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© 2011 by The Plough Publishing House. Utilisation autorisée. Ce
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Rifton, NY 12471 USA (www.plough.com) et Robertsbridge, E. Sussex,
TN32 5DR Royaume-Uni
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Copyright © 2011 par The Plough Publishing House Rifton, NY 12471
Etats-Unis Tous droits réservés.
Table
des matières
Introduction
Jésus
dans le Notre-Père
Le
Père lui-même
Que
ton nom soit sanctifié
Que
ton règne vienne
Que
ta volonté soit faite
Donne-nous
notre pain quotidien
Pardonne-nous
nos péchés
Ne
nous induis pas en tentation
Délivre-nous
du malin .
Le
règne, la puissance et la gloire
Introduction
Après
avoir recommandé à ses disciples de se garder, en priant, de toute
hypocrisie, mais de prier en secret et de ne pas faire beaucoup de
paroles, le Seigneur leur donne une prière modèle : Nous
l’appelons le Notre- Père, mais d’après son contenu nous
devrions l’appeler la prière du Royaume. Un jour, après que Jésus
eut prié dans un lieu, ses disciples lui demandèrent de leur
enseigner à prier, comme Jean-Baptiste l’avait fait pour les
siens. Il semble que l’homme, dans sa faiblesse, ait besoin d’une
formule définie pour que sa prière ne se perde pas en paroles
vagues et vides, et puisque le Seigneur a bien voulu enseigner une
prière modèle, bien des chrétiens devraient s’en souvenir et
dire simplement, avec recueillement, un Notre Père, la prière du
Royaume, soit qu’ils prient seuls, soit que plusieurs se trouvent
réunis. Elle est si sublime, si divine, qu’elle ne vieillit
jamais et ne peut devenir banale.
En disant : « Vous donc
priez ainsi », Jésus recommande aux disciples de se servir
de la prière qu’il leur enseigne, il lui confère une importance
et une bénédiction particulières ; et cela doit nous engager
à y recourir, surtout dans les moments où nous ne savons comment
dire à Dieu ce qui nous agite, parce que souvent nous ne le
comprenons pas. En nous présentant devant Dieu avec la prière que
Jésus nous a donnée, nous pouvons être certains de la
bienveillance du Père et de l’exaucement, même de ce que nous ne
savons pas exprimer.
Aux heures de graves tentations, lorsqu’on
se sent comme harcelé par l’ennemi, faible de corps et d’esprit,
en proie au souci, au découragement, à l’irritation, surtout
aussi lorsqu’on se trouve avec des malades ou qu’on est troublé
par quelque inquiétude mystérieuse, rien ne saurait faire plus de
bien qu’un Notre-Père dit simplement et lentement, en méditant
surtout les grandes demandes qui concernent le Royaume.
Au milieu de
toutes nos peines et de notre pauvreté, soyons reconnaissants au
Sauveur de ce don inestimable et divin qu’il nous a légué, et en
toutes circonstances, tenons-nous au Notre-Père, à la forte prière
du Royaume. Quand nous la disons, celui qui nous l’a donnée est
présent : fais-en l’expérience ! Jean-Christophe
Blumhardt
Jésus
dans le Notre-Père
Notre
Père qui est aux cieux » ! Ton esprit doit s’élever
jusqu’au ciel où habite le Père, où le Royaume trouve son
achèvement. Souvent tes pensées s’arrêtent trop sur la terre et
alors il t’est difficile de prier. Pourtant le Père céleste n’est
pas loin de toi. Il descend vers toi quand tu pries : c’est
comme si tu parlais à un ami à tes côtés. Puisses-tu toujours en
être convaincu ! Tu penses peut-être qu’il est plus facile
de se représenter le bon Sauveur si proche et qu’en le priant tu
es plus à ton aise. Tu es libre de le prier, mais pourquoi ne
serais-tu pas tout autant à ton aise en t’adressant au Père,
puisqu’il est ton Père ? Il est vrai que nous devons prier au
nom de Jésus, mais d’où vient que tu appelles Dieu ton Père ?
Si tu as vis-à-vis de lui les droits d’un enfant, n’est-ce pas à
Jésus que tu le dois ? Peux-tu prier le Père sans te rappeler
qu’il est le Père de Jésus-Christ ? La prière adressée au
Père est toujours une prière au nom de Jésus. Comment ton esprit
pourrait-il s’élever au ciel sans y trouver le Sauveur, assis à
la droite de Dieu ? Réfléchis au Notre-Père tout entier. Tu
sanctifies le nom de Dieu quand tu crois en Jésus. C’est Jésus
qui fonde le règne qui doit venir. “
C’est
par lui que s’accomplit la volonté de Dieu sur la terre, car c’est
lui qui mettra tous les ennemis sous ses pieds, pour que seule
subsiste la volonté du Dieu vivant. Tu demandes du pain pour
soutenir ta vie, à qui dois-tu la vie, si ce n’est au Sauveur qui
en mourant s’est chargé pour toi de la malédiction de la mort ?
Qui pardonne les péchés, ou par qui as-tu la possibilité du
pardon ? Qui nous secourt dans la tentation, qui nous délivre
enfin de tout mal et nous arrache aux griffes du malin ? Tu vois
que tu trouves Jésus dans toute la prière du Royaume. Chaque fois
que tu en prononces les demandes, tu es en sa présence aussi bien
qu’en celle du Père, et c’est Jésus qui a dit : « Quand
je serai élevé au-dessus de la terre, je les attirerai tous à
moi. » Le Sauveur t’apprend à dire : « Notre
Père » cela, signifie que tu ne dois jamais te
présenter seul devant le Père, mais toujours en communion avec tous
ceux qui, comme toi, ont besoin du secours de Dieu. En priant tu dois
être la voix et le représentant de toute la création qui souffre
et gémit : c’est ainsi que tu pries en enfant du Royaume.
Mais que de fois, quand nous prions, nous ne songeons qu’à
nous-mêmes et aux nôtres, et pourtant notre cœur devrait être
large comme celui du Sauveur qui a donné sa vie pour tous, afin de
nous unir tous en lui. Nous répétons bien quelques formules qui
semblent venir d’un cœur plus confiant, mais elles ne font
qu’accompagner la prière en boitant, pour ainsi dire : le
cœur n’y est pas. Que le Notre-Père nous enseigne à mieux
prier ! Si nous savions bien le dire, en y mettant tout notre
cœur, combien ne ferions-nous pas progresser la cause du Royaume.
Le
Père lui-même Les trois premières demandes de la prière du
Royaume (Matthieu 6.9-10) ont pour objet le Père lui-même, son nom,
son règne, sa volonté. Ce qui, en effet, importe le plus pour nous
aussi, c’est que tout ce qui est de Dieu acquière chez nous toute
sa valeur. En adressant ces demandes au Père, nous prions donc au
fond pour nous, puisque c’est nous qui bénéficierons de leur
exaucement. Si le nom de Dieu n’est pas reconnu saint, si son règne
ne s’édifie pas, si sa volonté est méprisée, nous restons dans
une triste situation. C’est d’abord par nous et parmi nous que
son nom doit être sanctifié ; c’est chez nous que son règne
doit venir, que sa volonté doit s’accomplir. Il serait étrange
que nous dussions adresser des demandes à Dieu pour lui-même, comme
s’il avait besoin de notre faible prière pour réaliser ce qui est
sa chose, ce que lui seul peut faire.
Voyons de plus près pourquoi
nous devons tant prendre à cœur ces demandes : précisément
parce que tout ce qui en fait l’objet est pour notre bien, si nous
jugeons inutile de nous en occuper, si nous trouvons qu’il importe
peu que son nom soit tenu en honneur dans le monde, que son règne
s’établisse sur toutes les créatures, que toutes les volontés
qui ne viennent pas de Dieu, si puissantes sur la terre,
disparaissent, Dieu n’intervient pas, et laisse les choses suivre
leur cours. Ils sont innombrables, ceux qui ne s’inquiètent pas de
son nom ni de rien de ce qui a rapport à lui ; d’autres
désirent tout autre chose que de vivre sous son règne, et combien
ne connaissent que leur propre volonté ou se laissent mener par les
ténèbres ! Dieu n’use pas de contrainte pour les sauver, ils
sont libres de se précipiter dans l’immense misère qui est leur
partage, loin de lui. Il attend que les hommes désirent au moins ce
qu’il veut leur donner, et Jésus nous a mis sur les lèvres la
prière du Royaume, afin que nous nous y associions intérieurement
et que Dieu agisse, pour que tous les êtres créés reconnaissent en
lui le Dieu qui seul peut faire leur bonheur.
