mardi 16 juin 2015

LES SERMONS DE WESLEY Sermon 17 : LA CIRCONCISION DU CŒUR

Numérisation Yves PETRAKIAN
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(tiré du livre  LES SERMONS DE WESLEY  -1- )


Romains 2,29   (1733), prêché devant l'Université d'Oxford

« La circoncision est celle du coeur, qui se fait selon l'Esprit et non selon la lettre ». (Romains 2 29.)

               Une remarque bien triste qu'a faite un homme excellent, c'est qu'on ne peut prêcher maintenant les devoirs les plus essentiels du christianisme sans courir risque d'être pris, par une grande partie des auditeurs, pour un homme qui annonce des doctrines « nouvelles ». La plupart ont si bien « laissé écouler » la substance de cette religion dont ils retiennent encore la profession, que dès qu'on leur propose, l'une de ces vérités qui distinguent l'esprit de Christ de l'esprit du monde, ils s'écrient : « Nous t'entendons dire certaines choses fort étranges, nous voudrions bien savoir ce que c'est » ; — quoiqu'on ne leur prêche que « Jésus et la résurrection » , avec cette conséquence rigoureuse qui en résulte : Si Christ est ressuscité, vous devez mourir au monde pour ne vivre qu'à Dieu.
                  Dure parole pour l'homme naturel, qui est vivant au monde et mort à Dieu ; parole qu'on ne lui persuadera pas facilement de recevoir comme vérité de Dieu, à moins que, par l'interprétation, on ne la rende vaine et sans effet. Quand les paroles de l'Esprit de Dieu sont prises dans leur sens simple et naturel, il ne les reçoit point ; « elles lui sont une folie » et « il ne peut même les entendre, car c'est spirituellement qu'on en juge » ; - pour les comprendre, il faut nécessairement ce sens spirituel qui ne s'est point encore éveillé en lui, et dans l'absence duquel il rejette, comme imagination des hommes, ce qui est la sagesse de Dieu et la puissance de Dieu ».
                   Que « la circoncision » soit « celle du coeur, qui se fait selon l'esprit et non selon la lettre » , — que la marque distinctive d'un vrai disciple de Christ, d'une âme agréable à Dieu, ne soit ni la circoncision, ni le baptême, ni rien d'extérieur, mais un bon état d'âme, un coeur et un esprit « renouvelés à l'image de celui qui nous a créés » , c'est une de ces vérités qui ne se discernent que spirituellement. Et c'est ce que l'apôtre indique lui-même en ajoutant : « Un tel homme tire sa louange, non des hommes, mais de Dieu » Comme s'il disait : Qui que tu sois, toi qui suis ainsi ton Maître, n'espère pas que le monde, que les hommes qui ne le suivent pas, te disent : « Cela va bien, bon et fidèle serviteur ! »   Sache que la circoncision du coeur, le sceau de ta vocation, est une folie pour le monde. Résigne-toi à attendre ta louange jusqu'au jour où ton Seigneur paraîtra. En ce jour-là, tu seras loué de Dieu, dans la grande assemblée des hommes et des anges.
                   Je me propose de rechercher d'abord en quoi consiste cette circoncision du coeur, et d'indiquer ensuite quelques réflexions qui découlent naturellement de cet examen.

