vendredi 27 mars 2015

(9) SERMONS CHOISIS (Spurgeon Charles)

Numérisation Yves PETRAKIAN
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LA VIGNE STÉRILE

La parole de l'Éternel me fut adressée et il me dit: Fils de l'homme, que vaut le bois de la vigne plus que les autres bois, et les sarments plus que les branches des arbres des forêts? (Ez 15:1,2).

       Rien n'égalait la présomption et l'arrogance de la nation juive. Lorsqu'elle péchait contre son Dieu, elle se flattait qu'en considération soit de la haute sainteté de ses ancêtres, soit d'une certaine sainteté qu'elle s'attribuait à elle-même, le pardon lui était acquis à l'avance, quelque grave, d'ailleurs, que fût son péché. Tant de fois la miséricorde infinie de Jéhovah s'était déployée en sa faveur; tant de fois sa main puissante l'avait retirée des dangers les plus imminents, que cette nation orgueilleuse en était venue à s'imaginer, qu'enfant chéri de la Providence, elle ne serait jamais rejetée.
        C'est pourquoi le Seigneur, afin d'humilier sa fierté, lui fait entendre, par l'organe du prophète Ezéchiel, qu'elle ne peut se vanter d'aucune supériorité sur toute autre nation de la terre, et il lui demande ironiquement ce qu'il y a en elle qui puisse la recommander à la bienveillance divine. « Il est vrai, ô maison d'Israël, semble dire le Très-Haut, il est vrai que je t'ai souvent appelée ma vigne ; je t'ai plantée sur un coteau, dans un lieu gras ; je t'ai cultivée, je t'ai entourée de mes soins; mais tu ne me rapportes aucun fruit: pourquoi donc continuerais-je à t'avoir pour agréable ? Si tu crois que par toi-même tu vaux mieux que tout autre peuple, tu t'abuses étrangement. Que vaut le bois de la vigne plus que les autres bois, et les sarments plus que les branches des arbres des forêts ?
       Et ici, remarquons, mes frères, que ces paroles ne portent nullement atteinte à la grande vérité de la souveraine et immuable élection de Dieu; car le peuple d'Israël, vous le savez, n'était pas choisi en vue du salut éternel, mais il était choisi dans ce sens qu'il jouissait de privilèges particuliers: son élection, en tant que peuple, n'était qu'une ombre et une image de cette élection personnelle et inviolable que Christ a exercée envers les siens. De sa véritable Eglise élue, Dieu ne retirera jamais son amour ; mais quant à l'Eglise visible et extérieure, il lui cache souvent sa face. A son peuple particulier et qui lui appartient en propre, il donnera toujours des gages de son affection ; mais quant aux chrétiens de nom, à ceux qui font simplement profession d'être ses disciples, il peut le retirer... que dis-je ? il leur retirera infailliblement toute marque de sa faveur, - Mais pour en revenir à Israël, le Seigneur, je le répète l'humilie par la parabole contenue dans ce texte, en lui rappelant qu'il n'est en rien supérieur à aucun autre peuple. Bien plus : il déclare qu'en soi il est une nation chétive méprisable, indigne d'être mise de pair avec le cèdre de Babylone ou avec le chêne de Samarie et que s'il ne porte point de fruit, il n'est bon rien, il est absolument sans valeur.
Mes bien-aimés, cette parabole adressée primitivement à Israël, nous allons essayer, avec le secours de Dieu, de nous l'appliquer à nous mêmes. Deux grands enseignements me semblent en ressortir d'une manière évidente. Le premier s'adresse aux vrais enfants de Dieu, et peut se résumer en deux mots : SOYEZ HUMBLES. Le second s'adresse à tous ceux qui font profession de piété, et peut se formuler ainsi : EXAMINEZ-VOUS VOUS-MÊMES

I
            Soyez HUMBLES : tel est, avons-nous dit, le grand enseignement que donne notre texte à ceux qui ont déjà goûté combien le Seigneur est bon. Que vaut le bois de la vigne plus que les autres bois, et les sarments plus que les branches des arbres des forêts ?
            En observant les diverses allusions faites à la vigne dans l'Ecriture, il semble qu'une sorte de prééminence lui soit attribuée sur tout le monde végétal ; - témoin, par exemple, l'antique parabole de Jotham, où les arbres sont représentés comme s'inclinant devant la vigne, en lui disant : Viens et règne sur nous (Juges 9:8-15). Toutefois, si nous considérons la vigne, indépendamment de sa fertilité, il est certain que nous ne verrons rien en elle qui lui donne droit à aucune distinction, encore moins à une royauté quelconque sur les autres arbres. Sous les divers rapports de la grosseur, de la forme, de la beauté, de l'utilité, le cep de vigne, en effet, leur est infiniment inférieur. Il n'est propre à aucun usage, En prendra-t-on du bois pour en faire quelque ouvrage, ou en prendra-t-on une cheville pour pendre quelque chose (Ez 15:3) ? A part sa fertilité, la vigne est donc à peu près inutile. Nous l'admirons, il est vrai, lorsque nous la voyons tapisser de son riche feuillage les murs de nos demeures ; et, en Orient surtout, où les plus grands soins étaient apportés à sa culture, elle atteignait le plus haut degré de luxuriance. Mais qu'on prenne la vigne à son état de nature, qu'on la laisse à elle-même, elle est, sans contredit, un des arbrisseaux les moins intéressants les plus inutiles qui croissent sous le soleil.
               Or, mes bien-aimés, il en est de même l'Eglise de Dieu, et voilà pourquoi l'humilité est pour elle un impérieux devoir. Les croyants sont appelés la vigne du Seigneur ; mais par nature, que valent-ils plus que leurs frères Adam ? Ils ne sont pas meilleurs que leurs semblables ; il est même des hommes du monde qui leur sont infiniment supérieurs, soit par l'émanation de leurs sentiments, soit par l'excellence de leurs qualités. Sans doute, par la grâce Dieu, les chrétiens sont devenus des sarments fertiles ; ils ont été plantés dans un bon terroir et le Seigneur a étendu leurs rameaux sur les murailles du sanctuaire, et maintenant ils ont obtenu du fruit à sa gloire. Mais; j'en appelle à leur propre témoignage, que seraient-ils sans la miséricorde de leur Dieu ? Que deviendraient ils sans l'influence continue du Saint-Esprit qui seul féconde leurs âmes ? Ne sont-ils pas les derniers parmi les fils des hommes, les plus méprisables entre ceux qui sont nés de femme ? Considère ceci; ô croyant ! Avant conversion, qu'y avait-il en toi qui pût te rend agréable aux yeux de Dieu ? Que dis-je ? Maintenant même, qu'y a-t-il en toi dont tu aies put te glorifier ? Ta conscience ne t'accuse- t-elle point sans cesse ? Est-il un seul jour de ta vie dans lequel tu n'offenses point le Seigneur, et tes infidélités, tes égarements sans nombre ne te disent-ils pas que tu es indigne d'être appelé son fils ? La faiblesse de ton intelligence, la fragilité de ton sens moral, ton incrédulité toujours renaissante, tes chutes réitérées, en un mot, tes misères de tous genres ne t'obligent-elles pas à reconnaître que tu es moins que le moindre de tous les saints ? Et s'il a plu à Dieu de faire de toi quelque chose, ne dois-tu pas avouer que c'est uniquement par un effet de sa grâce, de sa grâce libre et souveraine, que tu es ce que tu es ? - Ah ! s'il y avait dans ce moment devant moi une âme qui, tout en se considérant comme élue de Dieu, ne fût pas prête à s'associer à ces aveux, mais se persuadât qu'elle a été choisie en considération de quelque mérite ou de quelque bon sentiment qui lui était propre ; - que cette âme sache bien qu'elle n'a encore rien compris aux premiers éléments de la grâce, et qu'elle est dans les ténèbres par rapport à l'Evangile. Tout homme qui a reçu la vérité d'une manière efficace doit être prêt à confesser en toutes rencontres qu'il est le plus vil des pécheurs, le rebut de toute la terre ; que par nature il était perdu, souillé, indigne, ou plutôt digne de la condamnation, digne de l'enfer ; et que s'il a été choisi dans le monde et rendu différent de ses semblables, c'est uniquement à la grâce toute gratuite, à l'amour spontané et immérité de son Dieu qu'il en est redevable. O chrétien, toi qui es aujourd'hui grand par ta foi et grand par tes oeuvres, tu ne serais grand que par tes péchés, si ce n'était la grâce de Dieu
           O toi, vaillant soldat de la vérité, tu serais non moins vaillant à combattre pour Satan, si une influence divine n'avait agi sur ton coeur ! Un trône de gloire t'est réservé dans le ciel ; mais tu n'aurais eu à attendre qu'une chaîne d'obscurité en enfer, si l'Esprit saint ne t'eût transformé. Maintenant tu exaltes l'amour de ton Sauveur ; mais une chanson licencieuse serait peut-être sur tes lèvres, si la grâce ne t'avait lavé dans le sang de Jésus. Maintenant, tu es sanctifié, vivifié, justifié ; mais, je te le demande, que serais-tu en cet instant même, si la main du Très-Haut n'était intervenue en ta faveur ? Il n'est point de crime dont tu n'eusses pu te rendre coupable ; il n'est point d'excès, point de vice dans lequel tu n'eusses pu tomber : peut-être, à cette heure, serais-tu un meurtrier, si la grâce préventive de Dieu n'eût retenu ta main. Un jour, tu seras rendu semblable aux anges ; mais tu aurais été semblable aux démons, si la grâce n'eût fait de toi une nouvelle créature. C'est pourquoi, ô chrétien, ne t'élève jamais par orgueil. Souviens-toi que tous tes vêtements te viennent d'en haut : des haillons étaient ton seul héritage. Souviens-toi que la somptueuse demeure, l'inépuisable trésor qui t'attendent pour l'éternité Sont un don de ton Père céleste : il fut un temps où tu ne pouvais dire que rien fût à toi, si ce n'est tes péchés et ta misère. Maintenant la précieuse justice de ton Sauveur te couvre, et revêtue de la robe Sans tache du Bien-Aimé, ton âme est acceptée de Dieu; mais n'oublie pas que tu Serais encore comme enseveli Sous des montagnes de péché, et enveloppé dans les haillons souillés de l'iniquité, si Dieu n'avait eu pitié de ton lamentable état. Et toi, ô mon frère, tu pourrais t'enorgueillir ? Tu pourrais ne pas marcher avec les humbles ? Ah ! étrange mystère, inexplicable contradiction ! Quoi ? tout ce que tu as est emprunté, - et tu oserais te glorifier ! Tu ne possèdes rien qui t'appartienne en propre, tu ne vis que d'aumônes, - et tu serais orgueilleux ! Misérable indigent, dénué de toute ressource, tu dépends entièrement de la munificence de ton Sauveur, - et tu Serais vain ! Pauvre âme fragile et languissante, tu as une vie qui ne peut être alimentée que par les ruisseaux vivifiants dont Jésus est la Source, - et tu serais fière ! Va, mon bien-aimé, défais-toi à tout jamais de ton orgueil ; dépouille-t'en au plus tôt ; pends-le à un gibet aussi haut que celui d'Haman ; laisse-l'y tomber en poussière, et exècre Sa mémoire jusque dans l'éternité ; car, en vérité je te le dis parmi toutes les choses dignes d'être maudites, haïes et méprisées, l'orgueil d'un chrétien occupe le premier rang ! L'enfant de Dieu a dix mille fois plus de motifs que tout autre de marcher en humilité devant Son Dieu, et de se montrer doux, indulgent et débonnaire envers ses semblables. Croyant, reçois donc instruction de mon texte, et n'oublie jamais que la vigne ne vaut pas plus que tous les autres arbres, si ce n'est à cause de la fertilité que Dieu lui a départie.

