjection une autre raison que leur tiédeur à chercher. Après avoir dit : « Plusieurs chercheront à y entrer, mais ils ne le pourront », il ajoute immédiatement : « Quand le père de famille sera entré et qu'il aura fermé la porte ; et que vous, étant dehors, vous vous mettrez à heurter et à dire : Seigneur, Seigneur, ouvre-nous ! il vous répondra : Je ne sais d'où vous êtes ! retirez-vous de moi, vous tous qui faites métier de l'iniquité ! (Lu 13 : 24-27) »

                     Il paraîtrait de là, au premier abord, que s'ils ne peuvent entrer, c'est pour avoir différé de chercher plutôt que pour avoir cherché négligemment. Mais, au fond, cela revient au même. Ils reçoivent donc l'ordre de se retirer, pour avoir fait métier de l'iniquité, pour avoir marché dans la voie large, ou, en d'autres termes, pour ne pas s'être efforcés d'entrer. Quand la porte était ouverte, ils auront, sans doute, cherché, mais négligemment et sans succès ; et quand elle sera fermée, ils commenceront, mais trop tard, à s'efforcer.

                   Vous donc, efforcez-vous maintenant, dans ce jour qui vous est donné, efforcez-vous d'entrer par la porte étroite ! Et, pour cela, mettez-vous bien dans l'esprit et ne cessez de considérer que, si vous êtes dans la voie large, vous êtes dans le chemin de la perdition. Si vous marchez en grande compagnie, croyez, aussi sûr que Dieu est véritable, croyez que c'est vers l'enfer que tous ensemble vous marchez. Si vous faites comme fait la généralité des hommes, vous allez vers l'abîme sans fond. Vous avez pour compagnons de voyage beaucoup de sages, beaucoup de riches, beaucoup de puissants et de nobles ? C'est assez pour vous montrer, sans autre preuve, que vous ne suivez pas le chemin de la vie. Attachez-vous, sans autre indication, à cotte règle simple, courte et infaillible. Quelle que soit votre condition, il faut que vous paraissiez singulier ou que vous soyez damné ! Le chemin de l'enfer n'a rien de singulier, mais le chemin du ciel est singulier d'un bout à l'autre. Dès les premiers pas que vous faites sérieusement vers Dieu, vous n'êtes plus comme les autres hommes. Mais que vous importe ? Il vaut bien mieux être isolé que de tomber dans l'abîme ! « Poursuis donc patiemment la course qui t'est proposée », bien qu'ayant peu de compagnons. Il n'en sera pas toujours ainsi. Encore un peu de temps, et tu seras réuni « aux milliers d'anges, à l'assemblée et à l'Église des premiers-nés, et aux esprits dos justes parvenus à la perfection ».

                     Maintenant, « efforcez-vous d'entrer par la porte étroite », ayant un profond sentiment de l'inexprimable danger que court votre âme tant que vous êtes dans la voie large, tant que vous êtes sans cette pauvreté d'esprit, et, en général, sans cette religion intérieure que le grand nombre, que les riches, que les sages tiennent pour folie, « efforcez-vous d'entrer », plein de chagrin et de honte pour avoir si longtemps couru avec la foule insouciante, et négligé si ce n'est méprisé, cette « sainteté sans laquelle personne ne verra le Seigneur ». « Efforcez-vous », comme dans une sainte agonie, de peur que « la promesse vous étant faite d'entrer dans son repos, dans le repos qui reste pour le peuple de Dieu, vous n'en soyez pourtant exclu ». « Efforcez-vous » avec toute ardeur d'esprit et des « soupirs qui ne peuvent s'exprimer ». « Efforcez vous », en « priant sans cesse », partout et toujours, élevant vos cœurs à Dieu et ne lui laissant pas de repos jusqu'à ce que vous ressuscitiez à son image et que vous soyez « rassasié de sa ressemblance ! »

                     Un dernier mot : « efforce-toi d'entrer par la porte étroite  » ; mais que ce ne soit pas seulement par cette agonie de repentance, d'inquiétude, de honte, de désirs, de craintes, et par ces prières incessantes ; que ce soit aussi en réglant ta conduite, en marchant de toutes tes forces dans les voies de Dieu, dans l'innocence, la piété et la miséricorde. Abstiens-toi de toute apparence de mal, fais autant de bien que possible à tous les hommes, renonce en tout à toi-même, à ta propre volonté, et charge-toi, chaque jour, de ta croix. Sois prêt à te couper la main droite, à t'arracher l'oeil droit et à les jeter loin de toi, à souffrir la perte de tes biens, de tes amis, de ta santé, de tout sur la terre, pourvu que tu puisses entrer dans le royaume des cieux.

