vendredi 22 juillet 2016

(10) LES SERMONS DE WESLEY LE CHEMIN DU SALUT D’APRÈS LA BIBLE

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

 Sermon 42  LE CHEMIN DU SALUT D’APRÈS LA BIBLE

Ephésiens 2,8  (1765)

Vous êtes sauvés par la foi

                    Rien de plus embrouillé, rien de plus abstrait, de moins intelligible que la religion telle qu'on l'a souvent représentée ! Et ceci est vrai, non seulement de la religion des païens décrite par ses organes les plus sages, mais encore de celle de gens qui, jusqu'à un certain point, étaient des chrétiens, qui même ont eu de la célébrité dans la chrétienté et semblaient être les colonnes du christianisme. Et pourtant, qu'elle est simple et facile à comprendre, la vraie religion de Jésus-Christ ! A condition toutefois qu'on la cherche là où elle apparaît sous ses formes primitives, dans les oracles divins. Celui dont la sagesse a créé et régit l'univers, a soigneusement. adapté cette religion aux ressources limitées de l'intelligence humaine, telle que nous la connaissons, dans son état de déchéance. Ce fait apparaît clairement dès qu'on considère, d'un côté, le but qu'elle se propose et de l'autre, les moyens qu'elle emploie pour arriver à ce but. Ce but, c'est pour tout dire en un mot, le salut ; le moyen d'y parvenir, c'est la foi

                    On peut voir du premier coup d’œil que ces deux petits mots : Salut et Foi, résument toute la Bible et contiennent, en quelque sorte, la moelle de toutes les Écritures. Il nous importe d'autant plus de nous préserver de toute erreur à leur sujet, et de nous faire une idée juste et complète du sens de l'un et de l'autre.

                     Appliquons-nous donc à rechercher ce que c'est que le salut, quelle est la foi par le moyen de laquelle nous sommes sauvés, et enfin de quelle façon elle nous sauve.

I

                     Nous rechercherons, en premier lieu, ce que c'est que le salut. Celui dont il s'agit dans le texte, n'est pas ce qu'on a souvent désigné par ce mot ; c'est-à-dire l'entrée de l'âme dans le ciel, dans le bonheur éternel. Ce n'est pas la possession de ce paradis que notre Seigneur appela « le sein d'Abraham (Luc 16 : 22)  ». Ce n'est pas une bénédiction qui se reçoive de l'autre côté du tombeau ou, comme on dit vulgairement, dans l'autre monde. Les termes eux-mêmes de notre texte décident irrévocablement la question : « Vous êtes sauvés ». La chose n'est pas dans l'avenir ; c'est quelque chose d'actuel ; c'est une grâce, que la miséricorde gratuite du Seigneur nous accorde dès à présent. Il y a plus ; on eût pu traduire avec tout autant de raison : « Vous avez été, sauvés ». Ainsi le salut dont il s'agit ici comprendrait l'œuvre de Dieu tout entière, depuis l'apparition des premiers rayons de la grâce dans l'âme humaine jusqu'à son plein couronnement dans la gloire.

                    Si nous considérons cette œuvre dans toute son étendue, nous prendrons pour point de départ les opérations de ce qu'on a souvent nommé la conscience naturelle, mais qu'on appelle avec plus de raison la grâce prévenante ; ce sont ces attraits du Père, ces aspirations après  Dieu qui, si nous y obéissons, iront toujours croissant ; c'est cette lumière dont le Fils de Dieu « éclaire tout homme qui vient au monde (Jean 1 : 9) », et qui lui enseigne à « faire ce qui est droit, à aimer la miséricorde et à marcher dans l'humilité avec son Dieu (Michée 6 : 8) ; » ce sont enfin toutes les convictions que, de temps à autre, le Saint-Esprit : produit dans le cœur des hommes. Sans doute la plupart se hâtent de les étouffer ; et, peu à peu, ils finissent par oublier, ou tout au moins par nier, qu'elles se soient jamais produites chez eux.

                     Mais tenons-nous en au salut dont parle ici tout spécialement l'apôtre Paul. Ce salut peut se décomposer d'une manière générale en justification et sanctification.

