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Sermon
23 : (1748 )
LE
SERMON SUR LA MONTAGNE, TROISIÈME DISCOURS
Matthieu
5: 8-12
8 Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu!
9 Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu!
10 Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux!
11 Heureux serez-vous, lorsqu’on vous outragera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi.
12 Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux; car c’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui ont été avant vous.
9 Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu!
10 Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux!
11 Heureux serez-vous, lorsqu’on vous outragera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi.
12 Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux; car c’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui ont été avant vous.
Quelles
excellentes choses nous dit la Bible sur l'amour de notre prochain !
Il est « l'accomplissement de la loi, le but du commandement ».
Sans cet amour, tout ce que nous pouvons posséder, faire ou
souffrir, n'est d'aucun prix aux yeux de Dieu. Mais l'amour du
prochain dont il est question, c'est celui qui prend sa source dans
l'amour de Dieu ; sans cela, il n'a de lui-même aucune valeur.
Il nous convient donc d'examiner soigneusement sur quel fondement
repose l'amour que nous portons à notre prochain, de rechercher s'il
est réellement fondé sur l'amour de Dieu, si « nous l'aimons
parce qu'il nous a aimés le premier », si nous avons le cœur
pur, car c'est là un fondement qui ne peut être
ébranlé : « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, car
ils verront Dieu ».
« Ceux
qui ont le cœur pur » sont ceux dont Dieu a purifié le cœur,
« comme Lui aussi est pur » ; ceux qui sont
purifiés par la foi dans le sang de Christ, de toute affection
contraire à la sainteté ; ceux qui étant nettoyés de toute
souillure de la « chair et de l'esprit, achèvent leur
sanctification dans la crainte » et dans l'amour « de
Dieu ». La puissance de la grâce de Dieu les purifie — de
l'orgueil, par la plus profonde pauvreté d'esprit ; — de la
colère et de toute passion contraire à la bonté et à la patience,
par la douceur et la débonnaireté ; — de tout désir autre
que celui de plaire à Dieu, de le posséder, de le connaître et de
l'aimer de plus en plus, par cette faim et cette soif de la justice
qui absorbe maintenant toute leur âme, en sorte que maintenant ils
aiment le Seigneur de tout leur cœur, de toute leur âme, de toute
leur pensée et de toute leur force.
Mais
combien peu les faux docteurs de toutes les époques ont donné
d'attention à cette pureté de cœur ! Ils se sont contentés
d'enseigner simplement aux hommes à s'abstenir de ces souillures
extérieures que Dieu a nominativement défendues ; mais ils
n'ont pas frappé au cœur, et, en n'avertissant pas de se garder de
la corruption intérieure, ils l'ont, par le fait, encouragée.
Notre
Seigneur nous en donne lui-même un bien remarquable exemple dans les
paroles suivantes (Matthieu 5 : 27-32) : « Vous avez entendu
qu'il a été dit aux anciens :Tu ne commettras point
d'adultère» ; et en expliquant ce commandement ,
ces aveugles, conducteurs d'aveugles, n'insistaient que sur
l'obligation de s'abstenir de l'acte extérieur. « Mais moi je
vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter, a déjà
commis l'adultère avec elle dans son cœur », car Dieu « aime
la vérité dans l'intérieur », « il sonde le cœur et
il éprouve les reins », et si tu inclines ton cœur à
l'iniquité, le Seigneur ne t'écoutera point.
Et,
Dieu n'admet aucune excuse pour ne pas rejeter tout ce qui est une
occasion d'impureté. « Si donc ton œil droit te fait tomber
dans le péché, arrache-le et jette-le loin de toi ; car il
vaut mieux pour toi qu'un de tes membres périsse, que si tout ton
corps était jeté dans la Géhenne ». Si des personnes qui te
sont aussi chères que ton œil droit, sont une occasion pour toi
d'offenser ainsi Dieu, un moyen d'exciter dans ton âme des désirs
contraires à la sainteté, n'hésite point, sépare-t'en violemment.
« Et si ta main droite te fait tomber dans le péché, coupe-la
et jette-la loin de toi ; car il vaut mieux pour toi qu'un de
tes membres périsse, que si tout ton corps était jeté dans la
Géhenne ». Si une personne qui semble t'être aussi nécessaire
que ta main droite est pour toi une occasion de péché, de désir
impur ; quand même ce péché n'irait pas plus loin que ton
cœur et ne se manifesterait ni en parole, ni en action, impose-toi
une séparation complète et définitive, retranche cette main droite
d'un seul coup, abandonne tout pour Dieu. Plaisirs, fortune, amis, il
faut tout perdre plutôt que de perdre ton âme.
Il
n'y a que deux mesures qu'on puisse tenter avant d'en venir à cette
séparation absolue et définitive. Premièrement, essaie si tu ne
peux chasser l'esprit impur par le jeûne et par la prière, et en
t'abstenant soigneusement de toute action, de toute parole et de tout
regard, que tu as reconnu être pour toi une occasion de péché. En
second lieu, si tu n'es pas délivré par ce moyen, demande conseil à
celui qui veille sur ton âme, ou du moins à quelque personne
expérimentée dans les voies du Seigneur, au sujet du temps et de la
manière d'opérer cette séparation ; mais ne consulte point la
chair ni le sang, de peur que tu ne sois abandonné « à un
esprit qui donnera efficace à l'erreur » pour te faire croire
au mensonge.
Et
le mariage lui-même, saint et honorable comme il l'est, ne peut
servir de prétexte pour lâcher la bride à nos désirs. Il est vrai
« qu'il a été dit : Si quelqu'un répudie sa femme,
qu'il lui donne la lettre de divorce » ; et alors
tout allait bien, quand même le mari n'aurait donné d'autre motif
de son divorce, que son peu de sympathie pour sa femme, ou son amour
pour une autre femme. « Mais moi je vous dis que quiconque
répudiera sa femme, si ce n'est pour cause d'adultère, il l'expose
à devenir adultère », si elle vient à se remarier ;
« et que quiconque se mariera à la femme qui aura été
répudiée, commet un adultère ».
