mardi 9 juin 2015

LES SERMONS DE WESLEY Sermon 12 : LE TÉMOIGNAGE DE NOTRE ESPRIT

Numérisation Yves PETRAKIAN
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(tiré du livre  LES SERMONS DE WESLEY  -1- )

2 Corinthiens 1,12    (1746)

« Ce qui fait, notre gloire 
(Dans la traduction anglaise il a, notre joie. De là la manière dont le texte est entendu ici.) c'est le témoignage que notre conscience nous rend, que nous nous sommes conduits dans le monde, en simplicité et en sincérité devant Dieu, non point avec une sagesse charnelles, mais avec la grâce de Dieu ». (2Corinthiens 1 : 12)

                Tel est le langage de quiconque croit véritablement en Christ, aussi longtemps qu'il demeure dans la foi et dans l'amour. « Celui qui me suit » , dit le Seigneur, « ne marchera point dans les ténèbres » ; et tandis qu'il a la lumière, il se réjouit en elle ; comme il a « reçu le Seigneur Jésus, il marchera en lui » ; et tandis qu'il marche en lui, l'objet de cette exhortation de l'apôtre : « réjouissez-vous toujours en Notre seigneur ; je vous le dis encore, réjouissez-vous », se réalise chaque jour dans son âme.
                 Mais pour que notre maison ne soit point bâtie sur le sable — de peur que la pluie venant à tomber, les torrents à se déborder et les vents à souffler, et à fondre sur elle, cette maison ne tombe et que sa ruine ne soit grande, — je me propose dans ce discours d'indiquer la nature et les fondements de cette joie chrétienne. Nous savons d'une manière générale, que c'est une douce paix, une calme satisfaction d'esprit procédant du témoignage de sa conscience, dont parle ici l'apôtre. Mais pour mieux comprendre ceci, il sera nécessaire de peser toutes ses expressions, par où nous verrons aisément ce qu'il faut entendre par la conscience et par son témoignage, et comment celui qui a ce témoignage, se réjouit sans cesse.
                Et d'abord que faut-il entendre par la conscience ? que signifie ce mot que chacun répète ? On croirait la réponse très difficile, à voir le nombre de volumes qu'on a écrits sur le sujet et comme on a mis à contribution tous les trésors de l'érudition ancienne et moderne pour l'expliquer. Encore est-il à craindre que toutes ces recherches savantes ne l'aient guère éclairé. La plupart de ces auteurs ne l'ont-il pas au contraire embrouillé, « obscurcissant le conseil par des paroles sans science », et rendant difficile ce qui est en soi-même simple et facile à comprendre ? Mettez de côté, en effet, les mots inintelligibles et la chose sera bientôt claire pour tout homme droit de coeur.
                    Dieu nous a créés des êtres pensants, capables de percevoir les choses du présent et de nous rappeler par la réflexion celles du passé. En particulier, nous sommes capables de percevoir ce qui se passe dans nos cœurs et dans notre vie ; de savoir ce que nous sentons ou faisons, et cela, soit au moment même, soit lorsque la chose est passée. C'est dans ce sens que nous disons que l'homme est un être conscient, qu'il a la conscience ou la perception intime de son passé et de son présent, de ses dispositions et de sa conduite. Mais le mot conscience a ordinairement un sens plus étendu. Il n'implique pas simplement la connaissance de notre vie présente ou passée. Rappeler par son témoignage les choses passés ou présentes, c'est l'un des offices de la conscience, mais ce n'est pas le principal : sa grande affaire c'est d'excuser ou d'accuser, d'approuver ou de désapprouver, de condamner ou d'absoudre.
                 Il est vrai que quelques écrivains modernes emploient ici plus volontiers un nouveau terme, celui de sens moral ; mais la vieille appellation paraît préférable à la nouvelle, ne serait-ce que parce qu'elle est plus connue et plus usuelle, et par cela même plus intelligible. Les chrétiens ont d'ailleurs un motif irrécusable pour la préférer, c'est qu'elle est scripturaire ; c'est le terme dont il a plu à la sagesse divine de se servir dans les écrits inspirés.
           Et suivant le sens dans lequel ce terme y est ordinairement employé, particulièrement dans les Épîtres de saint Paul, nous pouvons entendre par conscience, la faculté que Dieu a implantée dans toute âme d'homme, de percevoir ce qui est bien ou mal dans son coeur ou dans sa vie, dans ses dispositions, ses pensées, ses paroles et ses actions.
                     Mais quelle est la règle par laquelle les hommes doivent juger du bien ou du mal, la règle qui doit diriger leur conscience ? La règle des païens, comme l'apôtre l'enseigne ailleurs, c'est la loi écrite dans leur entendement ; « n'ayant point la loi », non, dit-il, « ils se tiennent lieu de loi eux-mêmes, montrant que ce qui est prescrit par la loi est écrit dans leurs cœurs » par le doigt de Dieu ; « puisque, leur conscience leur rend témoignage et que leurs pensées les accusent ou les défendent. (Romains 2 : 14,15) ; mais, pour les chrétiens, la règle pour distinguer le bien du mal c'est la parole de Dieu, ce sont les écrits de l'Ancien et du Nouveau Testament ; c'est tout ce que les prophètes et les saints hommes des temps anciens ont écrit, étant poussés par le Saint-Esprit ; c'est toute cette « Écriture divinement inspirée qui est utile pour enseigner » tout le conseil de Dieu, « pour reprendre », pour condamner, ce qui y est contraire, « pour corriger » l'erreur et pour nous « instruire ou nous élever dans la justice (1 Timothée 3 : 16) ».
                        Le chrétien voit en elle la lampe de ses pieds, la lumière de son sentier. Elle seule est sa règle pour juger du juste et de l'injuste, du bien ou du mal. Rien n'est bon à ses yeux que ce qu'elle prescrit soit directement, soit par une déduction inattaquable ; rien n'est mal que ce qu'elle défend, soit expressément, soit par la conséquence certaine de son enseignement. Ce que l'enseignement direct ou indirect de l'Ecriture ne prescrit ni ne défend, il le retarde comme chose indifférente ; comme n'étant en soi ni bien ni mal ; car la règle extérieure qu'elle lui fournit suffit pleinement à diriger sa conscience, et c'est la seule qu'il reconnaisse.
                     Et si, dans le fait, il se dirige par cette règle, alors il a « la réponse d'une bonne conscience devant Dieu ». Une bonne conscience, c'est ce que l'apôtre appelle ailleurs «une conscience sans reproche ». Ainsi ce qu'il exprime dans une occasion en disant : « j'ai vécu jusqu'à ce jour en toute bonne conscience devant Dieu (Actes 23 : 1) », il le répète ailleurs en ces termes : « Je travaille à avoir toujours la conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes (Actes 24:16) ». Mais pour cela quatre choses sont  indispensables :
                    1° Une droite intelligence de la parole de Dieu, de sa « volonté bonne, agréable et parfaite » à notre égard, telle qu'elle s'y trouve révélée, car il est impossible de marcher d'après une règle qu'on ne comprend point.
             2° Une connaissance, hélas, bien rare, la connaissance de nous-mêmes, la connaissance de notre coeur et de notre vie ; de nos dispositions au dedans et de notre conduite au dehors ; car, sans connaître ces choses, il est impossible, que nous les comparions avec notre règle.
                  3° L'accord de notre coeur, de notre vie, de nos dispositions, de notre conduite de nos pensées, de nos paroles, de nos oeuvres, avec cette règle, avec les Écritures de Dieu. Car sans cela, notre conscience, si nous en avons une, est une mauvaise conscience.
                  4° Enfin, une perception intérieure de cet accord ; et c'est précisément dans cette perception, dans ce sentiment intérieur, habituel, que consiste cette bonne conscience cette conscience sans reproche, dont parle l'apôtre.
                Mais que celui qui désire avoir cette conscience sans reproche, prenne garde d'en bien poser le fondement. Qu'il se souvienne que « nul ne peut poser d'autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ », et qu'il se souvienne de plus, que nul ne peut bâtir sur lui, si ce n'est par une foi vivante, que nul n'est rendu participant de Christ, jusqu'à ce qu'il puisse rendre clairement ce témoignage : « Je vis par la foi au Fils de Dieu», maintenant révélé. dans mon coeur, « qui m'a aimé. et qui s'est donné lui-même pour moi ».                   La foi seule est cette évidence, cette conviction, cette démonstration des chose invisibles, par laquelle, les yeux de notre entendement étant ouverts, et la lumière divine venant les éclairer, nous « voyons les merveilles de la loi de Dieu, nous en voyons l'excellence, la pureté, nous voyons la hauteur et la profondeur, la longueur et la largeur de cette loi et de tous les commandements qu'elle contient. C'est par la foi que « contemplant la lumière de la gloire de Dieu en la face de Jésus-Christ », nous voyons comme dans un miroir, tout ce qui est en nous, tous les mouvements les plus secrets de nos âmes. Et c'est par elle seule que peut se répandre dans nos cœurs ce saint amour de Dieu qui nous rend capables de nous aimer les uns les autres comme Christ nous a aimés. Par elle s'accomplit pour tout « l'Israël de Dieu » cette promesse pleine de grâce : « Je mettrai mes lois dans leur esprit et les graverai dans leur coeur (Hébreux 8 : 10) ; » par où leur âme est mise en complet accord avec sa sainte et parfaite loi, « toutes leurs pensées étant amenées captives à l'obéissance de Christ ».
                  Et comme un mauvais arbre ne peut porter de bons fruits, de même un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits. Ainsi la vie du croyant, aussi bien que son coeur, est mise en complet accord avec la. règle des commandements de Dieu ; et c'est dans le sentiment de cet accord, qu'il peut rendre gloire à Dieu et répéter avec l'apôtre : « Ce qui fait notre joie, c'est le témoignage que nous rend notre conscience que nous nous sommes conduits dans le monde, en simplicité et en sincérité devant Dieu, non point avec une sagesse charnelle, mais avec la grâce de Dieu ».
                    « Nous nous sommes conduits ». Le sens du terme. original est extrêmement large, il embrasse tout ce. qui se rapporte, soit à notre corps, soit à notre âme. Il comprend tous les mouvements de notre coeur, il s'étend à chacune de nos actions et de nos paroles, à l'emploi de tous nos membres et de toutes nos facultés, à la manière de faire valoir, pour Dieu ou pour les hommes, tout talent que nous pouvons avoir reçu.
                     « Nous nous sommes conduits dans le monde » ; même dans le monde des impies : non pas seulement parmi les enfants de Dieu (ce qui serait comparativement peu de chose), mais parmi les enfants du diable, parmi ceux qui sont « plongés dans le mal » ou qui « sont dans le malin ». Quel monde que celui-là ! comme il est imprégné et pénétré de l'esprit qu'il respire sans cesse ! Si notre Dieu est bon et fait ce qui est bon, le Dieu de ce monde et tous ses enfants sont méchants, et, autant que Dieu le permet, ils se montrent méchants en faisant du mal à tous les enfants de Dieu.
                    Comme leur père, les méchants se tiennent aux aguets, ou rôdent autour des fidèles, cherchant qui ils pourront dévorer, usant de fraude ou de force, de ruses secrètes ou de violence ouverte, pour faire périr ceux qui ne sont pas du monde. Ils ne cessent de faire la guerre à nos âmes, cherchant par l'emploi de vieilles ou de nouvelles armes, et par toutes sortes d'artifices, à les ramener dans les pièges du diable, et dans la route large qui mène à la perdition.
                   C'est dans un tel monde que nous nous sommes conduits, en toutes choses, « en simplicité et en sincérité ». D'abord en simplicité : c'est-à-dire avec cet œil simple que recommande le Seigneur. « L’œil est la lumière du corps. Si donc ton œil est sain, tout ton corps sera éclairé ». En d'autres termes, ce que l’œil est au corps, l'intention l'est à toutes nos actions et à toutes nos paroles : si donc cet œil de ton âme est sain, ou simple, toutes tes paroles et actions seront pleines de lumière, pleines de la lumière des cieux, d'amour, de paix et de joie par le Saint-Esprit.
                 Nous sommes simples de coeur quand l’œil de notre esprit n'est fixé que sur Dieu ; quand Dieu seul est, en toutes choses, notre but ; quand il est notre Dieu, notre portion, notre force, notre bonheur, notre grande récompense, notre tout, pour le temps et l'éternité. Nous avons la simplicité, lorsque le ferme dessein, l'intention unique de le glorifier, de nous soumettre et de nous conformer à sa sainte volonté, pénètre notre âme, remplit tout notre coeur, et est le ressort constant de toutes nos pensées, de tous nos désirs et de toutes nos résolutions.
                  En second lieu, nous nous sommes conduits dans ce monde et devant Dieu « en sincérité ». Voici quelle paraît être la différence entre ces deux termes : la simplicité concerne l'intention elle-même, et la sincérité l'exécution de cette intention ; et cette sincérité ne se rapporte pas seulement à nos paroles, mais, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à toute notre manière de vivre. Il ne faut pas l'entendre ici dans le sens restreint où saint Paul lui-même l'emploie quelquefois, comme synonyme de dire la vérité ou de s'abstenir de fraude, de ruse, de dissimulation ; mais dans un sens plus étendu, comme atteignant en effet le but que se propose la simplicité. Ici donc elle implique, qu'en réalité, nous ne parlons et n'agissons que pour la gloire de Dieu ; que non seulement toutes nos paroles y tendent, mais qu'en effet elles y contribuent, que toutes nos actions suivent un cours égal uniformément subordonné à ce grand but ; et que, dans toute notre vie nous nous dirigeons
