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Sermon
35 : (1750 )
LA LOI ÉTABLIE PAR LA FOI, PREMIER DISCOURS
Romains
3,31
1750
Anéantissons-nous
donc la loi par la foi? Dieu nous en garde !(Loin de là!) Au
contraire, nous confirmons la loi.
Après
avoir posé, dès le commencement de cette épître, sa proposition
générale, savoir que « l’Évangile de Christ est la puissance de
Dieu pour le salut de tous ceux qui croient » (Romains 1 : 16),
— le puissant moyen par lequel Dieu rend tout croyant participant,
d'un salut présent et éternel ; — l'apôtre saint Paul
s'applique a montrer qu'il n'y a pas sous les cieux d'autre chemin
par lequel nous puissions être sauvés. Il parle surtout de la
délivrance de la coulpe, appelée d'ordinaire justification. Et par
divers arguments, adressés aux Juifs aussi bien qu'aux païens, il
prouve surabondamment que tous les hommes ont besoin de cette
délivrance, et que nul ne peut être tenu pour innocent. De là, la
conclusion à laquelle il arrive, dans le verset 19 de notre
chapitre : qu'il faut « que tous (Juifs ou païens), aient
la bouche fermée et que tout le monde soit reconnu coupable devant
Dieu.
C'est
pourquoi, dit-il, personne ne sera justifié devant lui par les
œuvres de la loi. Mais maintenant la justice de Dieu a été
manifestée sans la loi », — sans notre obéissance
préalable, — « savoir la justice de Dieu qui est par la foi
en Jésus-Christ, en tous ceux et sur tous ceux qui croient. Car il
n'y a point de différence (soit quant au besoin de la justification,
soit quant à la manière d'y parvenir), puisque tous ont péché et
sont privés de la gloire de Dieu (savoir de la glorieuse image de
Dieu d'après laquelle ils furent créés), et qu'ils sont justifiés
(ceux qui le sont) gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui
est en Jésus-Christ ; lequel Dieu avait destiné pour être une
victime propitiatoire par la foi en son sang, — afin qu'on
reconnaisse qu'il est juste et qu'il justifie celui qui a la foi en
Jésus », — afin qu'il pût montrer sa miséricorde sans
entraver sa justice. — « Nous concluons donc, dit enfin
l'apôtre (ramenant la grande thèse qu'il voulait établir), nous
concluons donc que l'homme est justifié par la foi, sans les œuvres
de la loi (Romains 3 : 20-27) ».
Il
était aisé de prévoir une objection qu'on pouvait faire et qu'on a
présentée en effet dans tous les âges ; savoir qu'on abolit
la loi si l'on dit que nous sommes justifiés sans les œuvres de la
loi. L'apôtre se contente de repousser ce reproche, sans le
discuter. « Anéantissons-nous donc la loi par la foi ?
s'écrie-t- il. Dieu nous en garde ! Au contraire, nous
établissons la loi ». Dès l'abord, ces paroles montrent
combien est vaine l'imagination de ceux qui ont prétendu que Paul,
lorsqu'il dit que l'homme est justifié sans les œuvres de la loi,
n'entend que la loi cérémonielle. Faut-il donc traduire ici :
« Nous établissons la loi cérémonielle ? » Évidemment non. Paul anéantissait cette loi par la foi, et ne s'en
cachait nullement. C'est de la loi morale seule qu'il pouvait
vraiment dire : « Nous ne l'anéantissons pas, nous
l'établissons par la foi ».
Mais en ceci, tous ne sont pas d'accord avec lui. Dans tous les âges de l'Eglise, il y a eu des gens qui ont prétendu que « la foi donnée une fois aux saints (Jude 1 : 3) » devait abolir toute la loi. Ils n'épargnaient pas plus la loi morale que la loi cérémonielle, mais voulaient, pour ainsi dire, « la mettre en pièces devant le Seigneur, (1Sa 15 : 33) » disant aux chrétiens avec véhémence : « Si vous établissez une loi quelconque, Christ ne vous profite de rien. Christ vous devient inutile et vous êtes déchus de la grâce ».