Toute
polygamie est clairement défendue par ces paroles, où notre
Seigneur déclare expressément, que pour une femme dont le mari est
encore vivant, se remarier est un adultère. Par la même raison,
c'est un adultère pour un homme de se remarier, aussi longtemps
qu'il a une femme encore vivante, fussent-ils même divorcés ;
à moins que ce divorce n'ait pour cause l'adultère, car dans ce cas
seul, il n'y a aucun texte de l'Écriture qui défende de se
remarier.
Telle
est la pureté de cœur que Dieu exige, et qu'il produit lui-même en
ceux qui croient au Fils de son amour. Heureux ceux qui ont ainsi le
cœur pur, car ils verront Dieu ; il se manifestera lui-même à
eux, non seulement comme il ne se montre pas au monde, mais comme il
ne le fait pas toujours à ses propres enfants ! Il les
favorisera des communications les plus éclatantes de son Esprit, de
la communion la plus intime avec le Père et avec le Fils. Il les
fera continuellement marcher en sa présence et fera toujours briller
sur eux la lumière de sa face. La prière incessante de leur cœur
est : « Je te prie, fais-moi voir ta gloire », et
ils obtiennent ce qu'ils réclament ainsi de lui. Ils le voient
maintenant par la foi, — le voile de la chair étant rendu, pour
ainsi dire, transparent ; — ils le voient même dans ses
œuvres inférieures qui nous environnent, dans tout ce que Dieu a
fait et créé. Ils le voient remplissant toutes choses et
accomplissant tout en tous. Ceux qui ont le cœur pur voient toute la
création remplie de Dieu. Ils le voient dans la voûte des cieux,
dans la lune lorsqu'elle est claire, dans le soleil lorsqu'il « se
réjouit comme un homme vaillant pour faire sa course ». Ils le
voient « faisant des grosses nuées son chariot et se promenant
sur les ailes du vent ». Ils le voient « préparant la
pluie pour la terre et en bénissant le fruit, faisant germer le foin
pour le bétail et l'herbe pour le service de l'homme ». Ils
voient le Créateur de tout, gouvernant tout avec sagesse, et
« soutenant toutes choses par sa parole puissante ».
« Éternel notre Seigneur, que ton nom est magnifique par toute
la terre ! »
C'est
aussi dans les dispensations de sa providence à leur égard, soit
pour l'âme, soit pour le corps, que ceux qui ont le cœur pur voient
Dieu plus particulièrement. Ils voient sa main continuellement
étendue sur eux pour leur faire du bien, leur distribuant toutes
choses dans la mesure convenable, tenant compte des cheveux de leur
tête, dressant une haie protectrice autour d'eux et de tout ce qui
leur appartient, et disposant toutes les circonstances de leur vie
selon la profondeur de sa sagesse et de sa miséricorde.
Mais
c'est surtout dans les moyens de grâce qu'il a institués qu'ils
voient Dieu d'une manière plus spéciale, soit qu'ils se présentent
dans la grande assemblée « pour rendre à l'Éternel la gloire
due à son nom » et pour l'adorer dans la magnificence de sa
sainteté, ou qu'ils « entrent dans leur cabinet », et
que là ils répandent leur âme devant leur « Père qui les
voit dans le secret » ; soit qu'ils sondent les
oracles de Dieu ou qu'ils écoutent les ambassadeurs de Christ
proclamant la bonne nouvelle du salut, soit enfin qu'ils « mangent
de ce pain et boivent de cette coupe, qui annoncent la mort du
Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne » sur les nuées du ciel ;
— dans tous ces moyens de grâce désignés par Dieu lui-même, ils
trouvent auprès de lui un accès intime que la tangue ne peut
exprimer. Ils le voient, pour ainsi dire, face à face ; ils
parlent avec lui « comme un homme parte avec son intime ami »,
et se préparent
ainsi pour ces demeures célestes où ils le verront tel qu'il est.
Mais
combien ils sont loin de voir Dieu ceux qui, ayant « entendu
qu'il a été dit aux anciens : Tu ne te parjureras point, mais
tu t'acquitteras envers le Seigneur de ce que tu auras promis avec
serment (Mat 5 : 33) », interprètent ainsi cette
défense : Tu ne te parjureras pas, lorsque tu jures par
l'Éternel ton Seigneur ; tu t'acquitteras envers le Seigneur de
ce que tu auras promis avec serment par le nom de l'Éternel, mais
quant aux autres serments, Dieu ne s'en met pas en peine.
C'est
ainsi qu'enseignaient les Pharisiens. Non seulement ils permettaient
toute espèce de jurements dans la conversation ordinaire ; mais
ils regardaient même le parjure comme peu de chose, pourvu qu'on
n'eût pas juré par le nom particulier de Dieu.
Mais
notre Seigneur défend ici d'une manière absolue tous les jurements
dans la conversation, aussi bien que toute espèce de faux serments,
et il montre le caractère odieux de tous les deux par une même
considération solennelle, savoir : que toute créature
appartient à Dieu et qu'il est présent en tous lieux, qu'il est en
toutes choses et par-dessus toutes choses. « Je vous dis :
Ne jurez du tout point, ni par le ciel, car c'est le trône de
Dieu » ; et c'est par conséquent la même chose que
de jurer par Celui qui est assis sur l'étendue des cieux ; « ni
par la terre, car c'est son marchepied », et il est aussi
réellement présent sur la terre que dans le ciel ; « ni
par Jérusalem, car c'est la grande ville du Roi », et Dieu
« est connu dans ses palais ». « Ne jure pas non
plus par ta tête, car tu ne peux faire devenir un seul cheveu blanc
ou noir », parce que même cette petite chose n'est point en ta
puissance, mais en celle de Dieu, qui seul peut disposer de tout ce
qui existe dans le ciel et sur la terre. « Mais que votre
parole soit : oui, oui, non, non », une affirmation ou une
négation simple mais sérieuse, car, « ce qu'on dinde plus
vient du malin », procède du démon et est une marque de ses
enfants.
