Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com
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Sermon 53 : A L'OCCASION DE LA MORT DE GEORGE WHITEFIELD
Nombres
23,10 (1770)
Que je meure de la mort des hommes droits, et que ma fin soit semblable à la leur (Nombre 23:10)
Sermon
prêché par deux fois le dimanche 18 novembre 1770, dans deux
chapelles de Londres, et une troisième fois, le 23, dans la ville de
Greenwich. George Whitefield, né en 1714, fut un des premiers
associés de J. Wesley à Oxford. Pour les détails, voir John
Wesley, sa vie et son œuvre, par Matthieu. Lelièvre, 2° édit.
« Que
ma fin soit semblable à la sienne ! » Tel est, à coup
sûr, le vœu formé par beaucoup d'entre vous. Peut-être n'y en
a-t-il guère, dans cette nombreuse assemblée, qui ne le fassent
pas. Puisse ce désir s'entretenir en vous, et ne jamais cesser
jusqu'à ce que vous soyez parvenus, vous aussi, « là où les
méchants ne tourmentent plus personne, et où ceux qui sont fatigués
se reposent ! (Job 3 : 17) »
Dans
les circonstances spéciales qui nous réunissent, vous ne vous
attendez pas à une étude complète de notre texte. Cela
détournerait trop longtemps vos pensées de l'objet qui les remplit,
objet triste et doux en même temps, le souvenir de celui en qui vous
avez chéri un frère, un ami, un pasteur, je pourrais dire un père ;
car combien n'y en a- t-il pas ici qu'il a « engendrés en
Jésus-Christ (1 Corinthiens 4 : 15) ? » Ce discours sera sans doute
plus en rapport avec vos préoccupations et avec la solennité de la
circonstance, si nous nous entretenons immédiatement de l'homme de
Dieu qui, si souvent, vous a adressé la parole dans ce lieu de
culte, et dont la vie se résume, vous le savez, dans ces mots :
« Jésus-Christ est le même hier, aujourd'hui et
éternellement ! (Hébreux 13 : 8) »
Il
convient donc que d'abord nous rappelions quelques-uns des traits de
sa vie et de sa mort ; qu'ensuite nous disions quelque chose de
ses qualités distinctives ; et enfin que nous cherchions à
profiter de l'événement solennel qui vient de l'enlever
soudainement du milieu de nous.
I
Rappelons
d'abord quelques détails relatifs à sa vie et à sa mort. Il naquit
à Gloucester, en décembre 1714, et, à l'âge de douze ans, il
entra dans l'école secondaire de cette ville. Il avait dix-sept ans
lorsqu'il commença à s'occuper sérieusement de religion et à
servir Dieu du mieux qu'il savait. Vers l'âge de dix-huit ans, il se
rendit à l'université d'Oxford, et fut admis dans le collège de
Pembroque. Un an plus tard, il faisait connaissance avec ceux qu'on
appelait les méthodistes et, à partir du premier jour, il les aima
comme sa propre âme.
Ce
fut par leur moyen qu'il arriva à la conviction qu'il nous faut
naître de nouveau, ou bien notre religion n'étant qu'extérieure,
ne nous servira de rien. Il s'associa avec eux pour jeûner, le
mercredi et le vendredi, pour visiter les malades et les prisonniers,
et pour « ramasser les miettes (Jean 6 : 12) » du
temps, afin qu'aucun moment ne se perdit. Il modifia la direction de
ses études et se mit à lire surtout des livres qui allaient droit
au cœur de la religion, qui menaient directement à connaître par
expérience Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié.
Bientôt
il fut éprouvé comme par une fournaise. Non seulement il dut faire
le sacrifice de sa réputation et voir quelques-uns de ses meilleurs
amis lui tourner le clos, mais il passa par des épreuves
intérieures, extrêmement
pénibles. Il resta sans dormir pendant bien des nuits ; et,
pendant bien des jours, il demeura prosterné sur le sol. Mais, après
avoir gémi plusieurs mois sous le joug de « l'esprit de
servitude » ; il sentit que Dieu enlevait son fardeau écrasant
et lui donnait « l'Esprit d'adoption (Romains 8 : 15) »,
en lui faisant la grâce de s'attacher ; par une foi vivante, à
« son Fils bien-aimé (Colossiens 1 : 13) »
On
crut qu'un changement d'air était nécessaire pour le rétablissement
de sa santé, qui avait beaucoup souffert, et il se rendit à
Gloucester, où Dieu lui accorda de contribuer à réveiller
plusieurs jeunes personnes. Celles-ci formèrent bientôt, en se
groupant, une petite société ; ce furent là les prémices de
son ministère. Peu de temps après, il commença à faire, deux ou
trois fois par semaine, des lectures à quelques pauvres gens de la
ville, et chaque jour il allait lire et prier avec ceux qui étaient
détenus dans la prison du comté.
Il
avait alors environ vingt et un ans, et on le pressait d'entrer dans
les rangs du clergé. Mais il hésitait fort à le faire, se sentant
insuffisant pour cette œuvre. L'évêque le fit appeler et lui dit :
« J'avais résolu de ne consacrer personne avant l'âge de
vingt-trois ans ; mais je vous consacrerai dès que vous
voudrez ». Cela, joint à diverses autres circonstances
providentielles, le décida à accepter, et il fut consacré le
dimanche de la Trinité 1736 (Dimanche après celui de Pentecôte).
Le dimanche suivant, il prêcha devant un auditoire très nombreux,
dans l'église même où il avait été baptisé. Dans la semaine qui
suivit, il retourna à Oxford et y prit son grade de bachelier. A
partir de ce moment, il trouva là abondance d'occupations ; car
c'était surtout à lui qu'on laissait le soin des pauvres et des
prisonniers.
