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Yves PETRAKIAN
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(tiré
du livre LES SERMONS DE WESLEY -1- )
Romains
8,16 (1746)
«
L'Esprit lui-même rend témoignage avec notre esprit que nous sommes
enfants de Dieu ». (Romains 8 : 16)
I
Voici
une vérité dont on ne peut mettre en doute l'importance, si l'on
croit aux Écritures comme à la Parole de Dieu ; une
vérité qui n'y est pas révélée une fois seulement, ni
obscurément, ni en passant ; mais fréquemment et en termes
exprès, mais solennellement et directement, comme exprimant
l'un des privilèges distinctifs des enfants de Dieu.
Et
il est d'autant plus nécessaire de l'expliquer et de la défendre
qu'il y a ici danger des deux côtés. Si nous la rejetons, il
est à craindre que notre religion ne dégénère en un pur
formalisme, et « qu'ayant la forme de la piété », nous n'en
négligions, ou même n'en reniions la force ». Si nous l'admettons,
mais sans la comprendre, il est à craindre que nous ne nous jetions
dans tous les excès de l'exaltation. Il est donc nécessaire,
au plus haut degré, de mettre en garde contre ces deux dangers
ceux qui craignent Dieu, en leur donnant une explication et une
confirmation scripturaire et rationnelle de cette vérité
capitale.
Le
besoin d'une telle exposition paraît d'autant plus grand qu'il
existe si peu d'écrits sur la matière qui aient quelque
clarté, à part quelques discours sur le côté défavorable de la
question, et qui ont pour but de réduire à rien le témoignage
direct du Saint-Esprit. Ces discours ont été occasionnés, on ne
peut en douter, surtout par les rêveries indigestes,
antiscripturaires et irrationnelles d'autres interprètes
auxquels s'appliquaient ces paroles : « Ils n'entendent point ce
qu'ils disent, ni les choses qu'ils assurent comme certaines ».
C'est
surtout l'affaire des chrétiens qu'on appelle méthodistes de
comprendre, d'expliquer, de défendre nettement cette doctrine ;
car elle constitue une partie essentielle du témoignage que Dieu
les a chargés de porter à tous les hommes. C'est par sa bénédiction
sur leur étude de l'Écriture, confirmée par l'expérience de
ses enfants, que cette grande vérité évangélique, si longtemps
tenue sous le boisseau, a été remise en lumière.
II
Mais
qu'est-ce que le témoignage de l'Esprit ? C'est une attestation que
l'Esprit lui-même donne personnellement à notre esprit, et
conjointement avec notre esprit. Et qu'atteste-t-il ? Il atteste que
nous sommes enfants de Dieu. Ce témoignage a pour résultat immédiat
« les fruits de l'Esprit, savoir : la charité, la joie, la
paix, la, patience, la douceur, la bonté » ; et même sans eux il
ne peut continuer, car il est inévitablement détruit, non
seulement par un péché quelconque de commission ou d'omission
quant aux devoirs extérieurs connus, mais encore par toute
infidélité intérieure, en un mot, par tout ce qui «
contriste le Saint-Esprit de Dieu ».
J'écrivais,
il y a bien des années : « Il est difficile d'expliquer les choses
profondes de Dieu dans le langage des hommes. Il n'y a
réellement pas de mots qui puissent rendre complètement ce
que Dieu, par son Esprit, opère chez ses enfants mais peut-être
puis-je dire (et je prie toute âme enseignée de Dieu de me
corriger, s'il le faut, en adoucissant ou rendant plus énergiques
mes expressions) : Le témoignage de l'Esprit est l'impression
immédiate et directe de l'Esprit de Dieu sur mon âme, par
laquelle il témoigne au dedans de moi que je suis enfant de Dieu ;
que Jésus-Christ m'a aimé et s'est donné pour moi, que tous
mes péchés sont effacés, et que moi, oui, moi-même, je suis
réconcilié avec Dieu ».
