mardi 26 juillet 2016

(12) LES SERMONS DE WESLAY LA NOUVELLE NAISSANCE

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com 

Sermon 45 :           LA NOUVELLE NAISSANCE 
Jean 3,7  (1760)

Il faut que vous naissiez de nouveau (Jean 3:7)

                    Si, parmi les doctrines dont l'ensemble constitue le christianisme, il y en a deux qu'on peut qualifier de fondamentales, ce sont bien celles de la justification et de la nouvelle naissance. La première se rapporte à l'œuvre importante que Dieu accomplit pour nous, en nous pardonnant nos péchés ; la, seconde, à l'œuvre importante que Dieu accomplit en nous, en renouvelant notre nature déchue. Au point de vue chronologique, l'une de ces grâces ne précède point l'autre : au moment même où nous sommes justifiés par la grâce de Dieu, par la rédemption qui est en Jésus, nous naissons de l'Esprit ; mais au point de vue logique, la justification précède la nouvelle naissance. Dans nos conceptions de l'œuvre de Dieu, nous voyons d'abord sa colère apaisée, puis son Esprit à l'œuvre dans nos cœurs.

                    Combien donc il importe que chacun comprenne parfaitement ces doctrines fondamentales ! C'est sous l'influence de cette conviction que beaucoup d'hommes excellents ont écrit, d'une façon très étendue, sur la justification, expliquant point par point tout ce qui s'y rapporte, et développant les portions de l’Écriture Sainte qui en parlent. D'autres, également, ont écrit sur la, nouvelle naissance, et quelques uns d'une façon assez volumineuse, mais pas aussi clairement qu'on eût pu le désirer, ni avec assez de profondeur et de précision ; leur manière de la décrire a été tantôt obscure et trop abstraite, tantôt vague et trop superficielle. Il semble donc qu'un exposé, complet et net à la fois, de la nouvelle naissance soit encore à faire, exposé qui résoudrait d'une façon satisfaisante ces trois questions :

1° Quel est le point de départ de cette doctrine ?
2° Quelle est la nature de la nouvelle naissance ?
3° En vue de quoi faut-il que nous naissions de nouveau ? Dans quel but est-ce nécessaire ?

                    Avec l'aide du Seigneur je vais répondre à ces questions aussi brièvement et simplement que possible ; puis j'énumérerai quelques-unes des conséquences qui découleront naturellement du sujet.

I

                     Et d'abord, quel est le point de départ de cette doctrine ? Son point de départ remonte à la création du monde. Dans le récit que la Bible nous donne de ce fait, il est dit : « Puis Dieu (un seul Dieu en trois personnes) dit : Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance... Dieu donc créa l'homme à son image ; il le créa à l'image de Dieu (Genèse 1 : 26,27)  ». Ce ne fut pas seulement à son image naturelle, en faisant de lui une reproduction de l'immortalité divine, un être spirituel doué d'intelligence, d'une volonté libre, d'affections diverses. Ce ne fut pas seulement, si je puis ainsi dire, à son image politique, en le faisant roi de ce bas monde, en lui donnant de « dominer sur les poissons de la mer... et sur toute la terre (Genèse 1 : 26)  ». Mais ce fut principalement à son image morale qui, d'après l'apôtre, consiste « dans une justice et une sainteté véritable (Éphésiens 4 : 24)  ». L'homme fut créé à cette image de Dieu. « Dieu est amour (1Jean 4 : 8,16)  ». Au moment où il fut créé, l'homme était donc plein d'amour : c'était là l'unique source de tous ses sentiments, de toutes ses pensées, de toutes ses paroles, de tous ses actes. Dieu est plein de,justice, de miséricorde et de vérité : l'homme était tel, quand il sortit des mains de son Créateur. Dieu est la pureté même, la pureté sans tache : de même l'homme fut au commencement pur de toute souillure, sans quoi Dieu ne l'eût pas déclaré, en commun avec ses autres œuvres, « très bon (Genèse 1 : 31)  ». Il n'aurait pas été très bon s'il n'eût pas été pur de tout péché, rempli de justice, et de véritable sainteté. Car il n'y a pas de terme moyen : si nous supposons un être intelligent ; qui n'aime pas Dieu et qui n'est ni juste ni saint, nous supposons un être qui, loin d'être « très bon », n'est point bon du tout.

                    Mais, bien que créé à l'image de Dieu, l'homme n'était pas immuable. C'eût été incompatible avec l'état de probation où Dieu trouva bon de le placer. Il fut donc créé avec la faculté de se maintenir debout et avec la possibilité de tomber. Dieu le lui fit comprendre et l'avertit solennellement à ce sujet. Mais l'homme ne persévéra point dans cette position d'honneur : il abandonna sa haute origine. Il mangea du fruit dont Dieu avait dit : « Tu n'en mangeras point (Genèse 2 : 17 ; 3 : 16)  ». Par cet acte de désobéissance volontaire à son Créateur, pair, cette révolte ouverte contre son Maître, il déclarait hautement qu'il ne voulait plus que Dieu régnât sur lui ; qu'il entendait se gouverner d'après sa propre volonté, et non d'après celle du Créateur ; qu'il ne chercherait point sa félicité en Dieu, mais dans le monde et dans l'œuvre de ses mains. Or, Dieu lui avait dit d'avance : « Au jour où tu en mangeras, tu mourras de mort (Genèse 2 : 17 ; 3 : 16)  ». Et l’Éternel ne peut violer sa parole. Aussi l'homme mourut-il dès ce jour : il mourut à, Dieu, ce qui est bien la plus terrible des morts. Il perdit la vie divine ; il fut séparé de Celui avec qui il devait rester uni pour vivre de la vie spirituelle. Le corps meurt lorsqu'il est séparé de l'âme ; l'âme meurt quand elle est séparée de Dieu. Cette séparation d'avec Dieu, Adam l'éprouva dès le,jour, dès l'heure où il mangea du fruit défendu. On en vit aussitôt chez lui des symptômes certains ; car il ne tarda pas à montrer par sa conduite que l'amour de Dieu était éteint dans son âme, et qu'elle était désormais « éloignée de la vie de Dieu (Éphésiens 4 : 18)  ». Il était maintenant sous l'empire d'une crainte servile, ce qui fit qu'il s'enfuit de devant la face de l’Éternel. Il avait même conservé si peu de connaissance de Celui qui remplit la terre et les cieux qu'il essaya, de « se cacher de devant la face de l’Éternel parmi les arbres du jardin (Genèse 3 : 8)  ». Il avait ainsi perdu à la fois la connaissance de Dieu et l'amour pour Dieu, et sans ces vertus l'image divine ne pouvait subsister en lui. Il la perdit donc du même coup, et devint en même temps pécheur et malheureux. Au lieu de cette image, il n'eut plus que l'orgueil et la volonté charnelle, c'est-à-dire l'image propre de Satan ; il tomba dans les appétits et les convoitises des sens, ce qui constitue l'image des bêtes qui périssent.

                    Mais quelqu'un dira peut-être. « Ce n'est pas cela. La menace : « Au jour où tu en mangeras, tu mourras de mort », se rapportait à la mort physique, à la mort du corps exclusivement ». Nous répondrons : Affirmer cela, ce serait tout simplement et tout uniquement faire Dieu menteur ; ce serait dire que le Dieu de vérité a affirmé une chose qui n'était pas vraie. Car il est évident qu'Adam ne mourut pas dans ce sens là, de la mort du corps, au jour où il mangea du fruit défendu. Il vécut, de la vie du corps, encore plus de neuf cents ans. On ne saurait donc entendre ces paroles de la mort physique sans révoquer en doute la véracité du Seigneur, et il faut les entendre de la mort spirituelle, qui est la perte de la vie de Dieu, de l'image de Dieu.

                    En Adam tous sont morts, toute l'humanité, tous ceux qui devaient naître de ce premier homme. De ce fait découle une conséquence toute naturelle : c'est que chacun de ses descendants vient au monde mort spirituellement, mort quant à Dieu, absolument mort dans le péché, absolument privé de la vie de Dieu, de l'image de Dieu, de toute cette justice et cette sainteté que reçut Adam quand il fut créé. Et au lieu de cela, tout homme naît avec l'image de Satan, l'orgueil et la volonté charnelle, et même avec l'image de la brute, consistant en appétits et désirs sensuels. Tel est le point de départ de la nouvelle naissance : c'est l'entière dépravation de notre nature. Il suit de là qu'étant nés dans le péché, nous devons naître de nouveau ; que tout homme né de femme doit naître de l'Esprit de Dieu.