                    Justification est synonyme de pardon. C'est la rémission de tous nos péchés et notre réconciliation avec Dieu ; car ces deux grâces sont nécessairement enchaînées l'une à l'autre. Le prix auquel elles nous ont été acquises, ce qu'on nomme communément la cause méritoire de notre justification, c'est le sang et la justice de Christ, ou, pour parler plus clairement, tout ce que Jésus a fait et a souffert pour nous jusqu'au moment où il « livra son âme (Esaïe 53 : 12) » pour les pécheurs. Les résultats immédiats de la justification sont la paix de Dieu, cette « paix qui surpasse toute intelligence (Philippiens 4 : 7) » et cette « joie ineffable et glorieuse (1Pierre 1 : 8) », par laquelle « nous nous glorifions dans l'espérance de la gloire de Dieu (Romains 5 : 2)  ».

                     Lorsque nous sommes justifiés et, à vrai dire, dès le moment où nous le sommes, notre sanctification commence. Car alors nous naissons « de nouveau, d'en haut, de l'Esprit (Jean 3 : 3,5)  ». Il s'opère donc un changement réel aussi bien qu'un changement relatif. La puissance de Dieu nous régénère intérieurement. Nous sentons que « l'amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné (Romains 5 : 5) », et qu'il y fait naître de l'affection pour tous les hommes, surtout pour les enfants du Seigneur. Cet amour exclut de notre âme l'amour du monde, l'amour des plaisirs, de la mollesse, des honneurs, de l'argent ; et il en bannit également l'orgueil, la colère, la volonté charnelle et autres vices. En un mot, il convertit notre caractère « terrestre, sensuel et diabolique (Jacques 3 : 15) », en ces « sentiments que Jésus- Christ a eus (Philippiens 2 : 5)  ».

                     Qu'il paraît naturel à ceux chez qui se produit cette transformation, de supposer que tout péché a disparu de leur cœur, qu'il en a été complètement déraciné, qu'il ne s'y trouve plus ! Comme on fait volontiers alors ce raisonnement : « Je ne sens pas de péché en moi ; j'en suis donc exempt ! » Ce qui revient à dire : Il ne bouge pas, conséquemment il n'existe pas ; il est immobile, donc il est mort.

                     Mais on ne tarde guère à se désillusionner sur ce point ; on apprend bientôt que le péché n'était pas détruit, mais seulement suspendu en nous. La tentation revient et le péché revit, montrant par là qu'il n'était pas mort, mais uniquement engourdi. Alors on trouve en soi ces deux principes qui sont directement opposés l'un à l'autre, « la chair qui a des désirs contraires à ceux de l'Esprit (Galates 5 : 17) », la nature humaine résistant à la grâce divine. Ceux en qui cela se passe ne sauraient nier que, tout en possédant la même foi en Christ, le même amour pour Dieu, tout en éprouvant encore que « l'Esprit rend témoignage à leur esprit qu'ils sont enfants de Dieu (Romains 8 : 16) », ils ne ressentent aussi en eux-mêmes, tantôt de l'orgueil, tantôt de la volonté charnelle, ou bien de la colère ou de l'incrédulité. Ils sentent fréquemment l'un ou l'autre de ces penchants se remuer dans leur cœur, sans y gagner le dessus toutefois ; ces ennemis cachés les « poussent rudement pour les faire tomber ; mais l'Éternel les secourt (Psaume 118 : 13)  ».

                    Avec quelle exactitude. Macaire (Saint Macaire, moine de la Thébaïde, mort vers 390.) décrivait, il y a quatorze siècles, ce qu'éprouvent les enfants de Dieu de nos jours ! « Les gens sans capacité (ou sans expérience) s'imaginent, dès que la grâce vient à opérer en eux, qu'ils sont sans péché. Mais les hommes qui sont plus avancés doivent avouer que nous6mêmes qui possédons la grâce divine, pouvons être assaillis par le mal. Car il est souvent arrivé parmi nous que des frères ont reçu une grâce si grande qu'ils affirmaient avoir été délivrés de tout péché. Cependant, au moment où ils s'en croyaient tout à fait affranchis, le mal qui sommeillait dans leurs cœurs s'est réveillé, et il s'en est peu fallu qu'ils n'aient été consumés ».