I

                  Recherchons d'abord en quoi consiste cette circoncision du coeur, qui recevra sa louange de Dieu. D'une manière générale, c'est cette disposition d'âme que l'Écriture appelle sainteté et qui implique directement la purification de tout péché, de toute souillure de la chair et de l'esprit » ; qui suppose, par conséquent, que nous avons revêtu les vertus qui étaient en Christ, et que nous sommes renouvelés « dans l'esprit de notre entendement pour être « parfaits comme notre Père qui est dans les cieux est parfait ».
                   Mais, pour entrer dans les détails, la circoncision du coeur renferme l'humilité, la foi, l'espérance et la charité. L'humilité, juste appréciation de nous-mêmes, nettoie nos âmes de cette haute estime de nos perfections, de cette fausse idée de nos talents et de nos mérites, qui est le vrai fruit d'une nature corrompue. Elle exclut entièrement cette vaine pensée : Je suis riche, je suis sage, je n'ai besoin de rien ; elle nous convainc d'être, par nature « pauvres, misérables, aveugles et nus » ; elle nous montre que ce qu'il y a de mieux en nous n'est encore que péché et vanité ; que la confusion, l'ignorance et l'erreur dominent notre intelligence ; que des passions insensées, terrestres, sensuelles, diaboliques usurpent le gouvernement de notre volonté ; en un mot, qu'il n'y a « rien d'entier en nous » , et que tous « les fondements » de notre nature « sont renversés ».
                   En même temps nous recevons la conviction que nous sommes incapables par nous-mêmes de sortir de notre misère ; que, sans l'Esprit de Dieu, nous ne pouvons faire autre chose qu'entasser péché sur péché ; que lui seul peut opérer en nous, par sa toute-puissance, soit la volonté du bien, soit l'exécution ; et qu'il nous est non moins impossible de produire en nous une bonne pensée sans l'assistance surnaturelle de cet Esprit, que de nous créer ou de nous renouveler nous-mêmes en justice et en vraie sainteté.
                 Le résultat nécessaire de cette juste idée de nos péchés et de notre impuissance naturelle, c'est le mépris de cette « gloire qui vient des hommes », de cet honneur qu'on rend d'ordinaire à nos mérites supposés. Celui qui se connaît lui-même n'estime ni ne désire des applaudissements qu'il sait ne pas mériter. C'est pourquoi il « lui importe fort peu d'être jugé d'aucun jugement d'homme ».
              La comparaison de ces jugements, favorables ou bien défavorables, avec le témoignage de sa conscience au dedans, lui donne toute raison de penser que le monde est comme le Dieu de ce monde, qui fut « menteur dès le commencement ». Et, même quant à ceux qui ne sont pas du monde, quoi qu'il désire, si c'est la volonté de Dieu, qu'ils le regardent comme quelqu'un qui veut être un fidèle économe des biens de son Seigneur, si cela peut lui donner le moyen de se rendre plus utile à ses frères ; toutefois ne désirant leur approbation pour aucun autre motif, il est bien loin d'en faire son appui ; car il est assuré que, ce que Dieu veut, il aura toujours des instruments pour l'accomplir, puisqu'il peut « de ces pierres mêmes » se préparer des serviteurs qui fassent sa volonté.
                Telle est cette humilité d'esprit qu'ont apprise de Christ ceux qui suivent son exemple et marchent sur ses traces. Et cette connaissance de leur misère, qui les nettoie toujours plus de l'orgueil et de la vanité, les dispose à embrasser avec empressement la seconde grâce renfermée dans la circoncision du coeur, savoir cette foi qui seule est capable de les rétablir, qui est le seul remède donné, sous les cieux, pour guérir leur maladie.
              Le vrai conducteur des aveugles, la sûre lumière de ceux qui sont dans les ténèbres, le parfait docteur des ignorants et des simples, c'est la foi. Mais une foi « qui soit puissante, par la vertu de Dieu, pour renverser les forteresses », pour abolir tous les préjugés d'une fausse raison, toutes les maximes erronées que révèrent les hommes, toutes les mauvaises coutumes, toute cette « sagesse du monde qui est folie devant Dieu », une foi qui puisse détruire toutes les imaginations, tous les raisonnements, « tous les conseils et toute hauteur qui s'élève contre la connaissance de Dieu, et amener toutes les pensées captives et les soumettre à l'obéissance de Christ ».
                   A celui qui a cette foi, « toutes choses sont possibles ». Dieu a illuminé les yeux de son entendement et il reconnaît quelle est sa, vocation, savoir, de glorifier le Dieu qui l'a racheté à si grand prix, de le glorifier dans son corps et dans son esprit qui, maintenant, lui appartiennent par rédemption aussi bien que par création. Il sait « quelle est l'infinie grandeur du pouvoir » de Celui qui, ayant ressuscité Christ d'entre les morts, peut aussi, « par son Esprit qui habite en nous », nous ressusciter de la mort du péché. C'est cette foi qui est notre victoire sur le monde ; cette foi qui n'est pas seulement un ferme assentiment à toute la Bible, et en particulier à cette vérité : que Christ est venu au monde pour sauver les pécheurs ; — « qu'il a porté nos péchés en son corps sur le bois ; — qu'il est la propitiation pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux de tout le monde»  — mais qui est, de plus, la révélation de Christ en nous, Une assurance, une conviction divine de sa miséricorde, de son amour libre et gratuit pour nous, pécheurs ; la ferme confiance que le Saint-Esprit nous inspire, en la miséricorde divine, la confiance par laquelle tout vrai croyant peut s'écrier : « Je sais que mon Rédempteur est vivant » - que, «j'ai un avocat auprès du Père » ; que Jésus-Christ, le Juste, est « la propitiation pour mes péchés », « qu'il m'a aimé, qu'il s'est donné lui-même pour moi » ; — et que, réconcilié moi-même avec Dieu par lui, j'ai, « par son sang, la rédemption, la rémission des péchés ».
                 Une telle foi ne peut manquer de montrer avec évidence le pouvoir de son auteur; elle le fait en délivrant les enfants de Dieu du joug du péché, en « purifiant leurs consciences des oeuvres mortes », et les purifiant de telle sorte qu'ils ne sont plus contraints d'obéir au péché dans sers convoitises ; mais qu'au lieu de lui « livrer leurs membres comme instruments d'iniquité, ils se consacrent maintenant entièrement à Dieu, «comme de morts étant faits vivants ».
                Ceux qui par la foi sont ainsi nés de Dieu, ont aussi la ferme consolation de l'espérance. C'est la troisième chose comprise dans la circoncision du coeur : savoir le témoignage que leur propre esprit leur rend, aussi bien que l'Esprit de Dieu d'être les enfants de Dieu. Au fond, c'est aussi le Saint-Esprit qui leur donne cette joyeuse confiance d'avoir un coeur droit devant Dieu, c'est lui qui les assure qu'ils font maintenant par sa grâce les choses qui lui sont agréables, qu'ils sont maintenant dans le sentier qui mène à la vie et qu'ils persévéreront par la bonté de Dieu jusqu'à la fin. C'est lui qui leur donne une espérance vive de recevoir de Dieu toutes sortes de biens, une perspective joyeuse de cette couronne de gloire qui leur est réservée dans les cieux. Par cette ancre ferme, le chrétien demeure inébranlable au milieu des flots agités de ce monde, également à l'abri de deux funestes écueils : la présomption et le désespoir. Il n'est ni découragé par une fausse idée de la « sévérité » du Seigneur, ni prêt à « mépriser les richesses de sa bonté ».  On ne le voit ni craindre que la course qui lui est proposée ait des difficultés au-dessus de la force qu'il a pour les vaincre, ni s'attendre à les trouver si légères qu'elles cèdent dans la lutte avant qu'il ait déployé toute sa force.
                    Si, d'un côté, l'expérience qu'il a déjà dans le combat chrétien l'assure que « son travail ne sera, pas vain », s'il fait, selon son pouvoir tout ce qu'il a. occasion de faire, elle ne lui laisse point, de l'autre, la vaine pensée qu'aucune vertu puisse être déployée, aucune louange obtenue par des cœurs lâches et des mains languissantes, par d'autres que ceux qui, poursuivant le même but que le grand apôtre des Gentils, disent comme lui :
« Je cours, non à l'aventure ; je frappe, mais non pas en l'air ; mais je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même rejeté ».
                       C'est par la même discipline que tout « bon soldat de Christ » doit s'endurcir à supporter les travaux ; affermi et fortifié par ce moyen, il pourra renoncer non seulement aux oeuvres de ténèbres, mais à tout désir, à toute affection qui n'est point conforme à la loi de Dieu. Car « quiconque a cette espérance en lui » dit saint Jean, « se purifie lui-même, comme lui aussi est pur ». Il s'applique chaque jour, par la grâce de Dieu et par le sang de l'alliance, à nettoyer les derniers recoins de son âme des convoitises qui la possédaient et la souillaient auparavant ; à se purifier d'impureté, d'envie, de malice, de colère, de toute passion ou disposition qui est selon la chair, qui en découle ou qui flatte sa corruption ; car il sait que son corps étant le temple de Dieu, il ne doit y admettre rien de profane ou d'impur et que la sainteté convient pour toujours à la demeure qu'a daigné choisir l'Esprit de sainteté.
                      Mais il te manque encore une chose, ô homme, qui que tu sois, qui joins à une humilité profonde, à une foi ferme, une vive espérance, et qui as ainsi, en grande partie, nettoyé ton coeur de sa souillure native. A toutes ces choses, ajoute encore, si tu veux être parfait, l'amour ; tu auras alors la circoncision du coeur. La charité est « le but du commandement, l'accomplissement de la loi ».
                      Ce qui se dit de la charité, ce sont des choses glorieuses : elle est l'essence, l'esprit, la vie de toute vertu. Elle n'est pas seulement « le premier et le grand commandement », mais la réunion de tous les commandements en un. « Toutes les choses qui sont justes, toutes les choses qui sont pures, toutes les choses qui sont aimables » ou honorables ; « s'il y a quelque vertu ou quelque louange », tout cela se résume en un seul mot : — la charité. Dans l'amour est la perfection, la gloire, le bonheur. Car voici la loi royale du ciel et de la terre : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton, âme de toute ta pensée et de toutes tes forces ».
                 Ce n'est pas que ce commandement nous défende d'aimer autre chose que Dieu, car il renferme aussi l'amour pour nos frères ; ni qu'il nous interdise, comme quelques-uns en ont eu l'étrange idée, de prendre plaisir en autre chose qu'en Dieu. C'est faire faire de Celui qui est la source de la sainteté l'auteur direct du péché, puisqu'il a rendu le plaisir inséparable de l'usage des choses par lesquelles il nous faut soutenir la vie qu'il nous a donnée. Tel n'est évidemment pas le sens de son commandement. Mais le Seigneur lui-même et ses apôtres nous l'expliquent trop fréquemment et trop clairement, pour qu'il y ait de l'incertitude. Tous d'une voix ils nous rendent témoignage que ces diverses déclarations : 
-« Le Seigneur ton Dieu est un seul Seigneur » ; 
- « tu n'auras point d'autre Dieu que moi » ; 
- « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ta force », 
reviennent à dire: le seul Bien parfait sera votre but suprême. Ne désirez, pour elle-même, qu'une chose, la jouissance de Celui qui est tout en tous. Ne proposez à vos âmes qu'un seul bonheur, — l'union avec Celui qui les a faites, la « communion avec le Père et avec le Fils», l'union avec le Seigneur dans un même Esprit. Vous n'avez qu'un seul but à poursuivre jusqu'à la fin : jouir de Dieu dans le temps et dans l'éternité. Désirez les autres choses, en tant, seulement, qu'elles concourent à celle-ci.  Aimez la créature, en tant seulement qu'elle conduit au Créateur. Mais qu'en toutes vos démarches, ce soit là, votre glorieux point de mire. Que toute affection, toute pensée, toute parole, toute oeuvre y
soit subordonnée. Dans vos craintes, dans vos désirs, dans tout ce que vous fuyez ou recherchez, et quoi que vous puissiez faire, penser ou dire, que tout se rapporte à votre félicité en Dieu, le but, comme la source unique de votre être.
                   N'ayez, nous disent le Seigneur et ses apôtres, d'autre but, d'autre but suprême que Dieu. 
Ainsi notre Seigneur : « Une seule chose, est nécessaire », et « si ton œil est simple » c'est-à-dire uniquement fixe, sur cette seule chose, « tout ton corps sera éclairé ». 
Ainsi l'apôtre Paul : « Je fais une chose, je cours vers le but, vers le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ ». 
Ainsi saint Jacques : « Pécheurs, nettoyez vos mains, et vous qui avez le coeur partagé, purifiez vos cœurs ». 
Ainsi saint Jean « N'aimez point le monde, ni les choses qui sont dans le monde ; car tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l'orgueil de la vie, ne vient point du Père, mais du monde ». 
                — Chercher son bonheur dans ce qui flatte, soit la convoitise de la chair, en charmant les sens extérieurs ; soit la convoitise des yeux ou de l'imagination, par sa nouveauté, sa grandeur et sa beauté ; soit l'orgueil de la, vie, par la pompe, la grandeur, le pouvoir, ou par l'admiration et les applaudissements qui en sont la conséquence ; — cela n'est, point du Père, — cela ne vient ni n'est approuvé du Père des esprits, — mais est du monde ; c'est la marque distinctive de ceux qui disent : « Nous ne voulons point que celui-ci règne sur nous ».