II

                    Mais comment faut-il qu'un homme naisse de nouveau ? Quelle est la nature de la nouvelle naissance ? Telle est la question qui est devant nous. Elle est de la plus haute importance. Nous devons étudier ce grave sujet, non à la légère, mais avec la plus sérieuse attention, et le méditer intérieurement jusqu'à ce que nous comprenions parfaitement ce point essentiel, et sachions bien comment nous pouvons naître de nouveau.

                    Cela ne veut pas dire qu'il nous faille attendre un compte rendu minutieux et raisonné de la manière dont ces choses s'accomplissent. Notre Seigneur nous met suffisamment en garde contre une attente de ce genre, dans les paroles qui suivent immédiatement notre texte. Dans ces paroles, il rappelle à Nicodème un fait naturel des plus incontestables, et qui pourtant ne saurait être entièrement expliqué par le plus grand savant qu'il y ait sous le soleil. « Le vent souffle où il veut  » ; ce n'est ni ta puissance ni ta sagesse qui le font souffler ; « et tu en entends le bruit », de telle sorte que tu sais, à n'en pas douter, qu'il souffle ; « mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va  » ; personne ne peut dire exactement comment il commence et comment il finit, comment il s'élève et comment il tombe. « Il en est de même de tout homme qui est né de l'Esprit (Jean 3 : 8)  ». Tu peux avoir de ce dernier fait une certitude aussi absolue que du premier ; mais ni toi, ni même le plus sage de tous les enfants ales hommes, ne pouvez expliquer exactement comment il s'accomplit, comment le Saint-Esprit l'opère dans une âme.

                    Tout ce qu'on peut désirer, à un point de vue rationnel et chrétien, c'est que, sans s'arrêter à des recherches curieuses et minutieuses, nous décrivions simplement et bibliquement la nature de la nouvelle naissance. Cela suffira pour satisfaire tout homme raisonnable qui n'a d'autre désir que de sauver son âme. Cette expression : « naître de nouveau », ce ne fut pas notre Seigneur qui l'employa le premier, dans son entretien avec Nicodème. On la connaissait parfaitement avant ce temps-là, et les Juifs s'en servaient couramment à l'époque où Jésus parut au milieu d'eux. Quand un païen adulte était convaincu que la religion juive venait de Dieu, et qu'il désirait l'embrasser, il était d'usage de commencer par le baptiser, avant de l'admettre à la circoncision. Et quand il était baptisé, on disait qu'il était né de nouveau, ce qui voulait dire que cet homme, d'enfant du diable qu'il était auparavant, devenait par adoption membre de la famille de Dieu, était mis au nombre de ses enfants. Notre Seigneur employa donc, dans son entretien avec Nicodème, un terme que lui, « docteur en Israël » (Jean 3 : 10), aurait dû comprendre sans peine ; mais Jésus l'employa dans un sens plus élevé que celui qui était familier à Nicodème. C'est sans doute pour cela qu'il dit : « Comment ces choses se peuvent-elles faire ? (Jean 3 : 9) » Elles ne peuvent se faire à la lettre : un homme ne peut pas « rentrer dans le sein de sa mère et naître une seconde fois (Jean 3 : 4) ; » mais elles peuvent se faire spirituellement : un homme peut naître d'en haut, de Dieu, de l'Esprit, et d'une façon qui, à bien des égards, rappelle la naissance physique.

                    Avant que l'enfant soit entré dans le monde, il a des yeux, mais il ne voit pas ; il a des oreilles, mais il n'entend pas. Tous ses sens sont très limités dans leur exercice. Il ne connaît aucun des objets de ce monde ; il n'a point d'intelligence. On n'appelle pas même du nom de Vie le genre d'existence qui lui est propre à ce moment-là. C'est seulement lorsqu'un homme est né, que nous disons de lui qu'il commence à vivre. Dès qu'il est né, il commence à voir la lumière, et les objets divers qui l'environnent. Ses oreilles s'ouvrent, et il perçoit les sons qui viennent successivement les frapper. Ses autres organes entrent aussi en activité, chacun dans la direction qui lui est propre. Il respire, il vit d'une façon toute différente de son état antérieur. Combien, dans tous ces détails, les deux cas sont parallèles ! Tant qu'un homme demeure dans son état naturel, tant qu'il n'est pas né de Dieu, il a, spirituellement parlant, des yeux qui ne voient point : un voile épais, impénétrable, les recouvre ; il a des oreilles, mais n'entend point ; il est absolument sourd à tout ce qu'il aurait le plus besoin d'entendre. Tous ses organes spirituels sont comme emprisonnés ; il est comme s'il ne les possédait pas. 

                  Aussi n'a-t-il aucune connaissance de Dieu, aucun rapport avec lui ; il ne le connaît aucunement. Il ne sait véritablement rien des choses de Dieu, rien des choses spirituelles, rien des choses éternelles ; il peut donc être vivant comme homme, mais, comme chrétien, il est mort. Dès qu'il est né de Dieu, tout cela change, et change du tout au tout. « Les yeux de son esprit sont ouverts (Éphésiens 1 : 18) ; » tel est le langage du grand apôtre ; et « Dieu qui a dit que la lumière sortit des ténèbres, éclairant son cœur, il voit la lumière de la gloire de Dieu sur le visage de Jésus-Christ (2 Corinthiens 4 : 6 d'après la version anglaise) », la lumière de son glorieux amour. Ses oreilles s'ouvrent, et désormais il peut entendre la voix de Dieu lui dire intérieurement : « Prends courage, tes péchés te sont pardonnés (Matthieu 9 : 2) ; va-t'en, et ne pèche plus à, l'avenir (Jean 8 : 11)  ». C'est là le sens de ce que Dieu dit à son cœur, bien que peut-être ce ne soit pas en ces propres termes. Il est maintenant en état d'entendre ce que « Celui qui enseigne la science aux hommes (Psaume 94 : 10) » voudra bien lui révéler jour après jour. 

                    Pour employer le langage de notre Église (L’Église anglicane), « il ressent en son cœur la puissante opération de l'Esprit de Dieu  » ; mais non pas d'une façon matérielle et charnelle, comme les gens du monde, dans leur stupidité volontaire, interprètent faussement cette expression, bien que nous leur ayons dit et répété que par là, nous voulons dire simplement que le chrétien sent ces choses, qu'il a conscience au dedans de lui des grâces que l'Esprit de Dieu communique à son âme. Il éprouve, il sent en lui une « paix qui surpasse toute intelligence (Philippiens 4 : 7)  ». Souvent il goûte en Dieu « une joie ineffable et glorieuse (1Pierre 1 : 8)  ». Il sent « l'amour de Dieu qui est répandu dans son cœur par le Saint-Esprit qui lui a été donné (Romains 5 : 5)  ». Tous ses sens spirituels entrent en exercice pour discerner le bien spirituel d'avec le mal. En les exerçant il croît de jour en jour dans la connaissance de Dieu, de Jésus-Christ qu'Il a envoyé et de tout ce qui se rapporte au royaume de Dieu qui est au dedans de nous. Maintenant on peut dire avec raison qu'il vit ; car, Dieu l'ayant vivifié par son Esprit, il est « vivant pour Dieu par Jésus-Christ (Romains 6 : 11)  ». il vit d'une vie que le monde ne connaît point, d'une « vie cachée avec Christ en Dieu (Colossiens 3 : 3)  ». Dieu souffle, en quelque sorte, continuellement sur cette âme, et cette âme ne respire que pour Dieu. La grâce descend dans ce cœur, et de ce cœur montent vers le ciel la prière et la louange ; et par cette communication entre Dieu et l'homme ; par cette communion avec le Père et le Fils, comme par une sorte de respiration spirituelle, la vie de Dieu s'entretient dans l'âme, et l'enfant de Dieu grandit jusqu'à ce qu'il parvienne « à la mesure de la stature parfaite de Christ (Éphésiens 4 : 13)  ».

                    Ce que nous venons de dire montre clairement quelle est la nature de la nouvelle naissance. C'est ce grand changement que Dieu opère dans une âme quand Il la fait entrer dans la vie, quand Il la ressuscite de la mort du péché à la vie de la justice. C'est la transformation accomplie dans l'âme toute entière par le tout-puissant Esprit de Dieu quand elle est de nouveau « créée en Jésus-Christ (Éphésien 2 : 10) », « créée à l'image de Dieu, dans une justice et une sainteté véritable (Éphésiens 4 : 24) ; » quand en elle l'amour de Dieu remplace l'amour du monde, l'humilité remplace l'orgueil, la douceur remplace la colère ; quand, au lieu de haine, d'envie ; de malice, il n'y a plus qu'amour sincère, tendre, désintéressé pour l'humanité toute entière. En un mot, c'est ce changement par lequel les dispositions terrestres, sensuelles et diaboliques font place aux « sentiments que Jésus-Christ a eus (Philippiens 2 : 5) ». 

