lundi 16 mars 2015

(4) SERMONS CHOISIS (Spurgeon Charles)

Numérisation Yves PETRAKIAN
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LA RÉSURRECTION SPIRITUELLE (DISCOURS PRONONCÉ UN JOUR DE PÂQUES)

Lorsque nous étions morts en nos fautes Dieu nous a vivifiés ensemble avec Christ. 
(Eph 2: 5).

      Vous vous attendez, sans doute, mes cher auditeurs, à ce que j'appelle votre attention, en ce jour, sur le glorieux événement dont l'Eglise chrétienne célèbre la mémoire. Telle n'est pour tant pas mon intention. Mais si le sujet que j'ai à coeur de méditer avec vous n'est point la résurrection de Christ, du moins peut-on dire qu'il s'y rapporte dans une certaine mesure. Ce sujet le voici : LA RÉSURRECTION SPIRITUELLE DE L'HOMME PÉCHEUR ET PERDU.
      C'était aux chrétiens d’Éphèse, vous le savez que l'Apôtre adressait les paroles de mon texte; mais elles s'appliquent avec non moins de vérité à tous ceux qui, à une époque ou à une autre et dans quelque lieu que ce soit de la terre habitable, ont été élus en Jésus-Christ, rachetés par son sang, justifiés par sa grâce. D'eux aussi, il est vrai de dire que morts dans leurs fautes et dans leurs péchés, ils ont été vivifiés par l'Esprit de Dieu.
       Mes frères, quel spectacle solennel que celui d'un cadavre ! Quand, hier soir, j'essayai de me placer, par l'imagination, en face des réalités de la mort, mon âme, je l'avoue, recula d'épouvante. Je fus comme anéanti ! « Quoi ? me disais-je, est-il donc vrai que ce corps où je sens palpiter la vie sera bientôt un festin pour les vers! qu'en dehors et en dedans de ces orbites où maintenant mes yeux étincellent, ramperont d'immondes créatures, progéniture de la corruption ! que ces membres, aujourd'hui pleins de vigueur, étendus dans la froide immobilité, dans l'abjecte impuissance de la mort, deviendront un objet d'invincible dégoût, pour ceux-là même qui me chérissent le plus, en sorte qu'ils s'écrieront avec Abraham  : Ôtez mon mort de devant moi !... » Peut-être, mes frères, ne parvenez vous pas encore à réaliser, dans toute son horreur, ce lugubre tableau. Dites : ne semble- t-il pas étrange, ne semble-t-il pas incroyable, que vous qui, ce matin, êtes venus dans ce lieu de culte, serez un jour portés dans le sépulcre ; que ces regards qui en ce moment même sont fixés sur moi, seront voilés d'une obscurité éternelle que ces langues qui, tout à l'heure, faisaient , entendre une sainte harmonie, bientôt ne seront plus qu'un peu de boue ; que vous enfin, mon cher auditeur, que je vois en cet instant devant moi, dans toute la force de l'âge et de la santé, serez incapable de mouvoir un muscle, d'articuler un son, et deviendrez une masse inerte, fille de la fosse et soeur de la corruption ?... Sans doute, nul n'ignore ces sombres vérités ; nul ne peut les révoquer en doute ; mais n'est-il pas vrai que lorsque, par la pensée, l'on essaie de se les appliquer à soi-même, on est presque tenté de les déclarer impossibles ? Ah ! c'est que la mort exerce sur notre enveloppe terrestre de si épouvantables ravages ; elle met en pièces, d'une façon si hideuse, cette admirable organisation, chef-d'œuvre du Créateur, que c'est à peine si notre intelligence étonnée peut la suivre dans son oeuvre de vandalisme !
      Toutefois, mes chers amis, efforcez-vous de vous faire une idée aussi exacte que possible de ce qu'est un cadavre, et lorsque vous y serez parvenus, dites-vous, je vous prie, chacun en particulier, que c'est là l'image employée dans mon texte pour représenter la condition de votre âme par nature. Et en vérité, l'Apôtre n'eût pu faire usage d'une métaphore plus juste ; car de même qu'un cadavre est passif, inerte, insensible, prêt à se décomposer, ainsi est toute âme humaine si elle n'a été vivifiée par la grâce de Dieu. Nous sommes morts dans nos fautes et dans nos péchés ; la mort habite en nous, et ce germe de mort est susceptible de se développer graduellement, de telle sorte que, laissés à nous-mêmes, nous tous qui sommes ici, pourrions devenir avec le temps des objets véritablement hideux, - hideux par nos vices et notre corruption morale, tout comme le cadavre est rendu hideux par la corruption matérielle. Voilà, mes frères, ce que nous enseigne l'Ecriture, touchant l'état moral de l'homme. Dans toutes ses pages, elle nous dit que depuis la chute, l'enfant d'Adam par nature est mort ; qu'être perdu et dégradé, il est dans un sens spirituel absolument privé de vie. Elle nous enseigne, en outre, que s'il obtient la vie, ce ne peut être que grâce à une véritable résurrection opérée dans son âme par l'Esprit de Dieu, et que cette résurrection, il la devra, non à aucun mérite qui pût être en lui, mais uniquement au bon plaisir du Père, à un effet tout gratuit de sa miséricorde infinie et souveraine.
      Voilà, je le répète, la doctrine qui ressort de la Bible tout entière ; et c'est sur cette doctrine, formulée avec une remarquable précision dans les paroles de mon texte, que je désire, mes chers auditeurs, appeler votre attention. pendant quelques instants. Je ferai mon possible pour rendre mes développements intéressants en même temps que clairs. Dans l'espoir d'atteindre ce double but, j'illustrerai, en quelque sorte, mon sujet d'une manière qui, au premier abord, vous paraîtra, sans doute un peu étrange. Vous vous souvenez que pendant son séjour sur la terre, le Seigneur Jésus accomplit trois résurrections : je ne sache pas qu'il en ait accompli d'autres. En premier lieu, il ressuscita une enfant de douze ans, la fille de Jaïrus, qui, étendue sans vie sur sa couche, se leva incontinent, dès que Jésus eut prononcé cette seule parole : « Talitha cumi ! » En second lieu, le Seigneur ressuscita le fils de la veuve de Naïn, qui, couché sur sa bière, était transporté au tombeau, et qu'il réveilla de son sommeil de mort par ces mots : « Jeune homme., je te le dis, lève- toi ! » Enfin, la troisième et la plus mémorable résurrection opérée par Jésus, fut celle de Lazare, lequel n'était plus ni sur son lit, ni en chemin vers la tombe, mais dont la corruption avait déjà fait sa proie, lorsque le Seigneur, par le verbe de sa toute-puissance; le rappela à la vie, en criant à haute voix :
« Lazare, sors dehors ! »

     Ces trois faits, mes chers amis, je les transporterai, pour ainsi dire, dans le domaine spirituel, et je les emploierai comme des types ou des images pour représenter successivement d'abord, LES DIFFÉRENCES EXTÉRIEURES QUI EXISTENT ENTRE LES ÂMES INCONVERTIES, QUOIQUE LEUR CONDITION SOIT AU FOND LA MÊME; en second lieu. LES DIFFÉRENTS MOYENS DE GRACE EMPLOYÉS POUR VIVIFIER LES PÉCHEURS, QUOIQUE LA VIE NE PROCÈDE QUE D'UN SEUL ET MÊME AGENT ; enfin, LES DIFFÉRENTES MANIFESTATIONS DE CETTE VIE, QUI POURTANT EST UNE DANS UN SENS ABSOLU.