Après
vingt années de réflexion, je ne trouve rien à rétracter dans ces
paroles. Je ne vois même aucun changement à y faire qui puisse
les rendre plus intelligibles. Tout ce que je puis dire, c'est que
si quelque enfant de Dieu veut indiquer d'autres termes plus clairs
ou plus conformes à la Parole de Dieu, je suis prêt à
abandonner ceux-ci.
Qu'on
veuille bien, cependant, remarquer que par là je n'entends point que
ce témoignage de l'Esprit s'exprime par une voix extérieure,
ni même toujours, quoique cela puisse avoir lieu quelquefois,
par une voix intérieure. Je ne suppose pas non plus que ce soit
toujours (quoique cela puisse souvent être le cas), en
appliquant au coeur un ou plusieurs textes de l'Ecriture. Mais
l'Esprit agit sur l'âme par son influence immédiate et par une
opération puissante, quoique inexplicable ; de telle manière
que les vents et les vagues s'apaisent et qu'il se fait un grand
calme, le coeur se reposant doucement dans les bras de Jésus,
et le pécheur recevant une pleine conviction que Dieu n'est
plus irrité, que toutes ses iniquités sont pardonnées, que tous
ses péchés sont couverts.
Quel
est donc, à cet égard, le problème à résoudre Ce n'est point
s'il y a un témoignage de l'Esprit, ni si l'Esprit rend
témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. On ne
peut le nier sans contredire nettement les Écritures, sans
accuser de mensonge le Dieu de vérité. Qu'il y ait donc un
témoignage de l'Esprit, c'est ce qui est concédé par tous les
partis.
Il
ne s'agit pas non plus de savoir s'il y a un témoignage, une
attestation indirecte que nous sommes enfants de Dieu. Ce
témoignage revient à peu près, sinon tout à fait, au témoignage
d'une bonne conscience devant Dieu ; c'est le résultat
rationnel de la réflexion sur ce que nous sentons dans nos âmes.
C'est, rigoureusement parlant, une conclusion tirée en partie de la
Parole de Dieu, en partie de notre propre expérience. La Parole
de Dieu dit que quiconque a les fruits de l'Esprit est enfant de
Dieu ; l'expérience ou le sentiment intérieur me dit que j'ai les
fruits de l'Esprit, et de là je conclus rationnellement, que je
suis donc enfant de Dieu. Chacun est d'accord là-dessus, et ce
n'est pas non plus l'objet de la controverse.
Nous
ne soutenons d'ailleurs pas qu'il puisse y avoir un témoignage réel
de l'Esprit sans les fruits de l'Esprit. Nous soutenons, au
contraire, que du témoignage de l'Esprit naissent immédiatement
les fruits de l'Esprit ; sans doute pas toujours au même degré,
même dans la première force du témoignage et encore moins
après. La joie et la paix n'ont pas un niveau fixe, ni l'amour non
plus ; le témoignage lui-même varie également en force et en
clarté.
Mais
le point en question, c'est de savoir s'il existe ou non un
témoignage direct de l'Esprit ; s'il y a un témoignage de
l'Esprit en dehors de celui qui résulte de la conscience des fruits
de l'Esprit.
III
Je
crois qu'il y a un tel témoignage, car c'est ce que dit évidemment
le texte : « L'Esprit lui-même rend témoignage avec notre
esprit que nous sommes enfants de Dieu ». Il indique évidemment
deux témoins qui attestent ensemble le même fait : l'Esprit de
Dieu et notre esprit. Le prédécesseur de l'évêque actuel de
Londres, dans son sermon sur ce texte, paraît surpris qu'on puisse
en douter, tant la chose est manifeste. « Or l'un de ces
témoignages, dit l'évêque, savoir celui de notre esprit, c'est la
conscience de notre sincérité». On pourrait dire un peu plus
clairement : C'est la conscience des fruits de l'Esprit. Notre
esprit sentant en lui-même ces fruits, « la charité, la joie, la
paix, la patience, la douceur, la bonté », conclut aisément
de ces prémisses que nous sommes enfants de Dieu.