continuellement, et tout droit, vers Dieu, poursuivant d'un pas ferme notre marche dans la route de la sainteté, dans les voies de la justice, de la miséricorde et de la vérité.
              Cette sincérité, l'apôtre la désigne comme étant « devant Dieu », ou, plus exactement, comme une sincérité divine ; une « sincérité de Dieu », pour nous empêcher de la confondre avec la sincérité des païens (car ils avaient aussi l'idée d'une certaine sincérité, qui leur inspirait une grande vénération) et en, même temps pour indiquer quel en est l'objet et le but, comme de toute autre vertu chrétienne, puisque tout ce qui n'a pas, au fond, Dieu pour objet, tombe au niveau des « pauvres et misérables éléments du monde ». En l'appelant « sincérité de Dieu », il montre aussi qui en est l'auteur, savoir le « Père des lumières » de qui descend « toute grâce excellente et tout dont parfait » ; mais il le déclare encore plus nettement en ajoutant : « non point avec une sagesse charnelle, mais avec la, grâce de Dieu.
                     « Non point avec une sagesse charnelle » : c'est comme s'il disait : « Nous ne pouvons nous conduire ainsi dans le monde, ni par quelque force innée de notre intelligence, ni par quelque science ou quelque sagesse acquise naturellement. Nous ne pouvons acquérir cette simplicité et pratiquer cette sincérité, ni à force de bon sens, ni par l'effet d'un bon caractère on d'une bonne éducation.
                   Elles dépassent et toute, notre puissance de résolution et tous nos préceptes de philosophie. Nous n'y saurions être façonnés, ni par l'influence des mœurs, ni par l'éducation humaine la plus raffinée. Et moi Paul, je n'y pouvais atteindre, quels que fussent d'ailleurs mes avantages, tant que je demeurais dans la chair, dans mon état de nature, et que mes efforts n'avaient pour principe que la sagesse charnelle et naturelle ».
                Et certes, si quelqu'un pouvait y atteindre par cette sagesse, Paul lui-même l'aurait pu : car il nous serait difficile de concevoir un homme mieux favorisé par les dons de la nature et de l'éducation : Outre que par sa capacité naturelle il ne le cédait probablement à aucun de ses contemporains, il avait encore les avantages que donne l'instruction, avant étudié à l'école de Tarse, puis aux pieds de Gamaliel qui, pour la science et l'intégrité, jouissait alors de la plus haute réputation chez les Juifs.
                   Et, quant à l'éducation religieuse, rien ne lui manquait, car il était « pharisien, fils de pharisien » ayant été élevé dans cette secte ou profession, la plus exacte du judaïsme. Et, en cela même, il avait profité plus que tous ceux de son âge, ayant plus de zèle pour tout ce qu'il croyait être agréable à Dieu, et « quant à la justice de la loi, il était sans reproche ». Mais il était impossible qu'il parvînt par là à cette simplicité, à cette sincérité de Dieu. Tout ce travail fut en pure perte, comme il le montre bien en s'écriant dans le sentiment profond et saisissant de son impuissance « Ce qui m'était un gain je l'ai regardé comme une perte à cause de Christ ; et même je regarde toutes les autres choses comme une perte, en comparaison de l'excellence de la connaissance de Jésus-Christ, mon Seigneur ! (Philippiens 3 : 7,8) »
                   Il était impossible qu'il parvînt jamais au but, autrement que par cette excellente connaissance de Jésus-Christ, notre Seigneur, ou, comme dit notre texte « par la grâce de Dieu ». Par « la grâce de Dieu », il faut quelquefois entendre cet amour, cette miséricorde gratuite et imméritée, par laquelle je suis, moi pécheur, réconcilié avec Dieu, par les mérites de Christ. Mais ici cette expression désigne plutôt cette efficace de Dieu le Saint-Esprit qui opère en nous « et la volonté et l'exécution selon son bon plaisir ». Dès l'instant que la grâce de Dieu, dans le premier sens, c'est-à-dire son amour rédempteur est manifesté à nos âmes, la grâce de Dieu, dans le second sens, c'est-à-dire l'efficace de son Esprit s'exerce en elles. Alors Dieu nous rend capables d'accomplir, ce qui, « quant à l'homme », était impossible. Alors nous pouvons bien régler notre conduite. Nous pouvons par Christ qui nous « fortifie », « faire toutes choses » dans la lumière et l'efficace de cet amour.
                 Nous avons alors, ce que nous n'aurions pu obtenir par la sagesse charnelle, « le témoignage de notre conscience, que c'est en simplicité et en sincérité de Dieu que nous nous conduisons en ce monde ».
                 Tel est le vrai fondement de la joie du chrétien ; et d'après cela nous comprenons sans peine que celui qui a ce témoignage se réjouisse sans cesse. « Mon âme », peut-il dire, « mon âme magnifie le Seigneur et mon esprit se réjouit en Dieu, qui est mon Sauveur». Je me réjouis en Celui qui, par son amour immérité, par sa tendre et gratuite miséricorde m'a appelé à cet état de salut dans lequel, par sa puissance, je demeure ferme. Je me réjouis, car son Esprit rend témoignage à mon esprit, que je suis racheté par le sang de l'Agneau, et que, par la foi en Lui, je suis membre du corps de Christ, enfant de Dieu et héritier du royaume des cieux. Je me réjouis, car ce même Esprit, en me donnant le sentiment de l'amour de Dieu pour moi, produit en mon coeur l'amour pour Lui et me donne d'aimer, à cause de Lui, tout enfant d'Adam, toute âme qu'il a faite. Je me réjouis, car il me donne d'avoir en moi « les sentiments que Jésus-Christ à eus » : — la simplicité, par où, dans tous les mouvements de mon coeur, je ne regarde qu'à Lui ; par où je puis, dans un constant amour, fixer les regards de mon âme sur Celui qui m'a aimé et s'est donné Lui-même pour moi ; par où je n'ai pour but que Lui et sa glorieuse volonté dans tout ce que je puis faire, dire ou penser ; — la pureté, par où je borne à Dieu mes désirs, « crucifiant la chair avec ses affections et ses convoitises », attachant mes affections « aux choses d'en haut et non à celles qui sont sur la, terre » ; —la sainteté, par où, recouvrant l'image de Dieu, mon âme est renouvelée à sa ressemblance ; — et la sincérité de Dieu, par où je dirige toutes mes paroles et mes actions, de manière à servir à sa gloire. Oui, je me réjouis et je me réjouirai, car « ma conscience me rend témoignage par le Saint-Esprit », , par la lumière dont il l'éclaire sans cesse, que je marche « d'une manière digne de la vocation que Dieu m'a adressée », que je m'abstiens « de toute apparence de mal », fuyant le péché comme on fuit un serpent ; qu'en tant que j'en ai l'occasion, je fais, selon mon pouvoir, toute sorte de bien à tous les hommes ; que tous mes pas suivent le Seigneur et que je fais ce qui lui est agréable. Je me réjouis, car par la lumière du Saint-Esprit de Dieu, je vois et je sens que toutes mes oeuvres sont faites en Lui et que c'est même Lui qui fait en moi toutes mes oeuvres. Je me réjouis, car je vois par cette lumière qui luit dans mon coeur, que j'ai le pouvoir de marcher dans ses voies, et que, par sa grâce, je ne m'en détourne ni à droite ni à gauche.
                Tel est le fondement, telle est la nature de cette joie dont un chrétien adulte se réjouit sans cesse. Et de ce qui a été dit, nous pouvons tirer aisément une première conséquence :
                  1° C'est que cette joie n'est point une joie naturelle. Elle ne vient d'aucune cause naturelle ; elle n'est pas le fruit d'une excitation soudaine. Ces causes peuvent produire un élan de joie passager ; mais le chrétien se réjouit sans cesse. Elle ne peut s'expliquer par la santé ou le bien-être corporel, par une constitution saine et robuste ; car elle est toute aussi grande, peut-être même plus grande que jamais, dans la maladie et dans la douleur. Plusieurs chrétiens peuvent dire qu'ils n'ont jamais éprouvé une joie comparable à celle qui remplit leur âme, lorsque leur corps était presque épuisé par la maladie et consumé par la douleur. Surtout elle ne saurait être attribuée à la prospérité terrestre, à la faveur du monde, à l'affluence des biens temporels ; car c'est lorsque leur foi a été mise dans la fournaise et éprouvée par toutes sortes d'afflictions extérieures, que les enfants de Dieu se sont particulièrement réjouis et même d'une joie ineffable, en Celui qu'ils aimaient quoique ne le voyant point encore. Et qui se réjouit jamais plus que ces hommes qui étaient regardés « comme les balayures du monde », qui erraient çà et là privés de tout, dans la faim, dans le froid, dans la nudité, souffrant non seulement les insultes et la moquerie, mais encore les liens et la prison, et qui montrèrent finalement que « leur vie ne leur était point précieuse pourvu qu'ils pussent achever leur course avec joie ».
                 2° Une seconde conséquence de ce qui précède c'est que la joie du chrétien n'est point le fruit d'une conscience aveugle, incapable de distinguer le bien du mal. Loin de là, cette joie lui fut étrangère jusqu'à ce que ses yeux fussent ouverts, jusqu'à ce qu'il eût reçu des sens spirituels, propres à discerner ce qui est spirituellement bien ou mal. Et maintenant sa vue est loin de se troubler : jamais elle ne fut plus perçante ; elle est si prompte à voir ce qu'il y a de plus délicat, que l'homme naturel en est tout étonné. Comme un atome de poussière est visible dans un rayon de soleil, de même pour celui qui marche dans la lumière, dans les rayons du Soleil incréé, tout atome de péché est visible. D'ailleurs il ne ferme plus les yeux de sa conscience, ; son âme ne connaît plus le sommeil. Elle a toujours les yeux de l'âme grands ouverts. Pour lui plus « de mains pliées pour être couché!» plus « de dormir ». Toujours en sentinelle sur la tour et prêtant l'oreille aux paroles que son Seigneur lui adresse ; il trouve en cela même un sujet de joie, il se réjouit continuellement « de voir Celui qui est invisible ».
                   3° Il est aussi bien évident que la joie du chrétien ne vient pas d'une conscience insensible et comme émoussée. Ce peut être une source de quelque joie, pour ceux « dont le coeur destitué d'intelligence est rempli de ténèbres », c'est-à-dire endurci, appesanti et sans intelligence spirituelle. Par suite de cette insensibilité, ils peuvent même trouver de la joie dans le péché et c'est ce qu'ils appelleront sans doute liberté ! — et ce n'est pourtant qu'une fatale ivresse, un engourdissement de l'âme, l'insensibilité stupide d'une conscience cautérisée ! le chrétien, au contraire, a la sensibilité la plus exquise et dont jamais il n'aurait pu auparavant se faire une idée.
                  Jamais il n'avait eu une délicatesse de conscience comme celle qu'il a depuis que l'amour de Dieu règne dans son coeur. C'est encore pour lui un sujet de joie et de gloire. Dieu a exaucé sa prière de tous les jours : Oh ! puisse mon âme sensible, fuir à la première approche du mal que je déteste ! — que ma conscience soit aussi délicate que la prunelle de l’œil ; qu'elle sente le moindre attouchement du péché !
                 Pour conclure enfin : la joie chrétienne est une joie qui trouve son aliment à obéir à Dieu, à aimer Dieu et à garder ses commandements, et non pas toutefois comme pour remplir les conditions de l'alliance des oeuvres ; comme si, par des oeuvres ou une justice personnelles, nous avions à obtenir le pardon et la bienveillance de Dieu ; car nous sommes déjà pardonnés et reçus en grâce par la miséricorde de Dieu en Jésus-Christ, non pas comme si, par notre propre obéissance, nous avions à conquérir la vie la résurrection de la mort du péché : nous avons déjà la vie par la grâce de Dieu « Lorsque nous étions morts dans nos péchés, il nous a vivifiés » et maintenant « nous sommes vivants à Dieu par Jésus-Christ. notre Seigneur ». Mais nous nous réjouissons de marcher selon l'alliance de grâce, dans un saint amour et une joyeuse obéissance. Nous nous réjouissons de savoir qu'étant justifiés par sa grâce « nous n'avons pas reçu la grâce de Dieu en vain » ; nous nous réjouissons de ce que Dieu nous ayant réconciliés avec lui-même, non à cause de notre volonté et de nos efforts propres, mais par le sang de l'Agneau, nous « courons » revêtus de sa force, « dans la voie de ses commandements ». Il nous a ceints de force pour le combat et c'est avec joie que nous combattons « le bon combat de la foi ». Nous nous réjouissons, en Celui qui vit dans nos cœurs par la foi, « de saisir la vie éternelle ». C'est ici notre joie, que comme notre « Père agit continuellement » nous aussi (non par notre force ou notre sagesse, mais par la force de son Esprit gratuitement donné en Christ), nous agissons, nous faisons les oeuvres de Dieu. Puisse-t-il opérer en nous tout ce qui est agréable à ses yeux ! Qu'à Lui soit la gloire aux siècles des siècles !