Mais,
peu de temps après, il fut invité à aller remplacer à Londres un
de ses amis qui se rendait, à la campagne. Il y passa deux mois,
pendant lesquels il logeait à la Tour de Londres ; et, deux
fois par semaine, il présidait un service liturgique dans la
chapelle de la Tour ; il y faisait le catéchisme et y prêchait
une fois, et de plus il visitait les soldats dans leurs casernes et à
l'infirmerie. Outre cela, il tenait chaque soir un culte dans la
chapelle de Wapping, et chaque mardi il prêchait, dans la prison de
Ludgate. Tandis qu'il était à Londres, il reçut de ses amis qui
étaient en Géorgie (Les deux frères Wesley étaient partis comme
chapelains de la nouvelle colonie qui s'était formée en Géorgie,
(Amérique du Nord) ) des
lettres qui lui firent désirer d'y aller pour les aider ; mais,
n'étant, pas bien convaincu que Dieu l'y appelât, il retourna, au
bout de ces deux mois, à Oxford, pour y reprendre sa petite œuvre.
Plusieurs jeunes gens s'y réunissaient tous les jours dans son
appartement, pour s'affermir mutuellement dans leur très sainte foi.
Mais
il dut bientôt tout quitter, étant appelé à desservir
temporairement la paroisse de Dummer, dans le Hampshire. Dans cette
Eglise, il présidait un culte deux fois par jour, le matin de bonne
heure et le soir quand les gens étaient de retour de leurs travaux.
Chaque jour aussi, il donnait une instruction religieuse aux enfants
et visitait les familles « de maison en maison (Actes 20 :
20) ». A. cette époque, il divisait sa journée en trois
portions : huit heures pour le sommeil ou les repas, huit heures
pour l'étude et le recueillement, huit heures pour le culte public,
les catéchismes et les visites. Un serviteur fidèle de Jésus-Christ
et de son Eglise pourrait-il mieux agir ? Si l'on admet que
c'est impossible, alors nous dirons : « Va et fais de
même ! (Luc 10 : 37) »
Mais
la pensée qu'il devait aller à l'étranger le poursuivait. Etant à
ce moment-là bien convaincu que Dieu l'y appelait, il lit tous ses
préparatifs et se rendit à Gloucester, en janvier 1737, pour y
prendre congé de ses amis. Ce fut au cours de ce voyage que Dieu
commença a bénir extraordinairement son ministère. Partout où il
prêcha, à Gloucester, à Stotnehouse, à Bath, à Bristol, des
foules d'auditeurs accoururent, à tel point qu'on pouvait à peine
endurer la chaleur dans les églises. Les impressions produites sur
l'esprit de beaucoup de personnes furent très remarquables. Quand il
fut de retour à Londres, où le général Oglethorpe le retint
semaine après semaine et mois après mois, le Seigneur daigna bénir
encore davantage sa prédication. Il se montrait infatigable ;
le dimanche il prêchait en général quatre fois, sans parler des
prières liturgiques qu'il lisait deux ou trois fois en public, et
sans compter qu'il faisait souvent seize à dix-huit kilomètres.
Le
28 décembre, il quitta Londres. Ce fut le 29 que, pour la première
fois, il prêcha sans le secours de notes écrites. Le 30 décembre,
il s'embarqua ; mais un mois s'écoula avant que le bateau
perdit de vue les côtes. Cette traversée si longue eut d'heureux
effets, comme le montre ce qu'il écrivit au mois d'avril :
« Béni soit Dieu ! nous sommes maintenant très heureux
dans le grand salon du bateau. On n'y parle plus guère que de Dieu
et de Jésus-Christ ; quand nous y sommes réunis, on
s'entretient presque uniquement de choses qui se rattachent, soit à
notre chute par le premier Adam, soit à notre nouvelle naissance par
le second ». Ils s'arrêtèrent quelque temps à Gibraltar, et
cela aussi paraît avoir été un arrangement providentiel ;
car, dans cette ville, tant les civils que les militaires, riches et
pauvres, jeunes et vieux, tous « reconnurent le temps où ils
étaient visités (Luc 19 : 44) ».
A
partir du dimanche 7 mai 1738 et jusqu'à la fin d'août de la même
année, il remplit les devoirs de son ministère dans la Géorgie, et
en particulier à Savannah. Chaque jour, il présidait le culte par
deux fois et y expliquait la parole de Dieu ; puis il visitait
les malades. Le dimanche, il expliquait la parole de Dieu à cinq
heures du matin ; à dix heures du matin et à trois heures de
l'après-midi, il lisait les prières et prêchait ; dans la
soirée, à sept heures, il expliquait le catéchisme de l'Eglise.
Nos collègues dans le ministère en Angleterre en Ecosse, en Irlande
trouveront sans doute qu'il est plus facile de critiquer un pareil
ouvrier du Seigneur que d'imiter son exemple.
Il
fut frappé de la triste situation où se trouvaient beaucoup
d'enfants dans ce pays, et Dieu lui mit au cœur la pensée d'y
fonder un orphelinat. Dans ce but, il songea à collecter des fonds
en Angleterre, si le Seigneur lui accordait un heureux retour. Au
mois de décembre, il se trouvait rentré à Londres, et le dimanche
14 janvier 1730, il reçut les ordres de la prêtrise (L'Eglise
anglicane a retenu des expressions qui chez nous, appartiennent au
catholicisme romain – Trad.) dans l'église du Christ à Oxford. Le
jour suivant, il retourna à Londres, où il prêcha deux fois le
dimanche 21. Bien que les églises fussent vastes et que les
auditeurs fussent entassés, des centaines de gens restaient dehors
dans les cimetières, autour des églises ; des centaines
retournaient chez eux, sans avoir pu entrer. C'est ce qui lui donna
la première idée de prêcher en plein air. Mais quand il en parla à
quelques-uns de ses amis, cela leur parut une folie ; il
n'exécuta donc point ce projet pendant son séjour à Londres. Ce
fut un mercredi, le 21 février, à Bristol, que, trouvant fermées
les portes de toutes les églises (sans compter qu'aucune n'eut pu
contenir la moitié de l'auditoire), il se rendit à trois heures de
l'après-midi à Kingswood, où il prêcha dans la campagne à
environ deux mille personnes. Le vendredi, il y prêcha à quatre à
cinq mille ; le dimanche suivant, à dix mille, autant qu'on en
put juger. Le nombre de ses auditeurs alla en augmentant pendant tout
le temps qu'il passa à Bristol, et, il s'est allumé là un foyer
d'amour céleste qui ne s'éteindra pas de sitôt. Les mêmes effets
se produisirent ensuite en diverses partie du pays de Galles et des
comtés de Gloucester et de Worcester. De fait, Dieu confirma le
témoignage rendu par son envoyé, partout où il passa.