Avant la venue du
Christ, presque personne ne priait plus dans l’esprit de ces trois
demandes. Pourtant cet esprit n’était pas inconnu en Israël, les
psaumes et les prophètes en témoignent, et si on ne l’avait pas
oublié de plus en plus, bien des choses eussent été différentes.
La voix de l’Eternel, qui autrefois avait parlé par la bouche des
prophètes, n’aurait pas cessé de se faire entendre. Au temps de
Jésus, quelques rares fidèles qui attendaient le Royaume de Dieu,
étaient seuls à représenter les grandes demandes qui devraient
sans cesse monter du cœur de l’homme vers Dieu. Ils furent exaucés
quand Dieu envoya son Fils par qui seules elles peuvent être
réalisées, puisque c’est lui qui est l’annonciateur de
l’avènement du Royaume.
Le premier de tous les hommes, Jésus a
dit parfaitement les trois premières demandes de la prière du
Royaume. Toutes ses prières ont certainement eu pour fonds le
contenu de ces demandes. Il était la voix et le représentant de
toute l’humanité, et si le Fils de l’homme n’avait pas prié
au nom de tous, le monde n’aurait pas vu les grandes choses
accomplies depuis son apparition pour la sanctification du nom de
Dieu, la venue de son règne et la réalisation de sa volonté. Les
disciples doivent apprendre à prier comme lui ; c’est en
pensant aux trois grandes demandes pour le Royaume qu’il leur dit
(Luc 18.1) de prier sans cesse et de ne se lasser jamais. Ils se
tiennent ainsi à ses côtés, appuyant pour ainsi dire sa prière,
croyant en lui, en son intercession et en son pouvoir.
Jésus a
révélé et transfiguré le nom de Dieu sur la terre, il a travaillé
à l’avancement de son règne, il a fait la volonté du Père en
lui obéissant jusqu’à la mort sur la croix ; et quand nous
adressons au Père la prière du Royaume, nous devons prier de même
le Fils de continuer l’œuvre qu’il a, lui aussi, la puissance
d’accomplir au ciel et sur la terre. Par son exemple, Jésus nous
enseigne deux choses.
Premièrement nous voyons combien lui, qui
était seul, a obtenu par ses prières. C’est une consolation et un
encouragement dans les temps où ceux qui prient véritablement sont
rares. Même s’ils ne sont que deux ou trois, Jésus selon sa
promesse, est au milieu d’eux et ils peuvent obtenir beaucoup,
aussi pour l’ensemble, pour le commencement d’un renouveau qui
gagnera de proche en proche. Ne nous laissons donc pas décourager
par le petit nombre de ceux qui veulent faire leur devoir, que chacun
fasse le sien pour le bien de tous, comme s’il était le seul
fidèle. Tous ceux qui ne disent pas de tout leur cœur les demandes
pour le Royaume, sont infidèles. Il faut que les saints combattent
pour la cause du Royaume, ainsi qu’il est dit dans Daniel 7.22 :
« jusqu’à ce que l’Ancien des jours vint, et que le
Jugement fût donné aux saints du Souverain et que le temps vint que
les saints entrassent en possession du Royaume, » car Dieu veut
rattacher son œuvre sur terre à celles des hommes, pour que le
salut de la créature s’accomplisse. Combien peu on songe à cela !
En second lieu, les disciples du Sauveur doivent l’imiter non
seulement dans la prière, mais dans le don de toute sa personne à
la cause pour laquelle il priait. De même nous devons témoigner par
toute notre vie que nous nous considérons comme des instruments de
la volonté divine, pour la réaliser, avec l’aide de Jésus, par
la patience et la foi. Puissent les disciples qui prient, croient et
agissent comme Dieu le commande, devenir plus nombreux en ce temps si
grave, dont les besoins sont si grands !
Que
ton nom soit sanctifié
Nous
posons d’abord la question : « Où le nom de Dieu
doit-il être sanctifié ? » Et nous répondons :
« Dans le monde entier, par toutes les créatures qui sont au
ciel, sur la terre et sous la terre. » Si celui qui prie
sanctifie le nom de Dieu, il souffre de ce qu’il y a encore tant de
créatures qui ne le sanctifient pas. En disant : « Notre
Père », il se sent en communion avec beaucoup d’autres, mais
il sait aussi que la grandeur du nom de Dieu est loin d’être
reconnue par toute la création et que pourtant la création ne peut
trouver la paix tant que le nom de Dieu n’est pas sanctifié
partout. En outre, celui qui prie a conscience de jouir d’un grand
privilège et il souhaite à toutes les créatures, et aussi—j’ose
le dire—au Père qui les aime, que ce nom qui devrait être vénéré
au-dessus de tous les autres, ne soit pas plus longtemps négligé et
insulté. On sanctifie ce qu’on met à part, au-dessus de toutes
les choses vulgaires. C’est ainsi que le nom de Dieu doit être mis
à part et placé si haut par toutes les créatures, que tout le
reste n’ait plus de valeur à leurs yeux. Ce nom, avec tout ce
qu’il affirme, doit leur signifier tout.
A
la question suivante : « Quel est le nom de Dieu qui doit
être sanctifié ? » Nous répondons simplement : «
Son nom de Père ! » En commençant par l’invocation :
« Notre Père qui es aux cieux ! » nous soupirons
intérieurement : « Puissent tous les hommes t’appeler
Père ! » Et nous ajoutons immédiatement : «
Que ton nom soit sanctifié ! » Cela signifie que toutes
les créatures devraient retrouver en Dieu leur Père, c’est-à-dire
d’une part prendre conscience de son amour paternel envers les
hommes, et d’autre part l’aimer finalement, se soumettre à lui
comme à un Père à qui on obéit volontiers, en qui on a toute
confiance et met tout son espoir.
Malheureusement
l’humanité est loin de reconnaître en Dieu son Père, malgré les
bienfaits paternels qu’il lui dispense chaque jour. Elle reçoit
tout de sa main, comme les enfants ingrats qui acceptent tout de
leurs parents, sans les remercier ni s’inquiéter d’eux. De même
les hommes abusent de la bonté de Dieu et leur cœur est loin de
lui, quand ils ne vont pas jusqu’à s’opposer à lui. Le disciple
qui prie en est douloureusement ému et il songe nuit et jour à
toutes les créatures qui devraient revenir au Père et sanctifier
son nom. Le sentiment filial de l’homme fut troublé dès l’origine
par la question du serpent : « Dieu a-t-il dit
réellement : “Vous ne mangerez pas de tous les arbres du
jardin ?” » C’est-à-dire : « Peut-il
vraiment vous avoir défendu de toucher au meilleur des fruits, qui
rend semblable à lui ? Est-ce ainsi qu’il vous témoigne ses
sentiments paternels ? »
Les
hommes se laissèrent séduire et depuis lors ils sont soumis au
pouvoir étranger, opposé à Dieu. Ils ont cru devenir des dieux :
c’est Satan qui est devenu leur dieu et s’est arrogé sur eux les
droits qui ne revenaient qu’au Père. Ils se sont, eux aussi,
opposés à Dieu, en lui déclarant : « Nous sommes tes
égaux. » Plus les ténèbres ont d’empire sur les hommes,
plus ils méprisent le nom de Dieu. Pour que ce nom soit de nouveau
sanctifié par eux. il faut qu’ils sortent du domaine des ténèbres
et reviennent à Dieu. Il faut prier pour que Dieu leur en donne la
volonté et la force et que l’humanité cesse d’être partagée
entre Dieu et les ténèbres. Christ est venu écraser le serpent et
réconcilier les hommes avec Dieu ; il leur donne son esprit qui
leur apprend à dire : « Abba, Père ! » Quand
toutes les créatures répéteront cette prière, la demande :
« Que ton nom soit sanctifié ! » sera complètement
exaucée.
Nous
devons encore sanctifier le nom de Dieu en reconnaissant et en
vénérant ses attributs sublimes. Mais que font les hommes ? Ne
parlons même pas des païens qui « ont changé la gloire du
Dieu immortel en une image semblable à celle de l’homme mortel,
des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles. » (Romains 1.
20-23). Mais jusqu’à aujourd’hui, une multitude d’hommes agissent
comme si Dieu ne possédait pas toute puissance et toute science,
comme s’il n’était pas partout présent, ni saint, ni juste. Ils
ne croient, pas qu’il entende aucune prière, ni qu’il s’occupe
en rien des hommes, parce qu’il est trop loin au-dessus d’eux.
