mardi 2 août 2016

(16) LES SERMONS DE WESLEY

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

Sermon 49 : (1760)         LE REMÈDE CONTRE LA MÉDISANCE

Matthieu 18,15-17  (1760)

Si ton frère  a péché contre toi, va et reprends-le entre toi et lui seul ; s'il t'écoute, tu auras gagné ton frère ; mais s'il ne t'écoute pas, prends avec toi encore une ou deux personnes, afin que tout soit confirmé sur la parole de deux ou trois témoins. S'il ne daigne pas les écouter, dis-le à l'Église et s'il ne daigne pas écouter l'Église, regarde-le comme un paën et un péager. (Matthieu 18 : 15-17)

                    « Avertis-les... de ne médire de personne (Tite 3 : 1,2) » a dit le grand apôtre. Et ce commandement est tout aussi formel que cet autre : « Tu ne tueras point (Exode 20 : 13)  ». Mais qui donc, même parmi les chrétiens, fait attention à ce commandement ? Combien peu le comprennent ! Qu'est-ce donc que la médisance ? Ce n'est pas, comme quelques-uns le pensent, la même chose que le mensonge ou la calomnie. Ce qu'un homme dit peut être entièrement vrai, aussi vrai que la Bible, et pourtant être de la médisance. Car la médisance, consiste à dire du mal d'une personne absente, à rapporter quelque chose de mauvais qui a été fait ou dit par quelqu'un qui n'est pas là lorsqu'on le raconte. Supposons que j'aie vu un homme en état d'ivresse, ou que je l'aie entendu jurer ou blasphémer ; si je raconte cela en son absence, c'est là médire. C'est ce qu'on pourrait aussi appeler mordre par derrière. Il n'y a réellement pas de différence entre médire et rapporter. On peut d'ailleurs rapporter les choses tranquillement, d'une voix douce, et même en donnant à entendre qu'on veut du bien à la personne en question, qu'on espère que le mal a été exagéré ; c'est là procéder par insinuation. Mais de quelque façon qu'on s'y prenne, c'est toujours la même chose, sinon dans la forme, du moins en substance, C'est toujours médire, c'est toujours fouler aux pieds ce commandement : « Ne médire de personne ». Car c'est raconter les fautes d'un tiers qui n'est pas là pour se défendre.

                    Combien ce péché est commun, à tous les rangs et dans toutes les classes de la société ! Grands et petits, riches et pauvres, sages et fous, savants et ignorants, tous y tombent sans cesse. Des gens qui ne se ressemblent en rien d'autre sont pourtant les mêmes sur ce point-là. Combien peu pourraient dire devant Dieu : « Je suis innocent à cet égard ; j'ai gardé ma bouche ; j'ai gardé l'ouverture de mes lèvres ! (Allusion à Psaume 141 : 3) » Dans quelle. conversation tant soit peu longue, ne rencontrez-vous pas cet élément de la médisance, même parmi des personnes qui en général ont la crainte de Dieu devant leurs yeux et désirent sincèrement avoir une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes ?

                    Et c'est précisément parce que ce péché est si ordinaire, qu'il est difficile à éviter. Il nous environne de toutes parts, et si nous ne sentons pas vivement le danger, si nous ne sommes pas sans cesse en garde contre lui, nous pourrons bien être entraînés par le courant. Sur ce point le monde tout entier semble conspirer contre nous. L'exemple des autres influe sur nous, nous ne savons pas comment, et nous arrivons insensiblement à faire comme eux. Et puis, la médisance ne trouve-t-elle pas un appui au dedans de nous, tout comme au dehors ? Presque tous les mauvais sentiments de l'âme y trouvent à l'occasion une jouissance, et c'est ce qui fait que nous y sommes disposés. C'est pour notre orgueil une satisfaction que de raconter les fautes d'autrui, quand nous croyons n'être pas coupables de ces mêmes fautes. La colère, la rancune, toutes les dispositions malveillantes du cœur trouvent leur compte au mal que nous disons de ceux que nous n'aimons pas. C'est souvent en racontant les péchés de leur prochain que les hommes arrivent à satisfaire leurs désirs insensés et coupables.

