Préface
PREMIÈRE
PARTIE Sens et Mission de la Prière
· Chapitre I La prière, la plus grande manifestation de
la puissance divine
· Chapitre II La prière, facteur décisif dans la lutte
spirituelle
· Chapitre III La terre, champ de bataille où lutte la
prière
· Chapitre IV Dieu se laisse-t-il influencer par nos
prières?
DEUXIÈME
PARTIE Obstacles à la Prière
· Chapitre I Pourquoi ne sommes-nous pas exaucés?
· Chapitre II Pourquoi l'exaucement tarde-t-il?
· Chapitre III Le grand obstacle extérieur
SIMPLES
ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE Avec Préface de S. DELATTRE, Pasteur, Rédacteur de «L’AMI» PRIVAS
(Ardèche) -1938- LEZAY (DEUX-SEVRES) IMPRIMERIE A. CHOPIN
Nouvelle
édition numérique Yves PETRAKIAN 2011 – France Copie autorisée pour diffusion
gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com Ce
livre est aussi disponible gratuitement au format Bible Online sur: http://123- bible.com
PREFACE
Nous
publions une 5° édition des Simples entretiens sur la prière. Leur
auteur, S.-D. Gordon, est encore peu connu dans notre pays. Depuis longtemps
déjà, il exerce pourtant une puissante influence en Angleterre, en Ecosse et en
Amérique. Ses ouvrages sont lus partout et ont de nombreuses éditions.
Nous
avons reçu tant de bien de ses Quiet talks on prayer que nous avons
ardemment désiré les mettre à la portée des chrétiens de langue française. Ce
n’était pas chose aisée. Gordon se refuse à parler français. Il a fallu de
grands efforts pour rendre dans notre langue ses fortes pensées.
En lisant
ces pages tout vrai chrétien comprendra mieux l’importance capitale de la
prière et s’humiliera d’avoir si peu et si mal prié.
Quand
nous nous plaçons en face des promesses de Dieu, nous comprenons que nous
n’avons pas le droit d’avoir des vies impuissantes, en grande partie stériles,
puisque tout est possible à celui qui demande avec foi.
En
priant, en effet, nous entrons dans le royaume de la vérité et de la réalité,
nous sommes arrachés à toutes les ténèbres, à toutes les erreurs, à tous les
esclavages; nous sommes transportés dans une atmosphère spirituelle qui permet
à toutes les semences de vérité déposées en nous de donner de glorieuses
moissons.
La prière
nous révèle Dieu et nous-mêmes, elle fait descendre Dieu dans nos vies avec
toutes ses vertus, elle fait de nous des vainqueurs, des rois; elle nous ôte
nos illusions, notre confiance en nous, elle nous ouvre la Parole de Dieu, elle
nous la rend vivante et puissante, elle nous y fait découvrir des trésors
inconnus, de profonds abîmes et de hautes montagnes. La prière vraie, faite au
nom de Jésus, est ce qu’il y a de plus grand, de plus puissant ici-bas. Notre
témoignage n’a de valeur que dans la mesure où nous prions. Quand nous allons
vers les pécheurs en sortant de la présence de Dieu, nous leur donnons à boire
de l’eau vive, nous leur ouvrons des horizons éternels, nous les faisons
monter.
Entre
tous les hommes, rois, millionnaires ou mendiants, les seuls vis-à-vis desquels
Dieu se sent lié, les seuls par le moyen desquels il transforme le monde, ce
sont les hommes qui prient.
La vraie
prière, c’est Dieu et l’homme se rencontrant sur l’autel du sacrifice pour se
donner l’un à l’autre. Par conséquent, prier c’est nous quitter nous-mêmes, c’est
mourir à toute vie propre pour trouver Dieu, c’est entrer dans son intimité de
façon à ne rester étranger à aucune de ses pensées d’amour, dé ses souffrances,
de ses indignations, de ses projets, de ses ambitions à notre égard, à l’égard
de l’Eglise et du monde. C’est en priant que nous comprenons par le cœur tout
ce qu’il y a de tendresse dans le cœur paternel de Dieu pour chaque créature
humaine. Alors nous ne pouvons plus
accepter
ce monde tel qu’il est; nous le voulons tel qu’il devrait être.
Que Dieu
souffre de voir encore notre humanité dans un tel état d’ignorance,
d’égarement, de mensonge, d’abrutissement, de folie, de souffrances, dix-neuf
siècles après qu’il nous a acheté le pardon et le Saint-Esprit! C’est pour cela
qu’il nous dit sous tant de formes et avec tant d’insistance: priez. C’est
comme s’il nous disait: ayez donc du cœur!
En
vérité, est-il juste que, Jésus-Christ ayant acquis à toute créature les mêmes
grâces qu’à nous— le même pardon, la même paix, les mêmes consolations, la même
liberté, la même espérance—nous jouissions de ces grâces quand tant d’autres en
sont privés? Etre riches et laisser mourir le monde quand Dieu nous dit de lui
donner à manger, c’est inique! Mais si nous sommes riches pour enrichir les
pauvres, pour nous dépenser à leur profit, pour passer notre vie à genoux en
leur faveur, alors nos privilèges sont une source de grâces pour l’humanité,
L’aveuglement de ce monde livré à Satan accuse Dieu. Les injustices de ce
monde—nous éclairés, consolés, enveloppés de prières et de moyens de grâce, et
autour de nous d’autres créatures dans la nuit de l’ignorance et du désespoir,
dans l’hiver glacial de l’égoïsme, enveloppées de tentations—accusent Dieu. Et
puisque la justice est la base de son trône, tout ce que nous avons reçu par la
Parole, par le Saint-Esprit, par la communion fraternelle, tous doivent le
recevoir. Travaillons-y par la prière.
Prier,
c’est créer dans les âmes un terrain favorable, un climat propice à la Parole
de Dieu. Toute semence a besoin pour germer d’un sol approprié à sa nature,
d’un climat qui lui convienne. Si tant de semences de vérité jetées dans les
âmes donnent de si maigres moissons, c’est parce que nous semons sur un sol
glacé. On ne sème pas en hiver. C’est pourquoi, avant de parler aux hommes, il
faut parler à Dieu; avant de pouvoir remporter la victoire sur les hommes, il
faut l’avoir remportée avec Dieu contre nous-mêmes et contre Satan.
C’est la
méthode du Seigneur Jésus. Avant de commencer son ministère dans la puissance
du Saint-Esprit, il avait remporté la victoire sur Satan au désert; avant
d’entrer dans la maison de
l’homme
fort pour piller ses biens, il l’avait lié. {#Mt 12:24-30}
C’est la
méthode des apôtres. Avant de descendre dans les rues de Jérusalem pour
évangéliser, ils ont passé dix jours en prière.
C’est la
méthode de tous les hommes de Dieu qui ont été des remueurs de consciences.
C’était déjà la méthode des patriarches et des prophètes.
Voyez
Jacob épouvanté en apprenant qu’Esaü arrive avec quatre cents hommes. Il passe
une nuit en prière, le cœur rempli d’angoisse. Il plaide, il rappelle à Dieu
ses promesses, il demande la délivrance. Et, pendant qu’il prie, Dieu
transforme tellement les sentiments de son frère Esaü que, le lendemain, au
lieu d’une épée pour le transpercer, Jacob trouve deux bras qui s’ouvrent pour
le presser sur le cœur ému de son frère.
Pourquoi
faut-il prier avant d’agir? Pourquoi Dieu fait-Il, en réponse aux prières des
croyants, ce qu’autrement II ne ferait pas, ce qu’il ne pourrait même pas
faire? C’est ce que Gordon va nous dire clairement et puissamment.
On prie
quelque fois comme si la prière avait pour but d’émouvoir Dieu en faveur de ce
monde et de le persuader qu’il doit répandre son Esprit. On le supplie de telle
façon qu’on donne l’impression qu’il ne se soucie pas, comme nous, des âmes à
sauver et que son amour pour le monde perdu est peu de chose en comparaison du
nôtre. Prier ainsi, ce n’est pas prier intelligemment. Prier, c’est faire
passer ce qui nous préoccupe de nos mains dans les siennes, c’est abandonner
notre faiblesse à sa toute puissance, c’est rappeler à notre Dieu quelqu’une de
ses promesses en lui disant: «Tu sais, je compte sur Toi pour l’accomplir». Et
c’est demeurer dans cette attitude de confiance. Dieu attend, pour
accomplir de grandes choses, que nous ayons foi en Lui et que nous nous
laissions vaincre par Lui.
Que Dieu
se serve de ce livre pour faire comprendre et éprouver à beaucoup de chrétiens
quelle puissance de bénédiction ils peuvent être s’ils savent se livrer avec
amour, avec foi, avec persévérance, au saint travail de l’intercession.
S.
DELATTRE.
PREMIÈRE PARTIE SENS ET MISSION DE LA PRIÈRE
CHAPITRE
PREMIER
La prière, la plus grande manifestation de la puissance divine
1.
Cinq manifestations de la puissance divine
Dieu a
sujet de s’affliger, car un des mondes qu’il a créés s’est détourné de Lui,
comme un enfant prodigue. Ne l’avouons qu’à voix basse: ce monde prodigue,
c’est le nôtre. Plus bas encore, confessons que nous avons nous-mêmes consenti
à cette trahison.
Mais, de
Sa voix la plus douce, par Son amour tendre et fort, Dieu a reconquis
quelques-uns d’entre nous et désormais—que nos voix éclatent
d’allégresse!—nous, les rachetés, nous pouvons être pour d’autres le chemin qui
mène à Dieu. Tel est Son plus grand désir, et telle devrait être aussi notre
unique ambition. Pour nous aider à atteindre ce but, Il nous a doués d’une
force particulière.
Il n’y a
dans la vie humaine qu’une seule source de pouvoir, une seule, dis-je: le
Saint-Esprit. Le Saint-Esprit est Puissance; il habite le cœur de toute
créature qui se confie en Dieu; il franchit avec bonheur toute porte ouverte;
il pénètre en nous dès que nous y consentons, et sa présence est chose vitale.
Toutefois,
chez beaucoup d’entre nous, le Saint-Esprit n’habite pas en maître; il est un
invité et non pas le maître de la maison; c’est-à-dire qu’il est entravé dans
son action naturelle, enchaîné, au point qu’il ne peut faire ce qu’il veut.
Nous ne sommes pas conscients de sa présence; si nous le sommes ce n’est que partiellement.
Reconnaître
sa maîtrise, cultiver son amitié et lui donner toute liberté, voilà ce qui nous
permettra d’acquérir de la puissance. Il n’y a donc qu’une seule source de
pouvoir: le Saint-Esprit, habitant en nous et y dominant.
La
puissance divine se manifeste de cinq manières différentes; il y a cinq voies
par lesquelles cet Esprit nous arrive et nous révèle son pouvoir.
Tout
d’abord, par notre vie, par ce que nous sommes. Oui, simplement, par ce que
nous sommes. Si nous agissons droitement, le pouvoir de Dieu, sans que nous en
soyons, conscients, débordera de tout notre être. Une vie droite jette un éclat
tout particulier sur l’homme qui la vit. Il existe évidemment, dans le cœur de
tout chrétien, un désir ardent de servir Dieu; soyons néanmoins certains que
nous pouvons plus par ce que nous sommes que par ce que nous faisons. Nous
servons Dieu bien mieux par notre vie de tous les jours que nous ne le ferions
par telle ou telle grande action. Et ce simple fait, si nous ne l’oublions pas,
devrait rendre la paix à nos âmes, à l’heure de la fatigue et du découragement
qui l’accompagne.
Deuxièmement,
pas nos lèvres, parce que nous disons. Nous pouvons bégayer, nous pouvons
hésiter, mais si nous parlons de notre mieux, avec le désir de plaire au Maître,
notre effort sera béni d’En-Haut.
Il m’est
arrivé d’entendre parler un homme qui hésitait, rougissait, et faisait fi des
règles de grammaire, mais en l’écoutant mon cœur brûlait. J’en ai entendu un
autre prononcer un discours admirablement ordonné, mais ses paroles se sont
effacées de mon esprit aussi vite et aussi facilement qu’elles étaient sorties
de sa bouche. Faisons notre possible et soyons sans souci pour le reste, car si
nous vivons avec Dieu, Son feu brûlera, oui, il brûlera, que notre langue soit
hésitante ou qu’elle soit sûre d’elle-même.
L’Esprit
se révèle d’une troisième manière: par notre service, par ce que nous faisons.
Nous pouvons agir maladroitement et gauchement; notre mieux peut ne pas être le
mieux, mais si nous avons fait tout notre possible, notre effort portera des
fruits.
Une
quatrième manière, c’est par notre argent, par ce que nous ne gardons pas mais
donnons pour Dieu. De tout ce que nous possédons, c’est l’argent qui a le
pouvoir le plus absolu.
L’Esprit,
enfin, se révèle par notre prière, parce que nous demandons au nom de Jésus.
Et, chose étrange, la plus grande force est celle qui résulte de la prière.
La vie
d’un homme a une influence considérable. Mais quels que soient sa force, sa
douceur, sa pureté, son désintéressement, son action est limitée aux endroits
où se passe sa vie.
La
puissance de la parole dépend entièrement de la vie de celui qui parle. Tel
discours embarrassé n’en est pas moins éloquent et émouvant s’il est appuyé par
une vie chrétienne, tandis que tel autre, aux périodes aisées et polies, reste
sans effet parce que l’appui de cette vie lui fait défaut.
L’influence
que nous exerçons par nos actes peut, elle aussi, être grande et se répartir en
divers lieux; toutefois, elle sera toujours inférieure à celle qui découle
d’une vraie vie chrétienne.
La
puissance de l’argent dépend entièrement de l’intention. L’argent que le
donateur regrette, l’argent qu’il a mal acquis, est un trésor sans valeur. Ce
qui pouvait être tout-puissant est frappé d’impuissance.
Mais le pouvoir
qui se dégage de la prière est au moins aussi extraordinaire—pour ne pas dire
davantage maintenant—que celui qui résulte d’une vie pure et véridique; et,
sachez-le bien, ce pouvoir peut atteindre, non plus un seul endroit, mais un
point quelconque de l’univers, à votre choix.
La plus
grande chose que l’on puisse faire pour Dieu et pour les hommes, c’est de
prier; ce n’est pas la seule, mais c’est la principale. La comparaison des
différents moyens d’action dont nous disposons nous amène à donner à la prière
la première place, car pour qu’un homme puisse prier vraiment, il faut tout
d’abord que ses intentions et sa vie tout entière soient droites. Un homme
intègre qui donne à la prière la place qu’elle doit avoir dans toute existence,
verra ses actes, ses dons, ses paroles embellis et comme parfumés par la
présence de Dieu.
Les
grands hommes dans le monde d’aujourd’hui sont ceux qui prient. Je ne veux pas
dire ceux qui parlent de la prière; ni ceux qui font profession de croire à son
efficacité; ni même ceux qui expliquent ce qu’est la prière; non, j’entends ceux
qui prennent le temps de prier. Le temps leur manque, peut-être.
N’importe,
ils le prennent à quelque antre occupation: importante, très importante,
urgente même, elle est cependant moins importante, moins urgente que la prière.
Il y a de nos jours de ces hommes qui savent faire passer la prière d’abord, et
qui, dans le plan de leur existence, groupent toutes leurs autres
préoccupations autour de la prière et après elle.
Bien des
gens font ainsi leur maximum pour Dieu; ils le font en gagnant des âmes à
l’Évangile en résolvant des problèmes; en réveillant les fidèles d’une Eglise
endormie; en fournissant hommes et argent à
des stations missionnaires; en maintenant jeunes et fortes des vies de sacrifice
vécues bien loin, en terre étrangère, là où la mêlée est la plus forte; en
conservant enfin à notre vieille terre quelques jours de paix de plus.
C’est un
service qu’ils rendent en secret; à part quelques conjectures, nous ne savons
qui ils sont.
Qui sait,
c’est peut-être cette femme à l’aspect simple qui se glisse hors de l’église;
sa robe a été retournée deux ou trois fois; son chapeau remanié plusieurs fois
aussi; ses mains n’ont pas dû connaître beaucoup la douceur des gants; et c’est
à peine si nous lui accordons une pensée furtive.
Nous ne
savons pas, nous ne devinons pas que peut-être c’est elle qui fait pour son
Eglise, pour le monde et pour Dieu, bien plus qu’une centaine de fidèles qui
attirent davantage notre attention. Elle obtient ces beaux résultats parce
qu’elle prie, parce qu’elle prie vraiment selon que l’Esprit de Dieu l’inspire
et la guide.
J’ajouterai
encore ceci: en exauçant la prière de la plus humble de ses créatures, Dieu
fera ce qu’autrement Il ne ferait pas. Oui, et j’irai même plus loin, je
sens que je le dois, car la Bible elle-même va plus loin: Dieu, en réponse à la
prière du plus humble de ses fidèles, fera ce qu’autrement Il ne pourrait
faire.
On me
dira: décidément, ici, vous allez trop loin. Ecoutez alors les paroles que
Jésus prononça dans le long et suprême entretien qu’il eut avec les onze
disciples. C’était dans la chambre haute, avant qu’ils se rendissent à la
montagne des Oliviers.
Jean nous
a conservé une grande partie de cette conversation: «Ce n’est pas vous qui m’avez
choisi, mais moi, je vous ai choisis, et je vous ai établis, afin que vous
alliez, et que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure; afin que»—et
voici justement un des motifs pour lesquels nous avons été choisis—«afin que ce
que vous demanderez à mon Père en mon nom, Il vous le donne». {#Jn 15:16} Dieu n’agit donc pas seul, Il fait
appel à notre collaboration. Notre prière Lui rend possible ce qu’il ne
pourrait faire sans notre concours.
Du reste,
si vous y réfléchissez quelque peu, vous verrez que cette idée s’adapte à la
vraie conception de la prière. Toute prière a et doit avoir deux facteurs: tout
d’abord, un Dieu pour donner.
Vous
m’accordez ce point. Mais un second facteur est aussi indispensable: un homme
pour recevoir. Le consentement des hommes est le canal par lequel Dieu parvient
à la terre: jamais Il ne presse, jamais il ne force; tout ce qu’il fait est
pour et par l’homme; Il le fait toujours moyennant son consentement.
Respectueusement,
mais nettement, je dirai même que Dieu ne peut rien faire pour un homme qui
ferme sa main et son cœur. La main, le cœur et la vie doivent être ouverts pour
que Dieu puisse donner. Une vie ouverte, une main ouverte et tendue vers le
ciel, voilà ce qui unit le cœur de Dieu à notre pauvre vieux monde égaré. Notre
prière, c’est l’occasion que nous donnons au Créateur de pénétrer dans ce monde
qui voudrait l’en exclure.
2. La
prière embrasse le monde entier
La prière
ouvre la terre entière à l’activité de l’homme. Par elle, je puis tout aussi
bien amener des cœurs à Dieu dans l’Inde et la Chine lointaines que si j’étais
là-bas. Les moyens sont, il est vrai, différents, mais le résultat est tout
aussi sûr. J’estime que le plus grand privilège accordé à un homme est de
servir Dieu dans ces pays éloignés. Là-bas, en effet, les besoins sont plus
grands, les ténèbres plus épaisses et les appels plus émouvants. Si donc un
homme peut aller là-bas—heureux homme!
s’il a le
privilège de se rendre à ce champ d’honneur, il pourra y mettre directement en
valeur les cinq pouvoirs que lui confère l’Esprit.
Il
n’habite qu’un seul endroit; mais son influence rayonnera en proportion directe
de son amour pour son Maître et de sa sympathie pour les déshérités. Qu’il vive
en Afrique ou ailleurs, peu importe, car son cœur, en contact avec Jésus,
brûlera pour un monde. La prière, voilà ce qui nous met en rapport
direct avec le monde entier.
Dans la
solitude, dans le secret d’une chambre close, un chrétien pourra vivre une
demi-heure en Inde, aussi réellement—mes paroles sont mûrement réfléchies et,
tout exagérées qu’elles paraissent, elles n’en sont pas moins vraies—aussi
réellement, dis-je, que s’il y était en chair et en os. Si cela est vrai,
combien de demi-heures, vous et moi, nous devrions passer, dans la prière, à
servir Dieu secrètement! Il suffit de tourner la clef de notre porte, de nous
isoler pendant quelques instants, et, grâce au pouvoir de la prière, notre
influence pourra être aussi complète en Chine que si nous étions là-bas en
personne. Sans doute, notre présence n’est pas visible; mais au point de vue de
l’action exercée, au point de vue de l’objet de notre prière, elle est
absolument réelle. Par la prière, nous pouvons éclairer d’une lumière nouvelle
la page de la Bible que lit quelque indigène d’Afrique; nous pouvons enflammer
d’un nouveau zèle le prédicateur ou le professeur; nous pouvons rendre plus
accessible aux hommes l’histoire de Jésus-Christ; nous pouvons amener à Christ
ceux que l’esprit du mal et une hérédité mauvaise ballottent en tous sens; oui,
certainement, nous pouvons leur faire accepter l’Évangile et, si besoin est,
les séparer d’êtres aimés, les lancer dans une nouvelle voie.
J’entends
ici l’objection que pourrait formuler un chrétien convaincu: «Si j’étais
là-bas, je pourrais influencer mes frères perdus par un contact personnel, par
mes paroles pleines de vie».
Certainement,
vous pourriez le faire, et plaise à Dieu qu’un plus grand nombre se sentent
appelés à payer de leur personne. Mais voici ce que ceux qui peuvent agir
là-bas et ceux qui doivent rester chez
eux
doivent savoir: Peu importe où vous êtes, vous ferez plus par votre prière que
par votre personnalité. Si vous étiez aux Indes, vous pourriez, à vos prières,
ajouter le poids de votre personnalité et ce serait une belle action à
faire; mais que vous soyez là-bas ou ici, vous devez tout d’abord remporter la
victoire dans la solitude, gagner chaque pas, chaque mètre, chaque vie, dans le
secret de la prière et ajouter alors la puissante influence de votre
personnalité. Une fois que vous aurez prié, vous pourrez faire plus que de
prier; mais tant que vous n’avez pas prié, vous ne pouvez rien faire de mieux
que de faire monter au ciel vos supplications.
C’est là
précisément que nous tous, à certaines heures, nous avons fait fausse route, et
là aussi que beaucoup, maintenant encore, font fausse route. Nous croyons que
là où nous sommes, nous obtiendrons davantage par notre activité et qu’alors la
prière nous donnera le pouvoir d’agir. Non! mille fois non! Nous ne ferons rien
de vraiment utile et durable si auparavant nous n’avons pas prié.
Lorsqu’un
homme est près de moi, je peux lui parler, je peux faire agir ma personnalité
sur lui, pour le gagner à ma cause; mais avant de pouvoir influencer sa volonté
en faveur de Dieu, si peu que ce soit, il me faut tout d’abord avoir remporté
la victoire dans la solitude. L’intercession consiste à remporter cette
victoire sur le chef des ténèbres, et l’action, qui la suit, consiste à
s’emparer du territoire dont ce prince a été expulsé. Cette action est limitée
dans l’espace, comme la personnalité même qui agit; elle ne s’exerce qu’en un
seul endroit; tandis que la prière, sorte de télégraphie spirituelle, met tout
homme en relation directe avec le monde entier.
