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Yves PETRAKIAN
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(tiré
du livre LES SERMONS DE WESLEY -1- )
Jérémie
23,6 (1765)
C'est ici le nom dont on l'appellera : L'Eternel notre justice. (Jean 23 : 6)
Combien de querelles, et quelles épouvantables querelles, il y a eu ici-bas à propos de religion ! Et Cela non pas seulement parmi les enfants du monde, parmi ceux qui ignorent ce qu'est la vraie religion, mais encore parmi les enfants de Dieu eux-mêmes, parmi ceux qui ont éprouvé que « le règne de Dieu est au-dedans de nous (Lu 17 : 21) », qui ont connu « la justice, la paix et la joie par le Saint-Esprit (Romains 14 : 17) ». Combien d'entre ces derniers, et dans tous les siècles, au lieu de s'unir contre l'ennemi commun, ont tourné leurs armes les uns contre les autres, et ainsi non seulement gaspillé un temps précieux, mais encore affaibli les bras de leurs frères, et, de cette façon, entravé l'oeuvre si importante de leur commun Maître ! Que de fois les faibles ont été scandalisés par cette conduite, les impotents spirituels égarés, les pécheurs encouragés à ne tenir aucun compte de la religion et à mépriser ceux qui en font profession ! Et que de fois « les saints qui sont sur la terre ; (Psaume 16 : 3) » ont dû « pleurer en secret (Jean 13 : 17) ; » sur cet état de choses !
Quiconque
aime Dieu et le prochain donnerait tout au monde, souffrirait quoi
que ce soit, pour apporter remède à ce grand mal, pour arrêter
les disputes entre enfants de Dieu, pour rétablir et maintenir
entre eux la paix. En vue de résultats si désirables, il pourrait
tout sacrifier, sauf la possession d'une bonne conscience. Mais
s'il ne nous est pas possible à cet égard de « faire cesser
les guerres jusqu'au bout de la terre (Psaumes 46 : 10) », si
nous ne pouvons pas rapprocher les uns des autres tous les
enfants de Dieu, que du moins chacun de nous fasse ce qu'il pourra ;
qu'il contribue, ne fût ce que ses deux pites à cette oeuvre
excellente. Bienheureux ceux qui aident tant soit peu à faire régner
« paix et bienveillance parmi les hommes (Luc 2 : 14) », et surtout
parmi les hommes de bien, parmi ceux qui sont enrôlés sous le
drapeau du « Prince de la paix » (Esaïe 9 : 5), et
conséquemment tenus d'avoir, « autant qu'il dépend d'eux, la
paix avec tous les hommes (Romains 12 : 18) ».
On
se serait considérablement rapproché du but, si l'on pouvait amener
les gens de bien à s'entendre. Nombre de querelles viennent de
simples malentendus. Il arrive souvent que ni l'une ni l'autre
des parties ne comprend la pensée de ceux avec lesquels elle est en
désaccord ; et il en résulte qu'elles s'attaquent violemment,
lorsqu'il n'y a entre elles aucun motif sérieux de division.
Mais
il n'est pas toujours facile d'en convaincre les personnes
intéressées, surtout si la passion s'en mêle ; c'est alors
chose bien malaisée, et pourtant pas impossible, pourvu que nous
l'entreprenions en nous confiant, non point en nous- mêmes,
mais en celui à qui tout est possible. C'est lui qui
peut promptement dissiper les nuages, répandre la lumière dans
les cœurs et les rendre capables de se comprendre et
de comprendre « la vérité qui est en Jésus (Ephésiens 4 : 21) ».
Les
paroles de notre texte expriment un des points les plus importants de
cette vérité : « C'est ici le nom dont ou l'appellera
: L’Éternel notre justice ». Voilà, en effet, une
vérité qui fait partie de l'essence même du
christianisme qui en soutient tout l'échafaudage. On peut, à coup
sûr, dire d'elle ce que Luther disait d'un autre article de foi
qui se rattache étroitement à celui-ci, que c'est « articulus
stantis vel cadentis ecclesiae »
, une doctrine avec laquelle l'Eglise se tient debout ou tombe.
C'est bien certainement la colonne et la base de cette foi qui seule
procure le salut, de cette foi catholique ou universelle, qu'on
trouve chez tous les enfants de Dieu et que nous devons conserver
« pure et sans tache » (Jacques 1 : 27), si nous ne voulons pas
périr éternellement.
