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Sermon 50 : L'EMPLOI DE L'ARGENT
Luc
16,9 (1760)
Et moi je vous dis : faites-vous des amis avec les richesses injustes, afin que, lorsqu'elles viendront à vous manquer, ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels. (Luc 16: 9)
NOTRE
SEIGNEUR, après avoir raconté la belle parabole de l'enfant
prodigue, adressée surtout à ceux qui murmuraient de ce qu'Il
recevait les péagers et les gens de mauvaise vie, ajoute un récit
d'un autre genre, à l'adresse plus spécialement des enfants de
Dieu. « Jésus disait à ses disciples (et non pas aux Scribes
et aux Pharisiens, auxquels il avait parlé en premier lieu) : Un
homme riche avait un intendant qui fut accusé devant lui de lui
dissiper son bien. Et l'ayant fait venir, il lui dit : Qu'est-ce
que j'entends dire de toi ? Rends compte de ton administration ;
car tu ne pourras plus désormais administrer mon bien. (Luc 16 :
1-2) »
Après
avoir signalé le moyen que l'intendant infidèle employa pour se
garantir contre les temps de disette, notre Seigneur ajoute :
« Son maître loua cet intendant infidèle » ;
il le loua d'avoir eu de la prévoyance. Puis vient cette réflexion
importante : « Les enfants de ce siècle sont plus
prudents en leur génération que les enfants de lumière (Luc 16 :
8) », Ce qui signifie que ceux qui n'ont leur portion que dans
ce monde sont plus sages ; non pas d'une manière absolue, car
ils sont tous, sans exception, les plus grands insensés, les fous
les plus remarquables que la terre porte ; mais « dans
leur génération », dans la voie qu'ils suivent, ils sont plus
d'accord avec eux-mêmes, ils sont plus fidèles aux principes qu'ils
ont adoptés, plus persévérants dans la poursuite de leur but,
« que les enfants de lumière », que ceux qui voient « la
lumière de la gloire de Dieu dans la personne de Jésus-Christ ».
Viennent ensuite les paroles de notre texte : « Et moi (le
Fils unique de Dieu, le Créateur, le Seigneur, le Maître des cieux
et de la terre et de tout ce qui y est contenu, le juge de tous les
hommes, à qui vous devrez rendre compte de votre administration,
quand vous cesserez d'être Ses intendants), je vous dis (vous avez
une leçon à apprendre même de cet infidèle économe) :
faites-vous des amis (par une sage prévoyance) avec ces richesses
injustes ». Plus littéralement : avec ce Mammon
d'iniquité. « Mammon » signifie richesses, ou argent.
jésus appelle les richesses « Mammon d'iniquité », soit
à cause de la manière injuste dont on se les procure souvent, soit
à cause de l'emploi malhonnête que l'on fait de ce qui a été
honorablement gagné. « Faites-vous des amis » avec cet
argent, en faisant tout le bien possible, aux enfants de Dieu
surtout, « afin que lorsqu'elles viendront à vous manquer »,
quand vous retournerez à la poussière et que vous n'aurez plus
votre place sous le soleil, ceux qui vous ont précédé « vous
reçoivent », en vous souhaitant la bienvenue, « dans les
tabernacles éternels ».
Notre
Seigneur donne ici à tous Ses disciples, une excellente leçon de
morale chrétienne sur le bon emploi de l'argent. C'est là un sujet
dont les gens du monde parlent souvent à leur manière ; mais
qui n'a été que très imparfaitement étudié par ceux que Dieu a
appelés du milieu de ce monde. Ceux-ci n'attachent généralement
pas à cette question du bon emploi de cet excellent talent,
l'importance dont elle est digne. Ils ne comprennent pas comment ils
doivent l'employer pour lui faire produire la plus grande somme
possible de bien. L'introduction de l'argent dans le monde est un
exemple admirable de la sage et bonne Providence de Dieu. Néanmoins,
les poètes, les orateurs, les philosophes, dans presque tous les
âges et tous les pays, sont d'accord pour flétrir l'argent comme le
plus grand corrupteur du monde, la ruine de la vertu, le fléau de la
société.
Rien
n'est plus commun que de les entendre dire : Nocens ferrum,
ferroque nocentius aurum.
Le
fer est nuisible ; mais l'or l'est bien plus.
De
là la plainte lamentable :
Effodiuntur
opes, irritamenta malorum.