                     A partir de l'heure où nous naissons de nouveau, l'œuvre graduelle de notre sanctification s'accomplit. Nous apprenons « à mortifier (ou faire mourir) par l'Esprit les œuvres du corps (Romains 8 : 12) », les œuvres de notre mauvaise nature. Et mourant de plus en plus au péché, de plus en plus nous devenons vivants à Dieu. Nous marchons de grâce en grâce, ayant toujours soin de « nous abstenir de tout ce qui a quelque apparence de mal (1Thessaloniciens 6 : 22) », d'être « zélés pour les bonnes œuvres (Tite 2 : 14) », et de faire du bien à tous les hommes, selon que nous en avons l'occasion ; persévérant aussi dans les ordonnances de Dieu d'une façon irréprochable et l'adorant en esprit en en vérité ; et enfin, nous chargeant de notre croix et nous privant de tout plaisir qui ne nous ramène pas à Dieu.

                    C'est dans ces dispositions que nous attendons une entière sanctification, une délivrance complète de tous nos péchés, de l'orgueil, de la volonté charnelle, de la colère, de l'incrédulité ; c'est ainsi que, pour emprunter le langage de saint Paul, nous « tendons à la perfection (Hébreux 6 : 1) ». Mais qu'est-ce donc que la perfection ? Ce mot a plusieurs sens distincts ; ici il veut dire amour parfait. C'est un amour qui bannit le péché, qui remplit le cœur, qui absorbe toute l'âme. C'est cet amour qui « est toujours joyeux, prie sans cesse et rend grâces à Dieu en toutes choses (1Thessaloniciens 5 : 16-18)  ».

II

                   Mais quelle est la foi qui nous procure ce salut ? tel est le second point que nous désirons examiner.

                    L'apôtre Paul définit la foi d'une manière générale en ces termes :  « une démonstration (ou conviction, car le mot grec peut se traduire de ces deux manières), une démonstration et une conviction divines des choses invisibles (Hébreux 11 : 1) », de celles que nous n'apercevons ni de nos yeux, ni par quelque autre de nos sens physiques. Dans la foi se trouvent donc réunies, d'un côté une démonstration surnaturelle de l'existence de Dieu et des choses qui se rapportent à lui, démonstration qui est pour l'âme une lumière spirituelle, et de l'autre une perception surnaturelle de cette démonstration, une vision surnaturelle de cette lumière. Aussi la parole de Dieu nous montre t-elle le Seigneur donnant d'abord la lumière, puis le pouvoir de la discerner. Saint Paul parle ainsi : « Dieu, qui a dit que la lumière sortit des ténèbres, a répandu sa lumière dans nos cœurs, afin que nous éclairions (ou soyons éclairés) par la connaissance de Dieu en présence de Jésus-Christ (2Corinthiens 4 : 6)  ». Et ailleurs : « Qu'il éclaire les yeux de votre esprit (Éphésiens 1 : 18)  ». Cette double opération du Saint-Esprit, qui ouvre nos yeux et les illumine, nous rend capables d'apercevoir « les choses que l’œil (de la chair) n'a point vues, ni l'oreille entendues (1Corinthiens 2 : 9)  ». Alors nous découvrons les choses invisibles de Dieu, ce monde spirituel qui nous environne, et que pourtant nos sens physiques et nos facultés naturelles ne discernent pas davantage que s'il n'existait point. Nous voyons alors le monde éternel apparaître à travers le voile qui sépare le temps de l'éternité. Les nuées et l'obscurité ne l'enveloppent plus pour nous ; déjà nous contemplons la gloire qui doit être un jour manifestée.

                     Mais si nous nous attachons au sens spécial du mot foi, nous définirons la foi : une démonstration et une conviction divines que, non seulement « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec soi (2Corinthiens 5 : 19) », mais encore que « le Fils de Dieu m'a aimé et s'est donné soi-même pour moi (Galates 2 : 20)  ». C'est par la foi (appelez cet acte l'essence de la foi ou l'une de ces applications, peu importe), c'est par la foi que nous recevons Jésus, que nous le recevons dans toutes ses fonctions, comme prophète, comme sacrificateur et comme roi. C'est par elle qu'il « nous est fait, de la part de Dieu, sagesse, justice, sanctification et rédemption (1Corinthiens 1 : 30) .