                    La médisance est d'autant plus difficile à éviter que c'est fréquemment sous un masque qu'elle nous aborde. N'est-ce pas une indignation noble et généreuse, nous dirions sainte, si nous l'osions, qui nous fait parler ainsi de ces indignes personnes ? Si nous péchons, c'est par haine pour le péché. Autant vaut dire que nous servons le diable par pur zèle pour le Seigneur, et que ce n'est que pour ne pas laisser le mal impuni que nous commettons du mal ! Voilà comment nos passions se justifient toutes, et cherchent à faire passer le péché en le voilant de sainteté !

                    Mais n'y a-t-il aucun moyen d'éviter de piège ? Il y en a un certainement : notre bon Maître l'a clairement indiqué à ses disciples dans paroles de notre texte. Quiconque marchera dans ce chemin avec prudence et constance, sera préservé de médire. La règle qu'il nous donne prévient sûrement ce mal, et c'en est le remède infaillible. Dans les versets qui précèdent, Jésus avait dit : « Malheur au monde à cause des scandales (Matthieu 18 : 7) ; » c'est-à-dire que des maux indicibles découleront de cette source pernicieuse ; les scandales, c'est tout ce qui peut détourner ou arrêter ceux qui marchent dans les voies du Seigneur. « Car il est, nécessaire qu'il arrive des scandales (Matthieu 18 : 7) ; » c'est dans la nature des choses, vu la méchanceté, la folie, la faiblesse des hommes. « Mais malheur à l'homme par qui le scandale arrive ! ( (Matthieu 18 : 7) » Son sort sera misérable. « Si donc ta main, ou ton pied... ou ton œil te fait tomber », si ton plaisir le plus cher, si la personne que tu aimes le plus et qui t'est le plus utile, te détourne ou t'arrête dans le chemin du salut, « coupe-le, arrache-le, et. le jette loin de toi ( (Matthieu 18 : 8)  ».

                    Mais comment éviterons-nous d'être en scandale aux autres ou de nous scandaliser à cause des autres, surtout si ceux-ci ont absolument tort et que nous le voyions de nos propres yeux ? Notre Seigneur nous l'enseigne ici, en nous donnant un moyen certain d'éviter les scandales et la médisance en même temps : « Si ton frère a péché contre toi, va et reprends-le entre toi et lui seul. S'il t'écoute, tu auras gagné, ton frère. Mais s'il ne t'écoute pas, prends avec toi encore une ou deux personnes, afin que tout soit confirmé sur la parole de deux ou trois témoins. Et s'il ne daigne pas les écouler, dis-le à l'Église. Et s'il ne daigne pas écouter l'Eglise, regarde-le comme un païen et un péager ».

I

                    En premier lieu, « si ton frère a péché contre toi, va et reprends-le entre toi et lui seul ». Là où c'est possible, la façon la plus simple de pratiquer cette règle est aussi la meilleure. Ainsi, quand tu vois de tes propres yeux ou entends de tes oreilles un frère, un chrétien, commettre un péché positif, tellement que pour toi la chose est évidente, alors voici ce que tu as à faire : saisir la première occasion qui se présentera et où tu pourras l'aborder, et le reprendre au sujet de sa faute « entre toi et lui seul ». Il va sans dire qu'il faut avoir grand soin de le faire dans un bon esprit et de la manière la plus judicieuse. Le succès d'une répréhension dépend beaucoup de la façon dont elle est administrée. Ne manque donc pas de prier ardemment le Seigneur qu'il t'accorde de reprendre avec humilité, avec la conviction vive et profonde que c'est la grâce de Dieu seule qui te rend supérieur à ton frère dans cette occasion, et que, si ce que tu vas dire fait quelque bien, ce sera Dieu lui-même qui aura fait ce bien.

                    Demande-lui de garder ton cœur, d'éclairer ton esprit, de mettre dans ta bouche des paroles qu'il daignera bénir. Tâche de parler avec douceur aussi bien qu'avec humilité ; « car la colère de l'homme n'accomplit point la justice de Dieu (Galates 6 : 1)  ». — « Si quelqu'un vient à tomber dans quelque faute », il n'y a qu 'une manière de le « redresser », c'est « avec un esprit de douceur » (Galates 6 : 1). S'il résiste à la vérité, ce ne peut être que par la bonté qu'on l'amènera à la reconnaître. Parlez donc avec cet amour tendre que beaucoup d'eaux ne pourraient pas éteindre (Cantique 8 : 7) » Pourvu que l'amour ne se laisse pas vaincre, il sera vainqueur de tout. Qui pourrait dire toute la puissance de l'amour ?