Pour
se convaincre que notre Seigneur n'entend point ici défendre le
serment fait pour attester la vérité en jugement, quand nous en
sommes requis par un magistrat ; il suffit de considérer :
1° l'occasion de cette partie de son discours, l'abus qu'il veut condamner ici, savoir : le faux serment et les jurements ordinaires ; le serment devant un magistrat étant tout-à-fait étranger à la question.
2°
Les mots mêmes qu'il emploie pour la conclusion générale de son
précepte : « Que votre parole soit, oui, oui, non, non ».
3°
L'exemple même de notre Seigneur, car il répondit lui-même avec
serment, quand il y fut appelé par un magistrat. Quand le souverain
sacrificateur lui dit : « Je t'adjure, par le Dieu vivant,
de nous dire si tu es le Christ le Fils de Dieu ? » Jésus
répondit aussitôt affirmativement : « Tu l'as dit »,
c'est la vérité ; « et même je vous dis que vous verrez
ci-après le Fils de l'homme assis à la droite de la puissance de
Dieu et venant sur les nuées du ciel (Matthieu 26 : 63,64) ».
4°
de Dieu, du Père ; qui, « voulant montrer encore mieux
aux héritiers de la promesse la fermeté immuable de sa résolution,
y fit intervenir le serment (Hébreux 6 : 17) ».
5°
L'exemple de saint Paul, qui avait aussi, croyons-nous, l'Esprit de
Dieu et comprenait bien la volonté de son Maître : « Dieu
m'est témoin, dit-il aux Romains (Romains 1 : 9), que je fais sans
cesse mention de vous dans mes prières ». Et aux Corinthiens
(1Corinthiens 2 : 1 ; 2 Corinthiens 1 : 23) : « Je prends
Dieu à témoin sur mon âme, que ç’a été pour vous épargner que
je ne suis point encore allé à Corinthe ». Et aux Philippiens
(Philippiens 1 : 8) : « Dieu m'est témoin que je vous chéris
tous d'une affection cordiale en Jésus-Christ », De là
résulte inévitablement que, si l'apôtre connaissait bien la vraie
signification des paroles de son Maître, elles ne défendent pas
l'emploi du serment dans des occasions importantes, même entre
particulier, et combien moins par conséquent devant un magistrat !
6°
Enfin cette assertion du grand apôtre au sujet du serment solennel
en général (ce qu'il eût été impossible de mentionner sans y
joindre quelque indication de blâme, si son Maître l'avait
complètement défendu) : « Les hommes jurent par Celui qui est
plus grand qu'eux, et le serment fait pour confirmer une chose
termine tous les différends (Hébreux 6 : 16) ».
Mais
la grande leçon que notre Sauveur veut nous inculquer ici et qu'il
développe par cet exemple, c'est que Dieu est en toutes choses, et
que nous devons voir Dieu en toute créature, comme dans un miroir ;
que nous ne devons considérer aucune chose, ni en user, en la
séparant de Dieu, ce qui ne serait réellement qu'une espèce
d'athéisme pratique ; mais que nous devons, selon la magnifique
expression du prophète, regarder le ciel et la terre et tout ce qui
y est contenu, comme renfermés dans le creux de la main de Dieu qui,
par sa présence intime, leur conserve l'existence, qui remplit et
met en action toute la création sensible, et est, dans le sens vrai,
l'âme de l'univers.
Jusqu'ici
notre Seigneur s'est occupé plus particulièrement de nous enseigner
la religion du cœur et de nous montrer ce que les chrétiens doivent
être. Il va nous montrer maintenant ce qu'ils doivent aussi faire,
comment la sainteté intérieure doit se traduire dans notre conduite
extérieure ; « Heureux, dit-il, ceux qui procurent la
paix, car ils seront appelés enfants de Dieu ! »
Il
est bien connu que, dans le langage des saintes Écritures, « la
paix » comprend souvent toute espèce de bien, toute
bénédiction qui se rapporte au corps et à l'âme, au temps comme à
l'éternité. Ainsi, lorsque saint Paul, dans le titre de ses
Épîtres, souhaite la grâce et la paix aux Romains ou aux
Corinthiens, c'est comme s'il disait : Puissiez-vous, comme
fruit de l'amour et de la faveur, libres et immérités de Dieu,
jouir de toute bénédiction spirituelle et temporelle, de toutes les
bonnes choses que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment !
De
là nous pouvons aisément comprendre quel sens étendu nous devons
attribuer à cette expression « Ceux qui procurent la paix ».
Dans sa signification littérale, elle renferme ces amis de Dieu et
des hommes qui détestent et abhorrent profondément toute querelle
et tout débat, tout désaccord et toute contention, et qui
travaillent conséquemment de toutes leurs forces à empêcher ce feu
d'enfer de s'allumer, d'éclater s'il est déjà allumé, ou s'il a
déjà éclaté, de s'étendre davantage. Ils s'efforcent d'apaiser
les tempêtes qui s'élèvent dans les esprits des hommes, de calmer
les passions turbulentes, d'adoucir les esprits divisés, et, s'il
est possible, de les réconcilier ensemble. Ils emploient toutes
leurs forces, tous les talents que Dieu leur a donnés, à conserver
la paix là où elle existe, et à la rétablir là où elle n'existe
pas. C'est la joie de leur cœur de procurer, de confirmer,
d'accroître la bienveillance mutuelle entre tous les hommes, mais
surtout entre les enfants de Dieu, quoiqu'ils puissent se distinguer
les uns des autres par des choses de moindre importance ; en
sorte que, comme ils ont « un seul Seigneur et une seule foi »,
comme ils sont « appelés à une seule espérance », ils
puissent aussi « marcher d'une manière digne de leur vocation,
avec toute sorte d'humilité et de douceur, avec un esprit patient,
se supportant les uns les autres avec charité, ayant soin de
conserver l'unité de l'Esprit par le lien de la paix ».