Il
est vrai que cet homme distingué suppose que l'autre témoignage est
« la conscience de nos bonnes oeuvres ». C'est là le
témoignage du Saint-Esprit, nous assure-t-il, mais c'est déjà
impliqué dans le témoignage de notre esprit, et la sincérité,
même dans le sens ordinaire des mots, s'étend jusque-là.
Quand l'apôtre dit : « Ce qui fait notre gloire, c'est le
témoignage de notre conscience, que nous nous sommes conduits,
dans le monde, en simplicité et en sincérité devant Dieu » , —
le mot sincérité se rapporte sans doute au moins autant aux
actions et aux paroles qu'aux dispositions du coeur Il n'y a
donc toujours là qu'un seul témoignage, et la conscience de nos
bonnes oeuvres n'est qu'une forme de la conscience de notre
sincérité. Mais le texte parle de deux témoignages ; l'un des deux
est donc évidemment autre chose que la conscience de nos bonnes
oeuvres ou de notre sincérité, ces deux choses étant
évidemment renfermées dans le témoignage de notre esprit.
Quel
est donc l'autre témoignage ? Le verset qui précède le montrerait
aisément, si notre texte n'était pas suffisamment clair : «
Vous n'avez pas reçu un esprit de servitude, mais
l'Esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba, Père ».
C'est cet Esprit qui rend témoignage avec notre esprit que nous
sommes enfants de Dieu.
Voyez
encore le texte parallèle (Galates 4,6.) « et parce que vous êtes
enfants, Dieu a envoyé dans vos cœurs l'Esprit de son
Fils, lequel crie : Abba, Père ! » N'est-ce pas là quelque chose
d'immédiat ou de direct, qui ne résulte ni de la réflexion,
ni de l'argumentation ? Et cet Esprit ne crie-t-il pas
dans nos cœurs Abba, Père ! dès l'instant qu'il
est donné, avant toute réflexion sur notre sincérité,
avant tout raisonnement ? N'est-ce pas là le sens clair et
naturel des mots, qui se présente dès l'abord à celui qui les
lit ou les entend ? Ainsi donc ces textes, dans leur sens le plus
simple, décrivent un témoignage direct du Saint-Esprit.
Ce
témoignage de l'Esprit de Dieu doit nécessairement précéder celui
de notre esprit. Car avant de nous sentir saints de coeur et de
vie, il faut que nous le soyons. Mais pour être saints, il nous
faut aimer Dieu, car l'amour est la source de toute sainteté,
et nous ne pouvons l'aimer que lorsque nous savons qu'Il nous
aime. Or nous ne pouvons connaître l'amour de Dieu pour nous, avant
que le Saint-Esprit ne rende témoignage de cet amour à notre esprit
; jusque-là nous ne pouvons y croire, nous ne pouvons dire : «
Si je vis, je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et, qui
s'est donné Lui-même pour moi ».
C'est
alors seulement que notre âme coupable, éprouve la vertu de
son sang précieux, Qu'elle peut s'écrier, en sa joie ineffable
: Mon Seigneur et mon Dieu ! Puisque ce témoignage du
Saint-Esprit précède tout amour pour Dieu et toute sainteté, il
précède aussi nécessairement le sentiment intérieur que nous
en avons. Et c'est ici proprement que cette doctrine
scripturaire vient trouver sa confirmation dans l'expérience
des enfants de Dieu ; non pas dans l'expérience de deux ou de trois,
ou d'un petit nombre, mais d'une grande multitude que personne
ne peut compter. Elle a été confirmée, dans ce siècle et
dans tous les siècles, dans la vie et dans la mort, par une nuée de
témoins. Elle est confirmée par votre expérience et par la
mienne. L'Esprit lui-même rendit témoignage à mon esprit que
j'étais enfant de Dieu, il m'en donna l'évidence, et je m'écriai
aussitôt : « Abba, c'est-à-dire Père ! » Et je le fis,
comme vous aussi, préalablement à toute réflexion ou à toute
assurance quant aux fruits de l'Esprit. Ce fut du témoignage
une fois reçu que découlèrent ces fruits de l'Esprit : l'amour,
la joie, la paix et tous les autres. Dieu me dit : Tes péchés sont
remis, Jésus est ton Sauveur ! J'écoutai, et le ciel descendit
dans mon coeur !