mercredi 15 juin 2016

(10) LE SERMON SUR LA MONTAGNE, DIXIÈME DISCOURS WESLEY Matthieu 7:1-12

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

Sermon 30 :     (1750)        LE SERMON SUR LA MONTAGNE, DIXIÈME DISCOURS

Matthieu 7,1-12

1  Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés.
2  Car on vous jugera du jugement dont vous jugez, et l’on vous mesurera avec la mesure dont vous mesurez.
3  Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil?
4  Ou comment peux-tu dire à ton frère: Laisse-moi ôter une paille de ton œil, toi qui as une poutre dans le tien?
5  Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l’œil de ton frère.
 
6  Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds, ne se retournent et ne vous déchirent.
 
7  Demandez, et l’on vous donnera; cherchez, et vous trouverez; frappez, et l’on vous ouvrira.
8  Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l’on ouvre à celui qui frappe.
9  Lequel de vous donnera une pierre à son fils, s’il lui demande du pain?
10  Ou, s’il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent?
11  Si donc, méchants comme vous l’êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent.

12  Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes.

                    Dans ce qui précède, le Seigneur a terminé ce qui a rapport à son sujet principal ; — après avoir présenté le tableau de la vraie religion débarrassé de  toutes ces gloses par lesquelles les hommes anéantissent la Parole de Dieu, il a posé les règles de cette intention pure que nous devons conserver dans toutes nos actions. Maintenant il indique les principaux obstacles de cette religion, puis il conclut le tout par une application convenable.

                 Au chapitre cinq, notre grand docteur a pleinement décrit la religion intérieure sous ses divers aspects. Il a mis devant nous ces dispositions d'âme qui constituent le vrai christianisme, les caractères de cette sainteté sans laquelle personne ne verra le Seigneur, les affections qui, provenant de la foi en Jésus-Christ, leur vraie source, sont intrinsèquement, essentiellement bonnes et agréables à Dieu. Au chapitre six, il a montré comment toutes nos actions, même les plus indifférentes par leur nature propre, peuvent être, à leur tour, sanctifiées par une pure et sainte intention, et que sans cette intention tout ce qu'on peut faire est sans valeur devant Dieu, tandis que les actes extérieurs quelconques qu'on lui consacre par elle sont d'un grand prix à ses yeux.

                    Dans le chapitre sept, dont nous commençons la méditation, il indique d'abord les obstacles les plus communs et les plus funestes qu'on rencontre sur le chemin de la sainteté ; puis il nous exhorte par divers motifs à les surmonter et à assurer le prix de notre glorieuse vocation.

                   Le premier obstacle contre lequel il nous met en garde est l'esprit de jugement. « Ne jugez point afin que vous ne soyez point jugés ! Ne jugez point les hommes, afin que vous ne soyez point jugés par le Seigneur et que vous n'attiriez pas sa vengeance sur vos têtes. Car du jugement dont vous jugez vous serez jugés, et on vous mesurera de la mesure dont vous aurez mesuré les autres  » ; — règle simple et équitable d'où le Seigneur vous permet de déduire comment il procèdera avec vous au grand jour du jugement.

                   Il n'y a pas de condition dans la vie ni de degré de foi où cet avertissement ne soit nécessaire à tout enfant de Dieu, — depuis la première heure de notre conversion à l’Évangile, jusqu'à ce que nous soyons rendus parfaits dans l'amour. Car il ne se peut qu'il n'y ait toujours des occasions de juger ; les tentations à cet égard sont innombrables, et plusieurs d'entre elles sont si bien déguisées que nous tombons dans le péché, avant même de soupçonner aucun danger. Et qui pourra dire les maux qui résultent de ces jugements, toujours pour celui qui les porte et fréquemment pour ceux qui en sont l'objet ? Car le premier se fait tort à lui-même et s'expose au jugement de Dieu, et les autres sont souvent découragés et arrêtés dans leur course, si même ils ne sont pas entièrement scandalisés et rejetés dans le chemin de la perdition ! Oui, lorsque cette « racine d'amertume monte en haut » combien souvent n'arrive-t-il pas que « plusieurs en sont infectés » que la voie de la vérité en reçoit elle-même du blâme et que le beau nom que nous portons est exposé au blasphème !