Mais,
dans le sens complet du mot, celui qui procure la paix est un homme
qui, selon qu'il en trouve l'occasion, fait du bien à tous » ;
un homme qui, rempli de l'amour de Dieu et de toute l'humanité ne
peut en borner l'expression à sa propre famille, à ses amis, à ses
connaissances, à son parti, à ceux qui partagent ses opinions, ni
même à ceux qui participent avec lui à la même précieuse foi ;
mais qui franchit toutes ces étroites barrières, afin de pouvoir
faire du bien à tous les hommes, afin de pouvoir, d'une manière ou
d'une autre, manifester son amour aux voisins et aux étrangers, à
ses amis et à ses ennemis. Il leur fait du bien à tous, selon
l'opportunité, c'est-à-dire, en toute occasion possible,
« rachetant le temps » à cet effet, saisissant chaque
circonstance favorable, mettant à profit chaque instant, ne perdant
pas un moment pour se rendre utile à autrui. Il fait le bien, non
d'une manière particulière, mais le bien en général, de toute
manière possible ; en y employant tous les talents divers dont
il est doué, toutes les puissances et toutes les facultés de son
corps et de son âme, toute sa fortune, son intérêt, sa réputation,
sans aucun autre désir que d'entendre dire, à son Maître quand il
arrivera : « Cela va bien, bon et fidèle serviteur.
Il
fait du bien, dans toute l'étendue de sa puissance, même aux corps
des hommes. Il se réjouit de partager son pain avec celui qui a
faim, et de couvrir d'un habillement celui qui est nu. Quelqu'un
est-il étranger ? il le recueille et le secourt selon ses
besoins. Y a-t-il des malades ou des prisonniers ? il les visite
et leur fournit ce qui leur est nécessaire. Et tout cela, il le
fait, non comme à un homme, mais en se rappelant celui qui a dit :
« en tant que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus
petits de mes frères, vous me les avez faites » à moi-même.
Combien
plus encore ne se réjouit-il pas, s'il peut faire quelque bien à
l'âme d'un homme ! Ce pouvoir, il est vrai, n'appartient qu'à
Dieu ; il n'y a que lui qui puisse changer le cœur, changement
sans lequel tout autre changement est plus léger que la vanité.
Néanmoins, il a plu à Celui qui fait tout en tous, de secourir
l'homme principalement au moyen de l'homme, de communiquer sa propre
puissance, sa bénédiction et son amour à chaque homme par le canal
d'un autre homme. Par conséquent, quoiqu'il soit certain que tout ce
qui est fait sur la terre est fait par Dieu lui-même, aucun homme ne
doit, pour ce motif, demeurer inactif dans la vigne de son Maître.
Cette inaction est impossible à celui qui veut procurer la paix, il
est toujours occupé à travailler, et, comme un instrument dans la
main de Dieu, à préparer le terrain pour son Maître, à semer la
semence du royaume, ou à arroser ce qui est déjà semé, dans
l'espoir que Dieu donnera l'accroissement. Selon la mesure de grâce
qui lui a été départie, il met tous ses soins soit à reprendre
les pécheurs scandaleux, et à avertir ceux qui se précipitent tête
baissée dans le chemin large de la perdition, soit à apporter la
lumière à ceux qui sont « assis dans les ténèbres »
et prêts à périr « faute de connaissance », à
« supporter les faibles », à « fortifier les mains
affaiblies et les genoux relâchés », ou à « guérir et
ramener ceux qui sont boiteux ou égarés ». Il n'a pas moins
de zèle pour venir en aide à ceux qui s'efforcent déjà d'entrer
par la porte étroite, pour encourager ceux qui sont debout à
poursuivre constamment la course qui leur est proposée pour édifier
sur leur très sainte foi ceux qui savent en qui ils ont cru, et les
exhorter : rallumer le don de Dieu qui est en eux afin que,
croissant chaque jour dans la grâce, « l'entrée au royaume ;
éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ leur soit
pleinement accordée ».
Heureux
ceux qui sont ainsi continuellement employés dans cette œuvre de
foi et dans ce travail d'amour, « car ils seront appelés »,
c'est-à-dire, suivant un hébraïsme commun, ils seront « enfants
de Dieu ». Dieu leur continuera la jouissance de l'Esprit
d'adoption, et même il en répandra dans leurs cœurs une mesure
plus abondante ; il les bénira de toutes les bénédictions qui
appartiennent à ses enfants ; il les reconnaîtra comme ses
enfants devant les anges et devant les hommes ; et, « s'ils
sont enfants, ils sont aussi héritiers, héritiers de Dieu,
cohéritiers de Christ ».
On
pourrait s'imaginer qu'un homme, tel qu'on vient de le décrire, si
rempli d'une humilité sincère et d'un sérieux sans affectation, si
doux et si paisible, si pur de toute intention égoïste, si dévoué
à Dieu et si actif dans son amour pour les hommes, doit être chéri
par tous ses semblables. Mais notre Seigneur connaissait mieux la
nature humaine telle qu'elle est dans son état actuel.
Il
complète donc le portrait de cet homme de Dieu, en montrant quel
traitement il doit attendre du monde : « Heureux, dit-il,
ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux
est à eux ».
Pour
comprendre pleinement cette déclaration, examinons d'abord quels
sont ceux qui sont persécutés ? Nous l'apprendrons de la
bouche de saint Paul : « Comme alors celui qui était né
selon la chair persécutait celui qui était né selon l'Esprit, il
en est de même maintenant (Galates 4 : 29) ». « Aussi,
tous ceux qui veulent vivre dans la piété selon Jésus-Christ
seront persécutés (2Timothée 3 : 12) ». Saint Jean nous
enseigne la même chose « Mes frères, ne vous étonnez point
si le monde vous hait. Quand nous aimons nos frères, nous
connaissons par là que nous sommes passés de la mort à la vie (1Jean
3 : 13,14) ». C'est comme s'il disait : Les frères,
les chrétiens, ne peuvent être aimés que par ceux qui sont passés
de la mort à la vie. Et notre Seigneur nous le déclare aussi très
expressément lui-même : « Si le monde vous hait, sachez
qu'il m'a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait
ce qui serait à lui ; mais parce que vous n'êtes pas du
monde ? c'est pour cela que le monde vous hait. Souvenez-vous de
la parole que je vous ai dite, que le serviteur n'est pas plus grand
que son maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront
aussi (Jean 15 : 18-20) ».