II

                   Maintenant que j'ai achevé de montrer en quoi consiste cette circoncision du coeur, qui obtiendra la louange de Dieu, il me reste à présenter quelques réflexions qui découlent naturellement de cet examen et par lesquelles chacun peut juger s'il appartient lui même à Dieu ou au monde.
                   1° Et d'abord on voit clairement, par ce qui précède, que nul ne peut prétendre à la louange qui vient de Dieu, s'il n'a un coeur circoncis, s'il n'est petit à ses propres yeux, vil et sans valeur à son propre jugement ; s'il n'est profondément convaincu de cette corruption innée, par laquelle il a si complètement perdu la justice originelle, étant enclin à tout mal, sans amour pour le bien, corrompu et abominable ; ayant cette affection de la chair qui est inimitié contre Dieu, qui ne se soumet pas à la loi de Dieu et ne peut s'y soumettre ; s'il ne sent continuellement au plus profond de l'âme, que sans l'action habituelle de l'Esprit, il ne peut ni penser, ni désirer, ni dire, ni faire rien de bon, ni d'agréable à Dieu.
                     Personne, n'a de titre à la louange de Dieu, jusqu'à ce qu'il sente qu'il a besoin de Dieu ; jusqu'à ce qu'il cherche effectivement « la gloire qui vient de Dieu seul », qu'il cesse de désirer, de rechercher celle qui vient des hommes, ne faisant exception que pour celle qui se rattache à l'approbation de Dieu.
                  2° Une autre vérité qui résulte naturellement de ce que nous avons dit, c'est que nul n'obtiendra la louange qui vient de Dieu, si son coeur n'est circoncis par la foi, — par cette foi qui est un « don de Dieu » ; si désormais refusant d'obéir à ses sens, à ses appétits, à ses passions, ou même à cette aveugle conductrice d'aveugles, à cette raison naturelle, si idolâtrée du monde, — il ne vit et marche par la foi, il ne se conduit en toutes choses « comme voyant Celui qui est invisible », ne regardant pas aux choses temporelles qu'on voit, mais aux « choses éternelles qu'on ne voit point » et dans toutes ses pensées, ses actions et ses conversations, dans ses désirs et ses desseins, montrant qu'il est « entré au dedans du voile » où Jésus est assis à la droite de Dieu.
                  Plût à Dieu qu'ils connussent mieux cette foi, ceux qui emploient tant de temps et de peine à poser un autre fondement ; à baser la religion sur l'éternelle, convenance des choses, sur l'excellence intrinsèque de la vertu et sur la beauté des actions qui en découlent ; sur les raisons d'être, comme ils les appellent, du bien et du mal, et sur les relations mutuelles des êtres ! Ou leurs expositions sont conformes à la vérité scripturaire, ou elles y sont contraires ; si elles y sont conformes, pourquoi détourner des hommes droits « des choses les plus importantes de la loi » et leur embrouiller l'esprit par un nuage de termes qui n'interprètent les plus simples vérités que pour les obscurcir ? Et si elles y sont contraires, qu'ils considèrent qui est l'auteur de cette doctrine ; si ce peut être un ange du ciel, puisqu'il prêche un autre Évangile que celui de Jésus-Christ ; et quand ce serait un ange, nous savons que Dieu lui-même a prononcé sa sentence : « Qu'il soit anathème ! »
               Si notre Évangile nous montre la foi comme le seul fondement des bonnes oeuvres, et Christ comme le seul fondement de la foi, il nous enseigne tout aussi clairement que nous ne sommes point ses disciples tant que nous refusons de le reconnaître pour l'auteur de nos oeuvres, aussi bien que de notre foi, lesquelles il nous inspire et qu'il rend parfaites par son Esprit. « Si quelqu'un n'a pas l'Esprit de Christ, celui-là n'est point à lui ».                 Cet Esprit seul peut ressusciter les morts, les animer du souffle de la vie chrétienne, et, par la grâce dont il les prévient et les accompagne, accomplir et réaliser leurs bons désirs. « Tous ceux qui sont ainsi conduits par l'Esprit de Dieu, sont enfants de Dieu ». Telle est la courte et simple exposition que Dieu nous donne de la vraie religion et de la vertu ; et « personne ne peut poser d'autre fondement ».
                  3° Il découle encore de ce que nous avons dit que nul n'est véritablement « conduit par l'Esprit », si cet « Esprit ne rend témoignage avec son esprit qu'il est enfant de Dieu » ; s'il ne voit devant lui le prix et la couronne, s'il ne « se réjouit dans l'espérance de la gloire de Dieu ». Qu'elle est donc grande l'erreur de ceux qui ont enseigné que dans le service de Dieu ne doit point entrer la recherche de notre bonheur ! Au contraire, Dieu nous enseigne expressément et à plusieurs reprises, à avoir égard à la rémunération, à mettre en balance avec nos peines « la joie qui nous est proposée », et avec « notre légère affliction du temps présent, le poids éternel d'une gloire infiniment excellente ». Oui, nous sommes « étrangers à l'alliance de la promesse », jusqu'à ce que Dieu, « selon sa grande miséricorde, nous ait fait renaître en nous donnant une espérance vive de posséder l'héritage qui ne se peut corrompre, ni souiller, ni flétrir ».
                    Mais s'il en est ainsi, il est grand temps qu'ils prennent garde à leurs âmes, ceux qui, loin de sentir la joyeuse assurance de remplir les conditions de l'alliance et l'espérance d'avoir part à ses promesses, trouvent à redire à l'alliance elle-même et à ses conditions, et prétendent qu'elles sont trop sévères et que jamais personne n'a pu ni ne pourra s'y conformer. Qu'est-ce autre chose qu'accuser Dieu et lui reprocher d'être un maître dur, qui exige de ses serviteurs plus qu'il ne leur donne le moyen d'accomplir ?Comme s'il se moquait de ses faibles créatures en les liant à des impossibilités, en leur commandant de vaincre là où ni leur propre force, ni même sa grâce ne peuvent leur suffire !
                 Peu s'en faut qu'il n'y ait dans ces blasphèmes de quoi tranquilliser la conscience de ceux qui, se jetant dans un autre extrême, espèrent d'accomplir les commandements de Dieu sans aucun travail ! Mais quel vain espoir, pour un enfant d'Adam, de s'attendre à voir le royaume de Dieu et de Christ sans lutter, sans s'efforcer d'abord « d'entrer par la porte étroite » ; pour un homme conçu et né dans le péché et qui n'est que méchanceté au dedans, d'espérer jamais « devenir pur comme son Seigneur est pur », à moins de marcher sur ses traces, de se charger chaque jour de sa croix, de « couper sa main droite, de s'arracher l’œil droit et de le jeter loin de lui » ; vain espoir de rêver le renouvellement de ses opinions, de ses sentiments, de ses pensées, la sanctification entière de son esprit, de son âme, de son corps, sans renoncer à soi-même continuellement et en toutes choses !
                N'est-ce pas là le moins que nous puissions inférer de notre citation de saint Paul, qui, bien que vivant pour l'amour de Christ, « dans les faiblesses, dans les opprobres, dans les misères et les persécutions, dans les afflictions extrêmes », bien que recommandable par toutes sortes de signes et de miracles et ayant été « ravi au troisième ciel », n'en estimait pas moins, comme on l'a dit avec énergie, « que toutes ses vertus seraient mal assurées, et même son salut en danger, sans ce renoncement constant à lui-même ? » «Je cours », dit-il, « non pas à l'aventure, je frappe, mais non pas en l'air », par où il nous montre bien que celui qui ne court pas ainsi, qui n'exerce pas ainsi, jour par jour, le renoncement, court à l'aventure et sans plus d'effet que celui qui frappe en l'air.
                 4° Enfin (et c'est la dernière observation que nous tirons de ce qui précède), c'est aussi inutilement qu'il parle « de combattre le combat de la foi », c'est vainement qu'il espère atteindre la couronne incorruptible, celui dont le coeur n'est pas circoncis par la charité. L'amour, qui retranche à la fois la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l'orgueil de la vie, qui engage l'esprit, l'âme, le corps, en un mot, notre être entier dans la poursuite de ce seul objet, la charité est si essentielle à l'enfant de Dieu, que sans elle on est considéré devant le Seigneur comme « mort en vivant ».
                « Quand même je parlerais toutes les langues des hommes et même des anges, si je n'ai point la charité, je ne suis que comme l'airain qui résonne ou comme la cymbale qui retentit. Et quand même j'aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et la science de toutes choses ; et quand même j'aurais toute la foi jusqu'à transporter les montagnes, si je n'ai point la charité, je ne suis rien ». Bien plus, « quand je distribuerais tout mon bien pour la nourriture des pauvres et que même je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n'ai point la charité, cela ne me sert de rien ».
                 En elle est donc le sommaire de la loi parfaite ; en elle est la vraie circoncision du coeur. Que l'esprit retourne avec tout le cortège de ses affections, à Dieu qui l'a donné ! Que les fleuves retournent au lieu d'où ils découlent ! Dieu ne veut point de nous d'autres sacrifices que le sacrifice du coeur ; c'est là celui qu'il a choisi. Qu'il lui soit offert continuellement par Christ, dans les flammes d'un saint amour. Et qu'aucune créature ne soit admise à le partager avec Lui : car Dieu est un Dieu jaloux. Il ne partage point son trône avec un autre : il veut régner sans rival. Qu'aucun désir, aucun dessein n'y soit admis qui n'ait Dieu seul pour objet suprême. 
                Ainsi marchèrent jadis ces enfants de Dieu qui, quoique morts, nous disent encore : « Ne désirez de vivre que pour louer le nom du Seigneur ; que toutes vos pensées, vos paroles et vos oeuvres tendent à sa gloire. Attachez votre coeur à Lui, et, entre les autres choses, à celles seules qui sont en Lui et de Lui. Que votre âme soit tellement remplie de son amour, que vous n'aimiez rien, si ce n'est point Lui ! Ayez des intentions pures dans toutes vos actions, un constant désir de sa gloire. Fixez vos regards sur la sainte espérance de votre vocation, et faites-y servir toutes les choses de ce monde .               Alors, et seulement alors, nous avons en nous « les sentiments qui étaient en Jésus-Christ » ; lorsque dans tout mouvement de nos cœurs, de nos lèvres, de nos mains, nous ne nous proposons rien qui n'ait Dieu pour but et qui ne lui soit soumis ; lorsque aussi dans nos actions, nos pensées, nos paroles, nous cherchons à faire, « non pas notre volonté », « mais la volonté de celui qui nous a envoyés » ; lorsque, « soit que nous mangions, ou que nous buvions, ou que nous fassions quelque autre chose, nous faisons tout pour la gloire de Dieu ».




samedi 13 juin 2015

LES SERMONS DE WESLEY Sermon 16 : LES MOYENS DE GRÂCE

Numérisation Yves PETRAKIAN
Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement
Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

(tiré du livre  LES SERMONS DE WESLEY  -1- )


Malachie 3,7   (1746)

« Vous vous êtes écartés de mes ordonnances, et vous ne les avez point observées». (Malachie 3 : 7)