                    Toutefois, il paraît que c'est moins aux enfants de Dieu qu'aux enfants du monde que le Seigneur adresse cet avertissement. Ceux-ci entendent nécessairement parler de gens qui suivent la religion que nous avons décrite, qui s'efforcent d'être humbles, sérieux, doux, miséricordieux et purs de cœur, qui désirent et attendent ardemment une plus grande mesure de ces grâces, en faisant du bien à tous et souffrant avec patience toute sorte de mal. Quiconque a atteint seulement ce degré ne saurait, en effet, être caché, pas plus qu'une ville située sur une montagne. D'où vient que « voyant leurs bonnes œuvres » ils ne glorifient pas leur Père qui est dans les cieux ? Quelle excuse ont-ils pour ne pas marcher sur leurs traces ? pour ne pas suivre leur exemple et être leurs imitateurs comme ils le sont eux-mêmes de Christ ? Ils n'ont pas d'excuse, mais, pour en trouver une, ils condamnent ceux qu'ils devraient imiter. Ils passent leur temps à découvrir les fautes de leur prochain au lieu d'amender les leurs. Trop occupés à voir si les autres s'écartent du chemin, ils ne songent pas à y entrer eux-mêmes ; ou tout au moins ne s'y engagent-ils bien avant et ne dépassent-ils jamais une forme de piété pauvre et sans vie.

                    C'est surtout à ceux-là que le Seigneur dit : « Pourquoi regardes-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère » — les infirmités, les erreurs, l'imprudence, la faiblesse des enfants de Dieu, — « et tu ne vois pas la poutre qui est dans ton œil ? » — Tu ne considères pas la coupable impénitence, l'orgueil satanique, la propre volonté maudite, l'amour idolâtre du monde, qui sont en toi et qui font de ta vie entière une abomination devant Dieu ; et surtout avec quelle indifférence et quelle nonchalante insouciance tu danses sur l'abîme ouvert ! Comment donc peux-tu dire à ton frère : Permets que j'ôte de ton œil la paille — l'excès de zèle pour Dieu, les exagérations du renoncement, le trop de négligence pour les choses du monde, le désir de ne faire nuit et jour que prier ou entendre les paroles de la vie éternelle ! « Et voici, tu as dans ton œil une poutre » — non pas seulement une paille comme l'un d'eux ! « Hypocrite ! » qui affectes de prendre soin des autres, tandis que tu ne prends aucun soin de ton âme, qui fais parade de zèle pour Dieu, tandis qu'en réalité tu ne l'aimes ni ne le crains ! « Ôte d'abord la poutre de ton œil » Ôte la poutre de l'impénitence ! Connais-toi toi-même ! Reconnais-toi pécheur ! Vois que tu n'as au dedans que méchanceté et corruption abominable, et que la colère de Dieu repose sur toi ! — Ôte la poutre de l'orgueil, abhorre-toi toi-même, prosterne-toi comme dans la poudre et la cendre ; sois toujours plus petit, plus bas, plus vil à tes propres yeux. — Ôte la poutre de ta propre volonté ; apprends pourquoi il est dit : « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même ». Renonce à toi-même et charge-toi chaque jour de ta croix. Dis du fond de ton âme : « Je suis descendu du ciel » — (oui, esprit immortel ! cela est vrai, que tu le saches eu ne le saches pas) ! « Je suis descendu du ciel pour faire non ma volonté, mais celle de mon Père qui m'a envoyé ». Ôte la poutre de l'amour du monde ! « N'aime point le monde ni les choses qui sont dans le monde ! « Sois crucifié au monde et que le monde te soit crucifié. Use du monde, mais jouis de Dieu. Cherche tout ton bonheur en lui ! — Ôte surtout la grande poutre — la nonchalante, l'insouciante indifférence ! Considère profondément qu'une seule chose est nécessaire — cette seule chose à laquelle tu n'as guère jamais pensé ! Sache et vois que tu n'es qu'un pauvre et misérable ver, tremblant sur le bord du grand abaîme ! Qu'es-tu encore ? Un pécheur né pour mourir, une feuille qu'emporte le vent, une vapeur prête à s'évanouir, qui paraît un instant pour perdre dans l'air et pour disparaître ! Considère cela, et puis tu penseras à ôter la paille de l’œil de ton frère, et puis, si le soin de ton âme t'en laisse le loisir, tu songeras à corriger ton frère !