Mais
cette confirmation n'est pas seulement dans l'expérience des enfants
de Dieu, — qui viennent par milliers déclarer que jamais ils
n'eurent l'assurance de la faveur de Dieu avant que le témoignage
ne leur en fût donné directement par l'Esprit, mais elle est encore
dans l'expérience de tous ceux qui sont convaincus de péché,
et qui sentent que la colère de Dieu pèse sur eux. A tous ceux-ci
il ne faut rien moins qu'un témoignage direct de son Esprit, pour
croire qu'il est apaisé envers leurs injustices, et qu'il « ne
se souvient plus de leurs péchés ». Dites à l'un d'eux
Vous connaîtrez que vous êtes enfant de Dieu, en réfléchissant
sur ce qu'Il a opéré en vous, sur votre amour, votre joie,
votre paix ; ne vous répondra-t-il pas aussitôt : Tout ce que je
connais par là, c'est que je suis enfant du diable ? Je n'ai
pas plus d'amour pour Dieu que le démon ; mon coeur charnel est
inimitié, contre Dieu. Je n'ai pas la joie du Saint-Esprit ; mon âme
est accablée d'une tristesse mortelle, Je n'ai point de paix ;
mon coeur est une mer en tourmente ; en moi, tout est orage et
tempête. — Et comment est-il possible que ces mêmes âmes soient
consolées, si ce n'est, non par le témoignage de leur bonté,
de leur sincérité, de la conformité de leur coeur et de leur
vie aux Écritures, mais par l'assurance divine que Dieu
justifie le méchant ? qu'il justifie celui qui, tant qu'il
n'est pas justifié, est méchant, dépourvu de toute vraie sainteté
; celui qui ne fait pas les oeuvres, qui n'en peut faire de
bonnes, jusqu'à ce qu'il se sache accepté par Dieu, non à cause
des oeuvres de justice qu'il a faites, mais par la pure et libre
grâce de Dieu, uniquement à cause de ce que le Fils de Dieu a
fait et souffert pour lui.
Et
pourrait-il en être autrement, puisque l'homme est justifié
par la foi, sans les oeuvres de la loi ? Dès lors quel mérite
peut-il se reconnaître au dedans ou au dehors, avant sa
justification ? Que dis-je ? N'avoir rien pour payer nos dettes,
c'est-à-dire,savoir qu'il n'habite en nous aucun bien, que nous
sommes dépourvus, au dedans et au dehors, de tout mérite,
n'est-ce pas la condition essentielle, absolument nécessaire pour
que nous soyons « justifiés gratuitement par grâce, par la
rédemption qui est en Jésus-Christ ? » Depuis que le Sauveur
est venu dans le monde, qui fut jamais justifié, qui pourra jamais
l'être, à moins qu'il ne dise : Je renonce à jamais à
plaider devant Toi, J'étais damné, Seigneur, mais tu mourus
pour moi...
Quiconque
donc renie ce témoignage, renie, par le fait, la justification par
la foi. Il s'ensuit ou qu'il n'a jamais éprouvé cette grâce,
qu'il n'a jamais été justifié, ou « qu'il a oublié, comme dit
saint Pierre, la purification de ses anciens péchés »,
l'expérience qu'il fit alors lui-même, la manière dont Dieu
opéra dans son âme quand ses péchés précédents furent effacés.