                     — « Mais, dira quelqu'un, est-ce là la, foi d'assurance ou la foi d'adhésion ? » Ces distinctions n'existent pas dans l’Écriture Sainte. Saint Paul dit au contraire : « Il y a une seule foi, comme vous êtes appelés à une seule espérance par votre vocation  » ; il y a une seule foi chrétienne et salutaire, comme « il y a un seul Seigneur », en qui nous croyons, et « un seul Dieu et Père de tous (Éphésien 4 : 4-6)  ». Il est bien vrai que la foi suppose une assurance (ou démonstration, ce qui revient au même) que « le Fils de Dieu m'a aimé et s'est donné soi-même pour moi ». Car « celui qui croit (d'une foi véritable et aimante) a le témoignage en lui-même (1Jean 5 : 10) ; » « l'Esprit rend témoignage à son esprit qu'il est enfant de Dieu  » ; et, en lui donnant cette assurance, il lui inspire aussi une confiance filiale en Dieu. Mais, ne l'oublions pas, il est dans la nature même des choses que l'assurance précède cette confiance. Personne, en effet, ne saurait avoir en Dieu une confiance filiale s'il ne se sent déjà enfant de Dieu. Aussi la confiance, sous tous les noms qu'on voudra lui donner, n'est pas la première branche, le premier acte de la foi, comme quelques-uns le croient, mais seulement le second.

                    C'est par cette foi que nous sommes sauvés, justifiés et sanctifiés ; sauvés dans le sens le plus élevé de ce mot. Mais de quelle façon la foi nous justifie-t-elle, nous sanctifie t-elle ? telle est la troisième question à laquelle nous avons à répondre. Et attendu que c'est là le côté le plus important de notre sujet, il convient que nous lui accordions un examen plus spécial et plus complet.

III

                      Et d'abord, comment sommes-nous justifiés par la foi ? Quel sens faut-il attacher à cette expression ? Je réponds : « Celui-ci : que la foi est la condition, l'unique condition. Nul autre que le croyant n'est justifié ; sans la foi aucun homme ne reçoit cette grâce, mais c'est aussi l'unique condition, car la foi suffit, à elle seule, pour le justifié. Quiconque croit est justifié, quelles que soient les autres qualités qu'il possède ou ne possède pas. En d'autres termes, personne n'est justifié avant d'avoir cru, et tout homme qui croit est justifié dès le moment où il croit ».

                      — « Mais, dira quelqu'un, Dieu ne nous a-t-il pas aussi commandé de nous repentir, et même de « faire des fruits convenables à la repentance ? (Matthieu 3 : 8) » Par exemple, de cesser de mal faire et d'apprendre à bien faire ? Et n'est-il pas essentiel que nous fassions ces deux choses qu'il nous commande, si essentiel que, si nous négligeons volontairement soit de nous repentir, soit de porter des fruits de repentance, nous n'avons aucune raison de compter sur notre justification ? S'il en est ainsi, pourquoi dire que la foi est la seule condition de justification ? »

                     II est très certain, en effet, que Dieu nous commande et de nous repentir et de porter des fruits convenables à la repentance ; il est tout aussi évident que, si nous négligeons volontairement d'obéir à ces deux commandements, nous n'avons pas le droit de nous attendre à être justifiés ; d'où il suit que, jusqu'à un certain point et dans un certain sens, la repentance et les fruits de repentance sont nécessaires pour la justification. Mais ils ne le sont ni dans le même sens, ni au même degré que la foi. Ce n'est pas au même degré, car ces fruits ne sont exigés que conditionnellement, c'est-à-dire si le temps et l'occasion ont permis de les porter. Quand ces deux conditions font défaut, on peut être justifié sans cela, comme le fut le brigand sur la croix, (je ne sais si nous devrions dire le brigand, attendu qu'un écrivain de nos jours a découvert que c'était un personnage honnête et respectable.) Mais, dans aucun cas, on ne saurait être justifié sans la foi ; c'est une chose impossible. D'un autre côté, un homme pourrait montrer un repentir absolu et porter des fruits innombrables de repentance, tout cela ne servirait à rien ; tant qu'il ne croit pas, il n'est pas justifié. Mais du moment où il croit, il l'est, avec ou sans ses fruits, et même avec un degré plus ou moins grand de repentance. Ce n'est pas non plus dans le même sens que la foi et la repentance avec ses fruits sont nécessaires ; car le repentir et les œuvres qui s'y rattachent ne sont indispensables qu'accessoirement et pour conduire à la foi, tandis que celle-ci est nécessaire d'une façon directe et immédiate. La conclusion de tout ceci est donc que la foi est la seule condition immédiate et absolue de la justification.

