Numérisation
Yves PETRAKIAN
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(tiré
du livre LES SERMONS DE WESLEY -1- )
Romains
2,29 (1733), prêché devant l'Université
d'Oxford
«
La circoncision est celle du coeur, qui se fait selon l'Esprit et non
selon la lettre ». (Romains 2 29.)
Une
remarque bien triste qu'a faite un homme excellent, c'est qu'on ne
peut prêcher maintenant les devoirs les plus essentiels
du christianisme sans courir risque d'être pris, par une grande
partie des auditeurs, pour un homme qui annonce des doctrines «
nouvelles ». La plupart ont si bien « laissé écouler » la
substance de cette religion dont ils retiennent encore la profession,
que dès qu'on leur propose, l'une de ces vérités qui
distinguent l'esprit de Christ de l'esprit du monde, ils s'écrient
: « Nous t'entendons dire certaines choses fort étranges, nous
voudrions bien savoir ce que c'est » ; — quoiqu'on ne leur
prêche que « Jésus et la résurrection » , avec cette conséquence
rigoureuse qui en résulte : Si Christ est ressuscité, vous
devez mourir au monde pour ne vivre qu'à Dieu.
Dure
parole pour l'homme naturel, qui est vivant au monde et mort à Dieu
; parole qu'on ne lui persuadera pas facilement de
recevoir comme vérité de Dieu, à moins que, par l'interprétation,
on ne la rende vaine et sans effet. Quand les paroles de
l'Esprit de Dieu sont prises dans leur sens simple et naturel,
il ne les reçoit point ; « elles lui sont une folie » et « il ne
peut même les entendre, car c'est spirituellement qu'on en juge
» ; - pour les comprendre, il faut nécessairement ce sens
spirituel qui ne s'est point encore éveillé en lui, et dans
l'absence duquel il rejette, comme imagination des hommes, ce
qui est la sagesse de Dieu et la puissance de Dieu ».
Que
« la circoncision » soit « celle du coeur, qui se fait selon
l'esprit et non selon la lettre » , — que la marque
distinctive d'un vrai disciple de Christ, d'une âme agréable à
Dieu, ne soit ni la circoncision, ni le baptême, ni rien
d'extérieur, mais un bon état d'âme, un coeur et un esprit «
renouvelés à l'image de celui qui nous a créés » , c'est une de
ces vérités qui ne se discernent que spirituellement. Et c'est
ce que l'apôtre indique lui-même en ajoutant : « Un tel homme tire
sa louange, non des hommes, mais de Dieu » Comme s'il disait :
Qui que tu sois, toi qui suis ainsi ton Maître, n'espère pas
que le monde, que les hommes qui ne le suivent pas, te disent : «
Cela va bien, bon et fidèle serviteur ! » Sache que la
circoncision du coeur, le sceau de ta vocation, est une folie pour
le monde. Résigne-toi à attendre ta louange jusqu'au jour où ton
Seigneur paraîtra. En ce jour-là, tu seras loué de Dieu, dans
la grande assemblée des hommes et des anges.
Je
me propose de rechercher d'abord en quoi consiste cette circoncision
du coeur, et d'indiquer ensuite quelques réflexions qui
découlent naturellement de cet examen.
I
Recherchons
d'abord en quoi consiste cette circoncision du coeur, qui recevra sa
louange de Dieu. D'une manière générale, c'est cette
disposition d'âme que l'Écriture appelle sainteté et qui
implique directement la purification de tout péché, de toute
souillure de la chair et de l'esprit » ; qui suppose, par
conséquent, que nous avons revêtu les vertus qui étaient en
Christ, et que nous sommes renouvelés « dans l'esprit de notre
entendement pour être « parfaits comme notre Père qui est
dans les cieux est parfait ».
Mais,
pour entrer dans les détails, la circoncision du coeur renferme
l'humilité, la foi, l'espérance et la charité.