II
        Mais Si mon texte donne aux fidèles en particulier une leçon d'humilité, il donne aussi à tous ceux qui se réclament du nom de Christ un bien Sérieux avertissement. EXAMINEZ-VOUS VOUS-MÊMES, semble-t-il nous dire ; car ainsi qu'une vigne stérile est dénuée de toute valeur, ainsi l'homme qui fait profession de piété sans porter les fruits convenables à la piété, est l'être le plus inutile et le plus méprisable qui soit ait monde.
       Étudions ce grave sujet, mes chers amis. Et tandis que je parlerai, puissent mes paroles pénétrer dans chacune des âmes ici présentes, en Sorte que tous ensemble, ministres et laïques, anciens de l'Eglise et simples auditeurs, nous soyons portés à Sonder nos cœurs et nos reins, afin de reconnaître si réellement nous sommes dans la foi ou bien si notre prétendue piété ne serait pas un vain et stérile formalisme.
        En abordant notre sujet, quatre questions se présentent naturellement à l'esprit. En premier lieu : Où trouve-t-on la vigne stérile, c'est-à-dire le chrétien formaliste ? ou, ce qui revient à peu près au même : Comment peut-on le reconnaître? En second lieu : D'où vient qu'il soit stérile ? En troisième lieu : Quel est le cas que Dieu fait de lui ? Et en quatrième lieu: Quelle sera sa fin? Reprenons successivement chacune de ces questions.
         Et d'abord : Où trouve-t-on le chrétien formaliste ? Je réponds : Partout. Oui, mes chers amis, partout : en bas et en haut, dans les chaires et sur les bancs, dans l'Eglise et dans le monde. Il n'est pas d'assemblée de croyants où ne se glisse quelque faux frère. Ne nous préoccupons donc pas des autres communions religieuses, mais disons-nous qu'il y a des formalistes dans notre Eglise, qu'il y en a dans cette assemblée. A quelque portion de la vigne du Seigneur que vous apparteniez, soyez sûr qu'elle renferme dans son sein plus d'un sarment stérile ; - et qui vous dit que vous n'en êtes pas un vous-même ? Le formaliste se rencontre dans toutes les positions, dans tous les rangs de la société. Tantôt, il est riche ; il nage dans l'opulence ; Dieu lui a donné une grande part des biens de la terre, et peut-être l'Eglise à laquelle il se rattache, oubliant que Dieu a choisi les pauvres de ce monde, est fière de le compter parmi ses membres. Elle l'honore d'une façon particulière ; et pourtant, que reçoit-elle de lui, en retour des hommages qu'elle lui prodigue ? Rien, ou presque rien. Ses pauvres sont encore dans le dénuement ; ses ressources ne sont pas augmentées par les trésors de l'homme riche ; ou si elle reçoit un peu de son or, du moins n'est-elle ni soutenue par ses prières ni honorée par la sainteté de sa vie, car il marche dans la voie des pécheurs et se plonge dans les voluptés, ne se servant de la religion que comme d'une sorte d'uniforme sous lequel il espère cacher sa conduite indigne. - Mais s'il faut souvent aller chercher le formaliste parmi les riches, il se trouve souvent aussi parmi les pauvres. Combien de personnes appartenant à la classe indigente qui se sont jointes à telle ou telle Eglise et qui ont reçu de la part des fidèles l'accueil le plus cordial ! On se félicitait de voir la pauvreté et la grâce se donner la main ; on se réjouissait à la pensée que la piété allait embellir la cabane du pauvre, et faire de son humble demeure une demeure de paix. Mais, hélas ! bientôt on a découvert que ce pauvre se dégradait lui-même en s'adonnant à des habitudes vicieuses, et déshonorait son Dieu en se conduisant d'une manière indigne de sa profession : il était buveur, jureur ou paresseux, en sorte que bien loin d'être un membre utile de l'Église, il était pour elle un fardeau et un opprobre.
       Tantôt, l'on trouve des formalistes dans ces hommes de grand savoir et de haute intelligence, dans ces théologiens érudits qui mènent, pour ainsi dire, l'avant-garde de l'armée de Dieu ; dont la parole est éloquente et persuasive, dont l'opinion fait loi, qui parlent comme des prophètes et qu'on regarde presque comme inspirés. Ils ont sans nul doute porté des fruits de science, de popularité ou de philanthropie ; mais leurs coeurs n'étant pas droits devant Dieu, leurs oeuvres, excellentes en elles-mêmes, n'ont rien de commun avec la sanctification ; c'est pourquoi la fin de ces hommes ne saurait être la vie éternelle (Ro 6:22). C'est en vain qu'on chercherait en eux les fruits de l'Esprit ; car ils ne sont point des sarments vivants de ce cep divin duquel seul procède toute vie. - Mais si d'une part il y a des formalistes parmi les sages et les intelligents, de l'autre il y en a parmi les petits et les illettrés. Gens modestes et sans prétentions qui parlent peu et dont personne ne parle, ils se glissent régulièrement chaque dimanche dans la maison de Dieu, s'assoient à leur place accoutumée, écoutent le sermon, puis s'en vont, persuadés que par le seul fait de leur présence au culte divin, ils ont rempli leurs devoirs religieux. En général, ils sont silencieux, réservés, et se plaisent dans l'isolement. Paresseux et égoïstes, ils se replient sur eux-mêmes et ne font rien pour autrui ; vigne stérile, ils occupent inutilement la terre.
           Et de même qu'il y a des formalistes dans toutes les conditions sociales, de même il y en a dans toutes les conditions spirituelles. C'est ainsi, par exemple, qu'on peut en trouver parmi ces âmes qui sont toujours à craindre et à douter. Comme le croyant faible et mal affermi, ils répètent souvent : Hélas ! mon, coeur tremblant se demande sans cesse Suis-je au monde ou suis-je au Seigneur ?
          Ils expriment constamment la crainte de ne pas aimer Jésus. Et en vérité, ce n'est pas sans raison qu'ils ont des craintes à cet égard ; car s'ils ne portent point de fruit, s'ils ne s'étudient point à affermir leur vocation et leur élection, ils témoignent hautement par là que, malgré leur simulacre de religion, ils n'ont aucune part en Christ. - Mais, d'un autre côté, il faut souvent aller chercher le formaliste parmi ceux qui ne doutent jamais. Aussi haut que qui que ce soit, il dira, sans rougir et sans hésiter : « Je sais en qui j'ai cru ; je sais que je suis chrétien ; que d'autres aient des doutes, c'est possible ; quant à moi, je suis certain que mes péchés ne peuvent pas plus me condamner que ma justice ne saurait me sauver. Quoi qu'il en soit et quoi que je fasse, je suis au Seigneur... » Ah! pauvre âme aveuglée, Dieu veuille dissiper ta funeste illusion et te faire reconnaître que, malgré ta confiance, tu ne vaux pas plus que celui qui doute toujours et ne croit jamais !
          Il y a tel formaliste qui, invité à prier dans une réunion fraternelle, s'excuse toujours sous un prétexte ou sous un autre, qui néglige le culte de famille, et probablement aussi ses dévotions particulières. Mais par contre, il y a tel autre formaliste qui se lève avec empressement et qui prie pendant un quart d'heure avec une abondance remarquable. Il a beaucoup de paroles, mais point de fond ; beaucoup de feuilles, mais point de fruits ; il possède le don de bien parler, mais non celui de bien vivre ; il s'exprime bien, mais agit mal ; il est pieux dans son langage, mais non dans sa conduite; il sait discourir des choses saintes, mais il ne sait pas marcher saintement avec son Dieu et le servir avec joie. - Mes chers auditeurs, je ne connais pas chacun de vous individuellement ; j'ignore quels sont votre caractère, votre réputation, vos habitudes, votre moralité ; mais je sais une chose : c'est que quelque considérés que vous soyez dans le monde, quelque confiance que vous inspiriez à l'Eglise elle-même, vous n'êtes nullement en droit de conclure, sans vous être préalablement examinés avec soin, que votre piété est autre chose qu'un froid et vain formalisme. Sachez-le bien, il est très facile de se séduire soi-même. Tous les, arbres stériles ne croissent pas dans le désert du monde ; il en est, hélas ! un trop grand nombre qui étendent leurs rameaux sans sève et sans vie au centre crème du jardin de Dieu. Je le répète, les formalistes se trouvent partout : il y en a de tout genre et de tout caractère ; il y en a de tout rang et de toute condition; il y en a parmi les grands comme parmi les petits; parmi les savants comme parmi les ignorants ; parmi les riches comme parmi les pauvres ; parmi les membres les plus timides, les moins connus d'un troupeau, comme parmi ceux qui se mettent le plus en évidence. A chacun donc de s'examiner soi- même !
          Mais dois-je essayer de vous décrire le formaliste avec plus de détails encore ? - Voyez cet homme qui néglige la prière du cabinet et qui ne marche point devant Dieu en public ; cet homme qui rend à son Créateur un culte hypocrite, et qui, tout en affectant le plus grand respect pour ses devoirs religieux, use de déloyauté dans les affaires, et de fraude dans son commerce ; cet homme enfin, qui, semblable aux Pharisiens orgueilleux dont le Seigneur disait qu'ils dévoraient les maisons des veuves, cache habilement ses iniquités, puis va, le front haut, se présenter devant Dieu, en s'écriant: O Dieu! je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes ! Voilà un formaliste, mes frères ! voilà un sarment stérile ! il fait profession de christianisme, c'est vrai, mais il ne porte aucun fruit qui vienne à maturité.
           Voyez encore cet homme qui se fait gloire de sa moralité et de son excellence ; il se confie dans ses oeuvres et se flatte d'être sauvé par ses mérites ; il s'approche de Dieu, et lui demande son pardon; mais un mensonge est dans sa main droite, et ses lèvres sont des lèvres trompeuses, car il apporte avec lui sa propre justice et il ne croit point avoir besoin de la grâce qu'il sollicite. Lui aussi est un formaliste, lui aussi est un sarment stérile, car il n'a de la religion que les dehors et l'apparence.