lundi 8 juin 2015

LES SERMONS DE WESLEY Sermon 11 : LE TÉMOIGNAGE DE L’ESPRIT (2me DISCOURS)

Numérisation Yves PETRAKIAN
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(tiré du livre  LES SERMONS DE WESLEY  -1- )


Romains 8,16   (1746)

« L'Esprit lui-même rend témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ». (Romains   8 : 16)

I

                       Voici une vérité dont on ne peut mettre en doute l'importance, si l'on croit aux Écritures comme à la Parole de Dieu ; une vérité qui n'y est pas révélée une fois seulement, ni obscurément, ni en passant ; mais fréquemment et en termes exprès, mais solennellement et directement, comme exprimant l'un des privilèges distinctifs des enfants de Dieu.
                        Et il est d'autant plus nécessaire de l'expliquer et de la défendre qu'il y a ici danger des deux côtés. Si nous la rejetons, il est à craindre que notre religion ne dégénère en un pur formalisme, et « qu'ayant la forme de la piété », nous n'en négligions, ou même n'en reniions la force ». Si nous l'admettons, mais sans la comprendre, il est à craindre que nous ne nous jetions dans tous les excès de l'exaltation. Il est donc nécessaire, au plus haut degré, de mettre en garde contre ces deux dangers ceux qui craignent Dieu, en leur donnant une explication et une confirmation scripturaire et rationnelle de cette vérité capitale.
                       Le besoin d'une telle exposition paraît d'autant plus grand qu'il existe si peu d'écrits sur la matière qui aient quelque clarté, à part quelques discours sur le côté défavorable de la question, et qui ont pour but de réduire à rien le témoignage direct du Saint-Esprit. Ces discours ont été occasionnés, on ne peut en douter, surtout par les rêveries indigestes, antiscripturaires et irrationnelles d'autres interprètes auxquels s'appliquaient ces paroles : « Ils n'entendent point ce qu'ils disent, ni les choses qu'ils assurent comme certaines ».
                      C'est surtout l'affaire des chrétiens qu'on appelle méthodistes de comprendre, d'expliquer, de défendre nettement cette doctrine ; car elle constitue une partie essentielle du témoignage que Dieu les a chargés de porter à tous les hommes. C'est par sa bénédiction sur leur étude de l'Écriture, confirmée par l'expérience de ses enfants, que cette grande vérité évangélique, si longtemps tenue sous le boisseau, a été remise en lumière.

II

                    Mais qu'est-ce que le témoignage de l'Esprit ? C'est une attestation que l'Esprit lui-même donne personnellement à notre esprit, et conjointement avec notre esprit. Et qu'atteste-t-il ? Il atteste que nous sommes enfants de Dieu. Ce témoignage a pour résultat immédiat « les fruits de l'Esprit, savoir : la charité, la joie, la paix, la, patience, la douceur, la bonté » ; et même sans eux il ne peut continuer, car il est inévitablement détruit, non seulement par un péché quelconque de commission ou d'omission quant aux devoirs extérieurs connus, mais encore par toute infidélité intérieure, en un mot, par tout ce qui « contriste le Saint-Esprit de Dieu ».
                J'écrivais, il y a bien des années : « Il est difficile d'expliquer les choses profondes de Dieu dans le langage des hommes. Il n'y a réellement pas de mots qui puissent rendre complètement ce que Dieu, par son Esprit, opère chez ses enfants mais peut-être puis-je dire (et je prie toute âme enseignée de Dieu de me corriger, s'il le faut, en adoucissant ou rendant plus énergiques mes expressions) : Le témoignage de l'Esprit est l'impression immédiate et directe de l'Esprit de Dieu sur mon âme, par laquelle il témoigne au dedans de moi que je suis enfant de Dieu ; que Jésus-Christ m'a aimé et s'est donné pour moi, que tous mes péchés sont effacés, et que moi, oui, moi-même, je suis réconcilié avec Dieu ».
                Après vingt années de réflexion, je ne trouve rien à rétracter dans ces paroles. Je ne vois même aucun changement à y faire qui puisse les rendre plus intelligibles. Tout ce que je puis dire, c'est que si quelque enfant de Dieu veut indiquer d'autres termes plus clairs ou plus conformes à la Parole de Dieu, je suis prêt à abandonner ceux-ci.
             Qu'on veuille bien, cependant, remarquer que par là je n'entends point que ce témoignage de l'Esprit s'exprime par une voix extérieure, ni même toujours, quoique cela puisse avoir lieu quelquefois, par une voix intérieure. Je ne suppose pas non plus que ce soit toujours (quoique cela puisse souvent être le cas), en appliquant au coeur un ou plusieurs textes de l'Ecriture. Mais l'Esprit agit sur l'âme par son influence immédiate et par une opération puissante, quoique inexplicable ; de telle manière que les vents et les vagues s'apaisent et qu'il se fait un grand calme, le coeur se reposant doucement dans les bras de Jésus, et le pécheur recevant une pleine conviction que Dieu n'est plus irrité, que toutes ses iniquités sont pardonnées, que tous ses péchés sont couverts.
             Quel est donc, à cet égard, le problème à résoudre Ce n'est point s'il y a un témoignage de l'Esprit, ni si l'Esprit rend témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. On ne peut le nier sans contredire nettement les Écritures, sans accuser de mensonge le Dieu de vérité. Qu'il y ait donc un témoignage de l'Esprit, c'est ce qui est concédé par tous les partis.
                 Il ne s'agit pas non plus de savoir s'il y a un témoignage, une attestation indirecte que nous sommes enfants de Dieu. Ce témoignage revient à peu près, sinon tout à fait, au témoignage d'une bonne conscience devant Dieu ; c'est le résultat rationnel de la réflexion sur ce que nous sentons dans nos âmes. C'est, rigoureusement parlant, une conclusion tirée en partie de la Parole de Dieu, en partie de notre propre expérience. La Parole de Dieu dit que quiconque a les fruits de l'Esprit est enfant de Dieu ; l'expérience ou le sentiment intérieur me dit que j'ai les fruits de l'Esprit, et de là je conclus rationnellement, que je suis donc enfant de Dieu. Chacun est d'accord là-dessus, et ce n'est pas non plus l'objet de la controverse.
                Nous ne soutenons d'ailleurs pas qu'il puisse y avoir un témoignage réel de l'Esprit sans les fruits de l'Esprit. Nous soutenons, au contraire, que du témoignage de l'Esprit naissent immédiatement les fruits de l'Esprit ; sans doute pas toujours au même degré, même dans la première force du témoignage et encore moins après. La joie et la paix n'ont pas un niveau fixe, ni l'amour non plus ; le témoignage lui-même varie également en force et en clarté.
                   Mais le point en question, c'est de savoir s'il existe ou non un témoignage direct de l'Esprit ; s'il y a un témoignage de l'Esprit en dehors de celui qui résulte de la conscience des fruits de l'Esprit.