                    Telle est la nature de la nouvelle naissance ; « il en est ainsi de tout homme qui est né de l'Esprit (Jean 3 : 8)  ».

IlI

                    Toute personne qui a fait attention à ces choses, doit voir sans peine la nécessité de la nouvelle naissance, et pouvoir répondre à la troisième question qui est : En vue de quoi et dans quel but faut-il que nous naissions de nouveau ? Il est bien évident, tout d'abord, que cela est nécessaire pour que nous soyons saints. Car qu'est-ce que la sainteté, d'après les oracles divins ? Ce n'est pas tout simplement une religion extérieure, une routine de devoirs matériels, quel qu'en soit le nombre, quel que soit le soin avec lequel on les accomplit. Non ! la sainteté évangélique, c'est l'image de Dieu imprimée dans l'âme ; ce sont les mêmes sentiments que Jésus-Christ a eus ; ce sont toutes les affections et toutes les dispositions célestes confondues de manière à n'en faire plus qu'une. La sainteté ne va point sans un amour constant et reconnaissant pour Celui qui, à cause de nous, n'a point épargné son Fils, son unique, sans un amour tel qu'il nous devient facile et comme indispensable d'aimer tous nos semblables ; car, avec cet amour nous recevons « des entrailles de miséricorde, de, bonté, de douceur de patience (Colossiens 3 : 12)  ». Et cet amour de Dieu nous enseigne aussi à être irréprochables dans toute notre conduite, à offrir à Dieu nos corps et nos âmes, tout ce que nous sommes et tout ce que nous avons, toutes nos pensées, toutes nos paroles, toutes nos actions, en sacrifice perpétuel, agréable par Jésus-Christ. Mais cette sainteté ne saurait exister en nous tant que nous n'avons pas été renouvelés dans notre esprit et dans notre entendement. Elle ne peut commencer dans l'âme avant que ce changement n'ait été opéré, avant que la puissance du Très-Haut ne nous ait couverts et qu'ainsi nous ne soyons « passés des ténèbres dans la lumière, de la puissance de Satan à Dieu (Actes 26 : 18) », c'est-à-dire avant que nous ne soyons nés de nouveau. La nouvelle naissance est donc absolument nécessaire pour que nous devenions saints.

                     Or, « sans la sanctification (ou sainteté) personne ne verra le Seigneur (Hébreux 12 : 14) », ne verra sa face dans la gloire. Par conséquent, il faut absolument naître de nouveau pour être sauvé éternellement. Le cœur de l'homme est si désespérément mauvais, si rusé, qu'il y a des gens qui se persuadent qu'on peut vivre dans ses péchés jusqu'à la fin et après tout aller vivre auprès de Dieu. Il y en a des milliers qui croient avoir trouvé en réalité un chemin large qui ne mène pas à la perdition. « Que peut risquer, vous diront-ils, une femme si bonne, si vertueuse ? Comment craindre qu'un homme si honnête, d'une moralité, si parfaite n'aille pas tout droit au ciel ? surtout si, avec toutes ces qualités, ils ont assidus au culte et reçoivent les sacrements ? » Un autre vous dira avec le plus grand sérieux : « Comment donc ? est-ce que je ne m'en tirerai pas tout aussi bien que mes voisins ? » Oui, tout aussi bien que vos voisins sans piété et qui meurent dans leurs péchés. Car tous ensemble vous tomberez dans le gouffre, au plus profond de l'enfer ! Tous vous serez gisants « dans l'étang ardent de feu et de soufre (Apocalypse 19 : 20)  ». Alors vous verrez (mais Dieu fasse que vous le voyiez auparavant !) qu'il faut être saint pour avoir part à la gloire ; qu'il faut conséquemment naître de nouveau, puisque sans la nouvelle naissance il n'y a pas de sainteté possible.

                    De même, sans la nouvelle naissance personne ne peut être heureux, même dans ce monde. Car il est dans la nature des choses qu'un homme ne puisse être heureux s'il n'est saint. Un pauvre païen, un poète ne nous dit-il pas lui-même : « Nemo malus felix ; nul méchant n'est heureux ». Cela se comprend. Toutes les dispositions mauvaises sont des dispositions qui troublent l'âme. Ce n'est pas seulement la malice, la haine, l'envie, la jalousie, la vengeance qui allument dès ici-bas un enfer dans notre sein. Des passions moins violentes que celles-là, si on ne les contient pas dans de justes limites, donnent elles-mêmes mille fois plus de tourment que de plaisir. L'espoir lui-même, s'il est différé, comme cela arrive souvent, « fait languir le cœur (Proverbes 13 : 12)  ». Tout ce qu'on désire qui n'est pas selon la volonté de. Dieu ; risque de nous causer bien des chagrins qui nous transperceront. Les grandes sources du péché, l'orgueil, la volonté charnelle, l'idolâtrie sont aussi, dans la mesure ; où ces péchés ont le dessus en nous, des sources de malheur. Aussi longtemps que ces péchés règnent dans une âme, le bonheur n'y saurait être. Et ils y régneront jusqu'à ce que la perte de notre nature ait été changée, jusqu'à ce que nous soyons nés de nouveau. La nouvelle naissance est donc absolument nécessaire pour être heureux dans ce monde, tout autant que pour l'être dans le monde à venir.

IV

                    Je me suis proposé, en dernier lieu d'énumérer quelques-unes des conséquences qui découlent naturellement de ce qui précède.

                    Tout d'abord, il en résulte cette conclusion que le baptême n'est pas la nouvelle naissance : ces deux choses sont distinctes. Bien des gens paraissent croire qu'elles ne font qu'un ; ils en parlent, du moins, comme s'ils le croyaient ; mais je ne sache pas qu'il y ait aucune dénomination chrétienne qui professe ouvertement cette opinion. A coup sûr, il n'y en a pas dans ce royaume (La Grande-Bretagne), que ce soit dans l’Église établie (L’Église anglicane), ou parmi les dissidents. Le sentiment de ces derniers est nettement exprimé dans leur Grand Catéchisme — Demande : Combien de parties y a-t-il dans un sacrement ? — Réponse : Il y en a deux : la première est un signe extérieur et sensible ; la seconde, une grâce intérieure et spirituelle, représentée par ce signe. « Demande : Qu'est-ce que le baptême ? — Réponse : Le baptême est un sacrement dans lequel Jésus-Christ a institué le lavage avec de l'eau comme signe et sceau de la régénération par son Esprit ». Il est évident que dans ces paroles le signe, qui est le baptême, est présenté comme distinct de la chose qu'il signifie et qui est la régénération.


                    De même, dans le catéchisme de l’Église anglicane, la pensée de notre Église est exprimée avec la plus grande clarté : « Demande : Qu'entends-tu par ce mot sacrement ? — Réponse : J'entends le signe extérieur et visible d'une grâce intérieure et spirituelle. Demande : Quelle est la partie extérieure ou forme du baptême ? — Réponse : C'est l'eau avec laquelle la personne est baptisée, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. — Demande : Quelle est la partie intérieure du baptême ou la chose signifiée
- Réponse : C'est la mort au péché et la nouvelle naissance pour la justice ». Il est donc, bien évident que, selon l'Église anglicane, le baptême n'est pas la nouvelle naissance.

                    L'explication de ce cas est d'ailleurs, si simple, si claire, qu'il est inutile de recourir à d'autres preuves. Car on voit sans peine qu'il y a là, en effet, deux opérations, l'une extérieure, l'autre intérieure, l'une visible et l'autre invisible, par conséquent tout à fait distinctes l'une de l'autre, car l'une est un acte de l'homme ; acte qui nettoie le corps ; l'autre est un changement accompli par Dieu dans l'âme. Ainsi la première est tout aussi distincte de la seconde que l'âme l'est du corps, que l'eau l'est du Saint Esprit.

                    Ce qui précède nous apprend, en second lieu, que, la nouvelle naissance ne se confondant pas avec le baptême, il arrive qu'elle n'accompagne pas toujours le baptême : ces deux choses ne vont pas invariablement ensemble. Un homme peut naître d'eau sans naître de l'Esprit. Il peut y avoir le signe extérieur quand il n'y a pas la grâce intérieure.

