Nouvelle
Edition Numérique Yves PETRAKIAN 2011- Numérisation Vincent ROIG
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DE LA NÉCESSITÉ DE PRÊCHER CHRIST COMME NOTRE MODÈLE.
«
Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance ». C'est
par ces mots du Créateur que débute l'histoire de l'homme dans la
Bible. Nous avons là toute une révélation du dessein éternel de
Dieu, et quant à la création de l'homme, et quant à l'avenir
éternel et glorieux auquel il est destiné, Dieu se propose de faire
une créature semblable à lui, un être qui sera son image même et
sa ressemblance, la manifestation visible de la gloire du Dieu
invisible.
L'existence
d'un être créé et pourtant semblable à Dieu : c'était bien là
un dessein digne de la Sagesse infinie. Par
sa nature même, Dieu est absolument indépendant de tout, puisqu'il
possède la vie en lui-même et qu'il ne doit l'existence à nul
autre qu'à lui-même. Si
l'homme doit réellement être semblable à Dieu, il faut qu'en ceci
aussi il soit son image et sa ressemblance, il faut que, de son libre
choix, il devienne ce qu'il est appelé à être, et qu'ainsi il se
fasse lui-même.
Et
pourtant, par sa nature même, la créature est dépendante, elle
doit tout à son Créateur. Comment concilier cette contradiction :
un être dépendant qui pourtant décide lui-même, un être créé
et pourtant semblable à Dieu. C'est l'homme qui devait offrir la
solution du problème. Comme
créature, il reçoit de Dieu la vie, mais en la lui donnant, Dieu le
rend doué de libre volonté. Ce n'est donc que par le moyen de sa
liberté individuelle qu'il peut s'approprier et posséder l'image et
la ressemblance de Dieu.
Quand
le péché entra dans le monde et fit déchoir l'homme de sa haute
destinée, Dieu n'abandonna pas son dessein. Ses révélations à
Israël aboutissaient toutes à ce point central : «Soyez
saint, car je suis saint » (Lévitique
19 : 2), et Israël devait aspirer à ressembler à Dieu dans sa
sainteté qui est sa plus haute perfection. Plus tard, la rédemption
ne se proposa pas d'autre idéal.
Elle
ne pouvait que reprendre et accomplir le dessein éternel révélé à
la création. C'est pour cela que le Père envoya sur la terre son
Fils qui était «
l'image empreinte de sa personne »
(Hébreux 1:3). En lui s'est manifestée sous forme humaine cette
ressemblance de Dieu pour laquelle nous avions été créés et que
chacun de nous individuellement devait s'approprier. Jésus
est venu nous montrer à la fois l'image de Dieu et notre propre
image. Sa vue
devait éveiller en nous le désir de retrouver cette ressemblance
divine perdue depuis si longtemps, elle devait faire naître en nous
cette espérance et cette foi qui donnent le courage de renoncer à
soi-même pour être renouvelé à l'image de Dieu. Pour
nous amener là, Jésus avait une double œuvre à accomplir. Il
devait d'abord nous
révéler par sa vie l'image de Dieu, afin
de nous faire comprendre ce que c'est que de vivre à la ressemblance
de Dieu, et ce que nous pouvions attendre et recevoir de lui, notre
Rédempteur. Après avoir fait cela, après nous avoir montré la
vie de Dieu dans
sa vie humaine, il est mort pour pouvoir nous communiquer sa propre
vie, la vie à
l'image de Dieu, et
nous mettre ainsi en état de vivre conformément à ce que nous
avions vu en lui. Puis quand il est monté au ciel, il nous a envoyé
par le Saint-Esprit la puissance de vie que nous avions en vue en lui
contemplée en sa personne et qu'il nous avait acquise par sa mort.