III

                 Je crois qu'il y a un tel témoignage, car c'est ce que dit évidemment le texte : « L'Esprit lui-même rend témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ». Il indique évidemment deux témoins qui attestent ensemble le même fait : l'Esprit de Dieu et notre esprit. Le prédécesseur de l'évêque actuel de Londres, dans son sermon sur ce texte, paraît surpris qu'on puisse en douter, tant la chose est manifeste. « Or l'un de ces témoignages, dit l'évêque, savoir celui de notre esprit, c'est la conscience de notre sincérité». On pourrait dire un peu plus clairement : C'est la conscience des fruits de l'Esprit. Notre esprit sentant en lui-même ces fruits, « la charité, la joie, la paix, la patience, la douceur, la bonté », conclut aisément de ces prémisses que nous sommes enfants de Dieu.
               Il est vrai que cet homme distingué suppose que l'autre témoignage est « la conscience de nos bonnes oeuvres ». C'est là le témoignage du Saint-Esprit, nous assure-t-il, mais c'est déjà impliqué dans le témoignage de notre esprit, et la sincérité, même dans le sens ordinaire des mots, s'étend jusque-là. Quand l'apôtre dit : « Ce qui fait notre gloire, c'est le témoignage de notre conscience, que nous nous sommes conduits, dans le monde, en simplicité et en sincérité devant Dieu » , — le mot sincérité se rapporte sans doute au moins autant aux actions et aux paroles qu'aux dispositions du coeur Il n'y a donc toujours là qu'un seul témoignage, et la conscience de nos bonnes oeuvres n'est qu'une forme de la conscience de notre sincérité. Mais le texte parle de deux témoignages ; l'un des deux est donc évidemment autre chose que la conscience de nos bonnes oeuvres ou de notre sincérité, ces deux choses étant évidemment renfermées dans le témoignage de notre esprit.
                 Quel est donc l'autre témoignage ? Le verset qui précède le montrerait aisément, si notre texte n'était pas suffisamment clair : « Vous n'avez pas reçu un esprit de servitude, mais l'Esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba, Père ». C'est cet Esprit qui rend témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.
                 Voyez encore le texte parallèle (Galates 4,6.) « et parce que vous êtes enfants, Dieu a envoyé dans vos cœurs l'Esprit de son Fils, lequel crie : Abba, Père ! » N'est-ce pas là quelque chose d'immédiat ou de direct, qui ne résulte ni de la réflexion, ni de l'argumentation ? Et cet Esprit ne crie-t-il pas dans nos cœurs Abba, Père ! dès l'instant qu'il est donné, avant toute réflexion sur notre sincérité, avant tout raisonnement ? N'est-ce pas là le sens clair et naturel des mots, qui se présente dès l'abord à celui qui les lit ou les entend ? Ainsi donc ces textes, dans leur sens le plus simple, décrivent un témoignage direct du Saint-Esprit.
                Ce témoignage de l'Esprit de Dieu doit nécessairement précéder celui de notre esprit. Car avant de nous sentir saints de coeur et de vie, il faut que nous le soyons. Mais pour être saints, il nous faut aimer Dieu, car l'amour est la source de toute sainteté, et nous ne pouvons l'aimer que lorsque nous savons qu'Il nous aime. Or nous ne pouvons connaître l'amour de Dieu pour nous, avant que le Saint-Esprit ne rende témoignage de cet amour à notre esprit ; jusque-là nous ne pouvons y croire, nous ne pouvons dire : « Si je vis, je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et, qui s'est donné Lui-même pour moi ».
                   C'est alors seulement que notre âme coupable, éprouve la vertu de son sang précieux, Qu'elle peut s'écrier, en sa joie ineffable : Mon Seigneur et mon Dieu ! Puisque ce témoignage du Saint-Esprit précède tout amour pour Dieu et toute sainteté, il précède aussi nécessairement le sentiment intérieur que nous en avons. Et c'est ici proprement que cette doctrine scripturaire vient trouver sa confirmation dans l'expérience des enfants de Dieu ; non pas dans l'expérience de deux ou de trois, ou d'un petit nombre, mais d'une grande multitude que personne ne peut compter. Elle a été confirmée, dans ce siècle et dans tous les siècles, dans la vie et dans la mort, par une nuée de témoins. Elle est confirmée par votre expérience et par la mienne. L'Esprit lui-même rendit témoignage à mon esprit que j'étais enfant de Dieu, il m'en donna l'évidence, et je m'écriai aussitôt : « Abba, c'est-à-dire Père ! » Et je le fis, comme vous aussi, préalablement à toute réflexion ou à toute assurance quant aux fruits de l'Esprit. Ce fut du témoignage une fois reçu que découlèrent ces fruits de l'Esprit : l'amour, la joie, la paix et tous les autres. Dieu me dit : Tes péchés sont remis, Jésus est ton Sauveur ! J'écoutai, et le ciel descendit dans mon coeur !
                     Mais cette confirmation n'est pas seulement dans l'expérience des enfants de Dieu, — qui viennent par milliers déclarer que jamais ils n'eurent l'assurance de la faveur de Dieu avant que le témoignage ne leur en fût donné directement par l'Esprit, mais elle est encore dans l'expérience de tous ceux qui sont convaincus de péché, et qui sentent que la colère de Dieu pèse sur eux. A tous ceux-ci il ne faut rien moins qu'un témoignage direct de son Esprit, pour croire qu'il est apaisé envers leurs injustices, et qu'il « ne se souvient plus de leurs péchés ». Dites à l'un d'eux Vous connaîtrez que vous êtes enfant de Dieu, en réfléchissant sur ce qu'Il a opéré en vous, sur votre amour, votre joie, votre paix ; ne vous répondra-t-il pas aussitôt : Tout ce que je connais par là, c'est que je suis enfant du diable ? Je n'ai pas plus d'amour pour Dieu que le démon ; mon coeur charnel est inimitié, contre Dieu. Je n'ai pas la joie du Saint-Esprit ; mon âme est accablée d'une tristesse mortelle, Je n'ai point de paix ; mon coeur est une mer en tourmente ; en moi, tout est orage et tempête. — Et comment est-il possible que ces mêmes âmes soient consolées, si ce n'est, non par le témoignage de leur bonté, de leur sincérité, de la conformité de leur coeur et de leur vie aux Écritures, mais par l'assurance divine que Dieu justifie le méchant ? qu'il justifie celui qui, tant qu'il n'est pas justifié, est méchant, dépourvu de toute vraie sainteté ; celui qui ne fait pas les oeuvres, qui n'en peut faire de bonnes, jusqu'à ce qu'il se sache accepté par Dieu, non à cause des oeuvres de justice qu'il a faites, mais par la pure et libre grâce de Dieu, uniquement à cause de ce que le Fils de Dieu a fait et souffert pour lui. 
                  Et pourrait-il en être autrement, puisque l'homme est justifié par la foi, sans les oeuvres de la loi ? Dès lors quel mérite peut-il se reconnaître au dedans ou au dehors, avant sa justification ? Que dis-je ? N'avoir rien pour payer nos dettes, c'est-à-dire,savoir qu'il n'habite en nous aucun bien, que nous sommes dépourvus, au dedans et au dehors, de tout mérite, n'est-ce pas la condition essentielle, absolument nécessaire pour que nous soyons « justifiés gratuitement par grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ ? » Depuis que le Sauveur est venu dans le monde, qui fut jamais justifié, qui pourra jamais l'être, à moins qu'il ne dise : Je renonce à jamais à plaider devant Toi, J'étais damné, Seigneur, mais tu mourus pour moi...
                  Quiconque donc renie ce témoignage, renie, par le fait, la justification par la foi. Il s'ensuit ou qu'il n'a jamais éprouvé cette grâce, qu'il n'a jamais été justifié, ou « qu'il a oublié, comme dit saint Pierre, la purification de ses anciens péchés », l'expérience qu'il fit alors lui-même, la manière dont Dieu opéra dans son âme quand ses péchés précédents furent effacés. Il n'est pas jusqu'à l'expérience des enfants du monde qui ne confirme ici celle des enfants de Dieu. Il en est plusieurs qui voudraient plaire à Dieu ; il en est qui font de grands efforts pour-lui être agréables ; mais tous ensemble ne s'accordent-ils pas à traiter d'absurde l'assurance actuelle du pardon des péchés ? Qui d'entre eux prétend jamais à rien de pareil ? Et pourtant il en est plusieurs qui ont conscience de leur sincérité ; plusieurs, sans aucun doute, qui ont, à quelque degré, le témoignage de leur propre esprit, la conscience de leur droiture. Mais cela ne leur donne pas le sentiment d'être pardonnés ils ne savent pas pour cela s'ils sont enfants de Dieu. Et même, plus ils sont sincères, plus l'incertitude où ils sont sur ce point les rend en général inquiets ; preuve évidente qu'à cet égard le simple témoignage de notre esprit ne peut suffire, et qu'il faut que Dieu nous témoigne directement par son Esprit que nous sommes ses enfants.