Ils nient qu’il se manifeste par des grâces particulières et des
châtiments exceptionnels, ils attribuent tout au hasard et éliminent
Dieu de l’histoire de l’humanité ; beaucoup de ses œuvres
et de ses miracles leur sont un scandale. Ils ne s’attachent au
monde invisible que par la superstition et souvent ils abusent du nom
de Dieu d’une manière abominable.
Tout
cela devrait changer et les enfants du Royaume devraient en faire
leur pensée constante et demander à Dieu l’achèvement de l’œuvre
du salut commencée par Christ. Mais tout ne changera que lorsque
toute l’humanité vénérera Dieu en tous ses attributs et que son
nom sera sanctifié par toutes les créatures. Certains chrétiens
très croyants sont spécialement exposés à ne pas sanctifier le
nom de Dieu comme il doit l’être.
Dieu
lui-même s’est défini et a dit à Moïse comment il veut être
nommé (Exode 34.6) : « L’Eternel, l’Eternel, Dieu
miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté
et en fidélité. » On sanctifie le nom de Dieu en donnant à
ces paroles le sens le plus large, mais si on en diminue la portée,
on ne le sanctifie pas.
Or il arrive que dans le monde des croyants
on ait une tendance à vouloir le sanctifier en opposant la sainteté
et la justice de Dieu à sa miséricorde incarnée en Jésus-Christ.
On pense que la sainteté exige qu’il se montre dur et sévère
envers ceux qui lui désobéissent et se détournent de lui, même si
cette sévérité risque de peupler l’enfer plus que le ciel. On ne
croit pas que Dieu puisse conserver son amour à des chrétiens
dégénérés et les ramener à lui en leur renouvelant ses grâces.
Puisqu’ils ont dédaigné les dons du Saint-Esprit, il faut qu’ils
deviennent ce qu’ils doivent être, sans le secours de ces dons qui
ne peuvent leur être dispensés à nouveau, ou qu’ils sombrent
dans l’abîme. Quant aux générations disparues dont la foi n’a
pas été entière, une certaine théologie leur dénie tout droit à
la miséricorde ; pour elles, il n’y aura au Jugement dernier
que la damnation.
Ce
n’est pas ainsi que le nom de Dieu est sanctifié. On en fait, et
aussi du nom de Jésus, un épouvantail pour les pécheurs, en dépit
des consolantes assurances données par Dieu et par Jésus, et
quoique celui-ci ait incarné dans sa personne la grâce et la bonté
du Père, les attestant dans l’amertume de la souffrance et de la
mort. Nous ne sanctifions le nom de Dieu et nous n’encourageons la
créature malheureuse à recourir à lui que si nous croyons
fermement à son extrême miséricorde. Puissent les disciples du
Sauveur, en répétant la prière du Royaume, ne pas être de ceux
qui, au fond, tiennent fort peu à voir le nom de Dieu sanctifié ;
ils veulent bien jouir eux-mêmes de l’amour paternel de Dieu en
Christ, mais sont disposés à en exclure d’autres, précisément
ceux qui en ont le plus impérieux besoin. Ils oublient qu’ainsi le
Sauveur serait mort sur la croix presque en vain. O notre Père qui
es aux cieux, puissent ton nom et celui de ton Fils, pleins de grâce
et de miséricorde, être sanctifiés en tout lieu !
Puissent-ils l’être bientôt, car la détresse est grande.
Que
ton règne vienne
La
deuxième demande — « Que ton règne vienne » —est la
suite de la première. Le règne de Dieu est aussi nommé le Royaume
des cieux. Il ne comprend donc pas seulement la terre, mais les
cieux. Saint Paul parle du « mystère de la volonté de Dieu »
qui est (Ephésiens 1.10) : « de réunir toutes choses en
Christ, celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la
terre. » Le règne de Dieu sera complètement établi quand
« Dieu sera tout en tous » et que toute la création
sanctifiera son nom. Tant qu’il y aura des créatures qui méprisent
le nom de Dieu et ne lui sont pas soumises, il ne régnera pas sans
conteste, il est pour ainsi dire en guerre avec des puissances qui
voudraient empêcher l’avènement de son règne. Il est
tout-puissant et pourrait abattre tous ses ennemis, les livrer à la
damnation. S’il ne le fait pas, c’est parce qu’il ne veut pas
user de violence envers des êtres libres. Il veut que toutes les
créatures reviennent à lui librement, comme le fils prodigue
revient à son père, et il patiente.
Et
comme la créature, même si elle est disposée à ce retour, en est
incapable sans aide, Dieu lui-même est venu à son secours en
incarnant son Verbe dans la personne du Fils de l’homme. Celui-ci
s’appelle « le premier-né de toute la création »
c’est-à-dire le premier qui, par une soumission absolue, a
inauguré le règne de Dieu. C’est ce qui fait écrire à saint
Paul (Colossiens 1.19-20) : « Dieu s’est plu à faire
habiter en lui toute la perfection et à réconcilier avec soi, par
lui, toutes choses, soit celles qui sont sur la terre, soit celles
qui sont dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa
croix. »
Celui qui croit en Jésus se laisse librement ramener
par lui à Dieu, ainsi que l’exigent la sainteté et la justice
divines. Jésus-Christ Fils de l’homme, Verbe divin et représentant
de toute la création, rassemble tous ceux qui se sont détachés de
Dieu. Le règne dont nous demandons la venue est donc son règne, en
même temps que celui du Père. « Lorsque toutes choses lui
auront été soumises, alors le Fils lui-même sera aussi soumis à
celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en
tous. » (1 Corinthiens 15.28).
Par son apparition sur la terre,
Jésus a inauguré le règne de Dieu ; par son obéissance
jusqu’à la mort, il a vaincu les ténèbres, et en le
ressuscitant, Dieu lui a donné le pouvoir d’attirer à lui ceux
qu’il avait rachetés. Il a donc frayé la voie au règne de Dieu,
annoncé par la bonne nouvelle : « Le Royaume des cieux
est proche. » Mais ce Royaume a eu d’abord un très petit
nombre d’adhérents, il a fallu et il faudra, encore beaucoup de
temps pour que toutes les puissances ennemies soient brisées, que
toutes les âmes soient arrachées aux ténèbres et s’unissent
dans la communion de Jésus et de son Père, en un seul peuple. De là
la prière : « Que ton règne vienne ! »
Pour
que le libre retour à Dieu devienne possible à toute l’humanité,
il faut qu’il y ait des hommes qui le de- mandent ardemment dans
leurs prières. Les disciples de Jésus doivent se rendre compte des
maux qui résultent de ce que Dieu ne règne pas encore uniquement,
surtout pour ceux qui vivent dans l’insouciance et l’aveuglement
et deviennent ainsi la proie des puissances menteuses dont ils ne
peuvent se délivrer eux-mêmes, car ils ne sentent pas les liens qui
les enchaînent et ne cherchent pas à les briser. La victoire
toujours plus rapide sur tous les pouvoirs opposés à Dieu, jusqu’à
ce qu’il règne seul sur toute la création, doit être pour nous
tous un constant sujet de prière. Mais il y en a peu qui prient
comme ils le devraient. Pour la plupart, l’avancement du règne de
Dieu va de soi et ne dépend pas de leur foi ni de leurs prières, et
ils vivent à cet égard dans une, tranquille insouciance. Mais nous
devons, pour ainsi dire, ressentir la douleur du Père céleste qui
voit une foule de ses enfants vivre loin de lui, sans que ses mains
puissent les atteindre pour les rassembler dans son Royaume. Pour que
ce Royaume croisse, il faut que beaucoup d’âmes croient en Jésus
et naissent par la foi à la lumière.
Nous
pouvons y contribuer, et nous le devons, en joignant l’action à la
prière. Ce n’est pas à des anges, c’est à des hommes que
l’ordre a été donné de prêcher l’Evangile à toute créature.
Il est donc de notre devoir de travailler à répandre toujours plus
loin la connaissance de l’Evangile. Le Sauveur a dit : « Quand
je serai élevé au-dessus de la terre, je les attirerai tous à
moi », mais il faut que par nos prières et notre foi active,
nous concourions à la réalisation de sa parole. L’avènement
complet du règne de Dieu aura lieu finalement par le retour du
Christ et la révélation de la gloire des enfants de Dieu, objet de
l’attente de toute la création (Romains 8.19).
Puissions-nous
nous écrier de tout notre cœur, avec un zèle et une ferveur plus
qu’habituels : « Que ton règne vienne ! » La
prière des élus qui crient jour et nuit sera exaucée à la fin et
l’œuvre du Sauveur trouvera son achèvement. Quelle joie sera la
nôtre, d’avoir contribué pour notre part, de toute notre âme,
par notre zèle et notre abnégation, à la venue du règne de Dieu
qui apaisera l’attente de toutes les créatures !