          Et qu'est-il de plus qu'un formaliste, cet homme si rigide, si inflexible sous le rapport de la doctrine, mais si relâché, si accommodant sous le rapport de la vie ? Il est très orthodoxe en théorie, mais il l'est fort peu en pratique. Il fait grand bruit de ses croyances, mais il les désavoue par sa conduite. Il est le premier à chanter:
          C'est pour l'éternité que le Seigneur nous aime ; mais évidemment il n'a jamais eu de part l'amour de Christ, puisque au lieu d'aimer et servir son Maître, il continue à pécher afin que la grâce abonde.
      Mais que fais-je ici en m'efforçant de vous démasquer, ô hypocrites ? Puisse le Seigneur lui même vous démasquer en cet instant devant vos propres consciences. Ah ! que d'arbres stérile que de chrétiens purement extérieurs, que de membres indignes de l'Eglise n'y a-t-il pas dans cet auditoire ! Oh ! qu'elles sont nombreuses les âmes auxquelles pourrait justement s'adresser la malédiction prononcée contre Méroz : Maudissez Méroz, a dit l'ange de l'Eternel ; maudissez, maudissez ses habitants; car ils ne sont point venus au secours de l'Eternel, au secours de l'Eternel, avec les hommes puissants (Juges 5:23) ! Combien bien parmi vous, en effet, qui se contentent de manger le plus gras du pays, et de boire le vin doux (Ne 8:10), sans porter aucun fruit à la gloire du Seigneur ? Paresseux lssacars, vous vous tenez couchés, comme un âne gros et fort, entre des jougs (Ge 49:14), sans rien faire pour votre Maître vous traversez la vie, sans parler de Christ, sans prier pour Christ, sans donner à Christ, sans vivre pour Christ! Vous avez la réputation d'être vivants, mais vous êtes morts ; vous vous drapez dans une profession extérieure de piété, mais vous ignorez absolument ce que c'est que de se consacrer à Dieu et de s'offrir tout entier à lui en sacrifice vivant et sain. - Jugez vous-mêmes, mes frères, de ce que je dis ; si, en cet instant, vous étiez passés au crible, combien d'entre vous sortiraient purs de cette épreuve N'est-il pas vrai qu'il y a dans nos Eglises un grand nombre de soi-disant chrétiens aux prétentions élevées, qui volent haut, mais ne font rien ; qui sont empressés à parler de l'Evangile, mais lents à vivre selon l'Evangile ; qui se plaisent peut-être à entendre annoncer la vérité, mais qui ne pratiquent pas cette vérité, en servant leur Dieu et en honorant sa sainte cause ? A de tels chrétiens, je dis hautement : Vous êtes les êtres les plus inutiles, les plus destitués de valeur, qui existent dans le monde. Comme la vigne, vous seriez honorables si vous portiez du fruit ; mais de même qu'un cep improductif est méprisable, de même vous n'êtes bons à rien qu'à être jetés dehors et brûlés au feu.
       Et maintenant je passe à la seconde question D'où vient que les âmes dont nous parlons soient stériles ? La réponse est bien simple : parce que leur piété n'a point de racines, - Oui, il n'est que trop vrai, beaucoup de membres de nos Eglises n'ont pas la moindre racine en eux-mêmes. Il se peut qu'ils aient de beaux dehors, et que de loin leur aspect séduise ; mais encore une fois les racines leur manquent. Ne vous souvient-il pas de ce jeu de votre enfance, alors que vous cueilliez quelques fleurs et que vous enfonciez leurs tiges dans la terre ? Vous appeliez ce parterre improvisé « votre jardin » ; puis le lendemain, vous couriez le visiter, mais toutes les fleurs étaient fanées et mortes. Ainsi en est-il de beaucoup de prétendus chrétiens : jolie fleur mise en terre sans racine, n'ayant aucune adhérence au sol, et par conséquent ne puisant en lui aucun suc nourricier, leur piété se flétrit et meurt sans avoir porté aucun fruit agréable à Dieu. Tu t'es trop hâté, ô mon frère. Tu as dit à ton pasteur : « Je désire être reçu dans l'Eglise. » Celui-ci t'interroge, s'assure que tu connais la vérité; tu lui affirmes solennellement que ton coeur est en paix avec Dieu. Alors, il te baptise (On sait que le Rév. Spurgeon appartient à l'Église baptiste, et que dans cette Eglise nul ne peut recevoir les eaux du baptême ou participer à la cène sans avoir fait une profession de foi individuelle. -Note du Traducteur.), te reçoit au nombre des enfants de Dieu ; mais hélas ! ta vie religieuse n'avait point de racines ; aussi qu'est-il arrivé ? Après un temps, elle a séché. Les ardeurs du soleil l'ont brûlée, ou bien elle va s'étiolant de jour en jour, sans porter aucun fruit. Et comment aurait-il pu en être autrement puisqu'elle n'avait aucune racine ? C'est à la racine, mon frère, que tu aurais dû songer tout d'abord ; puis les branches auraient crû d'elles-mêmes ; mais c'est le contraire que tu as fait : de là provient ta stérilité.
           Et ici j'éprouve le besoin de m'adresser tout particulièrement aux jeunes gens de mon troupeau. Le dirai-je ? Je tremble souvent en pensant à eux, car je crains que dans bien des cas ils ne prennent pour une véritable conversion ce qui n'est que le résultat de l'entraînement ou d'une excitation passagère. Ils ont peut-être éprouvé pendant un temps un certain travail dans leur conscience ; toutefois ce travail n'était pas assez profond, assez réel pour être divin ; aussi ne saurait-il durer. Mais alors même que toute trace de piété intérieure s'est évanouie, malheureusement la profession extérieure reste, et ils se font de cette profession même un oreiller de sécurité. « Nous sommes membres de l'Église, se disent-ils ; nous n'avons donc rien à craindre. » Avertissez-les solennellement; insistez sur le devoir de s'examiner soi-même : vos paroles ne les touchent point. Ils sont baptisés, admis à la cène ; ils ont en quelque sorte franchi le Rubicon qui sépare le monde de l'Église ; que leur faut-il de plus ? Oh ! je ne saurais dire combien je tremble pour ces jeunes âmes !
Sans doute, je gémis à cause de l'endurcissement des incrédules ; mais je gémis bien plus amèrement encore à cause du fatal aveuglement de ces pauvres coeurs abusés ; car comment espérer parvenir à faire impression sur eux, puisqu'ils se croient dans le meilleur état possible, tant qu'en réalité ils sont dans un fiel très amer dans les liens de l'iniquité ? Mes jeunes amis, je ne voudrais décourager aucun de vous d'entrer dans les voies de la piété ; mais voici ce que je vous dis : examinez-vous vous-mêmes avant de faire profession d'appartenir à Dieu. Je voudrais en aucune manière empêcher ceux d'entre vous qui aiment le Seigneur Jésus confesser franchement leur Maître et de se joindre à l'Église ; mais je vous en supplie, sondez vos coeurs et éprouvez vos reins. Que de personnes qui se sont crues converties sans l'être réellement ! Que de milliers d'âmes qui ont ressenti une fois ou l'autre des impressions sérieuses, éprouvé pendant plus ou moins de temps une sorte de changement, un certain malaise intérieur, mais chez qui toutes ces impressions se sont ensuite évanouies comme un songe. Permettez-moi de vous citer un fait qui vient à l'appui de ce que j'avance. Il y a peu de jour que je reçus la visite d'un excellent homme, qui est aujourd'hui, je le crois, un véritable enfant de Dieu, et qui venait me dire qu'il avait été récemment convaincu de péché par le moyen ma prédication. Il me raconta en peu de mots quel avait été son passé religieux. « Je suis dans la Nouvelle-Angleterre, me dit-il, et baptisé dans mon enfance. J'étais encore bien jeune lorsqu'un réveil se manifesta dans mon village natal. C'est à peine s'il y eut un jeune garçon ou une jeune fille qui ne donnât pas des signes de conversion ; moi-même je fus vivement impressionné. Il n'y avait point assurément dans tout le village un coeur aussi endurci que le mien ; toutefois, mon péché me trouva à la fin. Je me souviens que je pleurais abondamment devant Dieu et le priais avec ferveur. J'allai trouver le pasteur, je lui dis que j'étais converti ; je le trompai et fus admis dans l'Église..... Peu de temps après, j'étais plongé dans les vices les plus noirs et j'avais renoncé à toute profession de piété. Après avoir fini mes études, mon inconduite devint si criante que je fus excommunié, et jusqu'à ces derniers temps j'ai vécu dans une complète incrédulité, sans donner une seule pensée à mes intérêts éternels. »
            Vous le voyez, mes chers amis, il est facile de se faire illusion. Prenez donc garde, je vous en conjure. Bien des personnes s'élancent dans la piété sans plus de réflexion que si elles s'élançaient dans un bain; mais le plus souvent elles en ressortent aussi vite qu'elles y sont entrées, car leur coeur appartient encore au monde.' Peut-être ces personnes croyaient-elles sincèrement s'être données au Seigneur, mais l'édifice de leur foi pêchait par sa base ; aussi, tôt ou tard, il s'écroule. Ce qui fait que nos Eglises comptent tant de membres stériles et morts, c'est parce qu'on ne se préoccupe pas assez des premiers commencements ; on ne prend pas assez garde au point de départ ; on ne tient pas assez compte des premières lueurs de l'aube du jour; on confond trop aisément le pâle et vacillant lumignon de ses propres espérances avec les premières clartés du Soleil de justice ; et, parce que la loi a blessé la surface de la conscience, on se figure que la main du Seigneur a porté le coup de mort à l'homme naturel, tandis qu'on est encore complètement étranger à l'oeuvre bien autrement puissante, profonde et efficace de l'Esprit de Dieu. Ne nous reposons donc pas trop sur nos expériences, sur nos sensations, sur nos bons désirs eux-mêmes ; ne nous hâtons pas de poser en fait que nous sommes enfants de Dieu, sans nous être assurés avec soin que nous avons droit à ce titre. Revenons souvent en arrière, et recommençons comme tout de nouveau notre course ; allons continuellement à Christ, en lui disant comme au premier jour :