Il
est facile de voir combien ces deux parties de l’œuvre de Christ
sont étroitement liées l'une à l'autre. Ce qu'il nous offre dans
sa vie comme notre Modèle, il nous l'acquiert par sa mort comme
notre Rédempteur. En d'autres termes, sa
vie terrestre nous a indiqué la voie à suivre, sa vie céleste nous
envoie la force d'y marcher. Nul
n'a le droit de séparer ce que Dieu a uni. Celui
qui n'a pas une pleine foi en la rédemption, n'a pas la force de
suivre l'exemple de Christ. Et
celui qui ne cherche pas à être conforme à l'image de Dieu,
voyant là le grand but de la rédemption, ne peut pas non plus jouir
de toute sa plénitude. Christ
a vécu sur la terre pour manifester l'image
de Dieu dans sa vie; il
vit à présent au ciel pour que nous puissions manifester à notre
tour l'image
de Dieu dans notre vie.
L'église
de Christ n'a pas toujours maintenu l'équilibre entre ces deux
vérités. L'église catholique romaine insiste avant tout sur la
nécessité de suivre l'exemple de Christ. Il en résulte qu'elle
peut citer un grand nombre de saints qui, malgré beaucoup d'erreurs,
ont cherché par une dévotion admirable à refléter à la lettre et
de tous points l'image du Maître. Mais, au grand dommage des âmes
sérieuses, l'autre partie de la vérité reste dans l'ombre. Cette
église n'enseigne pas que pour être capable de vivre comme Christ,
il faut d'abord recevoir en soi la vie qu'il nous a acquise par sa
mort.
Les
églises protestantes doivent leur origine au réveil de cette
dernière vérité. Le pardon et la grâce de Dieu reprirent alors
leur place, à la grande joie et consolation de milliers d'âmes
angoissées, mais on n'évita pas toujours l'écueil opposé, celui
de ne plus voir que ce seul côté de la vérité. On n'enseigna pas
assez clairement que Christ avait vécu sur la terre, non seulement
pour racheter le pécheur par sa mort, mais encore pour lui montrer
comment il devait vivre ici-bas.
Toute Église orthodoxe voit bien en Christ le modèle à suivre, mais elle
n'insiste pas sur la
nécessité absolue de
suivre ce modèle, autant que sur la nécessité de croire à
l'expiation de Christ. On
prend beaucoup de peine, et on fait bien, pour amener les pécheurs à
recevoir le salut que leur acquiert la mort de Christ, mais on n'en
prend pas autant, et c'est bien à tort, pour les amener à conformer
leur vie à, celle de Christ, ce qui est pourtant le signe distinctif
et la preuve certaine de tout vrai christianisme.
Est-il
nécessaire de signaler ici l'influence qu'a sur la vie de l'église
la manière de présenter cette vérité? Si l'expiation et le pardon
sont tout, et si l'imitation de Jésus n'est qu'un point secondaire
et qui va de soi, l'attention se porte principalement sur
l'expiation. On cherchera surtout à obtenir le pardon et la paix, et
quand on les aura obtenus, on sera tenté de s'en contenter et d'en
rester là. Si, au contraire, on remonte au but que Dieu s'est
proposé à la création, et que l'on prêche la nécessité de
devenir conforme à l'image de Christ, présentant l'expiation comme
le moyen d'y parvenir, toute prédication sur la repentance et le
pardon mettra en relief le devoir de la sainteté. La foi en Jésus
sera alors inséparable de la conformité à sa vie et cette Église-là produira de véritables disciples du Seigneur.
En
ceci, les églises protestantes ont des progrès à faire. L’Église ne
pourra revêtir tous ses atours et refléter la gloire de Dieu, que
lorsqu'elle recevra ces deux vérités inséparables, telles que nous
les présente la vie de Christ. Dans tout ce qu'il fit et souffrit
pour nous, il nous a laissé un exemple à suivre, aussi tout vrai
christianisme ne se borne pas à porter haut la bannière de la
croix; il donne tout autant, d'importance à la nécessité de
souffrir la croix
avec Christ qu'à
l’expiation sur
la croix.