                    Une troisième conclusion à tirer de ce que nous avons dit, c'est que la nouvelle naissance n'est pas la sanctification. C'est pourtant la manière de voir de bien des gens, par exemple de l'éminent auteur de l'essai sur la nature et les bases de la régénération chrétienne,. Laissant de côté diverses objections sérieuses qu'on pourrait formuler contre cet écrit, en voici une qui est bien fondée : c'est que, d'un bout à l'autre, il parle de la régénération comme d'une œuvre graduelle qui se poursuit lentement dans l'âme à partir du moment où nous nous tournons vers Dieu. Cela est incontestablement vrai de la sanctification ; mais ce n'est pas vrai de la régénération, de la nouvelle naissance. Celle-ci est une partie de la sanctification, mais ce n'en est pas le tout ; c'en est la porte, c'en est l'entrée.

                    C'est quand nous naissons de nouveau que commence notre sanctification, notre sainteté intérieure et extérieure. Dès lors nous devons, par degrés, « croître en toutes choses dans Celui qui est le chef (la tête) (Éphésiens 4 : 15)  ». Cette expression de l'apôtre marque admirablement la différence qui existe entre ces deux expériences ; et de plus elle indique une analogie étroite entre les choses naturelles et les choses spirituelles.

                    L'enfant naît en un instant, ou du moins en peu de temps ; puis il grandit, par degrés et lentement, jusqu'à ce qu'il ait atteint la taille d'homme. De même, l'enfant de Dieu naît en un temps qui est court, peut-être en un moment ; mais ce n'est que par degrés et lentement qu'il grandit et arrive à la mesure de la stature parfaite de Christ. Il y a donc entre notre nouvelle naissance et notre sanctification le même rapport qu'il y a entre notre naissance et notre croissance physiques.

                    Les considérations qui précèdent nous enseignent encore une chose. Mais ce point est si important, qu'il nous sera permis de l'examiner avec la plus grande attention et de consacrer un peu de temps à le développer. Que doit dire un homme qui aime les âmes et s'afflige de ce qu'elles pourraient périr, que doit-il dire à un individu qu'il voit vivre dans la violation du jour du repos, dans l'ivrognerie, ou dans tel autre péché volontaire ? Si ce que nous avons avancé ci-dessus est vrai, peut-il faire autrement que de dire : « Il faut que vous naissiez de nouveau ? » — « Mais non, s'écrie un de ces hommes qui font du zèle, il ne faut pas faire cela. Comment osez-vous parler avec aussi peu de charité à cet homme ? N'a t-il pas été baptisé ? Il ne peut pas maintenant naître de nouveau ». Comment ? il ne peut pas naître de nouveau ? Est-ce bien là ce que vous affirmez : Mais alors il ne peut pas être sauvé. Car fût-il aussi âgé que l'était Nicodème, « s'il ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu (Jean 3 : 3)  ». En disant qu'il ne peut pas naître de nouveau, en réalité vous l'abandonnez à la perdition. Et alors, où est le manque de charité ? est-ce de mon côté ou du vôtre ? Moi, je dis qu'il peut naître de nouveau et devenir ainsi un des héritiers du salut. Vous, vous dites : « Il ne peut naître de nouveau  » ; et dans ce cas il doit inévitablement périr. Vous lui fermez donc complètement le chemin du salut et vous l'envoyez en enfer, le tout par pure charité.

                    Mais peut-être est-ce le pécheur lui-même, auquel nous disons par un amour très sincère : « Il faut que tu naisses de nouveau ! » qui a appris à nous faire la réponse suivante : « Je repousse votre doctrine nouvelle. Je n'ai pas besoin de naître de nouveau. Je suis né de nouveau quand j'ai été baptisé. Voudriez-vous me faire renier mon baptême ? » Je lui répondrai : Tout d'abord, si ce n'était que rien au monde ne peut excuser un mensonge, je dirais à quelqu'un qui vit ouvertement dans le péché : Si vous avez été baptisé, n'en convenez pas ; car vous ne faites ainsi qu'aggraver hautement votre culpabilité, et cela ne fait qu'aggraver votre perdition. Fûtes-vous vraiment consacré à Dieu quand vous n'aviez que huit jours ? Et depuis, pendant tant d'années, vous n'avez fait autre chose que vous consacrer au diable ! Est-il vrai qu'avant que vous eussiez l'usage de la raison, on vous a consacré à Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et que, depuis que la raison vous est venue, vous vous êtes révolté contre Dieu et consacré à Satan ? Est-ce que cette abomination de désolation, l'amour du monde, l'orgueil, la colère, la convoitise, les désirs insensés et tout le cortège des viles inclinations, a été érigée là où elle ne devrait point ? Avez-vous dressé toutes ces idoles maudites dans cette âme qui fut mise à part « pour être la maison de Dieu en esprit (Éphésiens 2 : 22) » , et qui Lui fut consacrée solennellement ? Et vous osez vous glorifier d'avoir appartenu à Dieu ? Oh ! soyez-en honteux, rougissez-en, cachez-vous sous terre ! Ne vous vantez plus jamais d'une chose qui devrait vous remplir de confusion et de honte devant Dieu et devant les hommes.

                    Mais, en second lieu, je vous réponds que vous avez déjà, renié votre baptême, et de la manière la plus positive. Vous l'avez renié mille et mille fois ; vous le reniez encore tous les jours. Toutes les fois que vous cédez au diable et que vous faites quelqu'une de ses œuvres, vous reniez votre baptême. Vous le reniez par tout péché volontaire, par tout acte d'impureté, d'intempérance ou de vengeance, par toute parole obscène ou profane, par tout juron qui sort de votre bouche. Vous reniez votre baptême chaque fois que vous violez le jour du Seigneur ; vous le reniez toutes les fois que vous faites à autrui ce que vous ne voudriez pas que l'on vous fît.

                    En troisième lieu, je vous réponds que, baptisé ou non, « il faut que vous naissiez de nouveau  » ; sans quoi il est impossible que vous soyez saint intérieurement : et sans la sainteté intérieure et extérieure vous ne sauriez être heureux dans ce monde, et encore moins dans le monde à venir.

                    Direz-vous : « Mais je ne fais tort à personne ; je suis juste et honnête dans les affaires : je ne jure pas, je ne prends pas le nom de Dieu en vain ; je ne viole pas le jour du Seigneur ; je ne suis pas un ivrogne je ne calomnie pas mon prochain ; je ne vis dans aucun péché volontaire ». S'il en est ainsi, il serait à désirer que tout le monde en fît autant que vous : Mais il faut que vous fassiez encore davantage, ou bien vous ne pouvez être sauvé ; il faut que vous naissiez de nouveau !

                    Peut-être ajouterez-vous : « Mais je fais encore davantage, puisque non seulement je ne fais de mal à personne, mais je fais tout le bien que je puis ». Je doute de cela : je crains fort que vous n'avez négligé une multitude d'occasions de faire du bien qui se sont présentées et dont il vous faudra rendre compte à Dieu. Mais eussiez-vous profité de toutes et fait à tous tout le bien en votre pouvoir, cela ne changerait rien à votre situation : il faut encore que vous naissiez de nouveau ! En dehors de cela, rien ne fera du bien à votre pauvre âme coupable et souillée.

                    — « Mais, dites-vous encore, je profite régulièrement de tous les moyens de grâce ; je suis assidu à mon église et aux sacrements ». Vous faites bien ; mais cala ne vous sauvera pas de l'enfer, si vous ne naissez de nouveau ! Vous pouvez aller à l'église deux fois par jour ; vous approcher de la table du Seigneur chaque semaine, répéter en votre particulier tant et plus de prières, écouter tant et plus de sermons excellents, lire tant et plus de bons livres, encore faut-il que vous naissiez de nouveau ! Aucune de ces choses ne peut remplacer pour vous la nouvelle naissance : rien au monde ne saurait vous en tenir lieu. Si donc vous n'avez pas encore éprouvé cette œuvre intime de Dieu, que ce soit ici votre prière continuelle : « Seigneur, ajoute à tes autres bienfaits envers moi celui-ci, que je naisse de nouveau ! Refuse-moi ce que tu voudras ; mais accorde-moi ceci, que je naisse de nouveau. Ôte-moi ce que tu trouveras bon de m'ôter, renommée, biens, amis, santé ; mais donne-moi ceci, de naître de l'Esprit, de devenir enfant de Dieu ! Oh ! que je renaisse, « non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la parole de Dieu qui vit et qui demeure éternellement (1Pierre 1 : 23) », et que, de jour en jour, je « croisse dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ ! (2Pierre 3 : 18) »





dimanche 24 juillet 2016

(11) LES SERMONS DE WESLEY LE PÉCHÉ ORIGINEL

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

Sermon 44 :    LE PÉCHÉ ORIGINEL

Genèse 6,5   (1759)


Et l’Éternel vit que la malice des hommes étaient grande sur la terre, et que toute l'imagination des pensées de leur cœur n'était que mal en tout temps. (Genèse 6:5)

                    Combien ce portrait de la nature humaine ne diffère-t- il pas de ces beaux tableaux que les hommes en ont faits de tout temps ? On trouve à chaque instant, dans les écrits de plusieurs des anciens, de riantes descriptions de la dignité de l'homme ; quelques-uns d'entre eux le représentent comme un composé de tout ce qu'il y a de plus vertueux et de plus heureux, ou tout au moins comme ayant tout cela à sa disposition et sans avoir d'obligations vis-à-vis de personne ; ils nous le peignent comme pouvant se suffire à lui-même et vivre de ses propres ressources, comme presque égal à Dieu.