Que
ta volonté soit faite
En
nous apprenant à dire : « Que ta volonté soit faite sur
la terre comme au ciel », le Sauveur nous indique qu’au ciel
la volonté de Dieu se fait, et il faut entendre par le ciel le monde
bienheureux où Dieu règne uniquement, où toutes les volontés sont
en harmonie avec la sienne. De même, sur la terre, aucune volonté
contraire à celle de Dieu ne devrait se manifester, et l’harmonie
de la volonté divine et de la volonté humaine doit être désirée
tout spécialement par les disciples du Sauveur et faire le sujet de
leurs prières.
Il
faut remarquer cependant que le mot ciel désigne aussi toute
l’étendue de la création au-dessus de la terre, comme le disent
déjà ces paroles : « Au commencement Dieu créa le ciel
et la terre. » D’après certains passages de l’Ecriture, la
volonté divine ne règne pas d’une façon absolue dans l’immense
univers. Saint-Paul dit (Colossiens 1.20) que toutes choses, celles
qui sont sur la terre et celles qui sont dans le ciel, doivent être
réconciliées par le sang de Christ. Et aussi qu’au nom de Jésus
tout genou doit fléchir au ciel, sur la terre et sous la terre
(Philippiens 2.10). Parmi les milliers de mondes que renferme
l’univers, il doit en exister où la volonté de Dieu ne règne pas
encore sans partage, il est donc nécessaire que partout, aussi bien
au ciel que sur la terre et sous la terre, le Rédempteur ramène à
l’obéissance ceux qui sont entrés en conflit avec Dieu. Le
Seigneur ne nous recommande pas expressément de prier dans ce but,
il ne s’explique pas à ce sujet, il se borne à ce qui nous
regarde plus directement.
Mais
nous pouvons bien élargir la troisième demande ainsi : « Que
ta volonté soit faite par toute la création, au ciel et sur la
terre. » D’après cette demande, une autre volonté que celle
de Dieu, étrangère à lui, est donc puissante dans la création,
mais nous ne pouvons guère le constater que sur la terre. Cette
volonté étrangère se manifeste dans l’homme, parce qu’il est
libre, sous la forme de sa volonté propre qui se révolte contre
celle de Dieu, veut régner elle-même et subsister sans Dieu. Comme
Dieu ne veut pas contraindre ses enfants à l’obéissance par la
force, ni les livrer sans appel à la damnation, il les laisse agir
librement, mais ceux qui s’opposent à lui se jettent dans des maux
sans nombre. Pour que la volonté étrangère et mauvaise soit
combattue et que les maux qu’elle engendre soient diminués, il
faut que du sein de l’humanité encore assujettie aux puissances
des ténèbres d’instantes prières montent vers Dieu. Jésus a
donné l’exemple à ses disciples, leur vocation est d’invoquer
le Père céleste, afin que par l’amour de Jésus et de ceux qui le
suivent, la volonté mauvaise perde de son pouvoir. Il nous faut donc
prier « que ta volonté soit faite sur la terre comme au
ciel. »
La
volonté de Dieu est « que tous les hommes soient sauvés et
que tous parviennent à la connaissance de la vérité. » Il
veut que ses intentions miséricordieuses se réalisent, ce qui
amènerait la soumission à sa volonté. C’est ainsi que Jésus a
dit : « C’est ici la volonté de mon Père, que
quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle »
(Jean 6.40). Et saint Paul parle (Ephésiens 1.9) du mystère de la
volonté : de Dieu qui doit être annoncé. C’est à cette
volonté divine que Jésus fait spécialement allusion dans la
troisième demande. Il nous met sur le cœur le souci perpétuel du
salut de toutes les créatures qui doivent être amenées à lui,
selon la volonté miséricordieuse du Père. Nous avons le devoir non
seulement de demander par nos prières que cette volonté soit
reconnue par tous, mais aussi d’aider à répandre cette
connaissance pour autant que cela est en notre pouvoir. C’est une
erreur de penser que tout se fait de soi-même, sans que nous nous en
occupions ; et c’est une erreur plus grande encore de ne pas
croire que Dieu veut sauver tous les hommes, qu’il est plutôt prêt
à user de sévérité que de miséricorde envers les pécheurs,
dussent un grand nombre d’entre eux courir à leur perte. Ceux qui
admettent cela supposent que Dieu leur ressemble, que la perdition de
ses créatures le laisse indifférent. Pour eux, la troisième
demande est un appel adressé à Dieu pour qu’il se serve de sa
toute-puissance pour châtier ses ennemis, plutôt qu’une
supplication en faveur des rebelles, afin qu’ils soient amenés par
l’amour de Jésus à la vie bienheureuse.
Mais
les vrais disciples de Jésus prient comme lui, d’un cœur
sacerdotal, et demandent en son nom, chaque jour avec plus
d’insistance, que la volonté de Dieu s’accomplisse sur la terre
et que le plus grand nombre possible de pécheurs soient sauvés par
la foi en Jésus-Christ. Puissent ceux qui prient ainsi devenir de
plus en plus nombreux ! Il importe de ne pas oublier que les
croyants eux-mêmes, les disciples du Sauveur, doivent veiller à ce
qu’en toutes choses la volonté de Dieu s’accomplisse en eux. Ils
sont exposés à bien des tentations et bien des paroles de
l’Ecriture nous avertissent de la nécessité de prier le Père de
nous aider à accomplir sa volonté. Il est dit (1 Thessaloniciens
4.3) : « Ce que Dieu veut, c’est que vous vous
conserviez purs. » Et ailleurs (Romains 12.2) : « Ne
vous modelez pas sur le siècle présent, mais qu’il se fasse en
vous une métamorphose par le renouvellement de l’esprit, en sorte
que vous appréciiez ce qu’est la volonté de Dieu, combien elle
est bonne, agréable et parfaite. » Ailleurs encore (Hébreux
10.38) : « Vous avez besoin de persévérance, afin
qu’après avoir fait la volonté de Dieu, vous obteniez ce qui vous
est promis. » Et enfin la grave parole du Sauveur : « Ceux
qui me disent : Seigneur ! Seigneur ! n’entreront
pas tous au Royaume des cieux, mais ceux-là seulement qui font la
volonté de mon Père qui est dans les cieux. » Pour toutes les
choses dont ils savent qu’elles sont conformes à la volonté du
Père, les disciples de Jésus devraient être obéissants comme les
anges, afin que la terre ressemble de plus en plus au ciel où habite
le Seigneur. Pensons à cela aussi quand nous disons « Que ta
volonté soit faite sur la terre comme au ciel. »
Donne-nous
notre pain quotidien
Après
les demandes pour le Royaume, voici celles qui concernent plus
personnellement celui qui prie. N’oublions pas cependant qu’elles
expriment les besoins de tous, et n’oublions pas non plus que c’est
au sein du Royaume que les enfants du Royaume recevront toutes
choses. La quatrième demande dit : « Donne-nous
aujourd’hui notre pain quotidien ». Le Sauveur pense à ceux
qui n’ont pas le nécessaire, même pour la journée d’aujourd’hui.
Ceux qui ne sont pas dans cet extrême besoin ont le devoir de se
souvenir des autres moins bien partagés, qui ont peut-être des
enfants qu’ils ne savent comment nourrir. Il importe beaucoup que
celui qui ne manque de rien pense à tous ceux qui, à leur réveil,
se demandent d’où leur viendra la nourriture de la journée. Cette
pensée l’amènera à songer à bien des choses dont il pourra
s’occuper au cours de cette journée. Quand la demande que Jésus
met sur nos lèvres éveille dans nos cœurs la compassion pour les
autres et le désir de leur venir en aide, nous la disons dans son
esprit. Elle doit de plus, chez ceux qui sont bien situés, faire
naître la reconnaissance ainsi que la pensée que, pour eux aussi,
le jour pourrait venir où ils ne seront plus assurés du pain
quotidien.