Le
dimanche 29 avril, il prêcha pour la première fois à Moorfields et
sur le communal de Kennington (A Londres), et les milliers de gens
qui l'écoutèrent là furent aussi tranquilles que si l'on avait été
dans l'enceinte d'un temple. Se voyant de nouveau retenu en
Angleterre, mois après mois, il fit de petits voyages dans
différents comtés, et reçut les offrandes empressées de la
multitude en faveur de son orphelinat de la Géorgie. A cette époque,
le gouvernement mit l'embargo (Défense de sortir des ports ; on
faisait cela en vue de réquisitionner les services des vaisseaux qui
seraient jugés utiles – Trad.) sur les vaisseaux, ce qui empêcha
notre frère de partir et lui donna l'occasion de faire, dans
diverses portions de l'Angleterre, des tournées pour lesquelles
beaucoup d'âmes rendront grâces à Dieu pendant toute l'éternité.
Il s'embarqua finalement le 14 août ; mais il n'aborda en
Pennsylvanie, que le 30 octobre. Il traversa les colonies de
Pennsylvanie de New-Jersey, de New York, de Maryland, de Virginie et
les Carolines du Nord et du Sud, prêchant partout, à des foules
immenses, avec tout autant de bénédiction qu'en Angleterre. Le 10
janvier 1740, il parvint à Savannah.
Le
29 du même mois, il ajouta trois pauvres orphelins à une vingtaine
d'autres qu'il avait déjà réunis. Le jour suivant, il traça le
plan de son établissement, à environ 16 kilomètres de Savannah. Le
11 février, il admit quatre orphelins de plus ; puis il partit
pour Frédérica, en vue d'y recueillir quelques orphelins venus des
régions méridionales de la colonie. A son retour, il établit une
école pour enfants et pour adultes à Darien, et là encore il
trouva quatre orphelins. Le 25 mars, il posa les fondements de
l'orphelinat, auquel il donna le nom bien approprié de Béthesda.
Bien des enfants encore à naître béniront Dieu de ce que cette
œuvre a été commencée. Il avait dès lors près de quarante
orphelins, et en tout presque une centaine de bouches à nourrir tous
les jours, Mais il ne s'inquiétait d'aucune chose, et se déchargeait
de tout souci sur celui qui nourrit les petits du corbeau quand ils
crient.
Au
mois d'avril, il fit une nouvelle tournée en Pennsylvanie et dans
les colonies de New Jersey et de New York. Des foules incroyables
accouraient pour l'entendre, et, dans le nombre, des quantités de
noirs. Partout la masse des auditeurs étaient touchés d'une façon
merveilleuse. Beaucoup furent profondément convaincus de leur état
de perdition ; beaucoup se convertirent sincèrement au
Seigneur. Dans certaines localités, des milliers de personnes
poussaient des cris d'angoisse, et nombre d'entre elles semblaient à
l'agonie, la plupart versant des torrents de larmes, quelques-unes
devenant, pâles comme la mort, d'autres se tordant les mains,
d'autres gisant à terre, d'autres encore tombant, entre les bras de
leurs amis, et presque tous levant les yeux au ciel et implorant la
miséricorde
Le
5 juin, il était de retour à Savannah. Dans la soirée du
lendemain, pendant. le culte public, tout l'auditoire, tant les vieux
que les jeunes, fondit larmes, et, à l'issue du service ;
plusieurs de ses paroissiens et aussi toute sa propre famille,
surtout les petits enfants, rentrèrent chez eux en pleurant tout le
long du chemin, et même quelques-uns ne pouvaient s'empêcher de
prier à haute voix. Les sanglots et les pleurs des enfants
continuèrent pendant toute la nuit, et pendant une bonne partie de
la journée suivante.
Au
mois d'août, il se remit, en route et, traversant diverses
provinces, il parvint à Boston. Pendant le temps qu'il passa là ou
dans des localités voisines, il eut à endurer une grande faiblesse
physique, ce qui n'empêcha point les auditoires d'être si
considérables et si extraordinairement affectés par la prédication
que, de mémoire d'homme, on n'avait rien vu de pareil dans le pays.
La même démonstration de puissance accompagna sa parole à New
York, et tout particulièrement le dimanche 2 novembre. Il avait à
peine commencé de parler que de tous côtés on entendit des cris,
des pleurs, des sanglots. Beaucoup tombèrent à terre. Le cœur
transpercé ; mais beaucoup aussi furent remplis des
consolations divines. Vers la fin de ce voyage, il faisait les
réflexions suivantes : « Il y a soixante-cinq jours que
j'arrivai à Rhode Island, extrêmement affaibli dans mon corps.
Cependant Dieu m'a donné la force de prêcher dans cet intervalle
cent soixante et quinze fois en public, sans compter de nombreuses
exhortations en particulier. Jamais Dieu ne m'avait accordé tant de
bonheur ; jamais je n'ai éprouvé moins de fatigue en
voyageant ; jamais je n'ai joui si constamment du sentiment de
la présence de Dieu, au milieu des assemblées auxquelles je
prêchais ». Au mois de décembre, il revint à Savannah, et,
en mars de l'année suivante, il se trouvait de nouveau en
Angleterre.
Vous
aurez compris déjà que le récit que je viens de vous faire est
tiré principalement du journal de sa vie, journal qui, par sa
simplicité naïve et exempte de toute affectation, se place au
premier rang parmi les écrits de ce genre. Et ce qui précède est
un échantillon fidèle de ses travaux en Europe et en Amérique
pendant les trente années qui ont suivi, comme aussi des pluies
continuelles de bénédictions que le Seigneur a répandues comme
récompense des efforts de son serviteur. N'est-il pas bien
regrettable qu'il se soit laissé arrêter dans la rédaction de ce
journal et ne l'ait reprise que vers l'époque où Dieu allait le
rappeler à lui pour le faire jouir du fruit de ses travaux ?
