mercredi 13 juillet 2016

(4) LES SERMONS DE WESLEY LE FAUX ENTHOUSIASME

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Sermon 37 :   (1750)        LE FAUX ENTHOUSIASME

Actes des Apôtres 26,24  

Festus dit à haute voix : Tu as perdu le sens, Paul !  (Actes 26:24)

                    C'est ainsi que parlent les hommes du monde qui ne connaissent point Dieu, au sujet de tous ceux qui sont de la religion de Paul, au sujet de quiconque est son imitateur, comme il l'a été de Christ. Il est vrai qu'il y a une sorte de religion, que l'on décore même du nom de christianisme, laquelle n'expose en aucune façon ses partisans à passer pour fous, et qui est, dit-on ; conciliable avec le sens commun ; elle consiste en un ensemble de formes et de pratiques extérieures, accomplies de la façon la plus décente et la plus régulière. Ajoutez-y de l'orthodoxie, un système de croyances irréprochables et une close suffisante de moralité païenne, et vous ne vous exposerez pas à vous entendre dire que trop de religion vous a rendu fou. Mais si votre religion est celle du cœur, si vous vous avisez de parler « de justice, de paix et de joie par le Saint-Esprit (Romains 14 : 17) », oh ! alors on ne tardera pas à prononcer sur vous ce verdict : " Tu as perdu le sens ! "

                    Et, en vous traitant de la sorte, les hommes du monde n'entendent pas simplement vous faire un mauvais compliment. Ce qu'ils disent, ils le pensent. Ils n'affirment pas seulement, mais ils croient sérieusement qu'un homme a perdu le sens, quand il prétend que « l'amour de Dieu a été répandu dans son cœur par le Saint-Esprit qui lui a été donné (Romains 5 : 5) ; » et que Dieu l'a rendu capable de se réjouir en Christ « d'une joie ineffable et glorieuse (1Pierre 1 : 8)  ». Dès qu'un homme en est arrivé à vivre pour Dieu ; dès qu'il est mort à toutes les choses, d'ici-bas ; dès qu'il voit continuellement celui qui est invisible, et marche désormais par la foi et non par la vue, sa situation est claire, et sans hésitation on dira de lui : Trop de religion l'a rendu fou !

                    Il est bien évident que ce que le monde appelle folie, c'est justement ce souverain mépris de toutes les choses temporelles, cette suite persévérante des choses éternelles, cette divine persuasion des choses invisibles, cette joie que donne à l'âme sa réconciliation avec Dieu, cet amour de Dieu qui la rend heureuse et sainte, et ce témoignage que le Saint-Esprit, rend à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ; en un mot, tout ce qui constitue l'esprit, la vie et la puissance de la religion de Jésus-Christ.

                    On veut bien reconnaître toutefois qu'en toute autre matière, le chrétien agit et parle comme un homme de sens rassis. Il est raisonnable pour tout le reste ; sur ce point seulement il a un grain de folie. On déclare donc que la folie qui le tient est d'une espèce très particulière ; aussi lui donne-t-on un nom particulier ; on l'appelle de l'enthousiasme (Ce mot a souvent en anglais une signification analogue à celle du mot fanatisme, et c'est dans ce sens spécial que Wesley l'emploie dans ce sermon. Nous avons dû conserver habituellement ce mot dans notre traduction, bien qu'en français il ne soit guère employé en mauvaise part. (Trad.) ).

                    C'est là un terme très fréquemment employé de nos jours, et qui est constamment sur les lèvres de certains hommes, On peut toutefois affirmer qu'il est rarement compris, même par ceux qui s'en servent le plus. Il pourra donc être utile aux hommes sérieux, qui désirent comprendre ce qu'ils disent ou ce qu'ils entendent, que j'essaie d'expliquer le sens de ce terme et de montrer ce qu'est l'enthousiasme. En le faisant, j'apporterai peut-être quelque soulagement à ceux qui sont injustement accusés, et je pourrai être de quelque utilité à ceux qui mériteraient cette accusation, comme aussi à d'autres qui seraient en danger de ce côté-là, s'ils n'étaient avertis.

                    Quant au terme lui-même, on accorde généralement qu'il est d'origine grecque. Mais on n'a pas encore établi clairement d'où vient le mot grec lui-même, Quelques-uns ont essayé de le faire dériver des mots, en Dieu, en disant que tout enthousiasme se rapporte à Dieu (C'est l'étymologie adoptée aujourd'hui par les lexicographes. (Trad.). Mais cette étymologie est forcée ; la ressemblance est faible entre le mot dérivé et ceux d'où l'on tente de le faire dériver. D'autres le tirent de : en sacrifice, pour cette raison que c'était au moment des sacrifices que certains enthousiastes des temps anciens étaient le plus violemment affectés. C'est peut-être un mot factice, inventé d'après le bruit que faisaient ceux qui étaient affectés de la sorte.

                    Il est assez probable qu'une raison pour laquelle, ce mot étrange a été conservé dans tant de langues, c'est que les hommes n'en saisissaient guère mieux le sens que la dérivation. Ils adoptèrent d'autant plus facilement le terme grec qu'ils le comprenaient moins. S'ils ne le traduisirent pas, c'est qu'ils auraient eu la plus grande peine à rendre dans d'autres langues un mot dont le sens était obscur et incertain et auquel ne s'attachait aucune idée bien précise.

                    Il ne faut donc pas s'étonner qu'il soit pris de nos jours dans des acceptions si diverses, et que, en passant d'une personne à une autre, il signifie des choses tout à fait contradictoires. Les uns, l'entendant dans un sens favorable, y voient une impulsion ou une impression divine, supérieure à toutes les facultés naturelles et qui amène, pour un temps, la suspension totale ou partielle de la raison et des sens physiques. Dans ce sens, les prophètes et les apôtres de jadis auraient été de vrais enthousiastes, puisque, à certains moments, ils étaient tellement remplis de l'Esprit et tellement placés sous son influence, que l'exercice de leur raison, de leurs sens et de leurs facultés naturelles était suspendu et que, sous l'action absolue du pouvoir divin, ils ne parlaient plus que « poussés par le Saint-Esprit (2Pierre 1 : 21)  ».

                    D'autres entendent ce mot dans un sens indifférent, je veux dire dans un sens qui n'implique moralement ni bien ni mal. C'est ainsi qu'ils parlent de l'enthousiasme des poètes, d'Homère et de Virgile, par exemple. Un éminent écrivain de notre temps a été jusqu'à dire qu'aucun homme ne peut exceller dans sa profession, quelle qu'elle soit, sans avoir dans le tempérament une forte teinte d'enthousiasme. Ce qu'ils paraissent entendre par enthousiasme, c'est une vigueur peu commune de pensée, une ferveur particulière d'esprit, une vivacité et une force qui ne se trouvent pas dans les hommes ordinaires, et qui élèvent l'âme à des choses plus grandes et plus hautes que celles où la froide raison peut atteindre.

                    Mais aucune de ces acceptions n'est celle dans laquelle le mot enthousiasme est le plus ordinairement employé. La plupart des hommes s'accordent au moins en ceci que l'enthousiasme est quelque chose de mauvais ; et c'est tout particulièrement la pensée de ceux qui flétrissent de ce nom la religion du cœur. Dans les pages suivantes, je le prendrai donc dans cette acception, et je l'envisagerai comme un malheur, sinon comme une faute.

                    Pour ce qui est de la nature de l'enthousiasme, c'est évidemment un désordre de l'esprit, et un désordre tel qu'il nuit grandement à l'exercice de la raison. Parfois même il la supplante complètement ; il n'obscurcit pas seulement les yeux de l'entendement, il les ferme. On peut donc le considérer comme une sorte de folie, et non simplement comme étant de la sottise. Un sot est, à proprement parler, un homme qui tire de fausses conclusions de prémisses vraies, tandis qu'un fou est celui qui tire des conclusions justes de prémisses fausses. Ainsi fait l'enthousiaste. Supposez ses prémisses vraies, et vous êtes forcé d'admettre ses conclusions. Mais justement il se trompe en posant des prémisses fausses. Il s'imagine qu'il est ce qu'il n'est pas ; et son point de départ étant faux, plus il avance et plus il s'égare.

                    Tout enthousiaste est donc, à bien, parler, un fou. Seulement sa folie n'est pas ordinaire, elle est religieuse. Je ne veux pas dire par là qu'elle constitue un des éléments de la religion ; bien au contraire. La religion est le fait d'un esprit sain ; et conséquemment est en opposition directe avec toute espèce de folie. Mais je veux dire que cette sorte de folie a la religion pour objet, et qu'elle se meut dans cette sphère. Aussi l'enthousiaste parle-t-il généralement de religion ; de Dieu et des choses de Dieu, mais il en parle de telle façon que tout chrétien raisonnable peut discerner le désordre qui règne dans son esprit. L'enthousiasme, en général, peut être décrit ainsi : une folie religieuse résultant d'une prétendue influence ou inspiration divine, ou tout au moins une folie qui attribue à Dieu ce qui ne doit pas lui être attribué, ou qui attend de lui ce qu'on ne doit pas en attendre.

                    Il y a d'innombrables espèces d'enthousiasmes. Afin qu'on puisse plus aisément s'y reconnaître et les éviter, j'essaierai de grouper sous quelques chefs généraux, celles qui sont les plus communes, et par conséquent les plus dangereuses.

                     La première espèce d'enthousiasme que je mentionnerai est celui des gens qui imaginent qu'ils possèdent la grâce qu'ils n'ont pas. Quelques-uns croient, sans raison, avoir la rédemption par Christ, « savoir la rémission de leurs péchés (Éphésiens 1 : 7)  ». Ce sont ceux qui « n'ont pas de racine en eux- mêmes (Matthieu 13 : 5,6,20,21) », ni repentance profonde, ni vraie conviction. « Ils reçoivent d'abord la parole avec joie », mais comme « elle n'entre pas profondément dans la terre », qu'il n'y a pas d'œuvre profonde dans leur cœur, la semence « lève aussitôt », il s'accomplit un changement superficiel immédiat, qui, combiné avec leur joie légère, avec l'orgueil de leur cœur qui n'a pas été brisé et avec leur amour désordonné d'eux-mêmes, les persuade aisément qu'ils ont « goûté la bonne parole de Dieu et les puissances du siècle à venir (Hébreux 6 : 5)  ».