C'est
là ce qu'enseigne clairement notre divin Maître. Quand il parle de
la croix, il insiste moins sur l'expiation que sur la nécessité de
lui ressembler. Que de fois il dit à ses disciples qu'ils doivent
souffrir la croix avec lui et comme lui, qu'à ce prix-là seulement
ils pourront être ses disciples et avoir part aux bénédictions
qu'allait leur acquérir sa mort sur la croix. Quand Pierre « se mit
à le reprendre » au sujet de sa mort (Mathieu 16, 21), Jésus ne
chercha pas à lui prouver la nécessité de sa croix pour le salut
des hommes, il insista seulement sur ce que la mort du moi était
pour lui-même, comme pour nous, le seul moyen d'obtenir la vie de
Dieu. Il faut que le disciple soit semblable au Maître. Jésus nous
parle de la croix pour nous rappeler l'obligation de renoncer à
nous-mêmes, de nous livrer à la mort, si nous voulons recevoir la
vie divine qu'il est venu nous apporter. Ce n'est pas moi seul,
disait-il, qui dois mourir, c'est vous aussi; la croix, l'esprit de
sacrifice, seront la preuve de votre fidélité. La
première Épître de Pierre nous montre que l'apôtre
avait bien compris ces mots.
Dans
les deux importants passages où il nous dit que «
Christ a souffert pour nous, qu'il a porté nos péchés en son corps
sur le bois, qu'il a souffert pour les péchés, lui juste pour les
injustes », il
ne parle guère qu'incidemment des souffrances du Seigneur, son but
est de démontrer que nous devons aussi souffrir comme lui (1 Pierre
2 : 21, 24 ; 3 : 18), que nous devons voir dans la croix de Christ
non seulement le moyen qui l'introduisit dans la gloire, mais aussi
la voie où chacun de nous doit le suivre.
Paul
reprend et expose avec force la même pensée. A ne prendre qu'une
seule de ses Épitre, celle aux Galates,
nous trouvons quatre passages qui proclament la puissance de la
croix. L'un
d'eux exprime d'une manière saisissante la substitution et
l'expiation : «
Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, ayant été
fait malédiction pour nous, car il est écrit : Maudit quiconque est
pendu au bois ».
(Galates 3 : 13). C'est en effet là l'une des bases sur lesquelles
reposent l’Église et la foi des chrétiens, mais pour tout édifice
il faut plus encore que des bases, aussi cette
même Épitre nous répète jusqu'à trois fois que c'est dans notre
conformité avec Christ sur la croix qu'est le secret de toute notre
vie chrétienne.
« J'ai été
crucifié avec Christ ».
« Ceux qui sont
à Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises
». «
Dieu me garde de me glorifier en autre chose qu'en la croix de notre
Seigneur Jésus-Christ par laquelle le monde est crucifié pour moi,
et moi au monde ».
(Galates 2 : 20. — 4 : 24. — 6 : 14).
La
mort de Christ sur la croix pour notre salut n'est que le
commencement de son œuvre en nous ;
elle nous fait prévoir tout ce que la croix peut être pour nous
quand nous la partageons dans notre vie de chaque jour avec lui, le
Crucifié, faisant l'expérience de ce que c'est que d'être crucifié
au monde. Et
pourtant que de prédications, aussi profondes de pensée
qu'éloquentes de parole, exaltent la croix de Christ, la mort de
Christ pour sauver le pécheur, mais passent sous silence notre mort
avec Christ, cette mort dont Paul se faisait gloire !
L’Église
a besoin d'entendre retentir cette vérité-là aussi bien que
l'autre. Il faut que les chrétiens comprennent que subir la croix,
ce n'est pas supporter les diverses afflictions qu'on appelle des
croix, mais qu'avant tout il s'agit là d'abandonner sa vie, de
mourir au moi et d'être scellé ainsi du même sceau que Jésus, ce
qui nous est tout autant et plus nécessaire encore dans la
prospérité que dans l'adversité, et que sans cela nul ne peut
avoir part à la plénitude des bénédictions que nous révèle la
croix. C'est la croix comprise ainsi, non seulement la croix dressée
au Calvaire, mais la croix de notre propre crucifiement s'étendant à
toute notre vie active, qui sera pour nous et pour toute l’Église,
comme elle le fut pour Christ, la voie qui conduit à la victoire et
à la gloire, la puissance de Dieu pour le salut des hommes.