L'amour seul peut courber un front rebelle,
Humilier le pécheur le plus fier,
Fondre, briser, fléchir l'âme charnelle,
Changer le cœur de pierre en cœur de chair.

Augmentez donc votre amour pour ce frère, et par là « vous lui amasserez des charbons de feu sur la tête (Romains 12 : 20)

                    Mais veillez aussi à ce que les formes mêmes, dans votre façon de reprendre, soient selon l’Évangile de Christ. Évitez tout ce qui, dans vos regards ; dans vos gestes, dans votre langage ou même dans le ton de votre voix, sentirait l'orgueil ou la suffisance. Évitez avec soin tout ce qui rappellerait le juge ou le docteur, tout ce qui ressemblerait à de l'arrogance ou à de la supériorité. Gardez-vous bien de quoi que ce soit qui serait dédaigneux, hautain,ou méprisant. Qu'il n'y ait pas non plus chez vous ombre de colère ; et, tout en étant très franc, ne vous laissez pas aller à faire toutes sortes de reproches et d'accusations blessantes ; ne vous échauffez pas, à moins que ce ne soit de la chaleur de la charité. Par-dessus tout, qu'on ne puisse pas soupçonner chez vous la moindre haine, la plus petite malveillance ; que votre langage soit exempt d'amertume et d'aigreur ; que tout, dans votre physionomie comme dans vos paroles, respire la douceur et la bonté, et qu'on voie que tout découle de l'amour qui est dans votre cœur. Mais, tout en étant doux, vous pouvez et devez parler de la façon la plus sérieuse, la plus solennelle, employant autant que possible les termes mêmes de la parole de Dieu — car « il n'y en a point de semblable, (Samuel 21 : 9) et faisant tout comme en la présence de Dieu qui doit juger les vivants et les morts.   

                    Si vous n'avez pas l'occasion de parler à la personne elle-même, si vous ne pouvez avoir accès auprès d'elle, vous pourrez lui envoyer un message, en vous servant pour cela d'un ami commun dont la prudence et l'intégrité vous seront bien connues, et auquel vous pourrez vous fier entièrement. Le but pourra être atteint sii quelqu'un possédant ces qualités parle en votre nom, dans l'esprit et de la façon ci-dessus exprimés ; cela pourra, en une bonne mesure, suppléer à votre absence. Mais n'allez pas, pour éviter une croix, faire semblant que les occasions vous manquent ; ne vous persuadez pas, avant d'avoir essayé, que vous ne pouvez pas aborder cette personne. Toutes les fois que vous pourrez parler vous-même, cela vaudra infiniment mieux. Mais plutôt que de ne rien faire, employez quelqu'un ; cela vaudra mieux que de ne pas agir du tout.

                    Que faire si vous ne pouvez parler vous-même à cette personne, ni lui envoyer quelqu'un qui ait toute votre confiance ? En pareil cas, il vous reste la ressource d'écrire. Dans certaines circonstances cela peut même être préférable. Par exemple, si la personne à qui l'on a à faire est d'une humeur si vive, si impétueuse qu'elle n'endure que bien difficilement d'être reprise, surtout par un de ses égaux ou par un inférieur. En écrivant, on peut présenter les choses et les adoucir de telle façon qu'elles soient plus aisées à accepter. D'ailleurs, bien des gens peuvent supporter par écrit des paroles qu'elles n'auraient pas consenti à entendre. Leur orgueil n'en reçoit pas un choc si violent ; leur amour-propre n'en est pas atteint d'une façon aussi sensible. Et à supposer que ce message ne fasse d'abord que peu d'impression, il peut être relu et il se peut qu'à la réflexion on profite d'avertissements qu'on avait d'abord négligés. Si l'on signe cette communication, c'est à peu près comme si l'on allait en personne, comme si on parlait de vive voix ; mais il faut toujours signer, à moins de raisons très spéciales qui pourraient rendre la chose déplacée.