I

                 Y a-t-il encore des ordonnances, y en a-t-il depuis que « la vie et l'immortalité ont été mises en évidence par l’Évangile (2 Timothée 1 : 10) ? » Y a-t-il, sous la dispensation chrétienne, des moyens qui aient été ordonnés, institués par Dieu, pour être le véhicule ordinaire de ses grâces ? Seul un païen déclaré eût pu faire une pareille question dans l'Eglise apostolique, puisque tous les chrétiens s'y accordaient à croire que Jésus-Christ avait établi certains moyens extérieurs en vue de transmettre sa grâce à l'âme humaine. A cet égard, leur pratique constante suffit pour mettre la chose hors de doute ; car si, d'un côté, « tous ceux qui croyaient étaient ensemble dans un même lieu, et avaient toutes choses communes (Actes 2 : 44) », de l'autre et non moins constamment, « ils persévéraient dans la doctrine des apôtres, dans la communion, dans la fraction du pain et dans les prières (Actes 2 : 44) ».
                 Mais, avec le temps, « l'amour de plusieurs s'étant refroidi (1 Timothée 1 : 5) », il y en eut qui commencèrent à prendre les moyens pour le but et à faire consister la religion plutôt dans l'accomplissement de ces oeuvres extérieures que dans le renouvellement de l'âme à l'image de Dieu. Ils oubliaient que « le but, du commandement (quel qu'il soit), c'est l'amour qui procède d'un coeur pur... et d'une foi sincère (Matthieu 24 : 12) ; » c'est que nous aimions l’Éternel notre Dieu de tout notre coeur et notre prochain comme nous-mêmes; c'est que nous soyons purifiés de l'orgueil, de la colère, de la convoitise par une foi que Dieu lui-même produit en nous. D'autres paraissent avoir cru que ces moyens extérieurs, tout en ne constituant pas l'essence de la religion, contenaient pourtant quelque chose qui était agréable à Dieu, quelque chose qui devait leur faire trouver grâce devant lui, lors même que leur conduite fût défectueuse à l'endroit des « choses les plus importantes de la loi, la justice, la miséricorde (Matthieu 23 : 23) » et l'amour de Dieu.
              Il est bien évident que dans le cas de ceux qui en abusèrent ainsi, ces moyens n'atteignirent pas le but pour lequel ils avaient été institués ; il arriva même que ce qui eût dû leur faire du bien, fut pour ces hommes une occasion de chute. Loin qu'ils y trouvassent une bénédiction, ils ne firent qu'attirer par là une malédiction sur leur tête ; au lieu d'en devenir plus célestes par le coeur et par la vie, ils se trouvèrent être deux fois plus dignes de l'enfer qu'auparavant. Et alors d'autres individus, voyant à n'en pas douter que l'emploi de ces moyens ne procurait pas la grâce de Dieu à ces enfants du diable, se hâtèrent de tirer de ce fait particulier une conclusion générale, celle que ce n'étaient point là des moyens  assurés de recevoir les grâces divines.
             Le nombre de ceux qui faisaient cet abus des ordonnances du Seigneur fut pourtant bien plus considérable que celui des individus qui les négligeaient, jusqu'au jour où parurent certains hommes d'une haute intelligence, parfois d'un très grand savoir, et aussi, semblait-il, possédant l'amour et connaissant par expérience la vraie religion, la religion du coeur. Quelques-uns de ces hommes furent des flambeaux allumés et brillants, des personnages célèbres dans leur temps et qui méritaient bien l'estime de l'Église chrétienne ; car ils s'étaient mis à la brèche pour résister au débordement de l'impiété.
              On doit supposer que tout ce que se proposaient ces saints hommes, ces hommes vénérables, c'était, du moins à l'origine, de prouver que la religion extérieure n'a aucune valeur sans la religion du coeur ; de rappeler que « Dieu est esprit et qu'il faut que ceux qui l'adorent l'adorent en esprit et en vérité (Jean 4 : 24) ; » que, conséquemment, le culte extérieur est du travail en pure perte, aussi longtemps que le coeur n'est pas consacré à Dieu ; que les ordonnances visibles du Seigneur sont utiles et même très utiles, lorsqu'elles contribuent aux progrès de la sainteté intime ; mais que si elles n'y contribuent pas, elles sont inutiles et vaines, elles sont plus légères que le néant ; que même, si ces choses sont mises en quelque sorte à la place de cette sainteté du coeur, elles sont absolument abominables devant Dieu.
               Il ne faut pas s'étonner de ce que, parmi ces hommes, il s'en soit trouvé qui, étant profondément convaincus qu'on avait, de cette façon, profané horriblement les ordonnances de Dieu, que l'Église entière était infectée de ce mal, et que cela avait à peu près banni du monde toute vraie religion, parlèrent, dans leur zèle ardent pour la gloire de Dieu et en vue de retirer les âmes d'une illusion aussi fatale, parlèrent, dis-je, comme si la religion extérieure n'était absolument rien, n'avait aucune place dans la religion chrétienne. Nous ne devons pas être surpris de ce qu'ils n'ont pas toujours exprimé leurs opinions avec assez de modération, à tel point que des auditeurs sans discernement ont pu croire qu'ils rejetaient tous les moyens extérieurs comme tout à fait inutiles, comme n'ayant pas été choisis par Dieu pour être le véhicule ordinaire de sa grâce à l'égard de nos âmes.
              Il n'est point impossible que quelques-uns de ces saints hommes aient fini par croire cela eux-mêmes, surtout ceux qui, par une dispensation de la Providence et non point volontairement, étaient séparés de toutes ces ordonnances du culte, errant peut-être çà et là sans domicile certain, se cachant dans les grottes et les antres de la terre. Ces personnes, se sentant visitées par la grâce divine malgré l'absence de tous moyens extérieurs, ont dû supposer que cette grâce serait également accordée à ceux qui, de propos délibéré, renonceraient à l'emploi de ces moyens.
               On découvre, d'ailleurs, en consultant, les faits, combien facilement ces idées gagnent les esprits et s'y insinuent ; c'est surtout le cas de ceux qui ont été sérieusement réveillés du sommeil de la mort et qui commencent à sentir que le fardeau de leurs péchés est trop lourd pour eux. Ces personnes-là sont. généralement mécontentes de leur état ; elles s'efforcent par divers moyens d'en sortir, et elles sont toutes disposées à se jeter sur la première nouveauté qui se présentera et leur promettra le soulagement et le bonheur. Elles ont sans doute essayé de tous les moyens extérieurs, sans y trouver aucun soulagement ; peut-être, au contraire, y ont-elles rencontré un accroissement de leurs remords et de leurs craintes, de leur chagrin et de leur condamnation. Il ne sera donc pas difficile de les convaincre qu'il vaut mieux qu'elles cessent d'employer ces moyens. Elles sont déjà lasses de lutter sans résultat apparent, d'endurer la fournaise : aussi accueillent-elles avec plaisir l'occasion de mettre de côté des devoirs qui n'ont aucun attrait pour leur âme, de se retirer d'un combat qui est pénible et de retomber dans l'inaction et l'insouciance.

II

                Je me propose, dans ce discours, d'examiner d'une façon générale s'il y a des moyens de grâce. 
Par moyens de grâce j'entends des signes, des paroles, ou des actes que Dieu a institués et établis expressément en vue d'en faire le canal par lequel il communiquerait habituellement aux hommes sa grâce qui prévient, qui justifie, qui sanctifie.
           Si j'emploie l'expression moyens de grâce, c'est que Je n'en connais pas de meilleure ; c'est parce que, depuis des siècles ; elle a cours dans l'Eglise chrétienne, et en particulier dans notre communion, qui nous recommande de bénir Dieu « pour les moyens de grâce et pour l'espérance de la gloire », et nous enseigne qu'un sacrement est « le signe extérieur d'une grâce intérieure, et un moyen de recevoir cette grâce ».
               Les principaux de ces moyens sont la prière, soit en secret soit « dans la grande assemblée (Psaume 11 : 10) » , l'étude de la parole de Dieu (comprenant la lecture et la méditation de cette parole, ainsi que l'assiduité aux prédications), et enfin la participation à la sainte Cène, où l'on mange le pain et boit le vin en mémoire de Jésus. Tels sont les moyens de grâce que nous considérons comme des ordonnances du Seigneur, et comme étant le véhicule ordinaire de sa grâce aux âmes.
               Mais nous admettons parfaitement que ces moyens n'ont de valeur qu'autant qu'ils conduisent au véritable but de la religion ; que, conséquemment, si on les détourne de ce but, ils sont moins que rien ; que, s'ils ne tendent pas d'une manière effective à produire la connaissance de Dieu et l'amour pour Dieu, ces moyens ne sauraient lui plaire et deviennent plutôt une abomination devant lui, « une puanteur à ses narines (Amos 4 : 10) », de elle sorte qu'il est « las de les souffrir (Esaïe 1 : 14) ».
                 Et surtout si on emploie ces moyens comme une sorte d'équivalent de la religion, dont ils devaient être les auxiliaires, rien ne pourrait exprimer tout ce qu'il y a de folie et de crime à tourner ainsi contre Dieu les armes de Dieu lui-même, à exclure de l'âme la vie religieuse en se servant précisément des moyens destinés à l'y introduire.
              Nous devons aussi admettre que tous les moyens extérieurs, quels qu'ils soient, s'ils ne sont accompagnés par l'Esprit de Dieu ne peuvent être de la moindre utilité, ne peuvent produire en aucune mesure la connaissance et l'amour de Dieu. Il est incontestable que c'est de Dieu que vient tout notre secours ici-bas. C'est lui seul qui, par sa puissance infinie, produit en nous ce qui lui est agréable ; aussi toutes ces choses extérieures sont de « faibles et misérables rudiments (Galates 4 : 9) » à moins qu'il n'opère en eux et par eux. Si donc quelqu'un se persuade qu'un moyen quelconque possède par lui-même quelque vertu, il se trompe gravement, « ne comprenant pas les Écritures, ni la puissance de Dieu ». (Matthieu 22 : 29). Nous savons, en effet, qu'il ne saurait, y avoir aucune vertu propre et particulière dans les paroles prononcées en priant, dans la lettre de la Bible qu'on lit ou qu'on entend lire, dans le pain et le vin qu'on reçoit à la sainte Cène ; c'est Dieu seul qui est l'auteur de tout don parfait, la source de toute grâce ; toute vertu efficace vient de lui et, par le canal de l'un ou l'autre de ces moyens, peut transmettre à notre âme telle ou telle bénédiction de Dieu. Nous savons aussi que Dieu pourrait nous conférer directement ces mêmes bénédictions s'il n'existait aucun moyen visible. Et, dans un certain sens, nous pourrions dire que pour Dieu il n'y a pas de moyens, attendu que, pour accomplir ce qu'il veut, il peut s'en servir ou bien s'en passer.
                  Il faut encore admettre que l'emploi de tous les moyens du monde ne saurait expier un seul péché ; que c'est uniquement par le sang de Jésus-Christ que le pécheur peut trouver grâce devant Dieu ; car il n'y a point d'autre propitiation pour nos péchés, point d'autre source ouverte pour le péché et pour la souillure (Zacharie 13 : 1) ». Tous ceux qui croient en Jésus sont profondément convaincus qu'il n'y a de mérites qu'en lui, qu'il n'y en a point dans leurs oeuvres à eux, ni dans les prières qu'ils prononcent, ni dans la Bible qu'ils lisent ou qu'ils entendent expliquer, ni dans le pain qu'ils rompent et la coupe dont ils boivent. Quand donc certaines personnes ont dit : « Jésus-Christ est le seul moyen de grâce », si elles ont voulu dire qu'il est par ses mérites l'unique auteur de la grâce, il n'y a rien là qui puisse être contesté par ceux qui connaissent cette grâce du Seigneur.
                 Nous devons également reconnaître, bien que le fait soit lamentable, qu'un trop grand nombre de ceux qui portent le nom de chrétiens, font des moyens de grâce un usage si abusif qu'il tend à la perdition de leur âme. Cela est, vrai, incontestablement, de tous ceux qui se contentent d'avoir la forme de la piété sans en posséder la force. Peut-être se croient-ils déjà chrétiens, à cause de ceci ou de cela qu'ils pratiquent ; mais Jésus-Christ n'a jamais été manifesté à leur coeur, et l'amour de Dieu n'y a jamais été répandu. Peut-être aussi s'imaginent-ils que, s'ils ne sont pas encore chrétiens, ils ne peuvent manquer de le devenir en faisant usage de ces moyens ; ils vivent, sans s'en rendre bien compte peut-être, dans cette illusion que les moyens renferment une sorte de vertu qui, tôt ou tard, mais on ne sait quand, aura pour effet de les rendre saints. Ou bien encore ils se persuadent qu'une sorte de mérite accompagne l'emploi de ces moyens de grâce, et que ce mérite déterminera Dieu à leur accorder la sainteté, ou bien à les recevoir sans cela.
                 Combien peu ces hommes ont compris le principe fondamental de tout l'édifice du christianisme : « Vous êtes sauvés par grâce (Ephésiens 2 : 8) ; » c'est-à-dire : Vous êtes sauvés de vos péchés, de la condamnation et de la domination du péché, vous retrouvez la faveur et l'image de Dieu, non par vos oeuvres ou par vos mérites, mais par la pure grâce, la pure miséricorde de Dieu et à cause des mérites de son Fils bien-aimé ; vous êtes sauvés, conséquemment, non point par quelque puissance, quelque sagesse ou quelque force qui réside en vous, mais uniquement par la grâce et la puissance du Saint-Esprit qui opère tout en tous.
                  Mais reste à résoudre la question principale, que quelqu'un qui sent qu'il ne jouit pas de ce salut pourrait formuler ainsi : « Nous savons que ce salut est le don de Dieu et son oeuvre ; mais comment l'obtenir ? » Si vous répondez : « Crois, et tu seras sauvé » ; on vous répliquera : « C'est bien, mais comment ferai-je pour croire ? » Vous dites alors : « Cherchez le Seigneur ». Mais on réplique : « Sans doute ; mais de quelle façon faut-il le chercher ? Est-ce par les moyens de grâce ou sans eux ? Cette grâce de Dieu qui apporte le salut, dois-je l'attendre dans la pratique de ces moyens, ou bien en les mettant de côté ? 
                Il n'est pas permis de supposer que la parole de Dieu nous laisse dans l'obscurité sur un point aussi important. On ne peut pas croire que le Fils de Dieu, qui est descendu du ciel par amour pour nous, pour nous sauver, ne nous ait pas fourni lui-même la solution d'une question qui intéresse si directement notre salut.
             Et de fait il a décidé la question et nous a montré le chemin que nous devons suivre. Il n'y a qu'à consulter les oracles divins, à examiner ce qui y est écrit ; aucun doute ne nous restera, à la condition que nous nous soumettions tout simplement aux décisions de la Bible.