Certains
de nos amis croient faire preuve de sens pratique en disant: «La grande chose,
c’est le travail; la prière est bonne, excellente, mais l’important est
d’agir».
C’est le
contraire qui est vrai. Quand on sait ce qu’est la prière et qu’on lui donne la
place qui doit lui revenir, on est enflammé, au plus profond de son être, par
de nouvelles et puissantes raisons d’agir; on comprend que l’activité qui
plonge ses racines dans la prière est la plus capable de toucher le cœur
humain; on découvre avec ravissement que l’on peut exercer une action mondiale;
on voit enfin son champ d’action devenir aussi large que la pensée du Maître.
3. Prier,
c’est servir Dieu.
Il est
bon de se souvenir que la prière est un service, le plus grand service qu’un
homme puisse rendre au plan de Dieu. Il est différent de tous les autres, mais
il leur est supérieur, car il est moins limité. Partout ailleurs, nous trouvons
de nombreux obstacles: l’espace, la force corporelle, des entraves matérielles,
des difficultés provenant des différences entre les individus, etc. La prière
ne connaît pas de telles limites; elle ignore l’espace; elle peut être
indépendante de toute diminution de force corporelle. Vraie télégraphie de
l’esprit, elle pénètre directement le cœur des hommes, traverse sans bruit les
murs, force sans peine les serrures et arrive en contact direct avec le plus
profond de l’âme, avec le centre de la volonté qu’elle veut transformer.
Toute
action, au sens où l’on prend ce mot d’ordinaire, est limitée à l’endroit où se
trouve la personne qui l’accomplit, à la distance que sa voix peut atteindre,
au temps dont elle dispose avant de devoir quitter sa tâche pour manger, se
reposer ou dormir. Cette personne est limitée par des murs, des serrures, des
préjugés, et par ces petites différences de caractère qu’il faut avoir étudiées
avant de mettre le siège devant un cœur humain.
Que
d’efforts et quelle variété d’efforts sont nécessaires pour gagner des âmes à
Dieu: exposer la vérité à un groupe de personnes; l’exposer à une seule à la
fois; pratiquer les actes généreux de la solidarité dans leur infinie variété;
enseigner; ajoutons aussi le tout-puissant ministère de l’argent, l’exemple
constant d’une vie pure et désintéressée, la correspondance, les livres et les
traités. Tous ces efforts rentrent dans le plan de Dieu, pour racheter les
âmes; mais le fait extraordinaire à remarquer est celui-ci: la victoire, dans
chacun de ces cas, est remportée d’avance et dans le secret par la prière.
Pénétrer
dans le camp ennemi et proclamer la victoire déjà remportée, voilà le but et
l’utilité incontestables de tous les autres efforts. Le jour où chaque chose
recevra sa vraie place, où la prière viendra d’abord, les autres formes de
notre activité ensuite—je dis ensuite, car pour rien au monde il ne
faudrait les omettre; bien au contraire, chaque service doit être accompli avec
tout le sérieux, toute la réflexion, toute la force et tout l’amour possibles;
mais il ne doit l’être que lorsque la victoire a été remportée dans le secret,
contre le véritable ennemi; il ne doit l’être qu’en s’appuyant sur la certitude
de cette victoire—ce jour-là, dis-je, notre activité extérieure obtiendra de
bien plus grands résultats dans le monde visible.
Armés de
la prière, nous marcherons de l’avant, pleins de cette confiance qui, dès le
début de l’engagement, balaie le champ de bataille; et, fermement, nous nous
attaquerons aux points de résistance, jusqu’à ce que l’ennemi s’enfuie
honteusement. La prière portera un coup fatal à l’ennemi qui se dissimule, et
nos efforts, dans la suite, se borneront à tirer parti de ce coup mortel parmi
les hommes que nous voyons et touchons. Une grande patience, beaucoup de tact,
beaucoup d’opiniâtreté sont exigés dans ce service actif, car notre effort
porte sur des volontés très différentes les unes des autres. Un chef avisé, qui
veut vaincre, débutera donc par le combat ardent et acharné de la prière.
4. L’espace
n’apporte aucune limitation à la prière.
L’électricité
est une manifestation étrange. Alors qu’elle est classée dans les sciences
physiques, on croit avoir trouvé sa vraie place dans le chapitre sur les forces
naturelles. Toutefois, elle semble posséder plusieurs propriétés inhérentes au
monde spirituel. Ceux qui l’ont étudiée le plus à fond avouent leur ignorance.
On a trouvé quelques-unes de ses lois, utilisé son merveilleux pouvoir, mais
sans savoir ce qu’elle est vraiment. Elle semble presque appartenir à quelque
domaine compris entre
le monde
physique et le monde spirituel, et elle nous fournit quelques comparaisons d’un
grand secours pour comprendre plus nettement la vie de l’esprit.
Dans
l’usine où l’électricité est produite et asservie par l’effort de l’homme, on
trouve un tableau de déclenchement ou une chambre de commande munie de
différents tableaux. Un homme entre dans cette chambre; il tourne un des
commutateurs, ou plutôt il déplace un des leviers sur une très courte distance.
Acte très simple, facilement accompli, ne nécessitant presque aucun déploiement
de force; mais il a suffi de cette simple intervention pour faire passer dans
les fils la force emprisonnée dans
l’usine
et pour éclairer, peut-être, toute une partie de la ville.
Quelques
instants plus tard, l’ouvrier rentre dans cette chambre et tourne un autre
commutateur; et ce simple fait communique l’énergie à des centaines de voitures
qui, rapides, emportent d’innombrables voyageurs. Le voilà de nouveau qui
pénètre dans la même pièce, actionnant cette fois de plus petits leviers; et, à
l’instant, il met en mouvement les roues de telle ou telle usine au personnel
nombreux.
Le
service de cet employé échappe à l’œil de l’observateur; il a quelque chose de
mystérieux; il consiste en un acte de la plus grande simplicité, mais il met en
action des forces incommensurables.
Personne
jusqu’ici, semble-t-il, n’a pu déterminer l’agent mystérieux et terrible qui est
en jeu. Qu’est-ce donc? Est-ce un fluide? Ce fluide passe-t-il à l’intérieur ou
à l’extérieur du fil? Les spécialistes disent n’en rien savoir. Par contre, les
lois auxquelles cet agent mystérieux obéit sont connues, et dès que les hommes
y satisfont, sa puissance extraordinaire se manifeste.
Dans le
domaine spirituel, il existe aussi une chambre de commande. Celui qui le
désire peut avoir dans sa vie un tableau de déclenchement. Dès lors, il peut
aller de l’avant, et, conformément aux lois de la puissance divine, faire
rayonner, partout où il le veut, le pouvoir irrésistible de Dieu;
jusqu’au Japon; en Chine; parmi les peuplades des plaines et des montagnes de
l’Inde; dans l’Afrique, qui est aussi près de Jésus que notre propre pays; dans
la maison, qui avoisine la vôtre; dans tel quartier mal famé; dans le cœur du
prédicateur qui vous parlera dimanche prochain, et dans les cœurs de ceux qui
se rencontreront dans la salle d’évangélisation ou à l’école missionnaire.
Les
enfants ne sont pas autorisés à toucher le commutateur, non plus qu’aucune main
inhabile; car une fausse manœuvre peut être la cause de dommages considérables
et de morts irrémédiables. Le commutateur spirituel, lui non plus, ne se prête
pas à des mains inexpérimentées. Il se refuse au rude toucher des intrigants et
des égoïstes, qui voudraient faire servir le courant à leur profit personnel.
Il y a
une science de la prière; mais les plans merveilleux de notre Dieu sont tels
que cette science peut être acquise par qui la désire; une seule condition est
exigée: il faut la désirer, et, dès lors, elle vient tout simplement.
N’est-il
pas étrange que, comme pour l’électricité, aucune explication ne soit
satisfaisante?
Comment
se fait-il que, par suite du simple maniement de quelques leviers, des roues
placées à des kilomètres de l’usine se mettent à tourner, actionnées par une
force énorme? Qui l’expliquera? Et pourtant, nous savons le fait exact, et nous
voyons, chaque jour, les hommes baser leurs actions sur cette connaissance.
Comment
se peut-il aussi qu’une femme de Iowa prie pour la conversion de son mari
incrédule, et qu’au milieu du congrès le plus important qui ait eu lieu à
Washington depuis la guerre civile, cet homme, complètement ignorant des
pensées de sa femme, devienne subitement et à plusieurs reprises conscient de
la présence et du pouvoir du Dieu dont il nie l’existence? Comment se fait-il
que, des mois après, cet esprit critique et pondéré constate sur le calendrier
que le jour où sa femme commença de prier, il commença, malgré lui, d’avoir
cette impression si forte de la présence de Dieu?
Qui
l’expliquera?... Qui dont pourrait le faire exactement? Et pourtant, les faits
sont là, facilement contrôlables et mis en évidence par le changement complet
qui survint dans la vie et la profession de cet homme.
Comment
se peut-il qu’une femme du Missouri, priant pour un ami de Glasgow aux
tendances intellectuelles et sceptiques, habile à peser la valeur des arguments
et à y parer, comment se fait-il que cette femme trouve, dans la suite, que l’époque
où elle pria coïncide avec le changement de convictions de cet homme?
Changement d’abord accepté à contrecœur, mais bientôt changement radical. Ces
deux cas sont connus de beaucoup, et pourtant personne ne les a encore
expliqués.
Enfin,
pour se rendre maître du mystérieux pouvoir de l’électricité, il faut obéir à
ses lois; de même aussi pour disposer du pouvoir de la prière et en obtenir de
merveilleux résultats, il suffit de connaître ses lois et de s’y conformer.
5. Les
perspectives illimitées de la prière
Les
paroles qui précèdent suggèrent l’idée que la vraie vie chrétienne a deux
côtés: le côté intérieur et le côté extérieur. A la plupart d’entre nous, le
côté extérieur semble le plus grand: vivre, servir, donner, agir, entretenir
des relations avec les hommes, lutter simplement pour l’existence quotidienne,
tout cela absorbe la plus grande partie de notre pensée et de notre temps. Ces
différentes occupations semblent être le but primordial de l’existence, même
chez ceux qui croient sincèrement à la vie intérieure.
Mais
quand les yeux s’ouvrent, les yeux intérieurs qui voient l’invisible, le
changement de perspective est tout d’abord amusant, puis effrayant, puis
émouvant. Amusant, à cause du changement de proportions; effrayant, à cause du
but poursuivi; émouvant, parce qu’il s’agit d’hommes forts qui sont
spirituellement aveugles, et qui, à cause de cela, continuent de gaspiller une
force splendide à des futilités.
Le côté
extérieur a d’étroites limites; il comprend mille préoccupations: la nourriture
et le vêtement, le logement, le temps et l’heure qui passent, l’éducation et
l’instruction, les joies de la vie de société et l’adoucissement de la
souffrance. Toutes ces préoccupations sont légitimes; elles font partie du
tableau de la vie humaine; elles en sont l’arrière-plan matériel.
Le côté
intérieur les comprend toutes, mais ses limites s’étendent infiniment plus
loin. Elles comprennent le monde entier et l’atmosphère qui l’environne. Le
côté intérieur touche à l’esprit; il pénètre les mobiles de nos actions, il
pénètre l’amour, il pénètre le cœur; il entre en contact avec les myriades de
forces et d’êtres spirituels qui, sans cesse, parcourent la terre, souillant
les âmes et les vies des hommes. Il s’élève jusque vers Dieu, coopérant au sublime
plan d’amour que le Créateur a forgé pour le monde.
Suivons
pendant une journée tel homme qui a adopté la vraie vision des choses. Voici
tout d’abord le côté extérieur: un humble foyer où l’on soigne un bébé, où l’on
raccommode, où l’on coud, où l’on fait la cuisine; tel homme passera sa vie à
peser des marchandises ou marteler le clavier d’une machine à écrire, à
contrôler le grand-livre d’une maison de commerce, à huiler les rouages
rapides, à brocher sans trêve des feuillets imprimés, à manier le levier d’une
locomotive, à pousser la charrue, à veiller sur les fonds publics, à tailler
les haies, à écrire d’ennuyeux rapports..., bref, à accomplir toute une série
d’actes divers qui doivent être faits sans cesse, jour après jour; actes
souvent banals, mais qu’on ne peut éviter, et qui remplissent l’existence de la
grande majorité des hommes.
Celui que
nous suivons, à son insu, poursuit tranquillement et gaiement son oeuvre, et
cela durant tout le jour. Sa face est éclairée, ses yeux illuminés, son pas
léger; sa présence et l’esprit qui l’anime transforment les lieux où il vit. Il
travaille pour Dieu; disons mieux, il travaille avec Dieu. Il a à ses côtés un
Ami invisible dont la présence change tout. La corvée monotone cesse d’être
monotone; elle cesse même d’être une corvée, par la simple raison qu’elle est
faite pour un Maître si extraordinaire.
Tel est
le côté extérieur, le côté étroit de cette vie; étroit, non pas en lui-même,
mais comparé avec l’œuvre totale.
Et
maintenant, silence et attention, car voici le côté intérieur où s’accomplit le
plus grand travail de la vie; voici l’instant passé seul avec Dieu, avec la
Bible. Tantôt c’est à l’heure matinale qu’éclaire la lampe, car le soleil n’a
pas encore doré les monts; tantôt c’est vers le soir, quand le soleil hâte sa
course vers l’occident et que l’homme fatigué soupire après le repos. C’est le
moment où il voit Dieu face à face; c’est le moment d’une lecture profonde et
pieuse; le moment des supplications ardentes et variées, sur un seul thème: «Ta
volonté soit faite, au nom de Jésus le Vainqueur». Dieu lui-même est présent
dans cette chambre; Il est présent avec Ses anges dans cette retraite qui
s’ouvre. spirituellement parlant, sur un espace aussi grand que la terre.
L’horizon de cette prière solitaire est aussi étendu que celui du globe, grâce
à la présence de Dieu dans cet homme.
Aujourd’hui,
cet homme passe une demi-heure en Chine, priant pour les missionnaires de ce
pays, ses chrétiens indigènes, ses millions d’habitants; priant pour l’action
des traités d’évangélisation; priant pour que le contact personnel du
missionnaire et des païens soit béni; priant pour l’influence de la Bible, de
l’école, du dispensaire et de l’hôpital. Et, traversant cette prière comme un
filigrane d’or, se font entendre ces mots: «Victoire, au nom de Jésus!
Victoire, au nom du Christ! aujourd’hui! Que Ta volonté soit faite! Que la
volonté du Diable soit détruite! Victoire, au nom de Jésus!»
Demain,
il consacrera le même temps au Japon peut-être ou à tel autre pays. Ainsi cet homme
aux horizons extérieurs si limités, mais dont la vision intérieure ne connaît
pas de limites, parcourt le Japon, l’Inde, Ceylan, la Perse, l’Arabie, la
Turquie, l’Afrique, les territoires catholiques de l’Europe, les Etats de
l’Amérique du Sud; son propre pays avec ses villes, ses frontières, ses bouges;
il visite, par la prière, sa propre ville, son Eglise, son voisin; dedans comme
dehors, dehors comme dedans, la marée montante de la prière s’avance, calme,
sûre, irrésistible!
Voilà la
vraie vie chrétienne! Cet homme, au près ou au loin, gagne des âmes, en
réveille d’autres, et cela aussi bien que s’il se transportait dans chacun de
ces endroits.
Tel est
le plan de Dieu. Le vrai disciple de Jésus possède un horizon aussi étendu que
celui de son Maître. La pensée de Jésus dominait terres et mers; il en est de
même de la prière de son disciple.
L’homme
dont nous venons de parler ne sait pas les résultats de son intercession... et
pourtant il les connaît par la vision que lui donne la foi.
La salle
où nous sommes réunis et où nous nous entretenons peut être fermée et si
parfaitement obscurcie qu’aucune lumière n’y pénètre. Supposons qu’alors une
fente se produise: aussitôt, un mince rayon de lumière s’infiltrera dans la
prière. Ce rayon, brillant dans les ténèbres, nous parle à lui seul d’un astre
de lumière qui répand ses clartés sur l’univers entier.
L’homme
qui prie de même, aura de temps en temps, souvent peut-être, la certitude de
transformations accomplies par suite de sa prière. Il y verra le rayon de
glorieuse lumière qui nous parle d’un foyer de clarté plus parfait.
L’esprit
débordant de joie et d’une divine crainte, d’avoir pu et de pouvoir contribuer
à l’œuvre de Dieu, le cœur plein de paix et de compassion, la vie embellie par
la présence invisible du Père, il continuera résolument sa route, le regard
fixé vers l’aube du grand jour.
CHAPITRE
II
La prière, facteur décisif dans la lutte spirituelle
1. Un
conflit préhistorique.
La
prière, dans son acception la plus simple, prend une part active dans un
conflit. Comprise comme elle devait l’être, elle en est même le facteur
décisif. Le théâtre de cette lutte, c’est la terre; le but, de décider qui
régnera sur elle et ses habitants; le conflit dure depuis les temps obscurs qui
suivirent la création.
Le prince
légitime de la terre, c’est Jésus, le fils du Roi; mais il existe un prétendant
qui fut un temps prince légitime, avant d’être coupable de trahison. Comme fit
autrefois Saul, lorsqu’il eut été rejeté et que David fut oint à sa place, il
essaie par tous les moyens de conserver son royaume et d’en déposséder le
maître légitime.
Ce
dernier, par des moyens complètement différents, et spécialement par la
persuasion, cherche à ramener le monde à la fidélité envers son Suzerain. Il a
dû soutenir une lutte terrible contre le prétendant; mais, après une série de
victoires, il a remporté la grande victoire du matin de la résurrection.
Il y a,
dans ce conflit, un trait particulier qui le rend différent de tous les autres:
une victoire décisive a été remportée et, malgré ce triomphe complet du général
en chef, les hostilités n’ont pas cessé. La raison de cette situation est
étrange: le Vainqueur, dans son amour, a l’ambition, non seulement de vaincre
son ennemi, mais de pénétrer dans le coeur des hommes, moyennant leur libre
consentement. Ainsi, grâce à cet amour merveilleux, à cette prudence, à ce
courage, la lutte reste ouverte pour le salut des hommes.
C’est un
conflit spirituel auquel prennent part des milliers d’esprits, bons ou mauvais,
qui parcourent la surface de la terre et remplissent l’atmosphère. De chaque
côté, ils possèdent une organisation splendide et compacte.
L’homme
est un être spirituel, un esprit revêtu d’une enveloppe corporelle; il a un
corps et un esprit. Mais il est avant tout un esprit. Les vraies luttes
ressortissent du domaine spirituel, car elles ont pour théâtre le domaine
spirituel et les antagonistes sont des êtres spirituels. Satan, lui aussi, est
un être spirituel, un esprit revêtu d’une enveloppe corporelle. Ou plutôt il
n’a pas de corps, mais, pour servir à ses ruses, à ses desseins profonds et
mauvais, il s’assure une forme corporelle dans les êtres humains.
Le seul
pouvoir qui agisse dans le domaine spirituel est le pouvoir moral. Par
où il ne faut pas entendre la bonté, mais ce pouvoir, bon ou mauvais,
qui échappe au domaine physique, pouvoir plus élevé, infiniment plus élevé et
plus grand que le simple pouvoir matériel. La puissance morale est le contraire
de la puissance violente ou physique.
Dieu
n’emploie pas la force, la contrainte physique. Cette affirmation générale
n’admet que quelques exceptions. Il y a eu des guerres justes du moins pour un
des partis. Nous apprenons par la Bible que Dieu, dans des cas extrêmes, a
ordonné la guerre. Les peuplades qu’Israël dut passer au fil de l’épée se
seraient inévitablement usées par leurs excès et leur mépris des lois vitales;
mais en considération du peuple élu, il fut nécessaire de précipiter les
choses. Par exception donc, pour l’achèvement de son plan, pour le salut final
d’une race et d’un monde, Dieu donna un ordre d’extermination. L’urgence crée
l’exception. Il y a un cas où le meurtre d’un homme se justifie: quand il est
clairement établi que Dieu, Source et Maître de toute vie, l’a ordonné. Mais
ces cas mis à part, Dieu n’emploie jamais la contrainte.
Remarquez,
par contre, que la force physique est une des principales armes de Satan. A ce
sujet, il y a lieu de faire deux observations intéressantes:
1° Satan
ne peut user de cette force qu’autant qu’il trouve dans l’homme un allié dont
il fasse son agent;
2° En
l’employant, il a voulu, le plus subtilement du monde, choisir son terrain. Il
sait que le domaine de la force spirituelle pure et simple ne lui est pas
favorable, qu’il y est battu, car, dans le camp opposé, il y a une force morale
plus grande que celle dont il dispose. Il lui est impossible de résister aux
forces de la pureté et de la justice dont Jésus est la personnification. En
effet, c’est sur ce terrain moral, dans ce domaine spirituel, que notre Sauveur
a gagné la grande victoire. Durant les années qu’il vécut sur la terre, il
passa par une série d’épreuves, tour à tour subtiles et terribles; mais il en
sortit vainqueur, sans que la pureté et la droiture de son cœur fussent
entachées.
2. La
prière fait rayonner au loin notre personnalité spirituelle.
La prière
est une force spirituelle qui n’a affaire qu’à des êtres et à des forces
spirituels. Sur le champ de bataille contesté, la prière est l’appel incessant
d’un homme, d’un esprit revêtu de chair; il demande à Dieu que l’influence de
la victoire de Jésus sur le génie du mal s’étende à toutes les créatures. La
prière prend le caractère de celui qui prie. L’homme est un être spirituel: la
prière devient une force spirituelle; c’est la projection de l’esprit de l’homme
dans le royaume spirituel.
La
prière, parce qu’elle est une force spirituelle, possède certaines qualités,
certains caractères inhérents au monde spirituel. Un être essentiellement
spirituel n’est pas limité par l’espace comme nous, pauvres humains; il pourra
passer d’un endroit à un autre aussi rapidement que notre pensée.
Si je
veux aller de New-York à Londres, il me faut compter au moins une semaine pour
m’y transporter corporellement, tandis que je peux me croire à Londres en
pensée et en parcourir les rues avant d’avoir eu le temps de formuler un mot.
Un être spirituel peut donc voyager aussi rapidement que la pensée.
Les êtres
spirituels, en outre, ne sont pas limités par des barrières matérielles, telles
que les murs d’un bâtiment. Pour venir ici, aujourd’hui, je suis entré par
cette porte, et vous tous, vous êtes entrés par ces portes. Nous avons été
obligés d’entrer, ou par les portes, ou par les fenêtres. Néanmoins, les êtres
spirituels qui nous écoutent maintenant et s’intéressent vivement à notre
entretien ne se sont pas souciés des portes; ils ont pénétré par les murs ou
par le toit, s’ils étaient au-dessus de nous, ou par le plancher, s’ils étaient
au-dessous.
La prière
possède cette qualité propre aux êtres spirituels de ne pas être limitée par
l’espace, ni par les obstacles matériels. Prier, c’est vraiment projeter notre
esprit, c’est-à-dire notre vraie personnalité, à l’endroit que nous désirons
atteindre, et y agir sur d’autres êtres spirituels. Supposons, par exemple, que
je prie chaque jour pour un homme qui habite sur les rives de l’Atlantique. Le
simple fait de penser que chaque fois que je prie, ma prière est une force
spirituelle qui, instantanément, traverse l’espace qui nous sépare de cet
homme, qu’elle pénètre, sans trouver le moindre obstacle, à travers les murs de
sa maison, qu’elle influence les êtres spirituels qui l’entourent, et, par
là-même, sa propre volonté, cette seule pensée, dis-je, rend ma prière plus
active et plus précise.