Mais le zèle de ces gens n'est-il point sans connaissance ? Ont-ils observé la connexion étroite qu'il y a entre la loi et la foi, et, que, par suite de celte connexion, détruire l'une, c'est détruire l'autre ? qu'abolir la loi morale, c'est abolir, du même coup, la loi et la foi ; car c'est détruire le vrai moyen, soit de nous conduire à la foi, soit de ranimer ce don de Dieu dans notre âme ?
Il importe donc à tous ceux qui désirent, soit d'aller à Christ, soit de marcher en celui en qui ils ont cru, de prendre garde qu'ils « n'abolissent la loi par la foi » ; et, pour nous en garder, en effet, recherchons : d'abord quelles sont les manières les plus ordinaires d'anéantir la loi par la foi ; et ensuite comment nous pouvons imiter l'apôtre, et, par la foi, « établir la loi ».
l
Voyons d'abord quelles sont les manières les plus ordinaires d'anéantir la loi par la foi. Or, le moyen, pour un prédicateur, de l'anéantir d'un seul coup, c'est de ne point la prêcher du tout. C'est tout comme s'il l'effaçait des oracles de Dieu. Surtout s'il le fait avec intention ; s'il s'est posé pour règle de ne point prêcher la loi, tenant à opprobre le titre même de « prédicateur de la loi » , comme synonyme, ou peu s'en faut, de celui d'ennemi de l'Evangile.
Tout, cela vient, d'une profonde ignorance de la nature, des qualités et de l'usage de la loi ; et ceux qui agissent ainsi montrent qu'ils sont étrangers à Christ et à une foi vivante, ou, tout au moins, qu'ils ne sont que des « enfants en Christ » , et, comme tels, « sans expérience de la parole de la justice ».
Leur grand argument, c'est que la prédication de l'Évangile, qui, suivant eux, consiste à ne parler d'autre chose que des souffrances et des mérites de Christ, répond à toutes les fins de la loi. Mais c'est ce que nous nions formellement. Elle ne répond pas à la toute première, qui est de convaincre les hommes de péché, de réveiller ceux qui dorment encore sur la pente de l'enfer. On a pu signaler, çà et là, une exception. L'Évangile peut en avoir réveillé un sur mille ; mais ce n'est point la règle ; la voie ordinaire de Dieu, c'est de convaincre les pécheurs par la loi et par elle seule. Ce n'est point l'Évangile que Dieu a ordonné, ni que le Seigneur lui-même a employé dans ce but. Nous n'avons rien dans l'Écriture qui nous autorise à l'appliquer ainsi, ni qui nous fasse espérer de le faire avec succès. Nous ne pouvons pas nous appuyer davantage sur la nature même de la chose. « Ce ne sont point ceux qui sont en santé qui ont besoin de médecin, mais ceux qui sont malades (Mat 9 : 12) ». Il serait absurde d'offrir un médecin à ceux qui sont en santé ou qui, du moins, se croient tels. Prouvez-leur d'abord qu'ils sont malades, ou ils ne vous sauront, pas gré de votre peine. Il n'est pas moins absurde d'offrir Christ à ceux dont le cœur n'est point encore brisé. C'est, à proprement parler, « jeter les perles devant les pourceaux ». Ils ne manqueront pas de « les fouler aux pieds » , et s'ils « se retournent et vous déchirent, (Matthieu 7 : 6) » c'est tout ce que vous pouviez attendre.
— « Mais si nous ne trouvons pas dans l'Écriture le commandement de prêcher Christ au pécheur endormi, cette prédication n'a-t-elle pas des précédents scripturaires ? » - Je n'en connais point. Je ne crois pas que vous en puissiez produire un seul, ni des quatre évangiles, ni des Actes des apôtres. Et vous ne pouvez non plus, par aucun passage de leurs épîtres, prouver que telle ait été la pratique des apôtres.
— « Quoi !
l'apôtre saint Paul ne dit-il pas, dans sa première épître aux
Corinthiens : « Nous prêchons Christ crucifié ?
(1Co 1 : 23) » et, dans la seconde : « Nous ne
nous prêchons pas nous-mêmes, mais Jésus-Christ le Seigneur ?
(2Co 4 : 5) »
— Nous
voulons bien que ceci décide la cause. Oui, suivons son exemple.