Tous
ces textes montrent clairement quels sont ceux qui sont persécutés,
savoir : les justes : — « Celui qui est né de
l'Esprit » ; — « tous ceux qui vivent dans
la piété selon Jésus-Christ » ; — ceux qui
« sont passés de la mort à la vie » ; —
ceux qui « ne sont pas du monde » ; — tous
ceux qui sont doux et humbles de cœur, qui pleurent après Dieu, qui
ont faim et soif de sa ressemblance ; tous ceux qui aiment Dieu
et leur prochain, et qui, en conséquence, selon qu'ils en trouvent
l'occasion, font du bien à tous les hommes.
Si
l'on demande, en second lieu, pourquoi ils sont persécutés, la
réponse est tout aussi simple et claire. C'est « pour la
justice », parce qu'ils sont justes, parce qu'ils sont nés
selon l'Esprit, parce qu'ils veulent vivre dans la piété selon
Jésus-Christ, parce qu'ils ne sont pas du monde. Quel que puisse
être le prétexte mis en avant, c'est là le véritable motif.
Quelles que soient d'ailleurs leurs infirmités personnelles, si ce
n'était pour ce seul motif, on les supporterait, et le monde
aimerait ce qui serait à lui. Ils sont persécutés, parce qu'ils
sont pauvres en esprit, c'est-à-dire, comme le dit le monde :
« des gens pauvres d'esprit, à l'âme basse et lâche, qui ne
sont bons à rien et ne sont pas faits pour vivre dans le monde ».
— Parce qu'ils sont dans l'affliction : « ce sont des
créatures si lourdes, si tristes, si ennuyeuses ! Il suffit de
les voir pour avoir l'esprit tout assombri. Ce sont de véritables
têtes de mort ; ils proscrivent toute joie, même innocente, et
troublent toute compagnie où ils entrent ». — Parce qu'ils
sont débonnaires : « des fous sans énergie, qui ne sont
bons qu'à se laisser molester, fouler aux pieds ». — Parce
qu'ils ont faim et soif de la justice : « une poignée
d'enthousiastes à tête chaude, courant, bouche béante, après ils
ne savent quoi, ne pouvant se contenter d'une religion raisonnable,
mais se rendant fous à la poursuite des extases et des sensations
intérieures ». — Parce qu'ils sont miséricordieux, amis de
tous les hommes, amis même des méchants et des ingrats :
« Encourageant toute espèce de méchanceté et même induisant
les gens à faire du mal par l'espérance de l'impunité ; des
hommes qui, il y a lieu de le craindre, sont encore, malgré toutes
leurs prétentions, sans règle religieuse, étant très relâchés
dans leurs principes ». — Parce qu'ils ont le cœur pur :
« des créatures sans charité, qui damnent tout le monde,
excepté ceux de leur espèce ! Misérables blasphémateurs qui
veulent faire Dieu menteur, en prétendant vivre sans péché ! »
— Et par-dessus tout, parce qu'ils procurent la paix, parce qu'ils
saisissent toute occasion de faire du bien à tous les hommes. C'est
là la grande raison pour laquelle ils ont été persécutés de tout
temps et le seront encore jusqu'au rétablissement de toutes choses :
« s'ils voulaient seulement garder leur religion pour
eux-mêmes, ce serait encore supportable ; mais c'est cette
manie de répandre leurs erreurs et d'en infecter les autres, qu'on
ne peut endurer. Ils font tant de mal dans le monde, qu'il est
impossible de les supporter plus longtemps. Il y a en eux, il est
vrai, quelques choses assez bonnes ; ils soulagent quelques
pauvres ; mais ce n'est que pour mieux attirer les gens à leur
parti, et pour faire ainsi, en définitive, encore plus de mal ».
C'est
ainsi que pensent et s'expriment, avec toute sincérité, les gens du
monde ; et plus le royaume de Dieu s'étend, plus les hommes qui
procurent la paix sont rendus capables de propager l'humilité, la
douceur et toutes les autres dispositions divines, plus aux yeux du
monde le mal est grand, et plus, par conséquent, ils s'irritent
contre ceux qui en sont les auteurs, et les poursuivent avec une
véhémence croissante.
Voyons,
en troisième lieu, quels sont ceux qui les persécutent ? Saint
Paul nous répond : « Celui qui est né selon la chair ».
Tous ceux qui ne sont pas « nés de l'Esprit », ou qui au
moins ne sont pas désireux de l'être ; tous ceux qui
n'essaient pas au moins « de vivre dans la piété, selon
Jésus-Christ » ; tous ceux qui ne sont pas « passés
de la mort à la vie », et qui, par conséquent, ne peuvent
« aimer leurs frères » ; « le monde »,
c'est-à-dire, suivant l'explication de notre Sauveur, ceux qui « ne
connaissent point Celui qui m'a envoyé », ceux qui n'ont pas
appris à connaître Dieu, le Dieu d'amour et de pardon, par
l'enseignement de son Esprit.