                     -- « Mais, ajoutera-t-on, croyez-vous aussi que l'on soit sanctifié par la foi ? Nous savons que vous croyez à la justification par la foi ; mais ne croyez-vous pas à la sanctification par les œuvres, et ne la prêchez-vous pas ? » Telle est l'accusation que ; depuis vingt-cinq ans, on lance contre moi avec assurance, avec violence même. Cependant, j'ai toujours prêché une doctrine diamétralement opposée, et je l'ai fait sur tous les tons. J'ai sans cesse déclaré, soit en public, soit en particulier, que la foi nous sanctifie comme elle nous justifie. Et, à vrai dire, l'une de ces grandes doctrines jette un jour merveilleux sur l'autre. Tout comme on est justifié par le moyen de la foi, on est aussi sanctifié par son moyen. Dans le second cas, comme dans le premier, elle est la condition, l'unique condition. Elle est la condition, parce que nul autre que le croyant n'est sanctifié, parce que sans la foi on ne saurait obtenir la sanctification. Elle est l'unique condition, parce qu'à elle seule elle suffit pour que nous soyons sanctifiés. Quiconque croit est sanctifié, quelles que soient les autres qualités qu'il possède ou qui lui manquent. En d'autres termes, personne n'est sanctifié avant d'avoir cru ; tout homme qui croit est sanctifié dès l'instant où il croit.

                      — « Mais n'y a-t-il pas une repentance qui suit la justification, comme il y en a une qui là précède ? Et le devoir d'être « zélés pour les bonnes œuvres » n'est-il pas imposé à tous ceux qui ont obtenu le pardon ? » Les bonnes œuvres ne sont elles pas même si importantes que l'homme qui les négligerait volontairement n'aurait pas le droit de s'attendre à être jamais sanctifié dans toute l'étendue de ce mot ; c'est-à-dire perfectionné dans l'amour ? Il y a plus : pourrait-il même croître en grâce et dans la connaissance et l'amour, de notre Seigneur Jésus-Christ, ou même conserver les grâces qu'il a précédemment reçues de Dieu ? Peut-il persévérer sans cela dans la foi, ou conserver la faveur de Dieu ? N'est-ce pas là ce que vous admettez ; ce que vous affirmez constamment ? Mais s'il en est ainsi, comment ; pouvez-vous dire que la foi est la seule condition de la sanctification ?

                     Oui, sans doute, c'est là ce que j'admets et ce que j'affirme constamment comme étant la vérité divine. J'admets qu'il y a une repentance qui suit la justification, comme il y en a une qui la précède. J'admets que tous ceux qui ont été justifiés sont tenus d'être zélés pour les bonnes œuvres, et que celles-ci sont si nécessaires que l'homme qui les négligerait volontairement n'aurait plus le droit de s'attendre à être sanctifié. Je crois qu'il ne pourrait croître en grâce, croître à l'image de Dieu et dans les sentiments qui étaient en Jésus. J'admets même que, sans elles, il ne saurait conserver les grâces déjà reçues, ou persévérer dans la foi, ou demeurer dans la faveur de Dieu.

                     Mais que devons-nous conclure de cela, sinon que la repentance bien comprise, et la pratique de toutes les bonnes œuvres, soit œuvres de piété, soit œuvres de charité, (œuvres qu'on peut appeler bonnes, puisqu'elles découlent de la foi), sont l'une et l'autre, dans un certain sens, nécessaires pour notre sanctification ?