Prêchez vous-mêmes comme saint Paul, et nous ne demandons plus
rien.
Car sans doute il prêchait Christ d'une manière parfaite, ce prince des apôtres ; mais qui prêcha la loi plus que lui ? Il ne croyait donc pas, comme vous, que l'Evangile réponde au même but.
Le premier discours de Paul que les Actes nous rapportent se termine ainsi : « C'est par Lui que tous ceux qui croient sont justifiés de toutes les choses dont vous n'avez pu être justifiés par la loi de Moïse. Prenez donc garde qu'il ne vous arrive ce qui a été dit dans les prophètes : Voyez, vous qui me méprisez, et soyez étonnés et pâlissez d'effroi ; car je vais faire une œuvre en vos jours, une œuvre que vous ne croirez point si quelqu'un vous la raconte (Actes 13 : 39-41) ». C'était là, évidemment, prêcher la loi, dans le sens que vous entendez ; quand bien même une grande partie, si ce n'est la totalité de ses auditeurs, étaient des Juifs ou des prosélytes (Actes 13 : 43) d'où l'on peut conclure que plusieurs d'entre eux étaient, au moins en quelque degré, convaincus de péché. Il commence par leur dire qu'ils ne peuvent être justifiés que par la foi en Christ, à l'exclusion de la loi de Moïse ; puis il les menace sérieusement des jugements de Dieu, ce qui est, dans le sens le plus fort, prêcher la loi.
Au chapitre suivant, dans son discours aux païens de Lystre (Actes 14 : 15-17), le nom de Christ n'est pas même prononcé. Il se borne à les exhorter à « quitter ces vaines idoles pour se convertir au Dieu vivant ».
.
Maintenant
confessez la vérité. Ne pensez-vous pas que ; si vous aviez
été à sa place, vous eussiez pu prêcher beaucoup mieux ? Qui
sait même si vous ne pensez pas que c'est pour avoir si mal prêché
qu'il fut si maltraité, et que, s'il fut lapidé, il le méritait
bien pour n'avoir pas prêché Christ.
Sans doute, quand « le geôlier entra promptement et se jeta tout tremblant aux pieds de Paul et de Silas, et leur dit : « Seigneurs, que faut-il que je fasse pour être sauvé ? » il lui dit aussitôt Crois au Seigneur Jésus-Christ, (Actes 16 : 29-31 » Et qui aurait pu dire autre chose à un homme si profondément convaincu de péché ? Mais aux habitants d'Athènes, il tient, vous le savez, un autre langage ; reprenant leur superstition, leur ignorance, leur idolâtrie, et les exhortant fortement à la repentance, par la considération du jugement à venir et de la résurrection des morts (Actes 17 : 22-31). De même, lorsque « Félix envoya quérir Paul et qu'il l'entendit parler de fa foi en Christ », au lieu de prêcher Christ dans votre sens (ce qui n'eût provoqué que les moqueries ou les blasphèmes du gouverneur), « il parla de la justice, de la continence et du jugement à venir » jusqu'à faire « trembler Félix », malgré son endurcissement (Actes 24 : 24,25). Allez et faites de même.
Prêchez Christ au pécheur insouciant, en « parlant de la justice, de la tempérance et du jugement à venir ! » — « Mais, dites-vous, il prêchait Christ tout autrement dans ses épîtres ». — Je réponds d'abord qu'il n'y prêchait pas du tout, dans le sens que nous entendons ; car il s'agit ici de la prédication devant une assemblée. Mais, à part cela, voici ma réponse : ses épîtres s'adressaient, non à des incrédules tels que ceux dont nous parlons, mais « aux saints » , qui étaient à Rome, à Corinthe, ou dans d'autres villes, et auxquels il parlait plus de Christ, cela va sans dire, qu'à ceux qui étaient « sans Dieu dans le monde » (Éphésiens 2 : 12). Et pourtant il n'en est ; pas une qui ne soit, pleine de la loi, même celles aux Romains et aux Galates ; et dans ces deux épîtres, « il prêche la loi » , et cela aux croyants aussi bien qu'aux incrédules.