La
raison pour laquelle ceux-ci persécutent les enfants de Dieu est
bien simple : l'esprit qui est dans le monde est directement
contraire à l'esprit qui vient de Dieu. Il doit donc nécessairement
se faire que ceux qui sont du monde soient opposés à ceux qui sont
de Dieu. Il y a entre eux l'opposition la plus profonde dans toutes
leurs opinions, leurs désirs, leurs intentions et leurs
dispositions. Le léopard et le chevreau ne peuvent gîter
paisiblement ensemble. L'orgueilleux, par le fait qu'il est
orgueilleux, ne peut faire autrement que de persécuter celui qui est
humble ; l'homme léger et folâtre, celui qui est dans
l'affliction ; et ainsi de suite, la diversité d'humeur étant
à elle seule un prétexte suffisant d'inimitié perpétuelle. Par
conséquent, ne fût-ce que pour ce seul motif, tous les serviteurs
du démon persécuteront les enfants de Dieu.
Si
l'on demandait, quatrièmement, comment les persécuteront-ils ?
On peut répondre, en général : Justement de la manière et
dans la mesure que le sage Dispensateur de toutes choses jugera les
plus convenables pour sa gloire, et les plus efficaces pour les
progrès de ses enfants dans la grâce et pour l'agrandissement de
son propre royaume. Il n'y a dans le gouvernement de Dieu rien de
plus admirable que cela. Son oreille n'est jamais fermée aux menaces
des persécuteurs, ni aux cris des persécutés ; son œil est
toujours ouvert, et sa main toujours étendue pour diriger chacune
des plus petites circonstances de la persécution. Quand la tempête
doit commencer, à quelle hauteur elle doit s'élever, dans quelle
direction elle doit s'étendre, quand et comment elle doit finir,
tout est déterminé par son infaillible sagesse. Les impies ne sont
qu'une épée dans sa main, un instrument dont il se sert
selon son bon plaisir, et qu'il jette dans le feu quand il a accompli
les desseins gracieux de sa providence.
Dans
quelques rares circonstances, comme lorsque le christianisme fut
d'abord planté et pendant qu'il prenait racine dans la terre, comme
aussi quand la pure doctrine de Christ commença à être rétablie
dans notre patrie, Dieu permit à la tempête de sévir avec
violence, et ses enfants furent appelés à résister jusqu'au sang.
Il y avait une raison particulière de permettre cela quant aux
apôtres, afin que leur témoignage n'en fût que plus irrécusable.
Mais les annales de l'Église nous apprennent une autre raison bien
différente des cruelles persécutions qu'il a permises dans le
second et le troisième siècle, savoir « le mystère
d'iniquité qui se formait déjà », les monstrueuses
corruptions qui régnaient dès lors dans l'Église. Dieu châtiait
son peuple, et en même temps s'efforçait
de guérir ses plaies par ces jugements sévères mais
indispensables.
Peut-être
la même observation s'applique-t-elle à la grande persécution de
notre pays (l'Angleterre). Dieu avait agi très miséricordieusement
envers notre nation ; il avait répandu sur nous diverses
bénédictions ; il nous avait donné la paix au dedans et au
dehors, et un roi (Edouard VI) sage et bon au-dessus de son âge, et,
par-dessus tout, il avait fait naître et briller parmi nous la pure
lumière de l’Évangile. Mais que trouva-t-il en retour ? « Il
attendait de la justice, et voici le cri », un cri
d'oppression, d'ambition et d'injustice, de malice, de fraude et de
convoitise. Oui, le cri de ceux qui même alors expiraient dans les
flammes, parvint jusqu'aux oreilles du Seigneur des armées. C'est
alors que Dieu se leva pour défendre sa propre cause contre ceux qui
supprimaient la vérité injustement ; il les vendit entre les
mains de leurs persécuteurs par un jugement mêlé de miséricorde,
châtiment pour punir les affligeantes infidélités de son peuple,
et en même temps remède pour les guérir.
Mais
il est rare que Dieu permette à la tempête de s'élever jusqu'aux
tortures, à la mort, aux fers ou à l'emprisonnement. Ses enfants
sont appelés habituellement à endurer des persécutions plus
légères. Ils souffrent fréquemment l'aliénation des cœurs de
leurs parents, la perte des amis qui étaient comme leur propre âme.
Ils éprouvent la vérité de cette parole de leur Maître,
concernant, non le but, mais l'effet de sa venue : « Pensez-vous
que je sois venu apporter la paix sur la terre ? Non, vous
dis-je, mais plutôt la division (Luc 12 : 51) ». De là
résulte naturellement la perte de leurs occupations, de leurs
affaires, et par suite de leurs biens. Mais tous ces événements
sont également sous la sage direction de Dieu, qui dispense à
chacun ce qui lui est le plus salutaire.
Mais
la persécution qui attend tous les enfants de Dieu est celle que
notre Seigneur indique dans ces paroles : « Vous serez
heureux lorsque, à cause de moi, on vous dira des injures, qu'on
vous persécutera », par des paroles injurieuses, « et
qu'on dira faussement contre vous toute sorte de mal ». Cela ne
peut manquer ; c'est le caractère propre de notre état de
disciples, c'est un des sceaux de notre vocation, c'est une portion
assurée et acquise à tous les enfants de Dieu. Si nous ne possédons
pas cette part, nous sommes des bâtards et non point des enfants
légitimes ; c'est droit au milieu de la mauvaise réputation,
comme de la bonne, que passe le seul chemin du royaume. Les amis de
Dieu et des hommes, doux, sérieux, humbles et zélés, jouissent
d'une bonne réputation parmi leurs frères, mais ils en ont une
mauvaise auprès du monde, qui les regarde et les traite « comme
les balayures du monde et le rebut de toute la terre ».