Je viens à tes pieds, les mains vides ;
Tout mon espoir est en ta croix !

     Car, ne l'oublions pas, mes bien-aimés : toute piété qui n'a pas eu de bons commencements, c'est-à- dire qui a commencé ailleurs qu'au pied de la croix de Christ, ne saurait être que stérile et vaine.
          Quel est le cas que Dieu fait du formaliste telle est la troisième question que nous nous sommes posée. Je ne demande pas, remarquez-le, quel cas il fait de lui-même ; car, en général, le formaliste a une si haute opinion de son mérite, qu'en vérité celui-là ferait bien vite fortune qui l'achèterait à sa véritable valeur, pour le revendre ensuite au prix auquel il s'estime. Je ne demande pas non plus ce que pensent du formaliste ceux qui le connaissent superficiellement. Il est possible que l'Eglise à laquelle il vient de se rattacher le tienne en haute estime ; pasteurs et fidèles le louent à l'envi. Peut-être est-ce un homme haut placé ; on est flatté de sa seule présence dans le lieu de culte, on s'empresse de le revêtir de la dignité d'ancien. De ces sortes d'appréciations, je n'ai point à m'occuper ; c'est l'appréciation de Celui qui sonde les cœurs et les reins que je tiens à constater. Or, voici ce que Dieu pense de tout homme qui fait profession d'être pieux sans être sincère : il n'est rien au monde de plus inutile qu'un tel homme.
             Et chose remarquable ! ce jugement que le Seigneur porte sur le formaliste devient, à mesure qu'il est mieux connu, celui de tout le monde. En voulez-vous des preuves ? Interrogeons le troupeau dont il fait partie depuis des années. « A quoi vous a servi ce formaliste ? Quel bien vous a-t-il jamais fait ? membres de l'Eglise, répondez ! Vous soulage-t-il dans vos détresses ? vous console-t-il dans vos afflictions ? Lorsque votre pasteur est lassé, soutient-il par la prière ses mains défaillantes ? Lorsque l'heure du combat a sonné, marche-t-il à la tête des soldats de Christ ? Quel service vous a-t-il rendu ? quel service vous rend-il encore ? » Membres de l'Eglise ! je vous entends vous écrier tout d'une voix : « Arrière de nous le formaliste ! il n'est bon à rien, il n'est propre à aucun usage. Loin de servir l'Eglise, il lui fait tort, car sa vie est en contradiction avec ses principes. Sarment stérile, qu'on le retranche du milieu de nous ! »
            Ainsi chassé de l'Eglise, où se réfugie le formaliste ? Dans le monde. Et quel accueil y reçoit-il ? Écoutons. « Enfants du monde, que pensez-vous de cet homme ? Il fait profession de piété : quel cas en faites-vous ? - Arrière de nous les gens de son espèce ! nous répondent-ils avec dédain ; cet homme, n'a aucune consistance, il tourne à tous les vents : aujourd'hui il prend les airs d'un saint ; demain il se conduira comme un des nôtres. Qu'il aille où bon lui semble ! nous ne voulons point de sa compagnie. »
        Quoi ? le monde comme l'Eglise repousse le malheureux ! Mais sûrement sa famille du moins lui rendra un meilleur témoignage. Demandons à son fils: « Jeune homme, à quoi t'a servi la piété de ton père ? Que lui dois-tu ? - Ce que je lui dois ? répond le fils, absolument rien. Il est vrai que mon père demande à Dieu avec une apparente ferveur de me convertir ; mais il se lève de ses genoux pour donner carrière à son humeur irascible. Il est violent et emporté. Que de fois ne m'a-t-il pas frappé avec colère, sans aucune provocation de ma part ? Le dimanche,: il va régulièrement au culte, et il exige que ses enfants l'y accompagnent ; mais nous savons ce qu'il fait le lundi : il s'enivre, ou jure, ou ment, ou se met en colère..... Il m'a fait prendre le christianisme en aversion, il m'a rendu incrédule : voilà tout ce que je lui dois. »
         Du fils, passons à l'épouse. « Que pensez-vous de votre mari ? lui dirons-nous ; il y a longtemps qu'il fait profession de piété : qu'y avez-vous gagné ? - Hélas ! répond la pauvre femme, il ne me sied pas, je le sais, de mal parler de mon mari, mais la vérité m'oblige à dire qu'il m'a rendue la plus malheureuse des femmes. Je crois que je serais aujourd'hui une véritable chrétienne, si je n'avais eu sous les yeux le triste spectacle de ses inconséquences. Il m'a scandalisée, il m'a brisé le coeur. Il a toujours été une pierre d'achoppement pour moi... »
         Mais poursuivons notre interrogatoire. Que la servante comparaisse à son tour devant nous.
         « Jeune fille, que pensez-vous de votre maître ? il se donne pour un homme religieux ; qu'avez-vous à dire sur son compte ? - Avant de me placer chez lui, réplique la servante, je me figurais que les chrétiens étaient de dignes gens, avec lesquels on devait s'estimer heureux d'avoir affaire ; mais si tous les chrétiens ressemblent à mon maître, j'avoue que je préférerais gagner moitié moins et servir un homme du monde ; voilà tout ce que je puis dire. »
       Mais notre formaliste est peut-être à la tête d'un grand commerce, d'une industrie considérable. Il jouit de la considération publique ; il passe pour un homme excellent. N'a-t-il pas fait un don généreux en vue de la construction de telle église ? Ne contribue-t-il pas annuellement à l'entretien de telle école ? Toutefois, ne nous en tenons pas à ces vagues renseignements ; questionnons ses commis, ses ouvriers. Demandons-leur, à eux aussi, ce qu'ils pensent de leur patron. « Ce que nous en pensons? répètent-ils ironiquement, c'est qu'il est le plus mauvais payeur de la paroisse, et qu'il est bien dur d'être à sa merci. - Mais sa piété ?...- Sa piété ! C'est une indigne comédie, et rien de plus ! Autrefois, nous fréquentions le culte divin; mais nous sommes droits, nous sommes sincères, et nous avons préféré ne plus y assister que de nous y trouver en face d'un misérable hypocrite tel que lui.»
          Mes frères, les portraits que je trace ne sont pas fictifs, ils sont réels et, sans aller bien loin, je pourrais, je n'en doute pas, trouver des hommes qui ressemblent fort à ces portraits. Et maintenant je réitère ma question : que valent de tels hommes ? à quoi sont-ils bons ? S'ils disaient franchement : « Je ne suis pas chrétiens », ils agiraient du moins en êtres sensés et rationnels. Car, en 'définitive, si Baal est Dieu, il est juste que Baal soit servi, et si le monde vaut la peine qu'on l'adore, il est juste qu'on l'adore loyalement, de tout coeur, sans faire tort à Satan d'une seule parcelle de ce qui lui est dû. Mais si Dieu est Dieu, si l'Éternel est l'Éternel, que dire de l'homme qui vit dans le péché, tout en affectant de le servir et en parlant de sa grâce ? Le Seigneur le repousse loin de lui avec horreur ; il le désavoue, il le regarde comme un objet vil et indigne entre tous. Semblable à la vigne qui ne porte point de fruit, ce soi-disant chrétien vaut moins que rien; il occupe la terre en pure perte, car il ne se conduit pas d'une manière digne de l'Évangile. Mes chers amis, je ne voudrais rien avancer qui pût vous paraître exagéré ou imprudent, mais croyez bien que je dis ceci de sang-froid et après mûres réflexions. S'il se trouvait quelqu'un parmi vous qui fit profession de piété, mais dont la conduite prouvât que cette profession n'est que feinte et mensonge, je l'engage sérieusement - (et je le répète, je dis ceci en pesant la portée de mes paroles), - je l'engage à renoncer complètement aux formes de la religion et à se montrer tel qu'il est. Oui, mes chers auditeurs, je vous en supplie, ayez au moins le mérite de la franchise. Ne boitez pas des deux côtés. Ne jouez pas double jeu. Si Dieu est Dieu, servez-le, et servez-le sans réserve, sans partage. Si Baal est Dieu, si Satan est un bon maître, si vous désirez vivre à son service et gagner son salaire, libre à vous ; - servez-le. Mais, au nom de votre âme, ne mêlez pas le service de Dieu et le service de Satan ! Soyez ou tout l'un ou tout l'autre : chrétien ou mondain, enfant de lumière ou enfant de ténèbres. Renoncez à votre hypocrite formalisme et ayez le courage de vous déclarer hautement serviteur du diable, ou bien gardez votre profession de piété et vivez comme un serviteur de Dieu : encore une fois, soyez ou' tout l'un ou tout l'autre. Mes frères, je vous exhorte, solennellement à choisir dès aujourd'hui qui vous voulez servir. C'est en vain, sachez-le, que vous essaieriez de faire de la conciliation en pareille matière : nul ne peut servir deux maîtres; vous ne pouvez servir Dieu et Mammon (Mat 7:24).
          Et maintenant, il ne me reste plus qu'à répondre à cette question : Quelle sera la fin de la vigne stérile ? Le prophète nous dit qu'elle sera consumée par le feu. Et en effet, quand un vieux cep ne porte plus de fruits, que devient-il ? Le vigneron l'arrache, le jette de côté avec le bois mort et les mauvaises herbes, puis il est brûlé. Tout autre arbre serait du moins réservé pour le feu du maître; mais le cep est tellement méprisable qu'il est mis au rebut pour être employé à des usages vils. L'antique et robuste chêne des forêts est brûlé, lui aussi, il est vrai ; mais ses funérailles sont dignes de sa grandeur passée ; il tombe en cendre avec honneur et il y a de l'éclat dans sa flamme. Mais quant à la vigne stérile, on là traite: avec mépris; on la laisse se consumer lentement et ignominieusement, au milieu de débris de toutes sortes ; en un mot, sa fin est misérable su plus haut degré. Il en sera de même du formaliste. Sans doute, tout homme qui n'aime pas Dieu périra ; mais celui qui prétend l'aimer sans l'aimer réellement, périra avec une double mesure d'ignominie. Non seulement il ne sera pas enseveli dans le sépulcre des rois, mais encore ce qui est dit d'un ancien roi d'Israël peut lui être appliqué dans un certain sens : Il sera enseveli de la sépulture d'un âne, il sera traîné et jeté hors des portes de Jérusalem (2Ch 21:20; Jer 22:19). Oui, la damnation d'un formaliste sera, j'en suis convaincu, le spectacle à la fois le plus terrible, le plus ignoble, le plus effroyable que l'enfer puisse jamais voir ! Lorsque Satan, plein d'une haine diabolique contre son Créateur, fut précipité du ciel, il y eut du moins une sorte de grandeur dans sa chute, comme il y avait eu quelque chose de hideusement sublime dans son péché. De même, quand un hardi blasphémateur, quand un impie audacieux est lancé en enfer, il y a dans leur perdition un certain caractère de grandeur et de majesté, et cela, parce qu'ils ont eu le courage de se montrer tels qu'ils étaient. Mais lorsqu'un homme qui s'est fait un masque de la piété sera envoyé en son lieu, qui pourrait dire le surcroît de honte, d'opprobre, de confusion, d'amertume incomparable qui accompagnera son supplice ? Il me semble que je vois l'incrédule avoué soulevant ses chaînes de feu, saluer par un sifflement ironique le ministre hypocrite qui arrive en enfer. « Aha ! Aha dira-t-il, te voici donc au milieu de nous ! Tu me reprenais autrefois à cause de nues blasphèmes, à cause de mes débauches, et maintenant te voici dans l'enfer des débauchés et des blasphémateurs ! » - « Aha ! reprendra un autre damné, je te reconnais, austère et rigide pharisien ! Te souvient-il du jour où tu me déclaras que je périrais si je demeurais incrédule ; et toi, qu'as-tu gagné, je te prie, à jouer le croyant ? Va ! tu es le plus vil d'entre nous ! Je suis perdu comme toi, mais du moins je n'ai pas rougi de servir mon maître, tandis que toi, lâche hypocrite, tu n'as eu le courage de bien servir ni Dieu ni Satan ! » - Et une autre voix hurlera du fond de l'abîme : « Ministre de l'Evangile ! chante- nous maintenant un de ces, cantiques que jadis tu avais toujours sur les lèvres ; cite-nous quelque passage de la Bible ; parle-nous d'élection, de grâce, de sainteté... » Et d'un bout à l'autre de l'enfer retentiront des sifflements, des injures, des cris d'indignation et de rage à l'adresse de celui qui se disait chrétien, qui même enseignait les autres, mais dont le cœur n'était pas droit devant Dieu !... Pour ma part, mes frères, je vous le déclare, il n'est aucune réprobation qui me semble plus à redouter que la réprobation réservée aux hypocrites apostats, - à ces hommes sans pudeur ni conscience qui prétendent aimer le Seigneur, glosent sur des sujets religieux, défendent avec chaleur le christianisme, participent à la sainte Cène, parlent des heureux effets d'une bonne communion, se lèvent pour prier dans les assemblées fraternelles, et expriment l'assurance qu'ils seront exaucés à cause de leur foi, mais qui tout en se couvrant ainsi du manteau de la religion, commettent des choses abominables ; opprimant le chétif, faisant tort à l'orphelin et pratiquant toutes sortes d'iniquités. Oh ! en vérité, j'estime que la condamnation particulière qui fondra sur de tels hommes sera deux fois plus redoutable, deux fois plus écrasante, que celle de toute autre classe de pécheurs. Il me semble qu'en enfer il y aura comme un autre enfer, où les damnés les plus coupables seront comme damnés une seconde fois ; et là seront jetés les hypocrites, - tous ceux qui ont été avec nous, mais qui n'étaient pas des nôtres, qui prétendaient appartenir à Christ, mais qui n'étaient que de vils imposteurs !... Oh ! formalistes qui m'écoutez, je vous en supplie : si vous ne voulez pas aggraver votre condamnation, si vous ne voulez pas attiser vous-mêmes le feu qui ne s'éteint point, si vous ne voulez pas que vos chaînes soient rendues plus pesantes, votre rage plus hideuse, vos imprécations plus désespérées, je vous en supplie, quittez, quittez sans délai cette profession de piété dont vous êtes indignes. Ou bien décidez-vous pour le Seigneur ; sortez de cette enceinte contrits et humiliés, et, rentrés chez vous, ployez le genou devant Dieu, en lui demandant de vous sonder, de vous éprouver, de vous rendre intègres et droits devant sa face. Prenez la ferme résolution de renoncer à ce honteux système de duplicité et de fourberie que vous avez suivi trop longtemps. Ne vous drapez plus dans les robes de la sainteté extérieure pour cacher les souillures qui couvent en dessous. Soyez vrais, soyez sincères. Si, à vos risques et périls, vous voulez continuer à vivre loin de Dieu, soyez des pécheurs qui se donnent pour ce qu'ils sont, et non de vils et rampants hypocrites. Que vaut le bois de la vigne plus que tous les autres bois ? Sans contredit, il vaut beaucoup moins ; c'est pourquoi, si la vigne ne porte pas de bons fruits, sa fin sera la plus terrible, la plus infamante, la plus lamentable qui se puisse imaginer.
         Mes chers auditeurs, cela ne vous émeut-il point ? Cela n'ébranle-t-il point vos consciences ?... Ah ! vous tremblez probablement, vous qui n'avez point sujet de trembler ; mais quant à ceux que ces dures vérités devraient transpercer jusqu'au fond de l'âme, hélas ! je le crains, ils demeurent impassibles. L'avertissement que le Seigneur vient de vous faire entendre retentira dans le coeur des vrais enfants de Dieu, comme le cri du prophète (Jer 48:31) : Hurlez, hurlez, à cause de Moab ! mais, hélas ! Moab lui-même ne hurlera point ! vous gémirez sur Kir-Hérès, mais Kir-Hérès ne gémira point sur elle-même ! Vous pleurerez sur les hypocrites de votre connaissance, mais, quant à eux, ils se retireront dans leurs demeures, tranquilles et satisfaits, en se disant les uns aux autres :
         « Discours énergique aujourd'hui, mais qui ne nous concernait en rien. » Puis, ils iront, avec une froide présomption, avec une inconcevable assurance, prendre d'une main la coupe du péché, et de l'autre la coupe du Seigneur ; chanter un soir des chansons profanes, et le lendemain "Jésus; refuge de mon âme" ; se rencontrer ici avec Christ, et là avec le diable ; et, le nom de Dieu encore sur les lèvres, applaudir à toutes les oeuvres ténébreuses de Satan ! Ah ! pécheurs, pécheurs, pécheurs ! prenez garde, prenez garde, je vous en conjure ! Que chacun de nous interroge son coeur, pour s'assurer si, jusqu'à présent, il ne s'est point séduit lui-même. Et veuille le Seigneur illuminer notre entendement, afin que nous soyons parfaitement au clair sur cet important sujet. Disons-lui tous ensemble : O Dieu fort, sonde-moi et considère mon coeur ; éprouve-moi, et considère mes discours ; et regarde s'il y a en moi aucun mauvais dessein, et conduis-moi par la voie du monde (Ps 139:23,24.).
        Je termine ; mais auparavant il faut que je te dise aussi un mot, à toi, mon cher auditeur, qui en cet instant même te dis avec une joie maligne : « A la bonne heure ! les faux dévots ont eu leur compte aujourd'hui ! Quant à moi, je suis hors de cause ; je ne fais point profession de piété ; nul ne pourrait me traiter d'hypocrite. J'en suis fort aise, mon ami, et je t'en félicite. Toutefois, ne va pas t'imaginer que tu sois beaucoup plus avancé pour cela. Supposons que deux hommes soient conduits devant la justice, et que l'un d'eux, feignant la juste indignation de la vertu calomniée, s'écrie : « Je suis un honnête homme, je proteste de mon innocence ! » Néanmoins, malgré ses dénégations, on acquiert la certitude qu'il est coupable du crime dont on l'accusait, et on le condamne. Vient le tour du second inculpé. « M. le juge, commence-t-il, je reconnais que je suis coupable ; j'ai toujours été un scélérat et le serai toujours ; je n'ai aucune prétention à la vertu. » Penses-tu, mon cher auditeur, que le juge fasse grâce à ce dernier, en raison de son effronterie ? Assurément non. De même, si tu dis en ton cœur : « Je n'ai aucune prétention à la piété, donc je n'ai rien à craindre », sache que tu t'abuses étrangement ; et permets-moi de te dire que si c'est une chose terrible que de vouloir se faire passer pour chrétien alors qu'on ne l'est pas, c'est une chose non moins terrible que de vivre, le sachant et le voulant, en dehors de toute piété. A ton tour, prends donc garde de ne pas te faire illusion. Ce qu'il nous faut à tous, sans exception, c'est un nouveau cœur et un esprit droit ; sinon, que nous soyons formalistes ou que nous ne le soyons pas, nous périrons infailliblement.