Mais s'il a laissé d'autres écrits de cette nature, et si ses amis
me jugent digne de cet honneur, je me ferais un plaisir, et ce serait
pour moi une gloire, de les mettre en ordre, de les transcrire et de
les préparer en vue de leur publication.
Un
monsieur qui habite Boston nous fournit les détails qui suivent sur
les derniers moments de White-field :
« Après
avoir passé environ un mois avec nous, à Boston ou dans le
voisinage, prêchant tous les jours pendant ce temps, il se rendit à
Old-York et y prêcha le jeudi 27 septembre. De là il alla à
Portsmouth et y prêcha le vendredi. Il se mit en chemin pour Boston
le samedi matin ; mais avant qu'il fût arrivé à Newbury, où
il avait promis de prêcher dans la matinée du lendemain, on insista
pour qu'il donnât une prédication en route ; et, la maison où
il était ne pouvant contenir la foule, ce fut dans un champ, en
plein air, qu'il prêcha. Mais il était indisposé depuis plusieurs
semaines, et cet effort l'épuisa tellement qu'en arrivant à
Newbury, il fallut que deux hommes l'aidassent à sortir du bac.
Cependant il se remit dans la soirée et retrouva son entrain
habituel. Il se retira dans sa chambre à neuf heures, selon son
usage, auquel il ne dérogeait pour personne, et il reposa mieux
qu'il n'avait fait depuis plusieurs semaines. Le 30 septembre, il se
leva à quatre heures du matin, et entra dans son cabinet pour
prier ; son compagnon de voyage remarqua qu'il y était resté
beaucoup plus longtemps que d'habitude, Quand il en sortit et vint
retrouver son compagnon, il se jeta sur le lit et y demeura à peu
près dix minutes. Puis il se mit à genoux et demanda au Seigneur
avec beaucoup d'ardeur que, si c'était selon sa volonté, il lui
permit d'achever ce jour-là son ministère. Il chargea ensuite son
serviteur d'appeler M. Parsons, le pasteur chez qui il était logé ;
mais une minute plus tard, avant l'arrivée de Parsons, il expirait,
sans avoir poussé un gémissement ou un soupir. En apprenant la
nouvelle de sa mort, six messieurs partirent pour Newbury afin de
ramener ici sa dépouille mortelle ; mais il ne fut pas possible
de la transporter, de telle sorte que ses cendres vénérées
reposeront à Newbury. Le fait qu'on s'attendait à ce qu'il fût
enterré ici, a empêché des centaines de personnes de Boston
d'assister à son ensevelissement. Que cette dispensation de la
Providence soit sanctifiée pour l'Eglise de Dieu tout entière, et
en particulier pour cette province!
II
Nous
voudrions maintenant rappeler quelques traits de son caractère. La
Gazette de Boston publia, à l'époque de sa mort, une courte notice
à laquelle nous empruntons ce qui suit :
« Pendant
bien des années qu il déployait dans son ministère public, ont été
un sujet d'étonnement pour le monde entier. C'était du cœur que
venaient ses discours, et pareille ferveur ne fut peut-être jamais
vue depuis le temps des apôtres. Il n'avait point de rival comme
prédicateur et pour l'influence qu'il exerçait sur d'immenses
auditoires. Sa conversation particulière n'était pas moins agréable
et instructive que ses prédications ; il avait une remarquable
facilité d'expression, il aimait à s'entretenir, et il visait à
l'édification. Puisse la génération naissante conserver quelques
étincelles du feu sacré dont brûlait ce fidèle serviteur du
Très-Haut et qui jetait un éclat si brillant et si pur sur son
caractère et sur sa vie !
Un journal anglais a publié une appréciation plus détaillée et non moins exacte, que vous me permettrez de reproduire en substance :
« Le
souvenir de cet éminent chrétien mérite d'être gravé dans le
cœur de tous ceux qui aiment une religion vivante et efficace. En
dépit d'une constitution qui était faible, Whitefield a continué
jusqu'à son dernier jour à prêcher plus fréquemment et avec plus
de chaleur qu'on ne serait en droit de l'attendre même des plus
robustes. Appelé à remplir cette fonction à un âge où la plupart
des jeunes gens commencent seulement à s'y préparer, il n'avait pas
eu le temps d'étudier à fond les langues sacrées. Mais cette
lacune fut comblée amplement par son talent plein de vie et de
fécondité, par son zèle ardent, et par sa parole puissante et
persuasive. Bien qu'en chaire il crût devoir souvent, « sachant
quelle est la crainte qu'on doit avoir du Seigneur, tacher d'en
persuader les hommes (1 Corinthiens5 : 11) », il n'avait cependant
rien de triste dans le caractère ; il était au contraire d'une
humeur gaie, et ses dispositions naturelles étaient douces, et même
tendres. Ceux qui s'adressaient à lui le trouvaient tout aussi prêt
à s'occuper de leurs nécessités matérielles que de leurs besoins
spirituels. Il est bon aussi de constater qu'il insistait constamment
auprès de ses auditeurs sur l'importance de tous les devoirs moraux,
et en particulier sur la nécessité d'être diligent dans la
vocation ou le métier qu'on exerce, et sur celle d'obéir à ceux
qui sont nos supérieurs. Par son activité extraordinaire dans la
prédication en divers lieux, et même en plein air, il s'efforçait
d'atteindre les classes inférieures de la population qui étaient
plongées dans l'indifférence et l'ignorance les plus profondes, et
de réveiller chez elles le sentiment religieux ».
« A
cause de ces efforts et des autres travaux auquel, il s'est consacré,
George Whitefield vivra longtemps dans notre souvenir, entouré de
notre estime et de notre vénération ».
On
ne peut nier que ces appréciations ne soient exactes et impartiales,
aussi loin qu'elles vont ; mais elles ne vont guère plus loin
que la surface de son caractère ; elles vous montrent le
prédicateur, mais non l'homme, le chrétien, le saint. Me sera-t-il
permis de compléter son portrait de ce côté-là, en mettant à
profit une connaissance personnelle de près de quarante ans ?