Reconnaissez par là que vous ne savez ce que c'est que de prêcher Christ, dans le sens apostolique. Car sans doute Paul entendait bien prêcher Christ à Félix, ainsi que dans ses discours à Antioche, à Lystre et à Athènes ; et tout homme réfléchi conclura de son exemple qu'on ne prêche pas Christ seulement quand on annonce son amour pour les pécheurs, mais aussi quand on annonce qu'il viendra du ciel avec des flammes de feu ; que prêcher Christ, dans le sens apostolique et dans la plénitude du sens scripturaire, c'est prêcher tout ce qu'il a révélé, soit dans l'Ancien, soit dans le Nouveau Testament, en sorte que, lorsque vous dites :
« Les
méchants seront jetés en enfer, toutes les nations qui oublient
Dieu (Psaume 9 : 18 – Nos traductions françaises mettent sépulcre
ou séjour des morts.) », — vous prêchez Christ
aussi réellement que lorsque vous dites : « Voici
l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde (Jean 1 : 29) ».
Pesez bien ceci : que prêcher Christ, c'est prêcher toutes les paroles de Christ, toutes ses promesses, toutes ses menaces et tous ses commandements, tout ce qui est écrit dans son Livre ; alors vous saurez comment prêcher Christ sans anéantir la loi.
— « Mais les discours où nous prêchons particulièrement les souffrances et les mérites de Christ ne sont-ils pas particulièrement bénis ? »
Sans doute, si nous prêchons à des âmes travaillées, ou à des croyants ; car de tels discours leur sont surtout appropriés. Ils sont au moins les plus propres à consoler. Mais ce n'est pas toujours là la plus grande bénédiction. Je puis en recevoir parfois une bien plus grande d'un discours qui me blesse au cœur et qui m'humilie dans la poussière. Et cette consolation me ferait même défaut, si je n'entendais prêcher que sur les souffrances de Christ. Ces discours tournant toujours dans le même cercle perdraient leur force, deviendraient insipides et morts jusqu'à n'être plus que de vaines paroles. Et cette manière de prêcher Christ aboutirait, à la longue, à anéantir l'Evangile aussi bien que la loi.
II
Une seconde manière d'anéantir la loi par la foi, c'est d'enseigner que la foi supprime la nécessité de la sainteté. C'est une voie qui se ramifie en mille sentiers, et il y en a beaucoup qui y marchent. Bien rares sont ceux qui y échappent complètement ; il est peu d'âmes, convaincues du salut par la foi, qui tôt ou tard, du plus au moins, ne se laissent entraîner dans ce chemin détourné.
C'est dans ce chemin détourné que marchent tous ceux qui, sans affirmer peut-être que la foi en Christ supprime entièrement la nécessité de garder sa loi, supposent cependant : ou que la sainteté est moins nécessaire maintenant qu'avant la venue de Christ, — ou qu'un moindre degré de sainteté est nécessaire, — ou qu'elle est moins nécessaire à ceux qui ont la foi qu'à ceux qui ne l'ont pas. Ceux-là mêmes y marchent aussi qui, tout bien pensants qu'ils sont en général, croient pourtant pouvoir prendre, dans tels cas particuliers, plus de liberté qu'ils n'auraient pu le faire avant de parvenir à la foi. Et même le fait seul qu'ils abusent du mot liberté pour désigner la liberté de désobéir et le droit de n'être pas saint, montre aussitôt que leur jugement est perverti et qu'ils sont coupables de ce dont ils se croiraient bien exempts, savoir d'anéantir la loi par la foi, en s'imaginant que la foi rend inutile la sainteté.
Ceux qui font de cette prétention un enseignement exprès, donnent pour premier argument que nous sommes maintenant sous l'alliance de la grâce, et non des œuvres, et qu'ainsi nous ne sommes plus sous la nécessité de l'accomplissement des œuvres de la loi.
Et qui fut, jamais sous l'alliance des œuvres ? Personne, si ce n'est Adam avant la chute. Il était, au sens propre et absolu, sous cette alliance qui requérait de l'homme une obéissance parfaite et entière, comme l'unique condition pour plaire à Dieu, et ne laissait point de place à la grâce, pas même pour la plus petite transgression. Mais nul autre que lui, Juif ou païen, ne fut jamais sous cette alliance, ni avant Christ ni depuis. Tous les enfants d'Adam furent et sont encore sous l'alliance de grâce. Voici quelle en est la condition : la libre grâce de Dieu, par les mérites de Christ, accorde le pardon à ceux qui croient, de cette foi « agissante par la charité » (Galatesl 5 : 6), qui produit toute obéissance et toute sainteté.