Il
faut d’ailleurs remarquer que Jésus a enseigné la quatrième
demande d’abord à ses disciples immédiats qui voulaient apprendre
à prier. Lorsqu’il les envoyait en mission, leur pain quotidien
n’était pas assuré d’avance. Ils ne devaient rien emporter ni
se mettre en souci de rien, mais tout attendre chaque jour de la
bonté de Dieu. Sans inquiétude, ils devaient prier simplement :
« Père bien-aimé qui es au ciel, donne-nous aujourd’hui
aussi notre pain quotidien. » Ils priaient avec confiance et
ils ne manquaient de rien. Il en était ainsi déjà du vivant de
Jésus. Il leur disait (Luc 10.7-8) : « Demeurez dans
cette maison (où vous êtes entrés), mangez et buvez ce qu’on
vous donnera, car l’ouvrier mérite son salaire. » Et plus
tard il leur demanda (Luc 22.35) : « Lorsque je vous ai
envoyés, sans bourse, sans sac, ni sandales, avez- vous manqué de
quelque chose ? » —« Non, de rien,
répondirent-ils. » Donc ce sont surtout les ouvriers du
Seigneur qui n’ont pas à s’inquiéter, même lorsqu’il semble
que le pain quotidien va leur manquer. C’est pour eux tout
spécialement qu’est faite la quatrième demande. Il faut qu’ils
aient foi dans la parole (Matthieu 6.34) : « Cherchez
premièrement le Royaume et sa justice, et toutes ces choses (la
nourriture et le vêtement) vous seront don- nées par-dessus. »
Cependant,
à un point de vue plus général, le Notre Père appartient à tous
et dans la pensée du Sauveur, la quatrième demande est la prière
de tous ceux qui se trouvent dans le besoin. Il les encourage à
lever vers le Père céleste un regard confiant, sachant qu’il ne
les laissera pas manquer du nécessaire aujourd’hui, et de même
demain, puisqu’ils peuvent prier de même demain. Celui qui dit
cette demande avec une filiale confiance ne prie jamais en vain.
Mais
il arrive souvent qu’on s’imagine être dans le besoin et que,
même quand on est assuré du nécessaire pour le lendemain, on se
ronge de soucis pour l’avenir plus lointain. Le Sauveur nous défend
cela, déjà parce qu’aucun de nous ne sait combien de temps il
vivra et que chacun ne peut compter avec quelque certitude que sur la
journée commencée. Puisque tu vis et que tu dois vivre aujourd’hui,
tu auras ce qu’il te faut ; sur demain ferme les yeux.
Chez
la plupart des hommes le souci du pain va trop loin. Ils veulent pour
le moins assurer leur nourriture. Ce n’est pas un mal en soi et le
Sauveur ne les condamne pas. Il veut au contraire que l’homme soit
fidèle en ceci comme en toutes choses, qu’il ne laisse pas perdre
par légèreté, négligence ou paresse, ce que Dieu met dans sa
main. Il peut bien se servir de son intelligence pour chercher, en
demandant à Dieu de bénir son travail, à bien organiser l’avenir.
Mais s’il se tourmente outre mesure et se surmène pour être sûr
de réussir, s’il s’absorbe dans ses calculs anxieux et ne
sacrifie rien pour aider ceux qui sont dans le dénuement, il agit
directement contre l’esprit de la quatrième demande.
Même
quand les ressources semblent devenir insuffisantes, il faut savoir
se tranquilliser en se disant : « J’ai ce qu’il faut
pour aujourd’hui. » Le Sauveur veut, par la prière pour le
pain quotidien, réconforter ceux qui n’ont point de ressources
assurées en leur montrant les choses sous leur vrai jour. Il ne faut
pas qu’ils craignent de mourir de faim parce qu’ils ne voient pas
au-delà d’aujourd’hui.
Les plus pauvres sont souvent les moins
inquiets, parce qu’ils sont habitués à vivre au jour le jour. Ce
sont les gens de moyenne condition qui ont le plus de peine à éviter
le souci, surtout ceux qui ont vu des jours meilleurs et qui, dans le
besoin, sont plus timides que les pauvres de naissance. Qu’ils se
laissent enseigner par le Sauveur la quatrième demande, et que les
mieux situés pensent, quand ils prient, à ceux qui sont tombés
dans la pauvreté. Car ceux-ci méritent tout particulièrement qu’on
se souvienne d’eux, et la prière compatissante ne sera pas dite en
vain.
Les
pécheurs aussi peuvent-ils être exaucés en demandant le pain
quotidien ? Certainement, car il faut remarquer que la demande
pour le pardon des péchés ne précède pas, mais suit la quatrième.
Donc il est permis à celui qui n’a pas encore obtenu le pardon, de
demander le pain quotidien. Comme nous sommes tous pécheurs et
pourrions par suite craindre qu’à cause de nos péchés le pain
nous soit refusé, le rang qu’occupe la quatrième demande peut
nous faire souvenir de la parole de Jésus (Matthieu 5.45) :
« Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons,
et il répand sa pluie sur les justes et sur les injustes. » Et
de cette autre (Luc 6.35) : « Il est bon envers les
ingrats et les méchants. »
Tout
homme, quel qu’il soit, peut demander le pain quotidien, et la
prière confiante ne fait pas appel en vain à la bienveillance du
Père. Son regard paternel s’arrête sur celui qui le supplie,
comme sur Agar à qui il montra le puits où elle puisa pour
désaltérer Ismaël (Genèse 21.19). Dieu ne manque jamais de moyens
pour venir en aide à ceux qui l’implorent. Il a fait nourrir par
les corbeaux le prophète Elie (1 Rois 17.4) ; il a fait dire à
la veuve : « La farine qui est dans le pot ne manquera
point et l’huile qui est dans la cruche ne diminuera point. »
(1 Rois 17.14). Avec quelques pains il a nourri des milliers, pour
qu’ils ne meurent pas de faim dans le désert. Il a fait tomber du
ciel la manne pour donner le pain quotidien aux bons et aux méchants.
Il sait faire des miracles quand il le juge nécessaire, il sait en
tous cas tout conduire de manière à ce que sa main paternelle soit
bien reconnaissable. Qui n’en a vu des exemples ?
Nous
avons déjà dit que le Sauveur nous enseigne à ne demander notre
pain que pour aujourd’hui, parce que nous ne savons pas si nous
vivrons demain ni plus tard. Sa pensée est plus profonde que la
nôtre. Nous avons l’air de croire que nous vivrons ici-bas une
éternité, et ce sont souvent les vieillards qui craignent le plus
de manquer du nécessaire avant de mourir. Pauvres insensés que nous
sommes, de nous mettre en souci du pain de demain, alors que notre
vie est si précaire. Pense chaque jour, en demandant ton pain, à ta
mort, et n’envisage pas le lendemain ni l’avenir plus lointain
avec inquiétude. Aujourd’hui tu peux encore compter vivre et tu
peux dire au Père céleste . « Puisque je vis, donne-moi ce
dont j’ai besoin pour vivre. » Il y a des gens qui se
désespèrent parce qu’ils ont peur de n’avoir plus de quoi vivre
demain ou après-demain, ou dans quelques semaines. Plus d’un qui
tient à la main le pain d’aujourd’hui, se laisse entraîner à
s’ôter la vie, de peur de ne plus vivre demain. La veuve de
Sarepta, païenne pourtant, n’a pas agi ainsi. Elle a voulu
préparer et manger ce qui lui restait, et ensuite seulement attendre
la mort par la faim.
Il
est arrivé qu’on a trouvé de fortes sommes d’argent chez les
désespérés qui s’étaient tués par excès de souci. Ils ne
connaissaient pas sans doute la quatrième demande, ou ils n’ont
jamais su prier. A la considérer de près, cette demande renferme
une prière pour la vie. De même que nous devons persévérer dans
la confiance d’obtenir notre pain quotidien, nous devons prier pour
que la vie nous soit conservée. Si nous venons à manquer de pain,
c’est-à-dire en général de nourriture, notre vie est en danger,
et il nous faut tous les jours, en demandant le pain, la demander
aussi, même si elle est pénible. Elle doit nous être précieuse.
Le
malade qui ne peut pas manger, peut cependant demander son pain,
c’est-à-dire des remèdes qui raniment sa vie. Nous ne devons pas
souhaiter de mourir vite pour échapper à toutes les tribulations.
Il est vrai que plus d’un peut être las de la vie, en se voyant
exposé à manquer de pain, mais il ne doit pas l’être, puisque
c’est Dieu qui la lui donne chaque jour. Dieu d’ailleurs ne
laisse pas dans l’extrême besoin ceux qui ont confiance en lui.
« J’ai été jeune et j’ai vieilli, dit David (Psaume
37.25), et je n’ai point vu le juste abandonné ni sa postérité
mendiant son pain. » Il peut arriver que le Seigneur nous
tienne court, pour mettre notre foi à l’épreuve, mais l’épreuve
ne dure pas toujours. Avec Dieu, il est bien facile de conserver sa
vie, sans aucun souci. Car finalement, quand nous ne pouvons plus
avoir soin de nous-mêmes, le Seigneur a d’autant plus soin de
nous, pourvu que nous sachions le prier.