                    Mais ce ne sont pas seulement des païens, des hommes qui n'ont que le pâle flambeau de la raison pour les éclairer dans leurs recherches de la vérité, qui tiennent ce langage ; beaucoup de ceux qui portent le nom de chrétiens, et a qui les oracles de Dieu ont été confiés (Romains 3 : 2), ont aussi tracé des tableaux magnifiques de la nature humaine, tout comme si elle n'était qu'innocence et perfection. On a fait quantité de ces descriptions dans notre siècle (Le dix-huitième siècle), et peut-être nulle part plus que dans notre pays (L'Angleterre). Plusieurs de nos compatriotes, gens de grand talent et d'un savoir étendu, se sont exercés de leur mieux à montrer ce qu'ils ont appelé le beau côté de la nature humaine. Et il faut convenir que, si leurs descriptions étaient exactes, l'homme ne serait qu' « un peu inférieur aux anges » (Hébreux 2 : 7 cité de Psaume 8 : 6) ou, comme on pourrait traduire plus littéralement, « un peu inférieur à Dieu !)  ». (Psaume 8 : 6) (version de Lausanne : « Tu l'as fait de peu inférieur à Dieu ». )

                    Faut-il s'étonner de ce que ces descriptions ont été en général accueillies avec faveur ? Mais qui est-ce qui n'est pas disposé à avoir de lui-même une bonne opinion ? Aussi ces écrivains-là ont-ils été lus, admirés, applaudis par tous. Ils ont trouvé des disciples sans nombre, non seulement dans le beau monde ; mais aussi dans le monde savant. Il en résulte qu'aujourd'hui il est de mauvais ton de parler autrement, de rien dire pour critiquer la nature humaine, qui passe généralement pour être, en dépit de quelques infirmités, parfaitement innocente, sage et vertueuse. Mais, en attendant, que ferons-nous de nos Bibles Car il est impossible de les faire accorder avec cet enseignement. Ces descriptions qui flattent si agréablement la chair et le sang, sont irréconciliables avec les Écritures Saintes. En effet, celles-ci affirment que « par la désobéissance d'un seul homme, plusieurs ont été rendus pécheurs  » ; (Romains 5 : 19) que « tous meurent par Adam (1Corinthiens 15 : 22) », sont morts spirituellement, ont perdu la vie et l'image de Dieu ; que, lorsque Adam fut déchu et pécheur, il « engendra un fils à sa ressemblance et à son image (Genèse 5 : 3) ; (comment eût-il pu. en être autrement ? car « qui est-ce qui tirera une chose nette de ce qui est souillé ? (Job 14 : 4) » ; que, par conséquent, nous étions, tout comme les autres, par nature « morts dans nos fautes et dans nos péchés (Éphésiens 2 : 1) », « n'ayant point d'espérance, et étant sans Dieu dans le monde (Éphésiens 2 : 12) », et, par suite, étant « des enfants de colère (Éphésiens 2 : 3) ; » qu'ainsi tout homme peut dire : « J'ai été formé dans l'iniquité, et ma mère m'a conçu dans le péché (Psaume 51 : 7) », et qu' « il n'y a point de distinction ; puisque tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu (Romains 3 : 22) », de cette image glorieuse de Dieu, selon laquelle l'homme fut créé à l'origine. Aussi, quand « Dieu a regardé des cieux sur les fils des hommes », il a vu que « tous se sont dévoyés ; Ils se sont corrompus tous ensemble ; il n'y a, personne qui fasse le bien, non pas même un (Psaume 53 : 3,4) ; » il n'y en a point qui cherche véritablement Dieu. Cela correspond parfaitement à ce que le Saint-Esprit, déclare dans notre texte, que l'Éternel, regardant des cieux, comme dans le passage que nous venons de citer, « vit que la malice (ou méchanceté) des hommes était très grande sur la terre », si grande que « toute l'imagination des pensées de leur cœur n'était que mal en tout temps ».

                    Telle est la description que Dieu fait de l'homme. En partant de là. je me propose, premièrement, de montrer ce qu'étaient les hommes avant le déluge ; en second lieu, d'examiner s'ils sont les mêmes aujourd'hui qu'alors ; et, enfin, de tirer quelques conclusions.

I

                    Je voudrais d'abord, en développant les paroles de mon texte, montrer ce qu'étaient les hommes avant le déluge. Nous pouvons compter sur la parfaite exactitude des renseignements qui nous sont donnés ici ; car c'est Dieu qui l'a vu, et il ne peut se tromper. « Il vit que la malice des hommes était très grande  » ; non pas de tel ou tel homme, ou de quelques hommes seulement, ou de la plupart, mais des hommes en général, de la totalité des hommes. Ce mot comprend toute la race humaine, tous ceux qui participent à la nature humaine. Il ne serait pas facile de calculer combien il pouvait y en avoir, à cette époque, de milliers ou de millions. La terre possédait encore en grande partie sa beauté et sa fécondité primitives. La surface du globe n'était pas déchirée et bouleversée comme elle l'est aujourd'hui. Le printemps et l'été s'y donnaient toujours la main. Il est donc probable que la terre était alors capable de nourrir beaucoup plus d'habitants qu'elle ne le pourrait actuellement ; et les hommes doivent s'être multipliés très rapidement dans un temps où ils engendraient des fils et des filles pendant sept ou huit cents ans. Et pourtant, dans cette foule innombrable, Noé seul « trouva grâce devant l’Éternel (Genèse 6 : 8)  ». Lui seul (peut-être avec une partie de sa famille) faisait exception dans cette méchanceté universelle qui devait bientôt, par un juste jugement de Dieu, aboutir à une destruction universelle. Tous les autres participaient ensemble au crime et participèrent ensemble au châtiment.

                    Dieu vit « toute l'imagination des pensées de leur cœur c'est-à-dire de leur âme, de l'homme intérieur, de cet esprit qui est en l'homme et qui est le principe de tous ses actes, soit intérieurs, soit extérieurs. Toute l'imagination ! » aucun autre terme ne saurait avoir une portée plus étendue ; car ce mot imagination embrasse tout ce qui se forme, se fait ou s'invente au dedans de l'homme : tout ce qui existe ou se passe dans son âme ; toutes ses inclinations, affections, passions et convoitises ; tous ses sentiments, tous ses desseins, toutes ses pensées. Ce mot comprend même les paroles et les actions, puisqu'elles découlent nécessairement de cette même source, et que leur qualité est bonne ou mauvaise selon que la source est bonne ou mauvaise.

                    Eh bien, Dieu vit que tout cela, sans aucune réserve, était mauvais, contraire. à la droiture morale ; contraire à la nature divine qui renferme nécessairement tout ce qui est bon : contraire là la volonté divine qui est la règle éternelle du bien et du mal ; contraire à l'image pure et sainte, de Dieu selon laquelle l'homme fut créé à l'origine et qu'il portait lorsque Dieu, contemplant les œuvres de ses mains, vit que tout ce qu'il avait fait était très bon ; contraire enfin à la,justice, à la miséricorde et à la vérité, aux rapports intimes qui doivent unir l'homme à son créa leur et à ses semblables.