                    J'ai dit : la repentance bien comprise. C'est qu'il ne faudrait pas confondre cette repentance-ci avec la première. Celle qui suit la justification diffère considérablement de celle qui la précède ; car elle n'apporte à l'âme ni remords, ni sentiments de condamnation, ni appréhension de la colère de Dieu ; elle ne suppose pas nécessairement de doute quant à la faveur divine, ou cette « crainte qui est accompagnée de peine (1Jean 4 : 18)  ». C'est, à proprement parler, une conviction qu'opère en nous le Saint-Esprit, relativement au péché qui existe encore dans notre cœur, relativement à cette inclination charnelle qui, pour emprunter le langage de notre Église (L'Église anglicane.), « subsiste encore, même chez ceux qui sont régénérés », bien qu'elle n'y règne pas, bien qu'elle n'y ait plus de domination. La seconde repentance est une conviction intime de notre inclination naturelle au mal, de l'existence en nous d'un cœur prompt à se détourner de Dieu, et de cette disposition constante de la chair à s'opposer à l'esprit. A moins que nous ne veillons et ne prions sans cesse, ce cœur mauvais nous porte tantôt à l'orgueil, tantôt à la colère, tantôt encore à l'amour du monde, de la mollesse, ou des honneurs, ou à aimer les plaisirs plus que Dieu. Cette repentance est enfin la conviction que notre cœur est enclin à la rébellion, à l'athéisme, à l'idolâtrie, mais surtout à l'incrédulité qui, à chaque moment, de mille manières et sous mille prétextes divers, nous fait plus ou moins abandonner le Dieu vivant.

                    A cette conviction qu'il reste du péché dans nos cœurs, se joint une conviction non moins profonde qu'il en reste aussi dans notre conduite et que toutes nos actions, toutes nos paroles en sont entachées. Nous arrivons ainsi à démêler dans les meilleures de ces paroles, de ces actions, un alliage de mal ; c'est tantôt dans nos dispositions, tantôt dans notre intention, tantôt enfin dans l'exécution elle-même que se manifeste ce mal, ce quelque chose qui ne pourrait trouver grâce devant la justice divine, « si Dieu prenait garde (regardait rigoureusement) aux iniquités (Psaume 130 : 3)  ». Là où nous y aurions le moins songé, nous découvrons l'empreinte funeste de l'orgueil ou de la volonté charnelle, de l'incrédulité ou de l'idolâtrie. Aussi advient-il alors que nous rougissons davantage de nos meilleures œuvres, que nous ne faisions jadis de nos péchés les plus grossiers. Bien loin de croire que ces œuvres possèdent quelque mérite, bien loin même de les regarder comme pouvant trouver grâce devant la justice divine, nous sentons que, n'était le sang de l'alliance, elles ne feraient qu'ajouter à notre condamnation devant le Seigneur.

                    L'expérience démontre qu'outre cette conviction, relative au péché qui reste encore dans notre cœur et s'attache à toutes nos paroles ; à tous nos actes ; outre le sentiment que nous serions frappés de condamnation si nous n'avions continuellement recours à l'aspersion du sang expiatoire, il entre encore un élément dans cette repentance : c'est la conviction de notre, impuissance, de l'incapacité absolue où nous nous trouvons de penser une bonne pensée, de concevoir un bon désir, à plus forte raison de prononcer une bonne parole ou d'accomplir une bonne œuvre, à moins que la grâce toute-puissante de Dieu ne nous y dispose tout d'abord, et ne nous soutienne ensuite jusqu'au bout.

                    — « Mais quelles sont donc les bonnes œuvres dont la pratique vous semble nécessaire pour notre sanctification ? » En premier lieu, il y a les œuvres de piété ; par exemple, la prière en public, en famille et en secret, la participation à la Cène du Seigneur, l'étude des Écritures qui consiste à les entendre expliquer, à les lire et à les méditer, et l'emploi du jeûne et des abstinences, dans la mesure où le permet notre santé.