L'humilité, juste appréciation de nous-mêmes, nettoie nos âmes de
cette haute estime de nos perfections, de cette fausse idée de
nos talents et de nos mérites, qui est le vrai fruit d'une nature
corrompue. Elle exclut entièrement cette vaine pensée : Je suis
riche, je suis sage, je n'ai besoin de rien ; elle nous convainc
d'être, par nature « pauvres, misérables, aveugles et nus » ;
elle nous montre que ce qu'il y a de mieux en nous n'est encore
que péché et vanité ; que la confusion, l'ignorance et
l'erreur dominent notre intelligence ; que des passions insensées,
terrestres, sensuelles, diaboliques usurpent le gouvernement de
notre volonté ; en un mot, qu'il n'y a « rien d'entier en nous
» , et que tous « les fondements » de notre nature « sont
renversés ».
En
même temps nous recevons la conviction que nous sommes incapables
par nous-mêmes de sortir de notre misère ; que, sans
l'Esprit de Dieu, nous ne pouvons faire autre chose qu'entasser péché
sur péché ; que lui seul peut opérer en nous, par sa
toute-puissance, soit la volonté du bien, soit l'exécution ;
et qu'il nous est non moins impossible de produire en nous une bonne
pensée sans l'assistance surnaturelle de cet Esprit, que de
nous créer ou de nous renouveler nous-mêmes en justice et en
vraie sainteté.
Le
résultat nécessaire de cette juste idée de nos péchés et de
notre impuissance naturelle, c'est le mépris de cette «
gloire qui vient des hommes », de cet honneur qu'on rend d'ordinaire
à nos mérites supposés. Celui qui se connaît lui-même
n'estime ni ne désire des applaudissements qu'il sait ne pas
mériter. C'est pourquoi il « lui importe fort peu d'être jugé
d'aucun jugement d'homme ».
La
comparaison de ces jugements, favorables ou bien défavorables, avec
le témoignage de sa conscience au dedans, lui donne
toute raison de penser que le monde est comme le Dieu de ce monde,
qui fut « menteur dès le commencement ». Et, même quant à
ceux qui ne sont pas du monde, quoi qu'il désire, si c'est la
volonté de Dieu, qu'ils le regardent comme quelqu'un qui veut être
un fidèle économe des biens de son Seigneur, si cela peut lui
donner le moyen de se rendre plus utile à ses frères ;
toutefois ne désirant leur approbation pour aucun autre motif, il
est bien loin d'en faire son appui ; car il est assuré que, ce
que Dieu veut, il aura toujours des instruments pour
l'accomplir, puisqu'il peut « de ces pierres mêmes » se
préparer des serviteurs qui fassent sa volonté.
Telle
est cette humilité d'esprit qu'ont apprise de Christ ceux qui
suivent son exemple et marchent sur ses traces. Et cette
connaissance de leur misère, qui les nettoie toujours plus de
l'orgueil et de la vanité, les dispose à embrasser avec
empressement la seconde grâce renfermée dans la circoncision
du coeur, savoir cette foi qui seule est capable de les rétablir,
qui est le seul remède donné, sous les cieux, pour guérir
leur maladie.
Le
vrai conducteur des aveugles, la sûre lumière de ceux qui sont dans
les ténèbres, le parfait docteur des ignorants et des
simples, c'est la foi. Mais une foi « qui soit puissante, par la
vertu de Dieu, pour renverser les forteresses », pour abolir
tous les préjugés d'une fausse raison, toutes les maximes
erronées que révèrent les hommes, toutes les mauvaises coutumes,
toute cette « sagesse du monde qui est folie devant Dieu »,
une foi qui puisse détruire toutes les imaginations, tous
les raisonnements, « tous les conseils et toute hauteur qui
s'élève contre la connaissance de Dieu, et amener toutes les
pensées captives et les soumettre à l'obéissance de Christ ».