                    Mais quel est proprement le sens de cette parole « Ne jugez point  » ; et de quelle sorte de jugement est-il ici question ? Ce n'est pas la médisance, quoique les deux choses marchent souvent ensemble. Médire, c'est faire quelque mauvais rapport sur un absent, tandis que pour juger il est indifférent que la personne soit absente ou présente. Et même il n'est pas nécessaire de parler, il suffit de penser le mal. Mais penser mal de quelqu'un n'est pas toujours juger. Si je vois un homme voler ou tuer, ou si je l'entends blasphémer le nom de Dieu, je ne puis pas ne pas mal penser de ce voleur ou de ce meurtrier ou de ce blasphémateur ; mais ce n'est pas juger dans le mauvais sens du mot ; il n'y a là ni péché ni rien d'incompatible avec une vraie affection.

                   Mais avoir sur le prochain des pensées contraires à la charité, voilà ce que le Seigneur appelle ici juger, et nous pouvons commettre ce péché de diverses manières. Nous pouvons juger notre frère digne de blâme lorsqu'il ne l'est point. Nous pouvons le charger (ne serait-ce que dans notre esprit) de choses dont il n'est pas coupable, de paroles qu'il n'a point dites, de faits qu'il n'a point commis. Ou nous pouvons juger sa manière d'agir mauvaise, lorsqu'en réalité elle ne l'est point, ou même lorsqu'il n'y a rien à reprendre, ni dans ce qu'il fait ni dans la manière dont il le fait ; nous pouvons encore le condamner en lui supposant une mauvaise intention, pendant que Celui qui sonde les cœurs ne voit en lui que droiture et sincérité.

                  Mais ce n'est pas seulement en condamnant l'innocent, que nous pouvons pécher par un jugement mauvais, c'est encore en condamnant le coupable plus sévèrement qu'il ne mérite. Cette sorte de jugement blesse la charité aussi bien que la justice, et rien ne peut nous en préserver, si ce n'est le plus haut degré d'affection pour le prochain. Sans cela, lorsqu'un homme est trouvé en faute, nous le supposons volontiers plus coupable qu'il ne l'est réellement. Nous rabaissons ses bonnes qualités. Il nous est même difficile de lui en reconnaître encore aucune.

                    Tout cela indique, d'une manière évidente, l'absence de cette « charité qui ne soupçonne point le mal », qui jamais ne tire de prémisses quelconques une conclusion injuste ou malveillante. De ce qu'un homme est une fois tombé dans un péché grossier, la charité ne conclut pas qu'il s'en rende habituellement coupable, ou de ce qu'il en avait autrefois l'habitude, elle se garde de conclure qu'il l'ait encore ; bien moins conclut-elle de sa culpabilité sur ce point à sa culpabilité à d'autres égards. Ce ne sont là que raisonnements malicieux qui appartiennent à cette coupable manière de juger contre laquelle le Seigneur nous met ici en garde, et que nous avons le plus grand intérêt à éviter si nous aimons Dieu et notre propre âme.

                    Mais ne pas condamner l'innocent et ne pas charger le coupable plus qu'il ne mérite, ce n'est pas encore être hors de tout piège, car il est encore une troisième sorte de jugements illicites, c'est de condamner qui que ce soit sans preuve suffisante. Que les faits que vous supposez soient aussi vrais qu'il vous plaira, cela ne vous excuse pas. Car ils ne devraient pas être supposés, mais prouvés, et jusqu'à ce qu'ils le fussent, vous devriez vous abstenir de juger. Je dis jusqu'à ce qu'ils le fussent, car quelque forte preuve qu'en puisse en donner, nous n'avons pas d'excuse, à moins que cette preuve n'ait été produite avant notre jugement et comparée aux témoignages contraires. Encore ne serions-nous pas excusables de porter une sentence définitive avant d'avoir entendu l'accusé parler pour sa défense. Les Juifs eux-mêmes auraient pu nous donner cette simple leçon de justice, pour ne pas dire de miséricorde et d'amour fraternel. « Notre loi, disait Nicodème, condamne-t-elle quelqu'un sans l'avoir entendu (Jean 7 : 51)  ». Et Festus, quoique païen, put répondre aux chefs des Juifs qui pressaient la condamnation de Paul : « Ce n'est pas la coutume des Romains de livrer qui que ce soit pour le faire mourir, avant que celui qui est accusé ait ses accusateurs présents, et qu'il ait la liberté de se justifier du crime dont on l'accuse (Actes 25 : 16)  ».