                    N'oublions pas que c'est Jésus qui nous commande de la manière la plus absolue de faire ces démarches et de les faire avant tout, de commencer par là. Il ne nous laisse point d'alternative ; nous n'avons pas à choisir entre ceci ou cela ; c'est là le chemin, il faut y marcher ! Il est vrai qu'il nous recommande deux autres mesures qu'il faudra prendre, s'il y a lieu ; mais ce ne doit être qu'après celle-ci, jamais avant. Faire autre chose ou bien omettre ce point, c'est, dans les deux cas, agir d'une façon inexcusable.

                    Ne croyez pas pouvoir vous justifier d'avoir agi d'une tout autre manière en disant : « Je n'en ai parlé à personne que lorsque je n'ai plus pu y tenir, tant la chose me pesait ! » Elle vous pesait ! Ce n'est pas étonnant, à moins que vous n'eussiez eu la conscience cautérisée ; car vous étiez coupable d'un péché, vous aviez désobéi à un ordre positif du Seigneur. Vous auriez dû aller tout de suite reprendre votre prochain entre vous et lui seul. Si vous ne l'avez pas fait, vous ne pouviez manquer d'avoir un poids sur le cœur (sinon, vous seriez tout à fait endurci), car, en agissant ainsi vous fouliez aux pieds le commandement de Dieu, et vous faisiez ce qui est appelé « haïr son frère dans son cœur (Lévitique 19 : 17)  ». Et quel triste moyen vous avez trouvé de vous décharger ! Dieu vous reprenait à cause de votre péché d'omission, parce que vous ne repreniez pas votre frère ; et pour vous consoler de sa répréhension vous allez commettre un péché positif, en racontant à un autre les fautes de votre prochain ! C'est payer le soulagement bien cher que de l'acheter par un péché. Mais je demande à Dieu que vous n'ayez point ce soulagement, que plutôt la chose vous pèse toujours plus jusqu'à ce que vous soyez allé la dire à votre frère, et à lui seul !

                    Je ne connais qu'une seule exception à cette règle ; il peut y avoir des cas où pour préserver un innocent, on est obligé d'accuser un absent qui est le vrai coupable. Par exemple, il peut arriver que vous connaissiez l'intention qu'a un homme d'enlever à son semblable sa vie ou ses biens, et qu'il n'y ait pas d'autre moyen de l'en empêcher que d'en faire part sans aucun délai à celui qui est menacé. En pareil cas, la règle indiquée par Jésus doit être mise de côté, ainsi que celle donnée par l'Apôtre : « Ne médire de personne ». Il est permis, c'est même notre devoir absolu de parler mal d'une personne absente, quand ainsi nous pouvons l'empêcher de nuire à d'autres, et à elle-même en même temps. Mais n'oubliez jamais que toute médisance est de sa nature un poison mortel. Si donc vous vous voyez contraint de dire du mal d'un absent, et d'employer le poison comme remède, servez-vous-en avec crainte et tremblement ; car c'est un remède dangereux et dont l'emploi ne peut être légitimé que par une nécessité absolue. N'en faites donc usage que le plus rarement possible, seulement lorsque c'est tout à fait nécessaire. Et même alors, que ce soit aussi peu que vous pourrez, juste assez pour atteindre le but désiré. Dans tous les autres cas, « va et reprends-le entre toi et lui seul ».

II

                    Mais que faudra-t-il faire, « s'il ne t'écoute pas  » ; s'il te rend le mal pour le bien, s'il s'irrite au lieu de se laisser convaincre ? Que faut-il faire s'il ne profite pas de ce qu'on lui a dit, et persévère dans sa mauvaise conduite ? Nous devons nous attendre à ce que pareille chose arrive fréquemment. Les réprimandes les plus douces et les plus affectueuses n'auront produit aucun bien ; mais la bénédiction que nous voulions attirer sur autrui retournera à nous. Que devrons-nous faire ensuite ? Notre Seigneur nous a donné à cet égard des instructions claires et complètes. Dans ce cas, « prends avec toi encore une ou deux personnes : » telle est la seconde mesure à prendre. Choisissez une ou deux personnes que vous connaissez pour avoir des dispositions charitables, et comme aimant Dieu et leur prochain. Qu'ils ne soient pas des gens fiers, mais des hommes « ornés d'humilité (1 Pierre 5 : 5)  ». Qu'ils soient débonnaires et doux, patients et calmes, « ne rendant point mal pour mal, ni injure pour injure, mais au contraire bénissant (1 Pierre 3 : 9)  ». Qu'ils soient des hommes intelligents et revêtus de la sagesse d'en haut, des hommes d'esprit libre, impartiaux, sans aucune espèce de préventions. Il faut avoir soin de prendre des personnes qui, tant pour leur individualité que pour leur caractère moral, soient bien connues de celui à qui on a à faire ; et de préférence il faut choisir celles qu'on sait lui être le plus agréables.