On
creuse la terre pour des richesses qui excite nos mauvaises
passions !
Un
auteur célèbre exhorte gravement ses concitoyens, pour en finir
avec tous les vices, à jeter « dans la mer la plus rapprochée
la cause d'un si grand mal ». In
mare proximum Summi materiem mati !
Mais
tout cela n'est-il pas un pur bavardage ? Y a-t-il là la
moindre raison ? Pas la moindre. Car, enfin, si le monde est
corrompu, la faute en est-elle à l'or et à l'argent ? « C'est
l'amour de l'argent », et non pas l'argent lui-même « qui
est la racine de tous les maux. (1Timothée 6 : 10) » La faute ne
retombe pas sur l'argent, mais sur ceux qui l'emploient. On peut en
faire un mauvais usage ; de quoi n'abuse-t-on pas ? Mais il
y a aussi une bonne manière de s'en servir. On peut en faire le
meilleur ou le pire des usages. Impossible de dire les avantages que
les nations civilisées en retirent dans les affaires ; c'est
l'instrument le plus commode pour toute espèce de commerce, et, si
nous nous en servions avec une sagesse chrétienne, il nous offrirait
le moyen de faire toutes sortes de bonnes choses. Il est évident
que, si les hommes avaient conservé leur innocence primitive, s'ils
étaient « pleins du Saint-Esprit », comme l'étaient les
membres de la jeune Eglise de Jérusalem, où « personne ne
disait que ce qu'il possédait fut à lui en particulier »,
mais où « toutes choses étaient communes, (Actes 4 : 32) »
on en viendrait à abandonner l'emploi de l'argent. Nous n'imaginons
pas, par exemple, que, dans le ciel, il existe quelque chose
d'analogue à l'argent. Mais, dans l'état actuel de la société,
l'argent est un don excellent de Dieu ; il répond à Ses plus
nobles desseins. Dans la main des enfants de Dieu, l'argent est du
pain pour celui qui a faim, un breuvage pour celui qui a soif, des
vêtements pour ceux qui sont nus ; il procure au voyageur et à
l'étranger un lieu où ils peuvent reposer leur tête. Il nous
permet en quelque sorte, de tenir lieu de mari à la veuve, de père
à l'orphelin. Il nous fournit le moyen de défendre l'opprimé, de
ramener à la santé le malade, de donner du repos à celui qui
souffre ; il peut suppléer aux yeux de l'aveugle, aux pieds du
boiteux ; il peut aider à ramener le mourant des portes du
tombeau.
Il
est donc du plus haut intérêt que tous ceux qui craignent Dieu
sachent comment employer ce précieux talent, afin de lui faire
produire ces résultats magnifiques, dans la plus large mesure
possible. Il me semble que toutes les directions nécessaires à cet
effet peuvent se résumer en trois règles de la plus grande
simplicité. En les observant rigoureusement, nous pourrons devenir
des économes fidèles du « Mammon d'iniquité ».
I
La
première de ces règles, (que celui qui écoute comprenne !)
c'est : Gagnez tout ce que vous pouvez ! Ici nous pouvons
tenir le même langage que les enfants de ce siècle ; nous les
rencontrons sur leur propre terrain. C'est notre devoir, notre
impérieux devoir de gagner autant que possible, à condition
toutefois de ne pas acheter trop cher les richesses, de ne pas les
payer plus qu'elles ne valent. Nous ne devons pas, par exemple, pour
gagner de l'argent, perdre notre vie, ni, ce qui revient au même,
ruiner notre santé. Par conséquent, l'espoir du gain ne doit pas
nous porter à entreprendre ou à continuer un travail tellement
pénible ou tellement prolongé qu'il puisse altérer notre
constitution. Nous ne devons ni commencer ni continuer un travail qui
nécessite la privation de la somme de nourriture ou de sommeil que
la nature réclame. Il faut en convenir, il y a une grande différence
dans la nature des occupations. Il y a des travaux qui sont tout à
fait malsains, comme ceux qui nécessitent la manipulation de
l'arsenic ou d'autres substances nuisibles, ou la respiration d'un
air vicié par les exhalaisons du plomb fondu, travaux qui, à la
longue, doivent ruiner les constitutions les plus robustes. Il y en a
d'autres qui ne sont préjudiciables qu'à des personnes à la
constitution faible tels que les travaux de bureau, surtout lorsqu'on
est obligé d'écrire assis, la poitrine penchée sur la table, et
cela pendant de longues heures entières. Il ne faut à aucun prix se
soumettre à ce que la raison ou l'expérience nous démontre être
nuisible à la santé ou aux forces. « La vie n'est-elle pas
plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? (Matthieu 6 : 25) » Si nous sommes engagés dans un de ces emplois,
nous devons le quitter le plus tôt possible et le remplacer par
quelque autre, moins lucratif peut-être, mais qui ne sera pas
nuisible à notre santé.