Quand je
suis arrivé à la certitude, il y a quelques années, que Dieu ne voulait pas que
je parte pour les champs de mission, j’en ai été profondément attristé.
Toutefois, dans la suite, comprenant mieux la sagesse du Tout-Puissant, je me
suis rendu compte que, par la prière, je pouvais exercer une influence positive
jusque dans ces pays éloignés. Comme tant d’autres l’ont fait, j’ai établi une
liste quotidienne de prières. Il y a certaines personnes pour lesquelles je
prie à intervalles fixes, et mon âme se réjouit à la pensée que, chaque fois
que je prie, ma personnalité spirituelle est projetée là-bas et que je me
trouve en fait à Shanghaï, à Calcutta ou à Tokio; je suis heureux de penser que
j’intercède là-bas, pour la victoire du Christ sur le mal, que je prie pour les
fidèles qui, là-bas aussi, tiennent haut le drapeau du Dieu Fort.
La lutte
est rude. Satan est un général de toute première force et un lutteur obstiné.
Il se refuse à admettre sa défaite, jusqu’à ce qu’il y soit forcé, C’est pour
lui une question de vie ou de mort. Si étrange et peut-être si absurde que cela
paraisse, il espère évidemment réussir. Si nous savions tout, cela pourrait
sembler moins étrange et moins absurde, étant donné les atouts qu’il a dans son
jeu. Il y a assurément, dans le monde, bien des faits qui ne peuvent que
justifier ses espérances. La prière réclame avec insistance la victoire de
Jésus et la retraite complète de l’ennemi.
L’ennemi
ne cède que ce qu’il est obligé de céder; il ne cède que ce qu’on lui prend. Le
terrain doit donc être conquis pied par pied et, pour cela, la prière doit être
précise. L’ennemi ne cède que quand il y est forcé; la prière doit donc être
incessante; et comme il renouvelle sans cesse ses attaques, il importe que le
terrain conquis soit défendu contre lui, au nom du Vainqueur.
Ceci nous
permet de comprendre pourquoi nous devons continuer de prier, alors même que
nous avons déjà obtenu des résultats partiels et que nous sommes sûrs du
résultat définitif.
3. La
prière permet à Dieu d’agir sur la terre.
Le
meilleur allié que Jésus trouve dans ce conflit, c’est l’homme; l’homme qui,
restant sur le champ de bataille, se tient dans la communion de son Sauveur et,
sans cesse, avec insistance, avec foi, proclame la victoire au nom de Jésus. Il
est le seul ennemi parmi les mortels, auquel Satan ne puisse résister. Par la
prière de la foi, il projette une force tellement irrésistible dans le royaume
des esprits que Satan est obligé de céder.
Nous
sommes si accoutumés, par les nombreux récits de l’histoire, à voir les
victoires remportées par la force physique seule, que nous avons peine à
réaliser que la force morale défait un ennemi mieux qu’aucune autre force.
Voyez les
démons dans les Évangiles et, de nos jours, en Chine, obligés contre leur
propre volonté, malgré une lutte intense, obligés, dis-je, de reconnaître leur
défaite et même de réclamer les faveurs de leur vainqueur. Les biographies
chrétiennes abondent en récits extraordinaires de victoires remportées sur
Satan et d’individus transformés par l’influence de la prière.
Si nous
avions des yeux pour voir les esprits et assister aux conflits spirituels, nous
pourrions
contempler
les défaites constantes de l’ennemi, grâce à la prière persistante de quelque
intime allié de Jésus. Chaque fois qu’un tel homme prie, l’étendard sanglant de
Jésus est déployé dans le monde des esprits et flotte au-dessus de la tête de
Satan. Tout homme qui se livre entièrement et librement à Dieu et qui
s’applique à la prière conquiert pour son Maître un nouveau point du territoire
en litige. Sur ce point, il peut planter la bannière de la victoire.
Les
Japonais combattirent des semaines entières pour obtenir une base d’opération
dans la péninsule de Port-Arthur; ils le firent même après leurs victoires
navales qui, pourtant, avaient ruiné la force maritime de la Russie. Malgré
cela, avec cette ténacité qui les a caractérisés durant la guerre, ils ont
lutté pour s’emparer de cette base d’opération. Tant qu’ils ne l’avaient pas,
ils ne pouvaient rien faire.
Par la
prière, l’homme donne à Dieu un point d’appui sur le territoire contesté de
notre terre. Communiant avec Dieu, priant, priant sans cesse, cet homme forme
sur le sol ennemi une base d’opération pour Dieu; sa consécration fournit au
Général en chef un nouveau quartier général qui, situé sur le champ de bataille,
servira de base d’opération en vue de l’attaque. Et le Saint-Esprit, qui est
dans cet homme, forcera l’ennemi à la retraite, au nom de Jésus le Vainqueur.
Voilà ce
qu’est la prière!
Et nous,
en luttant à genoux, n’élargirons-nous pas la base d’opération de Dieu sur
cette terre prodigue?
CHAPITRE
III
La terre, champ de bataille où lutte la prière
1. La
prière, mesure de guerre.
Notre
monde est le fils prodigue de Dieu. Le cœur du Père souffre au souvenir de cet
enfant; il y a si longtemps qu’il est loin, si longtemps que le cercle de
famille est brisé.
Dans son
amour, Dieu a conçu un plan merveilleux pour ramener à la maison paternelle cet
exilé volontaire, et les anges et les hommes se sont émerveillés de ce plan, de
sa portée, de ses détails, de sa force et de sa sagesse. Mais Dieu a besoin de
nous pour son exécution; Il veut nous employer; Il veut nous honorer en nous
prenant à son service. Cela est exact, mais ce n’est qu’une partie de la
vérité: le chemin que Dieu prend pour arriver à un cœur humain passe par un
autre cœur humain.
Lorsque
Dieu voulut réaliser son plan, il dut descendre sur la terre et devenir homme. Il
a besoin de l’homme pour accomplir son plan.
Le plus
puissant agent mis à notre disposition est la prière. Pour comprendre vraiment
cette parole, il faut définir la prière, et pour donner une définition exacte
de cette dernière, il faut employer des termes guerriers. Le langage de la paix
ne convient pas à la situation. La terre est dans un état de guerre. La
bataille est chaude; ainsi donc, il faut des expressions guerrières pour faire
comprendre ce qu’est la vraie prière.
Du
côté de Dieu, la prière est la communication entre Lui et ses alliés sur le
territoire ennemi.
Prier, ce
n’est pas persuader Dieu; la prière n’influence pas Ses desseins; elle ne
consiste pas non plus à Le gagner de notre côté. Notre Père désire plus
ardemment que nous ce qu’à bon droit nous brûlons d’obtenir. Le mal, le péché,
la souffrance qui nous peinent le peinent bien plus encore; Il est mieux
renseigné; Il est plus sensible aux souffrances et au mal que le plus sensible
d’entre nous. Tout mouvement de compassion qui nous pousse à prier, vient de
Lui. C’est Lui qui prend l’initiative de chaque prière. Il l’inspire.
En effet,
toute prière se meut dans un cercle. Elle commence dans le coeur de Dieu, puis
descend sur la terre dans un cœur humain, atteignant ainsi notre globe qui est
le champ de bataille de la prière, et remonte à Dieu, son point de départ,
après avoir accompli sa tâche ici-bas.
2. Trois
formes de prière.
Nous
donnons habituellement le nom de prière à tout entretien avec Dieu. Il faut
pourtant se souvenir que ces entretiens revêtent différentes formes.
La
première forme est la communion. Elle consiste simplement à vivre en
parfait accord avec Dieu. Cet accord n’existe que si nous sommes purifiés de
nos péchés dans le sang de la Croix. Il faut donc que nous venions à Dieu par
Jésus-Christ. Point n’est besoin d’avoir un sujet spécial, une demande
particulière; il suffit de jouir de Sa présence, de L’aimer, de penser à Lui;
il suffit d’admirer Sa force,
Sa
beauté, Sa sagesse, Son amour, et de lui parler sans mots, du cœur. La vraie
adoration consiste à penser qu’il est digne de recevoir le meilleur de nos
vies, le meilleur de nos efforts... et plus encore.
Cette
communion demande un parfait accord entre Dieu et moi. Elle nécessite une
confession de ma part, un pardon de la part de Dieu; c’est la seule condition
de ces rapports intimes. Culte et adoration, voilà les caractères de cette
première forme de la prière.
La
communion est la base de toute prière: c’est la respiration indispensable à la
vraie vie chrétienne. Elle ne concerne que Dieu et moi, Dieu et chacun de vous.
Son influence est toute subjective: c’est sur moi qu’elle agit.
La
seconde forme de la prière est la requête. J’emploie ce mot dans son
sens étroit de demande personnelle. La prière ainsi envisagée est une requête
précise, adressée à Dieu, au sujet d’une chose qui m’est nécessaire. Notre vie
entière dépend complètement de la générosité de Dieu; tout ce dont nous avons
besoin vient de Lui. Nos amitiés, notre habileté à gagner de l’argent, notre
santé, notre force dans la tentation et dans la tristesse, notre conduite dans
les circonstances difficiles ou ordinaires, notre aide, qu’elle soit financière,
corporelle, intellectuelle ou spirituelle... tout vient de Dieu et nécessite
une union constante avec Lui. Des demandes innombrables, des prières mentales
doivent sans cesse monter vers les Cieux; en réponse, il en descendra un
torrent de réponses et de secours. La porte qui nous sépare de Dieu doit
toujours être ouverte, mais le verrou qu’il faut ouvrir est de notre côté. Du
côté de Dieu, la porte est ouverte depuis longtemps; elle est toujours restée
ouverte. La vie entière dépend de cet entretien ininterrompu avec notre Dieu,
si admirable. Telle est la deuxième forme, le deuxième degré de la prière. Deux
personnes seulement sont en jeu: Dieu et l’homme qui prie. Son influence est
subjective, sa portée toute personnelle.
La
troisième forme de la prière est l’intercession. L’homme qui prie
vraiment ne se borne pas à prier pour lui-même; la prière doit s’étendre à
d’autres. Le vrai sens du mot intercession implique un effort pour
quelqu’un d’autre. Celui qui intercède est là comme un intermédiaire, un ami
commun entre Dieu et une de Ses créatures qui n’est pas en communion avec Lui
ou qui a besoin d’un secours spécial.
L’intercession
est le point culminant de la prière, la manifestation extérieure de sa force,
son but effectif. La communion et la demande ont pour théâtre le ciel et la
terre; l’intercession repose sur l’une et sur l’autre comme sur ses fondations;
la communion et la demande fournissent à la vie humaine la puissance divine;
l’intercession utilise ce pouvoir en faveur des autres; les deux premières ont
un but personnel; la troisième envisage l’humanité; celles-là établissent
l’alliance d’un homme avec Dieu; celle-ci fait servir cette alliance à autrui.
L’intercession est la plante eh pleine force, mais ses racines puisent leur
sève dans les deux autres formes de la prière; c’est elle, enfin, qui aide Dieu
à réaliser Son plan d’amour, à ramener à Lui notre planète.
Il sera
utile, au cours de ces entretiens, de nous souvenir de cette simple analyse de
la prière et de ne pas oublier les deux premières formes, alors que nous
parlerons surtout de la troisième, l’intercession.
3. Le
point culminant de la prière.
Dieu
considère l’homme tout d’abord comme un but, puis, en même temps, comme un
point d’où Son Esprit pourra rayonner. Dieu envisage l’homme premièrement pour
lui-même; secondement, pour son utilité possible dans la conquête des autres
hommes.
La
communion et la requête établissent et entretiennent les relations d’un
chrétien avec Dieu, préparant ainsi le troisième et suprême degré de la prière:
l’intercession. La prière doit débuter par les deux premières formes, mais elle
atteint son maximum dans la ‘troisième. La communion et la demande sont
nécessairement personnelles, tandis que l’intercession a une portée mondiale.
Toute vraie prière désirera donc toujours posséder ces trois éléments. L’union
avec Dieu est nécessaire; les besoins continuels de l’homme rendent les
demandes incessantes; mais le cœur du vrai fidèle, enflammé du saint zèle du
Christ, brûle d’obtenir quelque exaucement pour ses frères. L’intercession est
donc le sommet de la prière.
On parle
beaucoup de la valeur subjective et objective de la prière, de son influence
sur celui qui prie et de ses effets sur des personnes et des événements tout à
fait éloignés de lui.
Les deux
premières formes de la prière sont forcément subjectives quant à leurs effets;
elles ne se rapportent qu’à la personne qui prie. Tout aussi inévitablement, la
prière d’intercession est objective; elle n’existe que pour les autres. Il y a
même, dans ce dernier cas, une double influence: mon union avec Dieu, pendant
que j’intercède auprès de Lui pour une autre personne, a, sur moi, une
influence inévitable. Mais c’est là le petit côté de la question; le but
principal est hors de nous.
Dans
certains milieux, on en est venu à mettre tout l’accent sur la valeur
subjective de la prière et à diminuer ou à nier entièrement la valeur
objective. Certains orateurs ou écrivains, dont le succès est grand,
s’expriment très librement à ce sujet. Cela prouve qu’ils n’ont pas compris
toute la pensée divine sur la puissance de la prière.
En
présence de leurs affirmations, il faut rappeler nettement que le point de vue
biblique est toujours celui-ci: grâce à la prière, se produisent des faits
complètement extérieurs à nous-mêmes et qui, dans l’ordre naturel des choses,
ne se seraient pas produits. Jésus n’a pas cessé de l’affirmer.
L’idée
qu’on se fait tout naturellement d’une prière exaucée, c’est que, par elle, on
s’assure un résultat véritable dans le monde actuel.
Mais ce
n’est pas là une explication suffisante de la prière, car, dans sa plus simple
définition, elle suppose un changement que l’on ne peut obtenir autrement. Au
point de vue scripturaire aussi bien qu’au point de vue plus difficile de la
philosophie, le but de toute vraie prière est en dehors de celui qui prie.
L’influence subjective de la prière prépare son influence objective, qui est la
manifestation suprême, dans le monde extérieur, du plan rédempteur du Dieu
d’amour.
4. Six
faits fondamentaux.
Pour éclairer
la question, revenons en arrière et considérons certains faits qui sont à la
base de la prière.
Tout
dépend du point de vue auquel on se place. Le vrai point de vue est celui qui
permet d’envisager tous les points essentiels d’une question. Si on ne s’y
place pas, on se fait une idée fausse et on risque de s’égarer. Je n’ai pas
l’intention de prouver ici la vérité des affirmations de la Bible, ni d’établir
la vraie manière de les interpréter: ce pourrait être le sujet d’un livre
entier. Mais l’affirmation de certains principes permet de déblayer le terrain.
Je tiens donc à déclarer que je crois à l’exactitude des affirmations de la
Bible et j’ajoute que je le fais sans aucune difficulté.
Il y a,
dans notre vieille Bible, des faits certains, continuellement affirmés. On les
trouve dans l’histoire d’Israël: ils se mêlent à la poésie de ce peuple, et ils
sont la base de tous les écrits prophétiques, de la Genèse à la fin des visions
de Jean à Patmos.
Peut-être
qu’à force de nous être familiers, ils sont sortis de notre mémoire. Aussi,
quoiqu’ils soient bien vieux, je les rappelle, comme s’ils étaient nouveaux. En
voici six qui s’enchaînent:
1° A
l’Eternel, la terre et tout ce qu’elle renferme. {#Ps 24:1} Elle lui appartient par droit de
création, il en est le souverain. L’Eternel a présidé au Déluge. {#Ps 24:10}
2° Dieu a
donné à l’homme la domination sur la terre; il lui en a confié la royauté, il
l’a chargé de la surveiller et d’utiliser ses forces {#Ge 1:26,28 Ps 8:6. Voir les
citations de ces passages, à propos de celui qui rétablira cette domination. #1Co 15:27 Eph 1:22 Heb 2:8 Ps
115:16}.
3°
L’homme qui avait la domination sur la terre, par faveur divine, transféra son
autorité à quelqu’un d’autre; mais son action fut une déception pour lui. Cet
acte fut double; car ce fut un acte d’obéissance et un acte de désobéissance.
Désobéissance à Dieu; obéissance à un autre, à ce prince qui cherchait à
s’emparer de la domination sur toute la terre. La désobéissance de l’homme
rompit l’alliance qui l’unissait à Dieu et, du même coup, abolit la
souveraineté du Créateur; son obéissance à l’autre prince déplaça la
souveraineté au profit de ce dernier et, du même coup, lui donna l’autorité sur le monde.
4°
L’autorité, la royauté sur cette terre, accordée à l’homme, n’appartient donc
plus à Dieu, puisqu’il l’a conférée à Sa créature; mais elle n’appartient plus
à l’homme puisqu’il l’a donnée à quelqu’un d’autre. Elle est échue à ce prince
magnifique, à qui son caractère ondoyant a mérité le nom de Satan, l’ennemi, le
haïsseur. Jésus, à maintes reprises, parle du «prince de ce monde»,
entendant celui qui y règne actuellement. {#Jn 12:31: 14:30 16:11} Jean, dans ses visions, parle d’un
temps à venir où «le Royaume du monde sera remis à notre Seigneur et à son
Christ». {#Ap
11:15} De ces
assertions nous pouvons déduire nettement que ce royaume n’est plus à Jésus.
L’autorité sur la terre, qui avait été accordée à l’homme, est maintenant
l’apanage de Satan.
5° Dieu
est impatient de rendre à la terre son premier Maître; Il le désire pour
lui-même, pour l’homme et pour le monde. Nous ne connaissons pas l’univers tel
qu’il est sorti des mains du Créateur.
Maintenant
encore Sa création est d’une beauté extraordinaire—examinez les étoiles, les
végétaux, les eaux, la coloration et les nuances exquises de toutes choses, la
combinaison de ces mille teintes—oui, notre terre est infiniment belle.
Toutefois, ce n’est pas le monde tel qu’il fut, ni tel qu’il sera un jour à
venir. Sous son maître actuel, il a été tristement mutilé, tristement changé,
si changé même que les premiers hommes ne reconnaîtraient probablement plus les
lieux de leur premier séjour.
Dieu,
avons-nous dit, est impatient de ramener notre vieux monde à son premier
Maître. Pour cela, il lui faut un homme qui soit le dépositaire fidèle des
traditions anciennes et grâce auquel il puisse replacer la terre sous son
premier suzerain. La terre fut donnée à l’homme; les hommes en firent fi; il
faut maintenant que ce soit l’homme qui lui rende sa condition première.
Un Homme
vint, et puisque Jésus représentait l’humanité parfaite et complète, nous
écrivons ce mot Homme avec une majuscule, parce qu’il est l’Homme supérieur à
tous les autres. Cet Homme, plus vraiment homme que tous les autres, fut
l’initiateur d’un mouvement pour ramener le monde à son premier maître.
Voici
enfin le sixième fait: ces deux hommes, l’Homme de Dieu et le prétendant,
eurent une lutte, la plus terrible qui fut jamais. Elle commença au berceau
menacé par Hérode, pour finir le matin du Calvaire et les deux jours qui
suivirent. Pendant trente-trois ans, la lutte se poursuivit avec une ardeur et
une intensité inconnue jusqu’alors, et, depuis Satan, redoubla d’effort pendant
les années de Nazareth, puis dans le désert, puis à Gethsémané, et enfin au
Calvaire. Le dernier jour, à trois heures, le méchant crut qu’il l’avait
emporté. Le camp du prince de ce monde tressaillit alors d’allégresse, pensant
avoir la victoire, puisque l’Homme de Dieu gisait dans le tombeau, derrière les
portes de la mort, sous l’autorité immédiate du maître de la mort. Mais le
troisième matin vint et les barreaux de la mort furent brisés comme des fils de
coton. Jésus, vainqueur, se dressa, car il n’était pas possible qu’Il
fût retenu par le prince de la mort; et Satan connut alors qu’il était battu.
Jésus, l’Homme de Dieu, le loyal vassal du Roi, avait remporté la victoire.
Remarquons
pourtant avec soin quatre faits au sujet de Satan:
1° Il
refuse de convenir de sa défaite.
2° Il
refuse de rendre son territoire tant qu’il n’y est pas forcé; il ne cède que ce
qu’il faut et quand il le faut.
3°
L’homme seconde ses ambitions; il admet son autorité. Aujourd’hui, comme de
tout temps, la majorité des habitants de la terre admet cette autorité. C’est
donc grâce au consentement des hommes que Satan la possède. (Satan, en effet,
ne peut pénétrer dans le cœur des hommes sans leur consentement, et Dieu, qui
le pourrait, ne le veut pas).
4° Satan
espère rendre éternellement durable son pouvoir sur la terre.
5. Le
plan grandiose du Vainqueur.
Notons
maintenant avec recueillement l’action sans précédent, l’action inimitée du
prince victorieux. Il a laissé le conflit ouvert; il a laissé le chef vaincu
sur le champ de bataille, car il veut vaincre non seulement le chef, mais
encore toute la race prodigue et la ramener au foyer paternel. La grande
bataille rangée est encore à venir; ou plutôt une bataille, car la plus
grande a déjà été livrée. Jésus marche au prochain combat en vainqueur et Satan
engagera sa dernière bataille à l’ombre et dans la honte d’une défaite.
Apparemment, le diable s’efforce de trouver un Jésus; car, de même que l’Homme
de Dieu fut envoyé du ciel pour ramener le monde au bien, de même, l’homme
choisi par Satan sera une créature qui luttera pour lui, comme Jésus lutta pour
Dieu; ce sera un homme qui personnifiera Satan comme Jésus fut la
personnification, la parfaite image de Dieu; et cet homme, enfin, il le
choisira parmi la race humaine, à qui la domination de la terre avait été
confiée. Lorsqu’il y aura réussi, il engagera la lutte suprême, bataille perdue
d’avance.
Voici
maintenant ce qu’est la prière: un homme, un membre de la race qui a
reçu la terre en dépôt et l’a livrée à Satan; un homme vivant sur la terre, sur
notre pauvre vieille terre pécheresse, maudite et âprement disputée; cet homme
restant sur la terre, mais se tenant en communion dans toute sa vie avec le
Christ Vainqueur et n’ayant rien de commun avec l’usurpateur, se dresse et
réclame que Satan cède, pas à pas, vie après vie, devant la victoire de Jésus. Satan
sait que Jésus est victorieux et il le redoute. Devant l’approche du Vainqueur
il cède, et il doit céder aussi lorsque, sur la terre, un homme se présente au
nom de Jésus. Il cède à contrecœur, avec colère, aussi lentement qu’il le peut;
il défend opiniâtrement chaque pouce de terrain; mais il doit s’enfuir devant
cet homme qui incarne Jésus.
Jésus a
dit: «le prince de ce monde vient, mais il n’a rien en moi». {#Jn 14:30} Le jour où, nous confiant humblement
dans la grâce de Dieu et nous appuyant sur une résolution énergique et
inébranlable, nous dirons, nous aussi, comme cela est possible: «Que le prince
de ce monde vienne, il ne trouvera rien en moi, pas de secours, pas même
d’accès dans mon cœur», ce jour-là nous mettrons Satan en déroute en proclamant
la victoire au nom du Vainqueur.