                    C'est là une sorte de folie, qui provient de ce qu'on s'imagine avoir reçu une grâce que l'on n'a pas reçue, en se décevant ainsi soi-même. Pure folie en effet que celle-là ! Le raisonnement serait bon, si les prémisses n'étaient pas fausses ; mais comme elles ne sont que le fruit de l'imagination, tout ce qui s'appuie sur elles s'écroule pitoyablement. Toutes les rêveries de ces pauvres gens partent de cette supposition qu'ils ont la foi en Christ. S'ils l'ont, ils sont « sacrificateurs et rois (1Pierre 2 : 9) », possesseurs « d'un royaume qui ne peut être ébranlé (Hébreux 12 : 28)  ». Mais comme ils n'ont pas en réalité cette foi, tout ce qu'ils prétendent en tirer est aussi vide de vérité et de sens que les prétentions d'un fou ordinaire qui, se croyant roi, parle et agit en conséquence.

                     Il y a bien d'autres enthousiastes de cette sorte. Tel est, par exemple, cet orgueilleux zélote, fanatique, non de la religion, mais des opinions et, des formes de cultes auxquelles il donne ce nom. Celui-là aussi s'imagine qu'il est un croyant, voire même un champion de la foi qui a été donnée aux saints. Aussi, toute sa conduite s'appuie sur cette vaine imagination. Sa manière de faire aurait quelque raison si sa supposition était juste ; mais il n'est que trop évident qu'elle est l'effet d'un esprit et d'un cœur mal équilibrés.

                    Mais les plus nombreux parmi les enthousiastes de cette catégorie, ce sont ceux qui imaginent qu'ils sont chrétiens, tandis qu'ils ne le sont pas. Ils abondent, non seulement dans toutes les parties de notre pays, mais à peu près sur tout les points de la terre habitée. Si les oracles de Dieu sont vrais, il est clair et incontestable que ces gens-là ne sont pas chrétiens. Les chrétiens sont saints : eux ne le sont pas. Les chrétiens aiment Dieu : eux aiment le monde. Les chrétiens sont humbles : eux sont orgueilleux. Les chrétiens sont doux : eux sont irritables, les chrétiens ont l'esprit qui était en Christ : eux en sont éloignés autant que possible. Conséquemment ils ne sont pas plus des chrétiens qu'ils ne sont des archanges. Pourtant ils prétendent à ce titre, et voici quelques-unes des raisons qu'ils invoquent à l'appui : on les a toujours désignés ainsi ; ils ont été baptisés, il y a de longues années ; ils professent les opinions chrétiennes, ou, comme on dit, la foi chrétienne et catholique ; ils pratiquent les rites religieux que pratiquaient leurs pères avant eux ; ils mènent, comme leurs voisins, ce que l'on appelle une bonne vie chrétienne. Et qui osera prétendre que ces gens-là ne sont pas chrétiens ? quoique, il est vrai, ils n'aient pas une parcelle de vraie foi en Christ ou de véritable sainteté intérieure, quoiqu'ils n'aient jamais goûté l'amour de Dieu et n'aient pas été « faits participants du Saint-Esprit (Hébreux 6 : 4)  ».

                     Ah ! pauvres victimes de l'illusion ! Non, vous n'êtes pas chrétiens ! Vous n'êtes que des enthousiastes à la plus haute puissance ! Médecins, guérissez-vous vous-mêmes ! Mais d'abord apprenez à connaître votre maladie. Votre vie tout entière est dominée par ce mauvais enthousiasme et faussée par cette illusion qui vous fait croire que vous avez reçu la grâce de Dieu, laquelle vous n'avez pas reçue. Par suite de cette erreur fondamentale, vous errez chaque jour davantage, usurpant, tant dans vos paroles que dans vos actes, un caractère qui ne vous appartient à aucun degré. De là, dans toute votre conduite, une inconséquence palpable et flagrante, un bizarre mélange de paganisme réel et de christianisme imaginaire. Toutefois, comme les majorités sont de votre côté, vous réussirez toujours à obtenir de la multitude ce verdict : que vous êtes les seuls chrétiens de bon sens, et : que tous ceux qui ne sont pas tels que vous sont des fous. Mais cela ne change en rien la vraie nature des choses. Au point de vue de Dieu et de ses saints anges, et aussi au point de vue de tous les vrais enfants de Dieu qui sont sur la terre, c'est vous qui êtes des insensés et de pauvres enthousiastes ! En voulez-vous la preuve ? Ne marchez-vous pas au milieu d'ombres vaines, une ombre de religion, une ombre de bonheur ? Ne vous agitez-vous pas en vain au sujet d'infortunes aussi imaginaires que votre bonheur ou votre religion ? Ne vous croyez-vous pas grands et bons, très expérimentés et très sages ? Jusques à quand dureront vos illusions ? Peut-être jusqu'à ce que la mort vienne vous ramener assez à la raison pour vous faire déplorer à jamais voir folie.

                    Une seconde espèce d'enthousiastes sont ceux qui imaginent avoir reçu de Dieu des dons qu'ils n'ont pas reçus. Il en est qui se sont mis dans l'esprit qu'ils ont reçu le don de faire des miracles, de guérir les malades par la parole ou par l'attouchement, de rendre la vue aux aveugles, voire même de ressusciter les morts ; un cas de ce genre s'est récemment produit parmi nous. D'autres ont entrepris de prophétiser, d'annoncer les choses à venir avec certitude et précision. Lorsque les faits viennent démentir leurs prédictions, l'expérience accomplit ce que la raison n'avait pu faire et se charge de les ramener au bon sens.

                    A cette même classe appartiennent ceux qui s'imaginent à tort que leurs prédications ou leurs prières sont inspirées par l'Esprit de Dieu. Je sais bien que sans lui nous ne pouvons rien faire, spécialement dans notre ministère public ; que toutes nos prédications sont vaines, si elles ne sont pas accompagnées de la puissance d'en haut, et qu'il en est de même de nos prières, si « l'Esprit ne nous aide dans nos infirmités (Romains 8 : 26) ». Je sais que si nous prêchons et prions sans l'Esprit, tout notre travail est stérile ; et je crois que tout ce qui se fait de bon ici-bas est l'œuvre de celui qui accomplit toutes choses en tous. Mais ceci ne change rien au cas qui est devant nous. S'il existe une influence réelle de l'Esprit de Dieu, il y en a aussi de purement imaginaires, et bien des gens s'y trompent. Tels supposent qu'ils se trouvent sous cette influence, alors qu'ils sont bien loin d'y être. D'autres supposent y être à un degré où ils n'y sont pas réellement. Je crains qu'il ne faille mettre dans ce nombre tous ceux qui imaginent que Dieu leur dicte les paroles qu'ils prononcent, et qui, conséquemment, croient qu'il est impossible qu'ils se trompent, soit pour le fond, soit pour la forme. On sait quel nombre prodigieux d'enthousiastes de cette sorte a produit notre siècle, et parmi ceux-là il s'en trouve qui parlent d'une manière plus autoritaire que ne l'ont jamais fait saint Paul ou les autres apôtres.

                    Cette même espèce de fanatisme se trouve fréquemment, quoique à un moindre degré, chez des hommes non revêtus d'un caractère public. Ils peuvent aussi s'imaginer à tort qu'ils sont placés sous l'influence et sous la direction de l'Esprit. Je reconnais que « si un homme n'a pas l'Esprit de Christ, il n'est pas à lui (Romains 8 : 9) ; » et que c'est toujours par le secours de cet Esprit que nous pensons bien, que nous parlons bien, que nous agissons bien. Mais que de gens lui imputent des choses, ou en attendent de lui, sans avoir pour le faire aucune base ni rationnelle ni scripturaire ! Tels sont ceux qui s'imaginent qu'ils peuvent ou doivent recevoir des directions particulières de Dieu, non seulement dans des affaires importantes, mais dans des choses sans importance et dans les plus petites circonstances de la vie. C'est là oublier que Dieu nous a donné notre raison pour guide dans ces choses, sans exclure jamais toutefois l'assistance secrète de son Esprit.

                    Ce sont encore des enthousiastes du même ordre, ceux qui s'attendent à être dirigés de Dieu, soit pour les choses spirituelles, soit pour la vie commune, d'une manière qu'ils appellent extraordinaire ; je veux dire au moyen de visions et de songes, par de fortes impressions ou par de soudaines impulsions de leur esprit. Je ne nie pas que Dieu ait autrefois manifesté sa volonté de cette manière, ou qu'il puisse encore le faire ; je crois même qu'il le fait dans quelques cas très rares. Mais que de fois les hommes se trompent à cet égard ! Combien souvent l'orgueil ou une imagination échauffée les pousse à attribuer à Dieu des impulsions ou des impressions, des rêves ou des visions absolument indignes de lui ! C'est là du pur fanatisme, aussi de la religion que de la vérité et, du bon sens.

                    Quelqu'un demandera peut-être : « Ne devons-nous donc pas en toutes choses chercher à connaître quelle est la volonté de Dieu ? et ne devons-nous pas faire de cette volonté la règle de notre conduite ? » Sans aucun doute. Mais comment un chrétien sensé cherchera-t-il à discerner la volonté de Dieu ? Non en attendant des rêves surnaturels ou des visions peur la lui manifester ; pas davantage en attendant des impressions particulières ou des impulsions soudaines dans son esprit ; mais en consultant les oracles de Dieu. « A la loi et au témoignage (Esaïe 8 : 20) ! » C'est là la méthode ordinaire de « connaître la volonté de Dieu, qui est bonne, agréable et parfaite (Romains 12 : 2) »,

                    — « Mais, demande-t-on, comment connaîtrai-je quelle est la volonté de Dieu, dans tel et tel cas particulier, en une chose de nature indifférente, et sur laquelle l’Écriture ne se prononce pas ? » Je réponds : Les Écritures vous donnent elles-mêmes une règle générale applicable à tous les cas particuliers : « La volonté de Dieu, c'est notre sanctification (1Thessaloniciens 4 : 3) ». C'est sa volonté que nous soyons saints intérieurement et extérieurement ; que nous soyons bons, que nous fassions le bien, en toute manière et au degré le plus élevé dont nous sommes capables. Nous sommes ici sur un terrain solide. Cette règle est aussi claire que la lumière du soleil. Nous n'avons donc, pour connaître quelle est la volonté de Dieu dans un cas particulier, qu'à appliquer cette règle générale.

                    Supposez, par exemple, qu'on propose à un homme raisonnable de se marier ou d'entreprendre une affaire. Pour savoir quelle est la volonté de Dieu, il se dira :

                    « C'est la volonté de Dieu à mon égard que je sois aussi saint et que je fasse autant de bien que je le puis », et, partant de ce principe, il se demandera simplement : « Dans lequel de ces états puis-je être le plus saint et faire le plus de bien ? » Et à cette question il répondra en consultant la raison et l'expérience. L'expérience lui dira, quels avantages lui offre sa condition présente pour être saint et utile ; et, la raison lui montrera ce que lui apporterait en échange la situation qui lui est proposée. Il établira ainsi une comparaison et jugera quelle est la voie dans laquelle il pourra être le plus saint et le plus utile, et il pourra de la sorte déterminer, avec quelque certitude, quelle est la volonté de Dieu.