Il
faut, en deuxième lieu, gagner autant qu'on peut, sans nuire à
l'esprit, pas plus qu'au corps. Nous n'avons pas le droit de nuire à
notre esprit ; nous devons, en tout cas, conserver l'avantage
d'une bonne conscience. Nous ne devons pas entreprendre ou continuer
un commerce illicite, contraire à la loi de Dieu ou à celle de
notre pays. Tel serait, par exemple, un commerce qui frauderait
l'Etat sur les droits de douane qui lui sont dus ; car il y a au
moins autant de mal à voler l'Etat qu'à voler notre voisin. L'Etat
a autant de droit sur les impôts que nous sur nos maisons et nos
vêtements. Il y a d'autres industries légitimes en elles-mêmes,
qu'on ne peut plus exercer, au moins en Angleterre, sans être obligé
de mentir ou de tromper, ou sans se conformer à quelque usage qui
n'est pas d'accord avec un bonne conscience. Il faut s'éloigner de
pareils commerces avec une sainte horreur, sans s'inquiéter du gain
que l'on pourrait y faire à la condition de pécher comme les
autres ; car, pour gagner de l'argent, nous ne devons pas perdre
notre âme. Il y a d'autres emplois, auxquels bien des gens peuvent
vaquer sans exposer soit leur corps soit leur âme ; mais vous,
peut-être, vous ne le pourriez pas ; vous vous laisseriez
entraîner dans une société qui perdrait votre âme ;
l'expérience a dû vous apprendre qu'il vous est impossible de vous
livrer à une telle occupation sans subir une influence mauvaise. Il
y a peut-être une idiosyncrasie, une particularité dans votre
tempérament moral (comme il y en a dans notre constitution physique)
qui rendrait mortel pour vous ce qui ne fait aucun mal à un autre.
je suis convaincu, pour en avoir fait l'expérience, que je ne
pourrais pas me livrer tout entier à l'étude des sciences exactes
(mathématiques, arithmétique, algèbre), sans courir le risque de
devenir déiste, peut-être même athée. D'autres, je le sais,
consacrent toute leur vie à ces études sans en souffrir. Personne
ici ne peut se prononcer pour un autre. Chaque homme doit juger pour
lui-même et s'abstenir de tout ce qui peut nuire à son âme.
Nous
devons, en troisième lieu, gagner autant que possible, sans nuire à
notre prochain. Nous ne devons, nous ne pourrons lui nuire, si nous
l'aimons comme nous-mêmes. En aimant notre prochain comme
nous-mêmes, il nous sera impossible de lui nuire dans ses biens.
Nous ne pourrons pas lui ravir le revenu de ses terres, encore moins
ses terres elles-mêmes et ses maisons, soit par le jeu, soit par des
honoraires exorbitants (comme médecins, notaires, etc.) soit en
exigeant un taux d'intérêt que la loi ne permet pas. Tout ce qui a
rapport à l'exploitation de la misère par des prêts sur gages doit
être exclu. Tout homme impartial reconnaîtra que les avantages
qu'on en retire sont bien contrebalancés par les maux qui en
résultent. Et quand bien même il n'y aurait pas de conséquences
fâcheuses, il ne nous est jamais permis de « faire le mal pour
qu'il en résulte du bien ». Nous ne pouvons pas, avec une
bonne conscience, vendre au dessous du cours ; nous ne pouvons
pas ruiner le commerce du voisin, afin d'écouler notre marchandise ;
nous pouvons encore moins débaucher ou recevoir les domestiques ou
ouvriers dont il a besoin. Celui qui, pour gagner, dévore le bien de
son frère, gagnera la condamnation de l'enfer.