I
     J'ai dit qu'IL EXISTE CERTAINES DIFFÉRENCES EXTÉRIEURES ENTRE LES ÂMES INCONVERTIES, MAIS QUE LEUR CONDITION N'EN EST PAS MOINS LA MÊME; j'ajoute que cette condition, commune à tous, c'est la mort. Approchez-vous, mes frères, par la pensée, de la fille de Jaïrus. Voyez-la étendue sur son lit : ne dirait-on pas que la vie est encore en elle ? Les lèvres de sa mère effleurent encore son front, la main de son père presse encore sa main, et c'est à peine si ce père, si cette mère peuvent se persuader que leur enfant est morte ; mais il n'est que trop vrai elle est morte, aussi morte qu'elle peut jamais d'être. - Voyez maintenant ce jeune homme qu'on porte en terre. Il est plus que mort, passez-moi l'expression ; il commence à se corrompre ; déjà les teintes livides, précurseurs de la dissolution, sont répandues sur son visage. Et cependant, quoique la mort soit plus apparente chez lui que chez l'enfant, à proprement parler, il n'est pas plus mort qu'elle, car il n'y a point en réalité de degrés dans la mort - Mais voici un troisième cas où la mort se révèle avec plus d'évidence encore ; c'est celui de Lazare, - de Lazare, dont Marthe, faisant usage de mots non couverts, pouvait dire : Seigneur, il sent déjà mauvais, car il est là depuis quatre jours. Toutefois, remarquez-le mes frères, la fille de Jaïrus n'était pas moins morte que Lazare. Il y avait différence quant à la manifestation extérieure de la mort, mais non point quant à la mort elle-même.
     Ainsi en est-il des âmes qui, n'ont point été vivifiées par la grâce de Dieu. J'ai, sans nul doute, en cet instant devant moi quelques-unes de ces créatures favorisées que l'oeil se plait à contempler. Elles sont belles à voir de toutes manières, belles par leurs qualités morales, aussi bien que par leurs charmes extérieurs. Il semble en vérité qu'elles réunissent tout ce qui est bon et désirable ; et pourtant, si elles sont irrégénérées (notez bien ceci), elles sont mortes, complètement mortes ! A voir la fille de Jaïrus, qui eût dit qu'elle n'était plus qu'un cadavre ? Une main tendre et pieuse n'avait pas encore fermé ses yeux ; dans son regard brillait encore comme un dernier reflet de lumière. Pareille à un lis à peine détaché de sa tige, elle n'avait rien perdu de sa grâce. Le ver n'avait pas commencé à creuser sa joue ; les couleurs de la vie ne s'étaient pas flétries sur son front elle paraissait encore appartenir au monde des vivants. 
        Et vous de même, chères jeunes âmes dont je viens de parler, vous possédez tout ce que le coeur peut désirer, sauf la seule chose nécessaire ; il ne vous manque absolument rien, si ce n'est le souffle divin, l'amour du Sauveur ; vous n'êtes pas unies à Jésus par une foi vivante ; c'est pourquoi, - je vous le dis avec douleur, mais je dois vous le dire, - vous êtes mortes ! vous êtes mortes ! aussi mortes que les derniers des pécheurs, quoique votre mort ne soit pas aussi apparente. - Mais à côté de ces filles de Jaïrus, il est certainement aussi, dans cet auditoire, des êtres qui ont fait un pas de plus, dirai-je, dans la mort spirituelle. Il y a encore en eux, je le reconnais, quelques restes de bons sentiments, mais ils ont commencé à céder à leurs inclinations mauvaises. Ils ne sont pas encore des intempérants sans pudeur, des blasphémateurs sans frein ; leur inconduite n'est pas encore assez scandaleuse pour que leurs semblables n'en puissent tolérer la vie. 
       Comme chez le jeune homme de Naïn, la corruption qui couve au-dedans d'eux n'a pas encore ouvertement éclaté au dehors. Mais, qu'ils ne s'abusent point : quoiqu'ils ne soient pas descendus au dernier degré de la dépravation, quoique le monde ne les rejette pas de son sein, ils sont morts ! ils sont morts ! tout aussi morts que les derniers des pécheurs! - Et n'y a-t-il point aussi parmi ceux qui m'écoutent, de ces derniers, de ces plus avilis des hommes, véritables Lazare spirituels, chez qui la mort revêt son plus hideux aspect ? Semblables à des cadavres dans leur sépulcre, leur âme est en pleine putréfaction. Leurs mœurs sont abominables ; leur conduite tout entière inspire l'horreur la plus profonde ; ils sont mis à l'index de toute société qui se respecte : la pierre est en quelque. sorte roulée sur leur tombeau. Ils ont si complètement perdu tout sens moral que ceux qui les connaissent ne veulent plus soutenir aucune relation avec eux, et semblent s'écrier à leur manière : « Ôtez ce mort de devant nous, car nous n'en saurions supportera vue ! »                    Et cependant, mes frères, - j'insiste sur ce point, - ces âmes si corrompues, si perverties, ne sont pas en réalité plus mortes que les autres âmes irrégénérées, de même que Lazare n'était pas plus mort que la jeune fille à qui il ne manquait que le souffle. Les fruits de la mort sont plus visibles, il est vrai, chez les unes que chez les autres ; mais toutes également sont privées de vie ; toutes ont un égal besoin d'être vivifiées par Jésus-Christ.
      Mais permettez-moi, mes amis, d'entrer dans quelques détails, et de vous indiquer les traits principaux qui constituent la différence existant entre les trois classes d'âmes dont je viens de parler. Pour cela, continuons notre rapprochement, et revenons d'abord à la fille de Jaïrus. Voici donc cette jeune fille : regardez-la de nouveau. Loin de vous repousser, sa vue, n'est-il pas vrai ? vous attire. Elle est morte, et pourtant, elle est encore belle. Quoique privée de vie, elle est pleine de charmes et de grâces. Quel contraste avec le jeune homme! toute beauté a disparu de sur ses traits ; on devine que le ver est déjà à l'oeuvre ; toute sa gloire s'est évanouie. Quel contraste surtout avec Lazare ! Il n'est plus qu'un foyer de corruption !... Mais chez la fille de Jaïrus il existe, je le répète, une beauté extérieure. Il en est de même de beaucoup de ceux qui m'écoutent en ce moment. N'est-elle pas, en effet, pleine de grâce, cette jeune âme dont le souffle impur du péché semble avoir respecté la candeur ? Qui pourrait ne pas l'aimer ? N'est-elle pas aimable, n'est-elle pas belle entre toutes ? N'est-elle pas digne d'être admirée, souvent même d'être imitée ? Ah ! sans doute, elle est tout cela ; elle est plus encore peut-être, je suis le premier à en convenir ; mais, hélas ! hélas ! Dieu le Saint-Esprit n'a pas encore soufflé sur elle, elle n'a pas reconnu Jésus pour son Sauveur, ni imploré son pardon ; elle possède tout, excepté la vraie religion ; et dès lors, elle est morte, - morte malgré toute sa beauté, malgré tous ses attraits ! 
       Oh ! ma sœur, ma chère sœur, pourquoi faut-il qu'il en soit ainsi ? pourquoi faut-il que toi si douce, si aimable, si tendre, si compatissante, je sois obligé de te compter au nombre de ceux qui sont morts dans leurs fautes et dans leurs péchés ? Comme mon Maître pleura jadis sur le jeune riche, qui avait gardé tous les commandements, mais à qui il manquait une chose, ainsi je pleure aujourd'hui sur toi ! Oui, je pleure à la pensée que toi, ornée de qualités si précieuses, de tant de dons du coeur et de l'esprit, tu n'en es pas moins plongée dans la mort ! car, ne te fais point illusion, tu es morte aussi longtemps que tu n'as pas la foi en Christ. Ta bonté, ta vertu, ton excellence ne te serviront de rien : tu es morte, et tu ne saurais vivre si Jésus ne te donne, la vie.
      Remarquez, en outre, que la fille de Jaïrus est encore entourée d'amis. Elle vient d'exhaler le dernier soupir et sa mère la couvre de tendres baisers. Oh ! se peut-il bien qu'elle soit morte ? Les caresses qu'on lui prodigue ne parviendront-elles pas à la ranimer ? Et les larmes brûlantes qui pleuvent sur elle ne suffiront-elles pas à féconder cette terre froide, il est vrai, mais assez riche encore, semble-t-il., pour que la vie jaillisse de son sein ? Hélas ! non : ces caresses, ces larmes sont stériles ; la semence de la vie manque ; l'enfant ne respire plus ; néanmoins, c'est à qui se pressera autour d'elle, c'est à qui la comblera de témoignages d'amour. Quel contraste avec le jeune homme ! Il est étendu sur sa bière ; personne ne le touchera plus, et si quelqu'un le touchait, il serait souillé. 
      Quel contraste surtout avec Lazare ! Une pierre est scellée sur lui. -N'en est-il pas de même de vous, chères âmes auxquelles je me suis déjà adressé ? n'êtes-vous pas entourées de l'amour de tous ? Le peuple de Dieu lui-même vous chérit d'une affection cordiale ; il vous recherche, il vous estime, il vous approuve. Votre pasteur prie souvent pour vous. Admises dans les assemblées des enfants de Sion, vous vous asseyez avec eux comme si vous étiez des leurs, vous entendez ce qu'ils entendent, vous chantez ce qu'ils chantent. Et pourtant, pourtant hélas! vous le dirai-je? vous êtes encore dans la mort. Il ne vous manque absolument qu'une chose, mais c'est la seule qui puisse vous sauver ; il ne vous manque qu'une chose, mais cette chose c'est là vie. En vain les enfants de Dieu vous ouvrent-ils leur sein, en vain vous accueillent-ils dans leur compagnie ; ils ne sauraient allumer en vous cette étincelle sacrée de la vie ; et si jamais vous l'obtenez, sachez-le, vous devrez vous joindre au plus grand des pécheurs pour répéter avec l'Apôtre : Lorsque nous étions morts dans nos fautes et dans nos, péchés, Dieu nous a vivifiés avec Christ.
        Mais considérons encore la jeune fille. Voyez elle n'est point revêtue des insignes de la mort. Ni le suaire ni le linceul ne l'enveloppent. On ne l'a point dépouillée de ses habillements ordinaires. Elle est vêtue exactement comme elle l'était le jour où, ressentant les premières atteintes de sa maladie, elle s'étendit sur sa couche. On ne l'a point livrée définitivement à la mort. Il n'en est pas de même du fils de la veuve : l'appareil de la sépulture l'environne ; ni de Lazare : il est lié pieds et mains. Mais je le répète, la fille de Jaïrus est encore revêtue du costume des vivants. Ainsi en est-il de l'âme simple et ingénue dont je parle. Jusqu'à présent, elle semble n'avoir aucune habitude coupable, aucun mauvais penchant déclaré ; et tandis que tel jeune homme est déjà emprisonné dans le linceul de son inconduite, et que tel pécheur vieilli dans le vice est lié pieds et mains par ses passions désordonnées, cette âme se pare de tous les ornements extérieurs de la piété. Elle agit comme les chrétiens, elle parle comme eux ; sa conduite semble pure, digne d'éloges, irrépréhensible : c'est à peine si l'on pourrait y discerner quelques taches.....                  Hélas, hélas ! chère âme, pourquoi faut-il qu'une si belle parure, des apparences si aimables ne recouvrent que la mort ? Vainement as-tu orné ton front du brillant joyau de la bienfaisance ; vainement as-tu ceint tes reins des chastes robes de la pureté extérieure, hélas ! ma sœur, il faut bien que je te le dise, - si tu n'es pas née de nouveau, tu es encore dans la mort ! Ton excellence s'évanouira comme la teigne ; tes prétendues bonnes oeuvres s'en iront en fumée, et, au jour du jugement, tu seras pour jamais séparée des justes, à moins que Dieu ne te donne la vie. Oh ! je gémis, je gémis amèrement sur cette foule de jeunes âmes qui semblent avoir été préservées jusqu'ici de toute souillure du monde, mais qui n'en sont pas moins sans vie et sans salut ! Oh ! plût à Dieu, jeune homme, plût à Dieu, jeune fille, que des vos premières années, vous fussiez vivifiés par l'Esprit !
      Veuillez, mes frères, observer un détail encore. Dans le cas de la jeune fille, la mort était, pour ainsi dire, une chose secrète. C'était dans sa chambre que l'enfant avait rendu le dernier soupir ; c'était dans sa chambre que son corps inanimé reposait, et rien probablement ne laissait soupçonner au dehors le douloureux mystère due recelait cette maison de deuil. Il n'en était pas ainsi du jeune homme, car on l'avait transporté jusqu'aux portes de la ville, et beaucoup de gens l'avaient vu ; ni de Lazare, car des Juifs étaient venus de Jérusalem pour -pleurer sur sa tombe. Mais la mort de la fille de Jaïrus n'avait point ce caractère de publicité, et il en est de même des âmes dont je l'ai prise pour type. Jusqu'à présent, leur péché se cache dans l'ombre ; il est tout intérieur. La convoitise a bien conçu dans leur coeur, mais, le péché n'est pas encore enfanté ; le germe des passions existe en elles, mais ce germe impur ne s'est point manifesté par des actes. Le jeune homme n'a point encore porté à ses lèvres la coupe enivrante, quoique souvent une voix séductrice lui en ait vanté les douceurs ; la jeune fille n'a point abandonné les sentiers de la vertu, quoique souvent elle ait prêté l'oreille aux suggestions de la vanité : en un mot, leurs mauvais penchants n'ont point franchi les limites du for intérieur ; personne peut-être n'en soupçonne l'existence. Hélas, mon frère ! hélas, ma sœur ! qu'elle est triste la pensée que vous, dont la vie extérieure est si louable, vous cachez pourtant de secrètes souillures d'ans la chambre de votre coeur, et que dans les replis les plus intimes de votre être, vous portez la mort spirituelle, - mort aussi véritable, quoique moins évidente, que celle du pécheur le plus scandaleux. Oh ! Dieu veuille que vous puissiez vous écrier aujourd'hui même : "Malgré toutes nos justices, malgré toutes nos vertus, nous étions morts, comme les autres, dans nos fautes et dans nos péchés, mais Dieu nous a vivifiés." Mes amis, mes chers amis, souffrez due j'insiste encore sur ce point. Il y a des âmes dans cet auditoire, au sujet desquelles j'éprouve les plus vives appréhensions. Je l'ai déjà dit, elles possèdent tout ce que le coeur peut souhaiter, mais il leur manque une chose : elles n'aiment pas mon Maître. O vous jeunes gens, qui fréquentez assidûment les parvis du Seigneur, et dont les murs sont irréprochables, pourquoi faut-il que votre piété soit comme une plante sans racine ? O vous, vierges de Sion, qu'on voit toujours dans la maison de prières, pourquoi faut-il que vous n'ayez point la grâce de Dieu dans le coeur ? Prenez garde, je vous en supplie, vous, âmes simples, naïves, aimables, innocentes aux yeux des hommes ! Lorsque viendra le grand jour où le Seigneur séparera les vivants d'avec les morts encore une fois, je vous le déclare avec douleur, si vous n'avez été converties, régénérées, vivifiées par l'Esprit de Dieu, malgré toute votre excellence, vous serez rangées parmi les morts !