IV


                    Mais à cela on a fait nombre d'objections dont il peut être utile d'examiner les principales.
                   1. On a dit : « L'expérience ne suffit pas a prouver une doctrine qui n'est pas fondée sur l'Ecriture ».Vérité indubitable et vérité importante, mais qui n'a rien à faire ici ; au contraire, c'est à bon droit que l'expérience est invoquée à l'appui de cette doctrine, puisqu'on a vu qu'elle est fondée sur l'Ecriture.
                 « Mais des fous ; des visionnaires qui se sont dits prophètes et toutes sortes d'exaltés ont cru éprouver ce témoignage ». — Il est vrai, et plusieurs peut-être l'éprouvèrent en effet, quoique sans le conserver longtemps ; mais s'ils ne l'éprouvèrent pas, il n'en résulte nullement que d'autres ne l'aient point éprouvé. De ce qu'un fou peut s'imaginer être roi, il ne résulte pas qu'il n'y ait point de rois.
                    « Il en est même, dit-on, parmi les grands avocats de cette doctrine, qui ont fort décrié la Bible ». — Peut-être, mais non par une conséquence nécessaire : des milliers d'âmes plaident pour elle, qui ont la plus grande estime pour la Bible. — « Oui, mais par là plusieurs sont tombés dans une fatale illusion, et ont endurci leur coeur contre toute conviction ». — Peut-être, mais une doctrine scripturaire ne doit pas être considérée comme mauvaise, pour l'abus qu'en font les hommes à leur propre perdition.
                   On dit encore : « Mais on ne peut contester que le témoignage de l'Esprit, ce sont les fruits de l'Esprit ». Nous le contestons ; des milliers d'âmes le contestent et même le nient formellement : mais passons. — « Si ce témoignage suffit, ajoute-t-on, pourquoi en chercher un autre ? Mais il nous suffit, sauf dans deux cas :
             1° Dans l'absence totale des fruits de l'Esprit ». — Or nous avons vu qu'il y a absence de ces fruits, au moment où le témoignage direct est premièrement donné.
                  2° « Lorsqu'on n'aperçoit point ces fruits ; mais prétendre alors à ce témoignage, c'est prétendre être dans la faveur de Dieu, sans le savoir ». — Oui, sans le savoir alors autrement que par le témoignage direct que Dieu donne. Car c'est là ce que nous soutenons ; nous soutenons que le témoignage direct peut briller clairement, même pendant que le, témoignage indirect est couvert d'un nuage.
                   2. On a dit en second lieu : « Le but du témoignage en question serait de prouver que notre profession de christianisme est sincère. Mais il ne le prouve pas ». — Je réponds que ce n'est pas là le but. Ce témoignage précède toute profession, si ce n'est la profession de notre perdition ; de notre culpabilité. Son but, c'est de donner au pécheur l'assurance d'être enfant de Dieu, l'assurance d'être « justifié gratuitement par grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ ». Et ceci, loin de supposer que ses pensées, ses paroles et ses actions étaient déjà conformes à la règle des Écritures, suppose juste le contraire, suppose qu'il était entièrement pécheur, dans son coeur et dans ses actions. Car sans cela Dieu justifierait les justes, ce seraient leurs bonnes oeuvres qui leur seraient imputées à justice. Et je crains bien que l'idée de la justification par les oeuvres ne soit à la base de toutes ces objections ; car si quelqu'un croit de coeur que Dieu justifie en imputant la justice sans les oeuvres, il n'hésitera point à admettre que le témoignage du Saint-Esprit en précède les fruits.
                   3. On a dit : « Nous trouvons dans l'un des Évangiles, que Dieu donnera le Saint-Esprit à tous ceux qui le lui demandent ; et dans un autre Évangile, dans le passage parallèle, il est dit que Dieu leur donnera de bonnes choses, ce qui prouve de reste que l'Esprit rend témoignage par le don de « ces bonnes choses ». Mais rien ne prouve qu'il soit question dans ces textes du témoignage de l'Esprit. Qu'on le démontre un peu mieux, et nous répondrons.
                   4. On objecte aussi : « Nous lisons dans l'Écriture : L'arbre se connaît par ses fruits ; éprouvez toutes choses ; éprouvez les esprits ; éprouvez-vous vous-mêmes ». Oui, sans doute. Que chacun donc s'éprouve soi-même, s'il croit avoir en lui ce témoignage, pour voir s'il vient de Dieu : il est de Dieu si les fruits en découlent ; s'il en est autrement il ne vient pas de Dieu. Car certainement l'arbre sera connu par son fruit. — « Mais la Bible n'en appelle jamais au témoignage direct ». Isolément, non sans doute, mais bien dans son union avec l'autre témoignage, comme déclarant avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Et qui prouvera qu'il n'est pas ainsi invoqué dans la suite même du texte qu'on cite : « Examinez-vous vous-mêmes, pour voir si vous êtes dans la foi ?
                 Éprouvez-vous vous-mêmes. Ne reconnaissez-vous pas vous-mêmes que Jésus-Christ est en vous ? » Il faudrait démontrer qu'il ne s'agit pas ici d'un. témoignage direct aussi bien qu'indirect ; qu'est-ce qui prouve qu'ils ne devaient pas reconnaître cela, d'abord par un sentiment intérieur, puis par l'amour, la joie, la paix et les autres fruits de l'Esprit ?
                « Mais la Bible en appelle constamment au témoignage qui résulte d'un changement intérieur et extérieur ». — D'accord ; et nous aussi nous en appelons constamment à ce changement, pour confirmer le témoignage de l'Esprit.
                    « Vous-mêmes, par tous les caractères que vous indiquez pour distinguer l'opération de Dieu des illusions, vous en appelez au changement intérieur et extérieur opéré en nous ! » — Ceci est encore incontestable.
                        5. Autre objection. « Le témoignage, direct de l'Esprit ne nous met point à l'abri des plus grandes illusions. Quelle confiance mérite un témoignage sur lequel on ne peut s'assurer et qui doit chercher ailleurs qu'en lui-même la preuve de ce qu'il avance ? » — Je réponds : Pour nous préserver de toute illusion, Dieu nous donne ; de notre adoption un double témoignage. Que l'homme ne sépare donc pas ce que Dieu, a joint. Réunis, les deux témoignages sont indubitables et l'on peut s'y fier entièrement. Ils sont de nature à inspirer la plus haute confiance et n'ont pas besoin de chercher ailleurs la preuve de ce qu'ils avancent.
                        « Quant au témoignage direct, il se borne à affirmer mais sans rien prouver». — Par deux témoins, toute parole sera, confirmée. Si, comme Dieu le veut, l'Esprit rend témoignage avec notre esprit, il donne pleinement la preuve que nous sommes enfants de Dieu.
                  6. On dit encore : « Vous accordez que le changement opéré est un témoignage suffisant, sauf dans des épreuves extraordinaires, telle que celle que Notre Seigneur endura sur la croix. Or, nul de nous ne peut être exposé à une semblable épreuve ». — Mais vous et moi, comme tout enfant de Dieu, nous pouvons être éprouvés de telle sorte que, sans te témoignage direct de l'Esprit de Dieu, nous ne puissions conserver notre confiance filiale en Lui.
                7. On dit enfin : « Les plus grands défenseurs de cette doctrine comptent parmi les hommes les plus orgueilleux et les moins charitables ». — Il se peut que les plus ardents de ses défenseurs ne soient ni charitables ni humbles ; mais plusieurs de ses plus fermes appuis sont éminemment débonnaires et humbles de coeur, et d'ailleurs, à tous égards, les fidèles imitateurs de l'Agneau.
                   Les objections qui précédent sont les plus considérables que j'aie entendues, et elles contiennent, je crois, tout le nerf du débat. Néanmoins je m'assure que l'homme calme; et impartial qui voudra les peser et les comparer avec les réponses, verra aisément que loin de la détruire elles n'affaiblissent en aucune manière l'évidence de cette grande vérité que l'Esprit de Dieu témoigne directement aussi bien qu'indirectement que nous sommes enfants de Dieu.

V

               Résumons-nous : Le témoignage de l'Esprit est une impression intérieure sur l'âme des croyants, par laquelle l'Esprit de Dieu témoigne directement à leur esprit qu'ils sont enfants de Dieu. Et la question n'est pas de savoir s'il y a un témoignage de l'Esprit, mais s'il y en a un direct, différent de celui qui résulte de la conviction d'avoir les fruits de l'Esprit. Nous croyons qu'un tel témoignage existe parce que c'est le sens clair et naturel du texte mis en lumière par le verset qui précède et par le passage parallèle de l’Épître aux Galates ; nous le croyons parce que, naturellement, le témoignage doit précéder le fruit dont il est la source ; et parce que cette interprétation toute simple est confirmée par l'expérience de la grande nuée des enfants de Dieu, par l'expérience de toutes les âmes qui sont sous la loi, qui ne peuvent trouver de repos jusqu'à ce qu'elles aient un témoignage direct ; et même par le témoignage des enfants du monde qui, n'ayant pas ce témoignage en eux-mêmes, prétendent tous qu'on ne peut avoir l'assurance du pardon des péchés.
                  Et quant aux objections, savoir : que l'expérience ne suffit pas pour prouver une doctrine qui n'est pas appuyée sur l'Ecriture ; — que des fous et des exaltés de toutes sortes ont rêvé un tel témoignage ; — que ce témoignage ne répond pas à son but qui est, à ce qu'on prétend, de prouver la sincérité de notre profession ; — que l'Ecriture dit : « On connaît l'arbre à son fruit » ; « examinez-vous, éprouvez vous vous-mêmes » ; — qu'elle n'en appelle d'ailleurs jamais au témoignage direct ; — que ce témoignage ne nous préserve  pas des plus grandes illusions, — et qu'enfin le changement du coeur est un témoignage toujours suffisant, sauf dans des épreuves pareilles à celles que Christ seul a endurées ; — Je réponds :
                 1° l'expérience suffit pour confirmer une doctrine qui est basée sur l'Ecriture ;
                 2° quoique plusieurs croient éprouver ce qu'ils n'éprouvent point, cela ne préjuge; rien contre une expérience réelle ;
             3° ce témoignage répond à son but qui est de nous assurer que nous sommes enfants de Dieu ;
                4° le vrai témoignage de l'Esprit est connu par ses fruits « l'amour, la joie, la paix» dont il n'est point précédé mais suivi ;
              5° on ne peut dire que le témoignage direct, aussi bien que l'indirect, ne soit pas indiqué même dans ce texte : « Ne connaissez-vous pas vous-mêmes que Jésus-Christ est en vous ? »
            6° le témoignage de l'Esprit de Dieu, joint à celui de notre esprit, nous préserve réellement de toute illusion ;
               7°enfin nous sommes tous sujets à des épreuves où le témoignage de notre esprit est insuffisant, où il ne nous faut rien moins que le témoignage direct de l'Esprit de Dieu pour être assurés que nous sommes ses enfants.