                    Il va sans dire que nous supposons l'aide du Saint-Esprit, pendant tout le cours de cette recherche. Il n'est pas facile sans doute de dire de quelle manière cette aide nous est envoyée. Dieu peut nous remettre en mémoire diverses circonstances, mettre plus fortement en lumière certains faits, disposer insensiblement notre esprit à recevoir une conviction, et fixer cette conviction sur notre cœur. Et à un concours de circonstances de cette nature., il peut ajouter une paix intérieure si profonde et une mesure si grande de son amour, qu'il ne nous reste plus aucune possibilité de douter quelle est, dans ce cas particulier, sa volonté à notre égard.

                     Telle est la manière simple, scripturaire et rationnelle de connaître ta volonté de Dieu dans un cas déterminé. Mais quand on considère combien peu cette méthode est suivie, et à quel débordement de fanatisme nous assistons de la part de ceux qui veulent connaître la volonté de Dieu par des méthodes contraires à l'Écriture et à la raison, on en vient à se demander s'il n'y aurait pas lieu d'user plus discrètement de cette expression. Bien des gens, qui disent vouloir chercher à connaître la volonté de Dieu, lorsqu'il s'agit des choses les plus triviales, se rendent coupables de la violation du troisième commandement ; ils prennent le nom de Dieu en vain et commettent à son égard une coupable irrévérence. Ne vaudrait-il pas mieux employer d'autres expressions, qui seraient moins sujettes à la critique ? Au lieu de dire, par exemple, dans tel cas particulier : « Je désire connaître la volonté de Dieu  » ; ne vaudrait-il pas mieux dire : « Je désire connaître ce qui contribuera le mieux à me rendre plus saint et plus utile ? » Cette manière de parler est claire et inattaquable ; elle est d'accord avec les saintes Écritures, et écarte le danger de fanatisme.

                    Une troisième et très commune espèce d'enthousiastes (que nous aurions peut-être pu rattacher à la première catégorie) comprend ceux qui veulent atteindre la fin sans se servir des moyens, et qui attendent une intervention directe de Dieu. Leur attente serait justifiée, si Dieu lui-même refusait les moyens. Dieu peut certainement, en un tel cas, exercer directement sa puissance, et il l'a fait quelquefois. Mais ceux qui attendent son intervention, et qui, lorsque les moyens extérieurs existent, refusent de s'en servir, ceux-là sont des fanatiques. Sur le même rang nous placerons ceux qui s'attendent à comprendre les Saintes Écritures sans les lire et sans les méditer, et en dédaignant les secours qui sont à leur portée et qui leur en feraient pénétrer le sens. Tels sont aussi ceux qui, de propos délibéré, prennent la parole dans une assemblée religieuse sans aucune préparation préalable. Je dis : de propos délibéré ; car il peut y avoir telle circonstance où l'on soit contraint, de parler sans préparation. Mais quiconque méprise ce moyen de parler utilement se montre en cela un enthousiaste.

                    On peut s'attendre que je mentionne ici, comme formant une quatrième catégorie d'enthousiastes, ceux qui attribuent à la Providence de Dieu des choses qui ne devraient pas lui être attribuées. Mais j'avoue que je ne connais pas moi-même quelles choses ne doivent pas être attribuées à la Providence, quelles choses demeurent en dehors ; du gouvernement divin et ne s'y rattachent pas, soit directement, soit indirectement. Je n'excepte que le péché ; et encore, dans les péchés des autres, je reconnais la Providence de Dieu envers moi. Je ne dis pas : la Providence générale ; car c'est là un grand mot qui ne signifie rien du tout. Et s'il existe une Providence particulière, elle doit s'étendre à tous les hommes et à toutes choses. Notre Seigneur l'entendait ainsi ; sans quoi il n'eût jamais dit : « Les cheveux même de votre tête sont tons comptés (Matthieu 10 : 30) ; » et encore : « Un passereau ne tombe pas à terre sans la permission de votre Père (Matthieu 10 : 29)  ». Mais s'il en est ainsi, si Dieu préside universis tanquam singulis, et singulis tanquam universis, (sur les individus, comme sur les individus comme sur l'univers,) que reste-t-il (sauf nos propres pêchés) que nous puissions soustraire à la Providence de Dieu ? Je ne puis donc comprendre qu'on élève ici l'accusation de fanatisme.

                    On me dira : « Vous vous considérez donc comme particulièrement favorisé du ciel ». Je réponds : Vous oubliez ce que nous venons de dire, que la Providence veille sur tous les hommes, aussi bien que sur chacun individuellement. Ne comprenez vous pas que l'homme qui croit cela considère tout homme comme autant favorisé d'en haut, qu'il l'est lui-même ?

                    Nous devons nous garder avec le plus grand soin contre toutes ces formes du faux enthousiasme et considérer les déplorables effets qu'il a souvent produits et qui en sont le résultat naturel. L'orgueil vient en première ligne ; c'est l'orgueil qui alimente sans cesse la source d'où il dérive ; et c'est lui qui nous sépare toujours plus de la faveur et de la vie de Dieu, c'est lui qui tari en nous les sources de la foi, de l'amour, de la justice et de la vraie sainteté, en nous séparant de la grâce qui les produit ; car « Dieu résiste aux orgueilleux, mais il fait grâce aux humbles (Jacques 4 : 6)  ».

                     En même temps que l'esprit de l'enthousiaste est dominé par l'orgueil, il devient absolument rebelle à la persuasion et même aux conseils. Il en résulte que quelles que soient les erreurs ou les fautes auxquelles il succombe, il n'y a guère lieu d'espérer son relèvement. On a souvent et justement remarqué que la raison doit avoir bien peu de poids pour celui qui s'imagine être conduit par un guide supérieur à elle, par la sagesse même de Dieu. A mesure donc que son orgueil grandit, l'enthousiaste devient toujours plus entêté et rétif aux avis d'autrui, toujours moins susceptible d'être convaincu ou persuadé, toujours plus attaché à son propre sens et à sa propre volonté, jusqu'à devenir absolument fermé à toute bonne influence.

                    Ainsi cuirassé à la fois contre la grâce de Dieu et contre les avis et l'aide de ses semblables, il n'a plus d'autres guides que son propre cœur et que Satan, prince des orgueilleux. Il n'est pas étonnant qu'il s'enracine toujours plus dans son mépris pour les autres hommes, dans ses dispositions irritables et malveillantes, et qu'il manifeste des sentiments terrestres et diaboliques. Il ne faut pas non plus s'étonner des terribles effets qui, dans tous les temps, ont découlé de telles dispositions ; on peut dire que toute espèce de méchanceté ; toutes les œuvres de ténèbres ont été commises par des gens qui se nomment chrétiens et qui font ce que des païens rougiraient de faire.

                 Telle est la nature, tels sont les tristes effets de ce monstre à plusieurs têtes, le faux enthousiasme. De cet examen nous pouvons maintenant déduire quelques simples conclusions pratiques.

                    Et d'abord, si l'enthousiasme est un terme peu compris, quoique fréquemment employé, évitez soigneusement d'employer un mot que vous comprenez mal. A cet égard, comme à tous les autres, apprenez à penser avant de parler. Rendez-vous bien comble de la signification de ce terme étrange, et ne l'employez qu'à bon escient.

                    Prenez garde, en second lieu, d'appeler quelqu'un enthousiaste, simplement parce que tout le monde l'appelle ainsi. On n'est pas fondé, pour une pareille raison à appliquer à qui que ce soit une appellation malsonnante, et celle-là moins encore qu'aucune autre. Il n'est ni juste ni miséricordieux de porter sans preuve une aussi grave accusation contre quelqu'un.

                    Mais si le faux enthousiasme est un si grand mal, prenez garde de n'en être atteint. Veillez et priez, pour ne pas succomber à une tentation qui menace ceux qui ont la crainte et l'amour de Dieu. Prenez garde de n'avoir pas de vous-même une plus haute opinion qu'il ne faut. Ne vous imaginez pas avoir atteint telle grâce de Dieu, à laquelle vous n'êtes pas en réalité parvenu. Vous pouvez avoir beaucoup de joie et une certaine mesure d'amour, et n'avoir pas encore une foi vivante. Demandez à Dieu qu'il ne permette pas que, aveugle comme vous l'êtes, vous sortiez du bon chemin ; que vous ne vous imaginiez pas être un croyant aussi longtemps que Christ ne s'est pas révélé en vous, et que son Esprit n'a pas témoigné à votre esprit que vous êtes enfant de Dieu.

                       Ne soyez pas un enthousiaste persécuteur. Ne vous imaginez pas que Dieu vous a appelé (contrairement à l'Esprit qui était en Jésus) à faire périr les hommes, et non à les sauver. Ne songez pas à contraindre les hommes à entrer dans les voies de Dieu. Pensez pour vous-mêmes et laissez penser les autres. N'usez pas de contrainte en matière de religion. N'essayez pas de contraindre même les plus égarés, par d'autres moyens que la raison, la vérité et l'amour.

                    Ne vous imaginez pas que vous êtes un chrétien, si vous ne l'êtes pas. N'usurpez pas ce nom vénérable, si vous n'y avez un titre clair et scripturaire, et surtout si vous n'avez pas l'Esprit qui était en Christ, en sorte que vous marchiez comme il a marché lui-même.

                    Ne vous imaginez pas avoir reçu de Dieu des dons que vous n'avez pas reçus, Ne vous fiez pas aux visions ou aux songes, et pas davantage aux impressions soudaines ou aux fortes impulsions, de quelque nature qu'elles soient. Souvenez-vous que ce n'est pas ainsi que vous devez chercher à connaître la volonté de Dieu dans ou telle ou telle occasion particulière ; mais ayez recours tout simplement à l’Écriture, en vous aidant de l'expérience et de la raison, et en réclamant le secours de l'Esprit de Dieu. N'employez pas à la légère le nom de Dieu : n'alléguez pas sa volonté à propos des plus futiles circonstances ; mais que vos paroles comme vos actions, soient empreintes de révérence et d'une crainte pieuse.

                     Enfin, gardez-vous d'imaginer que vous pouvez obtenir la fin sans vous servir des moyens qui y conduisent. Dieu peut sans doute donner la fin sans les moyens ; mais vous n'avez aucune raison de penser qu'il veuille le faire. Servez-vous donc constamment et avec soin de tous les moyens qu'il a établis pour être les canaux ordinaires de sa grâce. Servez-vous de tous les moyens indiqués par la raison ou par l’Écriture, pour obtenir ou pour augmenter en vous les dons de Dieu. Cherchez à croître journellement dans cette pure et sainte religion, que le monde appelle et appellera toujours de l'enthousiasme, mais qui, pour tous ceux qui sont délivrés du mauvais enthousiasme et du christianisme purement nominal, est « la sagesse de Dieu et la puissance de Dieu (1Corinthiens 1 : 24) » , la glorieuse image du Très-haut « la justice et la paix (Romains 14 : 17) » , et une « source d'eau vive qui jaillit jusqu'en vie. éternelle (Jean 4 : 14) ».

lundi 11 juillet 2016

(3) LES SERMONS DE WESLEY LA LOI ÉTABLIE PAR LA FOI, SECOND DISCOURS

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Sermon 36 :  (1750)   LA LOI ÉTABLIE PAR LA FOI, SECOND DISCOURS


Romains 3,31

Anéantissons-nous donc la loi par la foi? Loin de là! Au contraire, nous confirmons la loi. 