                    Mais ce mal n'était-il pas mélangé de quelque bien ? N'y avait-il aucune lumière qui se mêlât à ces ténèbres ? Non, il n'y en avait point : « Dieu vit que toute l'imagination des pensées de leur cœur n'était. que mal ». Il est certain qu'en beaucoup de ces hommes, en tous peut-être, il se produisait de bons mouvements ; car l'Esprit de Dieu, déjà alors, « contestait avec les hommes (Genèse 6 : 3) », pour les porter à la repentance, surtout pendant ce sursis miséricordieux qui dura cent vingt ans, tandis que l'arche se bâtissait. Mais « en eux, en leur chair, n'habitait aucun bien (Romains 7 : 18) la nature humaine était foncièrement mauvaise, et elle était tout d'une pièce, sans alliage d'aucun bon élément.

                    On pourrait cependant se demander encore : « Mais ce mal régnait-il sans interruption aucune ? N'y avait-il pas chez l'homme des moments lucides où l'on eût pu trouver quelque chose de bon dans son cœur ? » Nous ne devons pas faire entrer ici en ligne de compte ce que la grâce divine pouvait, par moments, produire dans ces âmes ; et, en faisant abstraction de cela,, nous avons tout lieu de croire que le mal était sans intermittence. Car Dieu qui avait vu que « toute l'imagination des pensées de leur cœur n'était que mal », vit également que c'était toujours de même, que ce « n'était que mal en tout temps », d'année en année, chaque jour et à tout moment. L'homme ne se tournait jamais vers le bien.

II

                     Telle est la description authentique de l'état du genre humain tout entier, qui a été tracée pour notre instruction par Celui qui sait ce qui est en l'homme, qui sonde les cœurs et éprouve les reins. C'était là ce qu'étaient les hommes avant que Dieu. envoyât le déluge sur la terre. Nous avons maintenant à examiner si ceux d'aujourd'hui sont dans le même état.

                    Il est certain que rien, dans la Bible, ne permet de croire qu'ils valent mieux. Tous les passages énumérés ci-dessus se rapportent, en effet, aux hommes qui ont vécu après le déluge. C'est plus de mille ans après cet événement que Dieu, parlant par David, s'exprimait ainsi au sujet des enfants des hommes : « Ils se sont tous dévoyés (du chemin de la vérité et de la sainteté) ; il n'y a personne qui fasse le bien, non pas même un (Psaume 53 : 4)  ». Et tous les prophètes, de siècle en rendent témoignage à ce fait lamentable. Esaïe dit, en parlant du peuple particulier de Dieu, (et assurément les païens ne valaient pas mieux) « Toute la tête est en douleur et tout le cœur est languissant. Depuis la plante du pied jusqu'à la tête, il n'y a rien d'entier en lui : il n'y a que blessure, meurtrissure et plaies purulentes (Esaïe 1 : 5,6)  ». Tous les apôtres tiennent le même langage ; c'est là le sens uniforme des Écritures Saintes. Partout elles nous enseignent que, pour ce qui est  de l'homme naturel, sans le secours de la grâce de Dieu, « toute l'imagination des pensées de son cœur n'est que mal, et mal en tout temps », aujourd'hui comme autrefois.

                    L'expérience journalière vient à l'appui de ces révélations sur l'état actuel de l'humanité. Il est vrai que l'homme naturel ne discerne pas ces choses ; mais faut-il s'en étonner ? Aussi longtemps que l'aveugle-né demeure aveugle, il a à peine conscience de ce qui lui manque. A plus forte raison, si nous pouvions imaginer un pays où tout le monde serait aveugle, on y aurait encore moins le sentiment de cette infirmité. C'est ainsi que les hommes ne sentent point leurs besoins spirituels, et surtout leur état de péché, aussi longtemps qu'ils demeurent dans l'état d'esprit qui leur est naturel. Mais, dès que le Seigneur ouvre leur âme, ils aperçoivent l'état dans lequel ils étaient ; ils deviennent profondément convaincus que « tout homme qui subsiste n'est que vanité » (Psaume 39 : 6), qu'il n'est, par nature, que folie et ignorance, péché et méchanceté et que cela est tout spécialement vrai d'eux-mêmes.

                    Quand Dieu nous ouvre les yeux, nous voyons qu'auparavant nous étions « sans Dieu (ou mieux athées) dans le monde » (Éphésiens 2 : 12). Par nature, nous n'avions aucune connaissance de Dieu, aucun rapport avec lui. Il est vrai que, lorsque nous avons commencé à faire usage de notre raison, nous avons appris à connaître « les choses invisibles de Dieu, savoir : sa puissance éternelle et sa divinité, qui se voient comme à l’œil, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages » (Romains 1 : 20). De ces choses qu'on voit nous avons conclu à l'existence d'un Être qu'on ne voit pas, et qui est éternel et tout puissant. Mais, tout en reconnaissant son existence, nous n'avions aucun rapport avec lui. C'était comme pour l'empereur de la Chine ; nous savons qu'il y en a un, mais nous ne le connaissons, pas. Ainsi nous savions qu'il y avait un Roi de l'univers, mais nous ne le connaissions pas. Et, à la vérité nous ne pouvions pas le connaître par nos facultés ordinaires ; aucune d'elles ne pouvait nous procurer la connaissance de Dieu. Nous ne pouvions pas davantage l'apercevoir à l'aide de notre intelligence naturelle que nous n'aurions pu le voir avec nos yeux. Car « nul ne connaît le Fils que le Père », et celui à qui cela a été révélé par le Père ; « et nul ne connaît le Père que le Fils, et celui à qui le Fils aura voulu le faire connaître ». (Matthieu 11 : 27 ; 16 : 17)

                    On raconte qu'un roi, dans l'antiquité, voulant découvrir quelle était la langue naturelle des hommes, crut pouvoir arriver à un résultat concluant en faisant l'expérience suivante : Deux enfants qui venaient de naître furent transportés dans un endroit spécialement préparé pour les recevoir, où on les éleva sans leur rien enseigner et sans que jamais ils entendissent une voix humaine. Qu'arriva-t-il ? C'est que, lorsqu'on les retira de cette solitude, ils ne parlaient aucun langage ; ils poussaient seulement des cris inarticulés comme ceux des animaux. Eh bien, si on élevait ainsi deux enfants dès leur naissance, sans leur donner la moindre instruction religieuse, il est, plus que probable qu'à moins d'une intervention de la grâce divine, on obtiendrait un résultat analogue : ils n'auraient point de religion ; ils n'auraient pas plus de connaissance de Dieu que n'en ont les bêtes des champs, que n'en a le poulain de l'âne sauvage. Et c'est là tout ce qui reste de la religion naturelle, si l'on fait abstraction des traditions religieuses et de l'action du Saint-Esprit !

                     Ne connaissant pas Dieu, nous ne pouvons pas L'aimer ; on ne peut aimer quelqu'un qu'on ne connaît pas. Il est vrai que la plupart des hommes parlent d'aimer Dieu, et peut être croient-ils L'aimer ; en tout cas, il y en a peu qui confessent qu'ils ne L'aiment pas. Mais le fait est trop évident pour qu'on puisse le nier : aucun homme n'aime Dieu naturellement, pas plus qu'il n'aime une, pierre ou le sol qu'il foule sous ses pieds. Nous trouvons notre bonheur dans l'objet que nous aimons ; mais aucun homme ne trouve par nature le moindre, bonheur en Dieu. Dans notre état naturel, nous ne pouvons pas même concevoir que quelqu'un y trouve son bonheur ; car pour nous, nous n'y prenons aucun plaisir ; Dieu nous est complètement insipide. Aimer Dieu ! Oh ! c'est bien au delà et bien au-dessus de notre portée. Dans notre état naturel, nous ne saurions y parvenir.

                    Par nature, nous n'avons pas plus de crainte de Dieu que d'amour pour lui. On s'accorde à dire que, tôt ou tard, il se produit chez la majeure partie des hommes une espèce de crainte sotte et irréfléchie ; qui s'appelle de son vrai nom superstition quoique des Épicuriens peu intelligents lui aient donné celui de religion. Mais cette crainte elle-même n'est pas quelque chose de naturel ; on l'acquiert en s'entretenant avec d'autres hommes, ou bien c'est le fruit de leurs exemples. Dans notre état naturel, « nous n'avons pas Dieu dans toutes nos pensées (Psaume 10 : 4 d'après la version anglaise.)  ». Nous le laissons faire ses propres affaires, tranquillement assis dans le ciel (car c'est ainsi que nous nous le figurons), et nous laissant faire les nôtres sur la terre. Ainsi, nous n'avons pas davantage la crainte de Dieu devant nos yeux que nous n'avons son amour dans nos cœurs.