On
a supposé, if est vrai, qu'avant que « la multitude des
Gentils ne soit entrée » dans l’Église, le scandale de la
croix cessera, et que Dieu fera que les chrétiens soient estimés et
chéris même par ceux qui sont encore dans leurs péchés. Oui, sans
doute, et même, dès à présent, il suspend quelquefois le mépris
aussi bien que fa férocité des hommes ; pour un temps, il
donne à un homme la paix avec ses ennemis et lui fait trouver faveur
auprès de ses plus cruels persécuteurs ; mais, à part cette
circonstance exceptionnelle, le scandale de la croix n'a pas encore
cessé, et l'on peut encore dire : « Si je cherchais à
plaire aux hommes, je ne serais pas serviteur de Christ ». Que
personne donc ne se laisse prendre à cette agréable suggestion
(agréable sans doute à la chair et au sang), savoir que les
méchants prétendent bien haïr et mépriser les gens de bien, mais
que dans leurs cœurs ils les aiment et les estiment réellement. Il
n'en est rien ; ils peuvent bien les employer quelquefois, mais
c'est uniquement pour leur propre avantage. Ils peuvent bien se
confier à eux, car ils savent que leurs voies ne ressemblent pas à
celles des autres hommes, mais ils ne les aiment cependant point, à
moins que l'Esprit de Dieu n'agisse en eux. Les paroles de notre
Sauveur sont expresses :
« Si
vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui serait à lui ;
mais parce que vous n'êtes pas du monde, c'est pour cela que le
monde vous hait ». Oui, mettant à part les exceptions que peut
produire la grâce prévenante ou quelque providence particulière de
Dieu, le monde hait les disciples aussi cordialement et aussi
sincèrement qu'il n'a jamais aimé le Maître.
Il
ne reste plus qu'à demander : Comment les enfants de Dieu
doivent-ils se conduire à l'égard de la persécution ? Et
d'abord ils ne doivent pas sciemment ou de propos délibéré
l'attirer sur eux-mêmes. Ce serait contraire à la fois aux exemples
et aux avertissements de notre Seigneur et de tous ses apôtres, qui
nous enseignent non seulement à ne pas rechercher la persécution,
mais à l'éviter, autant que faire se peut, sans faire tort à notre
conscience, sans renoncer à aucune partie de cette justice que nous
devons préférer à la vie elle-même. C'est ainsi que notre
Seigneur dit expressément : « Quand ils vous
persécuteront dans une ville, fuyez dans une autre » ;
ce qui est réellement, quand on peut le faire, la manière la plus
irréprochable d'éviter la persécution.
Cependant
ne vous imaginez pas que vous puissiez toujours l'éviter de cette
manière ou de toute autre. Si jamais cette vaine imagination se
glisse dans votre cœur, écartez-la par ce sérieux avertissement :
« Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite, que le
serviteur n'est pas plus grand que son Seigneur. S'ils m'ont
persécuté, ils vous persécuteront aussi ». « Soyez
prudents comme des serpents et simples comme des colombes ».
Mais cela vous garantira-t-il de la persécution ? Non, à moins
que vous n'ayez plus de sagesse que votre Maître ou plus d'innocence
que l'Agneau de Dieu...
Ne
désirez pas non plus l'éviter et y échapper totalement ; car
si vous le faites, vous n'êtes pas des siens. Si vous échappez à
la persécution, vous perdez la bénédiction, la bénédiction
promise à ceux qui sont persécutés pour la justice. Si vous n'êtes
pas persécutés pour la justice, vous ne pouvez entrer dans le
royaume des cieux. « Si nous souffrons avec lui, nous règnerons
aussi avec lui ; si nous le renions, il nous reniera aussi ».
Réjouissez-vous »,
au contraire, « et tressaillez de joie », quand les
hommes vous persécutent pour l'amour de Jésus, quand ils vous
persécutent par des paroles injurieuses et « en disant
faussement contre vous toute sorte de mal », ce qu'ils ne
manqueront pas d'ajouter à tout genre de persécution : il faut
bien qu'ils vous noircissent pour s'excuser eux-mêmes. « Car
on a ainsi persécuté les prophètes qui ont été avant vous »,
ceux qui étaient le plus éminemment saints dans leur cœur et dans
leur vie, tous les justes, en un mot, qui ont jamais existé depuis
le commencement du monde. Réjouissez-vous, parce que, à cette
marque aussi, vous pouvez reconnaître à qui vous appartenez, et
« parce que votre récompense sera grande dans les cieux »,
la récompense acquise par le sang de l'alliance et accordée
gratuitement en proportion de vos souffrances aussi bien que de votre
sainteté de cœur et de vie. « Tressaillez de joie »,
sachant que « votre légère affliction du temps présent
produit en vous le poids éternel d'une gloire infiniment
excellente ».
En
attendant, qu'aucune persécution ne puisse vous détourner de la
voie de l'humilité et de la douceur, de l'amour et de la
bienfaisance. « Vous avez entendu », sans doute, « qu'il
a été dit : Œil pour œil et dent pour dent », et vos
misérables docteurs vous ont permis de vous venger vous-mêmes et de
rendre le mal pour le mal. « Mais moi je vous dis de ne pas
résister à celui qui vous fait du mal », de ne pas lui
résister de cette manière en lui rendant le mal qu'il vous fait ;
mais plutôt que de faire cela, « si quelqu'un te frappe à la
joue droite, présente-lui aussi l'autre ; et si quelqu'un veut
plaider contre toi et t'ôter ta robe, laisse-lui encore l'habit ;
et si quelqu'un veut te contraindre d'aller une lieue avec lui,
vas-en deux ».
Que
ta douceur soit ainsi inaltérable et que ton amour égale ta
douceur. « Donne à celui qui te demande et ne te détourne pas
de celui qui veut emprunter de toi ». Seulement ne donne point
ce qui est à autrui, ce qui ne t'appartient point. Par conséquent,
prends garde de ne rien devoir à personne ; car ce que tu dois
n'est point à toi, mais à autrui. Subviens aux besoins de ceux de
ta propre maison, car Dieu exige aussi cela de toi ; et ce qui
est nécessaire pour les maintenir en vie et dans la piété n'est
pas non plus à toi. Après cela, donne ou prête tout ce qui te
reste, de jour en jour, ou d'année en année ; seulement,
puisque tu ne peux donner à tous, souviens-toi d'abord des
domestiques de la foi.
Dans
les versets qui suivent, le Sauveur nous dépeint la débonnaireté
et l'amour que nous devons éprouver pour ceux qui nous persécutent
à cause de la justice, et la bonté que nous devons leur témoigner.