A
celui qui a cette foi, « toutes choses sont possibles ». Dieu a
illuminé les yeux de son entendement et il reconnaît
quelle est sa, vocation, savoir, de glorifier le Dieu qui l'a racheté
à si grand prix, de le glorifier dans son corps et dans son
esprit qui, maintenant, lui appartiennent par rédemption aussi
bien que par création. Il sait « quelle est l'infinie grandeur du
pouvoir » de Celui qui, ayant ressuscité Christ d'entre les
morts, peut aussi, « par son Esprit qui habite en nous »,
nous ressusciter de la mort du péché. C'est cette foi qui est
notre victoire sur le monde ; cette foi qui n'est pas seulement
un ferme assentiment à toute la Bible, et en particulier à cette
vérité : que Christ est venu au monde pour sauver les pécheurs
; — « qu'il a porté nos péchés en son corps sur le bois ;
— qu'il est la propitiation pour nos péchés, et non seulement
pour les nôtres, mais aussi pour ceux de tout le monde» —
mais qui est, de plus, la révélation de Christ en nous, Une
assurance, une conviction divine de sa miséricorde, de son
amour libre et gratuit pour nous, pécheurs ; la ferme confiance
que le Saint-Esprit nous inspire, en la miséricorde divine, la
confiance par laquelle tout vrai croyant peut s'écrier : « Je
sais que mon Rédempteur est vivant » - que, «j'ai un avocat auprès
du Père » ; que Jésus-Christ, le Juste, est « la propitiation
pour mes péchés », « qu'il m'a aimé, qu'il s'est donné
lui-même pour moi » ; — et que, réconcilié moi-même avec Dieu
par lui, j'ai, « par son sang, la rédemption, la rémission
des péchés ».
Une
telle foi ne peut manquer de montrer avec évidence le pouvoir de son
auteur; elle le fait en délivrant les enfants de Dieu du
joug du péché, en « purifiant leurs consciences des oeuvres mortes
», et les purifiant de telle sorte qu'ils ne sont plus contraints
d'obéir au péché dans sers convoitises ; mais qu'au lieu de
lui « livrer leurs membres comme instruments d'iniquité, ils
se consacrent maintenant entièrement à Dieu, «comme de morts
étant faits vivants ».
Ceux
qui par la foi sont ainsi nés de Dieu, ont aussi la ferme
consolation de l'espérance. C'est la troisième chose
comprise dans la circoncision du coeur : savoir le témoignage que
leur propre esprit leur rend, aussi bien que l'Esprit de Dieu
d'être les enfants de Dieu. Au fond, c'est aussi le Saint-Esprit qui
leur donne cette joyeuse confiance d'avoir un coeur droit devant
Dieu, c'est lui qui les assure qu'ils font maintenant par sa
grâce les choses qui lui sont agréables, qu'ils sont
maintenant dans le sentier qui mène à la vie et qu'ils
persévéreront par la bonté de Dieu jusqu'à la fin. C'est lui qui
leur donne une espérance vive de recevoir de Dieu toutes sortes de
biens, une perspective joyeuse de cette couronne de gloire qui
leur est réservée dans les cieux. Par cette ancre ferme,
le chrétien demeure inébranlable au milieu des flots agités
de ce monde, également à l'abri de deux funestes écueils : la
présomption et le désespoir. Il n'est ni découragé par une fausse
idée de la « sévérité » du Seigneur, ni prêt à «
mépriser les richesses de sa bonté ». On ne le voit ni
craindre que la course qui lui est proposée ait des difficultés
au-dessus de la force qu'il a pour les vaincre, ni s'attendre à
les trouver si légères qu'elles cèdent dans la lutte avant qu'il
ait déployé toute sa force.
Si,
d'un côté, l'expérience qu'il a déjà dans le combat chrétien
l'assure que « son travail ne sera, pas vain », s'il
fait, selon son pouvoir tout ce qu'il a. occasion de faire, elle ne
lui laisse point, de l'autre, la vaine pensée qu'aucune vertu
puisse être déployée, aucune louange obtenue par des cœurs lâches
et des mains languissantes, par d'autres que ceux qui, poursuivant le
même but que le grand apôtre des Gentils, disent comme
lui :
«
Je cours, non à l'aventure ; je frappe, mais non pas en l'air ; mais
je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de
peur qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même rejeté
».