III

                 Pour se conformer aux décisions de la parole du Seigneur, tous ceux qui aspirent à posséder la grâce 
de Dieu doivent la chercher et l'attendre en employant les moyens qu'il a lui-même institués, et non en les négligeant volontairement.
            Premièrement, tous ceux qui désirent recevoir la grâce divine doivent l'attendre dans la voie de la prière. Notre Seigneur l'a déclaré lui-même expressément. Dans son Discours sur la Montagne, après avoir expliqué d'une manière générale en quoi consiste la religion et en avoir décrit les principales branches, il ajoute :

« Demandez, et on vous donnera ; cherchez, et, vous trouverez ; heurtez, et on vous ouvrira. Car 
quiconque demande reçoit ; et qui cherche, trouve ; et l'on ouvre à celui qui heurte (Matthieu 7 : 7,8) ».

                Dans ces paroles nous sommes très clairement invités à demander pour recevoir, à demander 
comme moyen de recevoir ; à chercher, afin de trouver la garce de Dieu, cette perle de grand prix ; à heurter enfin, c'est-à-dire à continuer de demander et de chercher, si nous désirons entrer dans le royaume des cieux.
               Pour ne laisser subsister aucune incertitude à cet égard, notre Sauveur développe sa pensée d'une façon plus détaillée. Il en appelle au coeur de tout homme : « Et quel est l'homme d'entre vous qui donne une pierre à son fils, s'il lui demande du pain ? Et s'il lui demande du poisson, lui donnera-t-il un serpent ? Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner à vos enfants de bonnes choses, combien plus votre Père qui est dans les cieux (le Père des anges et des hommes, le Père des esprits de toute chair), en donnera-t-il de bonnes à ceux qui les lui demandent (Matthieu 7 : 9-11) ? ». Ou, comme il dit dans une autre circonstance, résumant tous les biens dans un seul : « Combien plus votre Père céleste donnera-t-il le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent (Luc 11 : 13) ? » Il convient de faire observer ici ce fait que ceux que Jésus engageait à demander, n'avaient pas encore reçu le Saint-Esprit ; mais qu'il les exhorte à employer ce moyen de la prière et leur promet qu'il sera efficace, qu'en demandant ils recevront le Saint-Esprit, de la part de celui dont ta bonté est par-dessus toutes ses oeuvres.
               L'absolue nécessité qui existe pour nous d'employer ce moyen pour recevoir les dons de Dieu, quels qu'ils soient, ressort encore mieux du passage biblique qui précède celui que nous venons de citer.
               Jésus venait d'enseigner à ses disciples comment il faut prier. « Puis il leur dit : Si quelqu'un de vous avait un ami, qui vint le trouver à minuit, et qui lui dit : Mon ami, prête-moi trois pains... ; et que cet homme, qui est dans sa maison, lui répondit : Ne m'importune pas... ; je ne saurais me lever pour t'en donner ; je vous dis que, quand même il ne se lèverait pas pour lui en donner, parce qu'il est son ami, il se lèverait à cause de son importunité, et lui en donnerait autant qu'il en aurait besoin. Et moi, je vous dis : Demandez, et on vous donnera (Luc 9 : 5-9) ». Comment notre bon Sauveur eût-il pu nous révéler que l'emploi de ce moyen, la requête poussée jusqu'à l'importunité, nous ferait recevoir de Dieu des dons que nous ne recevrions pas sans cela, mieux qu'en introduisant ces paroles : « Quand même il ne se lèverait pas pour lui en donner, parce qu'il est son ami, il se lèverait à cause de son importunité, et lui en donnerait autant qu'il en aurait besoin ? » 
                 « Jésus leur dit aussi cette parabole, pour montrer qu'il faut toujours prier, et ne se relâcher point », et que, par ce moyen, ils obtiendraient du Seigneur tout ce qu'ils demanderaient en priant :

« Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait point Dieu, et qui n'avait aucun égard pour
personne. Il y avait aussi dans cette ville-là une veuve qui venait souvent à lui, et qui lui disait : Fais-moi justice de ma partie adverse. Pendant longtemps il n'en voulut rien faire. Cependant il dit enfin en lui-même : Quoique je ne craigne point Dieu, et que je n'aie aucun égard pour aucun homme ; néanmoins, parce que cette veuve m'importune, je lui ferai Justice, afin qu'elle ne vienne pas toujours me rompre la tête (Luc 18 : 1-5) ».