Je sens bien qu'il est difficile de parler convenablement sur un
point si délicat, et qu'on a besoin de beaucoup de prudence pour
éviter les deux extrêmes et n'en dire ni trop ni trop peu. Il y a
plus : je sais qu'il est impossible de parler dans un sens ou
dans l'autre, sans s'exposer à être accusé, par les uns d'en avoir
trop dit, par les autres de n'en avoir pas dit assez. Mais, sans
m'arrêter à cela, je dirai ce que je sais et rien de plus, comme en
la présence de celui auquel nous devons tous rendre compte,
Nous
avons signalé son zèle incomparable, son infatigable activité, sa
sympathie pour les affligés, sa charité envers les pauvres. Mais ne
rappellerons-nous pas également sa reconnaissance profonde à
l'égard de tons ceux dont Dieu s'était servi pour lui faire du
bien, et comment il n'a jamais cessé jusqu'à son dernier jour d'en
parler avec la plus grande considération ? Ne rappellerons-nous
pas qu'il avait un cœur capable de l'amitié la plus généreuse et
la plus tendre ? Il m'est souvent arrivé de penser que ce
dernier trait était le trait caractéristique de son individualité.
Chez combien d'hommes avons-nous rencontré autant de bienveillance,
des affections aussi larges, aussi expansives ? N'est-ce pas
surtout cela qui lui attirait et lui attachait les cœurs d'une façon
si étonnante ? Autre chose que l'amour peut-il engendrer
l'amour ? Cette bonté brillait sur son visage, s'exprimait par
toutes ses paroles, soit en public, soit en particulier. N'est-ce pas
elle qui, rapide et envahissante comme l'éclair, courait d'un cœur
à l'autre, animant ses sermons, ses entretiens, ses lettres ? A
vous de répondre ! »
Loin
de nous les commentaires de ces esprits corrompus qui ne connaissent
qu'un amour terrestre et sensuel ! Il ne faut point oublier de
dire que, chez notre frère, on rencontrait la modestie la plus
délicate, la plus parfaite. Son ministère l'appelait fréquemment à
avoir de longues conversations, non seulement avec des hommes, mais
aussi avec des femmes de tout âge et de tout rang. Ses rapports avec
elles réalisaient pleinement les recommandations faites par saint
Paul à Timothée :
« Exhorte
les femmes âgées comme des mères, les jeunes comme des sœurs,
avec une entière pureté (1 Timothée 5 : 2) ».
Et,
d'un autre côté, à ces dispositions aimables s'alliaient
harmonieusement la franchise et la sincérité de ses conversations ;
mais il ne tombait pas davantage dans la brusquerie que dans la
dissimulation. Cette franchise elle-même n'était-elle pas une
preuve, en même temps qu'un fruit, de son courage, de son intrépidité ?
C'est parce qu'il était revêtu de ces qualités qu'il n'avait peur
de personne et parlait très simplement, très librement à tous,
quel que fût leur rang ou leur position sociale, aux grands comme
aux petits, aux riches comme aux pauvres ; sa seule
préoccupation était de « se rendre recommandable à la
conscience de tous les hommes devant Dieu, par la manifestation de la
vérité (2 Corinthiens 4 : 2) ».
Il
ne redoutait pas davantage les travaux ou les souffrances qu'il ne
craignait « ce que peut faire l'homme (Psaume 118 : 6), il se
montrait. aussi patient pour endurer les maux que persévérant dans
l'accomplissement des bonnes œuvres. De là cette constance qu'il a
fait paraître dans tout ce qu'il avait entrepris au nom de son
Maître. Je n'en citerai qu'un exemple, l'orphelinat de la Géorgie,
qu'il fonda et acheva malgré toutes sortes de découragements. Pour
ce qui ne touchait qu'à lui il se montrait souple et, accommodant,
il se laissait facilement persuader et gagner. Mais dès qu'il
s'agissait des intérêts du Seigneur, ou que sa conscience était en
jeu, il était inébranlable. Personne n'eut pu l'entraîner, soit
par des raisonnements, soit en l'intimidant, à s'écarter tant soi
peu de cette intégrité qui était à la base de son caractère
moral tout
entier et qui déterminait toutes ses paroles et tous ses actes. Sur
ce point-là il était, « ferme comme un pilier de fer, aussi
résistant qu'une muraille d'airain ».
Si
maintenant on se demande d'où venaient cette intégrité, cette
sincérité, ce courage, cette patience, et tant d'autres qualités
aimables et précieuses, la réponse est facile. Cela ne venait pas
de ce qu'il possédait un excellent naturel ou une intelligence hors
ligne ; ce n'était pas non plus le fruit de l'éducation ou de
l'influence de ses amis ; non, cela provenait de sa foi à un
Sauveur crucifié, d'une foi qui était l'œuvre de Dieu. Cela venait
de ce qu'il avait « une espérance vive de posséder l'héritage
qui ne se peut corrompre, ni souiller ; ni flétrir (1 Pierre 1 :
3,4) ». de ce que « l'amour de Dieu avait été répandu
dans son cœur par le Saint-Esprit qui lui avait été donné (Romains 5 :
5 » et remplissait son âme d'une affection tendre et généreuse
pour tous ses semblables. C'est de là que, comme d'une source,
jaillissait ce torrent d'éloquence qui souvent semblait tout
entraîner ; de là aussi ce don merveilleux de persuasion qui
triomphait de la résistance des pêcheurs les plus endurcis. Cela
explique pourquoi si fréquemment « sa tête se fondait en eau
et ses yeux étaient une vive fontaine de larmes (Jéremie 9 : 1) ; »
et comment son âme pouvait s'épancher dans la prière d'une façon
tout à fait unique, avec tant d'abondance et d'abandon, avec tant de
force et de variété dans les expressions comme dans les pensées.