C'est
par la même discipline que tout « bon soldat de Christ » doit
s'endurcir à supporter les travaux ; affermi et fortifié
par ce moyen, il pourra renoncer non seulement aux oeuvres
de ténèbres, mais à tout désir, à toute affection qui n'est
point conforme à la loi de Dieu. Car « quiconque a cette
espérance en lui » dit saint Jean, « se purifie lui-même, comme
lui aussi est pur ». Il s'applique chaque jour, par la grâce
de Dieu et par le sang de l'alliance, à nettoyer les derniers
recoins de son âme des convoitises qui la possédaient et la
souillaient auparavant ; à se purifier d'impureté, d'envie, de
malice, de colère, de toute passion ou disposition qui est selon
la chair, qui en découle ou qui flatte sa corruption ; car il
sait que son corps étant le temple de Dieu, il ne doit y
admettre rien de profane ou d'impur et que la sainteté convient pour
toujours à la demeure qu'a daigné choisir l'Esprit de
sainteté.
Mais
il te manque encore une chose, ô homme, qui que tu sois, qui joins à
une humilité profonde, à une foi ferme, une vive
espérance, et qui as ainsi, en grande partie, nettoyé ton coeur de
sa souillure native. A toutes ces choses, ajoute encore, si tu
veux être parfait, l'amour ; tu auras alors la circoncision du
coeur. La charité est « le but du commandement, l'accomplissement
de la loi ».
Ce
qui se dit de la charité, ce sont des choses glorieuses : elle est
l'essence, l'esprit, la vie de toute vertu. Elle n'est
pas seulement « le premier et le grand commandement », mais la
réunion de tous les commandements en un. « Toutes les choses
qui sont justes, toutes les choses qui sont pures, toutes les
choses qui sont aimables » ou honorables ; « s'il y a quelque vertu
ou quelque louange », tout cela se résume en un seul mot : —
la charité. Dans l'amour est la perfection, la gloire, le bonheur.
Car voici la loi royale du ciel et de la terre : « Tu aimeras le
Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton, âme de toute
ta pensée et de toutes tes forces ».
Ce
n'est pas que ce commandement nous défende d'aimer autre chose que
Dieu, car il renferme aussi l'amour pour nos frères ; ni
qu'il nous interdise, comme quelques-uns en ont eu l'étrange
idée, de prendre plaisir en autre chose qu'en Dieu. C'est faire
faire de Celui qui est la source de la sainteté l'auteur direct
du péché, puisqu'il a rendu le plaisir inséparable de l'usage des
choses par lesquelles il nous faut soutenir la vie qu'il nous a
donnée. Tel n'est évidemment pas le sens de son commandement.
Mais le Seigneur lui-même et ses apôtres nous l'expliquent trop
fréquemment et trop clairement, pour qu'il y ait de
l'incertitude. Tous d'une voix ils nous rendent témoignage que ces
diverses déclarations :
-«
Le Seigneur ton Dieu est un seul Seigneur » ;
-
« tu n'auras point d'autre Dieu que moi » ;
-
« tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ta force »,
—
reviennent
à dire: le seul Bien parfait sera votre but suprême. Ne
désirez, pour elle-même, qu'une chose, la jouissance de Celui
qui est tout en tous. Ne proposez à vos âmes qu'un seul bonheur, —
l'union avec Celui qui les a faites, la « communion avec le
Père et avec le Fils», l'union avec le Seigneur dans un même
Esprit. Vous n'avez qu'un seul but à poursuivre jusqu'à la fin :
jouir de Dieu dans le temps et dans l'éternité. Désirez les
autres choses, en tant, seulement, qu'elles concourent à celle-ci.
Aimez la créature, en tant seulement qu'elle conduit au
Créateur. Mais qu'en toutes vos démarches, ce soit là, votre
glorieux point de mire. Que toute affection, toute pensée, toute
parole, toute oeuvre y
soit
subordonnée. Dans vos craintes, dans vos désirs, dans tout ce que
vous fuyez ou recherchez, et quoi que vous puissiez
faire, penser ou dire, que tout se rapporte à votre félicité en
Dieu, le but, comme la source unique de votre être.
N'ayez,
nous disent le Seigneur et ses apôtres, d'autre but, d'autre but
suprême que Dieu.
Ainsi notre
Seigneur : « Une seule chose, est nécessaire », et « si
ton œil est simple » c'est-à-dire uniquement
fixe, sur cette seule chose, « tout ton corps sera éclairé ».