De tout ceci, tirons deux conséquences :

              1° que personne ne présume de s'appuyer sur un prétendu témoignage de l'Esprit, séparé des fruits de l'Esprit. Si l'Esprit de Dieu témoigne réellement que nous sommes enfants de Dieu, il en résulte immédiatement les fruits de l'Esprit, « la charité, la joie, la paix, la patience, la débonnaireté, la bonté, la fidélité, la douceur, la tempérance ». Et. bien que ces fruits puissent être voilés pour un temps, dans des moments de forte tentation, et qu'ils se cachent à celui que Satan crible comme le blé, la substance en demeure pourtant, même sous le plus épais nuage. Sans doute, dans cette heure d'épreuve, la joie du Saint-Esprit pourra se retirer, l'âme pourra être accablée de tristesse, dans l'heure de la puissance des ténèbres » ; mais cette grâce même est généralement rendue avec usure, jusqu'à ce que nous puissions nous réjouir d'une joie ineffable et glorieuse.
             2° Que nul ne s'appuie sur de prétendus fruits de l'Esprit, sans le témoignage. Il peut y avoir des avant goûts de joie, de paix, d'amour, qui ne soient pas des illusions et qui viennent réellement de Dieu, bien avant que nous avons le témoignage en nous, et que l'Esprit de Dieu témoigne avec notre esprit que nous avons « la rédemption par le sang de Jésus, savoir la rémission des péchés ». Oui, il peut y avoir ; non pas une ombre, mais, par la grâce prévenante de Dieu, en réalité un certain degré de patience, de douceur, de fidélité, de débonnaireté, de tempérance, avant d'être rendus agréables dans le Bien-aimé et certainement avant qu'on puisse en avoir le témoignage ; mais il ne convient nullement de s'arrêter là ; nous ne pouvons le faire qu'au péril de nos âmes. Si nous sommes sages, nous ne cesserons de crier à Dieu, jusqu'à ce que son Esprit crie dans notre coeur « Abba, Père ! » c'est là le privilège de tous les enfants de Dieu, et sans cela nous ne pouvons être assurés que nous sommes ses enfants. Sans cela, nous ne pouvons conserver une paix solide ni éviter des craintes et des doutes désolants. Mais dès que nous avons reçu l'Esprit d'adoption, cette « paix qui surpasse toute intelligence », et qui « bannit la crainte, garde nos cœurs et nos esprits en Jésus-Christ ». Et lorsque cet Esprit a produit son fruit, toute vraie sainteté au dedans et au dehors, la volonté de Celui gui nous a appelés est, sans aucun doute, de nous donner toujours ce qu'Il nous a une fois donné ; en sorte qu'il n'est pas nécessaire d'être jamais plus privés, ni du témoignage de l'Esprit de Dieu, ni du témoignage de notre esprit, de l'assurance que nous marchons dans la justice et dans la vraie sainteté.




dimanche 7 juin 2015

LES SERMONS DE WESLEY Sermon 10 : LE TÉMOIGNAGE DE L’ESPRIT (1er DISCOURS)

Numérisation Yves PETRAKIAN
Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement
Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

(tiré du livre  LES SERMONS DE WESLEY  -1- )


Romains 8,16   (1746)

« L'Esprit lui-même rend témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ». (Romains 8 : 16.)

                         Que d'hommes vains, ne comprenant ni ce qu'ils disent ni ce qu'ils affirment, ont tordu de tout temps ce passage au grand détriment de leur âme, si ce n'est à sa perdition ! Que d'hommes ignorants ont pris la voix de leur imagination pour le témoignage de l'Esprit de Dieu, et présumé d'être enfants de Dieu tandis qu'ils faisaient les oeuvres du diable ! Ce sont là proprement, et dans la pire signification du mot, des exaltés. Mais qu'il est difficile de les convaincre de leur illusion, surtout s'ils se sont abreuvés à longs traits de cet esprit d'erreur ! Alors tout ce qu'on peut faire pour les éclairer n'est autre chose à leurs yeux que faire la guerre à Dieu, et cette véhémence, cette impétuosité d'esprit qu'ils confondent avec le zèle pour la foi, les met tellement en dehors de la portée des moyens qu'on pourrait employer pour les faire rentrer en eux-mêmes, que nous pouvons bien dire à leur égard : « Quant aux hommes, cela est impossible ».
                      Faut-il donc s'étonner, que tant de gens raisonnables, voyant les terribles effets de cette illusion et voulant s'en tenir le plus loin possible ; inclinent parfois vers un autre extrême, qu'ils ne s'empressent guère de croire ceux qui disent avoir un témoignage qui fut pour d'autres un sujet de si graves erreurs ? Faut-il s'étonner qu'ils soient bien près de noter comme exaltés tous ceux qui emploient des termes dont on a fait un si terrible abus ; et même qu'ils se demandent si le témoignage dont il est ici question est le privilège des chrétiens ordinaires, ou s'il n'est pas plutôt du nombre de ces dons extraordinaires qu'ils supposent n'avoir appartenu qu'au siècle apostolique ?
                      Mais pourquoi nous jetterions-nous dans l'un ou l'autre de ces extrêmes ? Ne pouvons-nous diriger notre course entre les deux et nous tenir à juste distance de l'esprit d'erreur et d'exaltation, sans nier le don de Dieu, ni abandonner le grand privilège de ses enfants ? Oui, sans doute. Eh bien ! considérons donc, en la présence et dans la crainte de Dieu : 1° En quoi consiste le témoignage de notre esprit ; quel est le témoignage de l'Esprit de Dieu ; et de quelle manière il nous donne l'assurance d'être enfants de Dieu. 2° Comment ce double témoignage de notre esprit et de l'Esprit de Dieu se sépare et peut être clairement distingué de la présomption du coeur naturel et de la tromperie du diable.

I

                       Voyons d'abord ce que c'est que le témoignage de notre propre esprit. Mais ici je ne puis qu'engager ceux pour qui le témoignage de l'Esprit de Dieu s'absorbe dans le témoignage purement rationnel de notre propre esprit à remarquer que l'apôtre, bien loin de ne parler dans ce texte que du témoignage de notre esprit ; n'en a peut-être point du tout parlé, le texte original pouvant très bien s'entendre du Saint-Esprit seul. Car on peut très bien traduire : l'Esprit lui-même ou le même Esprit rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Mais je n'insiste point là-dessus ; tant d'autres textes s'accordant avec l'expérience de tous les vrais chrétiens, pour montrer que chez tout croyant il y a, à la fois, ces deux témoignages, celui du Saint-Esprit et celui de son propre esprit qui lui disent qu'il est enfant de Dieu.
               Quant au témoignage de notre esprit, les passages qui l'établissent sont nombreux ; ce sont ceux qui décrivent les caractères des enfants de Dieu. Chacun peut les connaître et les comprendre.
                       Plusieurs écrivains, tant anciens que modernes, les ont rassemblés et mis en lumière. Pour plus d'instruction, on n'a qu'à suivre les prédications de l’Évangile, méditer la Parole de Dieu en particulier, et converser avec ceux qui ont la connaissance des voies divines. Et par cette raison, par cette intelligence que Dieu nous a donnée, et que la religion doit perfectionner au lieu de l'éteindre (selon cette parole : « Soyez des enfants quant à la malice, mais des hommes faits quant à l'intelligence (1Corinthiens 14 : 20) ; par cette intelligence, dis-je, chacun peut, en s'appliquant à lui-même ces caractères, reconnaître s'il est où s'il n'est pas enfant de Dieu. Ainsi, par exemple, sachant par la Parole infaillible que tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont « enfants de Dieu », s'il peut dire que l'Esprit de Dieu le conduit ainsi à toutes sortes de dispositions et d’œuvres saintes, il lui sera facile d'en conclure qu'il est enfant de Dieu.
                   C'est à cela que se rapportent toutes ces déclarations si claires de l'apôtre saint Jean dans sa première Épître : « Par ceci nous savons que nous l'avons connu, si nous gardons ses commandements (1Jean 2 : 3) ; « si quelqu'un garde sa parole, l'amour de Dieu est véritablement parfait en lui, et c'est par cela que nous savons que nous sommes en Lui (1Jean 2 : 5) » « si vous savez qu'il est juste, sachez que quiconque fait ce qui est juste est né de Lui (1Jean 2 : 29) ». « Quand nous aimons nos frères, nous connaissons pas là que nous sommes passés de la mort à la vie (1Jean 3 : 14) ». « C'est à cela que nous connaissons que nous sommes de la vérité, et c'est par là que nous assurerons nos cœurs devant Lui (1Jean 3 : 19) ;» c'est-à-dire quand nous nous aimons les uns les autres, « non pas seulement de parole et de la langue, mais en effet et en vérité ». « A ceci nous connaissons que nous demeurons en Lui et qu'Il demeure en nous, c'est qu'Il nous a fait part de son Esprit (1Jean 4 : 13) ; » « et nous connaissons qu'Il demeure en nous, par l'Esprit qu'Il nous a donné (1Jean 3 : 24) ».