Il
est interdit de gagner en faisant du tort à son frère dans son
corps. Nous ne devons rien vendre qui puisse nuire à sa santé ;
et en première ligne, ce feu liquide, connu sous le nom d'eau-de-vie
et de spiritueux Il est vrai que ces spiritueux ont leur place dans
la médecine et peuvent être utiles dans certaines maladies ;
mais leur usage serait rarement nécessaire si l'on n'avait pas, par
leur moyen, à suppléer à la maladresse du médecin. Il n'y a que
ceux qui les fabriquent et qui les vendent comme remèdes qui
puissent avoir la conscience nette. Mais où sont-ils ? Qui sont
ceux qui ne préparent leurs spiritueux que dans ce but ? En
connaissez-vous dix en Angleterre ? Ceux-là, vous pouvez les
excuser. Mais tous ceux qui vendent ces liqueurs à qui veut les
acheter, sont des empoisonneurs publics. Il tuent leurs concitoyens
en masse, sans grâce, ni pitié. Il les poussent en enfer, comme un
troupeau de brebis à la boucherie. Et que gagnent-ils ?
N'est-ce pas le sang de ces hommes ? Qui donc leur envierait
leurs vastes domaines, leurs somptueux palais ? Une malédiction
repose sur ces demeures, la malédiction de Dieu s'attache aux
pierres, à la charpente et au mobilier de leur maisons. Maudits de
Dieu sont leurs jardins, leurs avenues, leurs bosquets ; c'est
un feu qui brûle jusqu'au fond de l'abîme. Il y a du sang, du sang
partout. Les fondements, les planchers, les murailles, les toits,
tout est teint de sang. Et peux-tu espérer, ô homme de sang,
quoique tu sois « vêtu d'écarlate et de fin lin et que tu te
traites somptueusement tous les jours », que tu pourras faire
passer tes champs du sang à la troisième génération ?
Certainement non ! car il y a un Dieu dans le ciel ; ton
nom sera effacé comme celui de ceux que tu as perdus corps et âme ;
"ton monument périra avec toi ! "
Et
ne sont-ils pas presque aussi coupables ces chirurgiens, ces
pharmaciens, ces médecins qui jouent avec la vie ou la santé de
leurs clients, afin de gagner davantage, en prolongeant la douleur ou
la maladie qu'ils pourraient enlever promptement, et qui reculent la
guérison de leur malade pour piller son argent ? Sera-t-il
innocent devant Dieu, celui qui ne diminuera pas, autant que
possible, la souffrance et qui ne la supprimera pas le plus tôt
qu'il pourra ? Il ne saurait l'être. Il « n'aime pas son
prochain comme lui-même », cela est de toute évidence. Il ne
« fait pas aux autres ce qu'il voudrait que les autres lui
fissent ».
Ce
gain-là a coûté bien cher ; n'en est-il pas ainsi de tout ce
que l'on obtient en portant atteinte à l'âme de son frère, en
nourrissant directement ou indirectement ses convoitises ou son
intempérance, ce que ne pourra jamais faire celui qui a la crainte
de Dieu et le désir de Lui plaire ? Que tous ceux qui sont en
rapport avec les cabarets, les théâtres, les maisons de jeux et les
autres lieux de dissipation, y fassent bien attention. Si ces maisons
contribuent aux intérêts des âmes, vous êtes libres de tout
blâme, votre vocation est bonne, votre gain est innocent ; mais
si ces maisons sont mauvaises en elles-mêmes, ou si elles favorisent
le mal, alors il est à craindre que vous n'ayez un bien triste
compte à rendre. Oh ! prenez garde que Dieu ne dise en ce
jour-là : « Ce méchant-là mourra dans son iniquité ;
mais je redemanderai son sang de ta mains. (Ézéchiel 3 : 18) »
Ces
restrictions et ces réserves faites, il est du devoir de tous ceux
qui sont dans le commerce de pratiquer cette premier règle de la
sagesse chrétienne : « Gagnez tout ce que vous pouvez ».
Gagnez donc tout ce que vous pouvez par un travail honnête ;
déployez la plus grande diligence dans l'exercice de votre
vocation ; ne perdez pas de temps. Si vous comprenez bien la
nature des rapports que vous soutenez avec Dieu et avec les hommes,
vous savez bien que vous n'avez pas un moment à perdre. Si vous
comprenez votre tâche comme vous le devez, vous ne saurez pas ce que
c'est que d'avoir du temps inoccupé. Dans chaque métier, il y a de
quoi remplir toutes les heures de toutes les journées. Quel que soit
votre travail, si vous vous y mettez de tout votre cœur, vous
n'aurez pas de loisir pour d'inutiles et frivoles passe-temps. Il y a
toujours quelque chose de mieux à faire, quelque chose qui peut vous
être utile, sans gaspiller ainsi votre temps. « Tout ce que ta
main trouve à faire, fais-le de tout ton pouvoir (Ecclésiaste 9 :
10) », et cela sans retard, sans le remettre d'un jour à
l'autre, ni même d'une heure à l'autre. Ne renvoie pas à demain ce
que tu peux faire aujourd'hui. Travaille aussi bien que possible ;
ne dors pas, ne bâille pas sur ton ouvrage. Mets-y toute ton âme.