Ne
semblerait-il pas naturel et raisonnable que tous ceux qui invoquent
le nom de Christ fussent d'accord sur ce point, quelles que
soient leurs différences de vues à d'autres égards ? Hélas !
qu'il est loin d'en être ainsi ! Il n'y a presque pas de
question sur laquelle ils s'entendent moins, sur laquelle ceux
qui professent de suivre Jésus-Christ paraissent aussi absolument
éloignés et incapables de s'entendre. Je dis paraissent ; car
je suis convaincu que, dans bien des cas, leurs divergences ne
sont qu'apparentes. Entre eux il y a plutôt différence de mots que
de sentiments ; ils sont plus rapprochés par la pensée que par
le langage. Mais il y a positivement une énorme différence de
langage, non seulement entre protestants et catholiques romains, mais
entre protestants et protestants, voire même entre ceux qui
professent de croire également à la justification par la foi,
et qui sont, du même avis sur toutes les autres doctrines
fondamentales de l’Évangile.
Si
les chrétiens sont séparés ici plutôt par leurs opinions que par
leurs expériences, plutôt même par les expressions qu'ils
emploient que par les opinions qu'ils ont, comment se fait-il que
les enfants de Dieu se disputent aussi violemment sur cette
question ? On peut expliquer leur conduite par diverses raisons.
La principale, c'est qu'ils ne se comprennent pas réciproquement ;
ajoutez à cela qu'ils tiennent trop exclusivement à leur
opinion et à leur façon particulière de l'exprimer.
Pour
écarter, en quelque mesure du moins, ces obstacles et pour arriver à
nous entendre sur ce point, je veux essayer, avec l'aide du
Seigneur, de montrer d'abord ce qu'est la justice de Christ ;
et ensuite à quel moment et dans quel sens elle nous est
imputée ; puis je me propose de conclure par une application
brève et directe.
I
Qu'est-ce que la justice de Christ ? Elle est double il y a sa justice divine et sa justice humaine. Sa justice divine fait partie de sa nature divine, en tant qu'il est « celui qui existe » (Apocalypse 1 : 4), celui « qui est Dieu au-dessus de toutes choses, béni éternellement (Romains 9 : 5) », l'Etre suprême, éternel, qui est « égal au Père, quant à sa divinité, bien qu'inférieur à lui par son humanité (Symbole de saint Athanase) ». Cette justice divine de Jésus-Christ consiste donc dans sa sainteté éternelle, essentielle, immuable, dans son équité, sa miséricorde et sa vérité qui sont infinies, tous attributs dans lesquels le Père et lui sont un.
Mais,
à mon sens, il n'est pas directement question ici de la justice
divine de Christ. Personne, peut-être,ne voudrait soutenir que cette
justice-là nous est imputée. Tous ceux qui croient à la
doctrine de l'imputation, appliquent ce terme exclusivement, ou
tout au moins principalement, à la justice humaine de Jésus.
La
justice humaine de Jésus appartient, à sa nature humaine, en tant
qu'il est le « seul médiateur entre Dieu et les hommes,
Jésus-Christ. homme (1 Timothée 2 : 5) » Elle peut se diviser en
justice intérieure et justice extérieure. Sa justice
intérieure était l'image de Dieu empreinte sur toutes
les facultés, sur tous les attributs de son âme. C'était la
reproduction de la justice divine, autant qu'elle peut se
communiquer à une âme humaine. C'était une fidèle image de la pureté
de Dieu, de son équité, de sa vérité, de sa miséricorde. En
Jésus cette justice embrassait aussi l'amour, le respect, la
soumission vis-à-vis de son Père, l'humilité, la débonnaireté,
la douceur, l'amour pour le genre humain perdu ; enfin, tous les
sentiments qui sont saints et célestes ; et chacun de ces sentiments
il le possédait dans sa plénitude, sans mélange de défauts ou
d'impuretés.
Ce
fut la moindre partie de sa justice extérieure qu'il ne fit rien de
mal, qu'il ne commit aucun péché dans sa conduite, qu' « il
ne s'est point trouvé de fraude dans sa bouche » (Esaïe 53 : 9, 1
Pierre 2 : 22), qu'il n'a jamais prononcé une parole
répréhensible, jamais accompli un acte répréhensible.
Tout
cela ne constitue qu'une justice négative, mais telle pourtant que
jamais elle n'a été, jamais elle ne peut être le partage d'un
autre homme né de femme. Mais la justice extérieure de Jésus
fut elle-même positive ; car « il a bien fait toutes choses
(Marc 7 : 37) ; » toutes les fois qu'il parla, toutes les fois
qu'il agit, ce fut pour faire exactement « la volonté de Celui qui
l'avait envoyé (Jean 4 : 34)».