                    L'amour chrétien prescrira lui-même la méthode à suivre, en rapport avec chaque cas particulier. Car on ne peut pas adopter une marche uniforme pour tous les cas. Peut-être serait-il bon, avant que ces amis entrent en matière, qu'ils fassent à cet individu une déclaration conciliante et affectueuse, portant sur le fait qu'ils ne sont mus par aucun sentiment de colère ou de prévention contre lui, que c'est uniquement dans une pensée bienveillante qu'ils sont venus le trouver et se mêlent de choses qui le concernent. Pour confirmer cela, il conviendrait qu'ensuite ils écoutassent, sans interrompre et avant de se prononcer sur quoi que ce soit, l'exposé de la conversation que vous avez eue précédemment et de ce qu'il a pu avancer pour se justifier. Après quoi, ils pourront mieux déterminer ce qu'ils ont à faire, « afin que tout, soit confirmé sur la parole de deux ou trois témoins », c'est-à-dire afin que les choses que vous aurez pu dire produisent tout leur effet, étant appuyées par l'autorité morale de ces personnes.

                    Pour atteindre ce but, je leur conseillerais ce qui suit. Premièrement, rappeler en peu de mots ce que vous avez dit et ce que l'autre personne a pu répliquer ; en second lieu, développer, exposer, confirmer les raisons données par vous ; en troisième, donner du poids à votre répréhension en montrant combien elle était juste, charitable et à propos ; enfin, insister sur les conseils et les appels dont vous avez fait suivre la répréhension. Ces amis pourront plus tard, si c'est nécessaire, servir de témoins relativement à ce qui s'est dit.

                    Au sujet de cette seconde règle de conduite, comme pour la première, il est bon de faire observer que Jésus ne nous laisse pas le choix, ne nous met pas en présence d'une alternative, mais nous commande expressément, de faire cela, et non quelque autre chose à la place. Il nous indique aussi à quel moment il faut recourir à ce second moyen : c'est lorsqu'on a employé le premier, et c'est avant d'arriver au troisième. Ce n'est qu'après avoir fait ces deux choses que nous pourrons raconter le mal qui a été commis à ceux que nous voudrons intéresser avec nous dans cet effort spécial de l'amour fraternel. Mais tant que nous n'avons pas fait ces démarches, évitons d'en parler à d'autres gens. Si nous ne suivons pas ces directions, si nous essayons d'autre chose, nous ne pouvons faire autrement que de rester sous le fardeau. Car, en agissant ainsi, nous péchons contre Dieu et contre notre prochain ; et quels que soient les prétextes spécieux que nous invoquions, si nous avons une conscience, notre péché nous trouvera et notre âme en sera comme accablée.

III

                     Pour que nous sachions parfaitement comment nous conduire dans ces affaires importantes, notre Sauveur nous donne encore un conseil : « S'il ne daigne pas les écouter, dis-le à l'Église ». C'est là la troisième mesure à prendre. Toute la difficulté ici, c'est de savoir ce qu'il faut entendre par « l'Église ». La nature même des choses nous enseignera à fixer d'une façon suffisamment certaine le sens de cette expression. Il ne s'agit pas de le dire à votre Eglise nationale tout entière, à tous les gens qui se rattachent à l'Eglise anglicane. Le pussiez-vous, ce ne serait d'aucune utilité au point de vue chrétien ; telle n'est donc point la signification de ce mot. Vous ne pouvez pas non plus en faire part à tous ceux qui, dans ce pays, sont dans des rapports religieux plus directs avec vous. D'ailleurs, cela ne produirait aucun bien. Ce n'est pas là non plus le sens. Il ne servirait également à rien de raconter les fautes de chacun de ses membres à l'Église (si vous voulez l'appeler ainsi), à la congrégation, à la société de ceux qui se sont unis dans Londres. Concluons que c'est au pasteur ou aux anciens de l'Église qu'il vous faut en parler, à ceux qui ont la surveillance du troupeau de Christ auquel vous appartenez l'un et l'autre, et qui veillent sur votre âme et sur celle de la personne en question « comme devant en rendre compte (Hébreux 13 : 17)  ». Si la chose est possible cette communication devrait leur être faite en présence de la personne intéressée, et très franchement, mais aussi avec tous les ménagements et toute la charité que I'affaire comporte. C'est à ces hommes qu'il appartient de juger la conduite de ceux qui sont confiés à leurs soins et de la censurer, si la nature du délit le requiert, « avec une pleine autorité (Tite 2 : 15) » Et quand vous aurez fait cela, vous aurez fait tout ce qu'exigent de vous la parole de Dieu et les lois de la charité ; ainsi « vous ne participerez point aux péchés d'autrui (Timothée 5 : 22)  ». Si cet homme périt, son sang sera sur sa propre tête.