Il n'est pas jusqu'à l'expérience des enfants du monde qui ne
confirme ici celle des enfants de Dieu. Il en est plusieurs qui
voudraient plaire à Dieu ; il en est qui font de grands efforts
pour-lui être agréables ; mais tous ensemble ne
s'accordent-ils pas à traiter d'absurde l'assurance actuelle du
pardon des péchés ? Qui d'entre eux prétend jamais à rien de
pareil ? Et pourtant il en est plusieurs qui ont conscience de leur
sincérité ; plusieurs, sans aucun doute, qui ont, à quelque degré,
le témoignage de leur propre esprit, la conscience de leur
droiture. Mais cela ne leur donne pas le sentiment d'être
pardonnés ils ne savent pas pour cela s'ils sont enfants de
Dieu. Et même, plus ils sont sincères, plus l'incertitude où
ils sont sur ce point les rend en général inquiets ; preuve
évidente qu'à cet égard le simple témoignage de notre esprit
ne peut suffire, et qu'il faut que Dieu nous témoigne
directement par son Esprit que nous sommes ses enfants.
IV
Mais
à cela on a fait nombre d'objections dont il peut être utile
d'examiner les principales.
1.
On a dit : « L'expérience ne suffit pas a prouver une doctrine qui
n'est pas fondée sur l'Ecriture ».Vérité indubitable et vérité
importante, mais qui n'a rien à faire ici ; au contraire, c'est à
bon droit que l'expérience est invoquée à l'appui de cette
doctrine, puisqu'on a vu qu'elle est fondée sur l'Ecriture.
«
Mais des fous ; des visionnaires qui se sont dits prophètes et
toutes sortes d'exaltés ont cru éprouver ce témoignage ». —
Il est vrai, et plusieurs peut-être l'éprouvèrent en effet,
quoique sans le conserver longtemps ; mais s'ils ne
l'éprouvèrent pas, il n'en résulte nullement que d'autres
ne l'aient point éprouvé. De ce qu'un fou peut s'imaginer être
roi, il ne résulte pas qu'il n'y ait point de rois.
«
Il en est même, dit-on, parmi les grands avocats de cette doctrine,
qui ont fort décrié la Bible ». — Peut-être,
mais non par une conséquence nécessaire : des milliers d'âmes
plaident pour elle, qui ont la plus grande estime pour la Bible.
— « Oui, mais par là plusieurs sont tombés dans une
fatale illusion, et ont endurci leur coeur contre toute
conviction ». — Peut-être, mais une doctrine scripturaire ne
doit pas être considérée comme mauvaise, pour l'abus qu'en font
les hommes à leur propre perdition.
On
dit encore : « Mais on ne peut contester que le témoignage de
l'Esprit, ce sont les fruits de l'Esprit ». Nous le contestons
; des milliers d'âmes le contestent et même le nient formellement
: mais passons. — « Si ce témoignage suffit, ajoute-t-on,
pourquoi en chercher un autre ? Mais il nous suffit, sauf dans
deux cas :
1°
Dans l'absence totale des fruits de l'Esprit ». — Or nous avons vu
qu'il y a absence de ces fruits, au moment où le témoignage
direct est premièrement donné.
2°
« Lorsqu'on n'aperçoit point ces fruits ; mais prétendre alors à
ce témoignage, c'est prétendre être dans la faveur de Dieu,
sans le savoir ». — Oui, sans le savoir alors autrement que par
le témoignage direct que Dieu donne. Car c'est là ce que nous
soutenons ; nous soutenons que le témoignage direct peut
briller clairement, même pendant que le, témoignage indirect est
couvert d'un nuage.
2.
On a dit en second lieu : « Le but du témoignage en question serait
de prouver que notre profession de christianisme est sincère.