                  En effet, nous tomberions difficilement dans ce péché de juger, si nous observions seulement la règle qu'un autre de ces Romains (le philosophe Sénèque) affirme avoir prise pour base de sa propre conduite. « Je suis si loin, dit-il, de croire légèrement le témoignage du premier venu ou de qui que ce soit contre un homme, que je n'admets ni facilement ni immédiatement le témoignage d'un homme contre lui-même. Je lui laisse toujours le temps de réfléchir, et lui en donne plusieurs fois le conseil ». Va, chrétien, et fais de même ! de peur que les païens « ne s'élèvent contre toi au jour du jugement ! »

                    Mais combien nos jugements seraient plus rares, ou combien nous en reviendrions plus facilement si nous voulions marcher d'après la règle claire et expresse posée par le Seigneur lui-même ! « Si ton frère a péché contre toi » ou si tu apprends ou crois qu'il l'a fait, « va et reprends-le entre toi et lui seul » voilà la première chose à faire ; « s'il t'écoute, tu auras gagné ton frère. Mais s'il ne t'écoute pas, prends avec toi encore une ou deux personnes, afin que tout soit, confirmé sur la parole de deux ou de trois témoins. Que s'il ne daigne pas les écouter, dis-le à l’Église » soit aux anciens, soit à la congrégation entière ! Cela fait, n'y pense plus ; tu as rempli ton devoir, remets le reste à Dieu.

                   Mais je suppose que, par la grâce de Dieu, tu aies ôté la poutre de ton œil et que tu sois maintenant capable de discerner la paille ou la poutre qui se trouve dans l’œil de ton frère, prends garde néanmoins, on voulant le guérir, de te nuire à toi-même. Prends garde de donner « les choses saintes aux chiens ». N'attribue légèrement ce titre à personne, mais s'il en est qui évidemment le méritent, alors « ne jetez pas vos perles devant les pourceaux ». Craignez d'avoir ce zèle qui est sans connaissance ; car là est un autre obstacle pour ceux qui désirent être « parfaits, comme leur Père céleste est parfait ». En effet, ayant ce désir, ils ne peuvent que souhaiter à tous les hommes la même grâce. Or, lorsque nous avons part nous-mêmes « au don céleste », à cette foi qui est « la démonstration des choses qu'on ne voit point », nous nous étonnons que d'autres puissent ne pas voir ce que nous voyons si clairement, et nous croyons facile d'ouvrir les yeux de tous ceux avec qui nous avons quelque relation. Nous voilà donc attaquant sans plus tarder tous ceux que nous rencontrons, pour les contraindre à voir, bon gré mal gré ; et les suites fâcheuses d'un zèle si mal dirigé, nuisent souvent à nos propres âmes. C'est pour nous garder d'user ainsi notre force pour néant, que le Seigneur ajoute cet avertissement nécessaire à tous, mais surtout nécessaire aux nouveaux convertis qui brûlent du premier amour : « Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu'ils ne les foulent aux pieds et que se tournant, ils ne vous déchirent ».