          Oh ! puisse Dieu nous accorder la grâce, aux uns et aux autres, de crier à lui et d'implorer son pardon ! Puisse-t-il nous aider à nous repentir de nos péchés et à placer notre confiance simplement et entièrement en notre Seigneur Jésus-Christ ! Alors, nous serons sauvés dès ici-bas, et sauvés pour l'éternité.

mardi 24 mars 2015

(8) SERMONS CHOISIS ( Spurgeon Charles)

APPEL AUX INCONVERTIS

       Tous ceux qui s'attachent aux oeuvres de la loi sont sous la malédiction ; car il est écrit : Maudit est quiconque ne persévère pas dans toutes les choses qui sont écrites au livre de la loi pour les faire (Gal 3:10).
      Mon cher auditeur, es-tu converti ou ne l'es-tu pas ? De ta réponse à cette question dépend la manière dont je m'adresserai à toi en ce jour. Veuille, je t'en supplie, au nom de ton âme, oublier pour quelques instants que tu te trouves dans un lieu de culte, écoutant un ministre de l'Évangile: qui prêche à un nombreux auditoire. Essaie de te figurer que tu es assis dans ta maison, dans ton cabinet, et que je suis debout à ton côté, ta main dans ma main, m'entretenant seul à seul avec toi ; - car c'est ainsi que je désire parler en ce moment à chacun de ceux qui m'écoutent. Je te réitère donc, mon cher auditeur, la question souverainement importante et solennelle que je t'ai déjà posée, et je te conjure d'y répondre comme en présence de Dieu. Es-tu en Christ ou hors de Christ ? As-tu cherché un refuge auprès de Celui qui est l'unique espoir des pécheurs ? ou bien es-tu encore étranger à la république d'Israël, éloigné de Dieu, et en dehors des promesses de son saint Évangile ? Voyons, mon frère, pas d'hésitations, pas de faux fuyants; sois de bonne foi, et que ta conscience réponde OUI ou NON à ma demande. Car, de deux choses l'une : ou tu es sous le poids de la colère de Dieu, ou tu es délivré de cette colère. Il n'y a point d'autre alternative. Oui, tu es dans cet instant même héritier de la malédiction divine, ou héritier du royaume de la grâce : lequel de ces deux états est le tien ? C'est à toi à prononcer. Et qu'il n'y ait point de « si » et de « peut-être » dans ta réponse ; mais qu'elle soit nette, loyale, catégorique. Que si tu étais encore dans le vague à cet égard, je t'en supplie, ne donne point de repos à ton âme jusqu'à ce que ce vague soit dissipé. 
       Surtout, ne te hâte pas d'interpréter le doute à ton profit ; considère-le bien plutôt comme une forte présomption contre toi. Il est plus probable, crois-le, que la vérité se trouve du mauvais côté que du bon. Maintenant donc, ô mon frère, place ton âme dans la balance ; et si un plateau ne pèse pas évidemment plus que l'autre, mais que tous deux se maintiennent à peu prés en équilibre, de telle sorte que tu sois obligé de dire : « Je ne sais lequel l'emporte... » souviens-toi que mieux vaut résoudre de suite la question en mal (quelque terrible que soit cette extrémité), que de la résoudre en bien, au risque de te séduire toi-même et de continuer à vivre dans une présomptueuse sécurité, jusqu'à ce que tu reconnaisses enfin ta fatale illusion dans l'abîme de l'enfer. Peux-tu donc, une main posée sur la Parole de Dieu et l'autre sur ton propre coeur, lever en cet instant ton regard vers le ciel et dire clans une humble assurance : « Je sais une chose, c'est que j'étais aveugle et que maintenant je vois ; je sais que je suis passé de la mort à la vie ; je suis le premier des pécheurs, mais Jésus est mort pour moi ; et à moins que je ne m'abuse de la manière la plus terrible, je suis dès à présent un racheté de Christ, un monument de la grâce de Dieu ? » Peux-tu, te dis-je, en toute bonne conscience, me faire cette réponse ? S'il en est ainsi, ô mon frère, paix te soit en notre Seigneur ! Que la bénédiction du Très-Haut repose sur ton âme ! Ne crains point ; les paroles que nous allons méditer n'ont plus de foudres pour toi. Lis plutôt le verset 13 du chapitre auquel j'ai emprunté mon texte, et tu y trouveras la confirmation glorieuse de tes espérances : Christ a été fait malédiction pour nous, car il est écrit : Maudit est quiconque est pendu au bois. Si donc il est vrai que tu sois un enfant de Dieu, converti et régénéré, je le répète, tu n'as rien à craindre, car Christ a été maudit à ta place.
        Mais j'ai la solennelle conviction que la grande majorité de cette assemblée ne pourrait me faire une semblable réponse ; et toi en particulier, mon cher auditeur - (car je veux continuer à m'adresser personnellement à toi), - tu n'oserais, n'est-il pas vrai ? tenir ce langage, car tu es étranger à l'alliance de grâce. Tu n'oserais mentir à Dieu et à ta conscience, c'est pourquoi tu dis avec une franchise qui t'honore : « Je sais que je n'ai jamais été régénéré ; je suis aujourd'hui ce que j'ai été de tout temps. » C'est donc avec toi que j'ai affaire, ô homme ! et je t'adjure, par Celui qui doit juger lés vivants et les morts, par Celui devant lequel toi et moi devrons bientôt comparaître, je t'adjure d'écouter avec attention ce que j'ai à te dire de la part du Seigneur, te souvenant que cet appel est peut-être le dernier qu'il te sera donné d'entendre ! Et je t'adjure aussi, ô mon "âme, de parler avec fidélité à ces hommes mortels qui t'entourent, de peur qu'au dernier jour le sang de leurs âmes ne soit trouvé dans les pans de ta robe, et que toi-même tu ne sais réprouvée!... O Seigneur, rends-nous tous sérieux et recueillis, et veuille nous donner, en ce moment, des oreilles qui entendent, une mémoire qui retienne, et une conscience qui soit touchée par ton Esprit, pour l'amour de Jésus !
      Nous diviserons ce discours en trois parties en premier lieu, NOUS JUGERONS L'ACCUSÉ ; en deuxième lieu, NOUS PRONONCERONS SA SENTENCE ; et enfin, s'il se reconnaît coupable et qu'il se repente (mais seulement à ces conditions), Nous LUI ANNONCERONS LA DÉLIVRANCE.