                    C'est dans ce sens que, tous les hommes sont « des athées dans le monde ». Maïs cet athéisme n'empêche pas d'être aussi idolâtre. Dans son état de nature, tout homme qui vient au monde est un idolâtre consommé. Nous ne le sommes peut-être pas au sens vulgaire de ce mot. Nous n'adorons pas, comme les païens idolâtres, des images taillées ou fondues. Nous ne nous prosternons pas devant un tronc d'arbre façonné par nos propres mains. Nous n'invoquons pas les anges ni les saints qui sont dans le ciel, pas plus que ceux qui sont sur la terre. Qu'adorons-nous donc ? Ah ! c'est dans nos cœurs que nous avons érigé nos idoles, devant lesquelles nous nous prosternons et que nous adorons ; nous nous adorons nous-mêmes, quand nous nous attribuons à nous-mêmes l'honneur qui est dû à Dieu seul. Tout orgueil est donc une idolâtrie ; car il consiste à nous attribuer ce qui n'appartient qu'à Dieu. Et bien que Dieu n'ait pas fait l'homme pour l'orgueil, quel est l'homme qui n'est pas né orgueilleux ? Par notre orgueil, nous dérobons au Seigneur ce qui lui revient en vertu d'un droit inaliénable ; nous usurpons sa gloire par notre idolâtrie.

                    Mais l'orgueil n'est pas la seule espèce d'idolâtrie dont nous soyons coupables par nature. Satan a, aussi imprimé sur notre âme un autre trait de son image c'est la volonté charnelle. Avant d'être précipité du ciel, il dit : « Je serai assis sur la montagne de l'assemblée, aux côtés d'Aquilon (Esaïe 14 : 13) ; » ce qui voulait dire : « Je veux faire ma volonté, agir selon mon bon plaisir, sans tenir compte de la volonté de mon Créateur ». Et c'est là ce que dit tout homme venant au monde, et non pas une fois, mais mille ; et il l'avoue sans en rougir, sans éprouver ni honte ni crainte. Demandez-lui : « Pourquoi as tu fait ceci ou cela ? » Il vous répondra : Parce que cela me plaît  » ; ce qui revient à dire. « Parce que c'est ma volonté, parce que le diable et moi nous sommes d'accord, parce que lui et moi nous suivons la même ligne de conduite ». Et, en attendant, la volonté de Dieu n'entre pour rien dans ses pensées ; il ne la consulte aucunement, bien qu'elle soit la loi suprême de toute créature raisonnable dans les cieux ou sur la terre, bien qu'elle soit l'expression des rapports essentiels et immuables qui existent entre toutes ces créatures et leur Créateur.

                    Jusqu'ici nous tenons pied à Satan et nous portons son image. Mais encore un pas, et nous le dépassons, en commettant une idolâtrie dont lui ne se rend pas coupable. Je veux parler de l'amour du monde, aussi naturel à tout homme que d'aimer à faire sa propre volonté. Quoi de plus naturel pour nous que de chercher notre bonheur dans la créature plutôt que dans le Créateur, de chercher dans l'œuvre de ses mains la jouissance qui ne peut se trouver qu'en Lui ? Quoi de plus naturel que « la, convoitise de la chair (1Jean 2 : 16) » , le désir des plaisirs des sens dans leur diversité Sans doute on entend les hommes, surtout ceux qui sont instruits et cultivés, se vanter hautement de mépriser ces plaisirs terre à terre. Ils prétendent ne pas tenir à satisfaire ces penchants qui mettent l'homme au même niveau que la brute qui périt. Mais ce n'est là qu'une prétention vaine ; car tout homme sait parfaitement bien qu'à cet égard il est par nature une vraie brute. Les appétits sensuels, et même les plus bas, ont plus ou moins d'empire sur lui. Il en est l'esclave ; ils l'entraînent et le mènent, en dépit de sa prétendue raison. Malgré toute son éducation, malgré toutes ses belles manières, il ne l'emporte pas sur le bouc lui-même. On pourrait même se demander si ce n'est pas l'animal qui l'emporte sur l'homme. Et il l'emporte en effet, si nous nous en rapportons au, dire d'un des oracles modernes de ce monde :

Uniquement en sa saison
L'animal privé, de raison
Aux plaisirs de l'amour se livre ;
L'homme, de sa raison si fier,
Des convoitises de la chair
Toute l'année, hélas ! s'enivre.

                    Il est vrai qu'à cet égard il y a d'un homme à l'autre beaucoup de différence, ce qui tient (sans parler de l'influence de la grâce), à la différence des tempéraments et de l'éducation. Mais, malgré cela, qui est-ce qui se connaît, assez peu lui-même pour être disposé à jeter la première pierre à son prochain ? Qui est-ce qui est de force à subir sans reproche l'application que Jésus fait du septième commandement : « Quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis l'adultère avec elle dans son cœur (Matthieu 5 : 28)  ». Aussi ne sait-on de quoi il faut s'étonner le plus, si c'est de l'ignorance ou bien de l'impudence de ces hommes qui parlent avec un si grand dédain de leurs semblables, parce qu'ils ont cédé à des désirs que tout homme a ressentis dans son cœur : car le désir des plaisirs sensuels de toute sorte, innocents ou coupables, est naturel à tous les enfants des hommes.

                    Il en est de même de « la convoitise des yeux (1Jean 2 : 16) », du désir des plaisirs que donne l'imagination. Ces plaisirs, on les cherche dans les objets remarquables par leur grandeur, leur beauté ou leur rareté. Mais peut-être les deux premières de ces qualités se confondent-elles avec la dernière ; car, en examinant bien les choses, ou découvrirait probablement que les objets doués de grandeur et ; de beauté cessent de plaire dès qu'ils ne sont plus nouveaux. Dès que la nouveauté en est passée, presque tout le plaisir qu'ils donnaient est aussi passé ; dans la mesure où l'on s'y accoutume, ils deviennent ennuyeux et insipides. Mais on a beau répéter cent fois cette expérience, le désir persiste dans l'âme. Cette soif innée du cœur ne le quitte pas, ou plutôt elle ne fait qu'augmenter, plus on s'efforce de la satisfaire ; elle nous excite à poursuivre de nouveaux objets l'un après l'autre, bien que toujours nous voyions nos espérances avorter et nos illusions s'évanouir.

Malgré les cheveux gris qui recouvrent sa tête,
Ce fou, qui rencontra tant de maux en chemin,
Refuse d'obéir à la voix qui l'arrête.
Son enjeu, le dernier, il le met sur demain !
Mais demain est venu : ce jour aussi s'envole ;
L'oubli, comme un linceul, s'étend pour le couvrir.
Le fou marche toujours dans son espoir frivole,
Jusqu'au jour qui lui dit : « Ce soir il faut mourir ! »

                     Un troisième symptôme de cette maladie fatale, de cet amour du monde qui a des racines si profondes dans notre âme, c'est « l'orgueil de la vie (1Jean 2 : 16) », le désir des louanges, de l'honneur qui vient des hommes. Les plus grands admirateurs de la nature humaine considèrent ce désir, comme tout à fait naturel, tout autant que la vue, l'ouïe ou quelque autre de nos sens physiques. Et en rougissent-ils, notamment les littérateurs, les hommes de goût et de culture ? Bien loin de là : ils en sont fiers ! Ils s'applaudissent d'aimer à être applaudis. Il se trouve même des gens illustres parmi les chrétiens (de nom) qui ne se font pas scrupule d'approuver cette maxime d'un païen vaniteux de l'antiquité : Animi dissoluti est et nequam negligere quid de se homines sentiant. « C'est la marque d'une âme sans principes et méchante que de ne pas faire cas de l'opinion des hommes à notre égard ». Ainsi, lorsqu'un individu demeure calme et impassible dans l'opprobre comme dans l'honneur, au travers de la mauvaise réputation comme dans la bonne, c'est pour ces gens-là la preuve qu'il ne mérite pas de vivre : « Ôte-le du monde ! (Actes 21 : 36) » Qui supposerait qu'ils ont jamais entendu parler de Jésus et de ses apôtres, ou qu'ils savent de qui est cette parole : « Comment pouvez-vous croire, vu que vous aimez à recevoir de la gloire les uns des autres, et que vous ne recherchez point la gloire qui vient de Dieu seul ? (Jean 5 : 44) » Et s'il en est ainsi effectivement, s'il est impossible de croire, impossible par suite de plaire à Dieu, aussi longtemps que l'on attend ou qu'on recherche de la gloire les uns des autres, aussi longtemps qu'on ne recherche pas celle qui vient de Dieu seul, quelle est donc la situation morale de l'humanité entière, des chrétiens comme des païens ? car tous ils cherchent à recevoir de la gloire l'un de l'autre, et c'est pour eux, ils l'avouent, chose aussi naturelle que de voir la lumière qui vient frapper leurs yeux, ou d'entendre les sons qui retentissent à leurs oreilles. Et même, ils considèrent comme la marque d'une âme vertueuse de chercher la gloire qui vient des hommes, et comme le signe d'un esprit pervers qu'on se contente de celle qui vient de Dieu seul !