      Mais il est temps que nous quittions la jeune fille, pour passer au fils de la veuve de Naïn. Avant tout, observez, mes frères, qu'il n'est pas plus mort que l'enfant ; seulement il est parvenu, si je puis ainsi parler, à une phase plus avancée de la mort. Venez, approchons-nous du funèbre cortège ; arrêtons la bière ; contemplons le corps qui y est couché. Vous frémissez, n'est-il pas vrai ? vous détournez vos regards. Le visage de la petite fille était plein et coloré, mais ici, la joue est creuse, le teint livide. Et l’œil ?... oh ! quelle noirceur l'environne !... Ne pressent-on pas que le ver va bientôt paraître, que la décomposition est au moment de se faire jour ?... Ainsi en est-il d'une certaine classe de mes auditeurs. Ils ne sont plus ce qu'ils étaient dans leur première jeunesse, alors que leurs mœurs étaient à l'abri de tout reproche. Peut-être viennent-ils de tomber dans le filet de la femme étrangère ; ils commencent à se lancer dans carrière du libertinage : leur corruption est en voie d'éclater. Ils ne sont plus, disent-ils, des enfants à la lisière ; n'est-il pas temps qu'ils s'émancipent ? 
      Que d'autres se soumettent, si bon leur semble, à l'absurde esclavage des lois de la morale ; quant à eux, ils sont libres, ils veulent l'être, ils entendent mener joyeuse vie et ainsi, ils se précipitent dans un tourbillon de plaisirs bruyants et charnels, en sorte que les signes de la mort spirituelle se manifeste en eux avec toujours plus d'évidence. - De plus, remarquez, mes chers amis, que si jeune fille était entourée de caresses, par contre, personne ne touche le jeune homme : il est étendu sur sa bière, et quoique des hommes le portent sur leurs épaules, il n'en est pas moins vrai qu'il inspire à tous les vivants une instinctive répulsion. Jeune homme ! ne te reconnais-tu point à ce trait? Ne sais-tu pas que depuis quelque temps les gens pieux, que dis-je tes amis eux-mêmes se tiennent à distance de toi ? Hier encore les larmes de ta mère n'ont elles pas coulé en abondance, tandis qu'elle exhortait ton jeune frère à fuir ta société, à pas suivre ton exemple ? Ta sœur, ta propre sœur, qui en t'embrassant, ce matin, a peut-être instamment supplié le Seigneur de te faire recevoir du bien dans cette maison de prières, - ta sœur elle-même a honte de toi : ta conduite devient si légère, tes propos si déplacés qu'elle rougit en te voyant. 
        Il y a aussi des maisons chrétiennes où tu étais naguère le bienvenu ; tu fléchissais le genou avec la famille assemblée, ton nom était mentionné dans la prière commune ; mais à présent, tes visites dans ces maisons deviennent de plus en plus rares, car lorsque tu y vas, on t'accueille avec réserve. Le père de famille ne voudrait à aucun prix que son fils se liât avec toi, car il sait que tu pourrais le souiller. Il ne vient plus lui-même, comme autrefois, s'asseoir à ton côté pour s'entretenir de choses saintes ; s'il te reçoit encore chez lui, c'est simplement par politesse ; mais il ne peut plus te traiter avec son ancienne cordialité, car il sent qu'entre son âme et la tienne, il n'existe plus aucun lien sympathique. Le peuple de Dieu pareillement te témoigne de la froideur ; il ne te repousse pas encore d'une manière ouverte, mais il y a dans ses rapports avec toi une contrainte qui prouve clairement que ton état de. mort lui est bien connu.
       Un autre point de dissemblance entre le fils de la veuve et l'enfant de Jaïrus, c'est que tandis que celle-ci était encore revêtue du costume des vivants, l'autre était déjà enveloppé dans les vêtements de la mort. Et toi aussi, jeune homme; tu es comme enveloppé dans tes habitudes vicieuses. Tu sais que le diable, de sa main de fer, étreint ton âme toujours plus fortement il y eut un temps où tu pouvais encore te dégager de cette étreinte ; tu étais maître de tes plaisirs, disais- tu : maintenant, tes plaisirs sont tes maîtres. Jeune homme ! j'en appelle à ta conscience, tes voies ne sont-elles pas des voies d'iniquité ? Tu n'oserais le nier ! Sans doute, tu n'es point arrivé aux dernières limites de l'immoralité et de l'infamie ; mais, en vérité, en vérité, je te le dis, mon frère : tu es mort ! tu es mort ! et si l'Esprit de, Dieu ne te vivifie, tu seras jeté dans la vallée de la géhenne, pour être en pâture au ver qui ne meurt point, mais qui dévore les âmes pendant l'éternité. 
       Ah jeune homme, jeune homme, je pleure sur toi car si la pierre du sépulcre ne te recouvre pas encore, si ta corruption morale n'est pas tellement avancée que tu sois pour tes alentours un objet d'horreur et d'épouvante, cependant, tu as déjà fait plusieurs pas dans la carrière du vice, et qui peut dire où tu t'arrêteras ? Prends garde ! le péché est une pente glissante, et ne s'arrête pas qui veut sur cette pente... Lorsque le ver du sépulcre a commencé ses ravages, peut-on placer son doigt dessus, et lui dire : « Arrête-toi ? » Non, il poursuit son oeuvre de destruction jusqu'au bout... Oh ! jeune homme, Dieu veuille te vivifier avant que tu sois parvenu à cette consommation de la mort que l'enfer soupire de te voir atteindre, et à laquelle le ciel seul peut te faire échapper!
         Une dernière observation au sujet du fils de la veuve de Naïn. La chambre de la jeune fille, avons- nous dit, était seule témoin de sa mort ; mais dans le cas de celui-ci, la mort, au contraire, se montrait au grand jour, puisque Jésus rencontra le convoi aux portes de la ville. C'est ainsi que chez la première classe d'âmes que j'ai essayé de décrire, le péché est plus ou moins secret ; mais chez toi, jeune homme, il est patent, il est manifeste. Tu ne crains pas de pécher à la face du soleil, à la face de Dieu même. Tes dérèglements ne sont un mystère pour personne ; aussi bien, tu ne tiens plus à sauver les apparences. « Je ne suis point un hypocrite », dis-tu d'un ton de bravade, « je n'ai aucune prétention à la sainteté ; je ne rougis pas de quelques écarts de jeunesse ». Ah ! jeune homme, jeune homme ! tandis que tu tiens ce langage, qui sait si ton père ne s'écrie pas dans l'amertume de son coeur : « Plût à Dieu que je fusse mort avant d'avoir vu mon fils se conduire comme il le fait ! Plût à Dieu que lui-même eût été couché dans la tombe, avant de s'être ainsi engagé dans les sentiers du vice ! Plût à Dieu que le jour même où je le contemplai pour la première fois, où mes yeux furent réjouis par la vue de mon fils, il eût été soudainement frappé par la maladie et la mort ! Oh ! oui, plût à Dieu que son âme enfantine eût été retirée au ciel, et qu'il n'eût pas vécu pour faire descendre avec douleur mes cheveux blancs au sépulcre !... » Jeune homme, tu le sais : ton inconduite avouée; ton inconduite qui s'étale, pour ainsi dire, aux portes de la ville, jette le trouble dans la maison de ton père, abreuve de douleur le coeur de ta mère. Oh ! je t'en conjure, arrête-toi !... Oh ! Seigneur Jésus, touche la bière en cet instant même ! Arrête quelque pauvre âme qui chemine dans la voie de la perdition, et crie-lui : « Lève-toi ! » Alors cette âme, ressuscitée en nouveauté de vie, pourra s'écrier avec nous tous, qui par ta grâce jouissons déjà de la vie : « Lorsque nous étions morts dans nos fautes et dans nos péchés, Dieu nous a vivifiés ensemble avec Christ, par le moyen de son Esprit ! »
        Et maintenant, nous arrivons à la troisième et dernière résurrection accomplie par notre Seigneur: celle de Lazare, de Lazare mort et enseveli. - Oh ! mes chers amis, je ne puis vous mener voir Lazare dans son sépulcre ! Retirez-vous, oh ! retirez-vous loin de lui !... Où fuir pour échapper à l'odeur infecte de ce corps en putréfaction ?... Non seulement tout vestige de beauté à disparu; mais c'est à peine si on reconnaît en lui une forme humaine. Oh ! hideux spectacle !... Je ne veux pas entreprendre de le décrire, les paroles me manqueraient ; d'ailleurs, vous ne pourriez m'écouter jusqu'au bout. Et de même, mes frères, je ne trouverais point d'expressions si je voulais décrire l'état moral d'une certaine catégorie de pécheurs. Mon front rougirait de confusion s'il me fallait vous dévoiler les oeuvres de ténèbres accomplies chaque jour par les impies de ce monde, accomplies peut-être par quelques-uns de ceux qui m'écoutent en ce moment. Ah ! qu'elle est hideuse la dernière phase de la mort physique, la dernière phase dé la dissolution ; mais la dernière phase du péché, combien n'est-elle pas plus hideuse encore!... 
       Plusieurs de nos écrivains modernes paraissent avoir une aptitude particulière pour fouiller celle boue, pour remuer cette fange impure ; mais je le confesse, cette aptitude n'est pas la mienne ; aussi ne vous dépeindrai-je point, mes frères, les souillures et les turpitudes du pécheur consommé. Je passerai sous silence les abominables débauches, les convoitises dégradantes, les actions ignobles et diaboliques dans lesquelles se vautrent ceux chez qui la mort spirituelle a accompli tous ses ravages et chez qui le péché s'est manifesté dans toute son épouvantable laideur. 
         Y a-t-il dans cet auditoire des êtres appartenant à cette classe de pécheurs ? Il se peut qu'ils ne soient pas nombreux, mais j'ose affirmer qu'il y en a. Inutile de dire qu'ils ne sont pas, comme la jeune fille, recherchés, caressés par les chrétiens, ou même comme le jeune homme, accompagnés de loin à leur dernière demeure ; non, les honnêtes gens s'enfuient à leur approche, tant est grande l'horreur qu'ils leur inspirent. Leurs femmes elles-mêmes, lorsqu'ils rentrent chez eux le soir, courent se cacher pour éviter leur contact. Ils sont montrés au doigt, ils sont l'objet du mépris de tous. Telle est la prostituée, de laquelle nous détournons nos regards quand nous la rencontrons dans la rue ; tel est le débauché scandaleux, à qui nous nous empressons de céder le pas, de peur qu'il ne nous touche en passant. Ces infortunés sont couchés dans le sépulcre de leurs vices ; les stigmates de la mort spirituelle sont empreints sur leur visage ; l'opinion publique a roulé la pierre sur eux. Ils savent qu'ils sont devenus un objet de dégoût pour leurs semblables ; ici même, dans ce lieu de culte, ils se sentent mal à l'aise, car ils n'ignorent pas que si leur voisin se doutait de ce qu'ils sont, il reculerait épouvanté. - Et notez bien un détail, mes frères : tandis que dans le cas du jeune Homme la mort était pour ainsi dire de notoriété publique, dans le cas de Lazare, comme dans celui de la fille de Jaïrus, elle est secrète, elle est resserrée dans d'étroites limites ; seulement, chez Lazare, ce n'est plus dans la chambre funèbre qu'elle se cache, c'est dans la nuit du tombeau. Image frappante de ce qui a lieu dans le monde moral.
      En effet, lorsqu'un pécheur n'est qu'à demi enfoncé dans l'iniquité, il la commet ouvertement, mais lorsqu'il s'y est plongé tout entier, ses passions deviennent tellement dépravées qu'il est obligé de s'y livrer en secret. Il lui faut alors le silence et l'obscurité du sépulcre. Ses convoitises sont d'une nature si détestable, qu'il ne peut les assouvir qu'à l'heure de minuit ; sa corruption est si révoltante qu'elle a besoin d'être enveloppée de l'épais linceul des ténèbres. Peut-être ce Lazare spirituel est-il dans la condition la plus abjecte ; peut-être cache-t-il sa honteuse existence dans quelque bouge infect de quelque sombre ruelle. Mais peut-être aussi appartient-il à ce que l'on appelle les classes supérieures de la société et habite-t-il de somptueuses demeures. Ah ! mes frères, vous le dirai-je souvent, en écoutant les aveux que viennent constamment me faire des âmes travaillées et repentantes, je rougis pour l'humanité. Jusque dans les plus hautes régions de l'échelle sociale, se pratiquent les plus honteuses énormités. Il y a dans mon troupeau, dans mon Eglise, de malheureuses créatures dont la perte a été consommée par des hommes de grand nom, de grande naissance, haut placés, influents... La hardiesse de mon langage vous étonne peut-être : mais pourquoi craindrai-je de dire ce que d'autres ne craignent pas de faire ? L'ambassadeur de Dieu doit- il être moins hardi pour reprendre que les hommes ne le sont pour pécher? Oui, je le déclare hautement, dans tous les rangs de la société, il est des âmes qui sont comme. en puanteur aux narines du Tout-Puissant, des âmes dont la corruption est plus hideuse qu'on ne saurait dire ! Elles doivent enfouir leurs désordres dans la tombe du mystère, sans quoi elles seraient huées, honnies, chassées de la société, - j'allais presque dire de l'existence !... Et cependant, ô admirable puissance de la grâce de Dieu ! cette dernière classe de pécheurs peut être sauvée aussi bien que la première. Lazare, déjà en proie à la corruption, peut aussi aisément sortir du tombeau que l'enfant endormie de son lit. La créature la plus avilie, la plus dégradée peut, tout comme une autre, ressusciter en nouveauté de vie, et être amenée à s'écrier, elle aussi : « Lorsque j'étais morte dans mes fautes et d'ans mes péchés, Dieu m'a vivifiée par Christ. »
       J'espère, mes chers auditeurs, que vous avez bien saisi la vérité importante sur laquelle je viens de m'étendre si longuement ; à savoir : que tous les hommes, sans exception, sont, par nature, également morts, mais que la mort se manifeste en eux sous un aspect différent.