Mais il ne le prouve pas ». — Je réponds que ce n'est pas là le
but. Ce témoignage précède toute profession, si ce n'est la
profession de notre perdition ; de notre culpabilité. Son but,
c'est de donner au pécheur l'assurance d'être enfant de Dieu,
l'assurance d'être « justifié gratuitement par grâce, par la
rédemption qui est en Jésus-Christ ». Et ceci, loin de supposer
que ses pensées, ses paroles et ses actions étaient déjà
conformes à la règle des Écritures, suppose juste le
contraire, suppose qu'il était entièrement pécheur, dans son coeur
et dans ses actions. Car sans cela Dieu justifierait les justes,
ce seraient leurs bonnes oeuvres qui leur seraient imputées à
justice. Et je crains bien que l'idée de la justification par les
oeuvres ne soit à la base de toutes ces objections ; car si
quelqu'un croit de coeur que Dieu justifie en imputant la justice
sans les oeuvres, il n'hésitera point à admettre que le
témoignage du Saint-Esprit en précède les fruits.
3.
On a dit : « Nous trouvons dans l'un des Évangiles, que Dieu
donnera le Saint-Esprit à tous ceux qui le lui demandent ; et
dans un autre Évangile, dans le passage parallèle, il est dit que
Dieu leur donnera de bonnes choses, ce qui prouve de reste que
l'Esprit rend témoignage par le don de « ces bonnes choses ».
Mais rien ne prouve qu'il soit question dans ces textes du témoignage
de l'Esprit. Qu'on le démontre un peu mieux, et nous
répondrons.
4.
On objecte aussi : « Nous lisons dans l'Écriture : L'arbre se
connaît par ses fruits ; éprouvez toutes choses ; éprouvez
les esprits ; éprouvez-vous vous-mêmes ». Oui, sans doute. Que
chacun donc s'éprouve soi-même, s'il croit avoir en lui ce
témoignage, pour voir s'il vient de Dieu : il est de Dieu si
les fruits en découlent ; s'il en est autrement il ne vient pas de
Dieu. Car certainement l'arbre sera connu par son fruit. — «
Mais la Bible n'en appelle jamais au témoignage direct ».
Isolément, non sans doute, mais bien dans son union avec
l'autre témoignage, comme déclarant avec notre esprit que nous
sommes enfants de Dieu. Et qui prouvera qu'il n'est pas ainsi invoqué
dans la suite même du texte qu'on cite : « Examinez-vous
vous-mêmes, pour voir si vous êtes dans la foi ?
Éprouvez-vous
vous-mêmes. Ne reconnaissez-vous pas vous-mêmes que Jésus-Christ
est en vous ? » Il faudrait démontrer qu'il ne s'agit pas ici
d'un. témoignage direct aussi bien qu'indirect ; qu'est-ce
qui prouve qu'ils ne devaient pas reconnaître cela, d'abord par
un sentiment intérieur, puis par l'amour, la joie, la paix et
les autres fruits de l'Esprit ?
«
Mais la Bible en appelle constamment au témoignage qui résulte d'un
changement intérieur et extérieur ». — D'accord ; et nous
aussi nous en appelons constamment à ce changement, pour confirmer
le témoignage de l'Esprit.
«
Vous-mêmes, par tous les caractères que vous indiquez pour
distinguer l'opération de Dieu des illusions, vous en appelez
au changement intérieur et extérieur opéré en nous ! » — Ceci
est encore incontestable.
5.
Autre objection. « Le témoignage, direct de l'Esprit ne nous
met point à l'abri des plus grandes illusions. Quelle confiance
mérite un témoignage sur lequel on ne peut s'assurer et qui doit
chercher ailleurs qu'en lui-même la preuve de ce qu'il avance ?
» — Je réponds : Pour nous préserver de toute illusion,
Dieu nous donne ; de notre adoption un double témoignage. Que
l'homme ne sépare donc pas ce que Dieu, a joint. Réunis, les
deux témoignages sont indubitables et l'on peut s'y fier
entièrement. Ils sont de nature à inspirer la plus haute
confiance et n'ont pas besoin de chercher ailleurs la preuve de
ce qu'ils avancent.