Il
a, si j’ose dire ainsi, l’ouïe très fine pour tous les affamés,
les altérés, les misérables quels qu’ils soient, surtout quand
leur détresse est à son comble. Que ne sommes-nous à tous égards
les véritables enfants du Père qui est dans les cieux !
Pardonne-nous
nos péchés
Selon
Matthieu : « Remets-nous nos dettes, comme nous remettons
(ou avons remis) leurs dettes à nos débiteurs ». Selon Luc :
« Pardonne-nous nos péchés, comme nous aussi nous pardonnons
à ceux qui nous ont offensés ». Rappelons-nous que Jésus
enseigne à prier à ses disciples qui ne doivent plus, en se
présentant devant Dieu, être aussi lourdement chargés de péchés
que les inconvertis, ni garder rancune, dans leur cœur, à ceux qui
les ont offensés. Ils doivent savoir que leurs péchés sont
pardonnés et il ne doit pas arriver que dans leurs prières, après
les grandes demandes pour le Royaume, ils aient à s’accuser devant
Dieu de péchés très graves. Sous les dettes (selon Matthieu) comme
sous les péchés (selon Luc), il faut comprendre plutôt des
offenses moins graves, des manquements par inattention ou faiblesse,
qui peuvent se produire chez les disciples de Jésus.
Un
vrai disciple ne devrait jamais avoir à se reprocher que des
négligences involontaires par rapport à ce qu’il doit à Dieu et
à son prochain. Il ne faut pas qu’il se sente accablé par ces
fautes, mais il ne doit pas non plus les passer sous silence devant
Dieu, car il en augmenterait ainsi la gravité. Les fautes auxquelles
nous ne prenons pas garde peuvent devenir très importantes aux yeux
de Dieu, tandis qu’il pardonne les mêmes fautes à ceux qui les
confessent sincèrement. Si cependant il arrive à un chrétien, à
un enfant de Dieu, converti et croyant, de se laisser entraîner à
un péché grave, il ne peut pas s’en libérer en disant simplement
un Notre Père. Il faut qu’il se repente sérieusement qu’il
confesse son péché, pour ne pas en rester intérieurement captif.
La cinquième demande renferme une proposition complémentaire qui
doit nous enseigner que le pardon ne peut nous être accordé qu’à
une condition qui est absolue : « Comme nous remettons
leurs dettes à nos débiteurs. »
Il
ne suffit pas de nous repentir de nos propres fautes, nous ne devons
pas garder le moindre reste de rancune contre l’un ou l’autre de
ceux qui peuvent avoir commis des fautes envers nous. Souvent nous ne
nous rendons compte de nos mauvais sentiments qu’à la vue du
débiteur, mais l’amertume n’en réside pas moins au fond de
notre cœur. La cinquième demande doit nous empêcher de penser que
le pardon va toujours de soi et de prendre nos péchés à la légère.
Nous avons besoin de la rémission de toutes nos dettes petites ou
grandes, que ce soient de simples erreurs et négligences ou des
fautes graves. Mais d’autre part il ne faut pas perdre courage, si
dans un monde plein de tentations, nous tombons par manque de
vigilance dans quelque faute. Le pardon ne nous est pas refusé,
pourvu que nous regardions sincèrement, notre faute en face, que
nous en reconnaissions le danger et qu’en disant :
« Remets-nous nos dettes, ô notre bon Père céleste, »
nous soyons décidés à lutter vaillamment contre elle. Dieu
pardonne volontiers aux sincères qui ne veulent pas laisser
subsister le mal à côté du bien, car il est miséricordieux.
Les
mots : « Comme nous avons remis leurs dettes à nos
débiteurs », ne sont pas l’expression d’un droit. Ils ne
signifient pas que Dieu nous doit le pardon, parce que nous avons
pardonné. En les comprenant ainsi, nous aurions l’air de croire
que le pardon est dû à nos mérites et nous prierions dans un
méprisable sentiment de justice propre. Le sens de ces mots est que
nous ne devons pas oser implorer pour nous le pardon de Dieu, si
nous-mêmes ne pardonnons pas. Si, avec un cœur plein de rancune
nous prions pour que nos autres péchés nous soient pardonnés, Dieu
ne serait-il pas forcé de se détourner de nous et de nous infliger
un châtiment pour notre impudence de lui demander pour nous ce que
nous refusons aux autres.
Que
de fois, tous les jours, le Notre-Père est dit en vain, parce que le
dépit, la colère, la soif de vengeance, l’amertume, l’inimitié
restent dans nos cœurs, pendant que nous prions ! Garde-toi de
dire un Notre Père qui ne peut qu’aggraver tes fautes aux yeux de
Dieu ! Remarquons bien encore que le Sauveur ne nous enseigne
pas à dire que nous pardonnerons après que Dieu nous aura pardonné,
en reconnaissance de son pardon, pour ainsi dire. Le sens de la
cinquième demande, tel qu’il ressort d’une traduction exacte,
est que nous avons déjà pardonné, que nous nous présentons devant
Dieu sans animosité ni amertume, sans rancune contre personne. S’il
t’est trop difficile de vaincre tout mauvais sentiment contre ton
prochain, si tu ne peux pas dire en toute sincérité : « Comme
nous pardonnons, » tu peux prier ainsi : « Aide-moi,
ô Père céleste, à bannir de mon cœur toute inimitié, car tel
est mon sincère désir. » Si tu lui adresses cette prière
avec recueillement, le Père qui est au ciel t’écoutera avec
bienveillance et t’exaucera.
L’importance
que le Sauveur met à ce que nous pardonnions, nous est prouvée par
ces paroles qui suivent le Notre-Père : « Si vous
pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous
pardonnera aussi les vôtres ; mais si vous ne pardonnez pas aux
hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos offenses. »
Il est question ici d’offenses quelconques. Nous ne devons pas
regarder comme très graves les fautes des autres envers nous, mais
les juger avec indulgence et dire avec le Sauveur : « Ils
ne savent ce qu’ils font. » Des péchés graves ne devraient
plus se trouver chez les disciples de Jésus, mais quels qu’ils
soient, ils ne peuvent être pardonnés si nous nous montrons durs et
impitoyables envers nos semblables. Le miséricordieux seul obtiendra
miséricorde, et la plus grande miséricorde est d’avoir pitié de
ceux qui ont péché contre nous. Souvent ils sentent combien ils
sont coupables et ils en sont malheureux. Ne devrions-nous pas les
rassurer et les consoler ? Et si notre débiteur ne reconnaît
pas sa dette, et que nous lui témoignions de la bonté, nous
amasserons sur sa tête des charbons de feu qui feront fondre dans
l’amour son cœur que la haine avait rendu dur comme la pierre. Au
dernier jour, quand le pécheur se présentera devant Dieu, il lui
sera demandé s’il a pardonné à ceux qui l’ont offensé, ou
s’il a cherché à se venger d’eux. Puissent tous les hommes, et
avant tout les disciples de Jésus, acquérir la sagesse !
Ne
nous induis pas en tentation
Nous
considérerons la sixième demande à part de la septième, suivant
l’ancien usage. « Et ne nous induis point en tentation ».