                    Encore ici, faisons observer que c'est bien là la troisième démarche à faire, et qu'une autre ne saurait en tenir lieu ; qu'il nous faut la faire à son tour, c'est-à-dire après les deux autres, pas avant la seconde, bien moins encore avant la première, sauf dans des cas tout à fait exceptionnels. De fait, il peut arriver que la troisième se confonde avec la seconde, et qu'elles n'en fassent qu'une. Les relations entre le frère qui a fait une faute et le pasteur ou les anciens de l'Église, peuvent être de telle nature qu'il n'y ait pas lieu de chercher un ou deux témoins, parce qu'ils en serviront eux-mêmes ; dans ces circonstances il suffit de les prévenir, après l'avoir « dit à ton frère entre toi et lui seul ».

                    Quand vous aurez, accompli ces devoirs, vous aurez « délivré votre âme (Ézéchiel 3 : 19)  ». Mais « s'il ne daigne pas écouter l'Eglise », s'il persiste dans son péché, « regarde-le comme un païen et un péager ». Vous n'êtes plus obligé alors de vous occuper de lui, à moins que ce ne soit quand vous prierez pour lui. Il est inutile de parler de lui désormais ; laissez-Ie au jugement de son Maître.

                    Il va sans dire que vous lui devez, comme à tout païen d'ailleurs, une bienveillance sincère et affectueuse ; vous lui devez de la courtoisie et tout ce que les devoirs de l'humanité pourront exiger de vous. Mais ne soyez point avec lui dans des rapports d'amitié, d'intimité ; n'ayez pas d'autres relations avec lui que celles que vous auriez avec un païen avoué.

                    Si telle doit être la règle de conduite des chrétiens, ne peut-on pas se demander où il y en a ? Vous en trouverez peut-être quelques-uns çà et là, qui se font un devoir d'agir ainsi ; mais qu'il y en a peu ! Comme ils sont clairsemés sur la terre ! Où trouverions-nous une communauté religieuse qui tout entière suive cette marche ? Serait-ce en Europe, ou, pour ne pas aller plus loin, dans la Grande-Bretagne ou en Irlande ? Je crains que non ; je crains qu'on cherchât vainement pareille chose dans nos pays. Pauvre monde chrétien ! pauvres protestants, pauvres réformés ! « Qui est-ce qui se lèvera pour moi contre les méchants ? (Psaume 94 : 16) » dit l’Éternel, qui est ce qui prendra parti pour Dieu contre les médisants ? Est ce toi ? Veux- tu, avec l'aide de la grâce divine, être de ceux qui ne se laissent point emporter par le courant ? Es-tu bien décidé, en comptant sur Dieu, à veiller sur ta bouche dorénavant et sans cesse, à « garder ta bouche et l'ouverture de tes lèvres ? (Psaume 141 : 3) Veux-tu désormais pratiquer cette règle : « Ne médire de personne ? (Tite 3 : 2) » Si tu vois ton frère faire le mal, aller le lui dire entre toi et lui seul  » ; puis, le cas échéant, prendre deux ou trois témoins, et, en dernier lieu seulement, le dire à l'Eglise ? Si telle est ton intention bien arrêtée, retiens encore ceci : n'écoute jamais une médisance ! On ne dirait pas de mal du prochain, s'il ne se trouvait personne pour écouter. Et, comme dit le proverbe, s'il n'y avait point de receleurs, il n' y aurait point de voleurs (C'est la forme française du proverbe anglais ; The receiver is as bad as the thief ; littéralement : Le receleur ne vaut pas mieux que le voleur). Si donc quelqu'un se met à médire devant toi, arrête-le tout de suite. Refuse d'écouter la voix de cet enchanteur, si enchanteur qu'il puisse être, quelles que soit la douceur de ses manières, de ses intonations, quelles que soient ses protestations de sympathie pour celui qu'il poignarde dans l'ombre, qu'il frappe à la cinquième côte ! Refusez absolument d'écouter le médisant, quand bien même la chose lui pèse tellement qu'il faut absolument qu'il parle, à ce qu'il dit. Elle te pèse, pauvre fou ! Ton secret te tourmente, comme si tu avais les douleurs de l'enfantement ? Va donc t'en décharger, selon la méthode prescrite par le Seigneur. « Va premièrement, et reprends ton frère entre toi et lui seul ». Ensuite, s'il le faut, « prends avec toi encore une ou deux personnes », des amis communs, et dis-lui devant eux ce que tu as à lui dire ; et si ces deux démarches ne produisent aucun effet, alors « dis-le à l'Eglise ». Mais, si tu ne veux perdre ton âme, n'en parle à personne d'autre, soit avant, soit après avoir fait ces démarches, sauf dans le cas unique où cela serait indispensable pour sauver un innocent ; et pourquoi, en te déchargeant, en chargerais-tu un autre, en le faisant participer à ton péché ?