                   Il est fort probable qu'il n'y eut jamais, depuis le commencement du monde, d'enfants de Dieu plus avancés dans la grâce et la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ, que l'apôtre saint Jean, à l'époque où il écrivit, ces paroles, et les pères en Christ à qui il écrivait. Il n'est pas moins évident que cet apôtre, et ces hommes qui étaient comme les colonnes du temple de Dieu, loin de dédaigner ces marques de leur régénération, les appliquaient au contraire à leur âme pour la confirmation de leur foi. Tout cela n'est pourtant qu'une évidence rationnelle, le témoignage de notre esprit, de notre raison, de notre intelligence ; c'est un raisonnement qui revient à dire : Ceux qui ont ces marques sont enfants de Dieu ; or nous avons ces marques ; donc nous sommes enfants de Dieu.
                Mais comment reconnaître si nous avons ces marques ? C'est encore une question à résoudre. Comment reconnaître si nous aimons Dieu et notre prochain, et si nous gardons ses commandements ? Remarquez bien que cette question signifie : comment pourrons-nous le reconnaître nous-mêmes, et non comment les autres le pourront-ils ? Je demanderai donc à mon tour à quiconque pose cette question : comment pouvez-vous reconnaître que vous vivez, que vous vous portez bien et ne souffrez pas ? N'en avez-vous pas la conscience immédiate ? Eh bien ! c'est aussi par un sentiment immédiat que vous saurez si votre âme est vivante à Dieu, si vous êtes sauvés du tourment d'un esprit orgueilleux et colère, si vous avez la paix d'un esprit humble et doux. Le même sentiment ne manquera pas de vous apprendre si votre amour, votre joie, votre plaisir est en Dieu, et c'est par là que vous saurez avec certitude si vous aimez votre prochain comme vous-mêmes, si vous avez une bienveillance de coeur pour tous les hommes, si vous êtes pleins de patience et de douceur. Et quant à la marque extérieure des enfants de Dieu, qui est, selon saint Jean, l'observation des commandements de Dieu, vous savez sans doute vous-mêmes, si, par la grâce de Dieu, elle vous appartient. Votre conscience vous dit, jour après jour, si vous ne mettez le nom de Dieu sur vos lèvres, qu'avec sérieux et dévotion, avec crainte et respect : si vous vous souvenez du jour de repos pour le sanctifier ; si vous honorez votre père et votre mère ; si ce que vous désirez que les hommes vous fassent vous le leur faites aussi vous-mêmes ; si vous possédez votre corps en sanctification et en honneur, et si, quoi que vous fassiez, même en mangeant et en buvant, vous faites tout à la gloire de Dieu.
                      Tel est donc proprement le témoignage de notre esprit : la conscience d'être, par la grâce de Dieu, saints de coeur et saints dans notre conduite. C'est la conscience d'avoir reçu par l'Esprit et en l'Esprit d'adoption, les caractères que mentionne la Parole de Dieu, comme appartenant à ses enfants : un coeur qui aime Dieu et qui aime tous les hommes, se reposant avec une confiance enfantine sur Dieu notre Père, ne désirant que Lui, se déchargeant de toute inquiétude sur Lui, et entourant tout enfant d'Adam d'une sérieuse et tendre affection ; c'est la conscience d'être rendus intérieurement conformes, par l'Esprit de Dieu, à l'image de son Fils, et de marcher devant Lui dans la justice, la miséricorde et la vérité, en faisant les choses qui Lui sont agréables.
                     Mais qu'est-ce que cet autre témoignage, ce témoignage de l'Esprit de Dieu qui vient se joindre à celui de notre esprit ? Comment témoigne-t-il « avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ? » Il est difficile d'expliquer « les choses profondes de Dieu » dans le langage des hommes. Il n'y a réellement pas de mots qui puissent rendre parfaitement ce qu'éprouvent les enfants de Dieu.
                   Mais peut-être puis-je dire (et je prie toute âme enseignée de Dieu de me corriger, s'il le faut, en adoucissant ou en rendant plus fortes mes expressions) : le témoignage de l'Esprit est une impression directe de l'Esprit de Dieu sur mon âme, par laquelle il témoigne à mon esprit que je suis enfant de Dieu ; que Jésus-Christ m'a aimé et s'est donné pour moi ; que tous mes péchés sont effacés et que moi, oui moi-même, je suis réconcilié avec Dieu.
                      Ce témoignage de l'Esprit de Dieu doit nécessairement précéder celui de notre esprit ; c'est dans la nature des choses, comme une simple considération va le montrer. Avant de nous sentir saints de coeur et de vie, avant que notre esprit puisse nous rendre témoignage que nous sommes saints, il faut que nous le soyons devenus au dedans et au dehors. Mais pour être saints il nous faut aimer Dieu, puisque c'est là la racine de toute sainteté. Et nous ne pouvons l'aimer que lorsque nous savons qu'Il nous aime. Nous l'aimons parce qu'il nous a aimé le premier. Or c'est le témoignage de l'Esprit qui seul peut nous faire connaître l'amour de Dieu et nous assurer de son pardon. Puisque ce témoignage du Saint-Esprit précède tout amour pour Dieu et toute sainteté, il précède aussi
nécessairement le témoignage de notre propre esprit.
                     Lorsque l'Esprit de Dieu dit à notre âme : Dieu t'a aimé et il a donné son Fils en propitiation pour tes péchés ; le Fils de Dieu t'a aimé et il t'a lavé de tes péchés par son sang ; — alors, et alors seulement, « nous aimons Dieu parce qu'Il nous a aimés le premier », et nous aimons aussi nos frères à cause de Lui. Et s'il en est ainsi, nous ne pouvons pas l'ignorer ; nous « connaissons les choses qui nous sont gratuitement données de Dieu ». Nous savons que nous aimons Dieu et que nous gardons ses commandements, et c'est aussi « par là que nous savons que nous sommes de Dieu ». C'est là le témoignage de notre esprit, qui, aussi longtemps que nous continuons à aimer Dieu et à garder ses commandements, continue à nous assurer, d'accord avec. le Saint-Esprit, que nous sommes enfants de Dieu.
                    Qu'on n'aille pas croire pourtant que je veuille distinguer ces deux témoignages au point d'exclure l'opération de l'Esprit de Dieu même du témoignage de notre propre esprit. Non, ce n'est point ma pensée. C'est Lui qui non seulement produit en nous tout ce qui est bon, mais qui met en lumière sa propre oeuvre et fait connaître clairement ce qu'Il a accompli en nous. Car, d'après saint Paul, l'un des grands buts pour lesquels nous recevons l'Esprit, c'est afin que « nous connaissions les choses qui nous sont gratuitement données de Dieu », c'est pour qu'Il fortifie le témoignage que notre conscience rend et à notre simplicité et à notre sincérité devant Dieu, et pour qu'il nous donne de reconnaître à la faveur d'une plus parfaite lumière, que nous faisons maintenant les choses qui sont agréables au Seigneur.
                 Si l'on demandait encore : Comment l'Esprit de Dieu rend-il témoignage avec notre esprit que nous sommes les enfants de Dieu, de manière à exclure tout doute, et à mettre bien au jour la réalité de notre adoption ? La réponse est claire d'après les remarques qui précèdent. Et d'abord, quant au témoignage de notre esprit, il est aussi facile à l'âme de savoir quand elle aime Dieu, quand elle prend son plaisir en Lui, que de savoir quand elle aime un objet terrestre quelconque, et y trouve son bonheur. Et si elle aime et est dans la joie, elle ne peut pas plus en douter que de sa propre existence. Si donc il est exact de dire Celui qui maintenant aime Dieu d'un amour obéissant, qui se réjouit en Lui d'une humble et sainte joie, est enfant de Dieu ; or j'ai cet amour et cette joie, donc je suis enfant de Dieu, — si c'est là un raisonnement solide, il n'est pas possible, dans le cas supposé, qu'un chrétien doute d'être enfant de Dieu. Pour lui, la première proposition est aussi certaine qu'il est certain que la Bible est de Dieu, et quant à son amour pour Dieu, il en a en lui-même une preuve qui va jusqu'à l'évidence. Ainsi le témoignage de notre propre esprit nous est manifesté avec une si intime certitude, qu'il met la réalité de notre adoption au-dessus de tout doute raisonnable.
                  Quant à la manière dont le témoignage divin se manifeste au coeur, je ne prends point sur moi de l'expliquer. C'est une connaissance « trop haute pour moi, et si élevée que je n'y saurais atteindre ».
                       Le vent souffle où il veut ; j'en entends le son, mais je ne sais ni d'où il vient ni où il va. Comme l'esprit d'un homme connaît seul ce qui est en lui, ainsi l'Esprit de Dieu connaît seul les choses qui sont de Dieu. Mais quant au fait nous le connaissons ; nous savons que l'Esprit de Dieu donne au croyant un tel témoignage de son adoption que, pendant qu'il le possède, il ne peut pas plus douter qu'il est enfant de Dieu, qu'il ne peut douter que le soleil brille, quand il reçoit en plein ses rayons.