                  « Ne donnez pas les choses saintes aux chiens ». Gardez-vous de croire qui que ce soit digne de ce nom, jusqu'à ce que vous en ayez des preuves incontestables auxquelles vous ne puissiez résister. Mais s'il est clairement et irréfutablement prouvé que tels et tels sont des hommes impies et méchants, non seulement étrangers à Dieu, mais ennemis de Dieu, de toute justice et de toute vraie sainteté : alors « ne livrez pas la chose sainte », comme il est dit emphatiquement dans le texte à de telles gens. Les doctrines particulières de l’Évangile, ces doctrines saintes, cachées dans les âges précédents, mais révélées maintenant pour nous en Jésus-Christ par le Saint-Esprit, ne doivent pas être prostituées à ces gens qui ne savent pas même s'il y a un Saint-Esprit. Non, sans doute, que les ambassadeurs de Christ puissent se dispenser de les déclarer dans la grande assemblée, là où se trouvent probablement quelques-uns de ces gens ; il faut que nous parlions, soit que les hommes écoutent, soit qu'ils n'en fassent rien ; mais pour le commun des chrétiens, le cas est différent. Ils ne sont pas revêtus de ce redoutable caractère et ne sont en aucune manière sous l'obligation de faire entendre à tout prix ces grandes et glorieuses vérités à ceux qui contredisent, qui blasphèment et qui ont contre elles une inimitié enracinée. Ils ont plutôt le devoir d'en agir tout autrement et de ne leur donner que ce qu'ils peuvent supporter. N'engagez donc pas avec eux d'entretien sur le pardon des péchés et le don du Saint-Esprit ; mais parlez-leur dans leur langue et d'après les principes qu'ils peuvent comprendre. A l'honorable, raisonnable et injuste épicurien, parlez « de la justice, de la tempérance et du jugement à venir ». Ce sera probablement le meilleur moyen de faire trembler Félix. Réservez de plus profonds sujets à des capacités plus hautes.

                   Et « ne jetez pas non plus vos perles devant les pourceaux ». Ne consentez qu'à contre-cœur à parler sur qui que ce soit un pareil jugement. Mais si le fait est clair, irrécusable et hors de toute contestation, si les pourceaux ne cherchent pas à se déguiser, s'ils « se glorifient de ce qui fait leur confusion », si loin de prétendre à la pureté du cœur ou de la vie, ils commettent avec empressement toutes sortes d'impuretés, alors « ne jetez pas vos perles devant eux ». Ne leur parlez pas de ces mystères du royaume des cieux « que l’œil n'a point vus, que l'oreille n'a point entendus », et que par conséquent ils ne peuvent en aucune manière comprendre ». Ne leur dites rien « des grandes et précieuses promesses » que Dieu nous a données dans le Fils de son amour. Songeraient-ils à être « faits participants de la nature divine », eux qui ne désirent pas même « échapper à la corruption qui règne dans le monde par la convoitise ? » Autant les pourceaux ont de sens et de goût pour les perles, autant ils en ont pour les choses profondes de Dieu, eux qui sont plongés dans la fange de ce monde, dans les plaisirs, les souhaits et les soucis de la terre. Oh ! ne jetez pas devant eux ces perles, « de peur qu'ils ne les foulent aux pieds », de peur qu'ils ne fassent un souverain mépris de ce qu'ils ne peuvent comprendre, et ne médisent des choses qu'ils ne connaissent point. Il est même probable qu'il s'ensuivrait encore d'autres inconvénients. Et qu'y aurait-il d'étrange si, conformément à leur nature, ils se retournaient pour vous déchirer, s'ils vous rendaient le mal pour le bien, la malédiction pour la bénédiction, et la haine en échange de votre bonne volonté ? Telle est l'inimitié de l'âme charnelle contre Dieu et contre tout ce qui est de Dieu. Tel est le traitement que vous devez attendre d'eux si vous leur faites l'outrage impardonnable de chercher à sauver leurs âmes de la mort et à les arracher comme des tisons du feu !

                    Ne désespérez pourtant pas entièrement même de ceux qui, pour le présent, « se retournent et vous déchirent ». Car si tous vos arguments et toutes vos représentations manquent leur effet, il reste encore un remède, un remède dont l'efficace se montre souvent là où échouent tous les autres, la prière ! C'est pourquoi, dans tous vos besoins ou vos désirs pour les autres ou pour vous-mêmes : « Demandez et on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; heurtez et on vous ouvrira ». Ceci répond à un troisième grand obstacle que nous rencontrons sur le chemin de la sanctification. « Vous n'avez pas parce que vous ne demandez pas ! » Oh ! combien vous pourriez être à cette heure doux et débonnaires, humbles de cœur et pleins d'amour pour Dieu et pour les hommes, si seulement vous l'aviez demandé, si vous aviez persisté à le demander instamment ? Mais maintenant encore « demandez, et il vous sera donné ». « Demandez » de pouvoir ressentir et pratiquer parfaitement cette religion dont le modèle est ici décrit dans toute sa beauté, et « il vous sera donné » d'être « saints comme il est saint », dans votre cœur et dans toute votre conduite.