La
rédemption nous offre donc ces deux faces:
Christ subissant la croix pour expier nos péchés et nous ouvrir le
chemin de la vie ; nous-mêmes subissant la croix avec Christ, pour
pouvoir marcher en conformité de vie avec lui et à son image. Il
faut que Christ notre Garant, et Christ notre Modèle, soient
également prêchés.
Mais
il ne suffit pas de prêcher ces deux doctrines séparément, elles
ne peuvent exercer toute leur influence qu'en se réunissant dans
cette autre et profonde vérité qui nous présente Christ comme
notre Tête. Quand
nous saisirons bien que c'est notre union avec Jésus qui nous fait
participer soit à l'expiation du Garant, soit à la Sainteté du
Modèle, nous comprendrons l'admirable accord qui existe entre ces
deux doctrines et combien elles sont toutes deux indispensables à la
prospérité de l’Église.
Nous verrons clairement alors que le même Jésus qui nous a ouvert
la porte du ciel, aussi bien par
la sainteté de sa vie, que par l’expiation de nos pêchés, nous
obtient également, soit le pardon par son sang, soit la conformité
à sa vie par son Esprit. Nous verrons aussi que nous ne pouvons
saisir l'une et l'autre de ces grâces que par la foi.
Notre
protestantisme évangélique ne pourra remplir sa mission que lorsque
cette vérité capitale du salut
par la foi seule sera
appliquée, non seulement à la justification, mais aussi à la
sanctification, c'est-à-dire à notre conformité à l'image de
Christ.
Ceci
ouvre un vaste champ au prédicateur qui voudra conduire ses
auditeurs dans la voie d'une entière conformité à l'image de
Christ. La vie chrétienne vraiment semblable à celle de Christ peut
se comparer à un arbre dont la racine et les fruits sont réunis par
le tronc. Dans la prédication comme dans la vie privée, ce sont les
fruits d'abord
qui attirent l'attention. Les paroles de Christ : «
Faites comme je vous ai fait », et,
dans les Épitres, les fréquentes exhortations à aimer, à
pardonner, à supporter comme Christ l'a fait, nous amènent aussitôt
à comparer la vie des chrétiens de nos jours avec la vie de Christ
et à présenter comme règle de conduite l'exemple que nous fournit
la vie du Sauveur. Ceci fera sentir le besoin de prendre le temps
d'étudier chaque trait de cet admirable Modèle pour savoir plus
exactement ce que Dieu veut de nous actuellement. Il faut que les
croyants en viennent à bien saisir que la vie de Christ est
réellement la règle de leur vie à eux, et que Dieu attend d'eux
qu'ils s'y conforment entièrement. Sans doute, il y a différence
d'éclat entre la lumière du soleil qui brille au ciel et la lumière
d'une lampe qui éclaire une de nos demeures terrestres, néanmoins,
la lumière est toujours la lumière, et, dans sa petite sphère, la
lampe peut faire son œuvre tout aussi bien que le soleil dans la
sienne. Il faut que la conscience de l’Église apprenne à comprendre
que l'humilité et le renoncement de Jésus, que son entière
consécration à faire la volonté et l’œuvre de son Père, que sa
prompte obéissance, son dévouement, son amour et sa bonté
représentent sans exagération ce que chaque croyant doit être à
son tour, et que c'est là son simple devoir aussi bien que son
privilège. Il
n'y a pas, comme on le pense trop souvent, deux degrés de sainteté,
l'un à l'usage de Christ et l'autre à l'usage de ses disciples.