Ainsi
l'apôtre Paul : « Je fais une chose, je cours vers le but,
vers le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ ».
Ainsi saint
Jacques : « Pécheurs, nettoyez vos mains, et vous qui avez le coeur
partagé, purifiez vos cœurs ».
Ainsi
saint Jean « N'aimez point le monde, ni les choses qui
sont dans le monde ; car tout ce qui est dans le monde, la
convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l'orgueil de la
vie, ne vient point du Père, mais du monde ».
— Chercher
son bonheur dans ce qui flatte, soit la convoitise de la chair, en
charmant les sens extérieurs ; soit la convoitise des yeux ou
de l'imagination, par sa nouveauté, sa grandeur et sa beauté ;
soit l'orgueil de la, vie, par la pompe, la grandeur, le pouvoir, ou
par l'admiration et les applaudissements qui en sont la
conséquence ; — cela n'est, point du Père, — cela ne vient ni
n'est approuvé du Père des esprits, — mais est du monde ;
c'est la marque distinctive de ceux qui disent : « Nous ne
voulons point que celui-ci règne sur nous ».
II
Maintenant
que j'ai achevé de montrer en quoi consiste cette circoncision du
coeur, qui obtiendra la louange de Dieu, il me reste à
présenter quelques réflexions qui découlent naturellement de
cet examen et par lesquelles chacun peut juger s'il appartient
lui même à Dieu ou au monde.
1°
Et d'abord on voit clairement, par ce qui précède, que nul ne peut
prétendre à la louange qui vient de Dieu, s'il n'a un
coeur circoncis, s'il n'est petit à ses propres yeux, vil et sans
valeur à son propre jugement ; s'il n'est profondément
convaincu de cette corruption innée, par laquelle il a
si complètement perdu la justice originelle, étant enclin à
tout mal, sans amour pour le bien, corrompu et abominable ;
ayant cette affection de la chair qui est inimitié contre Dieu, qui
ne se soumet pas à la loi de Dieu et ne peut s'y soumettre ;
s'il ne sent continuellement au plus profond de l'âme, que sans
l'action habituelle de l'Esprit, il ne peut ni penser, ni désirer,
ni dire, ni faire rien de bon, ni d'agréable à Dieu.
Personne,
n'a de titre à la louange de Dieu, jusqu'à ce qu'il sente qu'il a
besoin de Dieu ; jusqu'à ce qu'il cherche effectivement
« la gloire qui vient de Dieu seul », qu'il cesse de désirer, de
rechercher celle qui vient des hommes, ne faisant exception que
pour celle qui se rattache à l'approbation de Dieu.
2°
Une autre vérité qui résulte naturellement de ce que nous avons
dit, c'est que nul n'obtiendra la louange qui vient de
Dieu, si son coeur n'est circoncis par la foi, — par cette foi qui
est un « don de Dieu » ; si désormais refusant d'obéir à
ses sens, à ses appétits, à ses passions, ou même à
cette aveugle conductrice d'aveugles, à cette raison naturelle,
si idolâtrée du monde, — il ne vit et marche par la foi, il
ne se conduit en toutes choses « comme voyant Celui qui est
invisible », ne regardant pas aux choses temporelles qu'on
voit, mais aux « choses éternelles qu'on ne voit point » et
dans toutes ses pensées, ses actions et ses conversations, dans ses
désirs et ses desseins, montrant qu'il est « entré au dedans
du voile » où Jésus est assis à la droite de Dieu.