CHAPITRE
IV
Dieu
se laisse-t-il influencer par nos prières?
1. Comment
Dieu donne
D’aucuns
pourraient objecter à ce qui précède que les affirmations bibliques ne
concordent pas avec le point de vue que nous venons d’exposer. Je répondrai à
ces objections par quelques passages familiers et fréquemment cités qui me
reviennent à l’esprit:
—Invoque-moi
et je te répondrai; je t’annoncerai de grandes choses, des choses cachées que
tu ne connais pas.{#Jer
33}
—Invoque-moi
au jour de ta détresse; je te délivrerai et tu me Glorifieras.{#Ps 50:15}
—Demandez
et l’on vous donnera; cherchez et vous trouverez; frappez et l’on vous Ouvrira.{#Mt 7:7}
—Il
semble d’après ces passages—et c’est ainsi que les générations ont pensé—que
c’est notre demande qui pousse Dieu à agir; persistante, continuelle, elle est
nécessaire pour provoquer l’intervention de Dieu. On dit habituellement que
Dieu veut par là éprouver notre foi et, qu’avant d’exaucer nos requêtes, il
cherche à produire en nous certains changements. Cette explication est, pour
une part, certainement vraie; mais, sachons-le bien, elle ne l’est qu’en
partie; car, si on considère la vérité entière, on se rend compte que cette
explication laisse dans l’ombre une partie du sujet.
Nous
apprenons à connaître Dieu par analogie et quoique ce procédé ne puisse nous
donner une connaissance complète de Ses perfections infinies, c’est ainsi
toutefois que nous nous rapprochons le plus de la vérité. Nous arrivons à
connaître Dieu d’après ce que nous savons de nous-mêmes.
Observez
comment les hommes donnent. Parmi ceux qui soutiennent des oeuvres de
bienfaisance, nous pouvons distinguer trois classes de donateurs, et, dans
chacune, quelques nuances.
Il y a
celui qui donne parce qu’il est influencé par les autres. Si un homme habile ou
un comité lui adressent un appel, lui présentant adroitement leur cause,
utilisant habilement son caractère, sa position, son égoïsme, lui montrant la
possibilité d’un gain, lui disant ce que donnent des hommes dans la société
desquels il aime à être classé, et ainsi de suite touchant à tout ce qui peut
l’intéresser; s’ils persistent dans leurs demandes, il finira par donner. Il y
mettra peu d’empressement, plus ou moins de bonne grâce, mais il donnera.
Il y a
une deuxième classe: celle de l’homme bienveillant et généreux, désireux de
donner et d’être ainsi utile à ses concitoyens. Il prête une oreille attentive
à l’exposé qui lui est fait et n’attend, avant de donner, que d’avoir pu se
faire une idée de l’importance de l’œuvre en question et de la somme qu’il doit
offrir; ensuite, il donne.
La
troisième classe de donateurs est moins nombreuse que les deux précédentes,
c’est celle des hommes qui prennent l’initiative de leurs dons. Tel, par
exemple, regarde autour de lui, fait des enquêtes, médite sur les besoins si
nombreux de ses concitoyens. Il décide de donner là où son argent peut être le
plus utile et, une fois qu’il a fixé son choix, il offre, lui-même, de donner.
Sa générosité pourrait, il est vrai, être exploitée par des gens qui convoitent
son argent pour d’autres oeuvres que celles auxquelles il destine ses dons.
Pour obvier à ce danger, il pose certaines conditions qu’il faudra observer et
dont le but est d’établir des relations de sympathie entre lui et ceux qu’il
voudrait aider.
L’un
désire ardemment que l’histoire du Christ soit connue du peuple innombrable de
la Chine. Il donnera cinq millions et chargera la Mission dans l’intérieur de
la Chine d’en surveiller l’emploi, et cela
d’une
manière qui satisfasse à ses désirs d’évangélisation.
Un autre
confiera à l’Union Chrétienne de Jeunes Gens de la ville qu’il habite une forte
somme qui sera dépensée selon certaines conditions. Sa pensée n’est pas de
fonder une organisation spéciale, mais d’en faire bénéficier une foule de jeunes
gens de sa ville. Cet homme a appris à connaître cette
association
et il en devient ainsi un ferme soutien.
Un autre
a le sentiment que si le peuple pouvait avoir de bonnes lectures, il en
tirerait dans la vie un énorme avantage; et le voilà qui offre spontanément une
fortune pour fonder dans la ville une foule de bibliothèques. Grâce à ce don
splendide, des milliers de gens, qui aspirent à augmenter leurs connaissances,
entrent en contact avec le donateur.
Dans tous
ces cas, la pensée du généreux bienfaiteur est d’obtenir certains résultats
auprès de personnes qui, pour une raison ou pour une autre, lui sont
sympathiques.
Il est
difficile d’assimiler les actions de Dieu aux nôtres; toutefois, de ces trois
manières de donner, il n’y en a qu’une, une seule, qui puisse nous indiquer
comment notre Père donne.
Quoique
mes paroles puissent être taxées de superficielles, je suis de plus en plus
porté à croire que la plupart d’entre nous croient, sans y réfléchir davantage,
que Dieu exauce nos prières à la façon du premier donateur. D’autres
l’assimilent au second. Il n’en est pourtant rien; ni l’une ni l’autre manière
ne se rapproche de celle de Dieu; la troisième seule évoque le Dieu d’amour qui
écoute et qui donne.
Notre
Père désire ardemment reconquérir Son monde prodigue et chacun de Ses enfants;
il Lui tarde de voir abolis les effets du péché et de contempler une humanité
transformée. Pour atteindre ce résultat, Il prend l’initiative. Mais tout ce
qui est fait pour l’homme doit être nécessairement fait par l’homme, par son
consentement libre et joyeux. Les obstacles à ce but ne sont ni innombrables,
ni insurmontables; ils sont néanmoins nombreux et importants; le prétendant est
fin, rusé et passé maître dans l’art de manier les hommes; les volontés sont
faussées, affaiblies; les consciences sont souillées; les esprits sont endormis
et les sensibilités désespérément émoussées. Le péché n’a pas seulement souillé
la vie; il a faussé le jugement, sapé la volonté, et aveuglé l’œil intérieur.
La tâche de Dieu s’en trouve compliquée, parce que tout changement doit
nécessairement intervenir par l’intermédiaire de ces volontés faussées et
diminuées.
Mais, si
difficile que ce soit, le plan de Dieu est simple; son appel est
merveilleusement clair. «Invoque-Moi, dit-il, et Je te répondrai; Je
t’annoncerai de grandes choses, des choses cachées que tu ne connais pas.»
Lorsqu’un homme L’invoque, cela prouve qu’il a déjà tourné sa face vers Lui. Sa
volonté a agi et agi doublement: en l’éloignant du mal et en le rapprochant de Dieu.
C’est un simple pas, mais un pas capital.
Cette
invocation est le point de contact avec Dieu, le point où Sa volonté et celle
de l’homme s’unissent. Celui qui crie au secours est entouré de difficultés et
soupire après la délivrance. Dieu, qui lui parle, a vu depuis longtemps ces
difficultés et, de tout temps, Il a désiré les écarter. Maintenant l’accord est
complet et Dieu, grâce à cette volonté qui s’unit à la Sienne, atteint
facilement Son but.
2. Une
vieille question
Cela nous
amène à cette question si souvent posée: Dieu se laisse-t-il influencer par nos
prières?
Aucun
problème n’a été plus souvent et plus sérieusement discuté. Des incrédules,
doublés de savants, ont répondu nettement: «Non». Des chrétiens, des gens
instruits, mais possédant une forte foi, ont répondu avec une certitude égale:
«Oui».
Fait
singulier; ils ont raison les uns et les autres; non pas, il est vrai, qu’ils
aient raison dans toutes leurs affirmations, ni dans toutes leurs croyances, ni
même dans toutes leurs manières de penser, mais dans leurs conclusions
dernières, exprimées par ces mots si brefs: «Non! Oui!»
La prière
n’influence pas Dieu.—La prière influence sûrement Dieu. Elle n’influence pas
Son but, elle influence Ses actes. Chaque chose pour laquelle on Le prie, chaque
chose juste, évidemment, a été déjà l’objet de Ses pensées, mais il ne fait
rien sans notre consentement. Son plan a été entravé par notre manque de bonne
volonté. Quand nous apprenons à connaître Ses intentions et que nous en faisons
un objet de prières, nous Lui donnons par là même l’occasion d’agir.
Il en
résulte un double effet, heureux pour l’homme, néfaste pour Satan. Notre simple
consentement annule l’opposition du diable; il ouvre les voies à Dieu et enlève
les obstacles. La route, dès lors, est libre pour l’exécution du plan
prémédité.
La
question des lois de la nature, introduite parfois à ce sujet, est affaire
purement accessoire. Elles ne sont que les simples moyens d’action dont Dieu se
sert en face des forces secondaires; elles ne rentrent pas dans le plan de Dieu
qui n’a pour but qu’un résultat moral. Que le soleil reste quelques minutes de
plus au-dessus de tel ou tel point de la terre, c’est un simple détail de fort
peu d’importance pour le Créateur, Son pouvoir n’en est pas affecté, car tout
est entre Ses mains; Son plan non plus n’en est pas modifié, car Il a pour but
des résultats bien plus sérieux.
Le péché
a plongé la terre dans une situation si critique, que de telles interventions
sont parfois nécessaires, pour que le plan de Dieu puisse se réaliser.
Dans les
situations critiques, toute règle de conduite, divine ou humaine, est changée.
C’est alors
qu’on
peut juger de la valeur d’un homme.
Si un
homme jette à terre le fardeau qu’il porte et se précipite au milieu de la rue;
si, sans motif apparent, il saisit convulsivement quelque chose sur le sol,
nous concluons immédiatement qu’il est fou. Mais s’il accomplit le même acte
pour se précipiter au secours d’un petit enfant qui trottine presque sous les
sabots des chevaux ou sous un tramway électrique, personne ne pensera à le
critiquer; on admirera au contraire, son courage, sa décision, et on attendra
avec anxiété le résultat de son intervention.
Les
situations imprévues obligent à une initiative particulière; quand elles se
produisent, elles mettent notre force à l’épreuve; elles justifient nos actes
et elles expliquent d’une manière satisfaisante ce que rien d’autre ne pourrait
expliquer.
Le
péché a plongé le monde
dans une situation critique. Mis en présence de ce fait terrible,
serons-nous des hommes de prière, des hommes capables des plus grands efforts
que l’on puisse demander à des créatures mortelles? En face de ce fait inouï,
commencerons-nous de comprendre l’intervention de Dieu dans l’histoire et dans
nos vies? Le plus grand événement qui eut lieu sur la terre, la croix, fut,
lui
aussi, un événement imprévu sortant des lois de l’histoire.
Le fait
que la prière ne produit aucun changement dans la pensée et dans le but de Dieu
révèle d’une manière touchante son amour merveilleux.
Supposons
que je désire vivement quelque chose et que cette chose me soit absolument
nécessaire. Je vais à Dieu et je la Lui demande. Supposons aussi qu’il hésite à
m’exaucer, qu’il n’ait pas le désir de m’accorder l’objet de ma demande, qu’il
hésite vraiment. J’insiste, je plaide, je persiste dans mes supplications, et
Dieu, peu à peu, est frappé de mon sérieux; Il voit que j’ai besoin de cette
chose et, dans sa bonté, Il m’accorde ce que je demande. N’est-il pas un Dieu
d’amour d’écouter ainsi mon appel? Assurément. N’avons-nous pas vu souvent de
telles scènes se passer entre l’enfant et son père? L’enfant pense en lui-même:
«Comme mon père m’aime! Il m’a donné ce que je lui ai demandé».
Mais
supposons que Dieu pense sans cesse à moi. Dans son cœur, Il forme des plans
d’amour pour moi, Il a le vif désir de me donner une grande part de ce qu’il
possède. Cependant, dans Sa sagesse, Il ne me la donne pas, parce que je ne
connais pas mes propres besoins. S’il me donnait ce qu’il a décidé de
m’accorder avant que j’en aie compris la valeur et senti le besoin, je pourrais
en abuser. Mais, dès que j’apprends à connaître mes besoins et la valeur des
grâces divines, Dieu se réjouit de cet heureux changement en moi et Il
s’empresse de répondre à mes prières.
Dites-moi,
un tel Dieu n’est-il pas plus digne d’adoration que le premier? Jésus a dit:
«Votre Père connaît vos besoins avant que vous les formuliez».
Dieu est
un Père. Il a pour le monde un amour paternel, on pourrait même dire un amour
maternel.
Il sait
tout ce dont nous avons besoin, et il a décidé d’avance de nous le donner. Pour
moi, la grande question, quand je demande un exaucement personnel, est
celle-ci: Est-ce que je connais ce qu’il sait me manquer? Est-ce que je pense à
ce qu’il estime m’être nécessaire? Souvenez-vous aussi que Dieu est plus
consacré à Son plan d’amour que le plus sage, le plus aimant des pères que nous
connaissions. Une mère pense aux besoins de son enfant, à la nourriture, aux
petits plaisirs, au luxe même. Ainsi fait Dieu à notre égard, mais Il est plus
aimant et plus sage que le meilleur d’entre nous.
J’ai
souvent pensé que si Dieu venait à me dire: «Je désire te donner quelque chose
comme preuve spéciale de Mon amour, parce que je t’aime, que désires-tu avoir?»
je lui répondrais: «Mon Dieu, choisis. Je choisis ce que tu choisiras».
Il pense
à moi; Il sait à quoi je pense; Il connaît mes plus grands désirs et Son amour
est si grand, qu’il choisirait quelque chose de plus beau que ce que j’aurais
souhaité. Tel est notre Dieu. La prière ne change pas, ne peut pas changer un
Dieu si bon. Pour toute chose juste et bonne nous pouvons recourir à Lui, car
Il a déjà décidé de nous l’accorder; mais la prière ne modifie pas la volonté
de Dieu;
Il ne
peut donner contre notre volonté, et notre consentement, exprimé par notre
demande, Lui fournit seulement l’occasion de faire ce qu’il avait déjà décidé.
3. La
plus belle prière
Il y a
une prière par excellence, la plus belle que l’on puisse adresser à Dieu; c’est
la base de toute vraie prière, l’aliment de toute supplication inspirée par
l’Esprit. Jésus lui-même nous la donne; c’est la seule qu’il nous laissa. Elle
est courte, mais puissante; quatre mots: «Ta volonté soit faite!»
Recueillons-nous
et approfondissons le sens de cette parole; que sa force, son essence, entre
dans nos cœurs et les remplisse. «Ta» volonté; celle de Dieu.
Premièrement,
Dieu est sage; il possède toute la force intellectuelle, toute la pénétration,
toute la sûreté de jugement que nous puissions concevoir. Deuxièmement, il est
fort, avec tout ce que ce mot implique de puissance et de pouvoir irrésistible.
Troisièmement, Il est bon, pur, saint, et nous pouvons donner à ces mots toute
la force que nous leur attribuons quand nous les appliquons à ceux que nous
connaissons intimement. Enfin, il est aimant, ou plutôt, car l’adjectif est
insuffisant, Il est amour, il personnifie l’amour. Et sachez que nous ne
connaissons pas le sens de ces mots; la meilleure définition que nous en
donnions, la meilleure représentation que nous nous en fassions, même dans nos
rêves, n’en donne qu’une pâle idée. Nous ne comprenons pas le sens intime de
ces mots, car ils signifient infiniment plus que nous ne pouvons le supposer.
Leur sens dépasse de mille coudées notre entendement.
Et
pourtant, malgré toute Sa perfection, ce Dieu sage, fort, bon et amour est
notre Père; nous lui appartenons.
Père
tendre, Berger fidèle, Il nous conduit avec amour. Nourris de Sa main
paternelle, Nous sommes à Lui pour toujours.
Nous
sommes Ses enfants de par la création et par une nouvelle création en
Jésus-Christ. Il est notre Père, par Sa propre volonté. Voilà le sens de «Ta»—un
Dieu sage, fort, pur, amour, qui nous tient lieu de père et de mère, un Dieu
qui est notre Dieu.
«Ta volonté».
La volonté de Dieu, ce sont Ses désirs, Ses plans, l’œuvre dont il souhaite
l’achèvement et à laquelle Il prête Sa force pour qu’elle s’achève. La terre
est Sa création; les hommes sont Ses enfants. Comme le font des parents
prudents et aimants, Dieu s’est, lui aussi, consacré Lui-même à tous, pensant à
chaque créature humaine, faisant des plans pour l’humanité entière, pour chaque
homme, pour la terre elle-même. Son plan est le plus sage, le plus pur, le plus
généreux qui se puisse imaginer, et plus encore. Il s’empare de toute notre
vie, de chacun de ses détails. Rien n’échappe à Sa vigilance, car elle est
étayée sur l’amour. Qu’est-ce qui peut être aussi vigilant, aussi clairvoyant
que l’amour? La haine, son contraire, est ce qui y réussirait le mieux. Ce sont
toujours les extrêmes qui se touchent. Toutefois, pour ce qui est de la
vigilance, la haine ne peut pas toujours rivaliser avec l’amour. La santé, la
force, le foyer, ceux qu’on aime, l’argent, les conseils, la protection, les
choses nécessaires à notre vie, Tes attentions auxquelles pense toujours
l’amour,
les
services: tout cela est compris dans la pensée d’amour que Dieu nous consacre.
Telle est
Sa volonté, qui se modifie suivant notre obéissance et que les circonstances de
la vie transforment à leur tour. La vie est comme un écheveau embrouillé et
Dieu, dans Sa patience infinie travaille habilement à le démêler et à tirer le
meilleur parti possible de ce fouillis de fils. Ce qui nous semble absolument
parfait l’est rarement dans la réalité; ce qui est très bon en soi-même n’est
en général pas excellent dans toutes les circonstances et surtout quand des
vies humaines sont en jeu.
Dieu a
une habileté extraordinaire, une patience illimitée et un amour sans bornes. Il
est sans cesse occupé à utiliser chaque circonstance pour en tirer le meilleur
résultat possible. Il pourrait souvent faire plus et ce plus, le faire dans un
temps beaucoup plus court, si nos volontés étaient plus flexibles.
Nous
pouvons nous abandonner à Lui, sans arrière-pensée, même dans la nuit où l’on
ne peut rien voir. Et cette confiance doit être de la confiance, non une
épreuve; là où on se confie, on ne met pas à l’épreuve, car là où on met
l’épreuve il n’y a pas de confiance. Si vous priez ainsi, c’est que vous vous
confiez en Dieu. Voilà ce qu’il est, ce qu’est Sa volonté et voilà la
signification des prières que nous lui offrons.
«Ta
volonté soit faite». La volonté d’un homme est l’homme agissant dans les
limites de son pouvoir. La volonté de Dieu, pour l’homme, est Dieu lui-même
agissant dans les limites de notre coopération. Le verbe est employé au passif,
mais le mot soit contient en lui-même une idée d’action.
Il faut
l’aide du verbe être pour exprimer le sens passif de tout verbe actif; de même
il faut une volonté intensément active pour transformer ce passif en action
humaine. La plus grande force se révèle en cédant intelligemment. Dans ce cas,
la prière exprime le parfait consentement d’un homme à ce que la volonté de
Dieu se fasse en lui et par lui. Un homme ne perd pas sa volonté sans cesser
d’être homme. Ici, au contraire, ne sachant se soumettre» il rend sa volonté
aussi forte qu’elle peut être, aussi forte qu’un barreau d’acier, aussi ferme
que le chêne vigoureux dont la force est si grande qu’il s’incline et plie au
vent. Il emploie ensuite toute cette force à devenir passif devant une volonté
plus haute, même si le but de cette dernière n’est pas claire à son
intelligence limitée.
«Ta
volonté soit faite», c’est-à-dire accomplie, réalisée. Le mot faite indique
une action parachevée, finie. Sa volonté soit entièrement accomplie, dans tout
son ensemble, dans tous ses détails. Ces mots n’expriment pas seulement le
sérieux désir d’un cœur qui prie, mais la volonté déterminée que chaque
événement de la vie soit soumis à l’action du plan de Dieu. Quand cette prière est
faite avec sincérité, elle change complètement le cœur des hommes qui la font
et le plan de Dieu se réalise dans leur vie. Ces mots éloignèrent d’un trône
puissant le plus grand juriste de la terre, le législateur hébreu, pour
l’amener à rechercher l’alliance d’une race d’esclaves. Ces mots firent
abandonner au prophète Jérémie, ce géant spirituel, un commandement facile et
agréable, pour lui confier une cause méprisée dont lui-même ne devait retirer
que de la honte. Ces mots arrachèrent Paul à la place en vue qu’il occupait,
pour le conduire chez un peuple où il endura des souffrances inouïes qui se
terminèrent par une mort sanglante. Ces mots, enfin, ont fait renoncer Jésus,
le Fils de Dieu, à un royaume pour Le conduire à la croix.
Dans
chaque génération, le prestige de ces quatre mots a transformé des vies et
leurs multiples ambitions. «Ta volonté soit faite», voilà la prière par
excellence qui a été l’instrument de Dieu dans toutes Ses grandes actions parmi
les hommes.
Cette
volonté est faite partout, dans la totalité des mondes créés par Dieu; il
existe une seule exception: notre terre et la partie du monde spirituel qui lui
est alliée. Partout ailleurs, c’est l’harmonie complète avec la volonté du
Père. Sur notre terre seule se fait entendre la note discordante de la
résistance.
A cette
prière se rattachent deux clauses qui lui donnent son caractère particulier et
l’expliquent; elles ont été ajoutées pour en rendre le contenu plus clair. La
première de ces clauses donne l’étendue de Sa volonté; la deuxième montre
l’opposition faite à cette volonté, ses conséquences pour nos propres vies,
pour la race et pour la terre.
Voici la
première clause: «Ton règne vienne». Dans chacune de ces courtes sentences: «Ta
volonté soit faite; Ton règne vienne», le mot sur lequel tombe l’accent est Ton.
Ce mot marque ici un contraste absolu. Il y a maintenant sur la terre un
autre royaume; il y a aussi une autre volonté. Cet autre royaume doit
disparaître pour que le règne de Dieu puisse venir.
Les deux
royaumes en question sont opposés en tout; ils sont rivaux; ils se disputent la
même suzeraineté, le même territoire; ils ne peuvent coexister. Charles Il et
Cromwell ne pouvaient vivre ensemble à Londres.
«Ton
règne vienne» sous-entend nécessairement cette autre demande: Que l’autre
royaume disparaisse». «Ton règne vienne» signifie aussi: «Ton roi vienne», car,
dans la nature des choses, il ne peut y avoir de royaume sans roi. Par la même
déduction, ces mots signifient aussi: «Que l’autre prince parte», celui qui
prétend être le véritable héritier du trône. «Ta volonté soit faite», c’est
encore, pour la même raison: «Que l’autre volonté soit annihilée».
La
deuxième clause contenue dans notre prière et ajoutée pour manifester la force
de l’action divine est celle-ci: «Délivre-nous du mal». Ces deux sentences: «Ta
volonté soit faite» et «Délivre-nous du mal» sont unies par un lien tout
naturel. Chacune suppose l’autre. L’action complète de Dieu dans nos cœurs
nécessite l’émancipation de toute influence mauvaise, soit directe, soit
indirecte, soit encore héréditaire. Etre délivré du mal signifie que toute
pensée et tout plan de Dieu à notre égard doivent être entièrement accomplis.