                    Dans un premier discours, nous avons montré quelles sont les manières les plus ordinaires d'anéantir la loi par la foi ; savoir :

1° de ne point du tout prêcher la loi, ce qui en effet l'anéantit d'un seul coup ; et cela, sous prétexte de prêcher Christ et de glorifier l’Évangile, quoique ce soit, en réalité, détruire l'un et l'autre ; 

2° d'enseigner (directement ou indirectement,) que la foi supprime la nécessité de la sainteté ; que la sainteté est moins nécessaire, ou qu'un moindre degré de sainteté est nécessaire maintenant qu'avant la venue de Christ ; qu'elle nous est moins nécessaire, en tant que nous croyons, qu'elle ne l'eût été sans cela, ou que la liberté chrétienne nous affranchit d'un genre ou d'un degré quelconque de sainteté (triste abus de cette grande vérité, que nous sommes maintenant, non sous l'alliance des œuvres, mais sous celle de la grâce ; que l'homme est justifié par la foi, sans les œuvres de la loi ; qu'à celui qui n'a point travaillé, mais qui croit, sa foi lui est imputée à justice) ;

3° enfin, d'anéantir la loi en pratique, sinon en principe ; de vivre ou d'agir comme si la foi nous était donnée pour nous dispenser de la sainteté ; de nous permettre le péché parce que nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce. Il nous reste à voir comment, nous pouvons suivre une meilleure règle et être rendus capables de dire avec l'apôtre :

« Anéantissons-nous donc la loi par la foi ? Dieu nous en garde ! Au contraire, nous établissons la loi ».

                    Nous n'établissons pas, il est vrai, l'ancienne loi rituelle : nous savons qu'elle est abolie pour toujours. Bien moins encore établissons-nous l'économie mosaïque en général ; sachant que le Seigneur l'a clouée à sa croix. Nous n'établissons même pas la loi morale (ce que font, nous le craignons, un trop grand nombre de personnes), comme si son accomplissement était la condition de notre justification ; s'il en était ainsi, « personne ne serait justifié devant Dieu (Romains 3 : 20)  ». Mais tous ces points concédés, toujours est-il que, dans le même sens que l'apôtre, « nous établissons la loi » , la loi morale ! 

 I

                   Nous établissons la loi, en premier lieu, par notre doctrine ; en nous efforçant de prêcher la loi dans toute son étendue, d'en exposer avec insistance toutes les parties, comme le faisait sur la terre notre divin Maître. Nous l'établissons en suivant cette direction de saint Pierre : « Si quelqu'un parle, qu'il parle selon les oracles de Dieu (1 Pierre 4 : 11) », c'est-à-dire comme ont parlé et écrit, pour notre instruction, les saints hommes de Dieu d'autrefois, poussés par le Saint-Esprit, et les apôtres de notre Seigneur, dirigés par le même Esprit. Nous l'établissons lorsque, prêchant au nom de Christ, nous ne cachons rien aux auditeurs, mais que nous leur déclarons, sans limitation ni réserve, tout le conseil de Dieu. Et pour l'établir plus complètement, nous usons, dans nos discours, d'une grande simplicité. « Nous ne falsifions pas la parole de Dieu, comme le font plusieurs ( 2 Corinthiens 2 : 17. – Le terme de l'original, s'emploie pour la fabrication des vins.) ; » nous ne la fraudons, nous ne la mêlons, nous ne l'altérons, nous ne l'adoucissons pas, pour l'accommoder au goût. des auditeurs ; mais nous parlons avec sincérité, comme de la part de Dieu, et, en la présence de Dieu en Jésus-Christ » , comme n'ayant d'autre but que de nous rendre « recommandables à la conscience de tous les hommes devant Dieu, par la manifestation de la vérité (2Cornthiens 4 : 2)  ». 

                    Ainsi nous établissons la loi par notre doctrine, quand nous la déclarons ouvertement à tous les hommes ; et cela dans la plénitude dans laquelle nous la donnent le Seigneur et ses apôtres, quand nous la publions dans sa hauteur, sa profondeur, sa longueur et sa largeur. Ainsi nous établissons la loi quand nous en déclarons chaque partie, chaque commandement, non seulement dans la plénitude du sens littéral, mais en même temps dans le sens spirituel ; non seulement quant aux actes extérieurs qu'elle commande ou défend, mais aussi quant à son principe intime, quant aux pensées, aux désirs et, aux intentions du cœur. 

                    Et quant à ceci, nous y mettons d'autant plus de soin, que c'est non seulement de la plus haute importance, — puisque, si l'arbre est mauvais, si les dispositions du cœur ne sont pas droites devant Dieu, le fruit (paroles ou œuvres) ne peut qu'être mauvais en tout temps, — mais aussi parce que ces choses, quelque importantes qu'elles soient, sont peu méditées ou peu comprises, — si peu comprises que nous pouvons appliquer à la loi, prise dans toute sa signification spirituelle, ce que saint Paul dit de l’Évangile, que c'est le mystère qui avait, été caché dans tous les temps et dans tous les siècles (Colossiens 1 : 26) » Elle fut entièrement cachée aux païens. Avec toute leur prétendue sagesse, ils n'avaient trouvé ni Dieu ni la loi de Dieu ; ils en ignoraient la lettre et bien plus encore l'esprit. « Leur cœur, destitué d'intelligence, se remplit de plus en plus de ténèbres ; se disant sages, ils étaient devenus fous (Romains 1 : 21,22)  ». Et la masse des Juifs n'était, pas moins étrangère au sens spirituel de la loi. Quelque prompts qu'ils fussent à dire d'autrui : « Cette populace, qui n'entend point la loi, est exécrable (Jean 7 : 49) », ils prononçaient en cela leur propre sentence, étant dans une ignorance non moins funeste et sous la même malédiction. Témoin les reproches continuels que le Seigneur adresse aux plus sages d'entre eux pour les erreurs grossières de leurs interprétations de la loi. Témoin le préjugé par lequel ils s'imaginaient généralement qu'ils n'avaient qu'à « nettoyer le dehors de la coupe et du plat » qu'à « payer la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin (Matthieu 23 : 23-25) », et que cette exactitude au dehors servirait d'expiation pour les souillures du dedans, pour l'oubli total de la justice et de la miséricorde, de la foi et de l'amour de Dieu. Que dis-je ? le sens spirituel de la loi était tellement caché aux plus sages d'entre eux que voici le commentaire d'un de leurs plus éminents rabbins sur ce verset du psalmiste : « Si j'eusse pensé quelque iniquité dans mon cœur, le Seigneur ne m'eût point écouté (Psaume 66 : 18) » , c'est-à-dire, dit-il, « que si c'est seulement dans mon cœur, et non au dehors, que je commets l'iniquité, le Seigneur n'y prendra pas garde ; il ne me punira point, à moins que je n'aille jusqu'à l'acte extérieur ! »

                    Mais, hélas ! la loi de Dieu, quant à sa signification intérieure et spirituelle, n'est point cachée seulement aux Juifs et aux païens, elle l'est encore aux chrétiens ; au moins à la grande majorité d'entre eux. Pour eux aussi, cette signification spirituelle est encore un mystère. Et cela ne se voit pas seulement dans les pays que Rome a enveloppés de ténèbres et d'ignorance, mais il n'est que trop certain que la plupart de ceux même qu'on appelle chrétiens réformés sont encore totalement étrangers à la loi de Christ, dans sa pureté et sa spiritualité. 

                   Il en résulte que, de nos jours aussi, « les scribes et les pharisiens » , c'est-à-dire ceux qui ont la forme et non la force de la religion, et qui sont en général sages à leurs propres yeux, et justes dans l'opinion qu'ils ont d'eux-mêmes, « sont scandalisés quand ils entendent ces choses » , et sont profondément blessés quand nous parlons de la religion du cœur, et surtout quand nous montrons que, sans elle, « quand même nous donnerions tous nos biens pour la nourriture des pauvres, cela ne nous servirait de rien (1Corinthiens 13 : 3)  ». Mais il faut qu'ils soient scandalisés ; car nous ne pouvons pas ne pas dire la vérité, telle qu'elle est en Jésus. « Soit qu'ils écoutent, soit qu'ils n'en fassent rien (Ézéchiel 2 : 5) », nous devons, quant à nous, « délivrer notre âme (Ézéchiel 3 : 19)  ». Et tout ce qui est écrit. dans le livre de Dieu, nous devons le déclarer, non pour plaire aux hommes, mais pour plaire au Seigneur. Nous devons déclarer, non seulement toutes les promesses, mais aussi toutes les menaces que nous y trouvons. En même temps que nous proclamons toutes les bénédictions, tous les privilèges que Dieu a préparés pour ses enfants, nous devons « leur apprendre à garder toutes les choses qu'il a commandées (Mattieu 28 : 20)  ». Et nous savons qu'elles ont toutes leur importance, soit pour réveiller ceux qui dorment, pour instruire les ignorants, pour consoler les faibles, soit pour développer et perfectionner les saints. Nous savons que « toute l’Écriture divinement inspirée est utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger et pour instruire dans la justice » , et que l'homme de Dieu a besoin de toutes les parties de l’Écriture pour que l'œuvre divine se fasse complètement dans son âme, et qu'il soit enfin « accompli et parfaitement propre pour toute bonne œuvre (2Timothée 3 : 16,17)  ». 