Non;
comme sarments du cep, comme membres du même corps, comme ayant
droit au même Esprit, nous pouvons, et par conséquent nous devons,
être l'image de notre Frère Aîné. Si cette conformité à la vie
de Christ se voit rarement, si elle est trop peu recherchée par la
grande majorité des chrétiens, c'est parce qu'on se fait une idée
fausse, soit de l'incapacité de l'homme, soit de ce qu'il peut
attendre de la grâce divine, quand elle opère en lui. On a
généralement tant de foi en la puissance du péché, et si peu de
foi en la puissance de la grâce, qu'on ne se croit pas même appelé
à avoir le même amour que Jésus, le même esprit de pardon, la
même consécration à la gloire du Père, et qu'on ne voit plus là
qu'un idéal admirable sans doute, mais impossible à atteindre. On
se dit que Dieu ne peut pas attendre de nous que nous soyons, que
nous fassions, ce qui est si fort au delà de notre portée, et,
comme preuve de l'impossibilité d'y parvenir, on allègue ses vains
efforts pour dominer son humeur, ou pour vivre entièrement au
service de Dieu.
Ce
n'est qu'en persévérant à présenter Christ comme notre Modèle et
à prêcher cette vérité divine dans toute son intégrité et tout
son éclat, qu'on pourra surmonter une pareille incrédulité.
Il
faut enseigner aux croyants que Dieu ne moissonne pas là où il n'a
pas semé, mais que le fruit demandé et la racine qui le produit
sont intimement reliés l'un à l'autre. Dieu veut que nous pensions,
que nous parlions et que nous agissions exactement comme Christ,
puisque la vie qui nous anime est exactement la même que celle qui
l'animait. Si nous possédons une vie semblable à la sienne, quoi de
plus naturel que d'attendre de nous des fruits semblables aux siens.
Si Christ vit en
nous, Christ agira et parlera par nous, et révélera ainsi sa
présence aux yeux du monde.
Il
faut prêcher que c'est par
la foi seule qu'on
peut recevoir Christ comme le Modèle à imiter. C'est par là qu'on
amènera les enfants de Dieu à être tels que Dieu les veut. La
plupart des chrétiens pensent que nous devons croire en Jésus comme
en notre Sauveur, et qu'ensuite nous serons poussés par un sentiment
de reconnaissance à suivre l'exemple qu'il nous a donné, mais ce
mobile de gratitude ne saurait suppléer au manque de force dont nous
souffrons. Notre
incapacité reste la même ; c'est nous replacer sous la loi : Je
dois faire, mais je ne puis pas. Il faut enseigner à ces
chrétiens-là ce que c'est que de croire en Christ comme leur
Modèle, ce que c'est que de saisir par la foi sa vie sainte qui fait
partie du salut qu'il leur a préparé. Il faut leur enseigner que ce
Modèle n'est pas quelque chose ou quelqu'un en dehors d'eux, mais
que le Dieu vivant est lui-même leur vie, et qu'il veut réaliser en
eux l'exemple que leur offre sa vie terrestre. Il faut qu'ils sachent
que dès qu'ils se soumettront à lui, il manifestera sa présence en
eux et dans leur vie de chaque jour au delà de toute prévision; il
faut qu'ils voient dans la
conformité à la vie de Christ l'action
directe de la Vie éternelle descendue du ciel, et qui est
donnée à tous ceux qui croient.
C'est
parce que nous sommes un avec Christ et que nous demeurons en lui,
c'est parce qu'ainsi nous possédons la même vie divine que lui, que
nous sommes appelés à marcher comme lui. Il n'est pas toujours
facile de se faire une idée claire de cette vérité, et d'en venir
ensuite à l'accepter. Les
chrétiens se sont si bien accoutumés à une vie d'infidélité et
de chutes continuelles, que la pensée ne leur vient pas même de
pouvoir réaliser assez cette ressemblance avec Christ pour qu'elle
se voie en eux. On
ne pourra vaincre leur incrédulité à cet égard qu'en leur
prêchant cette vérité avec toute l'animation d'une foi joyeuse et
triomphante, car ce n'est qu'à la foi et à une foi plus ample et
plus profonde qu'on ne la croit ordinairement nécessaire pour saisir
le salut, qu'est accordée cette puissance de vie de Christ qui
devient la vie du croyant. Quand Christ sera prêché dans son
entier, et comme règle, et comme vie, le croyant obtiendra cette foi
plus efficace qui résulte de son unité avec Christ, et recevra
ainsi la force de vivre de cette vie-là.