Il y a,
dans le monde, deux grandes forces à l’œuvre, deux forces qui se heurtent sans
cesse et que nous retrouvons dans le développement de l’histoire et de nos
vies. Chez beaucoup d’entre nous, chez nous tous même, quoique a des degrés
très différents, ces deux volontés se combattent sans cesse. L’homme est le
vrai champ de bataille; la lutte la plus terrible se passe dans sa volonté.
Dieu ne veut pas accomplir Sa volonté chez un homme sans que ce dernier y
consente; Satan, lui, ne le peut pas. Le point de départ de la lutte, contre la
volonté de Dieu est l’influence du Diable, et, d’un autre côté, ce qui
traverse effectivement les plans de Satan, c’est un homme entièrement consacré
à faire ce que Dieu veut.
La prière
par excellence commence donc par parcourir tout le champ de bataille; elle eh
atteint ensuite le centre pour finalement s’attaquer à l’Ennemi. Cette prière,
la voici: «Ton règne vienne! Ta volonté soit faite! Délivre-nous du mal!» Toute
prière véridique que nous offrons au Maître dérive de ces paroles si simples et
si compréhensives. Et cette supplication peut être adressée, est de fait adressée
à Dieu sous mille formes, avec une infinité de détails. Elle est la prière par
excellence, parce qu’elle est une prière universelle; elle comprend toutes les
autres demandes, car la volonté de Dieu embrasse tout ce qui est l’objet d’une
véritable prière. Elle est la prière par excellence, à cause de son intensité;
elle frappe au cœur l’Ennemi de Dieu.
DEUXIÈME PARTIE OBSTACLES A LA PRIÈRE
CHAPITRE
PREMIER
Pourquoi
ne sommes-nous pas exaucés?
1. Rupture
avec Dieu
Dieu
répond à la prière. La prière, c’est en somme Dieu et l’homme s’alliant en vue
d’un but élevé: l’établissement du règne de Dieu ici-bas. C’est là le but de la
prière.
Notre
demande et notre attente, l’action de Dieu qui répond nous permettent d’obtenir
des résultats qu’il serait impossible d’avoir autrement. La prière transforme
tout.
Pourtant
beaucoup de prières demeurent sans réponse ou, pour parler plus exactement,
beaucoup de prières demeurent sans résultat. Il serait même juste de dire que
des milliers de supplications montent au Ciel pour en redescendre sans effet.
Le fait est certain; convenons-en franchement et simplement. Plusieurs
personnes disent, visant le résultat: «La prière n’est pas ce que vous dites;
nous avons prié, mais en vain; rien n’a été changé».
Vous
entendrez cette affirmation un peu partout et un peu dans toutes les langues.
Des érudits, au style pondéré, des gens irréfléchis, qui effleurent à peine le
sujet, bref, des gens de toutes sortes se trouvent unis par cette affirmation.
Et ils ont raison, parfaitement raison. Malheureusement, ils ne disent pas
tout, et ce qu’ils omettent est de nature à changer complètement la conclusion.
Ne dire qu’une partie de la vérité, c’est mentir, et de la pire manière.
Le plan
de Dieu au sujet de la prière, comme beaucoup d’autres plans, a été fortement
modifié; souvent même il fut brisé. Aussi celui qui désire marcher avec Dieu et
acquérir autant de puissance que possible doit tout d’abord découvrir ce qui
fait obstacle à l’action de la prière.
Il y a
trois sortes d’obstacles. Premièrement, nous trouvons en nous une catégorie de
sentiments qui coupent toute relation avec Dieu, Source de toute
transformation. Puis, il y a en nous certaines choses qui retardent ou diminuent
les résultats, contrevenant au complet développement du plan d’action de la
prière. Enfin, il y a un grand obstacle extérieur avec lequel il faut
compter.
Nous
parlerons d’abord de la première catégorie d’obstacles, à savoir ceux qui interceptent
tout rapport entre Dieu et Son allié humain.
Ici
encore nous rencontrons une triple division, car la Bible mentionne en toutes
lettres trois choses qui détruisent l’effet de la prière, La première nous est
bien familière, car, hélas! des choses répugnantes finissent par nous devenir
si familières que nous n’éprouvons plus de répulsion à leur vue. Le péché, voilà
une des principales entraves à la prière. Dans les premiers chapitres d’Esaïe,
Dieu dit lui-même: «Quand vous étendez vos mains—indiquant par là comment le
peuple priait, debout, les mains tendues—je détourne de vous mes yeux; quand
vous multipliez les prières, je n’écoute pas». {#Esa 1:15} Pourquoi? Quel empêchement y a-t-il?
Ces mains tendues sont souillées. Ils tendent vers Dieu des mains
souillées par le péché; et Lui doit assister à ce spectacle qui Lui répugne.
Dans le
cinquante-neuvième chapitre de ce livre d’Esaïe, {#Esa 59:1-3} Dieu parle encore et dit: «Non, la
main de l’Eternel n’est pas trop courte pour sauver, ni son oreille trop dure
pour vous entendre.»
Il n’y a
donc pas le moindre désordre de Son côté; Dieu est parfait.
«Mais—prêtez
maintenant toute votre attention—vos iniquités... vos péchés... vos mains...
vos doigts... vos lèvres... votre langue... la vase du péché s’infiltre
partout.»
Voyons
aussi le Psaume soixante-six: {#Ps 66:18} «Si j’avais conçu l’iniquité dans mon cœur, le Seigneur ne
m’aurait pas exaucé.» Combien plus grave encore, si le péché conçu dans le cœur
devient par les mains une puissance agissante! Une fois pour toutes, disons
clairement, sans réticences: «Le péché est un obstacle à la prière».
Cela n’a rien de surprenant; c’est le contraire qui le serait. La prière nous
met en relation avec Dieu; le péché rompt toute relation avec Lui.
Supposez
que mon appartement soit relié par un fil direct avec ma maison de Cleveland et
que quelqu’un détende le fil et lui fasse toucher le sol sur une longue
étendue; pourrai-je télégraphier par ce fil? Un enfant même sait que cela me
serait impossible. Supposez aussi que quelqu’un coupe le fil; les deux bouts
sont séparés; il n’y a pas un kilomètre, que dis-je? peut-être pas un mètre de
distance; mais cela suffit: les deux fils sont nettement séparés. Réussirai-je
à télégraphier par ce fil?
Assurément
non. Et pourtant, je pourrais être assis dans ma chambre et télégraphier une
heure durant, complètement absorbé; je pourrais expédier le plus beau et le
plus persuasif des discours. A quoi bon? Le fil est coupé. Tout mon beau
plaidoyer s’en va dans les airs ou dans la terre. De même, le péché coupe le
fil et le message disparaît dans le sol.
«Parfaitement,
me dira-t-on; mais, par cette affirmation, vous nous coupez à nous tous toute
communication. Chacun de nous n’a-t-il pas sur la conscience quelque péché,
petit ou grand, contre lequel il doit lutter et qu’il doit surmonter sans
cesse?» Il est certainement exact que plus un homme se sent près de Dieu, plus
il est conscient de ses tendances pécheresses, même s’il remporte
continuellement la victoire. Voici simplement ce que veut dire l’Ecriture: «Si
je conserve dans ma vie un interdit, si je n’obéis pas à l’ordre du Maître, je
commets un péché. Mon action peut être mauvaise en elle-même, comme elle peut
ne pas l’être; qui sait? elle peut être juste aux yeux d’un autre.
Qu’importe!
si la voix intérieure, fidèle et sereine, a parlé, si je sais ce que le Maître
désire et si je n’obéis pas, j’ai péché. Alors il est inutile de prier, c’est
une pure perte de temps; dans cette situation, la prière ne peut que provoquer
des déceptions. En effet, je me dirai: «Je ne suis pas aussi bon que celui-ci
ou celui-là; toutefois, je ne suis pas tellement mauvais, puisque je prie.»
En réalité, parce que j’ai rompu avec Dieu, ma prière—ou plutôt les mots que je
dis sous forme de prière—n’a absolument aucune valeur.»
Vous
voyez que le péché est une insulte faite à Dieu. Il peut être poli, civilisé;
il est capable d’atteindre un haut degré de finesse ou il peut être tout à fait
vulgaire. Un homme se soucie-t-il de la nature du gourdin qui le frappe?
Comment, Dieu et moi, pouvons-nous causer ensemble si j’ai péché et si, persévérant
dans cet état, je n’ai pas imploré Son pardon? Et si nous ne pouvons causer
avec Dieu quand nous demeurons dans le péché, nous ne pourrons naturellement
travailler ensemble. Or, la prière est un travail fait de concert avec Dieu.
Prier, c’est hâter l’exécution du plan que Dieu a fait pour notre monde. Et
nous, qui savons cela, n’arracherons-nous pas de nos cœurs ce qui est mal?
N’y
mettrons-nous pas à la place ce que le Maître désire? Ne le ferons-nous pas au
nom de Jésus?
Au nom
des hommes même? Au nom de ces pauvres hommes trompés qui sont tenus loin de
Dieu, parce qu’il ne peut les atteindre par notre moyen? Ne nous
humilierons-nous pas et ne demanderons-nous pas pardon pour notre péché, notre
entêtement mesquin qui a contrarié le plan d’amour du Maître? Pendant que nous
implorons notre pardon, il y a, là-bas, des vies faussées, arrêtées dans leur
développement—pis peut-être—uniquement à cause de l’obstacle qu’il y a en nous;
et ces vies, tandis que nous sortons de cette assemblée, restent plongées dans
ce triste état.
Puisse
cette pensée, à l’avenir, nous rendre particulièrement attentifs à nos actes!
2. Le
péché, point d’appui donné à Satan
La Bible
parle d’un second obstacle à l’exaucement de la prière. Il en est question dans
l’épître de Jacques: {#Jas
4:2-3} «Vous ne
possédez pas, parce que vous ne demandez pas». Voilà qui explique mainte vie
desséchée, mainte Eglise endormie et plus d’un problème insoluble. Nous
n’offrons pas au Créateur l’occasion d’intervenir. L’apôtre continue et dit:
«Vous demandez et vous ne recevez pas». Ah! nous y voilà! Cette absence de
réponse à nos prières est évidemment une vieille question. Mais pourquoi ne
recevez-vous pas? «Parce que vous demandez mal, parce que vous demandez dans le
but de satisfaire vos passions» Ce qui veut dire que notre prière est égoïste,
que nous réclamons ce que nous désirons pour notre propre usage.
Voici une
mère qui prie pour son fils, presque un jeune homme déjà; ce n’est pas un
chrétien, c’est toutefois un brave garçon. Elle se dit: Je désire que mon fils
me fasse honneur; il porte mon nom; mon sang coule dans ses veines. Je souhaite
qu’il soit. un homme distingué, qu’il honore sa famille.
Certainement
il sera tout cela s’il est un vrai chrétien. Je désire donc qu’il devienne
chrétien. C’est ainsi qu’elle prie sans cesse, avec ferveur. Dieu pourrait
toucher le cœur de son garçon et dire: «J’ai besoin de toi aux Indes pour
m’aider à regagner mon territoire». Mais elle, la mère, ne pensait pas à cela.
Son fils, là-bas, si loin, aux Indes! Oh! non, pas cela! C’est par égoïsme
qu’elle a prié. Sa prière est un ruisseau qui se déverse dans une mer morte.
Elle ne pensait pas à Dieu, à Son oeuvre de salut pour notre pauvre monde abusé
par le péché. La prière de cette femme est en elle-même, et, étant donné son
objet, tout à fait naturelle, et Dieu a exaucé déjà un nombre incalculable de
demandes semblables. Mais, prenons-y garde, le motif égoïste, l’égoïsme qui
l’anime, devient un marchepied pour Satan, et ainsi le but de la prière se
trouve déplacé.
Voici
maintenant une autre femme priant pour que son mari devienne chrétien. Sa
pensée est celle-ci:
«Je
désire qu’il se convertisse; cela serait si gentil; vraiment, il n’y aurait
rien de plus beau; il viendrait à l’église avec moi et s’assiérait à notre
banc; ce serait parfait». Elle pense probablement encore qu’il né jurerait
plus, qu’il ne boirait plus et serait plus aimable à la maison. Elle ajoute
peut-être: «Il prierait avant les repas! Nous aurions le culte de famille». Il
se pourrait bien que l’exaucement de sa prière ne soit pas immédiat. Voici ce
que j’en pense moi-même: «Si les pensées de cette femme ne dépassent pas un
certain cercle d’idées, vous auriez raison de la qualifier d’égoïste. Elle
pense à elle-même et non pas à Dieu qui est affligé de voir son mari dans un
état de rébellion contre Ses lois.
Qui sait,
Dieu pourrait toucher le cœur de son mari et lui dire: «J’ai besoin de toi pour
la conquête du monde». Ce changement de vie amènerait probablement une
diminution de ses revenus, changerait sa position sociale. Oh! non, elle
n’avait pas songé à ces transformations, mais uniquement à son propre
avantage».
Voici
maintenant un pasteur qui demande à Dieu le réveil de son Eglise. Ses pensées
intimes, à peine connues de lui-même, sont peut-être celles-ci; «Puissions-nous
avoir un puissant réveil dans notre Eglise; puisse le nombre de ses membres
s’accroître, la fréquentation des cultes augmenter; nos finances seront
améliorées; mon propre traitement sera élevé et mon Eglise fera parler d’elle; qui
sait, je pourrai être promu à un poste plus important. Ah! si seulement nous
avions un réveil!»
Aucun
pasteur, de nos jours, ne tiendrait un tel langage, ni n’entretiendrait de
propos délibéré une telle pensée. Mais vous savez quelle ruse se cache dans le
tréfonds de nos cœurs. S’il arrive donc que nous ayons de telles pensées à la
base de nos prières, le motif en est évidemment égoïste. C’est ainsi que Satan
en a changé le nom et le caractère. Notez, je vous prie, que ce n’est pas par
répugnance à accomplir une chose désirable que Dieu n’exauce pas de telles
prières. Au contraire, jamais Il ne perd l’occasion de travailler pour Son
peuple, pourvu qu’il ait quelque chance de réussite; Il lui arrive même
d’employer des hommes dont les conceptions sont fausses et les motifs
intéressés.
La raison
de son refus est plus profonde: c’est que l’égoïsme permet à Satan de prendre
pied; il lui donne un refuge dans notre cœur. Le diable fait tout son possible
pour arrêter nos prières et, quand il ne peut y réussir, il s’efforce, autant
que faire se peut, d’en gâter les résultats.
On peut,
en toute conscience, prier pour plusieurs motifs tout à fait personnels: pour
se maintenir en santé, pour être guéri; on prie pour ceux qu’on aime; on prie
quand on a besoin d’argent; en vérité, nous osons prier pour mille choses qui
peuvent ne pas être nécessaires, mais seulement désirables, car notre Dieu est
un Dieu d’amour dont le désir est que Ses créatures jouissent pleinement de la
vie.
La raison
pour laquelle nous prions, voilà ce qui détermine le bien-fondé de nos
requêtes. Quand le but de la vie d’un homme est le plan de Dieu, toutes ces
choses peuvent être demandées librement, selon l’inspiration du Saint-Esprit.
Et point n’est besoin de se creuser la tête, de réfléchir sans cesse. Il
sait
si le but de nos cœurs correspond à Ses désirs.
3. Le
plus court chemin pour aller à Dieu
Un
troisième obstacle à la prière est un esprit rancunier. Vous avez pu remarquer
que Jésus parle beaucoup de la prière et beaucoup aussi de pardon; mais
avez-vous observé combien souvent Il joint ces deux mots: prière et pardon? Je
me suis souvent demandé pourquoi; maintenant, cela ne m’étonne guère.
L’explication monte de toutes les blessures mal fermées que nous observons de
partout. Même lorsque l’on n’entend pas de plainte, il suffit d’ouvrir les yeux
pour voir combien délicat est notre épiderme et vive notre sensibilité, pour
apercevoir de tous côtés, largement ouvertes des plaies que personne n’a
soignées.
Les
nombreuses allusions de Jésus à ce sujet nous montrent combien l’Oriental et
l’Occidental, le premier et le vingtième siècle se ressemblent. Prenez
l’Évangile de Matthieu, vous y lirez: «Si tu t’approches de
l’autel—c’est-à-dire de Dieu par la prière—et que tu te souviennes que ton
frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande et t’en va
jusqu’à ce que tu sois réconcilié» (Mt 5:23-
24.. Voici venir un homme avec un
agneau; il s’approche avec solennité et respect de l’autel de Dieu. Mais comme
il s’avance, subitement surgit dans son esprit l’image d’un homme avec lequel
il a eu quelques difficultés. A ce seul souvenir, ses poings se serrent, ses
dents grincent. Jésus dit: «Si tel est le cas, laisse là ton agneau». Comment!
il faut s’en aller, brusquement? Que vont dire les gens qui se rendent au
temple?—«Pose l’agneau et t’en va.—Le plus court chemin pour aller à Dieu n’est
pas celui de l’autel, mais celui qui passe devant la maison de ton ennemi.—Premièrement,
réconcilie-toi— la réconciliation d’abord, c’est absolument essentiel—ensuite,
va et présente ton offrande.»
Dans le
chapitre six de saint Matthieu, {#Mt 6:9-15} Dieu nous donne la prière-type que nous appelons communément
l’oraison dominicale. Elle renferme sept demandes, dont une, celle du pardon,
reçoit un accent tout spécial.
Au
chapitre dix-huitième {#Mt
18:19}, nous
voyons Jésus s’entretenant seul avec ses disciples sur la prière. Pierre semble
se souvenir des remarques faites précédemment sur les relations du pardon et de
la prière; il pose cette question: «Mais combien de fois dois-je pardonner
à un homme? Sera-ce jusqu’à sept fois?»—Sûrement, Pierre estime qu’il a
fait de grands progrès spirituels, puisqu’il peut maintenant penser à pardonner
sept fois de suite à son prochain. Le Maître lui répond: «Pierre, tu ne m’as
pas compris. Le pardon n’est pas du domaine des mathématiques; il ne s’agit pas
de faire à ton prochain tel ou tel crédit. Ce n’est pas sept fois, mais soixante-dix
fois sept fois» Et les yeux de l’apôtre s’ouvrent tout grands
d’étonnement—«Quatre cent quatre-vingt-dix fois... successivement... à un seul
homme!...» Jésus, apparemment, espère par là qu’il se fatiguera de compter et
conclura que le pardon est préférable à tout; ce que Jésus veut, c’est que Son
disciple arrive à s’imprégner de
l’esprit
du pardon.
Selon son
habitude, Jésus leur raconta une histoire pour illustrer sa pensée: «Un homme
devait à son maître une somme énorme, mille talents, c’est-à-dire une somme
que, en fait, il ne pouvait pas payer et qui correspond à des millions de notre
monnaie. Le débiteur se rendit chez son créancier et lui demanda un délai. «Je
n’ai pas les fonds en ce moment, lui dit-il, mais j’ai la ferme intention de
payer; je ne veux nullement me dérober à mes obligations; je demande un
arrangement et, en temps voulu, je paierai la somme entière.» Le maître alors
lui remit complètement sa dette.—Tel est le tableau que Jésus fait de Dieu, et
personne ne connaît mieux le Père que le Fils.
-Cet
homme sortit alors et trouva un camarade qui lui devait—ceci nous montre que
Jésus avait un sens profond du comique—qui lui devait quatre-vingts francs et
quelques centimes; aussitôt il le saisit à la gorge et lui dit: «Paie-moi ce
que tu me dois». Son débiteur de le supplier instamment et de lui dire: «Je
t’en prie, sois accommodant; j’ai la ferme intention de payer; je suis
justement à court ces jours-ci, mais je ne veux nullement me dérober à mes
obligations; aie un peu de patience». Ces mots sont familiers à celui auxquels
ils s’adressent, mais il ne veut pas les entendre et fait jeter son débiteur en
prison, ce qui n’était guère le moyen de se faire payer.
Telle est
la peinture que Jésus fait de l’homme, et qui, mieux que lui, connaît le cœur
de l’homme? Il nous dit, en effet, que le pardon que Dieu nous a accordé est
celui d’une faute énorme. Que sont donc les torts des autres à notre égard en
comparaison de ce qui nous a été pardonné? Et combien mesquins et petits nous
sommes dans nos pensées et nos sentiments!
«Mais, me
dira-t-on, vous ne savez pas combien il est dur de pardonner.» Oui, je le sais,
je sais’ qu’il y a des choses difficiles à oublier, des cas où l’on ne peut
pardonner, de soi-même. Je suis heureux d’ajouter que je sais aussi
autre chose; que je sais que, si vous laissez l’Esprit de Jésus remplir votre
cœur, Il vous fera aimer des personnes que vous haïssez; et ce ne sera pas une
simple attraction suscitée par une similitude de caractères, mais un vrai
amour, une vraie sympathie venant du cœur. L’amour de Jésus, quand on lui
laisse libre accès, remplit le cœur de pitié pour la personne qui vous a blessé
il suscite une compassion tendre et infinie pour cette créature qu’une chute si
profonde a rendue capable d’une si méchante action.
Ce dont
il faut se souvenir avant tout, ce sur quoi nous devons insister, c’est que
nous devons pardonner librement, franchement, généreusement, «exactement
comme Dieu», si nous voulons être unis à Lui par la prière. La raison en
est simple à trouver: le pardon mène à Dieu, la haine à Satan. Si la prière,
dans son sens le plus élevé, est une association, le même esprit doit animer
les deux associés, Dieu et l’homme; c’est le seul moyen d’obtenir de grands
résultats.
Puisque
les racines de la rancune plongent dans la haine, Satan a toute liberté d’agir
dans le cœur d’un homme qui s’y adonne-La rancune! quelle famille se
groupe autour de ce mot, au près et au loin!
La
jalousie, l’envie, l’amertume, les mots acerbes, le sarcasme aiguisé et acéré
comme le dard empoisonné d’une flèche, les regards mauvais, les lèvres amères:
quelle triste parenté!
4. Éclaire-moi,
ô mon Dieu!
Le péché,
l’égoïsme, la rancune, que ces mots sont révélateurs! Plus d’une belle vie
passe spirituellement inutile, à cause de ces obstacles; et, par là même, le
grand plan d’amour de Dieu est contrecarré; et des âmes sont perdues, à cause
du petit nombre d’associés fidèles priant pour le salut du monde.
Adressons
au Ciel cette prière: «Éclaire-moi, ô Dieu, connais mon coeur et aide-moi à le
connaître; sonde-moi; pénètre mes pensées les plus profondes, mon but, mes
ambitions les plus intimes, et aide-moi à les connaître; vois ce qui, en moi,
est une source de chagrin pour Toi; puis conduis-moi, conduis-moi loin de cette
voie dangereuse, dans Ta voie qui mène à la vie éternelle. {#Ps 139:23-24} Au nom de Jésus et pour l’amour des
hommes. Amen!»
CHAPITRE
II
Pourquoi
l’exaucement tarde-t-il?