                   C'est ainsi que nous devons prêcher Christ, en prêchant tout ce qu'il nous a révélé. Nous pouvons assurément, en bonne conscience, et même avec une bénédiction particulière de Dieu, faire connaître l'amour de notre Seigneur Jésus-Christ ; parler d'une manière spéciale de « l’Éternel notre justice (Jérémie 23 : 6) ; » nous étendre sur la grâce par laquelle « Dieu était en Christ réconciliant le monde avec soi  » ; (2 Corinthiens 5 : 19) nous pouvons, quand l'occasion s'en présente, célébrer les louanges de Celui qui a porté « les iniquités de nous tous » , qui a été « navré pour nos forfaits, frappé pour nos iniquités » , et qui nous donne « la guérison par ses meurtrissures ». (Esaïe 53 : 5,6) Toutefois nous ne prêcherions pas Christ selon sa parole, si nous bornions à cela notre prédication ; nous devons, pour être nous-mêmes nets devant Dieu, proclamer Christ, dans toutes ses fonctions. Pour faire l'œuvre d'un ouvrier sans reproche, il nous faut prêcher Christ, non seulement comme notre grand Sacrificateur, « pris d'entre les hommes et établi pour les hommes dans les choses qui regardent Dieu (Hébreux 5 : 1) », nous réconciliant, comme tel, avec Dieu par son sang, et à toujours vivant pour intercéder pour nous (Hébreux 7 : 25) ; » — mais aussi comme le prophète du Seigneur, « qui nous a été fait sagesse de la part de Dieu (1Corintiens 1 : 30) ; » qui, par sa parole et par son Esprit, est toujours avec nous, « nous conduisant dans toute la vérité (Jean 16 : 13) ; » — et comme notre Roi pour toujours, donnant des lois à tous ceux qu'il a rachetés par son sang, rétablissant à l'image de Dieu ceux qu'il a rétablis dans sa faveur, et régnant dans tous les cœurs croyants jusqu'à ce qu'il se soit « assujetti toutes choses (1Co 15 : 28) » ; jusqu'à ce qu'il ait rejeté dehors toute iniquité et « amené la justice des siècles (Daniel 9 : 24)  

.II 

                   En second lieu, nous établissons la loi, quand nous prêchons Christ de manière, non à rendre superflue la sainteté, mais à la produire, sous toutes ses formes, négatives et positives, dans le cœur et dans la vie. 

                    Dans ce but, nous ne cessons de déclarer (et c'est ce que devrait toujours considérer attentivement quiconque désire ne point « anéantir la loi par la foi », ) que la foi elle-même, la foi chrétienne, la foi des élus de Dieu, la foi que Dieu opère, n'est cependant que la servante de l'amour. Quelque glorieuse et. honorable qu'elle soit, elle n'est pas « la fin du commandement (1Timothée 1 : 5)  ». Dieu a donné cet honneur au seul amour. L'amour est la fin de tous les commandements de Dieu. L'amour est l'unique fin de toute dispensation divine, depuis le commencement du monde jusqu'à la consommation des siècles, et il subsistera quand auront passé les cieux et la terre ; car « l'amour » seul « ne périt jamais (1Corinthiens 13 : 8)  ». La foi périra tout entière ; elle se perdra dans la vue, dans l'éternelle vision de Dieu. Mais alors même l'amour

Toujours de même usage et de même nature,
Vivra dans son triomphe aux parvis éternels,
Conservant son flambeau, son feu qui toujours dure,
Répandant le bonheur parmi les immortels.

                    Des choses magnifiques sont dites de la foi ; et quiconque la possède peut bien s'écrier avec l'apôtre : « Grâces soient rendues à Dieu pour son don ineffable ! (2 Corinthiens 9 : 15) » Mais toute son excellence disparaît comparée à celle de l'amour. Ce que dit saint Paul de la gloire de l'Évangile par-dessus celle de la loi peut aussi se dire à propos de la gloire de l'amour pardessus celle de la foi : « Et même ce qui a été si glorieux ne l'a point été en comparaison de ce qui le surpasse de beaucoup en gloire. Car si ce qui devait prendre fin a été glorieux, ce qui doit toujours subsister l'est bien davantage (2 Corinthiens 3 : 10,11)  ». Et même la gloire qui appartient présentement à la foi provient tout entière de ce qu'elle sert à l'amour ; c'est le grand moyen temporaire que Dieu a ordonné pour accomplir ce but éternel.

                     Que ceux qui exaltent démesurément la foi jusqu'à anéantir tout ce qui n'est pas elle, et qui se méprennent sur sa nature jusqu'à imaginer qu'elle remplace l'amour, considèrent de plus que, si l'amour doit survivre à la foi, il a aussi existé longtemps avant la foi. Les anges qui, dès leur création, contemplaient la face de leur Père céleste, n'avaient. nul besoin de foi, dans son sens général, c'est-à-dire comme « démonstration des choses qu'on ne voit point. (Hébreux 11 : 1)  ». Elle ne leur était pas non plus nécessaire dans son acception spéciale, c'est-à-dire comme foi au sang de Jésus, « car il n'a pas pris les anges, mais il a pris la postérité d'Abraham (Hébreux 2 : 16)  ». Il n'y avait donc, avant la création du monde, aucun lieu pour la foi, ni dans le sens particulier, ni dans le sens général. Mais il y avait lieu pour l'amour ; l'amour existait de toute éternité, en Dieu, le grand océan d'amour. L'amour fut dans tous les enfants de Dieu, dès leur création ; leur miséricordieux Créateur leur donna, en même temps, d'exister et d'aimer.

                    Il n'est pas même certain (malgré tout ce qu'on a pu dire d'ingénieux et de plausible là-dessus) que la foi, même dans le sens général ; ait eu une place dans le paradis terrestre. On peut admettre, d'après le court récit des Écritures, qu'Adam, avant sa révolte, marchait avec Dieu par la vue, et non par la foi.

Car d'un œil d'aigle alors sa raison pénétrante
Aurait pu, d'aussi près qu'un ange radieux,
Contempler fixement la face éblouissante
De son Créateur glorieux.

                    Il pouvait parler face à face à Celui dont nous ne pouvons voir la face et vivre ; il n'avait donc nul besoin de cette foi dont l'office est de suppléer à la vue qui nous manque.

                    D'autre part, il est certain que la foi, dans son sens particulier, n'avait alors aucune raison d'être. Car, dans ce sens, elle présuppose nécessairement le péché, et la colère de Dieu déclarée au pécheur. Comme donc l'expiation n'était pas nécessaire avant la chute, il n'y avait non plus lieu à croire en cette expiation, l'homme étant alors pur de toute souillure de péché et saint comme Dieu est saint. Mais, alors même, l'amour remplissait son cœur ; il y régnait sans rival ; et ce fut seulement quand le péché eut chassé l'amour, que la foi fut donnée, mais non pour elle-même, ni pour exister plus longtemps que jusqu'à ce qu'elle eût atteint le but pour lequel elle était établie, savoir de rétablir l'homme dans l'amour d'où il était, déchu. Après la chute donc, survint la foi, cette démonstration, auparavant superflue, des choses qu'on ne voit point, cette confiance en l'amour du Rédempteur, laquelle ne pouvait exister,jusqu'à ce que fût faite la promesse que « la postérité de la femme écraserait la tête du serpent (Genèse 3 : 15)  ».

                     Puis donc que la foi fut destinée dès l'origine à rétablir la loi d'amour, en parler ainsi, ce n'est pas la. rabaisser, ni lui dérober sa louange ; mais, au contraire, c'est montrer son vrai prix, c'est l'exalter dans les vraies proportions, et lui donner la place même que la sagesse de Dieu lui assigna dès le commencement. Elle est le grand moyen de rétablir ce saint amour que l'homme avait reçu du Créateur. Il s'ensuit que, bien que la loi n'ait pas de valeur en elle-même (puisqu'elle n'est qu'un moyen), cependant, comme elle conduit à ce grand but le rétablissement de l'amour dans nos cœurs, et que, dans l'état présent des choses, elle est sous les cieux l'unique moyen pour y parvenir, la foi est dés lors une bénédiction ineffable pour l'homme et une chose infiniment précieuse devant Dieu.

III

                   Ceci nous conduit naturellement au troisième et au plus important moyen d'établir la loi ; il consiste à établir la loi dans nos propres murs, dans notre propre vie. Et sans cela, je le demande, à quoi servirait tout le reste ? Nous pourrions établir la loi par notre doctrine ; la prêcher dans toute son étendue ; en exposer, en presser chaque commandement ; en découvrir le sens le plus spirituel et faire connaître les mystères du royaume ; prêcher Christ dans toutes ses fonctions, et la foi en Christ comme ouvrant tous les trésors de son amour ; nous pourrions faire tout cela, et pourtant, si nous prêchions ainsi sans que cette loi fût établie dans nos murs, nous ne serions rien de plus devant Dieu que « l'airain qui résonne ou la cymbale qui retentit  » ; bien loin de nous être de quelque avantage, toute notre prédication ne ferait qu'accroître notre condamnation.

                    Voici donc le grand point à considérer : Comment ; établir la loi dans nos propres cœurs, de manière qu'elle exerce toute son influence sur notre vie ? Or, ceci n'est possible que par la foi.

                     La foi seule répond efficacement à ce but, comme nous l'apprend, chaque jour, l'expérience. Car aussi longtemps que nous marchons par la foi, et non par la vue, nous courons dans la voie de la sainteté. Tant que nous fixons nos regards, non sur les choses visibles, mais sur les invisibles, nous sommes de plus en plus crucifiés au monde et le monde nous est crucifié. Que l'oeil de l'âme regarde constamment, non aux choses temporelles, mais à celles qui sont éternelles, et nos affections, se détachant toujours plus de la terrer, s'attacheront aux choses d'en haut. En sorte que la foi, prise dans le sens général, est le moyen le plus direct et le plus efficace de nous faire avancer dans la justice et, dans la sainteté et d'établir la loi dans le cœur des croyants. 
          
                     Mais dans sa signification spéciale, c'est-à-dire comme confiance en un Dieu qui pardonne, la foi établit la loi dans nos cœurs d'une manière encore plus efficace. Car rien n'est plus puissant, pour nous porter à aimer Dieu, que le sentiment de l'amour de Dieu en Christ. Rien n'est plus propre à nous faire donner notre cœur à Celui qui s'est donné pour nous. Et, de ce principe d'amour pour Celui qui nous pardonne, découle aussi l'amour pour nos frères. Nous ne pouvons même ne pas aimer tous les hommes, si nous croyons véritablement à l'amour dont Dieu nous a aimés. Or cet amour pour les hommes, fondé sur la foi et sur l'amour pour Dieu, « ne fait pas de mal au prochain  » ; cet amour est donc, comme le dit l'apôtre, « l'accomplissement de la loi  » ; et d'abord de la loi négative : « car ce qui est dit : tu ne commettras point d'adultère ; tu ne tueras point ; tu ne déroberas point ; tu ne diras point de faux témoignage ; tu ne convoiteras point. ; et s'il y a quelque autre commandement, tout est compris sommairement dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Romains 13 : 9,10) ; » mais aussi de la loi positive ; car il ne suffit pas à l'amour de ne pas faire de mal au prochain. Il nous excite continuellement, suivant que nous en avons le temps et l'occasion, à lui faire du bien ; à faire à tous les hommes et en toutes choses le plus de bien possible.