                      En second lieu viennent les œuvres de miséricorde, tant celles qui s'adressent au corps que celles qui ont en vue l'âme de nos semblables. A la première classe de ces œuvres appartiennent le soulagement des affamés et de ceux qui sont nus, l'hospitalité accordée aux étrangers et la visite des prisonniers ; des malades et de ceux qui sont affligés par diverses épreuves. A la seconde se rattachent les efforts faits pour instruire les ignorants, pour réveiller les pécheurs indifférents, pour stimuler les âmes tièdes, pour affermir ceux qui chancellent, pour encourager ceux qui se laissent abattre, pour secourir ceux qui sont tentés, enfin pour aider d'une façon quelconque à arracher des âmes à la mort éternelle. Telle est la repentance, tels sont les fruits de repentance qui sont nécessaires pour notre sanctification entière. Tel est le chemin où Dieu veut que ses enfants marchent pour arriver au salut parfait.

                     Tout ceci sert bien à montrer le caractère funeste de cette opinion, si inoffensive en apparence, qu'il ne reste pas de péché en celui qui a cru, que tout péché a été détruit depuis la racine jusqu'aux rameaux, dès le moment où il a été justifié. Cette doctrine, dispensant le croyant de la seconde repentance, lui ferme l'accès de la grâce de la sanctification ; car il n'y a pas lieu de se repentir quand on croit son cœur et sa conduite également exempts de péché, et il n'y a pas davantage lieu de se perfectionner dans l'amour, puisque la repentance est essentielle, indispensable en vue de ce perfectionnement.

                    De ce que nous avons dit on peut également tirer cette conclusion, qu'il ne saurait y avoir le moindre danger à attendre le salut parfait dans ces dispositions. A supposer que cette grâce n'ait jamais été reçue ou ne puisse s'obtenir, on ne perdrait pourtant rien à agir ainsi. Car le simple fait que nous attendons cette grâce nous excite à faire valoir tous les talents que Dieu nous a confiés, à les mettre tous à profit et de telle sorte que, lorsque notre Maître viendra, il puisse « retirer ce qui est à lui avec l'intérêt (Matthieu 25 : 27)  ».

                     Mais reprenons notre sujet. Bien que nous admettions que cette seconde repentance et ses fruits sont nécessaires pour le salut parfait, nous maintenons cependant que ce n'est ni dans le même sens, ni au même degré que la foi. Ce n'est pas au même degré ; car ces fruits ne sont exigés que conditionnellement ; c'est-à-dire en supposant qu'on en trouve le temps et l'occasion. Mais on ne saurait aucunement être sanctifié sans la foi. On aurait beau fournir une repentance aussi complète que l'on voudra la supposer, ou des fruits aussi abondants que possible, cela ne change rien à la chose ; on n'est sanctifié que lorsqu'on croit. Mais dès le moment où l'on croit, on est sanctifié, que l'on ait d'ailleurs porté ces fruits ou non. Ce n'est pas non plus dans le même sens ; car cette repentance et ces fruits ne sont nécessaires qu'accessoirement, pour l'entretien et l'accroissement de la foi, tandis que celle-ci est nécessaire d'une manière directe et absolue. D'où il suit que la foi est la seule condition directe et immédiate de la sanctification.

                     — « Mais quelle est la foi spéciale, par le moyen de laquelle nous sommes sanctifiés, délivrés du péché et perfectionnés dans l'amour ? » C'est, une démonstration et une conviction divines des vérités suivantes. Premièrement, que Dieu l'a promise dans sa sainte parole. Impossible d'avancer d'un seul pas, tant que nous ne sommes pas convaincus de cela. Mars il me semble qu'il devrait suffire, pour assurer de ce fait un homme raisonnable, de cette promesse si ancienne : « l’Éternel ton Dieu circoncira ton cœur et le cœur de ta postérité, afin que tu aimes l’Éternel ton Dieu de tout toit cœur et de toute ton âme (Deutéronome 30 : 6)  ». Avec quelle clarté ces paroles expriment le perfectionnement de l'amour ! Avec quelle énergie elles indiquent la délivrance complète du péché ! En effet, aussi longtemps que le cœur est tout rempli d'amour, quelle place le péché y trouverait-il ?