Ne t'épargne aucune peine. Ne fais rien à moitié, ou d'une manière
légère et insouciante. Que rien dans ton commerce ne soit négligé
de ce qui peut être fait par le travail et par la patience.
Gagnez
tout ce que vous pouvez, en faisant usage de votre bon sens, et de
toute l'intelligence que Dieu vous a donnée. Il est étonnant de
voir combien peu de personnes font cela et combien d'hommes se
contentent de marcher dans les vieilles ornières tracées par leurs
ancêtres ! Que ceux qui ne connaissent pas Dieu agissent ainsi,
il ne faut pas s'en étonner. Ce ne sera pas votre cas. C'est une
honte pour un chrétien de ne pas mieux faire que les autres dans
tout qu'il entreprend. Vous devriez toujours apprendre quelque chose,
soit de l'expérience des autres, soit de la vôtre, par la lecture
ou par la réflexion de manière à faire mieux aujourd'hui que vous
ne faisiez hier. Ayez soin de mettre en pratique ce que vous
apprenez, afin de tirer le meilleur parti de tout ce que vous avez en
main.
II
Après
avoir gagné tout ce que vous pourrez, par une sage honnêteté et
une persévérance infatigable, n'oubliez pas que la seconde règle
de prudence chrétienne, c'est : Épargnez tout ce que vous
pouvez. Ne jetez pas ce précieux talent à la mer ; laissez
cette folie aux philosophes païens. Ne le gaspillez pas en dépenses
inutiles, ce qui serait la même chose que de le jeter à l'eau. N'en
dépensez aucune partie pour la satisfaction des convoitises de la
chair, des convoitises des yeux, ou de l'orgueil de la vie.
Reprenons
ces trois idées. Ne dépensez rien pour la satisfaction des
convoitises de la chair, pour vous procurer les plaisirs des sens,
notamment ceux de la table. je ne dis pas seulement : évitez la
gloutonnerie et l'intempérance ; un honnête païen
condamnerait ces choses. Mais il y a une espèce de sensualité
rangée et reçue, un élégant épicurisme, qui ne dérange pas tout
de suite l'estomac, qui ne détériore pas, d'une manière sensible
au moins, l'intelligence, mais qui (pour ne pas parler d'autres
effets) ne peut être satisfait qu'au prix de dépenses
considérables. Retranchez toute cette dépense. Méprisez ces
délicatesses et cette variété de mets ; contentez-vous de
donner à la nature le nécessaire.
Ne
gaspillez pas votre argent en satisfaisant la convoitise des yeux,
par une toilette inutile ou dispendieuse, ou par de vains ornements.
Ne le gaspillez pas en ornements superflus dans votre maison, en
meubles inutiles ou coûteux, en tableaux de prix, en peinture et
dorure, en livres rares, ou bien encore en jardins plutôt fastueux
que productifs. Que votre voisin, qui ne sait rien de mieux, fasse
cela ; « laissez les morts ensevelir leurs morts. (Matthieu 8 :
22) » Mais, à vous, le Maître dit : « Que
t'importe ! toi, suis-moi. (Jean 21 : 22) » Si vous le
voulez, vous le pouvez.
Ne
dépensez pas votre argent pour satisfaire l'orgueil de la vie, pour
obtenir l'admiration et les louanges des hommes. Ce motif de dépense
accompagne souvent l'un des précédents, ou même il se combine avec
l'un et l'autre. On fait de grosses dépenses de table, de toilette,
d'ameublement, non pas seulement pour satisfaire son appétit, le
plaisir de ses yeux ou son imagination, mais surtout par vanité.
Aussi longtemps que vous vous traiterez bien, vous trouverez des gens
pour chanter vos louanges. Aussi longtemps que vous vous serez
« vêtus de pourpre et de fin lin et que vous vous traiterez
bien et magnifiquement tous les jours, (Luc 16 : 19) » il y
aura des gens pour vanter votre bon goût, votre générosité, votre
hospitalité. Mais c'est payer trop cher leur approbation.