                  Notre Seigneur fait l'application de cette parabole quand il dit : « Ecoutez ce que dit ce juge injuste », c'est-à-dire : Puisqu'elle persiste à demander, puisqu'elle ne se laisse pas rebuter par des refus, eh bien ! Je la vengerai. « Et Dieu ne vengera-t-il point ses élus, qui crient à lui Jour et nuit... ? Je vous dis qu'il les vengera bientôt (Luc 18 : 6-8) », s'ils prient toujours et ne se relâchent point.
              En même temps qu'une recommandation expresse et explicite d'attendre les grâces de Dieu dans l'attitude de la prière, nous trouvons une promesse positive d'être exaucés si nous employons ce moyen, dans ces paroles bien connues de Jésus : « Mais toi, quand tu pries, entre dans ton cabinet, et ayant fermé la porte, prie ton Père qui est dans ce lieu secret ; et ton Père qui te voit dans le secret te le rendra publiquement (Matthieu 6 : 6) ».
               Aucun précepte ne saurait être plus clair, à moins que ce ne soit celui que le Seigneur nous a donné par son apôtre au sujet de la prière sous toutes ses formes, soit en public, soit en particulier, et au sujet de la bénédiction qui y est attachée : « Si quelqu'un de vous manque de sagesse, qu'il demande à Dieu, qui donne à tous libéralement, sans rien reprocher, et elle lui sera donnée (Jacques 1 : 5) ». Mais il faut demander. « Vous n'avez pas (ce que vous désirez), parce que vous ne demandez pas (Jacques 4 : 2) ».
                  Peut-être dira-t-on : « Mais ces conseils ne s'adressent qu'à des croyants, et non à ceux qui n'ont pas encore reçu le pardon du Seigneur ; car l'apôtre ajoute « Mais qu'il demande avec foi », ou bien « qu'il ne s'attende pas à recevoir aucune chose du Seigneur (Jacques 1 : 6,7) ». Je réponds que l'apôtre lui-même, comme s'il eût prévu cette objection, a déterminé dans la fin du verset le sens qu'a ici le mot foi : « Qu'il demande avec foi, sans hésiter (Jacques 1 : 6) », sans douter, sans douter que Dieu entend sa prière et accomplira le désir de son coeur.
                   Il y aurait absurdité grossière et presque blasphématoire à attribuer ici au mot foi toute la signification que l’Évangile y a attachée. Ce serait supposer, en effet, que le Saint-Esprit recommande à un homme qui sait qu'il n'a pas cette foi (ici désignée sous le nom de sagesse), de la demander à Dieu, en lui promettant qu'elle « lui sera donnée », mais en ajoutant aussitôt qu'elle ne lui sera accordée que s'il la possède avant de la demander. Une pareille supposition ne nous révolte-t-elle pas ? Ce passage, tout comme ceux précédemment cités, nous enseigne donc que tous ceux qui désirent obtenir la grâce divine doivent la chercher par la voie de la prière.
                   En second lieu, il faut que ceux qui veulent recevoir les bienfaits du Seigneur les cherchent, en sondant les Écritures.
                   Le précepte de Jésus, quant à l'emploi de ce moyen, est tout aussi clair, tout aussi positif qu'il l'égard de la prière. « Sondez les Écritures », dit-il aux Juifs incrédules ; car « ce sont elles qui rendent témoignage de moi ! (Jean 5 : 39) » Et c'était précisément pour qu'ils crussent en lui qu'il les engageait à sonder les Écritures.
             L'objection que ce n'est point là une recommandation, mais seulement la constatation du fait qu'ils sondaient les Écritures, cette objection est de toute fausseté. J'invite ceux qui la font ; à nous indiquer comment une recommandation eût pu être énoncée plus clairement que par ces mots. Impossible de renfermer en moins de mots un précepte absolu.
                      La bénédiction attachée par Dieu à l'emploi de ce moyen, est indiquée dans ce qui est raconté des Béréens qui, après avoir entendu saint Paul, « examinaient tous les jours les Écritures, pour savoir si ce qu'on leur disait y était conforme. Plusieurs donc d'entre eux crurent (Actes 17 : 11,12) ; » ils trouvèrent la grâce de Dieu en employant un moyen qu'il a prescrit.
                     Il est probable que, chez quelques-uns de ceux qui « reçurent la parole avec beaucoup de promptitude » , la foi vint de l'ouïe (Romains 10 : 17) », comme a dit saint Paul, et fut seulement confirmée par la lecture des Écritures. Nous avons d'ailleurs indiqué plus haut que sonder les Écritures c'est, pour nous, entendre la prédication de l’Évangile, lire la Bible et la méditer.
                  C'est là un des moyens dont Dieu se sert pour nous donner la vraie sagesse, mais aussi pour l'affermir et l'augmenter en nous ; tel est l'enseignement que nous tirons de ces paroles de saint Paul à Timothée : « Tu as dès ton enfance la connaissance des saintes lettres qui peuvent, t'instruire pour le salut (te rendre sage à salut), par la foi qui est en Jésus-Christ (2 Timothée 3 : 15) ». Celte même vérité, savoir que l'étude de sa parole est le grand moyen institué par Dieu pour communiquer ses grâces diverses aux hommes, nous est révélée de la façon la plus complète qu'on puisse imaginer dans les versets qui suivent celui-là : « Toute l'Ecriture est divinement inspirée » ; conséquemment toute l'Ecriture est infailliblement vraie ; « et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l'homme de Dieu soit accompli, et parfaitement propre pour toute bonne ouvre (2 Timothée 3 : 16,17) ».
                 Il est bon d'observer que ces paroles s'appliquent premièrement, et spécialement aux Écritures que Timothée connaissait depuis son enfance, c'est-à-dire à l'Ancien Testament, le Nouveau n'étant point encore écrit. Saint Paul qui n'était « en rien inférieur aux plus excellents apôtres (2 Corinthiens 11 : 5) », et conséquemment, je suppose, inférieur à aucun homme qui soit sur la serre ; était donc bien éloigné de faire peu de cas de l'Ancien Testament. Faites attention à ceci, de peur qu'un jour « vous ne soyez étonnés et pâlissiez d'effroi (Actes 8 : 41) : vous qui tenez si peu de compte d'une moitié des oracles divins, et précisément de cette moitié au sujet de laquelle le Saint-Esprit a déclaré qu'elle est « utile (le Seigneur l'ayant donnée spécialement dans ce but) pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l'homme de bien soit accompli et parfaitement propre pour toute bonne oeuvre ! » ,
                Les saintes Écritures ne sont pas utiles seulement à « l'homme de Dieu », , à ceux qui marchent à la clarté de la face du Seigneur, mais aussi à ceux qui sont dans les ténèbres et, qui cherchent celui qui est encore pour eux un Dieu inconnu. C'est ce qu'affirme saint Pierre : 

« Nous avons aussi la parole des prophètes qui est très ferme (qui a été confirmée par nous qui avons vu la majesté de Jésus-Christ de nos propres yeux et qui avons entendu la voix qui venait du milieu de la gloire magnifique), à laquelle (parole des prophètes : c'est le nom que l'apôtre donne aux saintes Écritures) vous faites bien de vous attacher, et qui était comme une lampe qui éclairait dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour commençât à luire, et que l'étoile du matin se levât dans vos cœurs » 

            Que tous ceux qui désirent que ce jour commence à luire dans leur coeur, l'attendent en sondant les Écritures.
                   En troisième lieu, pour obtenir une mesure plus abondante de la grâce divine, il est bon d'être très assidu à la table du Seigneur. Jésus lui-même nous en a fait cette recommandation. 

« La nuit où il fut livré, il prit du pain, et, ayant rendu grâces, il le rompit et dit : Prenez, mangez ; ceci est mon corps (le symbole sacré de mon corps) ;... faites ceci en mémoire de moi. De même aussi... il prit la coupe et dit : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang (le signe sacré de cette alliance) ; faites ceci en mémoire de moi toutes les fois que vous en boirez. Car toutes les fois que vous mangerez de ce pain et que vous boirez de cette coupe, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne (1Corinthiens 11 : 23-26) ; » 

                 En faisant cela, vous déclarez ouvertement ce fait par ces signes visibles, devant Dieu, devant, les anges, devant les hommes ; vous manifestez solennellement le souvenir de sa mort, jusqu'à ce qu'il vienne sur les nuées du ciel.
             Mais « que chacun s'éprouve soi-même », s'examine pour voir s'il comprend la nature et le but de cette institution divine, et, si réellement il désire être rendu conforme à Jésus-Christ dans sa mort ; et qu'alors, sans hésiter, « il mange de ce pain et boive de cette coupe (1 Corinthiens 11 : 28).
        Ici, l'apôtre répète de la façon la plus directe les recommandations faites précédemment par Jésus : « Qu'il mange,... qu'il boive » , et ces expressions qui (en grec) sont à l'impératif, ne caractérisent pas une simple permission accordée, mais un commandement clair et positif, un commandement qui s'adresse à tous ceux qui sont déjà pleins de paix et de joie en croyant, ou qui peuvent dire en toute sincérité : « Le souvenir de nos péchés nous remplit de douleur, et le fardeau nous en est insupportable (Confession des péchés, dans le service de communion de la liturgie de l'Eglise anglicane) ».
                Le fait que la sainte Cène est. aussi un des moyens ordinaires établis par Dieu pour nous communiquer sa grâce, résulte de ces paroles de saint Paul dans le chapitre précédent : « La coupe de bénédiction que nous bénissons n'est-elle pas la communion (la participation) au sang de Christ ?
          Le pain que nous rompons n'est-il pas la communion au corps de Christ (1Corinthiens 10 : 16) ? » Manger de ce pain, boire de cette coupe, n'est-ce pas un moyen extérieur, visible, dont Dieu se sert pour communiquer à nos âmes ces grâces spirituelles, cette justice, cette paix, cette joie par le Saint-Esprit, qui nous ont été acquises par le corps de Christ rompu pour nous, par le sang de Christ versé pour nous ? Que tous ceux donc qui soupirent après la grâce divine mangent de ce pain et boivent de cette coupe.