II
         J'aborde maintenant une autre partie de mon sujet.
IL Y A DIVERSITÉ DANS LES MOYENS EMPLOYÉS POUR VIVIFIER LES PÉCHEURS, QUOIQUE LA VIE NE PROCÈDE QUE D'UN SEUL ET MÊME AGENT : telle est la seconde vérité que notre rapprochement fait ressortir d'une manière frappante. En effet, la fille de Jaïrus, tout comme le jeune homme, et celui-ci, tout comme Lazare, furent ressuscités, et ressuscités par la même personne, c'est-à-dire par Jésus ; mais la manière dont s'opérèrent ces trois résurrections présente de notables différences. - Quant à la jeune fille, nous lisons dans l’Évangile que Jésus l'ayant prise par la main, lui dit simplement : «Jeune fille, lève-toi l » Il n'en fallut pas davantage. Une voix douce et subtile, un léger attouchement, pas de bruit, pas d'éclat, rien de propre à frapper les regards : et l'enfant se réveilla de son sommeil de mort ; et les pulsations de son coeur reprirent leur cours accoutumé. C'est ainsi, mes frères, que Dieu agit, le plus souvent, à l'égard des jeunes âmes pures selon le monde qu'il veut convertir à lui. Pour les réveiller, il n'emploie ni les terreurs de Sinaï, ni le feu brûlant, ni la nuée épaisse, ni la tempête ; il se borne à leur ouvrir le coeur, comme autrefois à Lydie, afin qu'elles reçoivent la Parole; La grâce divine descend sur de telles âmes doucement et sans bruit, comme la rosée sur les fleurs. Lorsqu'il s'agit de pécheurs endurcis, cette grâce fond sur eux en torrents impétueux mais c'est en douces ondées qu'elle se répand habituellement sur les âmes qui sont encore à la première phase de la mort spirituelle. L'Esprit ne fait que les effleurer de son souffle. Peut-être osent-elles à peine croire elles-mêmes à la réalité de leur conversion ; mais qu'elles se rassurent : si elles ont la vie, c'est que Jésus les a vivifiées, et pour avoir été moins apparente que d'autres, leur conversion n'est pas moins véritable.
      Et le fils de la veuve de Naïn recouvra-t-il la vie de la même manière que la jeune fille ? Non. Observez avant tout que tandis que celle-ci la reçut dans l'intérieur de sa chambre, ce fut en public, au grand jour, en pleine rue, qu'elle fut rendue au jeune homme. Observez, en outre, que, dans ce nouveau cas, Jésus toucha non pas le mort, mais la bière ; et ceux qui la portaient s'arrêtèrent, est- il ajouté. Après cela, le Seigneur prononça à haute voix ces paroles impressives :
      « Jeune homme, je te le dis, lève-toi ! » Ainsi, tandis que Jésus communique une vie nouvelle à l'enfant par une douce pression de la main, dans le cas du jeune homme, le même résultat est obtenu, non pas en le touchant, mais en arrêtant sa bière. C'est ainsi que le Seigneur agira probablement avec toi, ô jeune homme, s'il daigne te vivifier. Il commencera par te retirer tes occasions de chute, tes moyens de péché ; à tes compagnons de plaisir qui, par leurs mauvais exemples, te transportent pour ainsi dire au sépulcre du vice, il ordonnera de s'arrêter. Alors, il y aura pendant quelque temps dans ta vie, une réforme partielle ; et finalement tu entendras dans ton âme une voix forte et solennelle qui te dira : « Jeune homme, je te le dis, lève-toi ! »
      Pour ce qui est de la résurrection de Lazare, de celle qui en apparence était la plus impossible, je vous prie, mes chers amis, de relire avec attention les préparatifs extraordinaires dont le Sauveur jugea bon de la faire précéder. Au moment de ressusciter la jeune fille, il avait traversé la chambre, le sourire aux lèvres, en disant : « Elle n'est pas morte, mais elle dort. » Au moment de ressusciter le fils de la veuve, il avait dit à celle-ci : « Ne pleure point. » Mais dans la circonstance qui nous occupe, Jésus est plus grave, plus sombre. Il est en face d'un cadavre se corrompant dans son tombeau : comment son âme ne serait-elle pas attristée ? C'est à cette occasion que l'évangéliste nous dit : Et Jésus pleura. Et après qu'il eut pleuré, il frémit en lui-même. Puis il dit : « ôtez la pierre. » Ensuite, élevant les yeux au ciel, il prononça cette sublime invocation : « Mon Père, je te rends grâces de ce que tu m'as exaucé. »
         Enfin, après s'être ainsi recueilli, il cria à haute voix : « Lazare ! sors dehors l » Chose digne de remarque, cette expression : Il cria à haute voix, nous ne la trouvons pas dans le récit des deux autres résurrections. Jésus parla bien aux trois morts ; ce fut sa parole qui les vivifia tous, mais il semble n'avoir élevé la voix que dans le seul cas de Lazare. - Y a-t-il dans cet auditoire une âme vile parmi les viles, un être arrivé au plus bas degré de la dépravation ? Ah ! pécheur, lui dirai-je, puisse mon Sauveur te vivifier ! Il peut le faire ; mais, sache-le, il lui en coûtera bien des larmes! Oui, quand il viendra te disputer aux horreurs de la dissolution et t'arracher à cet affreux sépulcre où tu croupis dans tes vices, Jésus viendra en pleurant sur tes forfaits, en gémissant sur les hideux ravages que la mort spirituelle a faits dans ton âme ! 
       De plus, il y a une pierre à rouler de dessus toi : tes habitudes coupables ; et alors même que cette lourde pierre aura été enlevée, un son doux et subtil ne saurait te réveiller. Non, pour te convertir, il ne faut .rien moins que la voix éclatante de l'Eternel, cette voix qui fait trembler le désert et brise les cèdres du Liban. Bunyan, l'immortel auteur du Voyage du chrétien vers l'éternité, était un de ces Lazare spirituels ; aussi quels moyens énergiques furent employés à son égard ! Songes terribles, angoisses affreuses, ébranlements effroyables, - tout dût être mis en oeuvre pour le vivifier à salut, Ne dis donc point, ô pécheur, que Dieu ne t'aime pas, s'il terrifie ton âme par les tonnerres de Sinaï, mais reconnais bien plutôt que tu étais trop profondément plongé dans la mort pour qu'une voix moins formidable eût pu frapper tes oreilles !