Contentez-vous de l'honneur qui vient de Dieu.
Qui
voudrait dépenser son argent en satisfaisant ces convoitises, quand
on sait que leur complaire c'est augmenter leur force ? Il n'y a
rien de plus sûr, et l'expérience de tous les jours le prouve ;
plus on leur accorde, plus elles son exigeantes. Quand vous dépensez
quelque chose pour la satisfaction de vos sens, vous payez tant pour
votre sensualité. Quand vous réservez tant pour le plaisir de vos
yeux, vous augmentez d'autant votre curiosité et votre attachement
pour ces choses qui périssent. Lorsque vous achetez ce que les
hommes louent, vous achetez un peu plus de vanité. N'aviez-vous donc
pas déjà assez de sensualité, de curiosité, de vanité ?
Cette augmentation vous était-elle nécessaire ? Et
voudriez-vous avoir à débourser de l'argent pour cela ? Mais
quelle étrange sagesse que la vôtre ! Pensez-vous que jeter
son argent à la mer serait une folie plus nuisible ?
Et
ce que vous ne devez pas faire pour vous-même, pourquoi le
feriez-vous pour vos enfants ? Pourquoi gaspilleriez-vous
l'argent pour leur donner une nourriture délicate, de riches habits
et des bagatelles de tous genres ? Pourquoi leur achèteriez-vous
encore plus d'orgueil, de convoitise, de vanité, de désirs insensés
et pernicieux ? Hélas ! n'en ont-ils pas assez ? La
nature les en a amplement pourvus. Pourquoi accroîtriez-vous vos
dépenses pour augmenter. leurs tentations et leurs périls, et pour
leur percer le cœur de plus de chagrins ?
Ne
leur laissez pas cet argent pour qu'ils le gaspillent. Si vous avez
quelque raison de croire qu'ils dissiperont ce qui est à vous, pour
la satisfaction et l'accroissement de la convoitise de la chair, de
la convoitise des yeux ou de l'orgueil de la vie ; c'est-à-dire
au péril de leurs âmes et de la vôtre, ne placez pas ces pièges
sous leurs pas. Vous ne voulez pas donner vos fils et vos filles à
Moloch ; ne les livrez pas à Bélial. Ayez pitié d'eux et
éloignez d'eux ce qui serait, vous pouvez le prévoir facilement,
une pâture pour leurs péchés et le moyen d'augmenter leur
perdition éternelle. Combien se trompent ces parents qui croient
qu'ils n'en pourront jamais laisser assez à leurs enfants !
Quoi ! vous craignez donc de ne pas les pourvoir suffisamment de
flèches, de brandons, de désirs insensés et nuisibles, d'orgueil,
de convoitise, d'ambition, de vanité et de feux éternels !
Malheureux que tu es ! tu crains où il n'y a aucun sujet de
crainte Assurément eux et toi, quand vous lèverez vos yeux dans les
enfers, vous en aurez assez de « ce ver qui ne meurt point, de
ce feu qui ne s'éteint point. (Marc 9 : 48) »
« Que
feriez-vous, me direz-vous, à ma place, si vous aviez une fortune
considérable à laisser ? » je ne sais pas ce que je
ferais, mais je sais bien ce que je devrais faire, sur ce point, il
n'y a pas de doute raisonnable. S j'avais un enfant, le plus jeune ou
le plus âgé, peu importe, qui connût la valeur de l'argent, qui,
dans ma conviction, en ferait le meilleur usage, je considérerai,
que mon devoir absolu et impérieux serait de lu laisser la meilleure
partie de ma fortune, en ne léguant aux autres que juste assez pour
leur permettre de vivre comme ils ont été élevés. « Mais
quoi ! si tous vos enfants ignoraient le véritable usage de
l'argent, que feriez-vous ? » je devrais (c'est là, je le
sais, une parole dure, et qui peut l'entendre ?), je devrais
leur laisse tout juste ce qu'il leur faudrait pour vivre, et puis
disposer du reste au mieux de mes lumières, en ayant en vue la
gloire de Dieu.