IV

                  Mais, bien que le Seigneur ait indiqué si exactement le chemin par lequel il veut qu'on le recherche, les hommes, toujours sages à leurs propres yeux, ont à plusieurs reprises dirigé contre ces moyens de grâce une foule d'objections. Il peut être à propos d'en examiner quelques-unes, non pas qu'elles aient grand poids par elles-mêmes ; mais parce qu'on s'en est servi, notamment dans ces derniers temps, pour détourner les faibles du bon chemin, et même pour troubler et bouleverser ceux qui « couraient bien » avant que Satan leur fût ainsi apparu « déguisé en ange de lumière (2 Corinthiens 11 : 14)».
               Voici la principale de ces objections : « On ne peut pas employer ces moyens sans y mettre sa confiance ». Où cela est-il écrit dans la Bible ? Je vous le demande, et je vous invite à me prouver votre assertion par des textes de l'Ecriture sainte ; sans quoi je ne puis l'admettre, n'étant pas convaincu que vous êtes plus sage que Dieu !
                 Si tel était le cas, Jésus-Christ ne l'aurait pas ignoré. Et, le sachant, il nous aurait avertis ; il y a bien longtemps qu'il nous l'aurait révélé. Puisqu'il ne l'a pas fait, puisqu'il n'y a pas un mot de cela dans les révélations faites par Jésus, je tiens vos assertions pour aussi fausses que ses révélations sont divines.
                 — « Eh bien, interrompez un peu l'usage de ces moyens, afin de vous assurer si, oui ou non, vous mettez votre confiance en eux ». Vous voulez donc que je désobéisse à Dieu pour savoir si je mets de la confiance dans mon obéissance envers lui ? Vous avez le courage de me donner un pareil conseil ? Vous voulez de propos délibéré m'enseigner à « faire du mal pour qu'il en arrive du bien (Romains 3 : 8) ? » Oh ! craignez d'encourir la sentence prononcée contre ceux qui enseignent de pareilles choses ; car « leur condamnation est Juste (Romains 3 : 8) ».
                — « Mais si cela vous trouble d'y renoncer, c'est qu'évidemment vous y avez mis votre confiance ». Point du tout. Si, en désobéissant volontairement à Dieu, je me sens troublé ; c'est qu'évidemment son Esprit conteste avec moi ; si le péché commis volontairement ne me troublait pas, cela serait la preuve que je suis « livré à un esprit dépravé (Romains 1 : 28) ».
               Mais qu'entendez-vous par y mettre sa confiance ? Voulez-vous dire qu'on compte y trouver la bénédiction de Dieu ; que je crois pouvoir obtenir, en les cherchant de cette façon, des grâces que je n'obtiendrais pas différemment ? C'est bien là ce que je crois. Et, avec l'aide du Seigneur, je compte bien le croire jusqu'à la fin de mes,jours. Par la grâce de Dieu, je veux mettre cette confiance-là en ces moyens de grâce jusqu'au jour de ma mort, c'est-à-dire que je continuerai à croire que Dieu est fidèle pour accomplir tout ce qu'il a promis. Et puisqu'il a promis de me bénir de cette façon, j'ai la confiance que ce sera selon sa parole.
                Mais voici une seconde objection : « C'est là chercher le salut par les oeuvres ». Comprenez-vous le sens de cette expression que vous employez ? Qu'est-ce que le salut par les oeuvres ? Dans les écrits de saint Paul, cette expression signifie chercher à se sauver par la pratique des oeuvres cérémonielles de la loi mosaïque ; elle signifie, aussi croire qu'on sera sauvé à cause de ses oeuvres personnelles et, par les mérites de sa justice propre. Mais comment l'un ou l'autre de ces sentiments se trouve-t-il nécessairement chez moi parce que je cherche le Seigneur de la façon qu'il a prescrite, parce que je compte le rencontrer dans le chemin qu'il m'a tracé, et où il a promis que je le trouverais ?
                Sans doute je compte sur l'accomplissement de sa parole ; je compte qu'il viendra à ma rencontre dans cette voie et qu'il m'y bénira. Mais ce n'est point à cause d’œuvres que j'aurai pu faire ou pour l'amour de ma justice, qu'il le fera ; ce sera uniquement à cause des mérites, des souffrances, de l'amour de son Fils en qui il a mis toute son affection.
              Une troisième objection que l'on a soulevée avec beaucoup de fracas, est celle-ci : « Jésus-Christ est le seul moyen de grâce ». A cela je réponds que parler ainsi c'est jouer sur les mots et rien de plus. Dès qu'on veut préciser l'objection, elle s'évanouit. Quand nous disons que la prière est un moyen de grâce, nous voulons dire qu'elle est comme un canal par lequel la bénédiction divine nous arrive. Mais quand vous dites que Jésus-Christ est le seul moyen de grâce, vous entendez par là que c'est lui seul qui nous l'a acquise, lui seul qui en a été le pris ; vous voulez dire que « nul ne va au Père que par lui (Jean 14 : 6) ». Mais qui est-ce qui le nie ? Vous êtes donc tout à fait en dehors de la question.
            - « Mais la Bible ne nous recommande-t-elle pas d'attendre le salut ? David ne disait-il pas : « Quoi qu'il en soit ; mon âme se repose sur Dieu ; ma délivrance vient de lui (Psaume 62 : 1) ». Esaïe n'enseigne-t-il pas également la même chose lorsqu'il dit : «Éternel, nous t'avons attendu ? (Esaïe 26 : 8) » Tout cela est incontestable. Puisque le salut est un don de Dieu, évidemment il faut l'attendre de lui ; mais comment l'attendre ? S'il a prescrit lui-même un sentier, croyez-vous pouvoir en trouver un meilleur ? Or, nous avons déjà montré qu'il a prescrit un sentier, et ce qu'est ce sentier.
                 Le même prophète que vous venez de citer va éclaircir tous nos doutes, car il s'exprime ainsi : « Éternel, nous t'avons attendu dans le sentier de tes jugements » (Esaïe 36 : 8) ou ordonnances. C'est de la même manière que David l'attendait, comme l'attestent ses propres paroles : « J'ai attendu ton salut, ô Éternel, et j'ai gardé ta loi (Cette citation n'a pu être retrouvée – Note du trad.) ».
               « Éternel, enseigne-moi la voie de tes statuts, et je la garderai Jusqu'à la fin (Psaume 119 : 33) ».

— « Très bien, disent quelques-uns ; mais Dieu a institué un autre moyen : « Arrêtez-vous, et voyez la délivrance de l’Éternel ! (Exode 14 : 13)
                   Examinons les passages auxquels vous faites allusion. Voici le premier, avec ce qui s'y rattache : « Et comme Pharaon était déjà près, les enfants d'Israël levèrent leurs yeux... et ils eurent une fort grande peur... Et ils dirent à Moïse : Est-ce qu'il n'y avait point de sépulcres en Égypte, que tu nous aies emmenés pour mourir au désert ?... Et Moïse dit au peuple : Ne craignez point ; arrêtez-vous, et voyez la délivrance de l'Éternel,... Or, l'Éternel avait dit à Moïse : Parle aux enfants d'Israël, et dis-leur qu'ils marchent. Et toi, élève ta verge et étends ta main sur la mer et la fends ; et que les enfants d'Israël entrent au milieu de la mer à sec (Exode 14 : 10-16) »
                  Telle fut la délivrance de l'Éternel ; et ils s'arrêtèrent pour la voir, mais après avoir marché en avant de toute leur force !
                     Voici maintenant l'autre passage où se trouve cette expression : « On vint faire ce rapport à Josaphat, et on lui dit : Il est venu contre toi une grande multitude - de gens de delà la mer... Alors Josaphat craignit, et se disposa à rechercher l'Éternel, et il publia un jeûne par tout Juda. Ainsi Juda fut assemblé pour demander du secours à l'Éternel ; et même on vint de toutes les villes de Juda pour invoquer l’Éternel. Et Josaphat tint debout dans l'assemblée de Juda et de Jérusalem, dans la maison de l'Éternel... Alors l'Esprit de l’Éternel fut sur Jahaziel.... et il dit : Ne craignez point, et ne soyez point effrayés à cause de cette grande multitude... Descendez demain vers eux...
                  Ce ne sera point à vous de combattre dans cette bataille ; présentez-vous et tenez-vous debout, et voyez la délivrance que l'Éternel va vous donner... Puis ils se levèrent de grand matin et sortirent...
                  Et à l'heure où ils commencèrent le chant du triomphe et la louange, l'Éternel mit, des embuscades contre les Hammonites, les Moabites et ceux du mont de Séhir... et ils aidèrent l'un l'autre à se détruire (2 Chroniques 20 : 2-23) ».
                 Telle fut la délivrance que Dieu fit voir aux enfants de Juda. Mais en quoi cela prouve-t-il que, pour obtenir les grâces du Seigneur, nous ne devions pas faire usage des moyens qu'il a institués ?
                Je ne relèverai plus qu'une seule autre objection qui, à vrai dire, est tout à fait déplacée, mais que je ne puis passer sous silence, attendu qu'on l'a souvent répétée.

— « Saint Paul ne dit-il pas : « Si vous êtes morts avec Christ,... pourquoi vous charge-t-on de ces préceptes (Colossiens 2 : 20 - Dans la version anglaise, il y a : ces ordonnances.) ?» Le chrétien, étant mort avec Christ, n'a pas besoin de recourir à des préceptes ou ordonnances ».
            Vous dites donc : « Puisque je suis chrétien, je ne suis pas assujetti aux ordonnances de Christ ! » Mais rien qu'à énoncer une pensée aussi absurde, on doit voir qu'il ne peut, pas s'agir ici des ordonnances de Jésus-Christ, mais des ordonnances du judaïsme avec lesquelles un chrétien n'a rien à faire.
                   C'est ce que montrent aussi les paroles qui suivent ce texte : « Ne mange point de ceci, n'en goûte point, n'y touche pas (Colossiens 2 : 21) ; » cela se rapporte évidemment à des préceptes de l'antique loi des Juifs.
                  Cette objection est donc la plus faible de toutes. Et, malgré tout, celte importante vérité demeure inébranlable, savoir que tous ceux qui veulent obtenir les grâces du Seigneur doivent les chercher par l'emploi des moyens qu'il a institués.