III
       Mais me voici arrivé à la dernière partie de mon sujet. QUOIQUE LA VIE SOIT UNE, ai-je dit, ELLE SI MANIFESTE DE MANIÈRES DIFFÉRENTES. En effet, les besoins, les expériences, les aspirations de tous les chrétiens sont loin d'être les mêmes. Il y aurait beaucoup à dire sur ce point, et je regrette que le temps me manque pour le développer d'une manière convenable. Après avoir ressuscité les trois morts dont nous nous sommes occupés, que fit Jésus ? « Donnez-lui à manger » : telle fut sa première recommandation à l'égard de la jeune fille. - Il le rendit à sa mère : tel fut son premier soin à l'égard du jeune homme. - « Déliez-le et le laissez aller » : tel fut son premier ordre à l'égard de Lazare. Il me semble que ces diverses paroles nous révèlent non seulement les besoins respectifs des personnes à qui Jésus venait de rendre la vie, mais encore ceux des trois classes d'âmes dont nous avons parlé. 
       Lorsqu'une âme se convertit avant d'avoir cédé aux séductions du monde, lorsqu'elle est vivifiée par la grâce de Dieu avant que le germe de mort qui est dans son sein se soit développé, la vie nouvelle qu'elle a reçue se manifeste surtout en elle par un ardent désir d'être nourrie, en sorte que cette injonction de Jésus correspond parfaitement à ses besoins « Donnez-lui à manger. » Oui, une nourriture saine, une solide instruction, voilà ce qu'il faut aux jeunes convertis. Peu éclairés, en général, ils ont besoin d'être édifiés dans la foi. Souvent leurs idées sur le péché et sur le salut ne sont pas aussi nettes que celles d'âmes appelées à la connaissance de Christ lorsqu'elles étaient plus avancées dans la vie ou dans le mal ; aussi le lait spirituel et pur de l’Évangile est-il plus nécessaire à cette première classe de croyants qu'à toute autre. 
       Que les ministres de la Parole veillent donc avec un soin tout particulier sur les agneaux de leurs troupeaux, et lorsque de jeunes âmes entrent dans la bergerie, qu'ils n'oublient pas ce commandement de leur Maître: «Pais mes agneaux. » Et de votre côté, jeunes gens, ne négligez rien pour satisfaire cette faim et cette soif de connaissances spirituelles, trait distinctif par lequel se manifeste en vous la vie divine. Cherchez l'instruction auprès de votre pasteur ; cherchez la dans de bons livres ; cherchez-la surtout dans l'Ecriture. Telle doit être votre principale affaire : « Donnez-lui à manger. »
         Quant au fils de la veuve, Jésus, nous dit le récit sacré, le rendit à sa mère. - Et c'est là également ce que mon Sauveur fera de toi, jeune homme, s'il te fait passer de la mort à la vie. Enfant, ta place de prédilection était sur les genoux de ta mère, et si jamais Dieu te convertit, c'est encore auprès de ta mère qu'il te faudra revenir. Tu rechercheras avec empressement les douceurs de la vie domestique, les joies pures de la famille. Ah h rien n'est puissant comme la grâce divine pour resserrer les liens que le péché avait relâchés. Qu'un jeune homme se livre à la dissipation, aussitôt il se soustrait à la tendre influence d'une soeur, à la vigilante sollicitude d'une mère ; mais du moment que son coeur est touché, il éprouve le besoin d'accourir de nouveau vers elles, et goûte dans leur société un charme qu'il ne connut jamais auparavant. Et ce ne sera pas seulement vers tes parents selon la chair, jeune homme, que tu te sentiras attiré, mais vers la grande famille des enfants de Dieu. De même que Christ rendit le fils de la veuve de Naïn à sa mère, de même, en te communiquant la vie, il te placera dans les bras de l'Eglise, cette mère spirituelle de tous les croyants. Lors donc que tu auras été vivifié, recherche avec toujours plus de soin la compagnie des justes ; car de même que les mauvaises liaisons te transportaient, pour ainsi dire, au sépulcre de perdition, de même tu auras besoin du secours d'amis chrétiens pour te soutenir dans ta marche vers les cieux.
       Vient enfin l'ordre de Jésus relativement à Lazare : « Déliez-le et le laissez aller. » Je ne puis m'expliquer, je l'avoue, pourquoi le fils la veuve n'était pas lié de bandes comme Lazare. Vainement ai-je examiné nombre d'ouvrages traitant des mœurs et coutumes orientales ; je n'ai pu parvenir à élucider ce fait, qui pourtant ressort avec évidence du récit sacré. Il nous est dit, en effet, qu'aussitôt que Jésus se fut adressé au jeune homme, celui-ci s'assit et commença à parler ; tandis que Lazare, emprisonné dans des bandages qui gênaient ses mouvements, et la tête enveloppée d'un lige qui l'empêchait probablement d'articuler aucun son, Lazare paraît n'être sorti qu'à grand peine de la grotte sépulcrale. 
      Je le répète, comment expliquer cette différence ? Pour ma part, je serais disposé à penser qu'on doit chercher la cause dans une différence de for tune : le jeune homme était fils d'une veuve peut-être n'avait-on pu l'envelopper que de quelques linges grossiers ; tandis que Lazare étant plus riche, était bandé avec soin, suivant l'usage du temps. Quoi qu'il en soit, ce détail en lui-même est de peu d'importance ; mais ce que je désire que vous remarquiez, mes chers amis, c'est l'application que nous pouvons en faire à la troisième classe de pécheurs dont nous avons parlé. Le Seigneur, lorsqu'il les ressuscite, agit envers ceux-ci absolument comme il le fit envers Lazare : après leur avoir donné la vie, il ordonne qu'ils soient mis en liberté ; il les aide à se dégager de leurs habitudes coupables, à rompre les liens de leurs vices. Aussi, quoique la vie nouvelle qu'ils ont reçue soit exactement la même dans son principe et dans sa nature que celle qui anime tous les enfants de Dieu sans exception, elle se manifeste le plus souvent d'une manière toute différente. Pour eux, la grande affaire n'est ni de croître en connaissance, ni de marcher dans la communion des saints ; non, ils ont autant qu'ils peuvent faire à se débarrasser du linceul de leurs péchés, à se dépouiller de leurs passions charnelles. Peut-être, hélas ! jusqu'à leur mort, devront-ils, lambeaux après lambeaux et pièces après pièces, déchirer les liens qui garrottaient leurs âmes ! Celui-ci est aux prises avec son intempérance : oh ! quels efforts désespérés devra-t-il faire pour s'en dégager ! Celui-là se débat contre des convoitises impures : oh ! que de luttes, opiniâtres ne lui en coûtera-t-il pas avant de s'en rendre maître ! Un troisième combat contre son habitude de jurer : oh ! que de fois n'aura-t-il pas à se faire violence pour retenir les expressions malséantes, toujours prêtes à monter sur ses lèvres ! Un autre encore a affaire avec son amour pour les plaisirs et les vanités du siècle : il y a renoncé ; mais que de fois ses anciens amis ne chercheront-ils pas à l'attirer de nouveau vers le monde ! Pour de. telles âmes, la vie chrétienne n'est guère autre chose qu'un pénible déchirement, qu'un dépouillement continuel de vieilles habitudes, de péchés enracinés, et parfois ce dépouillement ne prend fin que lorsqu'elles entrent dans le repos de leur Sauveur.
        Et maintenant, mes chers auditeurs, avant de vous quitter je tiens à vous poser à tous cette sérieuse question : AVEZ-VOUS ÉTÉ VIVIFIÉS ? Prenez garde ! que vous soyez bons ou mauvais selon le monde, respectés ou méprisés des hommes, je vous le déclare solennellement, si vous n'êtes pas ressuscités en nouveauté de vie, vous êtes morts dans vos fautes, et si vous quittez ce monde dans cet état, vous serez éternellement perdus. Toutefois, que pas un d'entre vous ne désespère : Christ peut encore vous vivifier. Il peut même vous vivifier, vous les plus dégradés des hommes. Oh ! Dieu veuille qu'aujourd'hui même vous soyez touchés à salut! Dieu veuille que cette, voix puissante qui cria : « Lazare, sors dehors ! » retentisse en cet instant aux oreilles de quelques grands pécheurs, en sorte qu'abandonnant le tombeau de leurs vices, l'intempérant vivre désormais dans la sobriété, la femme de mauvaise vie, dans la continence ! Et Dieu veuille surtout, oh ! Dieu veuille bénir abondamment sa Parole pour les âmes jeunes, pures, candides encore qui l'ont entendue aujourd'hui ! Puissent-elles :comprendre que, par nature, elles sont mortes comme les autres, et puissent-elles devenir, dès à présent, enfants de Dieu par la foi en Jésus-Christ !
        Quant à vous, mes chers amis, qui avez le bonheur d'être déjà vivifiés, permettez-moi de vous adresser un seul mot d'exhortation. Prenez garde aux embûches du diable. Il rôde continuellement autour de vous, n'en doutez pas. Veillez donc et priez. Que votre esprit soit toujours occupé de bonnes pensées, et ainsi l'adversaire ne pourra vous nuire. Oh ! je vous le dis encore : méfiez-vous des ruses de Satan. Gardez votre coeur plus que tout autre chose qu'on garde, car c'est de lui que procèdent les sources de la vie.
Que Dieu vous bénisse, mes bien-aimés, pour l'amour de Jésus !