Oh ! puissent ces paroles être gravées dans nos cœurs !
« Vous avez entendu qu'il a été dit : Tu aimeras ton
prochain et tu haïras ton ennemi (Mat 5 : 43) ». Dieu,
il est vrai, n'avait prononcé que la première partie de cette
phrase, « tu aimeras ton prochain » ; les
enfants du diable avaient ajouté la seconde, « tu haïras ton
ennemi ». Mais moi je vous dis :
1° « Aimez vos ennemis ». Ayez soin d'être portés de bonne volonté envers ceux dont l'esprit est le plus aigri contre vous et qui vous souhaitent toute sorte de mal.
2° « Bénissez ceux qui vous maudissent ». Y en a-t-il parmi eux dont l'amertume d'esprit éclate en paroles amères ? qui soient continuellement à vous maudire et à vous accabler de reproches quand vous êtes présents, et à dire toute sorte de mal contre vous quand vous êtes absents ? Bénissez-les d'autant plus : en parlant avec eux, employez le langage le plus doux et le plus paisible. Reprenez-les en leur montrant comment ils auraient dû parler. Et, en parlant d'eux, dites-en tout le bien possible, sans violer les règles de la vérité et de la justice.
3° « Faites du bien à ceux qui vous haïssent », que vos actions témoignent que votre amour est aussi réel que leur haine. Rendez le bien pour le mal. « Ne vous laissez point surmonter par le mal, mais surmontez le mal par le bien ».
4° Si vous ne pouvez faire plus, au moins « priez pour ceux qui vous outragent et vous persécutent ». Vous ne pouvez jamais être incapables de le faire ; toute leur malice et leur violence ne peuvent vous en empêcher. Répandez vos âmes devant Dieu, non seulement pour ceux qui vous ont persécutés jadis, mais qui se repentent maintenant ; — c'est là peu de chose ; « si ton frère revient vers toi sept fois le jour et te dit : je me repens (Luc 17 : 4) », c'est-à-dire, si après même de si nombreuses rechutes, il te donne sujet de croire qu'il est réellement et complètement changé, alors tu lui pardonneras jusqu'à te confier à lui et le presser sur ton sein, comme s'il n'avait jamais péché contre toi ; — mais, prie pour ceux qui ne se repentent pas, lutte avec Dieu pour ceux qui, dans ce moment même, t'outragent et te persécutent. Pardonne-leur ainsi, « non pas seulement jusqu'à sept fois, mais jusqu'à septante fois sept fois (Matthieu 18 : 22) ». Qu'ils se repentent ou non, qu'ils paraissent même s'éloigner de plus en plus du repentir, donnez-leur cependant cette preuve de bonté, « afin que vous soyez les enfants », que vous prouviez que vous êtes réellement les enfants légitimes « de votre Père qui est dans les cieux », qui montre sa bonté en répandant même sur ses ennemis les plus endurcis toutes les bénédictions qu'ils sont capables de recevoir ; « qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes ». « Car, si vous n'aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense en aurez-vous ? Les péagers mêmes n'en font-ils pas autant (Matthieu 5 : 46) », eux qui n'ont aucune prétention religieuse et que vous reconnaissez vous-mêmes comme étant sans Dieu dans le monde ? « Et si vous ne faites accueil », si vous ne montrez de la bonté en paroles ou en actions, « qu'à vos frères », à vos amis ou à vos parents ; « que faites-vous d'extraordinaire ? » de plus que ceux qui n'ont point de religion ? « Les péagers même n'en font-ils pas autant (Matthieu 5 : 47) ? » Mais, suivez un meilleur modèle qu'eux, vous chrétiens, « soyez parfaits » en patience, en long support, en miséricorde, en bienfaisance de toute espèce, envers tous, même envers vos plus cruels persécuteurs, « soyez parfaits, comme votre père qui est dans les cieux est parfait (Mat 5 : 48) ; » c'est-à-dire que votre perfection ait le même caractère, quoiqu'elle ne puisse atteindre au même degré que la sienne.
Voilà
le christianisme dans sa forme primitive, tel qu'il nous est exposé
par son grand Auteur ! Voilà la religion pure de Jésus-Christ !
C'est ainsi qu'elle se présente à celui dont les yeux sont ouverts.
Voyez ce portrait de Dieu en tant que Dieu est imitable par l'homme ;
un portrait tracé de la main du Seigneur lui-même. « Voyez,
vous qui méprisez, et soyez étonnés, et pâlissez d'effroi »,
ou plutôt soyez étonnés et adorez ! Écriez-vous : est-ce
là la religion de Jésus de Nazareth, la religion que j'ai
persécutée ? Que l'on ne me voie plus combattre contre Dieu !
Seigneur, que veux-tu que je fasse ? Quelle beauté se manifeste
dans l'ensemble de ce tableau ! quelle juste symétrie, quelle
exacte proportion dans chaque partie ! Que le bonheur qui est
ici décrit est désirable ! Que la sainteté qui nous y est
présentée est vénérable ! qu'elle est aimable ! Voilà
l'esprit de la religion, son essence même ; voilà les vrais
fondements du christianisme. Oh ! puissions-nous ne pas être
seulement des auditeurs de ces vérités, « semblables à un
homme qui regarderait dans un miroir son visage, naturel, et qui,
après s'être regardé, s'en irait et oublierait aussitôt quel il
était ». Non, mais plutôt « considérons avec
attention la loi parfaite, qui est celle de la liberté, et
persévérons-y ». Ne nous donnons aucun repos jusqu'à ce que
chaque ligne de cette loi soit transcrite dans nos cœurs. Veillons,
prions, croyons, aimons, combattons, jusqu'à ce que par le doigt de
Dieu chacune de ses parties soit gravée sur notre âme, jusqu'à ce
que nous soyons « saints comme Celui qui nous a appelés est
saint », « parfaits comme notre Père qui dans les cieux
est parfait ».