Pendant
tout le cours de sa vie, il fit, la volonté de Dieu sur la terre
comme les anges la font dans le ciel. Chacun de ses actes et
chacune de ses paroles étaient toujours ce qu'il fallait qu'ils
fussent. Son obéissance fut complète et dans l'ensemble et
dans les détails : il accomplit « tout ce qui est juste
(Matthieu 3 : 15) ».
Mais
cette obéissance comportait bien plus que tout cela. Elle consista
pour lui, non seulement à agir ; mais aussi à souffrir, à
souffrir toute la volonté de Dieu, depuis le jour où il entra dans
le monde jusqu'à celui où il « a porté nos péchés en son
corps sur le bois (1Pierre 2 : 24) », et où, les avant pleinement
expiés, « il baissa la tête et rendit l'esprit. (Jean 19 : 30) ».
On désigne habituellement cette portion de la justice de Christ
sous le titre de justice passive, et le reste sous celui de
justice active. Mais puisque, en réalité, l'une n'a jamais été
séparée de l'autre, il est inutile que, soit en en parlant,
soit en y pensant, nous fassions cette distinction. C'est en
embrassant ce double aspect de la justice de Christ qu'il est,
appelé « l’Éternel notre justice ».
lI
Mais
à quel moment pouvons-nous dire en toute vérité :
« l’Éternel notre justice? » En d'autres termes,
quand est-ce que la justice de Christ nous est imputée, et dans quel
sens l'est-elle ?
En
passant le monde en revue, on découvre que les hommes sont tous ou
croyants ou incrédules. Les gens raisonnables ne contesteront
point la vérité de cette première assertion, que la justice
de Christ est imputée à tous les croyants, mais qu'elle ne
l'est pas aux incrédules.
Mais
quand est-elle imputée aux croyants ? Evidemment dès qu'ils croient
; dès ce moment la justice de Christ leur appartient. Elle est
imputée à quiconque croit et dès qu'il croit ; la foi et la
justice de Christ sont inséparables ; car si on croit selon la
parole de Dieu, on croit à la justice de Christ. Il n'y a de
vraie foi, de foi justifiante, que celle qui a la justice de Christ
pour objet.
Il
est vrai que tous les croyants pourront bien ne pas s'exprimer de la
même façon, ne pas parler un même langage. Il ne faut pas s'y
attendre, et il ne serait pas raisonnable de l'exiger. Mille
raisons peuvent les amener à employer des expressions
différentes — mais cette diversité d'expressions n'est pas
nécessairement le fruit d'une différence dans les sentiments. La
même pensée, exprimée par plusieurs individus, le sera dans
des termes différents par chacun d'eux. Il n'y a rien de plus
ordinaire
que cela ; mais on n'en tient pas suffisamment compte. Une même
personne, parlant du même sujet à deux époques un peu
éloignées, aurait bien de la peine à retrouver les
mêmes expressions, bien que ses sentiments n'aient pas changé.
Pourquoi donc voudrions-nous exiger que les autres se servissent
exactement des mêmes termes que nous ?
Faisons
encore un pas. Les autres hommes peuvent avoir non seulement un
langage différent du nôtre, mais même des opinions
différentes, et cependant « avoir eu en partage avec nous ; une
foi de même prix (2 Pierre 1 : 1) » Il peut se faire qu'ils ne
discernent pas exactement, la grâce dont ils jouissent ; leurs
idées peuvent être moins claires que les nôtres, sans que leurs
expériences religieuses soient moins réelles. On trouve de
grandes inégalités parmi les hommes au point de vue des
qualités morales, et surtout des facultés intellectuelles ; ces
inégalités naturelles sont encore accrues par les différentes
méthodes d'éducation. De fait, cela seul amène des différences
d'opinion presque incroyables sur divers sujets ; et pourquoi
pas sur celui-ci tout comme sur les autres ? Mais, bien qu'il y
ait, de la confusion et de l'inexactitude dans les idées et dans le
langage de certains hommes, il est très possible que leur coeur
soit attaché à Dieu en son Fils bien-aimé et qu'ils aient vraiment
part à sa justice.
Ayons
donc pour les autres toute l'indulgence que nous voudrions que l'on
eût pour nous si nous étions à leur place. Qui donc ne sait
(pour revenir encore à une des choses que nous avons dites), qui
ne sait quelle est la, grandeur de l'influence de l'éducation ? Et
qui oserait, connaissant cela, s'attendre à ce qu'un catholique
romain pensât ou parlât avec clarté sur ce sujet ? Et pourtant,
si nous avions pu entendre Bellarmin lui-même, mourant,
répondre à ceux qui lui demandaient lequel des saints il
voulait, implorer : « Fidere
meritis Christi tutissimum ;
le plus sûr est de se confier dans les mérites de Christ » ;
aurions-nous osé affirmer que ses vues erronées l'empêchaient
d'avoir part à la justice de Christ ?