samedi 14 mars 2015

(3) SERMONS CHOISIS (Spurgeon Charles)

Numérisation Yves PETRAKIAN
Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement
Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

LE CIEL ET L'ENFER

Je vous dis que plusieurs viendront d'Orient et d'Occident et seront assis à table au royaume des cieux, avec Abraham, lsaac et Jacob ; et les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres de dehors ; il y aura là des pleurs et des grincements de dents (Mat 8:11,12)
I
     Ce soir, mes chers auditeurs, j'espère vous encourager à chercher le chemin du ciel. Ce soir aussi j'aurai à exprimer devant vous de très rudes vérités concernant le sort de ceux qui seront jetés dans l'abîme de la perdition. 
     Ces deux sujets, je vais tâcher de les traiter avec l'assistance de Dieu. Mais auparavant, laissez-moi vous supplier, pour l'amour de vos âmes, de peser avec soin ce que vous allez entendre. Voyez si mes paroles sont, oui ou non selon la vérité de Dieu : si elles ne le sont pas rejetez-les entièrement ; mais si elles le sont prenez garde de quelle manière vous les écoutez ; car aussi vrai que vous comparaîtrez un jour devant Dieu, le grand Juge du ciel et de la terre, aussi vrai vous ne sauriez mépriser impunément la voix de son serviteur, la voix de son Évangile !
     Les versets que je vous ai lus renferment deux idées. La première est d'une douceur infinie, et je me plais à y arrêter mon esprit ; la seconde est terrible au plus haut degré ; mais l'une et l'autre étant également vraies, l'une et l'autre doivent être prêchées. La première idée de mon texte est contenue dans ces mots : Je vous dis que plusieurs viendront d'Orient et d'Occident et seront assis à table, au royaume des cieux, avec Abraham, Isaac et Jacob. L'autre, sombre, menaçante, effroyable, est ainsi formulée : Les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres de dehors : il y aura là des pleurs et des grincements de dents.
     Reprenons la première de ces idées. - Voici une glorieuse promesse: Plusieurs viendront d'Orient et d'Occident et seront assis à table, au royaume des cieux, avec Abraham, Isaac et Jacob. J'aime ces paroles, parce qu'elles me disent ce qu'est le ciel, parce qu'elles m'en laissent entrevoir les charmes. Elles m'apprennent, tout d'abord, que c'est un lieu où je serai assis, c'est-à-dire où je me reposerai. Quel douce pensée ! Quelle est douce surtout pour le travailleur, pour celui qui mange son pain à la sueur de son visage ! Souvent, en essuyant son front humide, il se demande avec tristesse s'il n'aura jamais ni trêve ni relâche. Ou bien le soir, en se jetant brisé sur sa couche, son coeur laisse échapper ce cri d'angoisse : « N'y a-t-il donc point un lieu où je pourrai me reposer, où mes membres fatigués ne seront plus contraints d'agir, où je trouverai enfin la paix après laquelle je soupire ? »
     Oui, enfant du travail et de la peine, oui, il est un heureux séjour où peine et travail sont inconnus. Au delà de la voûte azurée, il est une cité belle et radieuse ses murs sont de jaspe, sa lumière est plus éclatante que te soleil. Là les méchants ne tourmentent plus personne, et ceux qui ont perdu leur force se reposent. Là habitent des esprits immortels qui sont pour jamais à l'abri de la fatigue. Ils ne sèment ni ne moissonnent ; ils n'ont plus ni rude labeur, ni tâche excessive à accomplir. Que l'homme de loisir se plaise à envisager le ciel comme un lieu où son activité trouvera un constant aliment, je le conçois, et je suis persuadé qu'il ne sera pas déçu dans son attente. Mais pour le travailleur, - et par ce mot j'entends tout homme qui travaille, soit de son intelligence, soit de ses mains, - quelle délicieuse, quelle consolante perspective que celle d'un éternel repos ! O bonheur ! bientôt cette voix, si souvent épuisée par de longs efforts, pourra se taire ; bientôt ces poumons fatigués ne s'exerceront plus au delà de leur pouvoir ; bientôt ce cerveau excité ne sera plus harcelé par des pensées sans nombre ; bientôt, paisiblement assis au banquet de Dieu, je me reposerai de mes travaux !...
     Oh ! fils et filles d'Adam qui fléchissez sous le poids de la vie, prenez courage! Au ciel, vous n'aurez plus à tracer de pénibles sillons dans un sol infertile vous n'aurez plus à vous lever matin, à vous, coucher tard et à manger le pain de douleur ; vous n'aurez plus ni fardeau, ni souci, ni agitation ; tous vous serez paisibles, riches, heureux. Les mots de labeur, de fatigue, de souffrance n'existent même pas dans la langue du ciel.
     Et remarquez dans quelle illustre société les élus se trouveront. Ils seront assis, nous est-il dit, avec Abraham, Isaac et Jacob. Ces paroles me semblent réfuter de la manière la plus positive l'opinion de certains chrétiens qui pensent que dans l'autre vie on n'aura pas la faculté de se connaître. En effet, puisqu'il nous est déclaré ici en toutes lettres que nous serons assis avec Abraham, Isaac et Jacob, ne devons-nous pas nécessairement en conclure que nous connaîtrons ces patriarches et par conséquent aussi les autres habitants du ciel ?
     - On raconte qu'une digne chrétienne, avancée en âge, demanda à son mari, au moment de mourir : « Mon ami, penses-tu que tu me reconnaisses quand tu viendras dans la gloire ? - Si je te reconnaîtrai ? répondit celui-ci ; ne t'ai-je pas toujours connue ici-bas ? et crois-tu donc qu'au ciel je serai moins clairvoyant ? » Ce raisonnement me paraît sans réplique. De même que nous avons connu ici-bas, de même nous connaîtrons là-haut.
        Pour ma part, j'ai la douce assurance que lorsque, par la grâce de Dieu, je poserai mon pied sur le seuil du ciel, les bienheureux amis qui m'y ont précédé viendront me prendre par la main et me diront : Salut, bien-aimé ! te voici enfin. » Les proches retrouveront leurs proches ; les amis leurs amis. Tu retrouveras ta pieuse mère, toi, mon cher auditeur, qui pleures encore sur elle, si toutefois tu marches sur les traces de Jésus, il me semble la voir venant à ta rencontre à la porte du paradis, et quoique sans doute les liens de la nature auront perdu beaucoup de leur force, je ne puis me défendre de la pensée que son visage brillera d'une joie nouvelle lorsque, s'avançant vers le Seigneur, elle lui dira : Me voici, moi et les enfants que tu m'as donnés.
       - Mari, tu reconnaîtras ta femme. Mère, tu reconnaîtras ces chers petits êtres dont tu suivis avec angoisse la longue agonie et sur lesquels tu entendis tomber, avec les froides mottes de terre, ces terribles paroles : « L'argile à l'argile, la cendre à la cendre, la poudre â la poudre. » Oui, tu les retrouveras ; tu entendras encore leurs voix chéries ; tu sauras que ceux que tu as tant aimés, Dieu les a aimés mieux encore que toi.
      - Ah ! qu'il me semblerait triste et glaçant le monde à venir, si je ne devais ni connaître ni être connu ! En vérité, il n'aurait pour moi que bien peu d'attraits ! Mais quelle douceur, au contraire, dans la pensée que le ciel est la réalisation parfaite de la communion des saints, et qu'entre les croyants de tous les temps et de tous les pays, il s'établira pour l'éternité des relations étroites et personnelles !
      Souvent, je me plais à anticiper sur le bonheur que j'éprouverai à connaître Esaïe ; il me semble qu'à peine arrivé à la cité céleste, je demanderai à le voir, parce qu'il a parlé de Jésus plus qu'aucun autre prophète. Il me semble aussi que je m'empresserai de chercher au milieu de la foule Georges Whitefield, ce grand serviteur de Dieu, qui avec un zèle digne d'un esprit angélique, dépensa toute sa vie en prêchant le salut. Oh ! oui, nous aurons une société choisie dans le ciel. Et cependant toute distinction humaine sera abolie : riches et pauvres, savants et ignorants, ministres et laïques, nous fraterniserons tous ensemble.
      J'ai ouï raconter qu'une dame, visitée sur son lit de mort par un ministre de l’Évangile, lui posa cette étrange question : « Ne pensez-vous pas qu'il existe dans le ciel deux lieux bien distincts pour les différentes classes de la société ? J'avoue que je ne puis endurer l'idée de vivre éternellement en compagnie de ma servante. » A cela, le ministre répondit : « Ne vous mettez pas en peine à ce sujet, Madame ; car aussi longtemps que ce diabolique orgueil existera dans votre coeur, vous n'avez point à craindre d'aller au ciel. » Il disait vrai. Non, l'orgueil n'entrera pas dans le ciel. Il faut que nous nous abaissions nous-mêmes, que nous voyions dans tout homme un frère, que nous sentions qu'aux yeux de Dieu nous sommes tous égaux, avant de pouvoir espérer d'être admis dans la gloire.
    Quant à moi, je bénis mon Dieu de ce qu'au banquet céleste il n'y aura qu'une seule table. Le Juif et le Gentil s’assoiront côte à côte ; le grand et le petit paîtront dans le même pâturage : tous, nous serons assis avec Abraham, Isaac et Jacob.
     Mais les paroles que nous méditons ont une signification plus douce et plus profonde encore. A en croire certains esprits étroits, le ciel serait un lieu de dimensions fort restreintes, auquel ne trouveraient accès que les seuls chrétiens qui fréquentent leur lieu de culte. J'avoue qu'un ciel aussi mesquin m'est antipathique, et j'aime au contraire à lire dans les Écritures qu'il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. De ce qu'il est écrit dans l’Évangile : La porte est étroite et le chemin est étroit qui mène à la vie, et il y en a peu qui le trouvent, on a souvent conclu que le ciel sera moins peuplé que l'enfer. Cette opinion me semble inadmissible. Comment ! la part de Christ serait moins grande que celle du diable ? Satan l'emporterait sur Christ ? Non, cela ne peut pas être !