Pour
terminer ce que je voulais dire sur ce point, laissez-moi vous faire
remarquer quel honneur Dieu accorda
à ce fidèle serviteur en l'appelant à proclamer son Évangile éternel en tant de pays divers, à de si grandes multitudes, avec
des effets si puissants sur tant d'âmes précieuses !
Avons-nous appris, par l'histoire ou autrement, qu'il y ait eu
quelqu'un, depuis le temps des apôtres, qui ait annoncé la bonne
nouvelle de la grâce divine dans un rayon aussi étendu, sur une
portion aussi considérable de la surface du globe ? quelqu'un à
qui il ait été donné d'appeler à la repentante tant de milliers,
tant de myriades de pécheurs ? Connaissez-vous un instrument
béni davantage par le Seigneur pour, faire passer des âmes en grand
nombre « des ténèbres à la lumière et de la puissance de
Satan à Dieu (Actes 26 : 18) ? » Je n'oublie pas qu'en
parlant ainsi nous ferions aux esprits frivoles du monde l'impression
de gens sans culture, de vrais barbares. Mais vous, mes frères, vous
comprenez ce langage ; car c'est celui de la patrie vers
laquelle vous marchez et où notre ami bien-aimé nous a précédés
de quelques pas seulement.
III
Que
ferons-nous pour mettre à profit cet événement solennel ? Tel
est le troisième point que nous sommes appelée à examiner
ensemble. La réponse à une question si sérieuse est pourtant
facile (et que Dieu veuille la graver dans tous nos cœurs !) :
il faut demeurer attachés aux doctrines importantes que notre frère
a prêchées, et être animés du même esprit que lui. Et d'abord,
restons attachés aux importantes doctrines bibliques qu'il a partout
enseignées. Certaines doctrines n'ont pas un caractère très
essentiel, et relativement à elles, grâce à l'état d'infirmité
où se trouve l'intelligence humaine, il y a, comme il y a eu depuis
des siècles divergence d'opinion parmi les vrais enfants de Dieu
eux-mêmes. Quant à ces doctrines, nous pouvons réserver notre
manière de voir et nous devons respecter celle des autres ;
qu'il soit entendu que sur ces points-là on peut n'être pas
d'accord. Mais retenons d'autant plus fermement les éléments
essentiels de « la foi qui a été donnée une fois aux saints
(Jude 1 : 3) », ces choses sur lesquelles ce vaillant
soldat de Jésus-Christ insistait partout et toujours !
L'article
fondamental, c'était pour lui ceci : « Attribuer à Dieu
toute la gloire de tout le bien qui peut se trouver en l'homme »
; ou encore : « Mettre, dans l'œuvre de notre salut,
Jésus-Christ aussi haut que possible, l'homme aussi bas que
possible ». Ce fut là son point de départ, et ce fut celui de
ses amis d'Oxford, les premiers méthodistes, comme on les appela.
Leur grand principe, c'était que l'homme n'a par lui-même ni force
ni mérites. Ils soutenaient que c'est de l'Esprit de Christ seul que
vient le pouvoir de penser, de parler, d'agir comme il faut, et qu'il
n'y a des mérites que dans le sang de Jésus, et point en l'homme,
quel que soit le degré de grâce qu'il ait atteint. Aussi notre
frère enseignait avec ses amis que, s'il ne l'a reçue d'en haut,
l'homme n'a pas la puissance de produire une seule bonne œuvre, de
prononcer une seule bonne parole, de concevoir un seul bon désir. Il
ne suffit pas, en effet, de dire que le péché a rendu tous les
hommes malades ; le fait est que nous sommes tous « morts
dans nos fautes et dans nos péchés (Éphésiens 2 : 1) ». D'où
il suit que tous les enfants des hommes sont « naturellement
des enfants de colère (Éphésiens 2 : 3) ». Nous sommes tous
« coupables devant Dieu (Romains 3 : 19) », tous en
danger de mort, temporelle et éternelle.
Nous
sommes tous également incapables de nous soustraire, soit à notre
culpabilité, soif à l'empire du péché. Car « qui est-ce qui
tirera une chose nette de ce qui est souillé ? Personne (Job
14 : 4) » que le Tout-Puissant ! Qui pourrait
ressusciter ceux qui sont morts, dont l'âme est morte par le péché ?
Celui-là seul qui nous a tirés de la poussière de la terre. Mais
en considération de quoi le fera-t-il ? Ce ne sera pas « à
cause des œuvres de justice que nous aurions faites (Tite 3 : 5)
». « Les morts ne loueront point l’Éternel (Psaume 115 :
17) ; » ils ne peuvent. rien faire qui leur obtienne la grâce
d'une résurrection. Aussi, tout ce que Dieu fait à cet égard, il
le fait uniquement. pour l'amour de son Fils bien-aimé, qui « a
été navré pour nos forfaits et frappé pour nos iniquités (Esaïe 53 : 5) », qui « a porté nos péchés en son corps
sur le bois (1 Pierre 2 : 24) », qui « a été livré
pour nos offenses et qui est ressuscité pour notre justification (Romains 4 : 25) ». Telle est la seule source de mérites et de
grâces que nous possédions, la seule que nous puissions avoir ;
telle est en particulier la source de notre pardon, de notre
réconciliation avec Dieu, de notre justification pleine et entière.
Mais par quel moyen arrivons-nous à avoir part à ce que
Jésus-Christ a fait et a souffert ? « Ce n'est point par
les œuvres, afin que personne ne se glorifie (Éphésiens 2 : 9) ; »
c'est par la foi seule. « Nous concluons donc, dit l'Apôtre,
que l'homme est justifié par la fois sans les œuvres de la loi (Romains 3 : 27) ». Et « à tous ceux qui l'ont rem (de
cette manière), il leur a donné le droit (la puissance) d'être
faits enfants de Dieu, savoir à ceux qui croient en son nom, qui ne
sont point nés... de la volonté de l'homme, mais de Dieu (Jean 1 :
12,13) ».
« Si
(de cette manière-là) un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir
le royaume de Dieu (Jean 3 : 3) ». Mais tous ceux qui sont
ainsi « nés de l'Esprit (Jean 3 : 6) » ont « le
royaume de Dieu au dedans d'eux (Lu 17 : 21 – d'après la
version anglaise) ». Jésus établit son règne dans leurs
cœurs ; et ce règne « consiste dans la justice, dans la
paix, et dans la joie par le Saint-Esprit (Romains 14 : 17) ».