C'est donc sans raison que vous supposez que les hommes furent autrefois plus strictement obligés d'obéir à Dieu ou de faire les œuvres qu'ordonne sa loi, qu'ils ne le sont maintenant. C'est une supposition que vous ne sauriez justifier. Mais, si nous eussions vécu sous l'alliance des œuvres, nous aurions dû accomplir ces œuvres avant que Dieu pût, nous accepter. Tandis qu'à présent, quoique les bonnes œuvres soient aussi nécessaires que jamais, elles ne précèdent pas, mais elles suivent notre acceptation de la part de Dieu. La nature de l'alliance de grâce ne vous fournit donc ni motif ni encouragement quelconque à négliger, en aucun cas et à aucun degré, l'obéissance et la sainteté.
— « Mais ne sommes-nous pas justifiés par la foi, sans les œuvres de la loi ? » -Incontestablement, et sans celles de la loi morale tout aussi bien que sans celles de la loi cérémonielle. Et plût à Dieu que tous les hommes en fussent convaincus ! Cela préviendrait d'innombrables maux, l'antinomianisme en particulier ; car, généralement parlant, ce sont les pharisiens qui font les antinomiens. En se jetant dans un extrême si évidemment opposé à l’Écriture, ils font que d'autres se jettent dans un excès tout contraire. Cherchant à être justifiés par les œuvres, ils poussent les autres à n'accorder aucune place aux œuvres.
La vérité est entre ces extrêmes. Nous sommes, sans nul doute, justifiés par la foi. C'est là la pierre angulaire de tout l'édifice chrétien. Nous sommes justifiés sans les œuvres de la loi, en tant que condition préalable de justification ; mais elles sont le fruit immédiat de cette foi qui nous justifie. En sorte que si les bonnes œuvres, si toute sainteté intérieure et extérieure ne suit pas notre foi, il est évident que notre foi ne vaut rien et que nous sommes encore dans nos péchés. Notre justification par la foi sans les œuvres n'est donc pas un motif pour anéantir la loi par la foi, ou pour nous imaginer que la foi soit, en quelque manière ou à quelque degré, une dispense de sainteté.
- « Mais saint Paul ne dit-il pas expressément : « A celui qui n'a point travaillé, mais qui croit en Celui qui justifie le méchant, sa foi lui est imputée à justice ? (Ro 4 : 5) » Et ne suit-il pas de là que, pour le croyant, la foi tient lieu de justice ? Mais si la foi tient lieu de justice ou de sainteté, en quoi la sainteté est-elle encore nécessaire ? »
Ceci, il faut l'avouer, touche au point essentiel, à ce qui est la colonne maîtresse de l'édifice antinomien. Et pourtant la réponse ne sera ni longue ni difficile. Nous accordons :
1° Que Dieu justifie le méchant, celui qui, jusqu'à ce moment, est tout à fait méchant, adonné à tout mal, étranger à tout bien ;
2°
Qu'il justifie le méchant qui ne travaille. pas, qui jusqu'alors n'a
fait aucune bonne œuvre, étant même incapable d'en faire aucune,
puisqu'un mauvais arbre ne peut porter de bon fruit ;
3°
Qu'il le justifie par la foi seule, sans aucune bonté ou justice
préalable
4°
Qu'alors la foi lui est comptée pour justice préalable,
c'est-à-dire que Dieu, par les mérites de Christ, accepte le
croyant comme s'il avait accompli déjà toute justice.
Mais que fait tout cela pour votre thèse ? L'apôtre dit-il, ici ou ailleurs, que cette foi lui soit comptée comme justice subséquente ? Il enseigne qu'il n'y a pas de justice avant la foi ; mais où dit-il qu'il n'y en ait point après la foi ? Il affirme que la sainteté ne peut précéder la justification, mais non qu'elle ne doit pas la suivre. Saint Paul ne vous autorise donc en aucune façon à anéantir la loi, en enseignant que la foi supprime la nécessité de la sainteté.