Plût
à Dieu qu'ils connussent mieux cette foi, ceux qui emploient tant de
temps et de peine à poser un autre fondement ; à baser
la religion sur l'éternelle, convenance des choses, sur
l'excellence intrinsèque de la vertu et sur la beauté des
actions qui en découlent ; sur les raisons d'être, comme ils
les appellent, du bien et du mal, et sur les relations mutuelles des
êtres ! Ou leurs expositions sont conformes à la vérité
scripturaire, ou elles y sont contraires ; si elles y sont
conformes, pourquoi détourner des hommes droits « des choses
les plus importantes de la loi » et leur embrouiller l'esprit
par un nuage de termes qui n'interprètent les plus simples vérités
que pour les obscurcir ? Et si elles y sont contraires, qu'ils
considèrent qui est l'auteur de cette doctrine ; si ce peut
être un ange du ciel, puisqu'il prêche un autre Évangile que celui
de Jésus-Christ ; et quand ce serait un ange, nous savons que
Dieu lui-même a prononcé sa sentence : « Qu'il soit anathème ! »
Si
notre Évangile nous montre la foi comme le seul fondement des bonnes
oeuvres, et Christ comme le seul fondement de la foi, il
nous enseigne tout aussi clairement que nous ne sommes point
ses disciples tant que nous refusons de le reconnaître pour
l'auteur de nos oeuvres, aussi bien que de notre foi, lesquelles
il nous inspire et qu'il rend parfaites par son Esprit. « Si
quelqu'un n'a pas l'Esprit de Christ, celui-là n'est point à
lui ». Cet
Esprit seul peut ressusciter les morts, les animer du souffle de
la vie chrétienne, et, par la grâce dont il les prévient et les
accompagne, accomplir et réaliser leurs bons désirs. « Tous
ceux qui sont ainsi conduits par l'Esprit de Dieu, sont enfants
de Dieu ». Telle est la courte et simple exposition que Dieu
nous donne de la vraie religion et de la vertu ; et « personne
ne peut poser d'autre fondement ».
3°
Il découle encore de ce que nous avons dit que nul n'est
véritablement « conduit par l'Esprit », si cet «
Esprit ne rend témoignage avec son esprit qu'il est enfant de Dieu »
; s'il ne voit devant lui le prix et la couronne, s'il ne « se
réjouit dans l'espérance de la gloire de Dieu ». Qu'elle est
donc grande l'erreur de ceux qui ont enseigné que dans le
service de Dieu ne doit point entrer la recherche de notre
bonheur ! Au contraire, Dieu nous enseigne expressément et à
plusieurs reprises, à avoir égard à la rémunération, à
mettre en balance avec nos peines « la joie qui nous est proposée
», et avec « notre légère affliction du temps présent, le poids
éternel d'une gloire infiniment excellente ». Oui, nous sommes
« étrangers à l'alliance de la promesse », jusqu'à ce que Dieu,
« selon sa grande miséricorde, nous ait fait renaître en nous
donnant une espérance vive de posséder l'héritage qui ne se
peut corrompre, ni souiller, ni flétrir ».
Mais
s'il en est ainsi, il est grand temps qu'ils prennent garde à leurs
âmes, ceux qui, loin de sentir la joyeuse assurance de
remplir les conditions de l'alliance et l'espérance d'avoir part à
ses promesses, trouvent à redire à l'alliance elle-même et à
ses conditions, et prétendent qu'elles sont trop sévères et
que jamais personne n'a pu ni ne pourra s'y conformer. Qu'est-ce
autre chose qu'accuser Dieu et lui reprocher d'être un maître
dur, qui exige de ses serviteurs plus qu'il ne leur donne le
moyen d'accomplir ?Comme s'il se
moquait de ses faibles créatures en les liant à des impossibilités,
en leur commandant de vaincre là où ni leur propre force, ni
même sa grâce ne peuvent leur suffire !
Peu
s'en faut qu'il n'y ait dans ces blasphèmes de quoi tranquilliser la
conscience de ceux qui, se jetant dans un autre extrême,
espèrent d'accomplir les commandements de Dieu sans aucun travail
! Mais quel vain espoir, pour un enfant d'Adam, de s'attendre à voir
le royaume de Dieu et de Christ sans lutter, sans s'efforcer
d'abord « d'entrer par la porte étroite » ; pour un homme conçu
et né dans le péché et qui n'est que méchanceté au dedans,
d'espérer jamais « devenir pur comme son Seigneur est pur »,
à moins de marcher sur ses traces, de se charger chaque jour de sa
croix, de « couper sa main droite, de s'arracher l’œil droit
et de le jeter loin de lui » ; vain espoir de
rêver le renouvellement de ses opinions, de ses
sentiments, de ses pensées, la sanctification entière de
son esprit, de son âme, de son corps, sans renoncer à soi-même
continuellement et en toutes choses !