                    La foi ne se contente pas non plus d'accomplir la loi négative ou positive quant, au dehors, mais elle agit au dedans par l'amour ; d'abord pour la purification du cœur, pour le nettoyer de toute impure affection. Quiconque a celle foi « se purifie soi-même comme lui aussi est pur (1Jean 3 : 3) ; » se purifie de tout désir sensuel et terrestre, de toute affection déréglée, en un mot de toute cette affection de la chair qui est inimitié contre Dieu. Puis, afin que son œuvre soit parfaite, elle le remplit aussi de toute bonté, de justice et de vérité. Elle fait descendre le ciel dans son âme, et le fais, marcher dans la lumière comme Dieu lui-même est dans la lumière.

                     Efforçons-nous d'établir ainsi la loi au dedans de nous ; ne péchant pas « parce que nous sommes sous la grâce », mais nous servant plutôt du pouvoir de la grâce, pour accomplir toute justice. Nous rappelant quelle lumière nous reçûmes de Dieu quand son Esprit. nous convainquit de péché, gardons-nous d'éteindre cette lumière ; retenons ferme ce qu'alors nous obtînmes. Que rien ne nous induise à rebâtir ce qu'alors nous démolîmes ; à reprendre aucune chose, grande ou petite, que nous vîmes clairement alors n'être pas pour la gloire de Dieu ; ni à négliger aucune chose, grande ou petite, que nous ne pouvions alors négliger sans être repris par notre conscience ; et à cette lumière, qu'alors nous reçûmes, joignons, pour l'accroître et la rendre parfaite, la lumière de la foi. Confirmons ainsi ces premiers dons de Dieu, par un sentiment plus profond des choses mêmes qu'alors il nous montra, par une plus grande délicatesse de conscience. Marchant maintenant dans la joie et non dans la crainte, dans une claire contemplation des choses éternelles, nous regarderons les plaisirs, les richesses, les louanges, toutes les choses terrestres, comme des bulles de savon sur l'eau ; rien ne nous paraissant important, ni désirable, ni digne d'occuper nos pensées, si ce n'est ce qui est « au delà du voile », là où Jésus « est assis à la droite de Dieu ».

                       Pouvez-vous dire : « Il pardonne toutes mes iniquités, il ne se souvient plus de mes péchés ? » Alors songez désormais à fuir le péché, comme on fuit un serpent. Car maintenant, combien il vous paraît odieux et « excessivement péchant ! » Et, par contre, sous quel aspect nouveau et aimable vous apparaît maintenant la sainte et parfaite volonté de Dieu ! Travaillez donc pour qu'elle soit accomplie en vous, par vous et pour vous. Travaillez maintenant et priez, afin que vous ne péchiez plus, mais que vous voyiez et évitiez jusqu'à la moindre transgression de la loi divine ! Quand le soleil pénètre dans un lieu obscur, vous voyez des atomes qui vous échappaient auparavant. Il en est de même, quant au péché, maintenant que le soleil de justice luit dans votre cour. Appliquez-vous donc de toutes vos forces à marcher maintenant, à tous égards ; selon celle lumière. Soyez maintenant zélés, pour recevoir chaque jour plus de lumière, pour croître dans la connaissance et l'amour de Dieu, pour recevoir une plus grande mesure de l'Esprit de Christ, de sa vie et de la puissance de sa résurrection ! Faites valoir maintenant tout ce que vous avez reçu de connaissance, d'amour, de vie, de force ; et vous irez ainsi de foi en foi, et vous croîtrez sans cesse dans un saint amour, jusqu'à ce que la foi se change en vue et que la loi d'amour soit établie pour l'éternité !






samedi 9 juillet 2016

(2) LES SERMONS DE WESLEY LA LOI ÉTABLIE PAR LA FOI, PREMIER DISCOURS

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Sermon 35 :     (1750 )       LA LOI ÉTABLIE PAR LA FOI, PREMIER DISCOURS
Romains 3,31
1750

Anéantissons-nous donc la loi par la foi? Dieu nous en garde !(Loin de là!) Au contraire, nous confirmons la loi. 

                     Après avoir posé, dès le commencement de cette épître, sa proposition générale, savoir que « l’Évangile de Christ est la puissance de Dieu pour le salut de tous ceux qui croient » (Romains 1 : 16), — le puissant moyen par lequel Dieu rend tout croyant participant, d'un salut présent et éternel ; — l'apôtre saint Paul s'applique a montrer qu'il n'y a pas sous les cieux d'autre chemin par lequel nous puissions être sauvés. Il parle surtout de la délivrance de la coulpe, appelée d'ordinaire justification. Et par divers arguments, adressés aux Juifs aussi bien qu'aux païens, il prouve surabondamment que tous les hommes ont besoin de cette délivrance, et que nul ne peut être tenu pour innocent. De là, la conclusion à laquelle il arrive, dans le verset 19 de notre chapitre : qu'il faut « que tous (Juifs ou païens), aient la bouche fermée et que tout le monde soit reconnu coupable devant Dieu.

                   C'est pourquoi, dit-il, personne ne sera justifié devant lui par les œuvres de la loi. Mais maintenant la justice de Dieu a été manifestée sans la loi », — sans notre obéissance préalable, — « savoir la justice de Dieu qui est par la foi en Jésus-Christ, en tous ceux et sur tous ceux qui croient. Car il n'y a point de différence (soit quant au besoin de la justification, soit quant à la manière d'y parvenir), puisque tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu (savoir de la glorieuse image de Dieu d'après laquelle ils furent créés), et qu'ils sont justifiés (ceux qui le sont) gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ ; lequel Dieu avait destiné pour être une victime propitiatoire par la foi en son sang, — afin qu'on reconnaisse qu'il est juste et qu'il justifie celui qui a la foi en Jésus », — afin qu'il pût montrer sa miséricorde sans entraver sa justice. — « Nous concluons donc, dit enfin l'apôtre (ramenant la grande thèse qu'il voulait établir), nous concluons donc que l'homme est justifié par la foi, sans les œuvres de la loi (Romains 3 : 20-27)  ».

                     Il était aisé de prévoir une objection qu'on pouvait faire et qu'on a présentée en effet dans tous les âges ; savoir qu'on abolit la loi si l'on dit que nous sommes justifiés sans les œuvres de la loi. L'apôtre se contente de repousser ce reproche, sans le discuter. « Anéantissons-nous donc la loi par la foi ? s'écrie-t- il. Dieu nous en garde ! Au contraire, nous établissons la loi ». Dès l'abord, ces paroles montrent combien est vaine l'imagination de ceux qui ont prétendu que Paul, lorsqu'il dit que l'homme est justifié sans les œuvres de la loi, n'entend que la loi cérémonielle. Faut-il donc traduire ici : « Nous établissons la loi cérémonielle ? » Évidemment non. Paul anéantissait cette loi par la foi, et ne s'en cachait nullement. C'est de la loi morale seule qu'il pouvait vraiment dire : « Nous ne l'anéantissons pas, nous l'établissons par la foi ».

                    Mais en ceci, tous ne sont pas d'accord avec lui. Dans tous les âges de l'Eglise, il y a eu des gens qui ont prétendu que « la foi donnée une fois aux saints (Jude 1 : 3) » devait abolir toute la loi. Ils n'épargnaient pas plus la loi morale que la loi cérémonielle, mais voulaient, pour ainsi dire, « la mettre en pièces devant le Seigneur, (1Sa 15 : 33) » disant aux chrétiens avec véhémence : « Si vous établissez une loi quelconque, Christ ne vous profite de rien. Christ vous devient inutile et vous êtes déchus de la grâce ».

                     Mais le zèle de ces gens n'est-il point sans connaissance ? Ont-ils observé la connexion étroite qu'il y a entre la loi et la foi, et, que, par suite de celte connexion, détruire l'une, c'est détruire l'autre ? qu'abolir la loi morale, c'est abolir, du même coup, la loi et la foi ; car c'est détruire le vrai moyen, soit de nous conduire à la foi, soit de ranimer ce don de Dieu dans notre âme ?

                     Il importe donc à tous ceux qui désirent, soit d'aller à Christ, soit de marcher en celui en qui ils ont cru, de prendre garde qu'ils « n'abolissent la loi par la foi » ; et, pour nous en garder, en effet, recherchons : d'abord quelles sont les manières les plus ordinaires d'anéantir la loi par la foi ; et ensuite comment nous pouvons imiter l'apôtre, et, par la foi, « établir la loi ».

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                     Voyons d'abord quelles sont les manières les plus ordinaires d'anéantir la loi par la foi. Or, le moyen, pour un prédicateur, de l'anéantir d'un seul coup, c'est de ne point la prêcher du tout. C'est tout comme s'il l'effaçait des oracles de Dieu. Surtout s'il le fait avec intention ; s'il s'est posé pour règle de ne point prêcher la loi, tenant à opprobre le titre même de « prédicateur de la loi » , comme synonyme, ou peu s'en faut, de celui d'ennemi de l'Evangile.

                     Tout, cela vient, d'une profonde ignorance de la nature, des qualités et de l'usage de la loi ; et ceux qui agissent ainsi montrent qu'ils sont étrangers à Christ et à une foi vivante, ou, tout au moins, qu'ils ne sont que des « enfants en Christ » , et, comme tels, « sans expérience de la parole de la justice ».

                    Leur grand argument, c'est que la prédication de l'Évangile, qui, suivant eux, consiste à ne parler d'autre chose que des souffrances et des mérites de Christ, répond à toutes les fins de la loi. Mais c'est ce que nous nions formellement. Elle ne répond pas à la toute première, qui est de convaincre les hommes de péché, de réveiller ceux qui dorment encore sur la pente de l'enfer. On a pu signaler, çà et là, une exception. L'Évangile peut en avoir réveillé un sur mille ; mais ce n'est point la règle ; la voie ordinaire de Dieu, c'est de convaincre les pécheurs par la loi et par elle seule. Ce n'est point l'Évangile que Dieu a ordonné, ni que le Seigneur lui-même a employé dans ce but. Nous n'avons rien dans l'Écriture qui nous autorise à l'appliquer ainsi, ni qui nous fasse espérer de le faire avec succès. Nous ne pouvons pas nous appuyer davantage sur la nature même de la chose. « Ce ne sont point ceux qui sont en santé qui ont besoin de médecin, mais ceux qui sont malades (Mat 9 : 12)  ». Il serait absurde d'offrir un médecin à ceux qui sont en santé ou qui, du moins, se croient tels. Prouvez-leur d'abord qu'ils sont malades, ou ils ne vous sauront, pas gré de votre peine. Il n'est pas moins absurde d'offrir Christ à ceux dont le cœur n'est point encore brisé. C'est, à proprement parler, « jeter les perles devant les pourceaux ». Ils ne manqueront pas de « les fouler aux pieds » , et s'ils « se retournent et vous déchirent, (Matthieu 7 : 6) » c'est tout ce que vous pouviez attendre.