Mais
dans quel sens cette justice est-elle imputée aux croyants ? Dans ce
sens que tous ceux qui croient sont pardonnés et reçus par
Dieu, non point à cause de quelque mérite qui est en eux ou
de quelque chose qu'ils ont faite, qu'ils font ou qu'ils
pourront faire ; mais entièrement et uniquement pour l'amour de
ce que Jésus-Christ a fait et a souffert pour eux. Je le répète :
ce n'est pas à cause de quelque chose qui est en eux ou qu'ils
ont faite, à cause de leur justice ou de leurs oeuvres. « Il nous
a sauvés, non à cause des oeuvres de justice que nous eussions
faites, mais selon sa miséricorde (Tite 3 : 4,5) ». — «Vous
êtes sauvés par grâce, par la foi ; ce n'est point par
les oeuvres, afin que personne ne se glorifie (Ephésiens 2 :
8,9) ». Nous sommes sauvés uniquement pour l'amour de ce que
Christ a fait et a souffert pour nous. Nous sommes « justifiés
gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui est en
Jésus-Christ (Romains 3 : 23) ». C'est par là que nous obtenons
la faveur de Dieu, et c'est par là aussi que nous la
conservons. C'est de cette façon que nous nous approchons
d'abord de Dieu, et c'est de la même façon que nous continuons à
le faire toute notre vie. C'est dans un seul et même « chemin
nouveau et vivant » (Hébreux 10 : 20) que nous marchons, jusqu'au
jour où notre esprit retourne à Dieu qui l'a donné.
Telle
est la doctrine que j'ai constamment crue et enseignée depuis près
de vingt-huit ans. Je l'annonçai à tout le monde en l'année
1738, et je l'ai fait de nouveau dix ou douze fois depuis
cette époque, en employant les termes suivants (ou d'autres qui
reviennent au même), tirés du recueil des Homélies de notre
Eglise (L'Eglise anglicane) : « Ces choses doivent nécessairement
se rencontrer dans notre justification : du côté de Dieu, sa
grande miséricorde et sa grande grâce ; du côté de Jésus,
la satisfaction donnée par lui à la justice divine ; de notre coté
enfin, la foi aux mérites de Christ. De telle sorte que, dans
notre justification, la grâce de Dieu n'exclut pas la justice
de Dieu, mais seulement celle de l'homme, comme cause méritoire de
notre justification ». -
«
Il est dit que nous sommes justifiés seulement par la foi, afin
d'exclure tout mérite provenant de nos oeuvres et d'attribuer à
Jésus-Christ seul tout le mérite de notre justification. Noire
justification découle gratuitement de la pure miséricorde de
Dieu. Car, lorsque le monde entier n'eût pu fournir la moindre
portion de notre rançon, il lui a plu, sans que nous l'eussions en
rien mérité, de nous préparer le corps et le sang de Christ
qui ont payé notre rançon et apaisé sa justice. Jésus-Christ
est donc maintenant, la justice de tous ceux qui croient
véritablement en lui ».
Les
cantiques que je publiai un an ou deux plus tard, et qui depuis lors
ont été réimprimés plusieurs fois (ce qui montre clairement
que mes sentiments n'ont pas changé), ces cantiques tiennent le même
langage. Si je voulais en citer tous les passages qui se rapportent à
ce sujet, il me faudrait transcrire ici une grande partie de ce
recueil. Il suffira d'en prendre pour échantillon un qui a
été réimprimé il y a sept, ans, puis il y a cinq ans, de
nouveau il y a deux ans, et enfin il y a quelques mois
De mon âme, ô Jésus, la robe sans défaut
Et
la beauté, ce sont ton sang et ta justice.
Si
j'en suis revêtu, ce terrestre édifice
Peut
s'embrasser ; joyeux mon coeur regarde en haut
Le cantique tout entier, du commencement à la fin, exprime les mêmes sentiments. Dans le sermon sur la justification que je publiai d'abord il y a dix-neuf ans, puis de nouveau il y a sept ou huit ans, j'exprime les mêmes pensées dans les termes suivants :
«
En considération de ce que le Fils de Dieu « a souffert la mort
pour tous (Hébreux 2 : 9) », Dieu a « réconcilié le monde
avec soi, en ne leur imputant point leurs péchés (2 Corinthiens 5 :
19) ». Ainsi, pour l'amour de son Fils bien-aimé et de ce
qu'il a fait et a souffert pour nous, Dieu s'engage (en y mettant
une seule condition, que lui-même nous aide à remplir), à nous
affranchir du châtiment mérité par nos péchés, à nous
faire rentrer dans sa faveur, et à rendre à nos âmes mortes la
vie spirituelle, prémices de la vie éternelle ».