«
Quant au témoignage direct, il se borne à affirmer mais sans rien
prouver». — Par deux témoins, toute parole sera, confirmée.
Si, comme Dieu le veut, l'Esprit rend témoignage avec notre esprit,
il donne pleinement la preuve que nous sommes enfants de Dieu.
6.
On dit encore : « Vous accordez que le changement opéré est un
témoignage suffisant, sauf dans des épreuves extraordinaires,
telle que celle que Notre Seigneur endura sur la croix. Or, nul de
nous ne peut être exposé à une semblable épreuve ». —
Mais vous et moi, comme tout enfant de Dieu, nous pouvons être
éprouvés de telle sorte que, sans te témoignage direct de l'Esprit
de Dieu, nous ne puissions conserver notre confiance filiale en
Lui.
7.
On dit enfin : « Les plus grands défenseurs de cette doctrine
comptent parmi les hommes les plus orgueilleux et les moins
charitables ». — Il se peut que les plus ardents de ses défenseurs
ne soient ni charitables ni humbles ; mais plusieurs de ses plus
fermes appuis sont éminemment débonnaires et humbles de coeur,
et d'ailleurs, à tous égards, les fidèles imitateurs de l'Agneau.
Les
objections qui précédent sont les plus considérables que j'aie
entendues, et elles contiennent, je crois, tout le nerf du
débat. Néanmoins je m'assure que l'homme calme; et impartial qui
voudra les peser et les comparer avec les réponses, verra
aisément que loin de la détruire elles n'affaiblissent en
aucune manière l'évidence de cette grande vérité que l'Esprit de
Dieu témoigne directement aussi bien qu'indirectement que nous
sommes enfants de Dieu.
V
Résumons-nous
: Le témoignage de l'Esprit est une impression intérieure sur l'âme
des croyants, par laquelle l'Esprit de Dieu témoigne
directement à leur esprit qu'ils sont enfants de Dieu. Et
la question n'est pas de savoir s'il y a un témoignage de
l'Esprit, mais s'il y en a un direct, différent de celui qui
résulte de la conviction d'avoir les fruits de l'Esprit. Nous
croyons qu'un tel témoignage existe parce que c'est le sens
clair et naturel du texte mis en lumière par le verset qui précède
et par le passage parallèle de l’Épître aux
Galates ; nous le croyons parce que, naturellement,
le témoignage doit précéder le fruit dont il est la source ;
et parce que cette interprétation toute simple est confirmée
par l'expérience de la grande nuée des enfants de Dieu, par
l'expérience de toutes les âmes qui sont sous la loi, qui ne
peuvent trouver de repos jusqu'à ce qu'elles aient un témoignage
direct ; et même par le témoignage des enfants du monde qui,
n'ayant pas ce témoignage en eux-mêmes, prétendent tous qu'on
ne peut avoir l'assurance du pardon des péchés.
Et
quant aux objections, savoir : que l'expérience ne suffit pas pour
prouver une doctrine qui n'est pas appuyée sur l'Ecriture ; —
que des fous et des exaltés de toutes sortes ont rêvé un
tel témoignage ; — que ce témoignage ne répond pas à son
but qui est, à ce qu'on prétend, de prouver la sincérité de
notre profession ; — que l'Ecriture dit : « On connaît l'arbre à
son fruit » ; « examinez-vous, éprouvez vous vous-mêmes » ;
— qu'elle n'en appelle d'ailleurs jamais au témoignage direct
; — que ce témoignage ne nous préserve pas des plus grandes
illusions, — et qu'enfin le changement du coeur est un
témoignage toujours suffisant, sauf dans des épreuves pareilles
à celles que Christ seul a endurées ; — Je réponds :
1°
l'expérience suffit pour confirmer une doctrine qui est basée sur
l'Ecriture ;
2°
quoique plusieurs croient éprouver ce qu'ils n'éprouvent point,
cela ne préjuge; rien contre une expérience réelle ;
3°
ce témoignage répond à son but qui est de nous assurer que nous
sommes enfants de Dieu ;
4°
le vrai témoignage de l'Esprit est connu par ses fruits « l'amour,
la joie, la paix» dont il n'est point précédé mais suivi ;
5°
on ne peut dire que le témoignage direct, aussi bien que l'indirect,
ne soit pas indiqué même dans ce texte : « Ne connaissez-vous
pas vous-mêmes que Jésus-Christ est en vous ? »
6°
le témoignage de l'Esprit de Dieu, joint à celui de notre esprit,
nous préserve réellement de toute illusion ;
7°enfin
nous sommes tous sujets à des épreuves où le témoignage de notre
esprit est insuffisant, où il ne nous faut rien moins que le
témoignage direct de l'Esprit de Dieu pour être assurés que
nous sommes ses enfants.