III
Mais
que personne ne croie qu'il a fait son devoir en se bornant à
« gagner le plus possible et à épargner le plus possible »,
s'il s'arrête là. Tout cela n'est rien, s'il ne fait un pas de
plus, s'il n'a pas en vue un but plus élevé. Peut-on dire qu'un
homme épargne, quand c'est tout simplement pour amasser qu'il ne
dépense rien ? Autant vaudrait jeter votre argent à la mer que
de l'enfouir dans la terre, et autant vaudrait l'enfouir dans la
terre que de l'entasser dans un coffre-fort ou dans une banque. Ne
pas s'en servir, c'est le jeter. Si, vraiment, vous voulez « vous
faire des amis avec ce Mammon d'iniquité », ajoutez la
troisième règle aux deux autres. Vous avez d'abord gagné autant
que possible, puis épargné autant que possible ; enfin,
« donnez tout ce que vous pouvez ».
Pour
vous aider à voir le bien-fondé de cette règle, rappelez-vous que
le Possesseur du ciel et de la terre, en vous donnant l'existence, en
vous plaçant ici-bas, ne vous y a pas mis comme propriétaire, mais
comme intendant. Comme tel, Il vous a confié, pour un moment, toutes
sortes de biens ; mais la propriété de Ses biens est
inaliénable, elle est entièrement à Lui. Vous-même, vous ne vous
appartenez pas ; vous êtes à Lui ; ainsi en est-il de
tout ce que vous possédez. Votre âme n'est pas à vous, votre corps
n'est pas à vous ; ils sont à Dieu. Vos biens ne Lui
appartiennent-ils pas aussi ? Il vous a dit, de la façon la
plus directe et la plus claire, que vous devez vous en servir de
telle sorte que ce soit un sacrifice saint et agréable par
Jésus-Christ. C'est ce service facile qu'Il a promis de récompenser
par le poids d'une gloire éternelle.
On peut résumer en quelques mots les directions que Dieu nous a données sur la manière d'utiliser notre argent. Si vous voulez être un intendant fidèle et sage des biens que Dieu vous a confiés, et qu'Il pourrait reprendre quand bon Lui semblera, prenez d'abord ce qu'il vous faut pour vous-même, pour votre nourriture, vos habits, tout ce que la nature réclame raisonnablement pour la conservation du corps ; faites la même chose pour votre femme et pour vos enfants, vos domestiques et tous ceux qui vivent sous votre toit. Si, après il reste quelque chose, alors « faites du bien aux frères dans la foi. (Galates 6 : 10) » S'il reste encore quelque chose, « pendant que nous en avons l'occasion, faisons du bien à tous. (Galates 6 : 10) » En faisant cela vous donnerez autant que possible. je me trompe, vous donnerez, dans un sens, tout ce que vous avez ; car tout ce qui est dépensé, non seulement pour le soulagement des pauvres, mais pour vos propres besoins et ceux de votre famille, est dépensé pour Dieu. Vous aurez rendu « à Dieu ce qui appartient à Dieu. (Matthieu 22 : 21) »
Mais
si jamais un doute s'élève dans votre esprit, au moment de faire
une dépense pour vous ou pour votre famille, vous pouvez aisément
le faire disparaître. Demandez-vous sérieusement et calmement :
1°
En faisant cette dépense, est-ce que j'agis comme un chrétien doit
agir, comme l'intendant et non comme le propriétaire des biens de
mon Maître ?
2°
En faisant cette dépense, est-ce que j'obéis à la Parole de Dieu ?
Dans quel passage de l'Ecriture me recommande-t-il d'agir ainsi ?
3°
Puis-je présenter cet acte, cette dépense comme un sacrifice à
Dieu par Jésus-Christ ?
4°
Suis-je en droit d'attendre une récompense lors de la résurrection
des justes pour ce que je vais faire ? Vous n'aurez pas souvent
besoin d'aller plus loin pour chasser le doute qui se sera élevé
dans votre esprit ; mais, au moyen de ces quatre questions, vous
recevrez la lumière dont vous aurez besoin pour choisir le chemin où
vous devez marcher.
Si
le doute persiste, priez et reprenez tous les points indiqués.
Essayez de dire, avec une bonne conscience, à Celui qui sonde les
cœurs : « Seigneur, tu sais que je suis sur le point de
faire une dépense, pour cet article de nourriture, de toilette ou
d'ameublement. Tu sais que j'agis dans cette circonstance avec
sincérité, comme un intendant de Tes biens ; je suis sur le
point d'en dépenser une partie pour l'usage pour lequel Tu me les a
confiés. Tu sais que je fais ceci pour obéir à Ta parole, comme Tu
le commandes et parce que Tu le commandes. Que ce soit, je T'en
supplie, un sacrifice saint, qui Te soit agréable par Jésus-Christ !