I
         Et d'abord, procédons AU JUGEMENT DE L'ACCUSÉ. Mon texte est ainsi conçu : Maudit est quiconque ne persévère pas dans toutes les choses, qui sont écrites au livre de la loi pour les faire. Homme inconverti, je te le demande, es-tu coupable ou non coupable ? As-tu persévéré dans toutes les choses qui sont écrites au livre de la loi ? En vérité, il me semble presque: impossible que tu oses soutenir ton innocence ; mais je veux supposer pour un moment que tu aies le triste courage de le faire ; je veux supposer que tu dises hardiment : « Oui, j'ai persévéré dans tous les commandements de la loi. » - C'est ce que nous allons examiner, mon cher auditeur ; et avant tout, permets-moi de te demander si tu connais cette loi que tu prétends avoir accomplie ? Je vais t'en donner un simple aperçu, un aperçu que j'appellerai extérieur, mais souviens-toi qu'elle possède un sens intérieur et spirituel infiniment plus étendu que son, sens littéral. Ecoute donc le premier commandement de la loi :
         TU N'AURAS POINT D'AUTRE DIEU DEVANT MA FACE. Quoi ! N'as-tu jamais rien aimé plus que ton Créateur ? Lui as-tu toujours donné la première place dans tes affections, ? Ne t'es-tu pas fait un Dieu, ou de ton ventre, ou de ton commerce, ou de ta famille, ou de ta propre personne ? Oh ! sûrement tu n'oserais nier que ce premier commandement ne te condamne !
          Et le second, l'as-tu mieux observé ?  TU NE TE FERAS POINT D'IMAGE TAILLÉE, NI AUCUNE RESSEMBLANCE DES CHOSES QUI SONT LA-HAUT DANS LES CIEUX, OU ICI-BAS SUR LA TERRE, NI DANS LES EAUX PLUS BASSES QUE LA TERRE.
         Quoi ! n'as-tu jamais courbé le front devant la créature ? N'as-tu jamais élevé quelque objet terrestre à la place de Dieu ? Pour ma part, je le reconnais à ma honte, j'ai eu bien des idoles dans ma vie ; et si ta conscience parle avec sincérité, je suis assuré qu'elle te dira, à toi aussi : « O homme ! tu as, été un adorateur de Mammon, un adorateur de tes sens ; tu t'es prosterné devant ton argent et ton or ; tu t'es incliné douant les honneurs et les dignités ; tu t'es fait un Dieu de ton intempérance, un Dieu de tes convoitises, un Dieu de ton impureté, un Dieu de tes plaisirs !
          Et le troisième commandement, TU NE PRENDRAS POINT LE NOM DE L'ÉTERNEL TON DIEU EN VAIN Oserais-tu soutenir que tu ne l'as point violé ? Si tu n'as jamais proféré de jurements grossiers, de paroles blasphématoires, n'as-tu pas du moins employé irrévérencieusement le nom de Dieu dans tes conversations ordinaires ? Dis : as-tu toujours sanctifié ce nom, trois fois saint ? Ne l'as-tu jamais prononcé sans nécessité ? N'as-tu jamais lu le Livre de Dieu avec distraction et légèreté ? N'as-tu jamais écouté la prédication de l’Évangile sans recueillement et sans respect ? Oh ! sûrement, ici encore, tu ne peux que t'avouer coupable.
     Et quant au quatrième commandement qui se rapporte à l'observation du sabbat, SOUVIENS-TOI DU JOUR DU REPOS POUR LE SANCTIFIER  Est-il personne d'assez effronté pour dire qu'il ne l'a pas transgressé? O homme, mets donc ta main sur ta bouche, et reconnais que ces quatre commandements suffiraient à eux seuls pour te convaincre de péché et pour attirer sur toi la juste colère de Dieu !
         Mais continuons notre examen. HONORE TON PÈRE ET TA MÈRE. Quoi ! prétends-tu ne pas être coupable sur ce point ? N'as-tu jamais désobéi dans ta jeunesse ? N'as-tu jamais regimbé contre l'amour de ta mère, ni méprisé l'autorité de ton père: ? Feuillette les pages de ton passé : vois si dans ton enfance, ou même dans ton âge mûr, tu as toujours parlé à tes parents comme tu aurais dû le faire ; vois si tu les as toujours traités avec l'honneur auquel ils ont droit et que Dieu t'a commandé de leur rendre.
          TU NE TUERAS POINT. Il est possible, mon cher auditeur, que tu n'aies point violé la lettre de ce commandement, il est possible que tu n'aies point ôté la vie à un de tes semblables ; mais ne t'es-tu jamais laissé dominer par la colère ? Or, la Parole de Dieu déclare expressément que celui qui se met en colère contre son frère est un meurtrier (1Jea 3:15). Juge, après cela, si tu es coupable, oui ou non.
      TU NE COMMETTRAS POINT ADULTÈRE. Peut-être as-tu commis des choses abominables, et t'es-tu plongé, aujourd'hui même, dans les plus honteuses voluptés ; mais en admettant que tu aies toujours vécu dans une chasteté parfaite, peux- tu dire, ô mon frère, que tu n'aies rien à te reprocher par rapport à ce commandement, lorsque tu te places en présence de ces solennelles paroles du Maître : Quiconque regarde une femme pour la convoiter, il a déjà commis adultère avec elle dans son coeur (Mat 5:28) ? Aucune pensée lascive n'a-t-elle traversé ton esprit ? Aucun désir impur n'a-t-il souillé ton imagination ?... Oh ! sûrement, sûrement, si ton front n'est pas d'airain, si ta conscience n'est pas entièrement cautérisée, ta réponse à ces questions ne saurait être douteuse!
           TU NE DÉROBERAS POINT. N'as-tu jamais dérobé ? Peut-être, ce matin même, as-tu commis un vol, et te trouves-tu ici, au milieu de la foule, chargé encore du produit de ton larcin ; mais quand même tu serais d'une probité exemplaire, cependant, n'y a-t-il pas eu certains moments dans ta vie, où tu as éprouvé un secret désir de faire tort à ton prochain ? Je vais plus loin : n'as-tu jamais commis dans l'ombre et le silence quelques-unes de ces fraudes qui, pour ne pas tomber sous le coup de la loi de ton pays; n'en sont pas moins autant d'infractions manifestes à la sainte loi de Dieu ?
      Et qui de nous aurait l'audace d'affirmer qu'il a parfaitement obéi au neuvième commandement ? TU NE DIRAS POINT DE FAUX TÉMOIGNAGES CONTRE TON PROCHAIN
     Ne nous sommes-nous jamais fait l'écho de la calomnie ? n'avons-nous pas souvent dénaturé les intentions de nos semblables, ou mal interprété leurs desseins ?
        Et le dernier commandement, TU NE CONVOITERAS POINT Où est-il l'homme qui ne l'ait foulé aux pieds ? Combien de fois n'avons-nous pas souhaité plus que Dieu ne nous avait donné? Combien de fois nos cœurs charnels n'ont-ils pas soupiré après des biens que le Seigneur dans sa sagesse avait jugé bon de nous refuser ? Ah ! mes amis, soutenir notre innocence en face de la loi de Dieu, ne serait-ce pas, je vous le demande, faire acte de véritable folle ? et ne semble-t-il pas que la simple, lecture de ce loi sainte devrait suffire (moyennant la bénédiction de l'Esprit) pour nous arracher ce d'humiliation et de pénitence : « Nous sommes coupables, Seigneur, nous sommes coupable en tous points ? »
      Mais j'entends quelqu'un me dire. : « Non, ne veux pas me reconnaître coupable. Assurément, je ne prétends pas avoir persévéré da toutes les choses qui sont écrites au livre de loi, mais du moins, j'ai fait ce que j'ai pu. C'est faux, ô homme ! Ou tu te fais illusion, tu mens à la face de Dieu ! Non, tu n'as pas fais tout ton possible pour persévérer dans le bien. Dans mille circonstances de ta vie, tu aurais agir mieux que tu n'as agi. Quoi ! ce jeune homme oserait-il affirmer qu'il fait son possible pour plaire à Dieu, quand je le vois s'asseoir banc des moqueurs, et insulter son Créateur jusque dans son sanctuaire ? Quoi ! tous, tant que nous sommes ici, n'aurions-nous pu, si nous l'avions voulu, résister à telle tentation, éviter telle, chute dont le souvenir nous condamne ? Si nous n'étions pas libres d'échapper au mal, sans doute nous serions excusables de tomber ; mais lequel de nous n'est pas forcé de reconnaître qu'il y a eu, dans sa vie des moments solennels, où, appelé à choisir entre le bien et le mal, il a résolument choisi le mal et tourné le dos au bien, marchant ainsi, - le sachant et le voulant, - dans le chemin qui conduit à l'enfer ?
         « Ah ! s'écrie une autre personne, il est vrai que j'ai enfreint la loi de Dieu ; mais, en définitive, je vaux bien ceux qui m'entourent ; je ne suis pas plus mauvais que bien d'autres.» - Pauvre argument que celui-là, mon cher auditeur, ou plutôt argument qui, par le fait; n'en est pas un. Tu n'es pas, je veux le croire, plus mauvais que le reste des hommes ; mais, je, te prie, en quoi cela t'avance-t-il ? Sera-ce une chose moins terrible d'être damné en compagnie que d'être damné seul ? Lorsque, au dernier jour, Dieu dira aux méchants : Allez, vous, maudits, au feu éternel ! crois-tu que cette effroyable sentence te semble plus douce, parce qu'elle s'adressera à des milliers de créatures aussi bien qu'à toi ? Si le Seigneur précipitait une nation entière en enfer, chaque individu sentirait aussi vivement le poids de ce châtiment que s'il était seul à le porter. Dieu n'est pas comme les juges de la terre : si les tribunaux étaient encombrés d'accusés, peut-être seraient-ils tentés de passer légèrement sur plus d'une procédure ; mais le Très-Haut n'agira point ainsi. Infini dans toutes ses facultés, le grand nombre de criminels ne sera point un obstacle pour lui. Il se montrera aussi juste, aussi inflexible à ton égard que. s'il n'existait d'autre pécheur que toi. D'ailleurs, qu'as-tu à faire, je te prie, avec les péchés d'autrui ? Tu n'en es pas responsable, car chacun portera son propre fardeau. Dieu te jugera selon tes oeuvres non selon celles des autres. Les manquements de la femme de mauvaise vie peuvent être plus grossiers que les tiens, mais il ne te sera pas demandé compte de ses iniquités. Le crime du meurtrier peut l'emporter de beaucoup aux yeux du moi sur tes propres transgressions, mais tu ne sera pas condamné pour le meurtrier. Mets-toi bien dans l'esprit, ô homme ! que la religion est une affaire toute entre Dieu et toi ; c'est pourquoi, t'en conjure, regarde à ton propre coeur et non à celui de ton prochain.
         Mais j'entends un autre de mes auditeur s'exprimer ainsi : « Quant à moi, je me suis souvent efforcé de garder les commandements Dieu, et à certaines époques de ma vie, je crois y être parvenu : cela ne suffit-il point pour me mettre à l'abri de la malédiction ? » Pour répondre, mon frère, permets- moi de. te relire la sentence contenue dans mon texte : « Maudit est quiconque ne persévère pas dans toutes choses qui sont écrites au livre de la loi pour les faire. » Ah ! ne te persuade point que Seigneur confonde jamais les couleurs fiévreuses d'une irrésolution maladive avec la santé l'obéissance. Ce n'est point une observation passagère et intermittente de ses commandements qu'il acceptera au jour du jugement ; non, il faut persévérer à faire sa volonté. Si donc, dès ma plus tendre enfance, jusqu'à l'heure où mes cheveux blancs descendent au sépulcre, ma vie n'est point un accomplissement incessant de la loi de Dieu, je serai condamné ! Si dès l'instant où mon intelligence m'éclairant de ses premiers rayons, je deviens un être responsable, jusqu'au jour où, comme un épi mûr, je suis recueilli dans les greniers éternels, je n'observe point dans leur entier toutes les ordonnances de mon Maître, le salut par les oeuvres est impossible pour moi, et, sur ce terrain, je serai infailliblement perdu ! N'espère donc pas, ô homme ! qu'une obéissance vacillante et sans suite sauvera ton Âme. Tu n'as point persévéré dans toutes les choses qui sont écrites au livre de la loi : par conséquent tu es condamné.
        « Mais, objecte. un autre, s'il y a plusieurs points de la loi que j'ai transgressés, je n'en suis pas moins très vertueux. » Je te l'accorde, mon frère. Je veux supposer qu'en effet tu as été à bien des égards un modèle de vertu ; je veux supposer que tu es pur de bien des vices. Mais relis mon texte (et souviens-toi que ce n'est pas ma parole mais celle de Dieu que tu vas lire) : « Maudit est quiconque ne persévère pas dans toutes les choses qui sont écrites au livre de la loi. » Il n'est pas dit, remarque-le, dans certaines choses, mais dans toutes les choses.
          Or, je te le demande, as-tu pratiqué toutes les vertus ? as-tu évité tous les vices ? Tu dis peut-être pour ta défense : « Je ne suis point un intempérant. » Soit ; mais tu n'en seras pas moins damné si tu as été un fornicateur. - « Je n'ai jamais commis d'impureté », t'écries-tu. Soit encore: mais si tu as profané le sabbat, tu as encouru la malédiction. - Me réponds-tu qu'à cet égard tu es également sans reproche ? Je réplique que si tu as pris le nom de Dieu en vain, cette seule transgression suffit pour te condamner. Sur un point ou sur un autre, la loi de Dieu t'atteindra indubitablement. Mais il y a plus : non seulement j'affirme (et ta conscience l'affirme aussi, j'en suis certain) que tu n'as point persévéré dans toutes tes choses qui sont écrites au livre de la loi, mais encore je soutiens que tu n'as pas persévéré à garder dans son entier un seul des commandements de Dieu. Le commandement est d'une grande étendue, a dit le Psalmiste (Ps 109:96), et pas un homme sur la terre n'est parvenu à en sonder les profondeurs. Ce n'est point seulement l'acte extérieur qui nous rend passibles des peines éternelles : la pensée, l'imagination, la conception du péché suffit pour perdre l'âme. - Et souvenez-vous, mes chers amis, que cette doctrine, qui peut, j'en conviens, vous sembler dure, n'est pas de moi : elle est de Dieu. N'eussiez-vous jamais transgressé de fait la loi divine, cependant si votre coeur a conçu de mauvaises pensées ou nourri de mauvais désirs, vous avez mérité l'enfer. Eussiez-vous vécu depuis votre naissance jusqu'à cette heure dans une cellule inaccessible, loin de tout être humain, et que par conséquent il vous eût été physiquement impossible de commettre, soit un acte impur, soit un meurtre, soit une injustice, les imaginations de votre coeur dépravé suffiraient à elles seules pour vous bannir à tout jamais de la présence de Dieu. Non ! il n'est pas une âme dans cette grande assemblée qui puisse espérer d'échapper à la condamnation de la loi ! Tous depuis le premier jusqu'au dernier, nous devons courber notre front devant Dieu, en nous écriant d'une même voix : « Nous sommes coupables, Seigneur, nous sommes coupables !... » Lorsque je te contemple, ô loi ! ma chair frémit, mon esprit est éperdu ! Lorsque j'entends gronder ton tonnerre, mon coeur se fond comme de la cire au dedans de moi ! Comment pourrai-je soutenir ta présence ? Comment pourrais-je désarmer ta justice ? Sûrement, si, au dernier jour, je dois comparaître à ta barre, je ne saurais me soustraire à la condamnation, car ma conscience elle-même sera mon accusateur !
             Mais je crois superflu d'insister davantage sur ce point. 0 toi qui es hors de Christ et sans Dieu dans le monde, n'es-tu pas convaincu que tu es sous le coup de la colère divine? Arrière de nous, folles illusions ! tombez, masques menteurs ! Jetons au vent nos vaines excuses ; et reconnaissons qu'à moins que nous ne soyons couverts du sang et de la justice, de Christ, la malédiction contenue dans mon texte ferme à chacun de nous individuellement la porte des cieux et ne nous laisse rien à attendre que les flammes de la perdition.