III

                    Il me reste a, tirer quelques conclusions de ce que nous avons dit. Tout d'abord, nous pouvons y puiser la connaissance d'un trait fondamental qui distingue le christianisme, comme ensemble de doctrines, des formes les moins grossières du paganisme. Beaucoup de païens dans l'antiquité ont décrit de la façon la plus détaillée les vices de certains individus. Ils ont invectivé contre l'avarice, la cruauté, le luxe, la prodigalité de certains hommes. Il s'en est trouvé, pour dire que « nul homme ne naît sans quelques vices, d'une espèce ou d'autre ». Mais nul d'entre eux ne connaissant l'histoire de la chute de l'homme, n'a soupçonné sa complète dépravation. Ils ne savaient pas que tous les hommes sont vides de tout bien et remplis de toute sorte de mal. Ils ignoraient absolument l'entière déchéance de la nature humaine tout entière, de tout homme venant au monde, et dans toutes les facultés de son âme ; cette dépravation qui ne se manifeste pas tant par les vices particuliers à tel ou tel individu, que par le débordement universel de l'athéisme et de l'idolâtrie, de l'orgueil, de la volonté charnelle et de l'amour du monde. Tel est le premier, le grand trait qui distingue le christianisme du paganisme. Ce dernier reconnaît bien que beaucoup d'hommes sont atteints de vices nombreux, et même qu'ils naissent enclins à ces vices ; mais il suppose pourtant qu'il en est d'autres chez qui le bien contrebalance largement le mal. Le christianisme, lui, proclame que tous ont été « conçus dans le péché et formés dans l'iniquité (Psaume 51 : 7) ; » que par suite il y a, en tout homme une « affection de la chair qui est ennemie de Dieu, qui ne se soumet pas à la loi de Dieu et qui ne le peut (Romains 8 : 7) », qui corrompt tellement l'être moral tout entier que « dans sa chair, (c'est-à-dire dans son état naturel), le bien n'habite point en lui (Romains 7 : 18) », mais que « toute l'imagination des pensées de son cœur n'est que mal en tout temps (Genèse 6 : 5)  ».

                    La seconde leçon que nous apprenons ici, c'est que tous ceux qui nient cet état de choses, qu'on l'appelle péché originel ou autrement, ne sont encore que des païens, en ce qui constitue la distinction fondamentale entre le paganisme et le christianisme. Ils accorderont peut-être qu'il y a bien des vices parmi les hommes, que certains vices naissent avec nous, et que, par suite, nous ne naissons pas aussi sages, aussi vertueux qu'on pourrait le désirer. Car, de fait, il y a peu de gens qui iraient jusqu'à dire tout carrément : « Nous naissons avec, autant de penchants pour le bien que pour le mal, et tout homme est, par nature, aussi vertueux et aussi sage qu'Adam l'était quand il fut créé ». Mais voici ce qui servira de Schibboleth (Juges 12 : 6) : L'homme, par nature, est-il plein de toute sorte de mal ? Est-il vide de tout bien ? Est-il entièrement déchu ? Son âme est-elle totalement corrompue ? Ou bien, pour en revenir à mon texte, toute l'imagination des pensées de son cœur n'est-elle que mal en tout temps ? Si vous admettez cela, vous êtes chrétiens sur ce point. Si vous le niez, vous n'êtes encore qu'un païen !

                    En troisième lieu, nous apprenons par ces choses qu'elle est la vraie nature de la religion, de celle de Jésus Christ. C'est la méthode divine pour guérir l'âme qui est atteinte de cette maladie. Voici comment le grand médecin des âmes applique les remèdes qui font disparaître le mal et guérissent la nature humaine, qui s'était corrompue dans toutes ses facultés. Dieu guérit entièrement notre athéisme par la connaissance de lui-même et de Jésus-Christ qu'Il a, envoyé ; en nous donnant la foi, preuve et conviction divines de l'existence de Dieu et des choses de Dieu, en particulier de cette vérité importante « Le Fils de Dieu m'a, aimé et s'est donné pour moi (Galates 2 : 20)  ». Par la repentance et l'humiliation du cœur est guérie la maladie mortelle de l'orgueil ; celle de la volonté charnelle est guérie par la résignation, par une soumission, pleine de candeur et de reconnaissance, à la volonté du Seigneur ; pour l'amour du monde dans toutes ses variétés, c'est l'amour de Dieu qui est le remède souverain. Voilà l'essence de la religion, « la foi agissante par la charité (Galates 5 : 6) », produisant l'humilité sincère et candide, une mort effective au monde et une adhésion aimante et reconnaissante, une parfaite conformité à toute la volonté, à toute la parole de Dieu.

                   Mais si l'homme n'était pas déchu à ce point, tout cela ne serait pas nécessaire. Il n'y aurait pas lieu de faire cette œuvre dans son cœur, de renouveler ainsi son âme. Excès de piété, serait alors une expression bien plus juste que celle d' « excès de malice (Jacques 1 : 21)  ». Une religion tout extérieure et sans aucune piété suffirait pour s'acquitter de ce qui serait strictement raisonnable. Aussi bien cela suffit-il aux yeux de tous les hommes qui nient la corruption de notre nature. Ils ne font guère plus de cas de la religion que le fameux Hobbes n'en faisait de la raison. D'après lui, la raison ne serait qu' « un bel enchaînement de mots ». Et, d'après eux, la religion ne serait, elle aussi, qu'un bel enchaînement de mots et d'actes. En cela ils sont conséquents ; car si le dedans n'est point rempli de méchanceté, s'il est déjà net, que reste-t-il à faire si ce n'est de « nettoyer le dehors de la coupe ? (Matthieu 23 : 25) ». Si leur hypothèse est fondée, une réforme extérieure est la seule chose nécessaire.

                    Mais ce n'est pas ainsi que vous avez appris les oracles de Dieu. Vous savez que celui qui voit ce qui est en l'homme a décrit tout autrement la nature et la grâce, notre chute et notre relèvement. Vous savez que le grand but que se propose la religion ; c'est de renouveler nos cœurs à l'image de Dieu ; c'est de réparer la perte absolue de toute justice, de toute vraie sainteté qui a été pour nous la conséquence du péché de notre ancêtre Adam. Vous savez que toute religion qui n'atteint pas ce but, qui n'arrive pas à changer notre âme en lui rendant la ressemblance divine, l'image de son Créateur, n'est qu'une lamentable comédie ; c'est tout simplement se moquer de Dieu et perdre sa propre, âme. Fuyez donc ces docteurs de mensonges qui voudraient vous faire accepter cela pour le christianisme. Ne les écoutez pas, lors même s'ils viennent à vous « avec toutes les séductions de l'iniquité (1Thessaloniciens 2 : 10) », avec un langage parfaitement agréable, parfaitement convenable. avec de belles phrases bien élégantes, avec toutes sortes de professions de zèle pour vos intérêts et ; de respect pour les Saintes Écritures. Tenez-vous en à la simple foi du temps passé, à celle qui « a été donnée une fois aux saints (Jude 1 : 3) », à cette que l'Esprit de Dieu a donnée à votre âme. Reconnaissez votre mal et reconnaissez-en le remède. Vous êtes nés dans le péché ; il faut donc que vous naissiez de nouveau, que vous naissiez de Dieu (Jean 3 : 3 ; 1 : 13). Par nature vous êtes totalement corrompus ; il faut que vous soyez totalement renouvelés par la grâce. Vous êtes tous morts en Adam ; tous vous revivrez en Jésus-Christ, le nouvel Adam. « Vous étiez morts dans vos fautes et dans vos péchés  » ; mais « Il vous a vivifiés (Éphésie 2 : 1,5) ; » Il vous a communiqué le principe de la vie, la foi en Celui qui vous a aimés et s'est donné pour vous. Allez donc maintenant « de foi en foi (Romains 1 : 17) », jusqu'à ce qu'en vous tout mal soit guéri, jusqu'à ce que vous « ayez les mêmes sentiments que Jésus-Christ a eus ! (Philippiens 2 : 5) »