II

                     Mais comment ce témoignage réuni de l'Esprit de Dieu et de notre esprit peut-il être clairement et solidement distingué de la présomption de l'esprit naturel et de la tromperie du diable ? C'est ce qu'il nous reste maintenant à examiner. Et il est bien urgent, pour tous ceux qui désirent le salut de Dieu, de méditer ce sujet avec la plus sérieuse attention, afin de ne pas séduire leur propre âme.
                    Une erreur sur ce point a généralement les plus fatales conséquences, surtout parce que ceux qui s'abusent ne découvrent guère leur illusion que lorsqu'il est trop tard pour y remédier. Et d'abord comment distinguer ce témoignage de la présomption du coeur naturel ? Il est certain qu'une âme qui ne fut jamais sous la conviction de son péché, est toujours prête à se flatter et à avoir d'elle-même, surtout pour les choses spirituelles, une plus haute opinion qu'elle ne devrait.
               Faut-il donc s'étonner que celui qui est enflé de son sens charnel, entendant parler de ce privilège des vrais chrétiens parmi lesquels il ne manque pas de se ranger, parvienne bientôt à se persuader que déjà il le possède ? Le fait est commun à l'heure qu'il est, et les exemples en ont toujours abondé dans le monde. Comment distinguer le vrai témoignage d'avec cette fatale présomption ?
                Je réponds que les Écritures multiplient les signes caractéristiques auxquels on peut les distinguer ; elles décrivent de la manière la plus claire, les circonstances qui précèdent, qui accompagnent et qui suivent le vrai et authentique témoignage de l'Esprit de Dieu et de l'esprit du croyant.
                Quiconque voudra remarquer et peser avec soin ces circonstances ne sera pas dans le cas de prendre les ténèbres pour la lumière. Elles lui montreront tontes une si immense différence entre le vrai et le prétendu témoignage de l'Esprit, qu'il n'y aura pour lui ni danger ni même, en quelque sorte, possibilité de les confondre.
                 Celui qui présume vainement d'avoir le don de Dieu pourra, s'il le veut, connaître avec certitude par ces signes, qu'il a été livré jusqu'ici, « à une erreur efficace », et qu'il a cru au mensonge. Car l'Écriture nous présente comme précédant, accompagnant et suivant ce don, des marques qu'avec tant soit peu de réflexion il reconnaîtrait n'avoir jamais été dans son âme. Ainsi l'Écriture décrit la repentance ou conviction de péché, comme précédant invariablement ce témoignage de pardon.
               «Repentez vous, car le royaume des cieux est proche (Matthieu 3 : 2)» «repentez-vous et croyez à l'Évangile (Marc 1 : 15) ; » « repentez vous, et que chacun de vous soit baptisé pour obtenir la rémission des péchés (Actes 2 : 38) ; » « repentez-vous et vous convertissez, afin que vos péchés soient effacés (Actes 3 : 49) ; » et l'Église anglicane, d'accord avec ces paroles, met aussi toujours la repentance avant le pardon et le témoignage du pardon. « Il pardonne et absout tous ceux qui se repentent et croient sincèrement à l'Évangile ». « Le Tout-Puissant promet le pardon des péchés à tous ceux qui, avec la repentance du coeur et la vraie foi, se tournent vers Lui ». Mais celui qui s'abuse est étranger même à la repentance ; il ne sait ce qu'est un coeur contrit et brisé; le souvenir de ses péchés ne lui a jamais été douloureux, et s'il a répété avec la liturgie que « le fardeau de ses transgressions lui est insupportable », il l'a toujours fait sans sincérité ; c'était une politesse qu'il faisait à Dieu. Or ne fût-ce que pour le défaut de cette première oeuvre de Dieu, de la repentance, il n'a que trop lieu de craindre de n'avoir saisi jusque-là qu'une vaine ombre, et de n'avoir encore jamais connu le vrai privilège des enfants de Dieu.
                   De plus, l'Écriture décrit la nouvelle naissance qui doit nécessairement précéder le témoignage qu'on est enfant de Dieu, comme un grand et puissant changement — comme « un passage des ténèbres à la lumière », « de la puissance de Satan à Dieu », «de la mort à, la vie », comme « une résurrection d'entre les morts ». C'est ainsi que l'Apôtre écrit aux Ephésiens : « Vous étiez morts dans vos fautes et dans vos péchés... mais lorsque nous étions morts dans nos fautes, Dieu nous a vivifiés ensemble avec Christ ; et il nous a ressuscités ensemble et nous a faits asseoir ensemble dans les lieux célestes, en Jésus-Christ (Ephésiens 2. 1,5,6) Mais l'homme dont nous parlons connaît-il un tel changement ? Il ne sait rien de tout ceci. Nous lui parlons une langue inconnue. Il assure avoir toujours été chrétien. Il ne sait pas quand il aurait eu besoin de changer ainsi. Ce fait même, s'il se permet un peu de réflexion, lui montrera qu'il n'est pas né de l'Esprit ; qu'il n'a point encore connu Dieu ; mais qu'il a pris la voix de la nature pour la voix de Dieu.
                   Mais laissons en suspens la question qui se rapporte à ce qu'il a pu éprouver ou ne pas éprouver dans le passé ; il y a dans le présent des marques auxquelles on distingue aisément un enfant de. Dieu d'une âme qui s'abuse présomptueusement.     L'Écriture décrit cette joie en Dieu qui accompagne le témoignage de son Esprit, comme une joie humble, comme une joie qui abaisse jusque dans la poussière, qui porte le pécheur reçu en grâce à s'écrier : « Je suis un homme vil » ; « que suis-je, et quelle est la maison de mon père ? » « Maintenant mon oeil t'a vu et je me condamne et me repens sur la poudre et la cendre ». - Or, où se trouve l'humilité, se trouve la débonnaireté, la patience, la douceur, le long support ; un esprit conciliant, une délicatesse, une tendresse, une bonté d'âme qu'aucune expression ne peut rendre. Mais ces fruits accompagnent-ils ce prétendu témoignage de l'Esprit que s'attribue la présomption ? Bien au contraire, plus le présomptueux se persuade d'avoir la faveur de Dieu, plus il est vain, plus il s'élève, plus il est hautain et arrogant dans toutes ses manières. Et en proportion de l'évidence qu'il croit posséder de son adoption, il est plus tyrannique pour ses alentours, plus incapable de supporter une répréhension, plus impatient de la contradiction. Au lieu d'être plus débonnaire, plus doux, plus docile, plus prompt à écouter et plus lent à parler, il est plus lent à écouter, plus prompt à parler, plus dédaigneux de toute instruction, plus violent, plus véhément dans son caractère, plus empressé dans sa conversation. Peut-être même remarque-t-on souvent une sorte de férocité dans son air, dans son langage et dans toute sa conduite, comme s'il allait se mettre à la place de Dieu et consumer lui-même les adversaires.
            Enfin l'Écriture enseigne que l'amour de Dieu consiste à garder ses commandements (Jean 5 : 3), L'obéissance est la preuve certaine de cet amour. Le Seigneur dit lui-même : « Celui qui garde mes commandements, c'est celui-là qui m'aime (Jean 14 : 21) ». L'amour se plaît à obéir, à faire en tout point ce qui est agréable à l'être bien-aimé. Celui qui aime Dieu s'empresse de faire sa volonté sur la terre, comme elle est faite dans le ciel. Mais est-ce là le caractère de celui qui se persuade présomptueusement d'aimer Dieu ? Ah ! il l'aime, mais d'un amour qui lui donne toute liberté de désobéir et de violer ces commandements au lieu de le pousser à les garder. Peut-être, lorsqu'il était sous la crainte de sa colère, travaillait-il à faire sa volonté. Mais maintenant qu'il se regarde comme n'étant plus sous la loi, il ne se croit plus tenu de l'observer. Il est donc moins zélé pour les bonnes oeuvres, moins soigneux d'éviter le mal, moins observateur de son coeur, moins attentif à tenir en bride sa langue. Il a moins d'ardeur à se renoncer lui-même et à se charger chaque jour de sa croix. En un mot, toute l'apparence de sa vie est changée, depuis qu'il s'est imaginé être en liberté ; on ne le voit plus « s'exercer à la piété », «combattre non pas seulement contre la chair et le sang, mais contre les principautés et les puissances », « endurer les travaux », « s'efforcer d'entrer par la porte étroite ». Non, il a trouvé un chemin plus commode pour aller au ciel, un chemin large, uni, semé de fleurs, où il peut dire à son âme : « Mon âme, repose-toi, mange, bois et te réjouis ». Il est évident, d'après cela, qu'il n'a pas vraiment le témoignage de son propre esprit. Il ne saurait avoir la conscience de posséder ce qu'il ne possède pas, l'humilité, la douceur, l'obéissance.                          L'Esprit de vérité ne peut non plus confirmer un mensonge, ni lui rendre témoignage qu'il est enfant de Dieu, pendant qu'il est manifestement enfant du diable. Ouvre les yeux, ô toi pauvre pécheur qui te séduis toi-même ! — toi qui t'assures d'être enfant de Dieu, toi qui dis : J'ai le témoignage en moi-même et je puis défier tous mes ennemis ! Tu as été pesé à la balance, à la balance du sanctuaire, et tu as été trouvé léger. Ton âme, mise au creuset de la parole du Seigneur, s'est trouvée un argent réprouvé. Tu n'es pas humble de coeur, tu es donc étranger jusqu'à ce jour à l'Esprit de Jésus. Tu n'es pas doux et débonnaire, ta joie est donc vaine ; ce n'est pas la joie du Seigneur. Tu ne gardes pas ses commandements, donc tu ne l'aimes point et tu n'as point été fait participant Saint-Esprit ! Si donc les oracles de Dieu sont certains, il est certain que son esprit ne rend pas témoignage avec ton esprit que tu es enfant de Dieu. 
                    Oh ! demande avec de grands cris que les écailles tombent de tes yeux ; que tu puisses te connaître tel que tu es connu ; que tu reçoives la sentence de mort en toi-même, jusqu'à ce que la voix qui ressuscite les morts se fasse entendre à ton âme, disant : « Aie bon courage ; tes péchés te sont pardonnés, ta foi t'a sauvé ! »
               Mais, direz-vous, comment celui qui a, vraiment le témoignage en lui-même le distinguera-t-il de la présomption ? Et comment distinguez-vous la lumière des ténèbres ? la clarté d'une étoile ou d'un pâle flambeau, de l'éclat du soleil en plein midi ? N'y a-t-il pas entre ces deux une différence inhérente, visible, essentielle ? Et n'apercevez-vous pas immédiatement cette différence, pourvu que vos sens soient en bon état.
                De même, il y a une différence inhérente, essentielle, entre la lumière spirituelle et les ténèbres spirituelles, entre la clarté dont le soleil de justice inonde nos cœurs, et les pâles lueurs qui proviennent des étincelles que nous avons nous-mêmes allumées, et pourvu que nos sens spirituels soient en bon état, nous apercevons également bientôt cette différence.
          Mais si l'on insiste, et si l'on demande une explication plus exacte et plus philosophique de la manière dont s'observe cette différence, et des critères ou signes intrinsèques auxquels on distingue la voix de Dieu, c'est faire une demande qui dépasse les limites de la capacité même de celui qui possède la connaissance la plus profonde de Dieu. Si, lorsque Paul eut rendu compte de sa conversion devant Agrippa, le sage Romain lui eût dit : « Tu as entendu la voix du Fils de Dieu ? Mais comment sais-tu que c'est réellement sa voix ? Quels sont les critères, les signes intrinsèques de la voix de Dieu ? Explique-moi la manière de la distinguer d'une voix humaine ou angélique ? » Pensez-vous que l'apôtre lui-même eût essayé de résoudre une question si vaine ? Et pourtant on ne peut douter que du moment qu'il entendit cette voix, il ne sût que c'était la voix de Dieu. Mais comment le sut-il? C'est peut-être ce que ni homme ni ange ne pourrait expliquer.
                   Soyons plus rigoureux encore : Dieu dit maintenant à une âme : « Tes péchés te sont pardonnés » ; Il veut sans doute que cette âme reconnaisse sa voix, autrement il parlerait en vain. Et il peut faire qu'elle la reconnaisse, car il n'a qu'à vouloir, et ce qu'il veut s'accomplit. Et c'est ce qui a lieu. Cette âme est absolument assurée que cette voix est la voix de Dieu. Néanmoins, celui qui a ce témoignage en lui-même ne peut l'expliquer à qui ne l'a pas ; et il ne faut pas même s'attendre à ce qu'il le puisse. S'il existait quelque moyen ordinaire, quelque méthode naturelle, pour expliquer les choses de Dieu à qui ne les éprouve point, il s'ensuivrait que l'homme naturel pourrait discerner et connaître les choses de l'Esprit de Dieu, ce qui est directement contraire à cette déclaration de saint Paul, « qu'il ne peut les connaître, parce qu'elles se discernent spirituellement », c'est-à-dire par des sens spirituels que n'a pas l'homme naturel.
                « Mais comment connaître si mes sens spirituels sont en bon état ? » Cette question aussi est d'une immense importance ; car si l'on se trompe à cet égard, on peut se jeter dans des illusions sans fin.
Et qui me dit que ce n'est pas là mon cas et que je connais bien la voix du Saint-Esprit ? — Ce qui vous le dit, c'est précisément le témoignage de votre esprit ; c'est « la, réponse d'une bonne conscience devant Dieu ». C'est par les fruits qu'il a produits dans votre esprit que vous connaîtrez le témoignage de l'Esprit de Dieu ; c'est par là que vous saurez que vous ne vous faites aucune illusion et que vous ne vous abusez point vous-mêmes. Les fruits immédiats du Saint-Esprit dans un coeur où il règne, sont l'amour, la joie, la paix, les entrailles de miséricorde, l'humilité d'esprit, la débonnaireté, la douceur, le support. Et, au dehors, ils consistent à faire du bien à tous, à ne faire de mal à personne, à marcher dans la lumière, à rendre une obéissance empressée et constante à tous les commandements de Dieu.
                       Ces mêmes fruits vous feront distinguer cette voix de Dieu de toute séduction du diable. Cet esprit orgueilleux ne saurait te rendre humble devant Dieu. Il ne peut ni ne veut toucher ton coeur ni en fondre la dureté et la glace, d'abord par la repentance, et ensuite par l'amour filial. L'ennemi de Dieu et des hommes te disposerait-il à aimer les hommes ou à te revêtir de débonnaireté, de douceur, de patience, de tempérance et de toute l'armure de Dieu ? Il n'est pas divisé contre lui-même ; il n'est pas le destructeur du péché qui est son oeuvre. Non, il n'y a que le Fils de Dieu qui vienne « détruire les oeuvres du diable ». Autant il est certain que la sainteté est de Dieu et que le péché est du diable, autant il est certain que le témoignage que tu as en toi, n'est point du diable, mais de Dieu.
                Tu peux donc bien t'écrier : « Grâces soient rendues à Dieu pour son don ineffable ! » Grâces soient à Dieu qui me donne de savoir en qui j'ai cru ; qui a envoyé dans mon coeur l'Esprit de son Fils, criant Abba, Père ! et rendant en ce moment même témoignage avec mon esprit que je suis enfant de Dieu ! — Et que ta vie, aussi bien que tes lèvres, publie sa louange. Il t'a « scellé » pour Lui-même ; « glorifie-Le donc dans ton corps et dans ton esprit qui Lui appartiennent ». Bien-aimé, si tu as dans ton âme cette espérance en Lui, purifie-toi toi-même, comme Lui aussi est pur. « Contemple » l'amour que le Père t'a témoigné en t'appelant enfant de Dieu, et en même temps « purifie-toi de toute souillure de la chair et de l'esprit, achevant la sanctification dans la crainte de Dieu », et que toutes tes pensées, tes paroles et tes oeuvres soient un sacrifice spirituel saint et agréable à Dieu, par Jésus-Christ !