                   « Cherchez » de la manière qu'il ordonne lui-même, en « sondant les Écritures », en écoutant, en méditant sa parole, dans le jeûne et la participation à ta sainte Cène, et certainement « vous trouverez : » vous trouverez cette « perle de grand prix », cette foi « qui surmonte le monde », cette foi que le monde ne peut donner, cet amour qui est « les arrhes de votre héritage ». « Heurtez », persévérez dans la prière et dans tous les autres moyens voulus par le Seigneur ; ne vous laissez ni décourager, ni abattre, persistez à demander « une marque de sa faveur », n'acceptez pas de refus, et ne « le laissez point aller qu'il ne vous ait béni  » ; et « on vous ouvrira » la porte de la grâce, la porte de la sainteté, la porte des cieux.

                    Par compassion pour la dureté de notre cœur si lent à croire de telles promesses, le Seigneur daigne encore les répéter et les confirmer : « Car », dit-il, « quiconque demande, reçoit  » ; en sorte qu'il n'est point nécessaire que personne soit privé de la bénédiction, « Et quiconque cherche, trouve », trouve l'amour et la ressemblance de Dieu ; « et à celui qui heurte », à quiconque heurte, la porte de justice sera ouverte. Il n'y a donc lieu pour personne de se décourager, comme si l'on pouvait demander, chercher, heurter en vain. Ayez seulement toujours à cœur de prier, de chercher, de heurter sans perdre courage, et la promesse est dès lors assurée. Elle est ferme comme les colonnes des cieux ; que dis-je, bien plus ferme : car « le ciel et la terre passeront », dit le Seigneur, « mais mes paroles ne passeront point ».

                    Mais notre Sauveur va achever de nous ôter tout prétexte d'incrédulité, en faisant appel aux sentiments de nos propres cœurs. « Quel est l'homme d'entre vous », dit-il, « qui donne une pierre à son fils, s'il lui demande du pain ? » L'affection naturelle permet-elle de refuser la juste requête de celui qu'on aime ?

                    « Ou s'il lui demande du poisson, lui donnera-t-il un serpent ? » Au lieu de choses bonnes, lui donnera-t-il des choses nuisibles ? Vous pouvez donc tirer de vos propres sentiments et de votre propre conduite la pleine assurance, non seulement qu'aucun effet fâcheux ne peut résulter pour vous de vos prières, mais que plutôt elles auront pour effet la pleine satisfaction de tous vos besoins. « Car, si vous, qui êtes méchants, savez bien donner à vos enfants de bonnes choses, combien plus votre Père qui est dans les cieux », qui est la bonté pure, essentielle, sans mélange, « donnera-t-il de bonnes choses (ou, comme il est dit ailleurs, son Saint-Esprit) à ceux qui les lui demandent ». Dans le Saint-Esprit sont comprises toutes les bonnes choses, toute sagesse, toute paix, toute joie, tout amour, tous les trésors de sainteté et de félicité, tout « ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment ».

                    Mais, pour que vos prières aient tout leur poids auprès de Dieu, songez à être envers tous les hommes dans des sentiments de charité. Car autrement vous en recueilleriez plutôt une malédiction qu'une bénédiction. Ceci vous indique un autre obstacle qu'il vous faut avoir soin d'enlever au plus tôt. Affermissez-vous dans l'amour pour tous vos frères et pour tous les hommes. Et ne les aimez pas « des lèvres et en paroles seulement, mais en effet et en vérité ». « C'est pourquoi, tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le-leur pareillement, car c'est là la loi et les prophètes ».

                   C'est ici cette « loi royale », cette règle d'or de la miséricorde et de la justice, que même un empereur païen fit écrire au-dessus de la porte de son palais ; cette règle que plusieurs croient être gravée naturellement dans le cœur de tout homme venant au monde. Toujours est-il certain qu'elle se recommande d'elle-même à la conscience et à la raison de quiconque l'entend prononcer, en sorte que nul ne peut sciemment y contrevenir sans se sentir aussitôt condamné par son propre cœur.