Ces
sentiments sont exprimés d'une manière plus étendue et plus
détaillée dans le traité sur la justification que je fis
paraître l'an dernier ; « Si, par cette expression : Imputer la
justice de Christ, nous voulons dire communiquer celle justice
(y compris son obéissance, tant active que passive), dans les
fruits qu'elle a produits dans les privilèges, grâces et
bénédictions qu'elle nous procure, on peut dire, dans ce sens,
que le croyant est justifié par l'imputation de la justice de
Christ. La signification de ces mots sera donc que Dieu justifie
le croyant pour l'amour de la justice de Christ, et non à cause
d'une justice qui lui serait propre.
De même Calvin a dit (Institution, livre 2, chapitre 17) :
«
Christ, par son obéissance, nous a procuré et mérité la grâce et
la faveur de Dieu le Père».
Et plus
loin :
«
Christ, par son obéissance, nous a acquis et procuré la justice ».
Et
encore :
«
Toutes ces expressions, que nous sommes justifiés par la grâce
de Dieu, que Christ est notre justice, que la justice nous a été
procurée par la mort et la résurrection de Christ, disent la même
chose, savoir que la justice de Christ, tant active que passive,
est la cause méritoire de notre justification et nous a obtenu
cette grâce de Dieu que, dès que nous croyons, nous sommes par lui
considérés comme justes ».
Mais peut-être quelqu'un me dira-t-il : « Comment donc affirmez-vous que la foi nous est imputée à justice ? » Saint Paul l'affirme à plusieurs reprises, et c'est pour cela que je l'affirme, moi aussi. La foi est imputée à justice à tout croyant, savoir la foi à la justice de Christ, ce qui est absolument ce que nous avons déjà dit ; car, en employant ces termes, je veux seulement dire que nous sommes justifiés par la foi et non par les oeuvres, ou bien encore que celui qui croit est pardonné et reçu par Dieu uniquement à cause de ce que Jésus-Christ a fait et a souffert.
— «
Mais le croyant n'est-il pas enveloppé ou revêtu de la justice de
Christ ? » Oui , incontestablement ; et c'est pour cela que
tout coeur croyant peut adopter le langage du cantique cité
plus haut et qui signifie : Pour l'amour de la justice active et
passive, je suis pardonné et reçu par Dieu.
— «
Mais ne devons-nous pas quitter les misérables haillons de notre
justice propre avant d'être revêtus de la justice sans tache
de Christ ? » Oui, certainement c'est-à-dire, pour
parler simplement, que nous devons nous repentir avant de
pouvoir croire à l’Évangile. Il faut que nous
ne comptions plus du tout sur nous-mêmes pour pouvoir nous
appuyer véritablement sur Jésus-Christ.
Si
nous ne commençons pas par renoncer à toute confiance en notre
propre justice, nous ne saurions avoir une confiance sincère en
la sienne. Aussi longtemps que nous comptons sur quelque chose
que nous pouvons faire, il est impossible que nous mettions une foi
entière en ce que Jésus a fait et a souffert. D'abord, il nous
faut nous regarder nous-mêmes comme condamnés à mort (2
Corinthiens 1 : 9) ; » puis, nous pourrons croire en celui qui
a vécu et est mort pour nous.
— «
Mais ne croyez-vous pas à une justice inhérente ? » Oui, sans
doute ; mais en la mettant à sa place, c'est-à-dire non comme
moyen de trouver grâce devant Dieu, mais comme fruit de
cette bénédiction, non comme tenant lieu de la justice
imputée, mais comme en étant la conséquence.
Je
crois, en effet, que Dieu met sa justice en tous ceux auxquels il l'a
imputée. Je crois que « Jésus-Christ nous a été fait, de la part
de Dieu, sanctification aussi bien que justice (1 Corinthiens 1 : 30)
» c'est-à-dire qu'il justifie mais aussi sanctifie tous ceux
qui croient en lui. Ceux à qui la justice de Christ a été
imputée sont rendus justes par l'Esprit de Christ, sont «
renouvelés et créés à l'image de Dieu dans une justice et
une sainteté véritables. (Ephésiens 4 : 23,24) ».
---
« Mais ne mettez-vous pas la foi à la place de Christ et de sa
justice ? » Aucunement ; je prends bien soin de mettre chaque
chose à sa place. La justice de Christ est le fondement unique et
entier de toutes nos espérances. C'est par la foi que, sous
l'action du Saint-Esprit, nous pouvons bâtir sur ce fondement.