N'est-ce
pas là le moins que nous puissions inférer de notre citation de
saint Paul, qui, bien que vivant pour l'amour de Christ,
« dans les faiblesses, dans les opprobres, dans les misères et
les persécutions, dans les afflictions extrêmes », bien que
recommandable par toutes sortes de signes et de miracles et
ayant été « ravi au troisième ciel », n'en estimait pas moins,
comme on l'a dit avec énergie, « que toutes ses vertus
seraient mal assurées, et même son salut en danger, sans
ce renoncement constant à lui-même ? » «Je cours », dit-il,
« non pas à l'aventure, je frappe, mais non pas en l'air »,
par où il nous montre bien que celui qui ne court pas ainsi, qui
n'exerce pas ainsi, jour par jour, le renoncement, court à
l'aventure et sans plus d'effet que celui qui frappe en l'air.
4°
Enfin (et c'est la dernière observation que nous tirons de ce qui
précède), c'est aussi inutilement qu'il parle « de
combattre le combat de la foi », c'est vainement qu'il espère
atteindre la couronne incorruptible, celui dont le coeur n'est
pas circoncis par la charité. L'amour, qui retranche à la fois la
convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l'orgueil de la
vie, qui engage l'esprit, l'âme, le corps, en un mot, notre
être entier dans la poursuite de ce seul objet, la charité est si
essentielle à l'enfant de Dieu, que sans elle on est considéré
devant le Seigneur comme « mort en vivant ».
«
Quand même je parlerais toutes les langues des hommes et même des
anges, si je n'ai point la charité, je ne suis que comme
l'airain qui résonne ou comme la cymbale qui retentit. Et quand même
j'aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les
mystères et la science de toutes choses ; et quand même
j'aurais toute la foi jusqu'à transporter les montagnes, si je n'ai
point la charité, je ne suis rien ». Bien plus, « quand je
distribuerais tout mon bien pour la nourriture des pauvres et
que même je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n'ai point
la charité, cela ne me sert de rien ».
En
elle est donc le sommaire de la loi parfaite ; en elle est la vraie
circoncision du coeur. Que l'esprit retourne avec tout
le cortège de ses affections, à Dieu qui l'a donné ! Que
les fleuves retournent au lieu d'où ils découlent ! Dieu ne
veut point de nous d'autres sacrifices que le sacrifice du coeur
; c'est là celui qu'il a choisi. Qu'il lui soit offert
continuellement par Christ, dans les flammes d'un saint amour.
Et qu'aucune créature ne soit admise à le partager avec Lui : car
Dieu est un Dieu jaloux. Il ne partage point son trône avec un
autre : il veut régner sans rival. Qu'aucun désir, aucun
dessein n'y soit admis qui n'ait Dieu seul pour objet suprême.
Ainsi
marchèrent jadis ces enfants de Dieu qui, quoique morts, nous
disent encore : « Ne désirez de vivre que pour louer le nom du
Seigneur ; que toutes vos pensées, vos paroles et vos oeuvres
tendent à sa gloire. Attachez votre coeur à Lui, et, entre les
autres choses, à celles seules qui sont en Lui et de Lui. Que
votre âme soit tellement remplie de son amour, que vous
n'aimiez rien, si ce n'est point Lui ! Ayez des intentions pures
dans toutes vos actions, un constant désir de sa gloire. Fixez vos
regards sur la sainte espérance de votre vocation, et faites-y
servir toutes les choses de ce monde . Alors, et seulement alors, nous avons en nous « les
sentiments qui étaient en Jésus-Christ » ; lorsque dans tout
mouvement de nos cœurs, de nos lèvres, de nos mains, nous ne
nous proposons rien qui n'ait Dieu pour but et qui ne lui soit
soumis ; lorsque aussi dans nos actions, nos pensées, nos
paroles, nous cherchons à faire, « non pas notre volonté »,
« mais la volonté de celui qui nous a envoyés » ; lorsque, «
soit que nous mangions, ou que nous buvions, ou que nous fassions
quelque autre chose, nous faisons tout pour la gloire de Dieu ».
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