                     Oh ! combien je voudrais que vous tous qui portez l'opprobre de Christ et qu'on appelle par dérision méthodistes, vous donnassiez, au moins sur ce point-là, un bon exemple au monde chrétien ou soi-disant tel ! Mettez donc de côté les médisances, les rapports, les insinuations ; que rien de pareil ne sorte de vos bouches ! Veillez à « ne médire de personne », , à ne dire que du bien des absents. S'il faut que vous portiez, bon gré mal gré, quelque signe distinctif comme méthodistes, que ce soit là votre marque particulière : « Ce sont des gens qui ne blâment pas par derrière ; on les connaît à ce trait ». Quels bienheureux effets ce renoncement à nous-mêmes ne produirait-il pas en nos âmes sans tarder ? Notre paix coulerait « comme un fleuve, (Esaïe 48 : 18) » si nous recherchions « la paix avec tout le monde (Hébreux 12 : 14)  ». Et comme l'amour de Dieu abonderait en nous si nous manifestions ainsi notre amour pour nos frères ! Quel effet bienfaisant cela produirait sur tous ceux qui s'unissent au nom du Seigneur Jésus ! Combien l'amour fraternel n'augmenterait-il pas, dès que cet obstacle formidable aurait disparu ! Tous les membres du corps spirituel de Jésus-Christ auraient alors l'un pour l'autre une sollicitude instinctive. « Lorsqu'un des membres souffre, dit saint Paul, tous les autres membres souffrent avec lui ; lorsqu'un des membres est honoré, tous en ont de la joie (1 Corinthiens 12 : 26)  ». Il en serait ainsi, et chacun aimerait son frère « d'un cœur pur, avec une grande affection ( 1 Pierre 1 : 22)  ». Mais ce n'est point tout. Quelle impression cela ne produirait-il pas, sans doute, sur le monde dissipé et insouciant ? Comme il reconnaîtrait vite en nous ce trait qui est inconnu dans ses rangs, et s'écrierait (comme Julien l'Apostat devant ses courtisans païens) : « Voyez comme ces chrétiens s'entr'aiment ! » Dieu se servirait de ce moyen, plus que de tout autre, pour convaincre le monde et préparer les hommes pour son ciel, ainsi que nous l'apprennent ces paroles remarquables de la dernière prière de notre Seigneur, prière si solennelle : « Je prie aussi pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous ne soient qu'un, comme toi, ô Père, tu es en moi et moi en toi, et afin que le monde croie que c'est toi qui m'as envoyé ! (Jean 3 : 18) » Oh ! que le Seigneur hâte ce temps béni ! Que le Seigneur nous apprenne à nous entr'aimer, « non pas seulement de paroles et de la langue, mais en effet et en vérité (1 Jean 3 : 18) », à nous entr'aimer « comme Christ nous a aimés ! (Éphésiens 5 : 2) »

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