                     — « Mais si nous ne trouvons pas dans l'Écriture le commandement de prêcher Christ au pécheur endormi, cette prédication n'a-t-elle pas des précédents scripturaires ? » - Je n'en connais point. Je ne crois pas que vous en puissiez produire un seul, ni des quatre évangiles, ni des Actes des apôtres. Et vous ne pouvez non plus, par aucun passage de leurs épîtres, prouver que telle ait été la pratique des apôtres.
                     — « Quoi ! l'apôtre saint Paul ne dit-il pas, dans sa première épître aux Corinthiens : « Nous prêchons Christ crucifié ? (1Co 1 : 23) » et, dans la seconde : « Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes, mais Jésus-Christ le Seigneur ? (2Co 4 : 5) »
                      — Nous voulons bien que ceci décide la cause. Oui, suivons son exemple. Prêchez vous-mêmes comme saint Paul, et nous ne demandons plus rien.

                    Car sans doute il prêchait Christ d'une manière parfaite, ce prince des apôtres ; mais qui prêcha la loi plus que lui ? Il ne croyait donc pas, comme vous, que l'Evangile réponde au même but.

                    Le premier discours de Paul que les Actes nous rapportent se termine ainsi : « C'est par Lui que tous ceux qui croient sont justifiés de toutes les choses dont vous n'avez pu être justifiés par la loi de Moïse. Prenez donc garde qu'il ne vous arrive ce qui a été dit dans les prophètes : Voyez, vous qui me méprisez, et soyez étonnés et pâlissez d'effroi ; car je vais faire une œuvre en vos jours, une œuvre que vous ne croirez point si quelqu'un vous la raconte (Actes 13 : 39-41)  ». C'était là, évidemment, prêcher la loi, dans le sens que vous entendez ; quand bien même une grande partie, si ce n'est la totalité de ses auditeurs, étaient des Juifs ou des prosélytes (Actes 13 : 43) d'où l'on peut conclure que plusieurs d'entre eux étaient, au moins en quelque degré, convaincus de péché. Il commence par leur dire qu'ils ne peuvent être justifiés que par la foi en Christ, à l'exclusion de la loi de Moïse ; puis il les menace sérieusement des jugements de Dieu, ce qui est, dans le sens le plus fort, prêcher la loi.

                    Au chapitre suivant, dans son discours aux païens de Lystre (Actes 14 : 15-17), le nom de Christ n'est pas même prononcé. Il se borne à les exhorter à « quitter ces vaines idoles pour se convertir au Dieu vivant ».
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                    Maintenant confessez la vérité. Ne pensez-vous pas que ; si vous aviez été à sa place, vous eussiez pu prêcher beaucoup mieux ? Qui sait même si vous ne pensez pas que c'est pour avoir si mal prêché qu'il fut si maltraité, et que, s'il fut lapidé, il le méritait bien pour n'avoir pas prêché Christ.

                     Sans doute, quand « le geôlier entra promptement et se jeta tout tremblant aux pieds de Paul et de Silas, et leur dit : « Seigneurs, que faut-il que je fasse pour être sauvé ? » il lui dit aussitôt Crois au Seigneur Jésus-Christ, (Actes 16 : 29-31 » Et qui aurait pu dire autre chose à un homme si profondément convaincu de péché ? Mais aux habitants d'Athènes, il tient, vous le savez, un autre langage ; reprenant leur superstition, leur ignorance, leur idolâtrie, et les exhortant fortement à la repentance, par la considération du jugement à venir et de la résurrection des morts (Actes 17 : 22-31). De même, lorsque « Félix envoya quérir Paul et qu'il l'entendit parler de fa foi en Christ », au lieu de prêcher Christ dans votre sens (ce qui n'eût provoqué que les moqueries ou les blasphèmes du gouverneur), « il parla de la justice, de la continence et du jugement à venir » jusqu'à faire « trembler Félix », malgré son endurcissement (Actes 24 : 24,25). Allez et faites de même.

                      Prêchez Christ au pécheur insouciant, en « parlant de la justice, de la tempérance et du jugement à venir ! » — « Mais, dites-vous, il prêchait Christ tout autrement dans ses épîtres ». — Je réponds d'abord qu'il n'y prêchait pas du tout, dans le sens que nous entendons ; car il s'agit ici de la prédication devant une assemblée. Mais, à part cela, voici ma réponse : ses épîtres s'adressaient, non à des incrédules tels que ceux dont nous parlons, mais « aux saints » , qui étaient à Rome, à Corinthe, ou dans d'autres villes, et auxquels il parlait plus de Christ, cela va sans dire, qu'à ceux qui étaient « sans Dieu dans le monde » (Éphésiens 2 : 12). Et pourtant il n'en est ; pas une qui ne soit, pleine de la loi, même celles aux Romains et aux Galates ; et dans ces deux épîtres, « il prêche la loi » , et cela aux croyants aussi bien qu'aux incrédules.

                    Reconnaissez par là que vous ne savez ce que c'est que de prêcher Christ, dans le sens apostolique. Car sans doute Paul entendait bien prêcher Christ à Félix, ainsi que dans ses discours à Antioche, à Lystre et à Athènes ; et tout homme réfléchi conclura de son exemple qu'on ne prêche pas Christ seulement quand on annonce son amour pour les pécheurs, mais aussi quand on annonce qu'il viendra du ciel avec des flammes de feu ; que prêcher Christ, dans le sens apostolique et dans la plénitude du sens scripturaire, c'est prêcher tout ce qu'il a révélé, soit dans l'Ancien, soit dans le Nouveau Testament, en sorte que, lorsque vous dites :

                    « Les méchants seront jetés en enfer, toutes les nations qui oublient Dieu (Psaume 9 : 18 – Nos traductions françaises mettent sépulcre ou séjour des morts.) », — vous prêchez Christ aussi réellement que lorsque vous dites : « Voici l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde (Jean 1 : 29)  ».

                     Pesez bien ceci : que prêcher Christ, c'est prêcher toutes les paroles de Christ, toutes ses promesses, toutes ses menaces et tous ses commandements, tout ce qui est écrit dans son Livre ; alors vous saurez comment prêcher Christ sans anéantir la loi.

                       — « Mais les discours où nous prêchons particulièrement les souffrances et les mérites de Christ ne sont-ils pas particulièrement bénis ? »

                     Sans doute, si nous prêchons à des âmes travaillées, ou à des croyants ; car de tels discours leur sont surtout appropriés. Ils sont au moins les plus propres à consoler. Mais ce n'est pas toujours là la plus grande bénédiction. Je puis en recevoir parfois une bien plus grande d'un discours qui me blesse au cœur et qui m'humilie dans la poussière. Et cette consolation me ferait même défaut, si je n'entendais prêcher que sur les souffrances de Christ. Ces discours tournant toujours dans le même cercle perdraient leur force, deviendraient insipides et morts jusqu'à n'être plus que de vaines paroles. Et cette manière de prêcher Christ aboutirait, à la longue, à anéantir l'Evangile aussi bien que la loi.

II

                     Une seconde manière d'anéantir la loi par la foi, c'est d'enseigner que la foi supprime la nécessité de la sainteté. C'est une voie qui se ramifie en mille sentiers, et il y en a beaucoup qui y marchent. Bien rares sont ceux qui y échappent complètement ; il est peu d'âmes, convaincues du salut par la foi, qui tôt ou tard, du plus au moins, ne se laissent entraîner dans ce chemin détourné.

                     C'est dans ce chemin détourné que marchent tous ceux qui, sans affirmer peut-être que la foi en Christ supprime entièrement la nécessité de garder sa loi, supposent cependant : ou que la sainteté est moins nécessaire maintenant qu'avant la venue de Christ, — ou qu'un moindre degré de sainteté est nécessaire, — ou qu'elle est moins nécessaire à ceux qui ont la foi qu'à ceux qui ne l'ont pas. Ceux-là mêmes y marchent aussi qui, tout bien pensants qu'ils sont en général, croient pourtant pouvoir prendre, dans tels cas particuliers, plus de liberté qu'ils n'auraient pu le faire avant de parvenir à la foi. Et même le fait seul qu'ils abusent du mot liberté pour désigner la liberté de désobéir et le droit de n'être pas saint, montre aussitôt que leur jugement est perverti et qu'ils sont coupables de ce dont ils se croiraient bien exempts, savoir d'anéantir la loi par la foi, en s'imaginant que la foi rend inutile la sainteté.

                     Ceux qui font de cette prétention un enseignement exprès, donnent pour premier argument que nous sommes maintenant sous l'alliance de la grâce, et non des œuvres, et qu'ainsi nous ne sommes plus sous la nécessité de l'accomplissement des œuvres de la loi.

                     Et qui fut, jamais sous l'alliance des œuvres ? Personne, si ce n'est Adam avant la chute. Il était, au sens propre et absolu, sous cette alliance qui requérait de l'homme une obéissance parfaite et entière, comme l'unique condition pour plaire à Dieu, et ne laissait point de place à la grâce, pas même pour la plus petite transgression. Mais nul autre que lui, Juif ou païen, ne fut jamais sous cette alliance, ni avant Christ ni depuis. Tous les enfants d'Adam furent et sont encore sous l'alliance de grâce. Voici quelle en est la condition : la libre grâce de Dieu, par les mérites de Christ, accorde le pardon à ceux qui croient, de cette foi « agissante par la charité » (Galatesl 5 : 6), qui produit toute obéissance et toute sainteté.

                      C'est donc sans raison que vous supposez que les hommes furent autrefois plus strictement obligés d'obéir à Dieu ou de faire les œuvres qu'ordonne sa loi, qu'ils ne le sont maintenant. C'est une supposition que vous ne sauriez justifier. Mais, si nous eussions vécu sous l'alliance des œuvres, nous aurions dû accomplir ces œuvres avant que Dieu pût, nous accepter. Tandis qu'à présent, quoique les bonnes œuvres soient aussi nécessaires que jamais, elles ne précèdent pas, mais elles suivent notre acceptation de la part de Dieu. La nature de l'alliance de grâce ne vous fournit donc ni motif ni encouragement quelconque à négliger, en aucun cas et à aucun degré, l'obéissance et la sainteté.

                     — « Mais ne sommes-nous pas justifiés par la foi, sans les œuvres de la loi ? » -Incontestablement, et sans celles de la loi morale tout aussi bien que sans celles de la loi cérémonielle. Et plût à Dieu que tous les hommes en fussent convaincus ! Cela préviendrait d'innombrables maux, l'antinomianisme en particulier ; car, généralement parlant, ce sont les pharisiens qui font les antinomiens. En se jetant dans un extrême si évidemment opposé à l’Écriture, ils font que d'autres se jettent dans un excès tout contraire. Cherchant à être justifiés par les œuvres, ils poussent les autres à n'accorder aucune place aux œuvres.