II 
         L'accusé est donc jugé et reconnu coupable maintenant SA SENTENCE DOIT ÊTRE PRONONCÉE. En général, les ministres de Dieu aiment peu cette tâche. Pour ma part, je l'avoue, je préférerais prêcher vingt sermons sur l'amour de Christ qu'un seul comme celui-ci. Au reste, il est rare que je choisisse des sujets de ce genre, vu qu'il ne me parait pas nécessaire de les traiter souvent ; néanmoins, si je ne les traitais jamais, si je laissais toujours les menaces divines reléguées à l'arrière-plan, je sens que mon Maître ne pourrait bénir la prédication de son Evangile ; car il veut que la loi et la grâce soient annoncées tour à tour dans une certaine mesure; et que chacune conserve la place qui lui est propre. Ecoutez-moi donc, mes frères, tandis que, la douleur dans l'âme, je prononcerai la sentence portée contre tous ceux d'entre vous qui n'appartiennent pas à Christ. - Pécheur inconverti ! tu es maudit ! maudit en cet instant même ! Tu es maudit, - non par quelque soi-disant magicien dont le prétendu sortilège ne peut effrayer que les ignorants, - non par quelque monarque terrestre qui pourrait tout au plus faire périr ton corps et ravager tes biens, - mais maudit par ton Créateur ! maudit par le Monarque des cieux! MAUDIT !... Oh! quel mot que celui-là! Quelle chose affreuse qu'une malédiction, de quelque part qu'elle vienne ! Et la malédiction d'un père, qu'elle doit être affreuse entre toutes ! On a vu des parents qui, réduits au désespoir par la conduite d'un fils rebelle et dénaturé, ont levé leurs mains vers le ciel, en prononçant sur ce fils la plus terrible, la plus accablante des malédictions. A Dieu ne plaise que j'approuve cet acte ! je reconnais au contraire qu'il est aussi téméraire qu'insensé ; mais, quelque blâme qu'on puisse infliger à l'acte en lui-même, il n'en reste pas moins vrai que la malédiction d'un père imprime sur celui qui l'a méritée une honteuse; une ineffaçable flétrissure. Oh ! j'ai peine à me représenter ce que mon âme éprouverait si j'avais été maudit par celui qui m'engendra ! Sûrement, mon ciel serait voilé de ténèbres ; le soleil ne brillerait plus sur ma vie. Mais être maudit de Dieu !... Oh ! pécheurs, les paroles me manquent pour vous dire ce qu'est cette malédiction !...
        Mais je vous entends me: répondre : « S'il est vrai que nous ayons encouru la malédiction divine, du moins nous n'en sentirons pas les effets pendant notre vie ; c'est une affaire qui regarde un avenir encore bien éloigné ; aussi ne nous inquiète-t-elle que peu. » Tu te trompes, ô âme, tu te trompes ! Dès à présent la colère de Dieu demeure sur toi. Tu ne connais pas encore, il est vrai, la plénitude de la malédiction, mais tu n'en es pas moins maudite à cette heure même. Tu n'es pas encore en enfer ; le Seigneur ne t'a pas définitivement fermé les entrailles de ses compassions et rejetée pour toujours ; mais tu n'en es pas moins sous le coup de la loi. Ouvre le livre du Deutéronome ; lis les menaces adressées au pécheur, et vois si la malédiction de Dieu n'est pas représentée comme une chose immédiate, actuelle, présente (Deut 28:15-16). Tu seras maudit dans la ville, est-il écrit, - c'est-à-dire dans le lieu de ton habitation, de ton travail, de tes affaires ; tu seras maudit dans les champs, - c'est-à-dire dans ces lieux mêmes, où tu vas chercher le délassement, le repos et le plaisir ; ta corbeille sera maudite et ta maie ; le fruit de ton corps sera maudit et le fruit de ta terre ; la portée de tes vaches et les brebis de ton troupeau ; maudit seras-tu à ton entrée et maudit à ta sortie ! Il est des hommes sur lesquels la malédiction divine semble s'appesantir d'une manière visible. Tout ce qu'ils font est maudit. S'ils acquièrent des richesses, la malédiction s'attache à ces richesses ; s'ils bâtissent des maisons, la malédiction s'attache à ces maisons. Voyez l'avare : il est maudit dans ses trésors; car son âme est tellement rongée par la cupidité et la convoitise; qu'il ne peut jouir de ses trésors mêmes. Voyez l'intempérant : sa corbeille et sa maie sont maudites à la lettre, puisque son palais, blasé par les boissons enivrantes, ne peut plus jouir d'aucun aliment. Il est aussi maudit à son entrée et à sa sortie, car dès qu'il passe le seuil de sa propre maison, ses enfants courent se cacher, tellement est grande la frayeur qu'il leur inspire. Et il sera maudit un jour dans le fruit de son corps, car quand ses fils avanceront en âge, ils suivront vraisemblablement l'exemple de leur père ; ils se livreront aux mêmes excès que lui ; ils jureront comme il jure ; ils s'aviliront comme il s'est avili. Aujourd'hui le malheureux cherche peut-être à se persuader qu'il peut sans grand inconvénient s'enivrer et blasphémer tant que bon lui semble ; mais quelle douleur aiguë traversera sa conscience (si toutefois il lui reste encore une conscience...) lorsqu'il verra ses fils marcher sur ses honteuses traces ! - Oui, je le répète, la malédiction olivine accompagne d'une manière visible certains vices ; mais quoiqu'elle ne soit pas toujours également apparente, elle n'en pèse pas moins en réalité sur toute transgression de la loi. Toi donc, pécheur, qui vis sans Dieu, sans Christ, étranger à la grâce de Jésus, tu es maudit, sache-le, - maudit quand tu t'assieds, maudit quand tu te lèves ! Maudit est le lit où tu couches ; maudit, le pain que tu manges ; maudit, l'air que tu respires ! Tout est maudit pour toi. Quoi que tu fasses et où que tu ailles, tu es un être maudit !..... O effrayante pensée ! En ce moment même, je n'en puis douter, j'ai devant moi un grand nombre de créatures immortelles qui sont maudites de Dieu ! Hélas ! pourquoi faut il qu'un homme parle ainsi à ses frères ? Mais quelque pénible que soit ce devoir, comme ministre de Christ, je suis tenu de le remplir, sans quoi je serais infidèle envers vos âmes qui périssent. Ah ! plaise à Dieu qu'il y ait dans cette assemblée quelque pauvre âme qui, saisie d'effroi, s'écrie : « Il est donc vrai ? je suis maudite ! maudite de Dieu et de ses saints anges ; maudite sur la terre et dans le ciel ; maudite ! maudite ! toujours maudite ! » Oh ! je suis convaincu que si nous voulions prendre au sérieux ce seul mot : MAUDIT, il n'en faudrait pas davantage pour donner le coup de mort à notre indifférence et à notre torpeur spirituelles !
       Mais j'ai plus que cela à te dire, mon cher auditeur. Si tu es impénitent et incrédule, je dois t'avertir que la malédiction qui t'enveloppe actuellement n'est rien comparée à celle qui fondra sur toi ci- après. Tu le sais, dans quelques courtes années il nous faudra mourir. Oui, jeune homme, bientôt toi et moi nous vieillirons ; ou peut-être, bien avant d'avoir atteint la vieillesse, nous étendrons- nous sur notre couche pour ne plus nous relever. Nous nous réveillerons de notre dernier assoupissement, et nous entendrons murmurer autour de nous que notre dernière heure va sonner. L'homme de l'art consultera une dernière fois notre pouls, puis il dira à notre famille éplorée qu'il n'y a plus d'espoir ! Et nous serons là couchés, immobiles et sans force. Et rien ne viendra rompre le lugubre silence de la chambre mortuaire, si ce n'est le bruit monotone de la pendule ou les sanglots de notre femme et de nos enfants. Et il nous faudra mourir !... Oh ! qu'elle sera solennelle cette heure où nous serons aux prises avec le grand ennemi du genre humain : la mort ! 
           Déjà le râle déchire notre poitrine ; c'est à peine si nous pouvons articuler une parole ; nos yeux se vitrent ; la mort a posé son doigt glacé sur ces flambeaux de notre corps et les a éteints pour jamais ; nos mains refusent de se soulever, - nous sommes au bord du sépulcre ! Moment décisif, moment solennel entre tous les moments de la vie, que celui où l'âme entrevoit sa destinée, où, comme à travers les fentes de sa prison d'argile, elle découvre le monde à venir ! Oh ! quelle langue humaine pourrait exprimer ce qui se passera dans le coeur de l'inconverti lorsqu'il se verra en face du tribunal de Dieu, qu'il entendra les foudres de la colère éternelle gronder à ses oreilles et qu'il sentira qu'entre l'enfer et lui il n'y a plus que l'intervalle d'un moment ! Qui pourrait décrire la terreur inexprimable dont seront saisis les pécheurs lorsqu'ils se trouveront en présence de réalités à l'existence desquelles ils n'avaient point voulu croire ?... Ah ! moqueurs qui m'écoutez ! vous pouvez rire tout à votre aise aujourd'hui des choses de Dieu. Vous pouvez, en sortant de cette enceinte, plaisanter sur ce que vous venez d'entendre, tourner en ridicule le prédicateur et vous égayer à ses dépens. Mais attendez que vous soyez couchés sur votre lit de mort, et vous ne rirez plus, je vous le garantis ! Maintenant que le rideau est baissé, que l'avenir est cadré à vos regards, il vous est facile de vous moquer de cet avenir ; mais lorsque le Seigneur lèvera le rideau et que les horizons éternels se dérouleront devant vos yeux, vous n'aurez plus le courage de rire. 
           Le roi Achab, assis sur son trône, entouré de courtisans, rit du prophète Michée ; mais je ne sache pas qu'Achab rit encore de Michée, quand une flèche ennemie, pénétrant par une jointure de sa cuirasse, l'eût blessé mortellement (1Ro 22). Les contemporains de Noé riaient, eux aussi, du vénérable vieillard qui leur annonçait que l'Éternel allait détruire le monde par un déluge : ils l'appelaient, sans nul doute, un rêveur, un visionnaire, un insensé. Mais que devinrent vos dédains et vos sarcasmes, ô sceptiques, lorsque Dieu fit descendre du ciel de formidables cataractes, que les fontaines du grand abîme furent ouvertes, et que l'univers fut entièrement submergé ? Alors vous reconnûtes, mais trop tard, que Noé avait dit vrai. Et vous de même, pécheurs qui vous trouvez dans cet auditoire, lorsque vous serez sur le point d'être lancés dans l'éternité, je ne pense pas que vous riiez encore de moi et de la parole que je vous annonce. Vous direz bien plutôt en vous-mêmes : « Je me souviens qu'à telle époque, j'entrai un jour par curiosité dans tel lieu de culte ; j'y entendis un homme qui parlait d'une manière fort solennelle; sur le moment je ne le goûtai guère ; toutefois je ne pouvais me défendre de la pensée qu'il disait vrai et :qu'il me voulait du bien. Oh ! que n'ai-je écouté ses appels ! que n'ai-je profité de ses avis ! que ne donnerais-je pas pour l'entendre de nouveau ! » 
         - Il y a peu de temps qu'un cas tout semblable est parvenu à ma connaissance. Un homme qui maintes fois m'avait couvert de railleries et d'injures, étant allé un dimanche en partie de plaisir ne revint chez lui que pour mourir. Le lundi matin, sentant sa fin approcher, que pensez-vous qu'il fit ? Il envoya quérir en toute hâte le serviteur de Dieu qui vous parle en ce moment, celui-là même qu'il avait tant de fois insulté ! Il voulait qu'il lui indiquât le chemin du ciel, qu'il vînt lui parler du Sauveur. Je m'y rendis avec empressement et avec joie ; mais hélas ! qu'elle est triste la tâche de parler à un. profanateur du sabbat, à un contempteur de l'Évangile, à un homme qui a passé sa vie au service de Satan et qui touche à son heure dernière ! Et en effet, le malheureux mourut bientôt. Il mourut sans Bible dans sa maison, sans prière pour recommander son âme à Dieu, si ce n'est celle que je prononçai au chevet de son lit... Oh ! mes chers amis, croyez-le : c'est une chose terrible que de mourir sans Sauveur ! Souvent, après avoir assisté aux derniers moments de quelque pauvre pécheur, touchant le salut duquel je n'avais que peu d'espoir, je suis revenu chez moi l'âme brisée, le coeur navré, pensant en moi-même : « Mon Dieu ! que ne puis-je prêcher les insondables richesses de Christ, à chaque heure, à chaque instant du jour, afin que les âmes puissent regarder à lui avant qu'il soit trop tard ! » Puis, j'ai pensé au peu de zèle, au peu d'amour, au peu de ferveur avec lequel j'ai tant de fois annoncé les compassions de mon Maître, et j'ai pleuré, - oui, j'ai pleuré amèrement, en sentant que je né presse pas les âmes comme je devrais le faire, c'est-à-dire avec instances et avec larmes, de fuir la colère à venir ?
          LA COLÈRE A VENIR ! LA COLÈRE A VENIR ! oh ! mes chers auditeurs, mettez-vous bien dans l'esprit, je vous en conjure, que ce n'est point là un vain mot. Les choses dont je vous parle ne sont ni des rêves, ni des mensonges, ni des chimères, ni des fables semblables à celles des vieilles. Ce sont des vérités, et vous les connaîtrez bientôt, chacun pour son propre compte. Oui, pécheur, toi qui. n'as point persévéré dans toutes les choses lui sont écrites au livre de la loi, et qui n'as point cherché un refuge auprès de Christ, le jour approche où les choses invisibles deviendront pour toi de redoutables de vivantes réalités. Et alors oh ! alors, que feras-tu ? Après la mort suit le jugement.