(Note du trad. de la 3e édition : Nous savons que l'argument employé ici par l'auteur a donné lieu à de fausses interprétations, et que quelques personnes ont cru voir dans ce passage des tendances à l'universalisme. Rien cependant ne saurait être plus contraire que ces tendances aux vues du Rév. Spurgeon, et Il suffit de lire la seconde partie de ce discours pour se convaincre qu'il n'est point de ceux qui disent : paix ! paix ! quand il n'y a point de paix. Afin de ne laisser aucun doute sur le véritable sens du passage en question, nous ne croyons pouvoir mieux faire que de transcrire ici quelques lignes d'un autre discours de M. Spurgeon (Heavenly worship), où il explique ses vues sur ce point de la manière la plus nette : « Je crois qu'il y aura plus d'âmes au ciel qu'en enfer..... Si vous me demandez pourquoi j'ai cette croyance, voici ma réponse : Je me réjouis à la pensée que tous les petits enfants, aussitôt qu'ils rendent le dernier soupir, prennent leur essor vers le paradis : représentez-vous quelle immense multitude de ces jeunes esprits il doit y avoir devant le trône de Dieu !... Puis, de meilleurs jours approchent, quand la religion de Christ sera universelle, quand, d'un pôle à l'autre pôle, Jésus règnera en souverain, quand les royaumes se prosterneront devant lui, et les nations entières naîtront en un jour à une vie nouvelle. Dans la seule période millénaire, j'estime qu'il y aura assez d'âmes de sauvées pour combler tous les déficits des siècles précédents. » - Nous n'ajouterons rien à cette citation, si ce n'est que M. Spurgeon expose simplement ses idées, personnelles : libre à chacun de les discuter et de les juger...)

     D'ailleurs, Dieu nous déclare expressément qu'une grande multitude, QUE PERSONNE NE POURRA COMPTER, sera sauvée. Combien cette pensée est réjouissante, mes chers amis ! Quelle bonne nouvelle pour vous et pour moi ! Si le salut n'était le privilège que de quelques-uns, nous pourrions craindre, et non sans raison, de ne pas y avoir part ; mais puisque le Seigneur affirme qu'une multitude innombrable sera sauvée, pourquoi vous et moi, pourquoi tous, tant que nous sommes ici, ne le serions nous pas ? Courage donc, pauvre pécheur, qui que tu sois ; courage, âme craintive et timorée ; ouvre ton coeur à l'espérance ! Il n'y a point sur la terre d'âme vivante dont on puisse dire qu'elle soit en dehors de !la grâce de Dieu. Il est, il est vrai, quelques infortunés qui, ayant commis le péché irrémissible, sont abandonnés de Dieu ; mais à part cette exception, je me plais à le proclamer, la souveraine miséricorde embrasse l'humanité tout entière. Plusieurs viendront et seront assis à table, au royaume, des cieux, avec Abraham, Isaac et Jacob.
     Et d'où viendront-ils, ces heureux convives qui prendront place à la table du Père de famille ? Mon texte nous l'apprend : ils viendront d'Orient et d'Occident. Les Juifs prétendaient que tous viendraient de la Palestine, en d'autres termes, qu'il n'y aurait au ciel personne que ne fût Juif. Renchérissant encore sur cette étroitesse de vues, les Pharisiens soutenaient que, hors de leur secte, le salut était impossible. Mais voici Jésus-Christ qui tient un tout autre langage : il affirme que de l'Orient et de l'Occident, il viendra des âmes au royaume de Dieu. C'est ainsi qu'il en viendra, n'en doutons pas, de ces lointaines contrées de la Chine, où le Seigneur semble actuellement ouvrir une si large porte à l'Evangile, il en viendra de notre vieille Europe comme de la jeune Amérique ; des régions tropicales de l'Australie comme des froides zones du Canada, de la Sibérie, de la Russie. De toutes les extrémités de la terre, il en viendra qui seront assis au banquet de Dieu.
     Mais outre ce sens naturel et que j'appellerai géographique, les paroles qui nous occupent me semblent avoir un sens figuré et spirituel. Selon moi, cette expression, l'Orient et l'Occident, désigne moins les points les plus reculés du globe, que cette classe d'âmes qui, en apparence, est, pour ainsi dire, aux antipodes du royaume de Dieu. Il y a tels pécheurs dans le monde, du salut desquels chacun désespère. On se dit - « A quoi bon raisonner avec eux ? Quel bien pourrait-on leur faire? Tout est inutile; ils sont trop dépravés, trop avilis, trop endurcis pour qu'ils puissent jamais être ramenés à Dieu. »
     O vous qui passez ainsi condamnation sur quelques-uns de vos semblables; sans vous douter qu'aux yeux de Celui qui juge justement, vous êtes peut-être plus coupable que le plus coupable d'entre eux, écoutez ce que dit Jésus-Christ dans les paroles de mon texte : Plusieurs viendront d'Orient et d'Occident et seront assis à table dans le royaume des cieux. Oui, sachez-le : des dernières limites du royaume de Satan, des derniers degrés de l'échelle du vice, plusieurs viendront qui feront partie de la multitude des rachetés, acquise au prix du sang de l'Agneau. Il y aura dans le ciel, plus d'un pécheur qui, à une époque de sa vie s'est plongé dans la fange des passions ; il y aura des intempérants, il y aura des femmes de mauvaise vie, qui, par la puissance de la grâce divine renoncèrent, ceux-ci à leur honteux excès celles-là à leurs débordements, et vécurent pendant le reste de leurs jours dans la tempérance, dans la justice et dans la piété.
     Vous souvient-il d'un remarquable incident du ministère du grand Whitefield ? Un jour prêchant devant un nombreux auditoire, il dit que « Jésus-Christ était prêt à sauver même les rebuts du diable, c'est-à-dire les âmes que Satan lui-même trouvait à peine assez bonnes pour lui. » Le service fini, son amie, lady Huntingdon, fit comprendre à l'éminent prédicateur que cette hardiesse de langage ne lui avait point semblé tout à fait convenable. A peine venait-elle de hasarder cette remarque, lorsqu'on vint dire à Whitefield que quelqu'un désirait lui parler. Il y va, et remonte un instant après. - « Madame, dit-il à lady Huntingdon, devinez qui m'attendait en bas ? C'était une pauvre femme, tombée au dernier degré de l'abjection. - Oh ! Monsieur Whitefield, m'a-t-elle dit, vous nous avez assuré que Jésus recevrait les âmes même qui sont comme les rebuts du diable, et moi je suis une de ces âmes !... » Cette parole fut le moyen de sa conversion.
     Que personne ne trouve donc mauvais si les serviteurs de Christ s'adressent aux péagers et aux gens de mauvaise vie. J'ai été accusé, je le sais, d'attirer autour de moi « la vile multitude ». A cela, je réponds: Que Dieu la bénisse, cette « vile multitude ! » Que Dieu la sauve par mon moyen, et je serai trop honoré ! D'ailleurs, si elle est « vile », comme on le dit, qui a plus besoin de l'Evangile qu'elle ? Qui a plus besoin que Christ lui soit annoncé ? Certes, ce qui manque dans notre siècle dégénéré, ce ne sont pas des prédicateurs du grand monde, ce sont des hommes qui portent la bonne nouvelle du salut à ceux que l'on appelle la lie du peuple.
     Pour ma part, je trouve dans cette déclaration de mon texte : Plusieurs viendront d'Orient et d'Occident, un puissant encouragement à annoncer l’Évangile aux plus grands des pécheurs. Je crois, ainsi que je l'ai déjà dit, qu'à l'exception de ceux qui ont commis le péché contre le Saint-Esprit (Note des éditeurs: Si le péché contre le Saint-Esprit est un obstacle insurmontable au salut, c'est parce qu'il rend la repentance impossible.) , il n'est pas d'homme sur la terre assez éloigné de Dieu pour que la grâce ne puisse l'atteindre. Je crois qu'il n'est pas jusqu'à l'un de ces malheureux, opprobre de l'espèce humaine, flétris, dégradés, abrutis presque par le vice, qui, par un effet de la souveraine miséricorde, ne puisse briller un jour dans la gloire, comme la splendeur de l'étendue. Trouvez-moi donc le dernier, le plus vil des pécheurs, je ne dédaignerai point de lui prêcher l'Evangile, car je sais que son âme immortelle est susceptible de salut, et de plus, je me souviens de cet ordre de mon Maître : Va dans les chemins et le long des haies, et presse d'entrer ceux que tu trouveras, afin que ma maison soit remplie. - Plusieurs viendront d'Orient et d'Occident, et seront assis à table au royaume» des cieux, avec Abraham, Isaac et Jacob.
     Il y a un mot encore dans ce beau passage sur lequel je désire attirer votre attention, avant de passer outre. Observez qu'il n'est pas dit : Ils pourront venir, ou : Ils viendront peut-être, mais : ILS VIENDRONT. Oh ! que j'aime ces affirmations si pleines, si positives de mon Dieu ! De la part d'un homme, affirmer, c'est presque une dérision. Il promet, et le plus souvent il ne peut tenir sa promesse, ; il jure, et le plus souvent il viole son serment. Mais avec Dieu, quelle différence ! S'il dit : « Je ferai », il fera ; s'il affirme une chose, elle a lieu. Or, il déclare ici que plusieurs viendront dans son royaume et quand même Satan s'écrierait avec rage « Ils n'iront pas ! » - quand même leurs propres péchés leur diraient : « Vous ne pouvez y aller ! » - bien plus, quand ils diraient résolument en leur cœur : « Nous ne voulons pas y aller ! » ILS IRONT, car Dieu l'a dit.
     - Oui, parmi ceux-là même qui aujourd'hui se moquent du salut et insultent à l’Évangile, il en est, je ne crains pas de le dire, qui, tôt ou tard, seront amenés captifs à l'obéissance de Jésus-Christ. « Mais quoi ? s'écrient peut-être quelques-uns de mes auditeurs, Dieu peut-il faire de nous des chrétiens ? » Oui, vous dis-je, et c'est précisément là qu'éclate l'admirable puissance de l’Évangile. La grâce divine ne sollicite pas le consentement de l'homme, mais elle l'obtient ; elle ne lui demande pas s'il la veut, mais elle lui donne de la vouloir ; elle ne s'impose pas à lui, mais elle transforme tellement sa volonté, que, reconnaissant sa valeur, il se prend à soupirer après elle, et la poursuit jusqu'à ce qu'il l'ait atteinte.
     Et comment expliquer autrement la conversion de tant d'incrédules, qui avaient dit à une époque de leur vie : « Jamais nous n'aurons rien à faire avec la religion » ? On raconte qu'un jour un impie déclaré entra dans un lieu de culte pour entendre les chants sacrés, et qu'aussitôt que le ministre prit la parole, il mit les doigts dans ses oreilles, déterminé à ne pas écouter. Mais au bout de quelques instants, voici qu'un petit insecte vient se poser sur son visage, ce qui l'oblige, pour le chasser, à déplacer une de ses mains. A ce même moment, le ministre prononçait ces paroles : Que celui qui a des oreilles pour ouïr entende. Surpris, remué dans sa conscience, l'incrédule écoute, et Dieu touche son coeur à salut. En sortant, il était un nouvel homme. L'impie se retira pour prier ; le railleur alla verser des larmes de contrition. Celui qui était entré d'ans la maison de Dieu par manière de passe-temps retourna chez lui, pressé de rechercher la communion de son Créateur. Le sceptique devint croyant ; le pécheur devint un saint
     - Et la transformation qui s'est produite chez cet homme peut se produire également chez tous. La grâce divine, je le répète, n'a pas besoin de votre consentement préalable : elle saura vous donner la volonté et l'exécution selon son bon plaisir. Du coeur le plus rebelle qui s'écrie dédaigneusement : « Je n'ai que faire de l’Évangile », elle peut, quand elle le veut, faire surgir cette humble supplication : « Seigneur, sauve-moi, ou je péris ! »
     Mais peut-être pensez-vous que vous pouvez vous convertir sans que votre âme subisse l'action prévenante de la grâce de Dieu. Erreur, erreur funeste, mes amis. Supposons qu'en cet instant même Jésus-Christ se présentât au milieu de nous ; quel accueil pensez-vous que lui ferait le plus grand nombre?
    Nous le couronnerions roi », me répondez-vous. Hélas ! je n'en crois rien ; je suis persuadé, au contraire, que la plupart d'entre vous le crucifieraient de nouveau, s'ils en avaient l'occasion. Oui, se tint-il là, devant vous, et vous dit-il : « Me voici, je vous aime », pas un de vous, abandonné à sa propre volonté, ne répondrait à ses avances. Fixât-il sur vous un de ces puissants regards capables de dompter les lions mêmes ; vous parlât-il avec cette voix d'où se sont échappés des flots d'une incomparable éloquence, pas un de vous, laissé à lui-même, ne deviendrait son disciple.
       Ce qu'il faut, pour fléchir les résistances de notre coeur c'est la puissance de la grâce, c'est l'influence du Saint-Esprit. Nul ne peut venir à moi, a dit Jésus-Christ, si le Père qui m'a envoyé ne l'attire. Mais une fois que de pauvres pécheurs ont éprouvé ces attraits divins, oh ! alors, ils viennent, ils accourent de l'Orient et de l'Occident. Que le monde s'agite, que le monde se moque, il n'empêchera pas le Fils de Dieu de recueillir le fruit de ses souffrances et de sa mort. Si, parmi vous, il est des âmes qui le rejettent, d'autres l'accepteront ; s'il en est qui seront perdues, d'autres seront sauvées. Quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, Jésus-Christ se verra de la postérité ; il prolongera ses jours et le bon plaisir de l’Éternel prospérera dans sa main. Quand le ciel, la terre et l'enfer se ligueraient ensemble, ils ne sauraient retenir loin de Jésus une seule des âmes que le Père lui a données !
      Et maintenant, toi, mon frère, qui te reconnais le premier des pécheurs, écoute-moi : je suis chargé d'un message pour toi de la part de Jésus. Il y a une âme dans cette assemblée qui se juge la plus indigne qui ait jamais existé. Il y a une âme qui se dit à elle-même : « Je ne suis pas digne que Christ m'appelle à lui..... » Âme ! c'est toi que j'appelle ! Toi, vile, souillée, misérable, aujourd'hui, en vertu de l'autorité que j'ai reçue de Dieu, je te presse d'aller à mon Sauveur ! Il t'invite par ma voix, il te cherche, il veut te sauver. Hâte-toi donc. Jette-toi à ses pieds. Touche le sceptre de sa miséricorde, afin que tu vives. Va, essaie de mon Sauveur, essaie de mon Sauveur, te dis-je ! Que s'il te rejette après que tu l'as cherché, publie en enfer qu'il a failli à ses promesses ! Mais non, cela ne sera pas, cela ne peut pas être ! Jamais Dieu ne mettra dehors celui qui vient à lui, car ce serait déshonorer son alliance de grâce. Il ne repoussera pas un seul pécheur repentant, aussi longtemps qu'il sera écrit dans sa Parole : Plusieurs viendront d'Orient et d'Occident et seront assis à table, au royaume des cieux, avec Abraham, Isaac et Jacob.