1. Comment
Dieu s’approche de l’homme
Dieu
influence les hommes par les hommes; le chemin de l’esprit vers un cœur humain
passe par un autre cœur humain. Nous pouvons dire, avec le respect dû à Dieu,
et pourtant en toute vérité, que son plan de salut est entravé par des
obstacles venant des hommes. Ces paroles paraissent signifier plus qu’elles ne
signifient vraiment. L’idée que nous nous faisons de l’humanité est celle d’une
société affaiblie, humiliée, amoindrie; mais quels grands changements peuvent
survenir dès que l’Esprit de Dieu règne en Maître.
Dieu a
besoin de l’homme pour achever son oeuvre; voilà le fait qui ressort d’une
étude sur la prière. La prière est le meilleur agent de Dieu; c’est aussi le
meilleur agent de l’homme, car l’intercession consiste à vaincre Satan et à
gagner des hommes. Dieu compte sur notre effort, et Il peut compter entièrement
sur l’homme qui, fidèlement, pratique la prière.
Les
résultats que notre Père souhaite ont été retardés; ils ont été amoindris,
parce que beaucoup d’entre nous n’ont pas appris à prier simplement et
efficacement. Cela doit être appris. Dieu le sait et facilitera lui-même notre
tâche. Nous devons dès lors être consentants, et notre consentement doit être
actif; c’est là que gît la difficulté. Une forte volonté, cédant entièrement à
la volonté divine, abdiquant ses droits devant des droits plus grands, voilà le
plus puissant allié du Créateur pour Son oeuvre de rédemption.
Dieu
retarde l’exaucement ou refuse de répondre à nos prières, soit par bonté, soit
pour nous donner davantage, soit encore pour atteindre un résultat plus
important; mais le fait primordial, c’est que les plans de Dieu sont
entravés, entravés parce que nous ne voulons pas apprendre à prier,
entravés par notre lenteur—je dirais presque notre stupidité—à apprendre à
prier. Que ma prière soit exaucée ou non, cela importe peu, semble-t-il. Je ne
nuis guère qu’à moi-même en priant peu ou en priant dans de mauvaises
conditions. C’est là une grave erreur, car c’est une chose terrible que, par ma
faute, l’exécution du plan de Dieu, à l’égard du monde puisse être retardée.
L’idée que la prière consiste dans un exaucement personnel est bien petite,
bien mesquine, et pourtant bien courante bien comprise, la prière fait de nous,
en réalité, les collaborateurs de Dieu dans son oeuvre mondiale, et le reste
vient à côté, comme un détail, d’ailleurs important.
La vraie
raison du retard ou de l’échec dans l’exaucement est simplement la différence
qu’il y a entre les points de vue divin et humain. Quand nous prions, ou bien
nous n’avons pas atteint le degré de sagesse nécessaire, ou bien nous n’avons
pas acquis le désintéressement qui nous rend propres à sacrifier une chose
bonne à une meilleure, à la meilleure, le désintéressement qui sacrifie un
petit désir personnel au salut des foules.
La
méthode d’enseignement qu’affectionnait tout particulièrement Jésus était la
méthode imagée; c’est par des comparaisons, par des récits, par des images que
filtre mémoire est le plus vivement impressionnée. A notre tour, recourons à ce
procédé. Il y a, dans la Bible, quatre exemples frappants de prières non
exaucées. On pourrait en donner d’autres, mais ces quatre exemples ressortent
tout spécialement et contiennent les principaux enseignements dont nous avons
besoin. Tous les cas de prières non exaucées qui nous sont familiers se
rattachent probablement à l’un de ces types; exceptons-en toutefois les cas où
entre en jeu le grand obstacle extérieur que nous étudierons plus tard.
Ces
quatre cas sont: la demande de Moïse d’entrer en Canaan, la prière d’Anne
demandant un fils, l’écharde de Paul et la prière de Jésus à Gethsémané. Étudions-les tour à tour.
2. Pour
le salut d’un peuple
Le
premier cas est le refus qu’encourut la demande de Moïse.
Moïse
était le guide de son peuple; d’où qu’on le considère, sous quelque angle qu’on
l’examine, c’est un des géants de la race humaine. Ses lois sont encore la base
de la jurisprudence. Nous voyons, par le récit qu’il nous fait de sa vie, que
le secret de son pouvoir comme législateur, comme organisateur d’une nation aux
destinées merveilleuses, comme chef et comme homme de erre, nous voyons,
dis-je, que le secret de toute sa puissance résidait dans son commerce direct
avec Dieu. Il a été et est encore aujourd’hui un type d’homme de prière. Il
rapportait tout à Dieu et déclarait que toutes choses: lois, organisation,
culte, plans, que tout lui venait de Dieu. Dans des circonstances critiques,
quand une catastrophe morale était imminente, il implorait Dieu, et la
situation était changée selon sa requête. Ses demandes personnelles lui étaient
accordées. C’était avant tout un homme qui traitait avec Dieu directement, en
toutes circonstances, simples ou complexes, personnelles ou d’ordre national.
Ce que nous savons de lui montre que la prière est la simple et profonde
explication de sa carrière étonnante. Il priait et Dieu agissait selon les
prières de l’homme qu’il avait choisi. L’histoire de Moïse est la preuve de
cette affirmation.
Nous
trouvons toutefois dans sa vie une exception, une seule. Le fait que
l’exception est unique dans une longue carrière est justement ce qui rend ce
cas si frappant. Moïse, à différentes reprises, pria Dieu de lui accorder un
certain exaucement, et toujours il lui fut refusé. Dieu pourtant n’est ni
capricieux, ni arbitraire; il doit donc y avoir une raison à ce refus. La
raison existe en effet, claire et compréhensible.
Voici les
faits: Le peuple d’Israël, libéré du joug des Pharaons, était une troupe indisciplinée
et avec laquelle il était difficile de vivre toujours d’accord. Les Israélites
étaient lents, sensuels, mesquins, ignorants, impulsifs, immodérés, pénibles,
énervants. Quelle entreprise que de vouloir faire de ces anciens esclaves une
nation, la nation par excellence, dans laquelle se concentraient toute
l’ambition profonde et tout l’amour clairvoyant de Dieu; quelle entreprise que
de transformer le monde avec un si misérable outil! Comparez-les avec l’Eglise
édifiée par les apôtres, ces paysans de Galilée. Quelle victoire! Dieu seul
pouvait accomplir de telles choses! Mais quelle patience il fallut pour éduquer
ce peuple! Moïse avait appris la patience quand il vivait avec ses brebis dans
le désert; Dieu la lui avait enseignée; mais le caractère inconstant de ce
troupeau d’anciens esclaves porta cette qualité bien près de la perfection.
Venons-en
maintenant au fait qui nous occupe Le peuple d’Israël manque d’eau; la soif
l’oppresse, et la soif n’était pas peu de chose au milieu de ces déserts de sable;
il y avait là des milliers d’êtres humains, des femmes, des enfants, du bétail,
qui en souffraient. Tout cela, pourtant, avait peu d’importance, très peu même,
car Dieu était là et l’expédition était Sa chose, Sa préoccupation; cet
étrange voyage était Son affaire. De plus, dans leur courte expérience, les
fugitifs connaissaient leur Guide suffisamment bien pour oser attendre un
secours correspondant à leurs besoins... et plus encore. Ne se souvenaient-ils
plus de cette série d’événements étonnants qui eurent lieu, avant la sortie de
l’Egypte? Avaient-ils oublié le passage de la Mer Rouge, la nourriture fraîche
déposée chaque jour à la porte dé chaque tente, le gibier, les oiseaux
exquis—et cela seul eût dû suffire— l’eau, l’eau de source coulant fraîche,
abondante et limpide du coeur d’un rocher, Oui, assurément, c’était fort peu de
chose que de manquer d’eau quand un Dieu généreux marchait avec Son peuple.
Mais,
ils oublièrent. Leurs
sens étaient plus aiguisés que leurs mémoires; leurs appétits les guidaient
plus que leurs cœurs, et les oignons d’Egypte avaient produit sur eux une
impression plus durable que ce Dieu tendre et patient. Ils oublièrent même les
eaux limpides jaillissant des rochers.
Nous
devons être de la même race que ce peuple, car il semble que nous ayons plus
d’un trait commun avec lui.
Mais
écoutez la suite. Ils commencent à se plaindre. Dieu, patient, ne dit rien,
mais pourvoit à leurs besoins. Moïse, lui, n’a pas encore atteint le haut
développement auquel l’amèneront des expériences ultérieures. Il remplace Dieu
auprès des Israélites. Combien toutefois il Lui ressemble peu! Irrité, il
prononce des paroles de colère et frappe le roc. Il était dans le plan
de Dieu de le frapper une fois et de parler ensuite avec calme. Combien de
fois, nous aussi, n’avons-nous pas frappé le roc dans notre impatience. Les
eaux néanmoins jaillirent. Voilà la réponse de Dieu, plein de sollicitude
pour ceux qui viennent de Le mépriser et de Lui désobéir.
Et
maintenant, tout le peuple, penché vers le ruisseau, se désaltère, tandis que
Dieu, là-haut, se tient dans l’ombre, affligé, profondément affligé de la
fausse idée que Son peuple s’est faite de Lui, à cause de la colère de Moïse.
Les paroles enflammées et le regard irrité de ce dernier ont occasionné dans
leurs esprits une blessure morale que des années ne guériront pas. Il faut que
quelque chose soit fait en faveur du peuple. Moïse a désobéi à Dieu; Moïse a
déshonoré Dieu, et toutefois les eaux ont été accordées, car les Israélites
en avaient besoin, mais il fallait qu’ils apprissent la nécessité de
l’obéissance, le danger de la désobéissance; il fallait qu’ils l’apprissent de
manière à ne jamais l’oublier.
Moïse
était un chef. Les chefs peuvent ne pas agir comme de simples mortels; on ne
les traite pas non plus de la même manière, car ils dominent le peuple de très
haut et leur influence est immense.
Aussi
Dieu dit à Moïse: «Tu n’entreras pas dans le pays de Canaan; tu conduiras mon
peuple jusqu’à la frontière; tu pourras même apercevoir le pays de loin, mais
tu n’y entreras pas.»
Punition
sévère pour Moïse, mais plus dure encore pour Dieu, dont le cœur est plus
tendre que celui de Moïse. Il est hors de doute que ces paroles rigoureuses
furent prononcées bien à contrecœur; elles furent dites pour le bien
de Moïse. Il n’importe, elles furent prononcées nettement, irrévocablement,
pour le bien de tous. Moïse désirait ardemment que cette décision pût
être changée; plusieurs fois il supplia l’Eternel de revenir sur Ses paroles
sévères, car il désirait voir ce pays merveilleux que Dieu avait choisi; il
sentait le dard de la punition; la brûlure du fouet de la discipline le faisait
cruellement souffrir. Dieu lui répondit: «Ne me parle plus de cela.» Donc, rien
à faire; la décision était irrévocable. Elle ne l’eût pas été si Moïse seul
avait été en cause, car les actions qui précédèrent sa faute parlaient
hautement en sa faveur; mais il s’agissait du salut d’une nation, bien plus, du
salut de tout un monde prodigue dont cette nation devait être l’instrument;
Dieu ne pouvait revenir en arrière. Ce refus, pour les Hébreux, fut une leçon
d’obéissance, une leçon de respect, qu’aucun ordre, aucun miracle, même la mort
des Égyptiens dans la Mer Rouge, n’avaient encore obtenue, et, de tente en
tente, alors qu’on se réunissait pour le repas du soir, on chuchotait ces
paroles: «Moïse a désobéi; il a manqué de respect à Dieu; il n’entrera pas dans
le pays de Canaan.» Ces paroles se disaient à l’oreille; elles attristaient les
cœurs, et, à mesure qu’elles passaient de bouche en bouche, on voyait sur les
visages des signes de frayeur et d’émotion. Bien des femmes et des enfants
pleuraient. Ils aimaient tous Moïse, et tous ils l’honoraient. Quelle joie ils
auraient eue de le voir franchir avec eux les frontières de la terre promise!
Ces deux
mots: obéissance..., désobéissance, restèrent, des années durant, présents à
l’esprit du peuple. Longtemps après, il est sûrement arrivé qu’une femme
israélite raconta à son enfant, curieux d’entendre une histoire, celle de
Moïse, le grand conducteur du peuple d’Israël; elle lui aura décrit son aspect
extérieur, ses yeux enfoncés, sa longue barbe, son air majestueux, et, avec
tout cela, sa tendresse et la douceur qui accompagnait sa force; elle lui aura
sûrement parlé de sa rencontre avec Dieu sur la montagne. L’enfant a écouté
tranquillement; puis ses yeux se sont ouverts tout grands en entendant sa mère
conclure par ces mots: «Mais il ne put entrer dans la terre promise, car il désobéit
à Dieu». Plus d’un père a répété maintes fois à ses garçons l’histoire du
grand prophète, et ainsi furent tissés, dans la trame même de la vie nationale,
ces mots: obéissance, respectueuse obéissance à Dieu. Quant à Moïse,
nous pouvons facilement nous le représenter regardant du haut des cieux sur la
terre, heureux de ce que sa demande ait été refusée pour le salut de son
peuple. La
prière d’un homme ne fut pas exaucée pour qu’une nation apprît l’obéissance.
3. Rejet
d’une prière en vue d’une plus grande bénédiction
Étudions maintenant le deuxième cas, l’histoire d’Anne, et traçons tout d’abord quelques
lignes générales pour situer le sujet.
Dans le
temps qui sépare les deux captivités, celle d’Egypte et celle de Chaldée, le
peuple d’Israël passa moralement par deux périodes d’effondrement; par deux
fois, l’esprit national subit un triste déclin, jusqu’à ce qu’il s’annihilât
dans la vallée de l’Euphrate. Elie fit une suprême tentative qui retarda
quelque peu la catastrophe finale. L’histoire d’Anne se rattache par contre à
la première de ces tristes périodes, au premier affaiblissement, à la première
humiliation.
Depuis
longtemps déjà, le grand législateur n’est plus; son successeur, lui aussi, est
parti, suivi d’une génération, d’une seconde et de plusieurs encore. Les géants
ont fait place à des chefs de force inférieure; mais ces derniers aussi sont
partis. Les sommets des montagnes sont devenus des collines, celles-ci ce sont
transformées en dunes, puis tout a été nivelé, et maintenant, tout est plat,
mortellement plat.
Le peuple
d’Israël est sans guide. Il commença par ignorer son vrai Chef, ensuite il
l’oublia; sans idéal, il marche, la tête baissée, vers la terre qu’il laboure.
Il y a bien, au fond, dissimulé, un bon courant; mais il faudrait un chef pour
l’amener à la surface. Pauvre peuple égaré!
Telle
était la situation au temps où se passe l’histoire d’Anne. La nation descendait
rapidement vers les plus bas échelons de l’échelle morale. A Siloé, l’ancienne
forme de culte était maintenue; à quoi bon? Ses prêtres étaient souillés des
pires impuretés. Une anarchie lourde et inconsciente prévalait dans le pays.
Tout homme faisait ce qui lui semblait bon. Il n’y avait personne qui eût la
force de réprimer les abus ou la puissance de faire rougir de honte ceux qui
les commettaient. Pas de gouvernement, pas d’esprit dominant; on eût trouvé
chez le peuple d’Israël le même état que celui qui régnait à Sodome.
Voilà
l’arrière-plan du tableau où se passe l’histoire d’Anne, arrière-plan qu’il
importe de connaître si l’on veut comprendre la scène qui s’y déroula.
Dans la
partie montagneuse d’Ephraïm vivait un homme au cœur pur et bon; il était
fermier, cultivait la terre, récoltait du blé et des fruits. Homme sérieux, sa
piété, toutefois, ne dépassait pas celle de son épouse; habitant non loin de
Siloé, lieu de culte national, il s’y rendait chaque année avec sa famille;
mais la malédiction de Lamech était sur son foyer. Il avait deux femmes dont
Anne était la préférée. Aimable et réfléchie, elle était douée d’un esprit
profond et sérieux; malheureusement elle eut un désappointement qui s’accrut
avec les ans; son plus grand désir n’avait pas été accompli; elle n’avait pas
d’enfants.
Quoique
le fait ne soit pas mentionné, nous pouvons conclure du récit qu’elle suppliait
Dieu ardemment et incessamment; mais, à sa grande surprise, à son grand
chagrin, la réponse désirée n’arrivait pas. Sa rivale—quel triste mot pour la
femme qui vivait au même foyer!—augmentait son affliction et lui prodiguait les
mortifications pour la porter à s’irriter contre l’Eternel. Or, toutes les
années et durant toute l’année, il en était ainsi; cette femme méchante et
mesquine était son tourment continuel. Quel intérieur agréable! Est-il
étonnant, après cela, «que l’âme pleine d’amertume, elle ait pleuré»? Son mari
essaie tendrement de la consoler. En vain; son âme est blessée profondément. De
nouvelles
années passent et, de nouveau, supplications et prières montent au Ciel.
Toujours pas de réponse et toujours, autour d’elle, cette atmosphère amère, ces
allusions irritantes. «Pourquoi, se dit-elle, pourquoi ne suis-je pas exaucée?»
Que se
passait-il? Il est nécessaire de reculer un peu pour obtenir une vision plus
large du sujet, car les limites étroites de l’entourage de cette femme, et je
dirais presque de son esprit, nous empêchent d’en juger sainement.
Voici ce
qu’elle voyait; son plus grand espoir inexaucé, ses années de prière demeurant
sans résultat, une querelle incessante dans son propre foyer.
Voici ce
qu’elle désirait: un fils. Tel était son horizon et ses pensées ne le
dépassaient pas.
Voici ce
que Dieu voyait: une nation, la nation dont Il avait fait le centre de son plan
rédempteur, la nation qui devait ramener à Lui le monde prodigue. Or, le
messager envoyé vers l’enfant prodigue avait été séduit par ce dernier. La
nation rédemptrice s’était perdue elle-même; et le projet si longuement et si
patiemment nourri, dont la réalisation devait être le salut d’un monde, était
menacé
d’un
échec complet.
Voici ce
qu’il désirait: un chef! Mais il n’y en avait pas; pis même, il n’y
avait pas d’homme dont on pût faire un chef, aucun homme qui eût en lui
l’étoffe d’un général. Pis encore, il n’y avait pas de femmes capables
d’élever et de former un homme pour cette haute mission. Tel était le degré de
décadence auquel ce peuple était arrivé, le plus bas degré qu’une nation puisse
atteindre. Il fallait à Dieu une femme d’élite avant d’avoir l’homme d’élite.
Anne avait les qualités dont Il avait besoin: Dieu lui fit l’honneur de la
choisir. Mais, avant qu’elle pût être utile, il fallait que son cœur fût
changé.
Viennent
alors ces années d’épreuves, de soucis, qui avaient pour but de discipliner son
cœur. Ce temps d’épreuve, les expériences qu’elle en tira, en firent une
nouvelle femme dont la vision s’était élargie, l’esprit mûri et les forces
développées; une femme dont la ferme volonté savait se plier devant une volonté
plus haute et sacrifier le plus grand de ses désirs à l’intérêt mondial; une
femme, enfin, qui sut vouloir que son trésor le plus précieux fût avant tout
le trésor de son peuple.
Elle
passa en prière les mois pendant lesquels elle l’attendait. Et Samuel naquit,
enveloppé, dès avant sa naissance, d’une atmosphère de prière et de
consécration à la volonté de Dieu. L’influence de la piété maternelle produisit
l’homme que Dieu voulait, et ainsi une nation, la nation par excellence,
et le plan du salut du monde étaient sauvés. Cet homme était une réponse
vivante à la prière.
L’histoire
touchante du petit garçon du tabernacle de Silo se répandit rapidement à
travers la nation; son nom de Samuel—c’est-à-dire Dieu exauce—était une preuve
pour le peuple de la présence active de Dieu et du pouvoir de la prière.
Samuel, comme enfant, comme homme et comme vieillard, était une preuve visible
de l’exaucement de la prière et la reconnaissance de la foi religieuse, que son
activité suscita dans le peuple, eut son point de départ dans l’histoire
extraordinaire de sa naissance.
Dieu
retarda sa réponse pour pouvoir donner davantage. Et le joyeux cantique de louange,
qui sortit des lèvres d’Anne, montre la perfection morale que son âme avait
atteinte; il montre aussi sa reconnaissance pour ce Dieu qui, patiemment et à
dessein, avait retardé sa réponse.
4. L’explication
d’une grande épreuve
La
troisième grande figure de ce groupe est celle de Paul.
Lorsqu’on
parle de l’exaucement de nos prières, une question se pose presque
inévitablement: «Comment expliquer l’écharde dans la chair dont parle Paul?»
Cette question, des âmes sérieusement embarrassées se la sont posée; elle a été
soulevée aussi par des gens heureux de rencontrer cette difficulté pour en
tirer une théorie hostile au christianisme.
Ces
quatre portraits: de Moïse, d’Anne? de Paul, de Jésus, nous ont été donnés pour
notre édification examinons maintenant le troisième et voyons l’apport dont
cette belle figure enrichira nos cœurs.
Et, tout
d’abord, étudions Paul lui-même. La meilleure explication de cette écharde»
c’est lui qui nous la donne; l’homme explique l’épreuve.
La tête
de Paul est entourée d’une auréole de gloire; quel homme consacré à Dieu! Il
fut son élu pour un ministère spécial. Un des douze apôtres aurait pu être
choisi pour ouvrir la porte du grand monde païen; mais Dieu préféra sortir de
ce cercle et choisir, pour ce vaste domaine, un homme d’éducation différente.
Né et
éduqué eh pleine atmosphère juive, jamais il ne perdit le point de vue juif;
toutefois son entourage, le contact qu’il eut avec la culture grecque, la
tournure de son esprit, le rendirent particulièrement apte à la tâche immense
qui lui fut dévolue. Son esprit éminemment dialectique, sa vive imagination, sa
volonté de fer, sa piété ardente, sa persévérance inébranlable, le tendre
attachement qu’il professait pour son Maître font de lui un homme hors pair.
On
s’explique dès lors le désir de Dieu d’attacher à Son service un homme de cette
envergure. Paul, cependant, avait ses côtés faibles. Évoquons les modestement,
nous souvenant qu’une faute chez lui rappelle les fautes innombrables que nous
avons commises nous-mêmes. Le point faible d’un homme est généralement le
contraire de son point fort. Paul avait une volonté terrible; jugé sous cet
angle, il était un géant, un Hercule. Ses voyages incessants, pleins dé
redoutables expériences proclament cette volonté forte et surhumaine. Mais,
avouons-le, il lui arrivait de pousser à l’extrême cette énergie. C’était un
effet, sans doute, de ses nerfs surexcités. Mais enfin, parfois, il était
obstiné, entêté et dur; parfois, il attaquait avec violence, il fonçait, la
tête baissée. Disons-le tout bas, car nous parlons de notre vieux saint
Paul qui nous est infiniment cher; mais disons-le cependant, car c’est la
vérité.
Dieu eut
à lutter pour maintenir Paul dans le chemin qu’il désirait lui voir suivre, car
l’apôtre avait parfois ses projets à lui. Si vous voulez vous en rendre compte,
considérez-le dans ses tournées, suivez-le quand il s’élance passionnément à
l’assaut des idées païennes. Lisez, par exemple, dans le seizième chapitre du
livre des Actes: «Ayant été empêchés par le Saint-Esprit d’annoncer la Parole
dans l’Asie...» {#Ac
16:6} et
rapprochez ces paroles de la maladie qui le frappa en Galatie, où lui parvint
cette défense de partir. Continuant notre lecture, nous trouvons ces mots: «Ils
se disposaient à entrer en Bithynie, mais l’esprit de Jésus ne le leur permit
pas». {#Ac 16:7}
Sont-ce
là les voies de l’Esprit de Dieu? Nous laisse-t-Il nous lancer dans une voie
pour nous arrêter subitement et nous faire rebrousser chemin? Assurément, c’est
ce qu’il est obligé de faire souvent avec nous; mais est-ce là la manière
d’agir qu’il préfère? Est-ce là sa vraie méthode?