Le
développement de cette foi varie selon les cas.
Les uns l'obtiennent à la longue en persévérant à s'attendre à
Dieu. D'autres en ont une révélation soudaine ; après des temps de
luttes et de chutes, ils arrivent à voir clairement que si Jésus
donne l'exemple à suivre, il donne aussi la force de le suivre. Les
uns y arrivent dans la solitude, loin de tout secours humain, seuls
avec le Dieu vivant, tandis que d'autres, et c'est souvent le cas, la
reçoivent pendant qu'ils sont réunis avec les fidèles et qu'alors
le Saint-Esprit touche les cœurs, presse les âmes de se décider,
et les amène à saisir ce que Jésus leur offre, ce qu'il donne
lui-même pour rendre semblable à lui. Quelle que soit la marche que
suive ce progrès spirituel, toujours il a lieu quand, par la
puissance de l'Esprit, on présente Christ comme le Modèle de ce que
Dieu attend de ses enfants. Alors, les croyants, amenés à
reconnaître leur état de péché, et leur incapacité à en
sortir, se
remettent, comme jamais ils ne l'avaient encore fait, entre les mains
de leur tout-puissant Sauveur, et en viennent à réaliser la vérité
de ces deux textes, en apparence contradictoires : «
Le bien n'habite point en moi,
c'est-à-dire dans ma chair ». «
Je puis tout par Christ qui me fortifie ».
(Romains 7 : 18 ; Philippiens 4 : 13).
Quoi
qu'il en soit, la racine et les fruits sont toujours reliés entre
eux par le tronc de l'arbre.
Nous le voyons par la vie de Christ :
ses rapports
individuels et continuels avec le Père établissaient une
correspondance soutenue entre sa vie cachée en Dieu et les fruits de
sa vie extérieure. Par son regard habituel vers le Père, par sa
promptitude à l'écouter, par son obéissance aux directions de
l'Esprit, par sa soumission aux paroles de l’Écriture qu'il venait
accomplir, par sa vigilance dans la prière, et par toute sa vie de
dépendance et de foi, il nous donne l'exemple de ce que nous devons
être, nous aussi. Il nous avait été fait si réellement «
semblable en toutes choses » (Hébreux
2 : 17), il était si bien devenu un avec nous dans la faiblesse de
la chair, que ce n'était qu'à ce prix-là que la vie du Père avait
libre cours en lui, produisant les œuvres qu'il faisait. Il en sera
précisément de même pour nous. Notre union avec Jésus, et la
présence de sa vie en nous, nous assureront une vie semblable à la
sienne. Ce ne sera pourtant pas le résultat direct d'une force
aveugle mise en mouvement et accomplissant machinalement Son œuvre,
mais il y aura là de notre part coopération d'intelligence, de
volonté et d'amour pour demander, pour recevoir et nous abandonner à
Dieu avec confiance, aussi bien que pour employer à son service tout
ce qu'il donne, et travailler avec la certitude qu'il travaille en
nous. Cette foi en Christ, notre Vie, ne nous sera pas un oreiller de
paresse ; au contraire, elle stimulera toute notre énergie au plus
haut degré, et comme elle rend toutes choses possibles, elle nous
portera par là même à rechercher toujours plus tout ce qui
constitue la vraie communion avec Dieu, nous faisant tout attendre de
lui.
Voici,
quant à notre conformité avec Christ, les trois points qu'il
importe de bien connaître : Notre
vie est, comme celle de Christ, cachée en
Dieu,
elle se
maintient, comme la sienne, par la communion avec
Dieu, et son
activité extérieure en fait, comme de la sienne, une vie pour Dieu
Quand
les croyants en viendront à saisir cette vérité, à pouvoir se
dire : Nous sommes réellement semblables à Christ par la vie que,
grâce à lui, nous avons en Dieu ; nous pouvons être semblables à
Christ en maintenant et fortifiant cette vie par notre communion avec
Dieu ; nous serons encore semblables à Christ par les fruits que
doit porter cette vie-là ; alors le nom de disciple de Christ et la
conformité à Christ ne seront plus seulement une profession de foi,
mais bien une réalité, et le monde saura que le Père nous a
réellement aimés comme il a aimé le Fils.