Ils ont « les mêmes sentiments que Jésus-Christ a eus (Phi
2 : 5) ; » et cela les rend capables de « marcher
comme il a marché lui-même (1Jean 2 : 6) ». Son Esprit
qui habite en eus les rend saints intérieurement, par le cœur, mais
aussi « saints dans toute leur conduite (1Pierre 1 : 15) ».
Toutefois, puisque tout cela est le don gratuit de Dieu, procuré par
la justice et le sang de Jésus-Christ, il y aura toujours également
lieu de dire : « Que celui qui se glorifie, se glorifie
dans le Seigneur (1Corinthiens 1 : 31) ».
Vous
n'ignorez pas que c'est sur ces doctrines fondamentales que notre
frère insistait partout. Et ne peut-on pas les résumer en ces deux
expressions, la nouvelle-naissance et la justification par la foi ?
Insistons donc, nous aussi, sur ces choses avec une pleine
hardiesse, en tout temps et en tout lieu, soit en public pour
ceux d'entre nous qui sont appelés à le faire, soit en particuliers
quand l'occasion s'en présente. Demeurez attachés à ces bonnes
vieilles doctrines qui ne sont guère à la mode et ne vous inquiétez
ni des contradictions ni des calomnies. Avancez donc, mes frères,
avancez au nom du Seigneur et par sa force toute-puissante.
Appliquez-vous diligemment à « gardez le bon dépôt (2 Timothée 1 :
14) », sachant que la terre et les cieux passeront, mais que
cette vérité ne passera point.
Mais
suffit-il de rester attachés aux doctrines qu'il prêchait, si pures
qu'elles fussent ? N'est-il pas encore plus important d'être
animés du même esprit que lui, d'être ses imitateurs en cela comme
il le fut de Christ ? S'il n'en était ainsi, la pureté des
doctrines professées par nous ne ferait qu'augmenter notre
condamnation. Voilà donc ce qu'il y a de plus essentiel, être
animés du même esprit que lui. Et s'il est vrai que, sur certains
points, nous devrons nous contenter de l'admirer sans être en état
de l'imiter, nous pourrons néanmoins en beaucoup d'autres participer
aux mêmes grâces et aux mêmes bénédictions que lui. Si vous
sentez vos besoins et croyez à l'amour généreux du Seigneur « qui
donne à tous libéralement et sans rien reprocher (Jas 1 :
5) », implorez celui qui opère tout en tous afin d'obtenir une
mesure de cette foi précieuse, de ce zèle et de cette activité, de
cette tendresse de cœur, de cette charité, de ces « entrailles
de miséricorde (Colossiens 3 : 12) ». Luttez avec Dieu pour
recevoir quelque chose de ces dispositions reconnaissantes, amicales,
affectueuses, quelque chose de cette droiture, de cette simplicité,
de cette sincérité chrétienne, de cet « amour sans
hypocrisie ». (1 Pierre 1 : 22) Luttez jusqu'à ce que la
puissance d'en haut ait produit en vous le même courage et la même
patience, et, par-dessus tout, puisque c'est là comme le
couronnement de tout, la même intégrité à toute épreuve !
N'y
a-t-il pas encore quelque fruit de la grâce divine qui ornait
spécialement l'âme de notre frère et dont il déplorait
fréquemment et hautement l'absence chez les enfants de Dieu ?
Oui, il y en avait un, L'amour fraternel pour tous, cette affection
sincère et tendre que nous devrions éprouver pour tous ceux que
nous croyons enfants du Seigneur par la foi, pour tous ceux qui,
quelle que soit la dénomination qu'ils portent, « craignent
Dieu et s'adonnent à la justice (Actes 10 : 35) ». Il eût
voulu voir tous ceux « qui ont goûté la borne parole de Dieu
(Hébreux 6 : 5) » animés de cet esprit de largeur chrétienne
qui est si mal compris et surtout si peu pratiqué, même parmi
beaucoup de ceux qui en parlent constamment. Où sont-ils les hommes
qui ont ces dispositions, qui montrent une vraie largeur chrétienne,
qui aiment comme des amis, comme des frères dans le Seigneur, comme
des copartageants du royaume des cieux sur la terre et des
cohéritiers du royaume éternel, tous ceux qui, quelles que soient
leurs opinions, les formes de leur culte ou la communion particulière
à laquelle ils se rattachent, croient au Seigneur Jésus, aiment
Dieu et leurs semblables, cherchent à plaire à l’Éternel et
craignent de l'offenser, s'abstiennent soigneusement du mal et sont
zélés pour les bonnes œuvres ? Pour être un chrétien
vraiment large, il faut porter ainsi tous ses frères dans son cœur
constamment, éprouver une affection indicible pour eux, être si
désireux de contribuer à leur bien-être qu'on ne cesse point de
les recommander au Seigneur par des prières et de témoigner en leur
faveur devant les hommes ; il faut leur parler selon leur cœur
et tâcher, par tout ce qu'on peut dire, de fortifier leurs mains
dans l'œuvre de Dieu. Il faut aussi leur aider, autant qu'on le peut
en tout, soit matériellement, soit spirituellement ; il faut
être prêt à donner et à se donner pour eux, et même à « donner
sa vie pour ses frères (1 Jean 3 : 16) ».
Quel
type aimable que celui que nous venons d'esquisser ! Combien
chaque enfant de Dieu devrait chercher à le réaliser !
Pourquoi donc le rencontre-t-on si rarement ? Comment se fait-il
que, lorsque nous avons goûté l'amour de Dieu, nous puissions nous
donner quelque repos aussi longtemps que nous ne sommes pas tels ?