Evidemment
non. Il préfère se tenir près de nous sans intervenir, invisible, mais
surveillant tous nos pas; Il préfère l’attitude de Jésus qui disait: «Pour moi,
je ne monte pas à la fête»; {#3Jn 7:8} puis qui, quelques jours plus tard, y monte, car Il en avait reçu
l’ordre formel. Ces mots: Ils se disposaient à aller... Ils furent empêchés...
Il ne permit pas... sont des mots révélateurs; ils nous font connaître le
caractère de Paul, cet homme énergique.
Il y a
encore une preuve beaucoup plus forte. Paul caressait l’ambition de parler aux Juifs
de Jérusalem; dès le début de sa nouvelle vie, ce désir le brûla. Le mot de
Jérusalem semble avoir hanté ses pensées et ses rêves. Oh! si seulement
il pouvait parler à ces Juifs de Jérusalem! Il les connaissait. Il s’était
formé au milieu d’eux. Il était un des chef de la jeunesse juive; et, quand ses
compatriotes étaient enflammés de colère contre ces chrétiens, lui l’était plus
qu’aucun d’entre eux.
Ces Juifs
le connaissaient aussi; ils comptaient sur Paul pour tenir tête à cette
nouvelle secte. Ah! Si seulement il avait l’occasion d’aller là-bas, il sentait
qu’il pourrait transformer le courant antichrétien. Mais dès l’heure critique
qu’il vécut sur le chemin de Damas, ces mots résonnèrent à ses oreilles «Les
Gentils!... Les Gentils!...» Et il avait obéi; oui, il avait obéi avec
toute l’ardeur de son cœur transformé.
Mais...
mais... ces Juifs de Jérusalem! Si seulement il pouvait aller vers eux!
Le
Maître, cependant, dès la conversion de Saul, ne permit pas à ce nouveau
disciple de Le servir à Jérusalem. Il lui fit connaître ses intentions par une
vision spéciale qu’il eut dans le temple: «Ils ne recevront pas ton témoignage
à mon sujet». {#Ac
22:17-21} Ces
paroles ne sont-elles pas assez catégoriques?—Pourtant, chose étonnante, Paul
essaie de prouver au Maître qu’il pourrait lui permettre de rester à Jérusalem.
C’était prendre trop de liberté. Comment! un subordonné discutant avec son
général en chef les ordres qui lui ont été dictés! C’en était trop! Le Maître
termine la vision par un commandement préparatoire: «Va! Je t’enverrai au
loin (loin de Jérusalem où tu désires agir) vers les païens».
Voilà un
portrait de cet homme; il nous révèle le côté faible de ce géant qui nous
domine par la force et par l’amour. Tel est l’homme que Dieu a employé
pour accomplir son plan; c’était évidemment l’homme le plus capable; dans sa
grandeur, il dépassait de la tête les hommes de sa génération et de celles qui
suivirent. Néanmoins, avec le respect qui lui est dû, nous devons ajouter que
Dieu eut de la peine à le faire travailler toujours dans la voie qu’il lui
avait destinée.
Ceci dit
de l’homme, voyons quelle était son écharde. D’après ce que nous savons, il y
eut quelque chose dans la vie de Paul qui fut pour lui une constante épreuve.
Il l’appelle une écharde; ce mot est très expressif: une pointe acérée
s’enfonçant dans sa chair, le piquant, le faisant souffrir sans cesse; qu’il
soit endormi ou éveillé, qu’il tisse de la toile, qu’il prêche ou qu’il écrive,
toujours cette épine plantait son dard dans sa chair vive. Il ne s’en émut pas
beaucoup au début, parce qu’il pouvait s’adresser à Dieu. Il le pria et Lui
dit: «Je T’en prie, enlève-la». Mais l’épine resta. Il renouvela sa prière une
deuxième fois, la faisant plus urgente à mesure que la douleur augmentait.
Aucun changement. L’épreuve du temps est la plus dure de toutes.—Toujours aucun
changement. Une troisième fois, il crie à Dieu, mettant dans sa prière toute
l’énergie et tout le sérieux possibles.
Remarquez
maintenant trois choses: Premièrement, il y eut une réponse. Dieu
répondit à l’homme. Quoiqu’il n’exauçât pas sa prière, Il lui répondit;
Il ne feignit pas de l’ignorer, lui et sa requête. Puis, il dit franchement à
Paul qu’il valait mieux ne pas enlever cette écharde. C’est probablement
pendant les longues heures d’une nuit d’insomnie que l’Esprit de Jésus
s’approcha de Paul. Sans être entendu de personne autre, Il lui parla
tendrement, avec la douceur d’un homme qui cause avec un ami «Paul, disait la voix,
Je connais cette écharde, Je sais qu’elle te blesse; elle Me blesse aussi. Si
Je ne regardais qu’à toi, Je l’enlèverais sans tarder; mais, Paul,—et sa voix
se faisait plus douce encore— vaut mieux, pour le salut des autres, que
tu continues d’en souffrir; par toi, Mon plan peut s’accomplir pour des
milliers et des milliers de tes frères»
Telles
furent les premières paroles de leur entretien. Et Paul resta couché,
réfléchissant, l’esprit profondément troublé.
Au bout
de quelques instants, la voix se fit de nouveau entendre, plus calme encore:
«Je serai à tes côtés; tu recevras de telles révélations de Ma gloire que ta
peine en sera atténuée; la gloire surpassera la douleur».
Je me
représente Paul, âgé et courbé, se tenant un soir dans la maison qu’il a louée
à Rome. Il est tard; la journée a été dure; les auditeurs sont tous partis.
L’apôtre, assis sur un vieux banc, jouit d’un peu de tranquillité avant d’aller
prendre quelques heures de repos. Il a, à ses côtés, Luc, l’ami fidèle, et le
jeune Timothée. Les yeux brillants, la voix tremblante d’émotion, il leur dit
justement: «Voyez-vous, mes amis, je ne voudrais pas ne pas avoir cette
écharde, à cause de la présence glorieuse et merveilleuse—il met tout son cœur
dans ses paroles et sa voix tremble d’émotion; —ayant dû s’interrompre, il
reprend: oui, à cause de la présence glorieuse et admirable de Jésus qui, par
le moyen de cette épreuve, m’a été accordée».
Ainsi
donc, une double bénédiction sortit de cette expérience; premièrement, le
travail eh vue de la rédemption de la terre fut activé, et secondement, la
communion entre Dieu et Paul devint beaucoup plus intime.
Dieu
répondit à la prière de l’homme, mais Il refusa de l’exaucer pour que cet homme
pût mieux servir Son Plan Rédempteur.
5. Priant
à genoux
Le
dernier de ces portraits ressemble à la Madone Sixtine de Raphaël au Musée, de
Dresde. Comme à Dresde aussi, une salle entière lui est réservée. On entre
silencieusement, respectueusement et l’on aperçoit Jésus à Gethsémané. Voici
le Cédron, la colline, le groupe de vieux oliviers noueux. La lune éclaire
nettement la scène qui s’y passe; sa lumière rend plus noire encore ce fouillis
d’ombre; sur le sol, quelques hommes; ils semblent dormir. Plus loin, parmi les
arbres, un plus petit groupe d’hommes se tient immobile. Eux aussi, ils
dorment. Plus loin encore, se dresse une forme solitaire; Il est seul, tout
seul; jamais Il n’a été plus seul, sauf une fois, le lendemain.
Il y a un
pressentiment de l’agonie de Gethsémané dans l’entretien que, quelques jours auparavant,
les Grecs demandèrent à Jésus. L’agonie du Mont des Oliviers commença lors de
la vision que les Grecs provoquèrent involontairement, mais elle atteignit son
plus haut degré sous ces arbres qu’éclairait la lune.
Jésus!
Fils de Dieu! Dieu le Fils! Le Fils de l’Homme: Dieu, un homme! Personne n’a
encore établi la démarcation entre Sa divinité et Son humanité; personne ne le
fera jamais, car l’union du divin et de l’humain est divine en elle-même et
dépasse par là même l’entendement humain. Dans la scène que nous évoquons, Son
humanité est mise en évidence elle ressort pathétique et lumineuse. Soyons
pleins de respect, en abordant ce sujet: c’est un terrain sacré.
Le sort
de la bataille du jour suivant a été décidé là. La victoire manifestée sur le Calvaire
a été remportée dans les bosquets de Gethsémané.
Il est
absolument impossible à l’homme, souillé depuis des siècles par le péché, de
comprendre l’horreur qu’éprouve au contact du mal une âme pure de toute
souillure. Lorsqu’il pénétra dans le Jardin des Oliviers, cette nuit-là, Jésus
se rendit compte qu’il entrait en contact—le mot a ici une portée qui nous
dépasse—avec le péché; une horreur intense le saisit. Fait mystérieux, Il
allait être «fait péché» {#2Co 5:21} pour nous.
Les mots
employés pour décrire Ses émotions sont si forts qu’aucun équivalent français
ne semble capable d’en exprimer l’intensité. Une horreur indescriptible, un
frisson de terreur, un tremblement d’effroi le saisirent. Les miasmes
empoisonnés du péché paraissent remplir Ses narines et L’étouffer.
Là-bas,
seul, au milieu des arbres, Il est en proie à l’agonie; la pensée de la mort
l’étreint. N’y aurait-il pas quelque autre moyen de sauver le monde que celui-ci...,
oui, que celui-ci? Sa prière nous parvient entrecoupée; Sa voix est
étrangement altérée par l’émotion. «S’il est possible... que cette coupe
passe loin de moi!» On sent, dans ces mots, comme l’espérance d’une autre
solution. (L’auteur de l’épître aux Hébreux jette de la lumière sur ce sujet).
La tension de Son esprit est si grande que Sa vie même semble défaillir. Il
fait alors monter vers les Cieux une prière entrecoupée, pour demander du
secours, et les anges descendent pour Le fortifier. Avec quel respect ne
doivent-ils pas L’avoir secouru!
Cependant,
même après cette intervention, la lutte continue; puis, peu à peu le calme
renaît, et, de l’obscurité grandissante, monte une deuxième supplication. La
tempête est apaisée; c’est maintenant la victoire entière et complète, et la
prière, dès lors, se trans-. forme. «S’il n’est pas possible que cette
coupe s’éloigne, si elle est nécessaire à l’achèvement de Ton plan
rédempteur—Ta... volonté—ces mots viennent lentement, mais
distinctement—Ta... volonté... soit... faite...»
C’est à
genoux, c’est en priant qu’il transforma Son cri de détresse en un cri
d’obéissance. Dans la solitude, Dieu lui révéla quelle était sa volonté:
Au
Mont des Oliviers, mon Maître se rendit,
Écrasé
par son faix de péché et de honte,
Au
Mont des Oliviers, mon Maître se rendit,
Sentant
faiblir son cœur devant le flot qui monte
Mais
les vieux oliviers au feuillage gris-vert
S’émurent
à sa vue de façon bien touchante,
Heureux
de saluer le Roi de l’univers
Et
de sympathiser à sa douleur poignante,
Quand
Il vint pour prier
Au
bois des oliviers.
Puis
Il quitta le bois du Mont des Oliviers
Et
porta résolu notre honte accablante.
Puis
Il quitta le bois du Mont des Oliviers,
Ne
craignant plus la mort ni la douleur poignante.
Quand
la honte, la mort, à Lui se présentèrent,
Il
les suivit, soumis, plein de paix et de joie;
Muet
comme un agneau, ils le crucifièrent.
Il
suivit jusqu’au bout sa douloureuse voie,
Après
avoir prié
Au
Mont des Oliviers.
(Adapté
de Sydney Lanier.)
La vraie
prière est celle qui s’exprime à genoux, lorsqu’on est seul avec Dieu, Ce
qui était vrai pour Jésus pendant les jours qu’il passa sur la terre, ne
l’est-il pas infiniment plus pour nous? Ne déciderons-nous pas, nous aussi, de
nous rencontrer avec Dieu, seul, chaque jour? Nous fermerons notre porte, nous
ouvrirons la Bible, et nous plierons notre volonté de manière à être digne de
collaborer, par la prière, à l’œuvre de notre Père. Nous obtiendrons alors une
vision plus claire des choses; le but de notre vie deviendra plus important;
notre sagesse augmentera; nous atteindrons le vrai désintéressement, mortel à
tout égoïsme; nous apprendrons à demander et à attendre, et nous connaîtrons la
joie de travailler avec Lui, sous la protection de Son amour; alors aussi
viendra le temps des grandes victoires. que Dieu remportera dans le monde.
Toutefois, nous n’arriverons pas à connaître un dixième de ce que nous devrions
savoir, avant que la nuit ait cédé le pas à l’aube blanchissante, avant que les
ténèbres épais ses qui recouvrent la terre actuelle soient dissipées par
l’éclat de Sa présence.
CHAPITRE
III
Le grand obstacle extérieur
Il nous
reste encore à dire quelques mots sur les obstacles à la prière; ces quelques
mots ont même une importance capitale. Ce que nous avons dit jusqu’ici n’est
qu’une préface à ce que nous devons ajouter maintenant. Il nous faut, en effet,
considérer un côté étrange de la prière; étrange, uniquement parce qu’il ne
nous est pas familier; car, tout étrange qu’il soit, il n’en contient pas moins
le nœud de la question. C’est là que se livre la bataille des batailles et l’on
peut s’étonner qu’il en soit si peu fait mention; car, si la prière avait été
vraiment comprise et nettement pratiquée, il y aurait de plus grandes défaites,
de plus grandes victoires: défaites de l’ennemi, Satan; victoires de notre prince
légitime, Jésus.
Voici ce
qui en est: Satan a le pouvoir d’entraver la réponse... pour un temps; de
retarder le résultat... pour un temps. Il ne peut retenir la réponse
définitivement si l’intéressé comprend vraiment la prière et l’exerce avec une
persévérance ferme et tranquille. L’effort principal de la prière doit donc
être dirigé contre Satan.
Notre
génération se soucie fort peu de Satan et, à la rigueur, on peut l’en excuser.
Les différentes conceptions qui existent sur Satan; ses armées, ses attributs,
qu’un Dante, un Milton, un Doré, ont rendus classiques; toutes ces productions
littéraires et artistiques ont beaucoup contribué à obscurcir la question. Les
images que ces artistes évoquaient ont été—qu’ils le voulussent ou non—presque
universellement prises à la lettre. Tout homme familier avec les agissements de
Satan reconnaîtra là, une fois de plus, sa parfaite habileté. Qu’importe qu’on
le caricature, qu’importe qu’on ne tienne nul compte de lui, si, par-là même,
il peut consolider son pouvoir.
Les
cornes, les sabots, la queue fourchue et tout le reste ont pour but de donner à
cet être une forme matérielle. Ce sont des représentations grotesques au
dernier point et elles font de Satan une vraie caricature. Celle-ci
disproportionne et exagère si bien son objet qu’elle le rend hideux et
ridicule.
A notre
époque, où l’on examine les fondements de toutes nos connaissances, on s’est
détourné tout naturellement et inconsciemment de ce Satan dont on nous faisait
de telles représentations; mais sous la caricature se cache toujours une
vérité. Il est évidemment facile d’ignorer cette vérité quand elle se dissimule
sous le masque de la caricature; prenons garde, cela est dangereux; oui, il est
toujours dangereux de fermer les yeux devant la vérité.
Nous éprouvons
un vrai réconfort, voire un grand intérêt, à passer de ces conceptions
littéraires à celles de l’Ecriture. D’après la Bible, Satan possède une grande
beauté; il occupe maintenant encore une haute position; il est doué des
pouvoirs intellectuels les plus remarquables; c’est le chef de la plus
admirable, de la plus compacte organisation et cette organisation grâce à son
adresse extraordinaire, il l’a utilisée avec succès pour seconder ses buts
ambitieux.
De plus
il n’est pas encore enchaîné. A ce propos, je me souviens d’une conversation,
que j’eus un jour dans le local d’une Union Chrétienne de Jeunes Gens, avec un
jeune pasteur. C’était dans une ville minière du sud-ouest des Etats-Unis,
ville qui, comme tant d’autres semblables, offre mille tentations, mille
occasions de pécher. Le jour précédent, un dimanche, avait été rempli par des
services spéciaux; nous avions donc été très occupés et ressentions quelque
fatigue. Comme nous nous reposions en causant tranquillement, je fis remarquer
à mon ami quel beau jour ce serait que celui du millénium. Il me répondit
immédiatement: «Nous sommes maintenant dans le millénium».— «Mais, repartis-je,
je croyais que Satan devait être enchaîné à cette époque. La Bible ne dit-elle
pas quelque chose d’approchant?»—«Parfaitement, me dit-il, mais je crois que
Satan est actuellement enchaîné». Je ne pus alors retenir la réponse que
j’avais sur les lèvres et je lui dis: «S’il est enchaîné,
il faut
avouer que sa chaîne est terriblement longue, car elle semble bien peu l’entraver
dans son action».
D’après
tout ce que nous pouvons voir, ce prince puissant n’est pas encore enchaîné, et
nous ferions bien de mieux nous renseigner à son sujet. La vieille maxime
militaire: «Apprends à connaître ton ennemi» devrait être observée de plus près
dans ce cas.
Fait
curieux, le plus ancien des livres de la Bible et le plus récent, Job et
l’Apocalypse, nous donnent des renseignements très précis sur Satan. Ces deux
livres, ajoutés aux renseignements tirés des Evangiles, nous fournissent presque
toutes les données nécessaires pour connaître Satan. En effet, les trois ans et
demi que dura l’activité de Jésus forment, à notre connaissance, la période où
le diable déploya sa plus grande activité. Les allusions que Jésus lui-même
fait à son sujet sont nombreuses et positives. Il y a quatre passages sur
lesquels je tiens spécialement à attirer votre attention; je dis quatre, mais
je ne veux pas dire par là que mes assertions reposent sur ces quelques textes
isolés; non, une vérité si importante n’est pas liée à quelques textes
détachés: elle se rencontre à travers la Bible tout entière; on peut dire
qu’elle y est comme tissée.
Semblables
à deux fils qui se croisent et forment la trame et la chaîne d’une pièce
d’étoffe fine, deux faits parcourent les Ecritures, du commencement à la fin.
Où que vous promeniez vos ciseaux dans le fin tissu auquel on peut comparer la
Bible, vous rencontrerez ces deux fils. Ils se croisent et se mêlent d’une
façon inextricable. L’un est noir, noir charbon, noir comme de l’encre; l’autre
est brillant, pareil à un rayon de gloire. Ces deux fils sont partout. Le noir
est un ennemi. Parcourez l’Ancien et le Nouveau Testament, de la Genèse à
l’Apocalypse; vous y trouverez toujours l’ennemi; il est pénétrant, subtil,
malin, cruel, obstiné; c’est un maître.
Le
deuxième fil, ce sont les chefs que Dieu a choisis et qui tous ont été avant
tout des hommes de prière. Ils sont aussi des hommes de puissance, non
seulement comme prédicateurs, mais encore comme personnalités capables d’influencer
leurs frères. Toutefois, ils sont avant tout des hommes de prière. Ils donnent
à la prière la première place. Cette affirmation ne comporte, à ma
connaissance, qu’une exception frappante: le roi Saul. Bien plus, l’étude de
cette exception projette une brillante lumière sur le caractère de Satan. Car
Saül semble être, dans la Bible, la plus grande illustration de l’œuvre de ce
prince renégat et déchu. Les passages que nous voulons étudier spécialement
forment comme les modèles, les échantillons d’une étoffe: le dessin y est
particulièrement accentué, les couleurs y sont plus nettes. L’exemple typique
est fourni par les Evangiles, où les couleurs atteignent leur plus vif éclat,
où le contraste est le plus saisissant.
2. Prier,
c’est lutter
Venons-en
donc à la Bible, car ce que nous savons, c’est d’elle seule que nous le
tenons; le reste n’est que supposition. Les seules données décisives que nous
ayons sur Satan semblent être celles que ce Livre nous donne. Nous commencerons
par le Nouveau Testament.
L’Ancien
Testament est le livre des images, le Nouveau celui des explications et de
l’enseignement. L’enseignement que nous donne l’Ancien Testament emprunte les
méthodes de la pédagogie enfantine: c’était alors le meilleur mode d’enseigner,
car le monde n’était qu’un enfant. Le Nouveau Testament, par contre, procède
par préceptes. Nous trouvons aussi ce procédé dans l’Ancien Testament, où il
est très employé également; de même l’enseignement imaginé joue un rôle
important dans le Nouveau Testament, témoin les Evangiles qui sont émaillés de
paraboles; mais ce que je veux dire, c’est que l’enseignement au moyen de
paraboles et d’exemples est la caractéristique de l’Ancien Testament, tandis
que l’enseignement par voie de préceptes est celle du Nouveau.
Prenons maintenant
l’épître aux Ephésiens. Cette lettre est en somme une prière, ce qui déjà est
un point tout à fait significatif. Parmi les treize lettres de Paul, celle
qu’il adressa aux Ephésiens est spécialement une lettre-prière; quand l’apôtre
l’écrivit, il priait.
Paul a
beaucoup de choses à dire à ces frères qu’il a gagnés à Christ, mais il les
glisse dans sa prière, comme autant de parenthèses. La phrase qui sans cesse
unit les différentes idées est celle-ci:
«Voilà
pourquoi je prie... je fléchis les genoux», Puis, cet homme, à l’esprit
exceptionnel, passe à la condition des Eglises et donne quelques exhortations
pratiques toujours nécessaires à la vie de tous les jours. La prière reprend
ensuite et l’épître atteint son maximum de force dans un paragraphe remarquable
sur la prière. La plus belle partie de cette lettre-prière, c’est cette courte
étude, et la plus belle partie de cette étude, c’est la prière. Il prie et le
fait de prier le pousse à encourager les autres à l’imiter. Ouvrons notre Bible
pendant cet entretien et mettons sous nos yeux ce sixième chapitre, des versets
dix à vingt exclusivement.
Le but
principal de toute vie chrétienne semble d’une clarté parfaite à ce vétéran des
champs de bataille: «Que vous puissiez tenir contre les ruses du diable».
L’apôtre
semble n’avoir eu aucune difficulté à croire en un diable personnel;
probablement qu’il avait eu trop de corps à corps avec lui pour pouvoir en
douter. Pour Paul, Satan est un chef rusé, habile à profiter pour la lutte de
toutes les ressources et de tous les avantages.
Ce
passage du chapitre sixième nous montre deux choses: en premier lieu, quel est
le véritable ennemi, contre lequel la bataille se livre, et, en second lieu, il
indique avec une intensité extraordinaire les armes qui le mettent en déroute.