                   « C'est ici la loi et les prophètes ». Tout ce qui est écrit dans la loi de Dieu donnée autrefois aux hommes, tous les préceptes donnés de Dieu à ses saints prophètes dès la création du monde, sont sommairement contenus dans cette courte instruction, et, bien comprise, elle embrasse aussi toute la religion que notre Seigneur est venu établir sur la terre.

                    On peut la comprendre dans un sens positif et dans un sens négatif. Dans le sens négatif elle nous dit : « Ne faites pas aux hommes ce que vous ne voulez pas qu'ils vous fassent ». C'est une règle simple, toujours accessible et d'une application toujours facile. Dans tous les cas où vous avez affaire à votre prochain, mettez-vous d'abord à sa place. Supposez que vous êtes dans sa position et lui dans la vôtre ; vous apprendrez ainsi quels sont les sentiments, les pensées que vous devez réprimer, les paroles, les actes que vous devez éviter à son égard, puisque vous les auriez condamnés en lui. Dans le sens direct et positif, elle nous dit : Faites, de tout votre pouvoir, à tout enfant des hommes, tout ce que vous pourriez raisonnablement désirer de lui s'il était à votre place.

Prenons, comme au hasard, un ou deux exemples.

                    Notre conscience nous dit à tous bien clairement que nous n'aimons pas qu'on nous juge, qu'on pense légèrement et sans cause du mal de nous ; bien moins encore qu'on parle mal de nous, et qu'on publie nos fautes réelles et nos faiblesses. — Tirez de cela l'application : ne faites pas à d'autres ce que vous ne voulez pas qu'ils vous fassent, et dès lors il ne vous arrivera plus de juger votre prochain, de penser légèrement du mal de qui que ce soit, et bien moins encore de médire ou même de mentionner les fautes réelles d'une personne absente, à moins que vous ne soyez convaincu que l'intérêt d'autres âmes vous y oblige.

                    Nous désirons que les hommes nous aiment et nous estiment, qu'ils pratiquent envers nous la justice, la miséricorde et la fidélité. Nous pouvons raisonnablement désirer qu'ils nous fassent tout le bien qu'ils peuvent nous faire sans se faire du tort à eux-mêmes, et pour les choses terrestres, nous pouvons même souhaiter (conformément à une règle bien connue) ; « que leur superflu cède à notre utilité, leur utilité à nos nécessités, et leurs nécessités à nos extrémités ». Eh bien donc ! marchons nous-mêmes d'après cette règle ; faisons à tous les hommes ce que nous voudrions qu'ils fissent pour nous. Aimons et honorons tous les hommes. Que la justice, la miséricorde et la fidélité gouvernent tous nos sentiments et toutes nos actions. Que notre superflu cède à l'utilité de notre prochain (et à qui restera-t-il alors du superflu ?), notre utilité à ses nécessités et nos nécessités à ses extrémités.

                    C'est là de la vraie, de la pure morale. « Fais cela, et tu vivras ». Et « pour tous ceux qui marchent suivant cette règle, que la paix soit sur eux », car ils sont « l'Israël de Dieu ». Ajoutons maintenant que personne ne peut suivre cette règle (ni ne l'a fait depuis le  commencement du monde), personne ne peut aimer son prochain comme lui-même, s'il n'a commencé par aimer Dieu ; et personne ne peut aimer Dieu s'il ne croit en Christ, s'il n'a la rédemption par son sang, et si le Saint-Esprit « ne rend témoignage avec son Esprit qu'il est enfant de Dieu ». La foi demeure donc la racine de tout, du salut présent comme du salut éternel ; et toujours nous devons dire à chaque pécheur : « Crois au Seigneur Jésus-Christ, et tu seras sauvé ». Tu seras sauvé maintenant, afin que tu sois sauvé à toujours, sauvé sur la terre, pour être sauvé dans le ciel, crois en lui, et ta foi sera « agissante par la charité ». Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, parce qu'il t'a aimé ; tu aimeras ton prochain comme toi-même ; et dès lors tu mettras ta gloire et ta joie à exercer et à accroître cet amour, non seulement en t'abstenant de ce qui y est contraire, de toute malveillance en pensées, en paroles ou en actions, mais encore en ayant pour tout homme la bonté que tu voudrais qu'il eût à ton égard.