V

                Mais, ce principe une fois admis que tous ceux qui veulent obtenir les grâces du Seigneur doivent les chercher par l'emploi des moyens qu'il a institués, il reste encore à examiner comment on doit se servir de ces moyens, dans quel ordre et de quelle façon ou il faut en user.
             Quant au premier point, il faut remarquer que Dieu lui-même semble suivre un certain ordre dans l'emploi des moyens dont il se sert pour amener un pécheur au salut. Ce malheureux, ignorant et insensé, marchait, à l'aventure, n'ayant point Dieu dans ses pensées ; mais Dieu est venu le surprendre, en le réveillant peut-être par quelque prédication ou par un entretien, peut-être par quelque événement, solennel, ou bien encore par l'action directe de son Esprit qui convainc, et, sans employer aucun moyen extérieur. Alors ce pauvre pécheur éprouve le désir de fuir la colère à venir, et il se rend tout, exprès là où il pourra apprendre le moyen d'y échapper. S'il rencontre un prédicateur qui parle à son coeur, il est saisi et se met à sonder les Écritures « pour voir s'il en est ainsi », Et plus il entend de prédications, plus il lit la Bible, et plus aussi il est convaincu, plus il médite le jour et la nuit. Il peut encore arriver qu'il trouve un livre qui lui explique et lui confirme ce qu'il a entendu, ce qu'il a lu dans la parole de Dieu.
                 A l'aide de ces divers moyens, les flèches de la conviction s'enfoncent toujours plus avant dans son âme. Bientôt il commence à parler de ces choses de Dieu qui remplissent continuellement son esprit ; bientôt il commence à parler à Dieu lui-même, à le prier ; et pourtant la honte et la crainte l'accablent tellement qu'il sait à peine quoi dire. Mais, qu'il sache quoi dire ou non, il ne peut plus s'empêcher de prier ; s'il ne peut faire mieux, ce sera « par des soupirs qui ne se peuvent exprimer (Romains 8 : 26) ». Il se demande si «celui qui est haut et élevé, qui habite dans l'éternité (Esaïe 57 : 15) » fera attention à un pécheur tel que lui ; et alors il se sent attiré à prier avec ceux qui connaissent le Seigneur, avec les fidèles dans la grande assemblée. Mais, une fois là, il remarque que les autres s'approchent de la table du Seigneur, Il se rappelle que Jésus a dit : « Faites ceci (1Corinthiens 11 : 24) » « Mais, se dit-il, je ne le fais pas. C'est que je suis un trop grand pêcheur ; je ne suis pas en état de communier ; je n'en suis pas digne ». Ces scrupules l'arrêtent quelque temps ; mais il finit par les surmonter. Et c'est ainsi qu'il persévère à suivre la voie du Seigneur : il écoute la prédication, il lit, il médite, il prie, il participe à la sainte Cène, jusqu'à ce qu'enfin le Seigneur, se servant du moyen qu'il jugera à propos, vienne dire à son âme : « Ta foi t'a sauvée ; va-t'en en paix (Luc 7 : 50) ! »
                En constatant cette méthode suivie par Dieu, nous pourrons déterminer quels sont les moyens à recommander dans divers cas. Si quelque moyen est de nature à agir efficacement sur un pécheur ignorant et indifférent, ce sera sans doute la prédication ou des entretiens. Et c'est là ce que nous lui recommanderions, si toutefois il pense jamais à son salut. Dans le cas d'une personne qui commence à sentir le fardeau de ses péchés, la prédication et la lecture de la parole de Dieu, et même d'autres livres sérieux, peuvent servir à produire des convictions plus profondes. On pourra aussi lui conseiller de méditer ce qu'elle lit, afin que cela agisse pleinement sur son coeur. Elle fera également bien d'en parler à coeur ouvert, surtout à ceux qui marchent dans le même chemin. Et quand le trouble et le chagrin s'emparent de cet homme, ne convient-il pas alors de l'exhorter à répandre son âme en la présence de Dieu, « à prier toujours et à ne point se relâcher (Luc 18 : 1) ? » 
                  S'il sent que ses prières sont insuffisantes, ne vous ferez-vous pas ouvriers avec Dieu pour l'engager à monter à la maison du Seigneur et à prier avec ceux qui craignent l’Éternel ? Et lorsqu'il fera cela, les paroles de son Sauveur près de s'immoler lui reviendront à la mémoire ; et ce sera pour nous un signe évident que nous devons saisir ce moment pour seconder les efforts du Saint-Esprit. C'est ainsi que, pas à pas, nous pourrons conduire cette âme dans l'usage des moyens institués par Dieu, suivant en cela non pas notre volonté propre, mais les indications de la Providence et de l'Esprit qui marchent devant nous et nous frayent, la voie.
               Néanmoins, la Bible d'un côté ne prescrit rien d'absolu quant à la méthode à suivre dans ces cas-là, et de l'autre côté ni la Providence ni le Saint-Esprit, n'en suivent aucune exclusivement : les moyens par lesquels Dieu attire les hommes et leur fait trouver ses bénédictions, sont modifiés de mille manières, par toutes sortes de combinaisons et de transpositions. La sagesse consiste à suivre toujours les indications de la Providence et de l'Esprit de Dieu ; à nous laisser guider (surtout quant aux moyens de grâce qui nous sont personnellement nécessaires), soit par les circonstances providentielles qui nous fournissent l'occasion d'employer tantôt l'un, tantôt l'autre de ces moyens, soit encore par notre propre expérience, ce qui est bien la méthode dont l'Esprit de Dieu, agissant librement, se sert le plus souvent pour opérer dans nos cœurs. Quoi qu'il en soit, il y a une règle générale et qui convient parfaitement à tous ceux qui soupirent après le salut de Dieu.                   La voici : toutes les fois que l'occasion s'en présente, usez de tous les moyens de grâce que Dieu a institués ; car qui sait par le moyen duquel Dieu viendra au devant de vous dans sa grâce salutaire ?
               Quant à la manière d'en user, d'où dépend en réalité l'efficacité du moyen pour transmettre à celui qui s'en sert les bénédictions du Seigneur, voici ce qu'il faut observer. D'abord, toujours se rappeler, toujours bien sentir que Dieu est par-dessus tous les moyens. Craignez donc de borner le Tout- Puissant. Il lait ce qu'il veut et quand il lui plaît. Il peut communiquer sa grâce soit par le canal de quelqu'un des moyens qu'il a institués, soit en dehors de tous ces moyens. Peut-être agira-t-il de cette dernière façon ! « Qui est-ce qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été son conseiller (Romains 11 : 34) ?
                Attendez sa venue de moment en moment. Ce pourra être au moment où vous vaquez à ses ordonnances, ou bien avant, ou bien après ; ou même quand vous êtes empêché de le faire; il n'y a point d'empêchement pour lui : il est toujours prêt, toujours capable de sauver, toujours disposé à sauver ! « C'est l'Éternel : qu'il fasse ce qui lui semblera bon (1 Samuel 3 : 18) ! »
               En second lieu, avant d'employer un moyen de grâce quelconque, cherchez à vous pénétrer de cette conviction qu'il ne possède par lui-même aucune vertu. Par lui-même c'est une chose sans valeur, sans vie, sans efficacité ; en dehors de l'action de Dieu, c'est comme une feuille morte, comme une ombre. Dites-vous encore ceci « Il n'y a pour moi aucun mérite à en faire usage ; il n'y a rien là qui puisse en soi plaire à Dieu, rien qui puisse me procurer une de ses faveurs, pas même une goutte d'eau pour me rafraîchir la langue ! Mais je fais cela, parce que Dieu me l'ordonne ; c'est parce qu'il m'invite à l'attendre ainsi que j'attends de cette façon sa miséricorde gratuite d'où découle mon salut ! 
                   Mettez-vous bien ceci dans l'esprit que le simple accomplissement d'une oeuvre (opta operatum) ne sert de rien, qu'il n'y a de puissance pour sauver que dans l'Esprit de Dieu ; qu'il n'y a de mérites que dans le sang de Jésus-Christ ; que, conséquemment, même les choses que Dieu a instituées ne peuvent procurer des grâces à l'âme si l'on ne se confie en Dieu et en Dieu seul. D'un autre côté, celui qui se confie véritablement en lui ne saurait être privé de la grâce divine, fût-il privé de tous les moyens extérieurs, fût-il emprisonné dans les entrailles de la terre !
                En troisième lieu, tout en usant de tous les moyens de grâce, n'y cherchez que Dieu seul. Dans toutes ces choses extérieures que vous emploierez, regardez uniquement à la puissance de son Esprit, aux mérites de son Fils. Ne vous laissez pas absorber par l'acte lui-même ; sinon, tout votre travail est peine perdue. Il n'y a que Dieu qui puisse rassasier votre âme. Cherchez donc à le voir en tout, au travers de tout et par-dessus tout.
                Souvenez-vous aussi qu'il ne faut employer les moyens que comme des moyens, et comme instigués en vue, non de leur valeur intrinsèque, mais du renouvellement de votre âme dans la justice et dans une sainteté véritable. S'ils y aident, tout va bien ; sinon, cela n'est qu'ordures et crasse sans valeur.
               Enfin, lorsque vous avez fait usage de quelque moyen de grâce, ayez soin de ne pas vous en croire meilleur, de ne pas vous en féliciter, comme si vous aviez fait quelque chose de bien grand. Ce serait empoisonner tout ce que vous auriez fait. Dites-vous plutôt : « A quoi me servirait tout cela, si Dieu en était absent ? Ne serait-ce pas comme un nouveau péché ? Seigneur, sauve-moi, ou je péris ! Ne m'impute point ce péché-là ! » Mais si Dieu était là, si son amour remplissait votre coeur, alors vous avez en quelque sorte oublié l'acte extérieur que vous accomplissiez. Vous voyez et savez et sentez que Dieu est pour vous tout en tout. Abaissez-vous, humiliez-vous devant lui,-donnez-lui toute gloire. «Qu'en toutes choses Dieu soif glorifié par Jésus-Christ ! (1Pierre 4 : 11 » Que tout ce qui est en vous s'écrie : « Je chanterai à jamais les bontés de l’Éternel ; je proclamerai de ma bouche ta fidélité, d'âge en âge (Psaume 89 : 1) ! »