Le mot et que l’on oublie assez souvent, n’est pas sans
importance, il relie cette demande à la précédente. Après avoir
sollicité la rémission de nos dettes, nous demandons à ne pas en
contracter de nouvelles, car chaque fois que nous avons imploré le
pardon, nous devons avoir le désir sincère de ne pas pécher de
nouveau, donc d’être préservés de la tentation. Or la tentation
est d’autant plus forte qu’on est déjà tombé dans un péché,
selon la parole : « Celui qui commet le péché en est
l’esclave, » c’est-à-dire qu’il y est en quelque sorte
enchaîné et se laisse attirer par lui. Il faut donc qu’en
demandant le pardon des péchés habituels en particulier, on se
préoccupe de l’avenir. Tenons compte de ce que nous enseigne le
petit mot et au début de la demande : « Ne
nous induis point en tentation. » Cette demande a d’ailleurs
besoin d’être approfondie. Elle nous fait involontairement penser
au tentateur ; c’est comme si nous disions : « Ne
nous livre pas au pouvoir du tentateur. »
Elle
nous rappelle aussi la tentation de Jésus. « Il fut conduit,
est-il dit, par l’esprit dans le désert pour être tenté par le
diable. » La preuve devait être faite qu’il ne pouvait, être
tenté même par le diable. La tentation n’était pas pour lui dont
le cœur était pur, le danger qu’elle est pour nous dont le cœur
recèle toujours un fond de perversité. « C’est du cœur que
sortent les mauvaises pensées, le libertinage, les vols, les
meurtres, les adultères, la rapacité, la malhonnêteté, la
fourberie, le dérèglement, le regard envieux, la calomnie,
l’orgueil, la déraison. »
Les
mauvais penchants qui sommeillent en nous n’attendent, que
l’occasion de se manifester. Il y a dans l’homme des germes de
ténèbres et ce monde démoniaque de la postérité du serpent est
appelé à la vie par la tentation. Nous ne devons pas devenir ses
esclaves, mais lui résister ainsi que nous y exhorte saint Paul
(Romains 6.12-13) : « Que le péché ne règne donc point
dans votre corps mortel, de sorte que vous obéissiez à ses
passions, et n’abandonnez pas vos membres au péché, comme (les
instruments de perversité. Mais donnez-vous vous-mêmes à Dieu,
comme étant vivants, de morts que vous étiez, et consacrez-lui vos
membres comme des instruments de justice. »
Si
nous sommes des disciples de Jésus, nous pouvons résister au mal
qui est en nous, l’empêcher de prendre vie, même s’il nous
agite extérieurement. Mais si une tentation extérieure vient
réveiller le démon qui sommeille, il est très possible que nous
succombions. C’est pourquoi nous prions : « Ne nous
induis pas en tentation », demandant ainsi que la tentation ne
dépasse pas nos forces. Il n’y a donc pas de contradiction entre
la sixième demande et les paroles de saint Jacques, quand il dit
(Jacques 1.13-15) : « Que personne, lorsqu’il est tenté,
ne dise : C’est Dieu qui me tente ; car Dieu ne peut être
tenté par le mal et il ne tente lui-même personne. Chacun est tenté
quand il est attiré et amorcé par sa propre convoitise, puis la
convoitise ayant conçu, enfante le péché ; et le péché
étant consommé, enfante la mort. »
La
tentation se produit donc lorsque la convoitise qui dort dans l’homme
l’attire et l’amorce, ce qui n’arrive pas facilement de
soi-même chez un disciple de Jésus, sans occasion extérieure, et
nous demandons à Dieu d’éloigner de nous les occasions de chute,
de nous empêcher de tomber dans les pièges qui nous sont tendus. Il
importe d’envisager ainsi la sixième demande, elle nous avertit de
ne pas nous hasarder avec insouciance dans le monde dont nous ne
connaissons pas les dangers, sans être bien armés intérieurement
et sans nous placer sous la protection de Dieu.
Pour
celui qui est tombé déjà dans le péché, la sixième demande a
une importance toute spéciale. Il se laisse tenter d’autant plus
facilement qu’il a péché plus souvent, car le germe mauvais une
fois vivifié, se développe rapidement. La tentation peut venir par
nos semblables, ou bien par des événements qui effrayent ou
réjouissent vivement, qui nous émeuvent d’une manière quelconque
et nous excitent à la colère, au dépit, à la rapacité, au
dérèglement, à la déraison, à toutes sortes de pensées et
d’actes mauvais.
Quand
la vie est paisible et unie, le mal reste généralement assoupi dans
le cœur de l’homme, mais le tentateur peut très vite attiser le
feu qui couve et faire se produire au dehors tous les mauvais
instincts. La demande : « Ne nous induis pas en
tentation », renferme avec une prière renouvelée et plus
instante pour le pardon de nos péchés, l’expression de notre
connaissance de nous-mêmes et de notre sincère repentir. Celui qui
a déjà péché doit d’autant plus craindre le pé- ché et
supplier Dieu de l’en préserver. Il peut compter sur l’exaucement
si sa prière est sérieuse, c’est-à-dire si son repentir est
assez profond pour qu’il évite lui-même la tentation autant que
cela est en son pouvoir.
Mais
beaucoup semblent plutôt la rechercher. Ils vont, pleins
d’assurance, dans des endroits dangereux où les tentations
foisonnent, et ils en veulent à ceux qui les avertissent, ils sont
blessés de ce qu’on n’ait pas confiance en eux. Ils veulent tout
voir, lisent les livres les plus éhontés, les plus impudiques,
n’évitent pas les mauvaises sociétés et ne veulent pas croire
qu’ils puissent être entraînés au péché. Mais ne
réveillent-ils pas le démon de la convoitise ? Et ils
continuent de prier étourdiment : « Ne nous induis pas en
tentation. » La prière peut aussi signifier :
« Préserve-nous des situations d’où peuvent naître des
tentations. » Etre trop riche, ou trop pauvre, ou trop malade,
ou trop malheureux pour n’importe quel motif, ce sont de nombreuses
occasions de tentation et de péché.
On
est tenté surtout de s’aider soi-même par de mauvais moyens. On
se dit que dans la détresse tout est permis, qu’il faut s’aider
comme on peut. Quelques-uns vont jusqu’à recourir à la magie ou à
d’autres pratiques défendues. D’autres ont recours à
l’imposture, au jeu, à toutes sortes de fourberies. Il y en a qui
sont tentés de s’ôter la vie. Mais ce n’est jamais sans raison
que la tentation prend tant de force ; on a généralement péché
dans le passé, on a mal agi en d’autres occasions, dans des
circonstances moins graves, et alors, pour éprouver celui qui se
croit converti, Dieu permet la tentation plus forte. En ce sens on
peut prendre à la lettre la prière : « Ne nous induis
point en tentation. » Nous pouvons demander à Dieu de nous
épargner cette épreuve et nous devons être reconnaissants au
Sauveur de nous avoir enseigné la sixième demande : nous
savons que Dieu exauce les prières sincères. Nous voyons clairement
par tout ce qui précède combien il est nécessaire d’obtenir le
pardon complet de ses péchés et comment nous devons prier Dieu de
ne plus se souvenir de nos fautes passées et de ne pas nous éprouver
par des tentations nouvelles. Puissions-nous apprendre à lutter
sérieusement contre le péché et nous laisser purifier par le sang
de Christ !
Délivre-nous
du malin
Mais
délivre-nous du mal ». Nous avons déjà remarqué que cette
demande est considérée ailleurs comme faisant partie de la sixième.
Il y a cependant entre elles une différence assez notable. En
disant : « Ne nous induis pas en tentation », nous
prions Dieu de nous préserver des embûches du tentateur, mais la
puissance de celui-ci subsiste. Quand nous ajoutons : « Mais
délivre-nous du mal », nous demandons la délivrance complète
et définitive de la tentation, la destruction de la puissance du
tentateur. La forme employée dans le texte grec ne signifie pas une
délivrance momentanée, provisoire, mais un acte définitif qui
libère une fois pour toutes. Ainsi la septième demande est encore
une prière pour le Royaume et doit exprimer notre désir de voir
venir le temps où la victoire sur le mal sera décisive et durable.
Le mot mal traduit d’ailleurs, décrit imparfaitement le sens de la
demande. Elle signifie exactement : « Délivre-nous du
malin », c’est-à-dire du tentateur. La dernière demande
rappelle encore que finalement Satan qui se pose en prince de ce
monde, devra perdre son empire, que toute sa puissance sera anéantie
et lui-même écrasé sous nos pieds par la puissance de Dieu
(Romains 16.20).
Tant
que le monde restera soumis au malin, le Royaume de Dieu ne sera pas
complètement établi sur terre, la création ne connaîtra pas la
paix. Le Christ a combattu le malin, il a triomphé de lui, par sa
mort même il l’a condamné, mais il ne l’a pas entièrement
exclu de ce monde et il faut que ses disciples continuent le combat
pour parfaire son œuvre. Il règne à la droite de Dieu, et il
mettra tous ses ennemis sous ses pieds (Psaume 110.1). Ainsi que le
dit saint Paul (1 Corinthiens 15.24) : « Il se soumettra
toute principauté, toute autorité et puissance », en un mot
tout ce qui s’élève contre Dieu et ses rachetés.
Il
faut que nos efforts aussi concourent à ce but, que nous ne
laissions pas de trêve au règne du malin et que nous ne cessions de
supplier Dieu dans nos prières, d’y mettre fin. Mais en outre nous
avons aussi le devoir de lui résister nous-mêmes, de le combattre
par la foi en Christ le vainqueur, si nous voulons vraiment être
délivrés, avec toute la création, du mal et du malin. Si la
chrétienté avait toujours été fidèle à ce devoir, l’empire du
malin pourrait avoir pris fin déjà, la délivrance définitive
pourrait être accomplie. Elle est encore à venir, mais les combats
cachés des serviteurs fidèles du Seigneur pré- parent son triomphe
final. Il apparaîtra dans toute sa puissance et libérera pour
toujours la créature asservie et gémissante. Alors Dieu sera tout
en tous, la prière pour la délivrance de tout mal étant
complètement exaucée.