Quel est
le véritable ennemi? Ecoutez: «Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et
le sang»— donc pas contre les hommes; cela, jamais! contre quelque chose de
plus subtil—«mais contre les dominations»—c’est-à-dire une organisation compacte
d’individus—«contre les autorités»—non seulement organisées, mais douées d’une
haute valeur intellectuelle—«contre les princes de ce monde de ténèbres» ce
sont des princes et non de simples mortels—«contre les esprits méchants dans
les lieux célestes»—des esprits, des. armées d’esprits qui ont élu leur
quartier général quelque part, au-dessus de la terre. L’ennemi, ce sont des
milliers d’êtres spirituels et intelligents, formant un tout solide et uni,
souverains du royaume des ténèbres; leur centre d’activité est au-dessus de la
terre, au-dessus du trône de Dieu; mais ils sont en relations continuelles avec
les habitants de la terre.
Dans le
deuxième chapitre de l’épître, la tête de cette organisation est appelée «le
prince de la puissance de l’air». {#Eph 2:2}
Puis,
dans une de ces périodes fortement ordonnées qui lui sont familières, saint
Paul nous dit comment la victoire sera gagnée. Cette phrase comprend sept
versets qui forment une gradation ininterrompue.
Il y a
six membres de phrase qui conduisent à l’affirmation centrale et qui énumèrent
les pièces de l’armure d’un soldat romain armé pour la bataille: les reins
ceints; la cuirasse recouvrant la poitrine; les pieds chaussés; le bouclier
passé au bras; le casque sur la tête et l’épée à la main. Un légionnaire
romain, lisant ce qui précède ou entendant Paul prêcher, s’attendrait à cette
conclusion: «et combattant de toute votre force».
Ce serait
évidemment la conclusion logique de tout le développement. Mais quand Paul
atteint le dernier degré de la gradation, il laisse tomber la figure de
rhétorique pour introduire ce avec quoi, dans notre cas, la bataille est
gagnée: «en priant intensément». Au lieu du mot attendu «combattant»,
arrive «priant». Notre lutte consiste à prier. La prière est une lutte, une
lutte spirituelle. Ce vieillard, à la fois évangéliste, missionnaire et évêque,
nous dit donc par là que nous sommes en pleine mêlée.
La guerre
est déclarée. Comment combattrons-nous le mieux?
Tout
d’abord, mettons-nous dans les meilleures dispositions possibles pour prier;
puis, armés de la force que donne la prière et de notre intelligence, prions!
Ce mot de
Paul: «priant» est le point culminant de cette longue gradation, la
quintessence de toute l’épître. L’action qu’il indique attaquera
victorieusement le flanc de l’ennemi et le mettra en déroute, car il ne peut
résister au travail qui se fait à genoux, à la prière persévérante.
Remarquez
maintenant avec quelle profondeur Paul décrit l’homme qui agit ainsi par la
prière. Sous les noms des six parties de l’armure se cachent six qualités: une
claire compréhension de la vérité; une vie tout à fait soumise; un service
sérieux; une foi simple et forte en Dieu; une assurance parfaite de son propre
salut; une connaissance exacte des liens qui nous unissent à Dieu; une bonne
intelligence de la vérité à présenter aux autres; voilà ce qui prépare un homme
pour le combat victorieux de la prière.
L’homme
qui remplit ces conditions—et qui prie—met en déroute les armées du prince
renégat. Celui qui
prie est invincible, grâce à son Chef, Jésus. L’équipement du soldat est
simple; pour l’obtenir, il suffit de le désirer sérieusement.
Etudions
encore l’affirmation essentielle qui termine cette période; elle est hérissée
de pointes, telles celles des baïonnettes. Les instructions qu’elle contient
sont celles d’un général la veille d’une bataille. «Faites toutes sortes de
prières et de supplications—c’est l’intensité de l’action—, priez—c’est
le motif général—, en tout temps—sans cesse, nuit et jour; par le chaud
comme par le froid, par le beau temps comme par la pluie—, par l’Esprit—guidé
par le Chef—et veillez à cela—vigilance ininterrompue; le mot veille est
un mot militaire; surveiller l’ennemi, surveiller ses propres forces—avec
une entière persévérance -puissance de l’action, joyeuse, tenace, obstinée—pour
tous les saints—il faut être en contact avec toute l’armée—et priez pour
moi—moi, c’est le chef de la terre, le ralliement autour du chef direct.»
Voilà donc l’ennemi à combattre et la tactique qui le mettra en déroute.
3. Un
double engagement
Revenons
maintenant à la partie imagée de la Bible pour obtenir une illustration et une
explication des paroles de Paul. Nous la trouvons au chapitre dix du livre de
Daniel.
Daniel
est un homme âgé. Exilé, il n’a pas vu depuis son enfance les vertes collines
de son pays natal. Vivant à Babylone, ville construite sur un terrain plat, il
regrette ses chères montagnes de Palestine et gémit sur le sort pitoyable de
son peuple. Il a étudié les prophéties de Jérémie et y trouve la promesse
certaine que les Hébreux, au bout de soixante-dix ans, pourront regagner leur
patrie.
Retourner
dans la patrie! A cette simple pensée, son pouls bat plus vite; le voilà qui
compte les années. Les soixante-dix ans sont bientôt révolus! Daniel consacre
alors une partie de son temps à la prière; il assiège, pour ainsi dire, la
place de ses supplications.
Vous
savez certainement ce qu’était Daniel. Premier fonctionnaire du pays assyrien,
c’est lui qui dirigeait, sous le contrôle du roi, les destinées du plus grand
empire de l’époque. Homme de force et de ressources, c’était un vrai génie
administrateur.
Il
répartit son travail de façon à être libre un certain temps et, emmenant
quelques compatriotes qui partageaient ses aspirations, il se rend dans une
forêt qu’arrose le Tigre. Là-bas, ils passent un jour dans le jeûne, dans la
méditation et dans la prière; leur jeûne n’est pas absolu; ils se contentent
simplement d’une nourriture frugale. Je suppose que, pendant ce temps de
retraite, ils prient isolément ou réunis; puis ils lisent les prophéties de
Jérémie, les méditent, les discutent et se remettent à prier, Ils passent de
cette façon un jour entier à lire, méditer et prier.
Ils
attendent une réponse; ils l’attendent fermement. Point de réponse. Un deuxième
jour passe, un troisième, un quatrième, une semaine... et toujours pas de
réponse. Sans aucune hésitation, ils continuent à faire monter au Ciel leurs
supplications. Deux semaines! Comme cela dut leur paraître long!
Représentez-vous ce que sont quatorze jours d’attente, d’attente fébrile;
l’esprit est tendu vers l’objet que l’on désire. Pas de réponse!’ Dieu pourrait
être mort, selon le mot de Catherine Luther, puisque aucune réponse ne leur
parvient. Mais Daniel n’était pas un homme à se laisser déconcerter si
facilement. Il sait, pour l’avoir pratiquée, la valeur de la prière. Il ne
songe donc nullement à se décourager; non, il va de l’avant, il persévère.
Vingt-trois jours passent sans amener aucun changement. Et toujours ils
persistent. Puis arrive le vingt-quatrième jour et, avec lui, la réponse
désirée. Il est accordé à Daniel une vision dont l’éclat dépasse ce qu’un homme
peut supporter; après quelques instants, lorsqu’il peut entendre les paroles de
l’envoyé de Dieu et qu’il put y répondre, voici ce qu’il entendit: «Daniel, dès
le premier jour, ta prière fut entendue, et c’est à cause de tes paroles que je
viens.» Daniel est stupéfait d’étonnement: «Le premier jour... il y a
plus de trois semaines.— Oui, il y a trois semaines, je quittai la présence de Dieu
avec la réponse à ta prière. Mais (écoutez, car ce qui suit est étrange) le
chef du royaume de Perse m’a résisté vingt et un jours; voici, Micaël, l’un des
principaux chefs, est venu à mon secours, et je viens maintenant te faire
connaître ce qui doit arriver à ton peuple.»
Notez
maintenant quatre points que chacun de vous admettra sans peine. Cet être qui
parla à Daniel est un être essentiellement spirituel; il est contrecarré dans
sa mission par quelqu’un; cet adversaire, évidemment, doit être, lui aussi, un
être spirituel pour résister à un esprit. Le messager de Daniel vient de la
part de Dieu; aucun doute à ce sujet; l’adversaire doit dès lors venir du camp
opposé. Donc, fait étrange et inattendu, l’esprit du mal a le pouvoir de
retenir, de retarder l’ange de Dieu, et cela pendant trois semaines. Enfin, il
arrive du secours; le messager du mal échoue dans sa mission et l’ange du bien
est libre de suivre sa route et de porter son message.
Il y a
donc une double action; nous assistons à l’une, tandis que l’autre nous est
cachée. Tout d’abord, une lutte se livre dans le royaume des esprits, lutte
invisible; puis, comme nous l’indique le chapitre douze, deux esprits revêtus
d’une enveloppe humaine se tiennent de chaque côté de la rivière. Les deux scènes
se rapportent au même but.
Telle est
l’histoire de Daniel. Comme elle illustre les paroles de Paul! C’est une image
pleine de vie réelle; cette image est double. De même, toute prière comporte
une double action et un double théâtre; elle se passe à la fois sur la terre,
parmi les hommes, et dans les régions supérieures, parmi les esprits. Beaucoup
d’entre nous, ne voyant que la partie visible, perdent courage. Pendant que
nous regardons les choses visibles, regardons aussi attentivement les
invisibles; ce que nous voyons est secondaire, ce que nous ne voyons pas est
capital, et c’est dans ces sphères supérieures que se décident les destinées
humaines.
Voici la
première action, celle que l’on voit; un groupe d’hommes conduit par un chef
d’une énergie remarquable et capable de diriger un empire; tous sont prosternés
devant Dieu, l’esprit lucide, tranquille, vigilant; jour après jour,
infatigablement, ils prient.
Voici
maintenant ce que l’on ne voit pas: une lutte ardente, opiniâtre, où chaque
adversaire déploie son habileté; cette lutte est engagée entre les deux princes
du royaume spirituel. D’après les explications de Paul, les deux mondes,
visible et invisible, sont en rapport étroit.
Daniel et
ses compagnons, eux aussi, sont des lutteurs; ils participent activement à
cette lutte supraterrestre; ce sont eux qui décident de l’issue de la bataille,
car ils sont sur le terrain contesté.
Ces
hommes font vraiment en tout temps par l’Esprit toutes sortes de
prières et de supplications, veillant à cela avec une entière persévérance. Et
enfin la victoire vient.
4. La
prière met en jeu trois personnes
Revenons
maintenant à la figure centrale du dessin. Jésus, dans une de ses paraboles,
répand des flots de lumière sur les rapports de Satan avec la prière.
Deux
paraboles traitent spécialement de la prière; celle de l’homme qui va trouver
un ami au milieu de la nuit {#Lu 11:5-13} et celle du juge inique. {#Lu 18:1-8} C’est dans la seconde qu’il est question de Satan.
Cette remarquable description de la prière nous a été conservée par Luc, qui
nous renseigne le mieux aussi sur la vie de prière de Jésus.
Voici
quelle fut l’occasion de cette parabole. La vie de Jésus approche de sa fin.
Quittant le terrain de la simple conversation, Il passe à la parabole. Sa lutte
avec les Pharisiens a atteint son caractère le plus aigu et leur haine, son
apogée, s’exhale dans l’accusation, dont ils chargent Jésus, d’être inspiré du
Diable. Ressentant vivement leur attaque, Il leur répond directement et
pleinement; c’est alors qu’il prononce la parabole de l’homme fort qu’il faut
lier avant de pouvoir piller sa maison. {#Lu 11:21} Et aucun des assistants n’ose lui demander ce que cela
signifie.
Examinons
maintenant de plus près la seconde des deux paraboles que nous venons de citer,
car elle est pleine d’enseignement pour ceux qui veulent coopérer à l’œuvre de
rédemption de notre monde.
Jésus
semble si désireux que ses auditeurs comprennent la portée de ce qu’il va dire,
qu’il abandonne son procédé habituel et explique nettement que sa grande pensée
dans cette parabole, ce qu’il veut qu’on comprenne, c’est «qu’il faut toujours
prier et ne point se relâcher». Le fait essentiel, dit-il, est la prière, et
le fait essentiel dans la prière est la persévérance; le danger dans la
prière est de perdre courage, de faiblir devant la tâche et d’y renoncer. «Ne
point se relâcher!» ces mots prouvent la suprême importance du combat.
La
parabole met en jeu trois acteurs: un juge, une veuve, un adversaire. Le juge
est profondément égoïste, injuste, impie et insouciant de l’opinion
d’autrui..., la pire espèce d’homme, la dernière dont on dût faire un juge. Il
sait parfaitement que le droit, dans le procès qu’il doit juger, est du côté de
la veuve. Quant à cette dernière, que peut-on ajouter de plus à ce qualificatif
de veuve? Est-il possible de dire davantage pour rendre le cas plus pathétique?
Une veuve n’est-elle pas l’image de l’abandon et de l’impuissance? Une femme a
besoin d’un appui. Celle-ci a perdu son ami le plus proche, le plus cher, son
protecteur. Elle est seule.
Il y a,
troisièmement, une partie adverse qui, contre toute légalité, a remporté un
avantage sur la veuve et qui, sans trêve, l’accule au pied du mur. La femme
cherche à gagner le juge à sa juste cause; sa demande pressante, maintes fois
répétée, est celle-ci; «Fais-moi justice de ma partie adverse».
Telle est
l’image que Jésus emploie pour dépeindre la prière incessante. Étudions la de
plus près. «Adversaire est un qualificatif commun dans les Écritures pour
désigner Satan. C’est l’accusateur, le haïsseur, l’ennemi.» Le sens
étymologique de ce mot est: partie adverse dans un procès civil. C’est le même
terme que Pierre employa plus tard: «Votre adversaire, le diable, rôde comme un
lion rugissant, cherchant qui il dévorera». Les mots «fais-moi justice», qui
reviennent par quatre fois, montrent que la veuve a des preuves en mains pour
gagner son procès et que l’adversaire l’a emporté sur elle, en dépit de tout
droit, uniquement par la force.
Signalons
aussi dans cette parabole, un trait étrange qui doit avoir sa signification: un
homme franchement impie et peu scrupuleux y représente Dieu. Voilà qui est
extraordinaire. Dans toute autre bouche que celle de Jésus, cela semblerait un
manque de respect; mais ici il faut y voir une extrême habileté. Si cet homme
est choisi comme juge, c’est pour mettre en évidence que les procédés
nécessaires pour gagner cet individu ne sont certainement pas exigés par Dieu.
La veuve doit insister et plaider; c’est à cause du juge auquel elle a affaire.
Dieu, lui, ne peut lui être comparé; c’est pourquoi, s’il faut ainsi insister
dans nos prières à notre Père céleste, la cause en est attribuable à des
raisons essentiellement différentes. Si donc, avec Dieu, de tels mobiles
n’entrent pas en jeu, il ne peut rester qu’un obstacle à nos supplications, à
savoir celui que suscite l’adversaire.
Ayant
choisi, à dessein, un tel homme pour illustrer Sa parabole, Jésus en profite
pour parler du vrai caractère de Dieu: «Et tardera-t-Il à leur égard?» Ces
paroles, dans la bouche de Jésus, suggèrent immédiatement l’idée de l’amour, et
spécialement de la patience dans l’amour. Les théologiens ont beaucoup argué
pour savoir, dans cette phrase, en faveur de qui ou avec quoi il avait tant de
patience. «A leur égard», voilà les mots qui provoquent la discussion. Combien
de temps tardera-t-Il encore en faveur de ceux qui prient? ou combien de temps
tardera-t-Il à sévir justement contre quelque adversaire opiniâtre? Quel
est-il? La phrase suivante renferme un mot qui forme un frappant contraste avec
celui que nous envisageons: promptement. Quel contraste entre ces mots: tardera-t-Il
et promptement!
Ces
paroles éclairent d’une vive lumière un sujet resté obscur et qui renferme plus
de lumière que nous ne sommes capables d’en trouver. Les paroles de Jésus sont
touts pleines de pensée; ses mots sont toujours choisis avec sagacité.
Si l’on
pense à l’adversaire pour lequel Il fait preuve de tant de patience, la
parabole signifierait: une grande lutte se livre dans les sphères supérieures.
Dieu y montre une grande patience. Il est juste et droit. Les êtres qui
prennent part à la lutte sont tous ses créatures. Il agit aussi droitement avec
le diable et sa grande armée d’esprits malfaisants qu’avec ses autres
créatures; il fait preuve d’une longue patience pour qu’aucune action déloyale
ne soit commise contre ces créatures qui sont aussi les siennes. Il dirige
néanmoins tous ses efforts vers une issue rapide de la lutte, pour le salut des
fidèles qu’il aime et pour que la justice prévale.
L’enseignement
de la parabole est fort simple; il renferme pour nous deux vérités terribles et
capitales; celle-ci tout d’abord: la prière concerne trois personnes et
pas seulement deux, Dieu que nous prions, l’homme qui prie sur le territoire
contesté, et le diable contre qui nous prions. Le but de la prière n’est pas de
persuader ou d’influencer Dieu, mais d’unir nos forces aux Siennes contre
l’ennemi. Non pas vers Dieu, mais avec Dieu et contre Satan. Tel est
l’enseignement capital que nous devons nous rappeler quand nous prions. Le but
essentiel n’est pas d’atteindre Dieu, mais de repousser Satan.
La
deuxième vérité capitale est que la qualité maîtresse à avoir quand nous prions
est la persévérance. C’est l’épreuve finale, le dernier obstacle à
franchir. Beaucoup de chrétiens, qui luttent admirablement pour la cause du
Christ, perdent pied sur ce point et, par là, perdent tout. Beaucoup de
fidèles, admirablement préparés par la prière, échouent là où il faudrait
persévérer et leur échec est sûrement dû à une compréhension incomplète de ce
qu’est la prière.
La voix
du Maître résonne aujourd’hui encore, claire et pressante, à nos oreilles:
«Priez sans cesse et ne vous relâchez point.»
5. Défaite
d’un ennemi opiniâtre
Voyons
maintenant une déclaration nette de Jésus-Christ touchant la prière. Nous la
trouvons dans l’histoire d’un jeune démoniaque et d’un père angoissé et nous
assistons, au pied de la montagne, à un échec des disciples. {#Mt
17:14-20 Mr 9:14-29 Lu 9:37-43}
Dans ce
cas, les extrêmes se touchent sûrement; le sommet de la montagne qu’ils
venaient de quitter forme un contraste extraordinaire avec la vallée où la
scène se passe. Le démon qui possède l’enfant semble être de toute première
force; nous en avons la preuve dans ce qu’il fait du possédé; son but est de le
détruire. Il y a toutefois une limite à ses forces, car ses efforts ne furent
pas suivis d’un succès complet. Sa persévérance est très grande; il résiste à
toutes les tentatives faites pour le chasser du corps du jeune homme; et,
jusqu’à un certain point, il lutte avec succès. Les disciples ont essayé de le
chasser; on comptait sur eux; ils comptaient eux-mêmes réussir, car ce n’était
pas leur première tentative. Ils échouèrent honteusement, au milieu des
ricanements et des railleries de la foule et eh face de la détresse croissante
du pauvre père.
Alors
survint Jésus. Restait-il sur Son visage quelque trace de la gloire de la
transfiguration? Il semblerait. La foule, en Le voyant, fut surprise et
accourut Le saluer. Sa présence changeait tout. Le démon, furieux, partit en
faisant un dernier effort pour détruire le corps qu’il était obligé
d’abandonner.
L’enfant
fut guéri et la foule étonnée de la puissance de Dieu.
Les
disciples agirent alors avec beaucoup de sagesse. Si parfois ils commirent des
erreurs, cette fois ils firent preuve de discernement; ils cherchèrent un
entretien privé avec Jésus. Il n’y a pas de plus grande preuve de sagacité que
celle-là. Quand vous avez essuyé un échec, quittez votre travail et recherchez
un entretien privé avec Jésus.
Ils sont
étonnés, découragés; aussi cette question sort immédiatement de leur cœur
abattu: «Pourquoi n’avons-nous pu chasser ce démon?» Matthieu et Marc nous ont
transmis la réponse complète que Jésus fit à leur demande; elle commença
probablement par ces mots: à cause de votre petite foi. En effet, ils avaient
perdu courage devant la force du démon, et le démon l’avait su; ils avaient été
plus impressionnés par la force du mauvais esprit que par celle de Dieu, et le
démon l’avait vu; ils n’avaient pas prié victorieusement contre lui. Le Maître
dit: «Si vous aviez de la foi comme un grain de moutarde, vous diriez à cette
montagne: Transporte-toi!» Remarquez une fois de plus que la force de la foi
est dirigée contre l’obstacle et que ce fut le démon qui fut le plus
directement influencé par la foi de Jésus.
Vient
ensuite la deuxième partie de la réponse: «Cette sorte de démon ne sort que par
la prière.» Certains démons moins tenaces peuvent être expulsés par la foi qui
naît de notre contact personnel et constant avec l’Esprit de Dieu. «Cette
sorte» nécessite une prière spéciale et la prière seule réussit.
La vraie
victoire doit être gagnée dans le secret. L’action de la foi, en pleine
bataille, n’est que la réalisation d’une victoire déjà gagnée. Ce démon est décidé
à ne pas partir; il combat avec force, avec acharnement; il réussit. Survient
alors l’Homme de prière. Un ordre tranquille est prononcé et le démon est
obligé de partir.
Ces
disciples ressemblent d’une manière frappante à certains d’entre nous; ils n’avaient
pas compris où la vraie victoire se gagne. Eux aussi, ils avaient prononcé cet
ordre, le donnant sans doute au nom de Jésus; mais il n’y avait pas entre
Dieu et eux ce contact qui donne la victoire. Leur visage révélait la
crainte qu’ils avaient du démon.
La
prière, la vraie prière, la prière intelligente, voilà ce qui mettra en fuite
les démons de Satan, car elle met en déroute le chef lui-même. David tua le
lion et l’ours dans le silence des forêts avant d’affronter le géant Goliath;
les disciples affrontaient le géant sans avoir fait l’expérience de la lutte dans
la solitude. Cette phrase: «Mais cette sorte de démon ne sort que par la prière
et le jeûne» signifie que cette sorte de démon sort et doit sortir devant
l’homme qui prie. Ce que Jésus appelle prier chasse les démons. Puissions-nous
connaître mieux par expérience ce qu’il entendait par la prière, car nous
exercerions une influence positive sur les armées des mauvais esprits. Ils la
craignent et redoutent l’homme qui devient habile à la manier.
Il y a
évidemment beaucoup d’autres passages bibliques tout aussi explicites que ceux
que nous avons étudiés et qui donnent un enseignement tout aussi simple et aussi
clair. La Bible entière est pleine de cette vérité; mais ces quatre grands
exemples sont tout à fait suffisants pour éclaircir parfaitement cette
question. Le grand prince renégat—Satan—est actuellement un facteur actif dans la
vie des hommes; il croit à la puissance de la prière; il la craint; il peut,
pour un temps, en retarder les résultats et il fait son possible pour y
arriver.
Elle
contrecarre ses plans et le met en déroute. Il ne peut pas tenir devant elle.
Il tremble dès qu’un homme de foi simple et vivante fait monter sa prière vers
Dieu. Prier, c’est réclamer avec persévérance que la volonté de Dieu soit
faite. La prière exige une volonté en communion absolue avec Dieu; elle
s’appuie sur la victoire de Jésus; elle met à néant la volonté mauvaise du
grand et déloyal adversaire.
(fin de la première partie)