III
Une autre manière d'anéantir la loi par la foi (et, c'est de toutes la plus commune) consiste à le faire en pratique ; à l'anéantir, non en principe, mais en fait ; à vivre comme si la foi nous était donnée pour nous dispenser de vivre saintement.
Écoutez avec quelle vivacité l'apôtre nous met en garde contre cet écart : « Quoi donc ! pécherons-nous parce que nous ne sommes point sous la loi, mais sous la grâce ? Dieu nous en garde ! (Ro 6 : 15) » Avertissement qu'il nous faut attentivement considérer, car il est de la dernière importance.
Être « sous la loi » peut, signifier ici :
1° Être tenu d'observer la loi rituelle
2° Être tenu de se conformer à toute l'économie mosaïque ;
3° Être tenu de garder toute la loi morale, comme condition pour être
accepté de Dieu ; enfin,
4° Être sous la colère et sous la malédiction, sous une sentence de
mort éternelle, être rempli du sentiment de la condamnation et
d'une crainte servile et pleine d'effroi.
Or, à tous ces égards, il est certain que le croyant n'est plus « sous la loi » , quoiqu'il ne soit « pas sans loi quant à Dieu, mais qu'il soit sous la loi de Christ (1Corinthiens 9 : 21) ». Il est au contraire « sous la grâce ». N'étant plus sous la loi des rites, ni sous l'économie mosaïque en général, ni sous l'obligation de garder même la loi morale, comme condition préalable pour être accepté de Dieu, il est délivré de la colère et de la malédiction de Dieu, du poids de la condamnation et de cette crainte horrible de la mort et de l'enfer, par laquelle il était auparavant assujetti à la servitude. Et maintenant (ce qui lui était impossible sous la loi), il exerce en toutes choses une joyeuse et entière obéissance. Son obéissance provient, non d'une crainte servile, mais d'un plus noble principe, de la grâce de Dieu qui, régnant dans son cœur, lui donne de tout faire dans l'amour.
Quoi ! ce principe évangélique d'action serait-il moins puissant. que le principe légal ? Obéirons-nous moins à Dieu par amour filial, que nous ne le faisons par crainte servile ?
Hélas ! est-il bien sûr que ce ne soit point là le cas général et que cet antinomianisme pratique, cette manière non avouée d'anéantir la loi par la foi, n'ait pas infecté des milliers de croyants ?
Et vous, ne vous a-t-il pas infectés ? Examinez-vous loyalement et de près. Ne faites-vous pas maintenant ce que vous n'eussiez osé faire quand vous étiez « sous la loi », ou, comme on dit communément, sous la conviction ? Ainsi, par exemple, pour les aliments, vous n'osiez alors vous livrer à votre sensualité ; vous ne preniez que le nécessaire et ce qu'il y avait de moins coûteux. Ne vous donnez-vous pas plus de latitude à présent ? Oh ! prenez garde que vous ne « péchiez parce que vous êtes, non sous la loi, mais sous la grâce ».
Quand vous étiez sous le poids de la loi, vous n'osiez vous livrer, en aucune manière, à la convoitise des yeux. Vous ne faisiez rien pour la seule satisfaction de votre curiosité. Vous ne cherchiez, pour les meubles et les habillements, que ce qui était nécessaire et décent, ou, tout au plus, ce qui vous paraissait modestement convenable ; toute espèce de luxe, de superfluité on d'élégance à la mode, vous était en effroi ou en abomination.