Ah ! c'est que Satan a inventé un moyen bien subtil de prouver
à des milliers de chrétiens qu'ils peuvent, sans être coupables,
se dispenser de réaliser cet idéal. Je souhaite qu'il n'y en ait
pas, parmi ceux qui sont ici présents, beaucoup qui aient été
« pris dans ce piège du diable, pour faire sa volonté (2 Timothée 2 : 26). « Peut-être quelqu'un dit-il : « Pour
moi, j'aime ainsi tous ceux que je crois enfants de Dieu. Mais jamais
je ne croirai qu'on peut être enfant de Dieu quand on appartient à
cette secte abominable ! Croyez-vous qu'on puisse avoir ces
opinions détestables et être un enfant de Dieu ? qu'on puisse
être enfant de Dieu et prendre part à un culte aussi absurde, aussi
superstitieux et même idolâtre ? » C'est là essayer
d'excuser un péché en y en ajoutant un nouveau. Pour nous justifier
d'un manque de charité, nous en rejetons la faute sur les autres.
Pour déguiser nos dispositions diaboliques, nous déclarons que nos
frères sont enfants du diable. Oh ! fuyez ce piège, et si vous
y avez déjà été pris, sortez-en au plus tôt. Tâchez donc
d'apprendre à aimer de cet amour plein de largeur chrétienne, qui
« n'est point emporté » , prompt à juger, de cet amour
qui « ne soupçonne point le mal » , qui « croit
tout, espère tout (1 Corinthiens 13 : 4,5,7) », qui tient compte de
toutes les circonstances pour les autres comme nous désirons qu'on
en tienne compte pour nous-mêmes. Alors nous reconnaîtrons la grâce
de Dieu en tout : homme qui la possède, sans nous arrêter, à
ses idées particulières ou aux formes de son culte. Alors tous ceux
qui craignent le Seigneur nous seront chers comme nos plus proches
« dans les entrailles de Jésus-Christ (Philippiens 1 : 8 –
d'après le texte grec) ».
N'est-ce
pas là l'esprit qui animait notre cher ami ? Pourquoi ne
serait-ce pas aussi le nôtre ? Ô Dieu d'amour,
jusqu'à quand ton peuple sera-t-il un objet de risée pour les
païens ? Jusqu'à quand se moquera-t-on de lui en disant :
« Voyez comme ils s'entr'aiment, ces chrétiens-ci ? »
Quand donc ôteras-tu de dessus nous cet opprobre ? L'épée ne
cessera-t-elle point de dévorer ? Quand commanderas-tu aux
tiens de ne plus poursuivre l'un l'autre ? Maintenant même, que
tout le peuple s'arrête et ne poursuive plus ses frères ! Quoi
que fassent les autres, nous tous du moins, ô mes frères, entendons
la voix de ce serviteur de Dieu qui, quoique mort, parle encore. Ne
vous semble-t-il pas l'entendre vous dire : « Soyez
désormais mes imitateurs comme je l'ai été de Christ. Qu'aucun
frère ne lève plus l'épée contre son frère, et qu'on ne s'adonne
plus à la guerre ! Revêtez-vous plutôt, comme étant les élus
de Dieu, d'entrailles, de miséricorde, d'un esprit d'humilité, de
bonté fraternelle, de douceur, de patience, vous supportant
mutuellement par amour. Que le temps passé ait plus que suffi pour
s'être haïs, jalousés et querellés, pour s'être mordus et
dévorés les uns les autres ! Bénissez Dieu de ce que vous ne
vous êtes pas entre-détruits depuis longtemps, et dorénavant
conservez l'unité de l'Esprit par le lien de la paix ! »
Ô
Dieu, rien n'est impossible pour toi : tu fais tout ce qu'il te
plaît. Veuille donc faire tomber sur nous maintenant le manteau du
prophète que tu viens d'enlever. « Où est l’Éternel, le Dieu
d' Elie ? (2 Rois 2 : 14) » Que l'esprit de ton
serviteur descende sur nous tes serviteurs ! Montre nous que tu
es le Dieu qui répond par le feu ! Que le feu de ton amour
vienne embraser tous nos cœurs. Et puisque nous t'aimons, fais que
nous nous aimions les uns les autres d'un amour plus fort que la
mort ! « Que toute aigreur, toute animosité, toute
colère, toute crierie, toute médisance et toute malice soient
bannies du milieu de nous ! (Éphésiens 4 : 31) » Que ton
Esprit repose si puissamment sur nous, qu'à partir de ce moment nous
soyons « bons les uns envers les autres, pleins de compassion,
nous pardonnant mutuellement, comme Dieu nous a pardonnés par
Christ ! (Éphésiens 4 : 32) »
CANTlQUE
Cela
va bien, serviteur du saint Maître !
De
tes travaux le cours est terminé.
Tu
combattis ; ta vainquis ; tu vas être
Par
le seigneur de gloire couronné.
Dès
maintenant ton âme les possède,
Ces
biens du ciel désirés ici-bas.
Celui
qui fut ton refuge et ton aide
T'a
recueilli sur son sein, dans ses bras.
Dans
son amour ce Sauveur charitable
Exauce
ainsi tous tes voeux de ton cœur.
Sans
longs délais il t'admet à sa table ;
De
son repos tu jouis en vainqueur.
O
messager de la paix, de la grâce,
Que
sur les monts ils étaient beaux tes pieds !
Mais
Jésus vit que ton âme était lasse ;
Il
te fit signe : à ses pieds tu t'assieds.
Là
haut ta voix s'unit aux voix des anges
Pour
entonner le cantique nouveau ;
Mieux
que jamais tu chantes les louanges
De
Jéhovah, le Sauveur et l'Agneau !
Amis,
ton âme enfin nage et se plonge
Dans
l'océan de l'amour infini.
Et
ton bonheur, ce n'est pas un vain songe
Tes
yeux ont vu Jésus, le Roi béni !
Oh !
quand là-haut irons-nous te rejoindre,
Loin
des combats, dans le sein de Jésus ?
En
y pensant notre exil semble moindre ;
Nos
ennemis, nos dangers ne sont plus !
Viens
donc, Seigneur, viens bientôt à notre âme
Ouvrir
le ciel : « C'est assez ; monte ici ! »
Ton
peuple élu t'adore et te proclame
Et
nous voulons te louer aussi !