Donne-moi une preuve en moi-même que pour ceci, pour ce travail
d'amour, Tu me récompenseras, quand Tu rendras à chacun selon ses
œuvres ». Si votre conscience, éclairée par le Saint-Esprit,
vous rend témoignage que cette prière est agréable à Dieu, vous
n'avez aucune raison de douter que cette dépense est juste et bonne,
et vous n'aurez pas lieu de vous en repentir.
Vous
voyez maintenant ce que c'est que de se faire « des amis de ces
richesses injustes », et par ce moyen vous pouvez vous assurer
que, « lorsqu'elles viendront à vous manquer, ils vous
reçoivent dans les tabernacles éternels ». Vous voyez la
nature et l'étendue de la vraie prudence chrétienne, en rapport
avec l'usage à faire de ce grand 'talent, l'argent. Gagnez tout ce
que vous pouvez, sans nuire à votre prochain ni à vous-même, ni
dans le corps ni dans l'âme, en vous appliquant à votre tâche avec
une diligence sans relâche et avec toute l'intelligence que Dieu
vous a donnée. Épargnez tout ce que vous pouvez, en retranchant tout
ce qui pourrait satisfaire les désirs insensés, la convoitise de la
chair, la convoitise des yeux, l'orgueil de la vie ; ne
gaspillez rien pour le péché et pour la folie dans l'emploi de vos
biens, soit pendant votre vie, soit dans vos dispositions
testamentaires, soit pour vous-même, soit pour vos enfants. Donnez
tout ce que vous pouvez ou, en d'autres termes, donnez tout ce que
vous avez à Dieu. Ne fixez pas de limites ; vous êtes chrétien
et non pas juif. Rendez à Dieu, non pas un dixième, non pas un
tiers, non pas la moitié, mais tout ce qui est à Lui, que ce soit
peu ou beaucoup, en employant le tout pour vous, pour votre famille
terrestre, pour votre famille spirituelle, pour l'humanité. C'est
ainsi que vous pourrez rendre un bon compte de votre administration,
quand vous ne serez plus intendant. C'est ainsi que les oracles de
Dieu vous enseignent à agir, par des préceptes généraux ou
particuliers, et c'est ainsi que tout ce que vous ferez sera « un
sacrifice d'agréable odeur », et que toutes vos actions seront
récompensées, le jour où Dieu viendra avec tous Ses saints.
Frères,
pouvons-nous être de sages et fidèles intendants, à moins d'en
agir ainsi avec les biens du Seigneur ? Nous ne le pouvons pas ;
non seulement les oracles de Dieu, mais nos consciences, nous le
déclarent. Pourquoi tarder ? Pourquoi consulter plus longtemps
la chair et le sang, ou les hommes du monde ? Notre royaume et
notre sagesse ne sont pas de ce monde ; les coutumes païennes
ne nous regardent pas. Nous ne suivons les hommes que dans la mesure
où ils suivent Jésus-Christ. Ecoutez-Le aujourd'hui, pendant qu'il
est dit : « Aujourd'hui ». Ecoutez Sa voix,
obéissez-Lui. Dès maintenant faites Sa volonté. Réalisez les
prescriptions de Sa Parole, en ceci et en tout le reste. Je vous en
supplie, au nom du Seigneur Jésus, agissez d'une manière digne de
votre vocation. Plus de paresse ! Tout ce que ta main trouve à
faire, fais-le de tout ton cœur. Plus de gaspillage ! Supprimez
toutes les dépenses que la mode, le caprice, la chair et le sang
réclament. Plus d'avarice ! Que tout ce que Dieu vous a confié
soit bien employé, pour faire autant de bien que possible, de toute
manière, à la famille de Dieu et à tous les hommes. Ce n'est pas
là, croyez-le, une petite portion « de la sagesse du juste ».
Donnez tout ce que vous avez, tout ce que vous êtes, en sacrifice à
Celui qui n'a pas épargné Son Fils, Son Fils unique pour vous, afin
que vous vous « amassiez pour l'avenir un trésor placé sur un
bon fondement, afin d'obtenir la vie éternelle. (1 Timothée 6 : 19) »