Un jour Jésus, du trône de sa gloire,
Viendra juger les vivants et les morts.

       Essaie de te représenter ce grand et illustre jour du Seigneur. L'horloge du temps a sonné sa dernière heure. Les âmes des réprouvés vont entendre leur arrêt définitif. Ton corps, ô pécheur, s'élance hors du sépulcre ; tu ouvres ton linceul et tu regardes..... Mais quel est ce bruit terrible, ce bruit formidable qui ébranle les colonnes de la terre et qui fait chanceler le ciel même ? C'est la trompette de l'archange, la trompette de l'archange qui retentit jusqu'aux extrémités du globe, appelant tous les hommes en jugement ! Tu écoutes et tu frémis. Soudain une voix se fait entendre, voix qui est saluée par les uns avec des cris de désespoir, par les autres avec des chants d'allégresse. « Voici, il vient il vient - il vient - et tout oeil le verra ! » Et le trône, blanc comme l'albâtre, apparaît sur une nuée du ciel ; et sur ce trône est assis quelqu'un environné de majesté. C'est lui ! C'est l'Homme qui mourut au Calvaire ! Je vois ses mains percées, - mais quel changement dans son apparence ! Plus de couronne d'épines, plus de sceptre dérisoire. Autrefois, il comparut à la barre de Pilate ; maintenant le monde entier comparaît à la sienne. Mais écoutons ! la trompette retentit de nouveau; le Juge ouvre le livre ; tout est silence dans le ciel ! tout est silence sur la tertre. « Rassemblez mes élus des quatre vents, mes rachetés des extrémités du monde.» Aussi les anges obéissent. Comme un éclair, leurs ailes fendent la foule. Ici, sont les justes, réunis à droite de leur Maître ; et toi, pécheur, tu es laissé à la gauche, - tu es laissé pour soutenir les ardeurs dévorantes de la colère éternel Les harpes célestes font entendre de douces mélodies mais elles ne sont point douces pour toi. Les anges répètent en chœur . « Venez, vous, bénis du Père., possédez en héritage le royaume qui vous a été préparé dès la création du monde », mais cette ineffable salutation ne te concerne point. Et maintenant, sur la face du Seigneur s'amassent des nuages de courroux ; la foudre, est sur son front ; des éclairs jaillissent de ses yeux. Il te regarde, toi, qui l'as méprisé ; toi, qui t'es joué de sa grâce, qui t'es ri de sa miséricorde, qui as profané le jour de son repos, qui t'es moqué de sa croix, qui n'as pas voulu qu'il régnât sur ton âme ! Il te regarde, - et d'une voix plus éclatante que dix mille tonnerres, il s'écrie : « Retirez-vous de moi, maudits ! » Et puis..... Mais non !..... Je ne veux pas te suivre plus loin ! Je ne veux parler ni du ver qui ne meurt point, ni du feu qui ne s'éteint point ; je ne veux décrire ni les souffrances du corps, ni les tortures de l'âme. Qu'il me suffise de vous dire, pécheurs inconvertis, que l'enfer est terrible, que le sort des réprouvés est effroyable..... Oh ! fuyez donc, fuyez la colère à venir ! Et fuyez-la sans délai; fuyez- la dès aujourd'hui, des peur qu'étant surpris par la mort, vous ne vous trouviez transportés tout d'un coup au milieu des horreurs indicibles de la perdition éternelle ! Maudit est quiconque ne persévère pas dans toutes les choses qui sont écrites au livre de la loi pour les faire.

III
      Mais, Dieu soit béni, nous avons maintenant une tâche plus douce à remplir. Nous venons, au nom de notre Maître, ANNONCER LA DÉLIVRANCE à tout pécheur qui se repent.
        « Prédicateur de l’Évangile, tu nous as tous condamnés », me dites-vous. Cela est vrai, mes chers auditeurs ; toutefois, ce n'est point moi, c'est Dieu qui condamne. Je puis le dire à la face du ciel : je vous aime tous, individuellement, comme un frère aime ses frères. Si je vous parle avec sévérité, c'est uniquement pour votre bien. Mon cœur, mon âme tout entière sont émus de compassion envers vous, et dans mes paroles les plus dures en apparence, il y a en réalité plus d'amour que dans les discours mielleux et agréables de ceux qui vous disent Paix, paix ! quand il n'y a point de paix. Oh ! ne croyez pas que je prenne plaisir à prêcher comme je l'ai fait aujourd'hui. Non, Dieu m'en est témoin ! je préfère mille fois vous entretenir de Jésus, de sa douce et glorieuse personne, de sa grâce et de sa justice parfaite ; aussi, ai-je à coeur, avant de terminer, de vous faire entendre des paroles de paix. - Approche donc, mon frère ; donne-moi ta main et écoute le message de grâce que je t'apporte. Te sens-tu coupable, condamné, maudit ? Dis-tu en cet instant même : « 0 Dieu ! je reconnais que tu serais juste si tu faisais tomber sur moi tout le poids de ta malédiction ? » Comprends-tu que bien loin de pouvoir jamais être sauvé à cause de tes bonnes oeuvres, tu es entièrement perdu à cause de tes péchés ? Et as-tu une haine profonde pour le mal ? Te repens-tu sincèrement ? S'il en est ainsi, chère âme, laisse-moi te dire où tu trouveras la délivrance.
        Hommes frères ! sachez tous ceci. Jésus-Christ, de la postérité de David, a été crucifié, il est mort et a été enseveli. Maintenant, il est ressuscité, il s'est assis à la droite de Dieu et il intercède même pour nous. Il est venu dans le monde pour sauver les pécheurs par sa mort. Voyant que les pauvres enfants d'Adam étaient assujettis à la malédiction, il s'est chargé lui-même de cette malédiction et les en a ainsi délivrés. Si donc Dieu a maudit Christ à la place de tel ou tel homme, il est impossible qu'il maudisse cet homme de nouveau. - « Mais Christ a-t-il été maudit pour moi? » me demande quelqu'un. A cela je réponds : Dieu le Saint-Esprit t'a-t-il fait voir ton péché ? t'en a-t-il fait sentir toute l'amertume ? t'a-t-il appris à pousser ce cri d'humiliation : O Dieu, sois apaisé envers moi qui suis pécheur ? Si, en sincérité de cœur, tu peux répondre affirmativement à ces questions, aie bon courage, mon bien-aimé ; Christ a été maudit à ta place ; et si Christ a été maudit à ta place, tu n'es plus sujet à la malédiction. - « Mais je voudrais en être certain, insistes-tu peut-être ; je voudrais ne pas pouvoir douter que Jésus a réellement été fait malédiction pour moi. » Et pourquoi en douterais-tu, mon frère ? Ne vois-tu pas Jésus expirant sur la croix ? Ne vois-tu pas ses mains et ses pieds ensanglantés? Regarde à lui, pauvre pécheur. Ne regarde plus à toi-même ni à tes iniquités ; regarde à lui et sois sauvé. Tout ce qu'il demande de toi, c'est que tu regardes à lui, et pour cela même il te prêtera son secours. Viens à lui, confie-toi en lui, crois en lui. Oh! je t'en supplie, accepte avec simplicité et avec foi cette déclaration de l'Écriture : C'est une chose certaine et digne d'être reçue avec une entière confiance, que Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs.
         « Quoi? objecte encore quelqu'un, dois-je donc croire que Jésus est mort pour moi, simplement parce que je me sens pécheur ? » - Justement, mon frère. - « Mais pourtant il me semble que si je possédais quelques justices, si je pouvais faire de belles prières ou accomplir de bonnes oeuvres, je serais plus en droit de conclure que Christ est mort pour moi. » Tu t'abuses, mon frère, tu t'abuses ; la foi que tu aurais alors ne serait plus de la foi ; ce serait de la justice propre et rien de plus. Une âme croit en Jésus, lorsque le péché lui apparaissant dans toute sa noirceur, elle se jette simplement dans ses bras, et s'en remet à lui pour la purifier de toutes ses souillures. Va donc, pauvre pécheur, tel que tu es, avec ton indignité et ta misère ; prends en main les promesses de Dieu, et, en rentrant chez toi, cherche la solitude de ta chambre. Là, agenouillé près de ton lit, répands ton âme devant Dieu. Dis-lui à ce Dieu qui est riche en compassion et abondant en miséricorde : « O Seigneur ! je le sens, tout ce que je viens d'entendre est vrai. Oui, je suis maudit, et maudit justement ! Je suis un pécheur qui ne mérite que la condamnation éternelle. Et tu le sais, ô Seigneur, ces aveux ont maintenant dans ma bouche un tout autre sens qu'autrefois. En reconnaissant que je suis pécheur, je veux dire que je suis un véritable pécheur. Je veux dire que si tu me condamnais j'aurais la bouche fermée ; que si tu me chassais pour toujours de ta présence, je n'aurais que ce qui m'est dû. O mon Dieu ! ton support à mon égard m'étonne et me confond. Comment as-tu pu souffrir qu'un être aussi vil que moi souillât si longtemps la terre ? Seigneur, j'ai méconnu ta grâce et dédaigné ton Évangile. J'ai méprisé les instructions de ma mère et mis en oubli les prières de mon père. Seigneur, j'ai vécu loin de toi, j'ai violé tes sabbats, j'ai profané ton saint nom. J'ai fait tout ce qui est mal, tout ce qui est désagréable à tes yeux ; et si tu me précipitais en enfer, je serais réduit au silence. Oui, mon Dieu, je suis un pécheur: un pécheur perdu sans ressource, à moins que tu ne me sauves, un pécheur sans aucun espoir de salut, à moins que tu ne me délivres ! Mais, grâces t'en soient rendues, ô Seigneur, tu sais que je suis aussi un pécheur repentant, troublé dans sa conscience, affligé à cause de ses transgressions. Et voici, je viens te rappeler ce soir que tu as dit dans ta Parole : Je ne mettrai point dehors celui qui viendra à moi ; et ailleurs : C'est une chose a certaine et digne d'être reçue avec une entière confiance, que Jésus- Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs. Seigneur, je viens à toi ! Seigneur, je suis un pécheur ! Jésus est donc venu pour me sauver; Seigneur, je crois ! je me confie en mon Sauveur à la vie et à la mort ! je n'ai d'espérance qu'en lui et je hais jusqu'à la pensée que j'ai pu chercher le salut ailleurs que dans sa grâce. Sauve moi donc, Seigneur; et quoique je sache bien que par ma conduite future je ne saurais jamais parvenir à effacer un seul de mes péchés passés, je veux néanmoins te supplier, ô mon Dieu, de me donner un coeur nouveau et un esprit droit, afin que désormais et à toujours, je puisse courir dans la voie de tes commandements ; car je n'ai point de plus grand désir que d'être saint comme tu es saint, et de marcher devant toi comme ton enfant. Tu le sais, ô Seigneur, pour être aimé de toi, je renoncerais volontiers à tout ce que je possède, et j'ose espérer que tu m'aimes, car mon coeur commence à sentir les étreintes de ton amour. Je suis coupable : mais jamais je n'aurais connu ma culpabilité, si tu ne m'avais toi-même appris à la connaître. Je suis vil, mais jamais je n'aurais su que j'étais vil, si tu ne me l'avais révélé. Oh ! sûrement, mon Dieu, tu ne me détruiras point, après avoir ainsi commencé en moi ta bonne oeuvre.

Devant toi, je rougis et demeure confus !
Mais, Seigneur, ta bonté relève ma misère ;
N'as-tu pas mis, entre elle et ta colère,
L'amour, la croix et le sang de Jésus ?

      Oui, prie ainsi, mon bien-aimé ; ou, si tu ne peux pas prier aussi longuement, dis ces simples mots du fond du coeur : « Seigneur Jésus, je ne suis rien ! Sois toi-même mon tout!»


      Oh ! Dieu veuille qu'il y ait dans cette assemblée quelques âmes qui, en cet instant même, fassent monter ce cri vers son trône ! Et s'il en est ainsi, tressaillez d'allégresse, ô cieux ! chantez, ô séraphins ! réjouissez-vous, ô rachetés ! car c'est ici l'oeuvre de l’Éternel ; que toute gloire soit rendue à son nom !


Numérisation Yves PETRAKIAN
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