II
     La seconde partie de mon texte est navrante. Autant il m'a été doux de parler sur la première, autant mon coeur se serre devant la pénible tâche qui se présente maintenant à moi. Mais, comme je vous l'ai dit en commençant, les vérités de la Bible doivent être annoncées, qu'elles soient sombres ou lumineuses. Dieu me garde d'imiter jamais ce lâche ministre de la Parole, qui disait un jour à son auditoire : Ceux qui n'aiment pas le Seigneur Jésus-Christ iront dans ce lieu que la politesse me défend de nommer. » Que, penseriez-vous de moi, mes amis; si, voyant une maison en flammes, je disais avec affectation : « J'estime que l'opération de la combustion s'accomplit ici près ? » Ne devrais-je pas bien plutôt crier de toutes mes forces : « Au feu ! au feu ! » de manière à être compris par tout le monde ? De même, lorsque la Bible parle des ténèbres du dehors, de la perdition éternelle, moi, prédicateur de l’Évangile, dois-je jeter un voile sur cette effrayante vérité, dois-je chercher à l'adoucir par des formes de langage ? A Dieu ne plaise ! Serviteur de Christ, je dois vous exposer clairement tout le conseil de mon Maître.
         Encore une fois, je le reconnais, la déclaration qui va nous occuper est terrible au plus haut point : Les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors ; il y aura là des pleurs et des grincements de dents.
        Et d'abord, qui sont ces enfants du royaume Je vais vous le dire. Autrefois, c'étaient les Juifs ; aujourd'hui, ce sont ces gens qui possèdent toutes les apparences de la piété, mais qui n'ont rien de ce qui constitue sa force ; ces gens, que vous pouvez voir tous les dimanches, leurs Bibles et leurs Psaumes à la main, se rendant à leur lieu de culte, posément, gravement, dévotement ; ces gens enfin qui se persuadent que leur salut est une chose hors de doute, ne considérant pas que leur piété n'est qu'un pur formalisme, où le coeur n'entre pour rien. Voilà quels sont les enfants du royaume. Ils ne possèdent ni grâce ni vie ; Christ n'habite point en eux ; aussi seront-ils jetés dans ténèbres de dehors.
        En second lieu, ces mots : enfants du royaume, peuvent s'appliquer à ceux qui ont joui de grands privilèges spirituels, et plus particulièrement aux enfants de parents chrétiens. Vous êtes des enfants du royaume, vous, mes chers auditeurs, à qui Dieu accorda l'inestimable bienfait d'avoir une pieuse mère. Ne vous souvient-il pas du temps où, vous prenant sur ses genoux, elle vous enseignait à bégayer le saint nom de Dieu, où elle vous conjurait de marcher dans les voies de la piété ? Et cependant, vous êtes encore, pour la plupart, sans grâce dans le coeur, sans espérance pour l'éternité ! Vous descendez, tête baissée, vers l'enfer ! Peut-être même tel d'entre vous a-t-il brisé le coeur de celle qui lui donna le jour. Oh ! qui pourrait dire ce qu'elle a souffert, cette tendre mère, pendant les nuits de débauche du fils de ses prières !...
       Comprenez-vous, enfants du royaume, combien votre culpabilité sera aggravée, si vous périssez malgré les larmes et les supplications d'une mère chrétienne ? Pour ma part, je crois que s'il y a un damné parmi les damnés, ce sera le fils rebelle qui descendra dans l'abîme, poursuivi par le souvenir des prières de son père et le front encore humide des larmes de sa mère. Jeunes gens et jeunes filles qui m'écoutez, il en est très probablement parmi vous (ô désolante pensée !) dont le sort sera tel ; il en est qui, des ténèbres du dehors où ils seront précipités, apercevront leurs parents dans la gloire et rencontreront leur regard de reproche qui semblera leur dire : « Après tout ce que nous avons fait pour vous, comment êtes-vous tombés si bas ? »
       Enfants du royaume ! vous que Dieu a véritablement traités comme des fils privilégiés; puisqu'il vous a entourés dès votre berceau de moyens de grâce et de salut, ne vous flattez pas d'être sauvés par cela seul que vous avez reçu une éducation chrétienne, contracté certaines habitudes religieuses, respiré dans votre famille une atmosphère de piété. Ne vous flattez pas que la ferveur d'une mère, que la sainteté d'un père vous soient imputées. Ne vous flattez pas même que les requêtes qu'ils ont adressée à Dieu en votre faveur, vous servent de laissez-passer à la porte du paradis. Non, le salut ne s'obtient que par des efforts personnels. Il ne vous sera pas demandé au dernier jour : « A-t-on prié pour toi ? » mais bien : As-tu prié pour toi-même ? Les supplications amoncelées de vos parents, jusqu'à la troisième et quatrième génération, atteignissent-elles les nues, qu'il ne vous serait pas possible d'en faire usage comme d'un marchepied pour escalader le ciel. Si vous ne possédez une piété vivante et expérimentale, vous serez perdus, tous vos amis fussent-ils mille fois sauvés.
      - Bien solennel est le songe qu'eut une fois une pieuse mère et qu'elle raconta à ses enfants. Elle rêva que le jour du jugement était venu. Les grands livres sont ouverts. Toute l'humanité est devant Dieu. Elle-même, entourée de ses enfants, se tient debout au milieu de la grande assemblée. Tout à coup, la voix du Seigneur Jésus se fait entendre : « Séparez la balle du froment, s'écrie-t-il. Placez les brebis à ma droite et les boucs à ma gauche. » Aussitôt, un ange s'avance en disant : « La mère est une brebis : elle doit aller à la droite ; les enfants sont des boucs : leur place est à la gauche. » - Alors il semble à cette mère que ses enfants cherchent à la retenir. « Mère, mère, ne nous quitte pas ! » s'écrient-ils avec angoisse. Et elle, les enlaçant de ses bras, leur répond avec larmes : « Mes enfants, que ne puis-je vous prendre avec moi ?... » Mais à cet instant, l'ange la touche ; et soudain ses larmes se sèchent. Une force surnaturelle lui est donnée ; les liens du sang perdent leur empire, et n'ayant plus d'autre volonté que celle de Dieu : « Mes enfants, dit-elle, je vous ai élevés chrétiennement ; je vous ai pressés de marcher dans les sentiers du Seigneur ; vous ne l'avez pas voulu : maintenant que puis-je faire, si ce n'est de dire AMEN à votre condamnation ?... »
        - Jeune homme, jeune fille, qui vivez loin de Dieu, qu'éprouverez-vous, je vous le demande, si ce songe devient jamais pour vous une affreuse réalité ? Qu'éprouverez-vous si au dernier jour vous entendez des voix bien connues, la voix de votre père, la voix de votre mère, prononcer un solennel « Amen ! » à cette terrible sentence portée contre vous : Allez, maudit au feu éternel, préparé au diable et à ses anges? En vérité, en vérité, je vous le dis, enfant du royaume, les mangeurs et les buveurs, les péagers et les gens de mauvaise vie vous devancent au royaume de Dieu ! De grands criminel qui auront pleuré sur leurs péchés au pied de la croix de Jésus, seront sauvés ; des impie des blasphémateurs, des pécheurs scandaleux convertis par la grâce de Dieu, seront sauvés tandis que plusieurs d'entre vous seront jetés dehors, simplement parce qu'ils n'auront pas voulu donner leur coeur au Seigneur Jésus-Christ, ni accepter franchement son Evangile.
Et ne sera-ce pas pour vous la douleur des douleurs, le supplice des supplices, -l'enfer de l'enfer, que de voir le premier des pécheur couché dans le sein d'Abraham, tandis que vous enfants du royaume, fils aînés de la maison, que Dieu avait fait naître, pour ainsi dire, au seuil même du ciel, serez au nombre des réprouvés ?...
           Mais prêtez-moi quelques instants encore votre attention, car je dois entreprendre la lamentable tâche de vous décrire le sort affreux réservé à ceux qui vivent et meurent loin de Dieu. Jésus-Christ nous dit qu'ils seront jetés dans les ténèbres du dehors ; là il y aura des pleurs et des grincements de dents.
           Remarquez, en premier lieu, qu'il n'est pas dit : Ils iront, mais : Ils seront jetés. Je me représente un enfant du royaume, un hypocrite, un formaliste, arrivant à la porte du ciel. La souveraine justice, le reconnaissant à l'instant, ordonne à un ange de le saisir et de l'envoyer en son lieu. Aussitôt l'ange obéit, il le lie pieds et mains, et le tient suspendu au-dessus de l'abîme. Le malheureux frémit, son coeur défaille, ses os se fondent comme de la cire. Il cherche à mesurer du regard le gouffre béant, le gouffre sans fond qui va l'engloutir. Il entend des soupirs, des gémissements, des cris de désespoir qui s'échappent de ce gouffre... Où est maintenant ta force tant vantée, ô pécheur ? Où est ton audace, ton orgueilleuse assurance ? Tu trembles, tu pleures, tu demandes grâce, mais il est trop tard ! L'ange ouvre sa main, et tu tombes, tu tombes, tu tomberas éternellement, de profondeur en profondeur, d'abîme en abîme, sans jamais trouver un lieu où tu puisses asseoir la plante de ton pied ! Tu seras jeté dans les ténèbres du dehors...
       Et que signifie cette expression : les ténèbres du dehors ? Dans le langage scripturaire, le mot lumière doit se prendre, en général, dans le sens d'espérance ; d'où il s'ensuit naturellement que par ténèbres du dehors, nous devons entendre un lieu d'où l'espoir est à jamais banni. - Y a-t-il un homme vivant qui ait cessé d'espérer ? Je ne le pense pas. Peut-être l'un de vous a-t-il contracté des dettes ; ses créanciers le menacent de saisir tous ses biens ; mais n'importe ! il dit : « Je, suis dans un mauvais pas, c'est vrai ; cependant je puis en sortir, tout n'est pas perdu ; j'espère. »
         - Un autre est à la veille de voir son commerce ruiné. « J'en suis profondément affligé, dit-il ; mais après tout, j'ai de bons bras, je travaillerai, la fortune peut encore me sourire ; j'espère. »
        - Un troisième dit à son tour : « De pénibles soucis m'assiègent en ce moment, mais j'espère que Dieu me viendra en aide. »
      - « Quant à moi, reprend un quatrième, j'ai un ami gravement malade ; à vues humaines, son état est désespéré ; toutefois, j'espère qu'une crise favorable se déclarera enfin. »
       C'est ainsi que dans ce monde, chacun espère. Mais en enfer, on n'espère plus. Les damnés n'ont pas même l'espérance de mourir, l'espérance d'être anéantis. Ils sont irrévocablement, éternellement perdus. Sur chaque chaîne de l'enfer sont gravés ces mots : POUR TOUJOURS ! Le feu de l'enfer inscrit de toutes parts en caractères flamboyants, ces mêmes mots : POUR TOUJOURS ! Les yeux des damnés sont comme brûlés par la vue de ce fatal arrêt qui renouvelle incessamment leur désespoir : POUR TOUJOURS !
         Oh ! si je pouvais vous annoncer aujourd'hui que l'enfer serait un jour détruit, que ceux qui y sont détenus seraient finalement sauvés, il me semble que les régions infernales tout entières tressailliraient d'allégresse ! Mais non ! je ne le puis pas.. Je: dois vous dire, au contraire, que les enfants du royaume seront jetés pour toujours dans les ténèbres du dehors.
      Mais j'ai hâte d'en finir, car quel est l'homme qui aurait le courage d'entretenir longtemps ses semblables sur de tels sujets ?... Cependant, il faut que je poursuive ma tâche jusqu'au bout. - Que fait-on en enfer ? Mon texte nous l'apprend : Il y a des pleurs et des grincements de dents. On ne grince les dents, vous le savez, que lorsqu'on est en proie à une vive souffrance, ou sous l'impression d'une grande colère. Eh bien ! en enfer, il y a des grincements de dents perpétuels. Savez-vous pourquoi ? Un damné grince des dents contre un autre damné, et murmure: « C'est toi, misérable, qui m'as conduit ici ! C'est toi qui m'entraînas dans la voie du vice ! » Et l'autre lui répond, en grinçant des dents à son tour : « Qu'as-tu à me reprocher ? N'est-ce pas ton exemple qui par la suite m'incita à m'enfoncer toujours plus dans l'iniquité ? » Une fille grince des dents contre sa mère, en lui disant : «Tu m'as perdue corps et âme ! » et la mère, grinçant des dents contre sa fille; répond : « Je n'ai point de pitié pour toi, car tu m'as surpassée en débauche. » Des pères grincent des dents contre leurs fils, et des fils contre leurs pères. Et s'il y a des damnés qui grincent des dents avec plus d'amertume que tous les autres, il me semble que ce doit être les lâches séducteurs qui entendent la voix de celles qu'ils détournèrent jadis du sentier de la vertu, leur criant sans cesse avec une horrible ironie : « Ah combien nous sommes heureuses de vous voir souffrir autant que nous !...
        Mais en voilà assez. Détournons nos yeux de cet épouvantable spectacle. Qui voudrait le contempler plus longtemps ?... Je vous ai avertis solennellement, mes chers auditeurs. Je vous ai parlé de la colère à venir. Les ombres du soir s'avancent, - la nuit approche, - le matin de l'éternité va paraître.
        - Il va paraître pour vous, vieillards, que j'aperçois au milieu de cette assemblée : dans quel état vous trouvera-t-il ? Vos cheveux blancs sont-ils pour vous une couronne d'honneur, ou bien avez-vous attiré sur eux le mépris et la risée de tous ? Etes-vous au seuil du ciel, ou bien votre pied chancelant tremble-t-il déjà au bord de l'abîme ? Pauvres vieillards, au front ridé, à la démarche vacillante, voulez-vous donc franchir le dernier pas qui vous sépare de la perdition ? Celui qui vous parle n'est, il est vrai, pour les années que comme un enfant auprès de vous ; toutefois, souffrez qu'en cet instant il vous arrête et vous supplie de réfléchir. Déjà le bâton qui vous soutient ne rencontre plus de point d'appui ; la terre cède sous vos pieds..... Oh ! avant qu'il soit trop tard, rentrez en vous- mêmes et considérez vos voies ! Que soixante-dix années passées dans le péché se dressent devant vous. Que les fantômes de vos transgressions sans nombre se rangent en bataille sous vos yeux. Que comptez-vous faire, je vous le demande, lorsque ces soixante-dix années perdues sans retour, ces soixante-dix années de rébellion contre Dieu, comparaîtront avec vous devant le tribunal suprême ? Oh ! vieillards, vieillards, que Dieu vous donne de vous repentir aujourd'hui même et de placer votre confiance en Jésus !
           Et vous, hommes de l'âge mûr, vous n'êtes pas en sûreté non plus. Pour vous aussi, les ombres du soir approchent à grands pas. D'un instant à l'autre, la mort peut vous frapper. Il y a quelques jours à peine, je fus mandé de grand matin auprès du lit d'un mourant : c'était un homme dans la force de l'âge, naguère encore plein de vigueur et de santé. Je me rendis en toute hâte à sa demeure ; mais lorsque j'entrai, je ne trouvai plus qu'un cadavre. Ce qui est arrivé à cet homme peut arriver à chacun de vous, mes amis. Vous n'avez aucune garantie, aucune donnée certaine touchant la durée de votre existence. Demain, vous pouvez mourir. Permettez-moi donc de vous parler au nom des compassions de Dieu. Permettez-moi de m'adresser à vous, comme un frère s'adresserait à ses frères. Je vous aime, vous le savez ; c'est pourquoi je voudrais que mes paroles pénétrassent dans votre coeur. Oh ! quelle bénédiction, quelle joie ineffable que d'être du nombre de ces plusieurs qui, pour l'amour de Christ, seront admis au royaume des cieux ! Eh bien ! cette joie, cette bénédiction, vous pouvez les obtenir ; car Dieu a déclaré que quiconque l'invoquera sera sauvé. Il ne mettra dehors aucune âme qui s'approchera de lui par Christ.
          Un mot à vous aussi, jeunes gens et jeunes filles. Vous pensez, peut-être, que la piété ne vous concerne point. « Jouissons de la vie, dites-vous ; soyons gais, soyons joyeux. » Et jusques à quand, jeune. homme, jusques à quand comptes-tu marcher comme ton cœur te mène ? « Jusqu'à vingt et un an », dira l'un -, « jusqu'à trente. », dira l'autre. Mais que sais-tu, mon frère, si tu atteindras jamais cet âge ? D'ailleurs, en admettant que tu y arrives, souviens-toi que si aujourd'hui tu ne veux pas ouvrir ton cœur à la grâce de Dieu, tu le voudras bien moins alors.
        Le cœur humain, laissé à lui-même, ne se bonifie pas ; tout au contraire. Il est semblable à un jardin ; si vous souffrez qu'il reste inculte et que vous permettiez aux mauvaises herbes de s'y multiplier, son état ira tous les jours en empirant. A entendre les hommes, on dirait, en vérité, qu'ils peuvent se repentir quand il leur plait. Ah ! la véritable repentance n'est pas une oeuvre si facile ; c'est Dieu qui doit la produire en nous, et malheur à celui qui laisse passer le jour de sa visitation ! Au lieu donc de répéter avec une présomptueuse confiance : « Je me convertirai à telle oui elle époque », que le langage de votre coeur soit celui-ci : « Je veux aller à Dieu aujourd'hui même et lui demander de faire son oeuvre en moi, de peur que je ne meure dans mon impénitence. »
         Que vous dirai-je encore, mes chers auditeurs ? Je vous ai parlé du ciel et de l'enfer désirez-vous sérieusement échapper à l'un et parvenir à l'autre ? Dans ce cas, écoulez cette simple parole, qui vous indique ce que vous avez à faire pour atteindre ce double but : Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé. Mais il me semble entendre quelques-uns de vous m'interpeller en ces termes : « Prédicateur de l’Évangile, tu en reviens toujours aux mêmes doctrines. N'as tu donc rien de nouveau à nous annoncer ? La foi, toujours la foi, c'est le refrain de tous tes discours. » - Non, mes amis, non, je n'ai absolument rien à vous annoncer que le vieil Évangilel’Évangile toujours le même, parce qu'il est toujours vrai, l’Évangile qui se résume tout entier dans cette seule déclaration : Celui qui croira sera sauvé. Or, qu'est-ce que croire ? C'est se confier entièrement en Jésus. Pierre croyait, Pierre se confiait en son divin Maître lorsqu'il lui fut donné d'aller à sa rencontre en marchant sur les flots ; et si un moment il commença à enfoncer, c'est parce qu'à ce même moment sa foi commença à défaillir. Et de même que Jésus avait dit à Pierre : « Viens, marche sur la mer, n'aie point de peur » ; de même, il te dit, pauvre pécheur : « Viens à moi, marche sur tes péchés, ne crains rien. » Aie donc foi à la parole de Christ, et tu seras rendu capable de fouler tes péchés aux pieds, tu les subjugueras, tu triompheras sur eux.
        - Il me souvient du temps où, moi qui vous parle, je me rencontrai, pour la première fois, face à face avec mes iniquités. Je me crus le plus grand des pécheurs, le plus maudit des hommes. Je n'avais pas commis, il est vrai, ce que le monde appelle des fautes criantes ; mais je me souvenais qu'ayant plus reçu que les autres, il me serait aussi plus redemandé. Mon salut me semblait presque une impossibilité ; toutefois, je priais, je demandais grâce ; mais mois après mois s'écoulait sans que je reçusse de réponse à mes prières. Parfois, j'étais si las de ce monde que je souhaitais la mort ; mais ensuite, je songeais au monde à venir et je frémissais d'effroi. Tantôt mon méchant coeur me suggérait la pensée que Dieu devait être un tyran sans entrailles, puisqu'il ne répondait pas à mes cris ; et tantôt, humilié dans le sentiment de mes démérites, je reconnaissais que s'il m'envoyait en enfer, il ne serait que juste.
       J'étais dans cet état, lorsqu'un jour j'entrai dans un lieu de culte. Le prédicateur - (que je n'ai jamais revu depuis lors et que je ne reverrai probablement que dans le ciel) - ouvrit la Bible et lut ces paroles d'Esaïe Vous tous les bouts de la terre, regardez vers moi et soyez sauvés. Puis, se tournant de mon côté, comme s'il m'eût distingué au milieu de la foule, il répéta par trois fois, d'une voix impressive, ce mot : Regardez, regardez, regardez ! Et moi, qui jusqu'alors m'étais persuadé que pour me sauver j'avais tant à faire, je découvris enfin qu'il ne s'agissait que de regarder ! Moi, qui avais cru que je devais me tisser laborieusement un vêtement pour cacher les souillures de mon âme, je compris que Christ, en échange d'un seul regard, me couvrirait d'un manteau royal !
       - Oui, regarder à Jésus, voilà, pécheur, ce qu'est le salut. Tu n'as, pour être sauvé, qu'à regarder à la croix, tout comme les Israélites dans le désert n'avaient qu'à élever leurs yeux vers le serpent d'airain pour être guéris de leurs blessures.
       Regarde donc à Jésus, mon frère. Jésus seul peut faire du bien aux pécheurs. Regarde à lui avec la simplicité d'un petit enfant. Ne crains point ; il ne trompera pas ton attente. Tu ne saurais jamais te confier avec trop d'abandon en mon charitable Maître.
      Et maintenant, mes chers auditeurs, laissez-moi vous supplier en finissant, comme je l'ai déjà fait en commençant, de peser attentivement mes paroles. Demandez-vous quel est votre état spirituel, et puisse le Saint-Esprit vous révéler que vous êtes par nature morts, perdus, condamnés ! Puisse-t- il vous faire sentir combien c'est une chose terrible que de tomber en enfer, et vous donner la sainte ambition de parvenir à la gloire du ciel ! Et comme autrefois l'ange qui pressait Lot de s'enfuir de Sodome, puisse ce même Esprit vous presser, vous prendre par la main et vous dire de sa voix puissante : Hâte-toi ! sauve ta vie ! ne regarde pas en arrière, de peur que tu ne périsses !
     Oui, hâtez-vous, hâtons-nous. Et Dieu veuille qu'au grand jour de l'éternité nous nous retrouvions tous dans la félicité des cieux !