Qu'il
me soit permis de demander ici à tout pasteur et à tout chrétien
qui liront ces lignes, si, dans les enseignements de l’Église, nous
avons assez présenté Christ comme le Modèle dont l'imitation nous
ramènera seule à l'image de Dieu. Plus les prédicateurs de l’Église remonteront eux-mêmes à la source divine de toutes les
vérités qui concourent ensemble à donner la pleine jouissance du
salut, plus aussi ils deviendront aptes à faire entrer les fidèles
dans cette voie de privilèges et de sainteté pratique. Ils seront
ainsi un moyen de bénédictions nouvelles pour le monde, selon que
Dieu l'attend d'eux. C'est là, en effet, ce dont le monde à besoin
de nos jours; il lui faut des hommes et des femmes vivant de la vie
de Christ et prouvant par leur conduite que, comme Christ, ils n'ont
ici-bas d'autre but que la gloire du Père et le salut des hommes.
Encore
un mot. Soit que nous prêchions la conformité avec Christ, soit que
nous cherchions à la mettre en pratique, gardons-nous de ce perfide
et mortel égoïsme qui ne chercherait à l'obtenir que dans le seul
but de nous placer nous-mêmes aussi haut que possible dans la grâce
et les faveurs de Dieu.
Dieu est amour ; l'image de Dieu doit donc refléter un amour
semblable à celui de Dieu. Quand Jésus disait à ses disciples : «
Soyez parfaits comme votre Père qui est dans les cieux est parfait »
(Mathieu 5 :
48), c'était leur dire que la perfection consistait à aimer et à
bénir ceux qui en étaient indignes. Les noms mêmes de notre
Seigneur nous montrent que tous les autres traits caractéristiques
de notre ressemblance avec Christ sont subordonnés à celui-ci :
Chercher la volonté et la gloire de Dieu en aimant et en sauvant les
hommes. Il est le Christ, l'Oint de Dieu. Pour qui? Pour les cœurs
brisés, pour les captifs, pour ceux qui sont dans les liens et dans
le deuil. Il est Jésus, le Sauveur, qui a vécu et qui est mort pour
sauver ceux qui étaient perdus.
Il
peut se faire beaucoup d’œuvres chrétiennes sans une grande
mesure de sainteté ou d'esprit de Christ, mais il est impossible de
posséder en grande mesure la véritable sainteté, semblable à
celle de Christ, sans se consacrer particulièrement à faire du
salut des pécheurs le but de sa vie, et cela pour glorifier Dieu.
Jésus s'est donné lui-même
pour nous, afin
de pouvoir nous réclamer nous-mêmes
pour lui, et de
se former ainsi «
un peuple particulier, zélé pour les bonnes œuvres ». (Tite
2 : 14). Il y a là réciprocité et parfait accord, identité
complète d'intérêt et de but. Lui-même
pour nous, comme
notre Sauveur, et nous-mêmes
pour lui, aussi
comme sauveurs, en continuant sur la terre, comme lui et pour lui,
l’œuvre qu'il y a commencée. Mettons toujours en relief cette
vérité quand nous prêchons la nécessité d'avoir une vie conforme
à celle de Christ, soit que nous remontions à sa source, notre
union avec Christ en Dieu, soit que nous indiquions le moyen de la
maintenir et de la développer par la foi, la prière et la communion
avec Dieu, soit aussi que nous insistions sur les fruits d'humilité,
de sainteté et d'amour qu'elle doit produire. Oui, c'est pour faire
connaître la
volonté et la gloire du Dieu d'amour dans le salut des pécheurs que
Christ a vécu, qu'il est mort et qu'il vit actuellement. Être
semblable à Christ signifie donc ceci : Rechercher la grâce, la vie
et l'Esprit de Dieu pour se consacrer entièrement à faire connaître
la volonté et la
gloire du Dieu d'amour, dans le salut des pêcheurs.
FIN