Le
règne, la puissance et la gloire
Car
c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la
gloire, éternellement. Amen. » Les dernières demandes nous
ont ramenés à la grande cause du Royaume de Dieu, en nous rappelant
la lutte contre l’empire du malin qui est aussi l’auteur des
tentations. De même les paroles qui terminent la prière expriment
la confiance absolue dans l’appui du Père céleste qui soutient
ses enfants dans leur lutte pour le triomphe de cette cause. La
conviction de la certitude de la victoire nous donne seule le droit
de nous présenter devant Dieu avec les sept demandes, de vivre pour
ainsi dire en elles. Pour faire nôtre la prière du Royaume, il faut
que nous ayons aperçu par la foi le règne, la puissance et la
gloire du Père, comme les disciples les ont vus apparaître en
Jésus, les ont connus par lui et reçus dans leur cœur.
Il
n’y a en réalité que lui qui puisse dire cette prière
parfaitement. Les sept demandes sont les soupirs du Sauveur qui se
tient au milieu des pécheurs et de leur misère et prie avec eux.
Ses vrais disciples prient comme lui, avec une ferveur d’autant
plus grande que le “Sauveur leur a fait mieux apercevoir le règne,
la puissance et la gloire du Père. Ce serait donc se séparer de
Jésus si on voulait supprimer le Notre Père. Plus tu es parfait,
plus tu dois appeler de tes vœux le règne de Dieu, car toutes les
puissances de ce monde te sont ennemies. « A toi le règne,
Père bien-aimé qui es aux cieux ! Je suis assuré que nul,
hors de toi, n’a le droit de régner sur les hommes, et tant que je
verrai régner le monde et le malin et la chair, je prierai pour que
ton règne vienne, et je répéterai avec confiance, après le
Sauveur, les demandes pour ton Royaume ».
C’est
là ce que pense le disciple de Jésus. Ou bien pouvons-nous entendre
avec indifférence mépriser le nom de Dieu, voir les hommes placer
plus haut les choses de la terre et d’autres noms ? Ne nous
tromperions-nous pas nous-mêmes en nous laissant dominer par une
autre puissance que celle du Père céleste, comme si d’autres que
lui pouvaient nous dispenser la félicité ? Et si je me sens
moi-même sous sa garde, puis-je ne pas m’émouvoir de ce que
d’autres hommes soient encore dupes du péché et de la puissance
du monde ? Le Royaume de Dieu, notre Père, n’a-t-il pas seul
le droit d’exister? Oui,
nous souffrons de voir d’autres puissances régner à côté de
lui, et nous apprenons à prier : « Que ton règne
vienne ! » « Viens, Seigneur Jésus, toi qui règnes
pour la gloire de Dieu le Père, détruis les autres royaumes. »
Il faut que Dieu intervienne pour renouveler la terre, et la parole
pleine de foi et d’assurance : « C’est à toi
qu’appartient le règne », renferme l’ardent désir et
l’attente de son règne. Alors aussi la volonté du Père sera
faite sur la terre comme au ciel : toutes les volontés des
hommes, jusque-là égoïstes et obstinées, se soumettront à la
volonté du Père qui régnera par son amour sur tous. Cela sera
certainement, car « C’est à toi qu’appartient le règne. »
Exauce notre prière, la prière du Sauveur. « A toi appartient
aussi la puissance. » Nous savons que nous ne prions pas en
vain, car toutes choses sont possibles à notre Père céleste. Il
peut nous exaucer magnifiquement, si nous le prions en vrais
adhérents du Royaume, en serviteurs de Jésus. Il a la puissance
d’établir son règne, comme de nous dispenser ce dont nous avons
besoin chaque jour, il peut aussi bien nous donner notre pain
quotidien que pardonner nos péchés, nous préserver de la tentation
et nous délivrer du mal. En Jésus nous apercevons la puissance du
Père révélée sur la terre pour le salut de tous. Jésus n’est-il
pas vainqueur en toutes choses ? Douterions-nous qu’il soit
victorieux jusqu’au bout et établisse le règne de son Père ?
Jamais !
Nous
connaissons la puissance de Dieu, nous l’avons vue à l’œuvre et
c’est avec joie que nous nous joignons à la prière du Seigneur et
faisons nôtre la grande cause, car nous savons que tout doit et peut
s’accomplir par la puissance infinie de Dieu le Père. « A
toi appartient aussi la gloire », telle est l’affirmation
finale. A lui sont la louange, l’honneur et la gloire, et toutes
les créatures qui vivent et se meuvent en lui, annoncent cette
gloire de Dieu.
Mais
dans le monde pécheur, beaucoup de créatures ne connaissent plus
Dieu et ne glorifient plus son nom, souvent même le déshonorent.
Elles n’ont pour lui ni reconnaissance, ni louange, et ne
l’implorent jamais. Elles se glorifient elles-mêmes aussi
longtemps qu’elles le peuvent, et elles finissent par tomber dans
l’opprobre parce que la gloire de Dieu qu’elles n’ont pas
reconnue, n’est pas trouvée en elles. Cela peut-il durer ?
Oh ! non. « A toi, Père céleste, la gloire. Il faut que
tout ce qui vit te glorifie. En toi nous avons la vie, le mouvement
et l’être, avec toutes les créatures ». Nous savons que le
jour viendra où ceci sera révélé à tous et nous prions avec le
Sauveur, le premier-né de toutes les créatures, en qui toutes
naîtront de nouveau par la foi, pour que toute la création rayonne
à nouveau la gloire de Dieu et que le nom du Père soit répété et
glorifié dans le monde entier. Ainsi la parole : « A toi
appartient la gloire », exprime notre foi dans la révélation
finale de la gloire du Père par toute la création.
La
perspective de cette gloire vers laquelle nous marchons nous rassure
au milieu des terribles combats qui nous sont encore imposés, car
c’est « éternellement » que tout sera bien. Quelle
consolation de se dire, en levant les yeux vers le Père céleste,
que son règne, sa puissance et sa gloire, toutes ces choses
excellentes dureront éternellement. Tous les royaumes du monde, avec
leur grandeur, leur puissance, leur faste, sont bien misérables en
comparaison.
Car
de tout temps tout a trouvé sa fin, et parfois une fin d’autant
plus terrible que l’on s’était éloignés davantage de la gloire
du Dieu paternel. Le monde peut périr, notre Dieu fort demeure.
C’est le cœur paisible que nous disons : « Amen »,
c’est-à-dire : « En vérité, cela sera. » Luther
traduit : « Oui, oui, qu’il en soit ainsi ! ».
Oui, il en sera ainsi : Ce que les fidèles disciples de Jésus
demandent chaque jour d’un cœur fervent, pour la glorification du
Père, s’accomplira. Toute la création se réjouit, au milieu de
tous ses soupirs, de la gloire à venir que Dieu déploiera et
révélera à ses yeux.
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Textes choisis des écrits de Christophe Blumhardt, fils de Jean-Christophe Blumhardt, Les disciples de Jésus nous indique la voie du disciple en révélant le Roi que nous suivons, la communauté dont nous appartenons et les règles qui gèrent la vie du disciple de Jésus-Christ.
Avec
un Avant-propos d’Armand Lederlin.
Dans
Jean-Christophe Blumhardt — homme de grande foi nous sommes
face-à-face avec un homme qui prenait au sérieux les promesses de
l’évangile. A partir du repentir, il réalisait un renouveau dans
sa paroisse sans précédant, suivi par des miracles et guérisons.
L’influence de cet homme de Dieu retentit jusqu’à nos jours.
Pourquoi
nous vivons en communauté (1927) d’Eberhard Arnold et La
communauté fraternelle (1650) d’Andreas Ehrenpreis, soulignent
l’importance de l’engagement que nous nouons avec nos sœurs et
frères en Christ. Selon Ehrenpreis, la vie en communauté est la
plus grande exigence de l’amour.
Eberhard
Arnold — conférencier, écrivain et pasteur — fut le fondateur
du mouvement dit Bruderhof, fondé à Sannerz en Allemagne en 1920.
Eberhard Arnold — sa vie, son témoignage contient une brève
biographie, écrite par Emmy Arnold, ainsi que des extraits des
conférence, écrits et lettres d’Arnold.
Autres
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