                      La vérité est entre ces extrêmes. Nous sommes, sans nul doute, justifiés par la foi. C'est là la pierre angulaire de tout l'édifice chrétien. Nous sommes justifiés sans les œuvres de la loi, en tant que condition préalable de justification ; mais elles sont le fruit immédiat de cette foi qui nous justifie. En sorte que si les bonnes œuvres, si toute sainteté intérieure et extérieure ne suit pas notre foi, il est évident que notre foi ne vaut rien et que nous sommes encore dans nos péchés. Notre justification par la foi sans les œuvres n'est donc pas un motif pour anéantir la loi par la foi, ou pour nous imaginer que la foi soit, en quelque manière ou à quelque degré, une dispense de sainteté.

                     - « Mais saint Paul ne dit-il pas expressément : « A celui qui n'a point travaillé, mais qui croit en Celui qui justifie le méchant, sa foi lui est imputée à justice ? (Ro 4 : 5) » Et ne suit-il pas de là que, pour le croyant, la foi tient lieu de justice ? Mais si la foi tient lieu de justice ou de sainteté, en quoi la sainteté est-elle encore nécessaire ? »

                   Ceci, il faut l'avouer, touche au point essentiel, à ce qui est la colonne maîtresse de l'édifice antinomien. Et pourtant la réponse ne sera ni longue ni difficile. Nous accordons :

                    1° Que Dieu justifie le méchant, celui qui, jusqu'à ce moment, est tout à fait méchant, adonné à tout mal, étranger à tout bien ;
                   2° Qu'il justifie le méchant qui ne travaille. pas, qui jusqu'alors n'a fait aucune bonne œuvre, étant même incapable d'en faire aucune, puisqu'un mauvais arbre ne peut porter de bon fruit ;
                      3° Qu'il le justifie par la foi seule, sans aucune bonté ou justice préalable
                   4° Qu'alors la foi lui est comptée pour justice préalable, c'est-à-dire que Dieu, par les mérites de Christ, accepte le croyant comme s'il avait accompli déjà toute justice.

                     Mais que fait tout cela pour votre thèse ? L'apôtre dit-il, ici ou ailleurs, que cette foi lui soit comptée comme justice subséquente ? Il enseigne qu'il n'y a pas de justice avant la foi ; mais où dit-il qu'il n'y en ait point après la foi ? Il affirme que la sainteté ne peut précéder la justification, mais non qu'elle ne doit pas la suivre. Saint Paul ne vous autorise donc en aucune façon à anéantir la loi, en enseignant que la foi supprime la nécessité de la sainteté.

III

                  Une autre manière d'anéantir la loi par la foi (et, c'est de toutes la plus  commune) consiste à le faire en pratique ; à l'anéantir, non en principe, mais en fait ; à vivre comme si la foi nous était donnée pour nous dispenser de vivre saintement.

                     Écoutez avec quelle vivacité l'apôtre nous met en garde contre cet écart : « Quoi donc ! pécherons-nous parce que nous ne sommes point sous la loi, mais sous la grâce ? Dieu nous en garde ! (Ro 6 : 15) » Avertissement qu'il nous faut attentivement considérer, car il est de la dernière importance.

Être « sous la loi » peut, signifier ici :
                      1° Être tenu d'observer la loi rituelle
                      2° Être tenu de se conformer à toute l'économie mosaïque ;
                    3° Être tenu de garder toute la loi morale, comme condition pour être accepté de Dieu ; enfin,
                    4° Être sous la colère et sous la malédiction, sous une sentence de mort éternelle, être rempli du sentiment de la condamnation et d'une crainte servile et pleine d'effroi.

                     Or, à tous ces égards, il est certain que le croyant n'est plus « sous la loi » , quoiqu'il ne soit « pas sans loi quant à Dieu, mais qu'il soit sous la loi de Christ (1Corinthiens 9 : 21)  ». Il est au contraire « sous la grâce ». N'étant plus sous la loi des rites, ni sous l'économie mosaïque en général, ni sous l'obligation de garder même la loi morale, comme condition préalable pour être accepté de Dieu, il est délivré de la colère et de la malédiction de Dieu, du poids de la condamnation et de cette crainte horrible de la mort et de l'enfer, par laquelle il était auparavant assujetti à la servitude. Et maintenant (ce qui lui était impossible sous la loi), il exerce en toutes choses une joyeuse et entière obéissance. Son obéissance provient, non d'une crainte servile, mais d'un plus noble principe, de la grâce de Dieu qui, régnant dans son cœur, lui donne de tout faire dans l'amour.

                     Quoi ! ce principe évangélique d'action serait-il moins puissant. que le principe légal ? Obéirons-nous moins à Dieu par amour filial, que nous ne le faisons par crainte servile ?

                     Hélas ! est-il bien sûr que ce ne soit point là le cas général et que cet antinomianisme pratique, cette manière non avouée d'anéantir la loi par la foi, n'ait pas infecté des milliers de croyants ?

                      Et vous, ne vous a-t-il pas infectés ? Examinez-vous loyalement et de près. Ne faites-vous pas maintenant ce que vous n'eussiez osé faire quand vous étiez « sous la loi », ou, comme on dit communément, sous la conviction ? Ainsi, par exemple, pour les aliments, vous n'osiez alors vous livrer à votre sensualité ; vous ne preniez que le nécessaire et ce qu'il y avait de moins coûteux. Ne vous donnez-vous pas plus de latitude à présent ? Oh ! prenez garde que vous ne « péchiez parce que vous êtes, non sous la loi, mais sous la grâce ».

                     Quand vous étiez sous le poids de la loi, vous n'osiez vous livrer, en aucune manière, à la convoitise des yeux. Vous ne faisiez rien pour la seule satisfaction de votre curiosité. Vous ne cherchiez, pour les meubles et les habillements, que ce qui était nécessaire et décent, ou, tout au plus, ce qui vous paraissait modestement convenable ; toute espèce de luxe, de superfluité on d'élégance à la mode, vous était en effroi ou en abomination.

                     En est-il encore ainsi ? Votre conscience est-elle, à tous égards, aussi délicate ? Suivez-vous toujours la même règle, foulant aux pieds tout luxe, toute vanité, toute parure inutile ? Ou plutôt n'avez-vous pas repris ce que vous aviez quitté et ce qui blessait alors votre conscience ? N'avez-vous pas appris à dire : « Oh ! je ne suis plus si scrupuleux ! » Plût à Dieu que vous le fussiez encore, vous ne commettriez pas ainsi le péché, parce que vous êtes non sous la loi, mais sous la grâce. Autrefois, vous vous faisiez scrupule de louer les gens en face, et plus encore d'accepter des louanges. Vous vous en sentiez blessé au cœur ; vous ne pouviez les supporter ; vous cherchiez l'honneur qui vient de Dieu seul. Vous ne pouviez souffrir aucune conversation inutile ou qui ne tendait pas à l'édification. Tout vain propos, tout discours frivole vous faisait horreur, car vous sentiez profondément la valeur du temps et de chaque moment, qui s'enfuit, vous abhorriez et ne craigniez pas moins les dépenses vaines, estimant la valeur de l'argent presque à l'égal de celle du temps et craignant d'être trouvé infidèle, même comme économe du « Mammon d'injustice »

                     Et maintenant, regardez-vous la louange comme un poison mortel, que vous ne pouvez donner ou recevoir qu'au péril de votre âme ? Avez-vous encore cette crainte et cette horreur de toute conversation qui ne tend pas à l'édification, et ce zèle à profiter du temps, de manière que chaque moment qui passe marque pour vous un progrès ? N'êtes-vous pas moins économe et du temps et de l'argent ? Et ne vous est-il pas facile de dépenser l'un et l'autre, comme vous n'auriez pu le faire autrefois ? Hélas ! comment ce qui vous était donné pour votre bien s'est-il trouvé pour vous une occasion de chute ? Comment avez-vous « péché, parce que vous êtes, non sous la loi, mais sous la grâce ? »

                     A Dieu ne plaise que vous continuiez plus longtemps à « changer la grâce de Dieu en dissolution ! (Jude 1 : 4) » Oh ! rappelez-vous quelle claire et forte conviction vous aviez sur toutes ces choses. Et vous n'aviez alors aucun doute sur l'origine de cette conviction. Le monde vous criait : Illusion ! mais vous, vous saviez que c'était la voix de Dieu. Vous n'étiez pas trop scrupuleux dans ces choses ; mais vous ne l'êtes pas assez maintenant. Dieu vous tint longtemps à cette, rude école, pour mieux vous inculquer ces grandes leçons. Les avez-vous déjà oubliées ! Ah ! souvenez-vous-en, avant qu'il soit trop tard ! Avez-vous tant souffert en vain ? Mais j'espère que ce n'est point en vain. Et maintenant gardez la conviction sans le tourment ! Pratiquez la leçon sans la verge ! Que la miséricorde n'ait pas pour vous moins de poids aujourd'hui que n'en eut auparavant l'ardente indignation ! L'amour est-il un motif moins puissant que la crainte ? Dites-vous donc, comme règle invariable : « Ce que je n'eusse point osé faire quand j'étais sous la loi, je ne le ferai point maintenant que je suis sous la grâce ».

                     Avant de finir, je dois aussi vous exhorter à vous examiner vous-même, quant aux péchés d'omission ; en êtes-vous aussi net, maintenant « sous la grâce » que lorsque vous étiez « sous la loi ? » Quel zèle vous aviez pour ouïr la parole de Dieu ! Négligiez-vous de nuit ou de jour une seule occasion ? Vous laissiez-vous arrêter par un faible obstacle, une petite affaire, une visite, une indisposition légère, un bon lit, une matinée sombre ou froide ? Ne jeûniez-vous pas souvent alors, ou n'exerciez-vous pas l'abstinence, selon votre pouvoir ? Froid et pesant comme vous l'étiez, n'étiez-vous pas souvent en prières, tandis que vous vous sentiez comme suspendu sur la gueule béante de l'enfer ? et n'annonciez-vous pas, sans vous épargner, un Dieu encore inconnu ? Ne plaidiez-vous pas hardiment sa cause, reprenant les pécheurs et confessant la vérité devant la génération adultère ? Et maintenant, vous croyez en Christ, vous avez la foi qui surmonte le monde... Et vous êtes moins zélé pour votre Maître que lorsque vous ne le connaissiez point ! moins zélé à jeûner, à prier, à ouïr sa parole, à appeler à Dieu les pécheurs ! Ah ! repentez-vous ! voyez, sentez votre perte ! Souvenez-vous d'où vous êtes tombé ! Pleurez votre infidélité ! Ayez du zèle et faites vos premières œuvres ; de peur que, si vous continuiez à « anéantir la loi par la foi », Dieu ne vous retranche et ne vous donne « votre portion avec les infidèles ! »