Dieu nous donne cette foi, et dès ce moment nous sommes reçus par
Dieu, non pas pourtant à cause de cette foi, mais à cause de
ce que Jésus a fait et a souffert pour nous. Vous le voyez,
chacune de ces choses est à sa place, et aucune d'elles n'est en
conflit avec les autres. Nous croyons, nous aimons et nous nous
efforçons de marcher sans reproche dans tous les commandements
du Seigneur ; mais, tout en vivant ainsi, nous renonçons à
nous-mêmes et cherchons notre refuge dans la justice de Jésus.
Nous regardons sa mort comme notre unique fondement, et c'est au
nom de Jésus que nous réclamons notre pardon et le salut éternel.
Je
ne nie donc pas davantage la justice de Christ que je ne nie sa
divinité : et l'on aurait aussi peu de raison de m'accuser de
la première de ces a choses que de la seconde. Je ne nie pas non
plus l'imputation de cette justice : sur ce point-là encore on
m'accuse faussement et méchamment. J'ai toujours proclamé et
je proclame encore constamment que la justice de Christ est imputée
à quiconque croit. Qui sont d'ailleurs ceux qui le nient ? Ce
sont tous les incrédules, baptisés ou non, tous ceux qui osent
dire que le glorieux Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ est une fable composée avec artifice ; ce sont
tous les Ariens et tous les Sociniens : ce sont tous ceux qui nient
la divinité absolue du Seigneur qui les a rachetés. Ceux-là
ne peuvent faire autrement que de nier sa justice divine,
puisqu'ils le considèrent comme un simple homme ; et ils nient sa
justice humaine, en tant qu'imputée à qui que ce soit, car ils
croient que chacun trouve grâce par sa propre justice.
La
justice humaine de Christ, tout au moins quant à son imputation et
comme la cause unique et parfaite de la justification du pécheur
devant Dieu, est aussi reniée par tous les membres de l'Eglise de
Rome qui sont conséquents avec les principes de leur Eglise. Mais il
y en a certainement parmi eux beaucoup qui, en fait d'expérience
religieuse, valent mieux que leurs principes, et qui, tout en étant
bien éloignés de parler de ces vérités d'une façon
satisfaisante, ont une expérience intime bien supérieure à ce
qu'ils savent exprimer. Tout en n'ayant à l'égard de cette grande
vérité que des vues et un langage qui sont erronés, ils n'en
croient pas moins du coeur, et, ils s'appuient sur Jésus-Christ seul
en vue de leur salut présent et éternel.
On
peut ajouter à ceux-là les membres des Eglises réformées,
auxquels on applique ordinairement le nom de Mystiques. Un des
principaux, dans ce siècle, a été, en Angleterre, M. Law. C'est
une chose bien connue qu'il niait absolument et hautement
l'imputation de la justice de Christ, tout aussi hautement que
ce Robert Barclay qui ne craignait pas de dire : « Justice imputée,
absurdité imputée ! » Le gros de la communauté à laquelle
on donne le nom de Quakers partage les mêmes vues.
D'ailleurs,
la plupart de ceux qui se considèrent comme membres de l'Eglise
anglicane ignorent complètement ces choses, ne savent rien de
la justice imputée de Christ, ou bien ils la nient, et
la justification par la foi du même coup, comme étant
contraires à la pratique des bonnes oeuvres. Il y a encore à
ajouter à cette énumération un grand nombre de ceux qu'on appelle
communément Anabaptistes, et des milliers de Presbytériens et
d'Indépendants, que sont venus récemment éclairer les écria
du docteur Taylor. Je ne me sens pas appelé à juger ces derniers :
je les laisse au jugement de celui qui les a créés. Mais
quelqu'un oserait-il affirmer que tous ces Mystiques, et M. Law
en particulier, tous ces Quakers, tous ces Presbytériens, tous ces
Indépendants et tous ces Anglicans, dont les opinions ou le
langage laissent à désirer, ne possèdent aucune
connaissance expérimentale de la religion chrétienne, et
qu'ils sont conséquemment dans un état de perdition, «
n'ayant point d'espérance, et étant sans Dieu dans le monde ?
(Ephésiens 2 : 12) »
Quelles
que soient la confusion de leurs idées et l'incorrection de
leur langage, ne peut-il pas y en avoir beaucoup parmi eux dont
le coeur est droit devant Dieu et qui de fait connaissent
« l’Éternel notre justice ? »
Quant
à nous, béni soit Dieu I nous ne sommes pas de ceux qui ont, à
l'égard de cette doctrine, des idées obscures ou un langage
incorrect. Nous ne renions ni le fait ni l'expression ; mais, pour
cette dernière, nous ne cherchons pas à l'imposer aux autres.