De
tout ceci, tirons deux conséquences :
1°
que personne ne présume de s'appuyer sur un prétendu témoignage de
l'Esprit, séparé des fruits de l'Esprit. Si l'Esprit de Dieu
témoigne réellement que nous sommes enfants de Dieu, il en
résulte immédiatement les fruits de l'Esprit, « la charité,
la joie, la paix, la patience, la débonnaireté, la bonté, la
fidélité, la douceur, la tempérance ». Et. bien que ces fruits
puissent être voilés pour un temps, dans des moments de forte
tentation, et qu'ils se cachent à celui que Satan crible comme
le blé, la substance en demeure pourtant, même sous le plus
épais nuage. Sans doute, dans cette heure d'épreuve, la joie
du Saint-Esprit pourra se retirer, l'âme pourra être accablée de
tristesse, dans l'heure de la puissance des ténèbres » ; mais
cette grâce même est généralement rendue avec usure, jusqu'à
ce que nous puissions nous réjouir d'une joie ineffable et
glorieuse.
2°
Que nul ne s'appuie sur de prétendus fruits de l'Esprit, sans le
témoignage. Il peut y avoir des avant goûts de joie, de paix,
d'amour, qui ne soient pas des illusions et qui viennent réellement
de Dieu, bien avant que nous avons le témoignage en nous, et
que l'Esprit de Dieu témoigne avec notre esprit que nous avons
« la rédemption par le sang de Jésus, savoir la rémission des
péchés ». Oui, il peut y avoir ; non pas une ombre, mais, par
la grâce prévenante de Dieu, en réalité un certain degré de
patience, de douceur, de fidélité, de débonnaireté, de
tempérance, avant d'être rendus agréables dans le Bien-aimé
et certainement avant qu'on puisse en avoir le témoignage ; mais il
ne convient nullement de s'arrêter là ; nous ne pouvons le
faire qu'au péril de nos âmes. Si nous sommes sages, nous ne
cesserons de crier à Dieu, jusqu'à ce que son Esprit crie dans
notre coeur « Abba, Père ! » c'est là le privilège de tous
les enfants de Dieu, et sans cela nous ne pouvons être assurés
que nous sommes ses enfants. Sans cela, nous ne pouvons conserver une
paix solide ni éviter des craintes et des doutes désolants.
Mais dès que nous avons reçu l'Esprit d'adoption, cette « paix qui
surpasse toute intelligence », et qui « bannit la crainte, garde
nos cœurs et nos esprits en Jésus-Christ ». Et lorsque
cet Esprit a produit son fruit, toute vraie sainteté au dedans et au
dehors, la volonté de Celui gui nous a appelés est, sans aucun
doute, de nous donner toujours ce qu'Il nous a une fois donné ;
en sorte qu'il n'est pas nécessaire d'être jamais plus privés, ni
du témoignage de l'Esprit de Dieu, ni du témoignage de notre
esprit, de l'assurance que nous marchons dans la justice et dans
la vraie sainteté.
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