En est-il encore ainsi ? Votre conscience est-elle, à tous égards, aussi délicate ? Suivez-vous toujours la même règle, foulant aux pieds tout luxe, toute vanité, toute parure inutile ? Ou plutôt n'avez-vous pas repris ce que vous aviez quitté et ce qui blessait alors votre conscience ? N'avez-vous pas appris à dire : « Oh ! je ne suis plus si scrupuleux ! » Plût à Dieu que vous le fussiez encore, vous ne commettriez pas ainsi le péché, parce que vous êtes non sous la loi, mais sous la grâce. Autrefois, vous vous faisiez scrupule de louer les gens en face, et plus encore d'accepter des louanges. Vous vous en sentiez blessé au cœur ; vous ne pouviez les supporter ; vous cherchiez l'honneur qui vient de Dieu seul. Vous ne pouviez souffrir aucune conversation inutile ou qui ne tendait pas à l'édification. Tout vain propos, tout discours frivole vous faisait horreur, car vous sentiez profondément la valeur du temps et de chaque moment, qui s'enfuit, vous abhorriez et ne craigniez pas moins les dépenses vaines, estimant la valeur de l'argent presque à l'égal de celle du temps et craignant d'être trouvé infidèle, même comme économe du « Mammon d'injustice »
Et maintenant, regardez-vous la louange comme un poison mortel, que vous ne pouvez donner ou recevoir qu'au péril de votre âme ? Avez-vous encore cette crainte et cette horreur de toute conversation qui ne tend pas à l'édification, et ce zèle à profiter du temps, de manière que chaque moment qui passe marque pour vous un progrès ? N'êtes-vous pas moins économe et du temps et de l'argent ? Et ne vous est-il pas facile de dépenser l'un et l'autre, comme vous n'auriez pu le faire autrefois ? Hélas ! comment ce qui vous était donné pour votre bien s'est-il trouvé pour vous une occasion de chute ? Comment avez-vous « péché, parce que vous êtes, non sous la loi, mais sous la grâce ? »
A Dieu ne plaise que vous continuiez plus longtemps à « changer la grâce de Dieu en dissolution ! (Jude 1 : 4) » Oh ! rappelez-vous quelle claire et forte conviction vous aviez sur toutes ces choses. Et vous n'aviez alors aucun doute sur l'origine de cette conviction. Le monde vous criait : Illusion ! mais vous, vous saviez que c'était la voix de Dieu. Vous n'étiez pas trop scrupuleux dans ces choses ; mais vous ne l'êtes pas assez maintenant. Dieu vous tint longtemps à cette, rude école, pour mieux vous inculquer ces grandes leçons. Les avez-vous déjà oubliées ! Ah ! souvenez-vous-en, avant qu'il soit trop tard ! Avez-vous tant souffert en vain ? Mais j'espère que ce n'est point en vain. Et maintenant gardez la conviction sans le tourment ! Pratiquez la leçon sans la verge ! Que la miséricorde n'ait pas pour vous moins de poids aujourd'hui que n'en eut auparavant l'ardente indignation ! L'amour est-il un motif moins puissant que la crainte ? Dites-vous donc, comme règle invariable : « Ce que je n'eusse point osé faire quand j'étais sous la loi, je ne le ferai point maintenant que je suis sous la grâce ».
Avant de finir, je dois aussi vous exhorter à vous examiner vous-même, quant aux péchés d'omission ; en êtes-vous aussi net, maintenant « sous la grâce » que lorsque vous étiez « sous la loi ? » Quel zèle vous aviez pour ouïr la parole de Dieu ! Négligiez-vous de nuit ou de jour une seule occasion ? Vous laissiez-vous arrêter par un faible obstacle, une petite affaire, une visite, une indisposition légère, un bon lit, une matinée sombre ou froide ? Ne jeûniez-vous pas souvent alors, ou n'exerciez-vous pas l'abstinence, selon votre pouvoir ? Froid et pesant comme vous l'étiez, n'étiez-vous pas souvent en prières, tandis que vous vous sentiez comme suspendu sur la gueule béante de l'enfer ? et n'annonciez-vous pas, sans vous épargner, un Dieu encore inconnu ? Ne plaidiez-vous pas hardiment sa cause, reprenant les pécheurs et confessant la vérité devant la génération adultère ? Et maintenant, vous croyez en Christ, vous avez la foi qui surmonte le monde... Et vous êtes moins zélé pour votre Maître que lorsque vous ne le connaissiez point ! moins zélé à jeûner, à prier, à ouïr sa parole, à appeler à Dieu les pécheurs ! Ah ! repentez-vous ! voyez, sentez votre perte ! Souvenez-vous d'où vous êtes tombé ! Pleurez votre infidélité ! Ayez du zèle et faites vos premières œuvres ; de peur que, si vous continuiez à « anéantir la loi par la foi », Dieu ne vous retranche et ne vous donne « votre portion avec les infidèles ! »
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