Qu'ils l'emploient, ou bien tel ou tel autre terme qui leur
paraît plus entièrement biblique, peu importe, pourvu que leur âme
ne se confie qu'en ce que Jésus-Christ a fait et a souffert, et
n'attende que de là le pardon, la grâce et la gloire.
Je
ne saurais mieux rendre mes sentiments à cet égard qu'en citant ces
paroles de M. Hervey, qui mériteraient d'être écrites en
lettres d'or : « Nous ne nous préoccupons pas de faire adopter
une série particulière de termes religieux. Que les hommes
s'humilient aux pieds de Jésus comme des criminels repentants,
qu'ils s'appuient sur ses mérites comme sur leur ressource la plus
chère, et ils sont incontestablement dans le chemin de la vie
éternelle.
Est-il
nécessaire, est-il possible d'en dire davantage ? Tenons-nous en à
cette déclaration, et toute discussion au sujet des diverses
façons de s'exprimer est comme coupée à la racine. Oui,
tenons-nous en à ces paroles :
«
Tous ceux qui s'humilient aux pieds de Jésus comme des criminels
repentants et s'appuient sur ses mérites comme sur leur
ressource la plus chère, sont dans le chemin de la vie éternelle ».
Après cela, sur quoi disputerait-on ? Qui est-ce qui nie cela ?
Ne pouvons-nous pas tous nous rencontrer sur ce terrain ? A
propos de quoi nous querellerions-nous ? Voici un homme de paix qui
propose aux parties belligérantes les fermes d'un
accommodement. Nous ne demandons pas mieux, et nous les acceptons,
les signons des deux mains et de tout coeur. Et si quelqu'un refuse
d'en faire autant, mettez une marque à côté du nom, de cet
homme ; car il est un ennemi de la paix, il trouble Israël, il
nuit à l'Eglise de Dieu.
Tout
ce que nous craignons en ceci, c'est que quelqu'un ne se serve de ces
expressions : « La justice de Christ » , « la justice de
Christ m'est imputée » , comme d'un manteau pour couvrir son
iniquité.
Nous
avons vu cela mille fois. Un homme, par exemple, est repris à cause
de son ivrognerie ; « Oh ! répond-il, je ne prétends pas du
tout être juste par moi-même ; c'est Christ qui est ma justice ».
On dit à un autre que « les injustes et les ravisseurs
n'hériteront point le royaume de Dieu (1 Corinthiens 6 :9,10) ». Il
répond avec une assurance parfaite : « En moi-même je suis
injuste, mais j'ai en Christ une justice sans tache ». Et c'est
ainsi qu'un homme a beau n'avoir de chrétien ni les dispositions
ni la conduite, il a beau ne rien posséder des sentiments qui
étaient en Jésus-Christ et ne marcher en rien comme il a
marché, il n'en résiste pas moins victorieusement à toute
accusation ; car il a pour cuirasse ce qu'il appelle « la
justice de Christ ».
C'est
pour avoir vu bien des cas déplorables de ce genre que nous tâchons
de ne pas abuser de ces expressions. Et je sens que je dois vous
avertir, vous qui en faites un usage fréquent ; je dois
vous supplier, au nom du Dieu sauveur auquel vous appartenez et
que vous servez, de mettre tous ceux qui vous entendent en garde
contre l'abus de telles expressions. Avertissez-les
(peut-être écouteront-ils votre voix !) de ne pas « demeurer
dans le péché afin que la grâce abonde (Romains 6 : 1) », de
ne pas faire « Christ ministre du péché (Galates 2 : 17) », de ne
pas anéantir ce décret solennel de Dieu : « Sans la
sanctification, personne ne verra le Seigneur (Hébreux 12 : 14) »,
et cela en se persuadant faussement qu'ils sont saints en
Christ. Dites-leur que, s'ils demeurent dans l'iniquité, la justice
de Christ ne leur servira de rien. « Criez à plein gosier » (Esaïe
58 : 1) (n'y a-t-il pas lieu de le faire ?) que la justice de
Christ nous est imputée précisément « afin que la justice de la
loi soit accomplie en nous (Romains 8 : 4) », et afin « que
nous vivions dans le siècle présent dans la tempérance, dans
la justice et dans la piété (Tite 2 : 12) ».
III
Il
ne me reste plus qu'à faire une application brève et directe de ce
que je viens de dire. Tout d'abord, je m'adresserai à ceux qui
font une violente opposition à l'emploi des termes que nous venons
d'expliquer et sont tout disposés à condamner comme antinomiens
tous ceux qui s'en servent. Mais n'est-ce pas là trop redresser
l'arc et le courber en sens contraire ? Pourquoi condamner tous
ceux qui ne parlent pas absolument comme vous ? Pourquoi leur
chercher querelle parce qu'ils emploient les expressions qui
leur conviennent, ou pourquoi vous en voudraient-ils de ce que
vous faites de même ? Si l'on vous tracasse à cet égard, n'allez
pas imiter une étroitesse que vous blâmez. Et dans ce cas,
laissez-leur la liberté qu'ils devraient vous laisser. D'ailleurs,
pourquoi se fâcher contre une expression ? — « Mais on en a
fait abus !
Et
de quelle expression n'a-t-on pas abusé ? Ainsi, il faut empêcher
l'abus, mais non supprimer l'usage. Par-dessus tout, n'allez pas
oublier l'importante vérité que ces termes expriment : «
Toutes les bénédictions dont je jouis, toutes les espérances
que je possède dans le temps et pour l'éternité, tout cela
m'est donné entièrement et uniquement pour l'amour de ce que Jésus
a fait et, a souffert pour moi ! »
En
second lieu, je veux dire quelques mots à ceux qui tiennent beaucoup
à employer les expressions en question. Laissez-moi vous
demander si vous ne trouvez pas que je suis allé assez loin. Que
peut-on raisonnablement désirer de plus ? J'accepte tout entier
le sens que vous attachez à ces termes, c'est-à-dire que nous
devons toutes nos grâces à la justice de Dieu notre Sauveur.
Je
consens, d'ailleurs, à ce que vous vous serviez de telle ou
telle expression que vous préférerez et à ce que vous
la répétiez mille fois, pourvu que vous n'en fassiez pas le
pernicieux usage contre lequel vous et moi devons également
protester. Pour moi, j'emploie fréquemment cette expression de
justice imputée, et souvent je l'ai mise sur les lèvres de
tout mon auditoire (Par ses cantiques – Trad.).
Mais laissez-moi
à cet égard ma liberté de conscience ; laissez-moi exercer mon
jugement en toute liberté. Qu'il me soit permis d'employer ces
termes toutes les fois qu'ils me sembleront préférables à d'autres
; mais ne vous emportez pas contre moi si je ne trouve pas bon de
répéter la même formule toutes les deux minutes. Vous pouvez
le faire, si vous y tenez ; mais ne me condamnez pas si je ne le
fais pas.
N'allez
pas pour cela me faire passer pour un papiste ou pour « un ennemi de
la justice de Christ ». Supportez-moi, comme je vous supporte,
sans quoi nous n'accomplirons pas la loi de Christ. Ne poussez
pas les hauts cris et ne vous mettez pas à proclamer que je renverse
les bases du christianisme. Ceux qui me traitent ainsi me
traitent bien injustement : que le Seigneur ne le leur impute
point ! Depuis de longues années, je pose le même fondement que
vous ; « car personne ne peut poser d'autre fondement que celui
qui a été posé, qui est Jésus-Christ. (1 Corinthiens 3
: 11) »
Et
sur ce fondement je bâtis, comme vous le faites, la sainteté
intérieure et extérieure, mais la sainteté par la foi.
N'entretenez donc point en vos cœurs de l'éloignement, de
la malveillance, ou même de la méfiance et de la froideur à
mon égard. Même en admettant qu'il y eût entre nous divergence
de vues, à quoi nous sert notre religion, si nous ne pouvons
pas penser librement et laisser les autres faire de même ?
Pourquoi ne me pardonneriez-vous pas aussi volontiers que je vous
pardonne ? Mais, là vrai dire, il n'y a entre nous que des
différences d'expression, et à peine cela, puisqu'il s'agit
seulement
de savoir si l'on emploie plus ou moins fréquemment un terme
particulier.
Assurément, il faut avoir bien envie de se quereller pour
trouver là une pomme de discorde. Oh ! ne fournissons plus,
pour de semblables bagatelles, à nos adversaires communs une
occasion de blasphémer ! Ôtons plutôt désormais tout
prétexte à ceux qui ne cherchent qu'un prétexte. Unissons
enfin (et que ne l'avons-nous fait plus tôt !) unissons nos
coeurs et nos mains pour servir notre glorieux Maître. Puisque
nous avons « un seul Seigneur, une seule foi, une seule espérance
par notre vocation, (Ephésiens 4 : 4,5) » fortifions-nous les
uns les autres en notre Dieu, et, d'un seul coeur comme d'une
même bouche, confessons au monde entier « l’Éternel notre
justice ! »
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