                    C'est, en second lieu, la démonstration et la conviction divines de cette vérité que le Seigneur peut faire ce qu'Il a promis. Bien que nous croyons que c'est une rouvre « impossible quant aux hommes (Marc 10 : 27) » « de tirer une chose nette de ce qui est souillé (Job 14 : 4) », de purifier le cœur de tout péché et de le remplir de toute sainteté, cela ne doit pas nous embarrasser, puisque « toutes choses sont possibles à Dieu (Marc 10 : 27)  ». Et à coup sûr personne n'irait supposer que cette œuvre pût s'accomplir autrement que par la puissance du Tout-Puissant ! Mais que Dieu parle et la chose se fera « Dieu dit : Que la lumière soit ! et la lumière fut (Genèse 1 : 3)  ».

                     C'est, en troisième lieu, la démonstration et la conviction divines de cette vérité qu'il peut et veut le faire maintenant. Et pourquoi pas maintenant ? Un moment n'est-il pas pour lui comme mille ans ? Il ne lui faut pas plus de temps que cela pour accomplir ce qu'Il veut accomplir. Il n'a pas non plus besoin d'attendre que les personnes qu'Il veut bénir soient plus dignes de sa bénédiction ou mieux préparées. Nous pouvons donc, à quelque instant que ce soit, dire hardiment : « Voici maintenant le jour du salut ! (2Corinthiens 6 : 2) ». « Si aujourd'hui vous entendez sa voix, n'endurcissez pas votre cœur (Psaume 95 : 8)  ». « Tout est prêt ; venez aux noces (Matthieu 22 : 4)  ».

                     A cette persuasion, que Dieu peut et veut nous sanctifier maintenant, il faut ajouter une chose de plus, savoir une certitude et une conviction célestes que Dieu le fait immédiatement. Et dans l'instant même il en est ainsi. Dieu dit à l'âme : « Qu'il te soit fait selon ta foi ! (Matthieu 9 : 29) » Aussitôt l'âme est lavée de toutes les taches du péché, purifiée de toute iniquité. Alors le croyant sent toute la profondeur de ces paroles solennelles : « Si nous marchons dans la lumière, comme Il est lui-même dans la lumière, nous avons une communion mutuelle, et le sang de son Fils Jésus-Christ nous purifie de tout péché (1Jean 1 : 7)  ».

                    — « Mais est-ce graduellement ou bien instantanément que Dieu accomplit dans l'âme cette grande œuvre ? » Peut-être est-il des personnes en qui elle s'accomplit graduellement, en ce sens du moins qu'elles ne savent pas le moment précis où le péché cesse d'exister en elles. Mais il est infiniment préférable, si Dieu le veut ainsi, que ce soit fait en un instant, que le Seigneur détruise le mal « par le souffle de sa bouche (2Thessaloniciens 2 : 8) », en un moment, en un clin-d’œil. Et c'est là ce qu'Il fait en général ; la chose est assez évidente pour que tout homme qui n'est pas prévenu puisse s'en convaincre.

                     Toi donc, âme qui attends cette délivrance, attends-la de moment en moment. Attends-la de la manière que nous indiquions tout à l'heure, c'est-à-dire en accomplissant ces « bonnes œuvres pour lesquelles tu as été créée de nouveau en Jésus-Christ (Ephésiens 2 : 10)  ». Alors vous ne courrez aucun risque ; si vous ne gagnez rien à vivre dans cette attente, au moins n'y perdrez-vous rien. Car à supposer que votre espérance fût déçue, vous n'auriez rien perdu à cause d'elle. Mais votre espérance ne sera point déçue : « Il viendra assurément et il ne tardera point (Hébreux 10 : 37)  ». Attendez donc cette grâce chaque jour, à chaque heure, à chaque instant. Et pourquoi pas dans cette heure-ci, dans ce moment ? A coup sûr, si vous croyez que c'est par la foi, vous pouvez l'attendre maintenant. Et c'est à ceci que vous reconnaîtrez si vous la cherchez par la foi ou si c'est par les œuvres. Si c'est par les œuvres, vous voulez faire quelque chose d'abord, avant d'être entièrement sanctifié. Vous vous dites :

                    « Il faut que je devienne ceci, ou que je fasse cela auparavant ». S'il en est ainsi, sachez que jusqu'à ce jour vous cherchez cette, grâce par vos œuvres. Si, au contraire, c'est par la foi, alors vous devez l'attendre tel que vous êtes et par conséquent l'attendre maintenant. Il importe que vous remarquiez le rapport intime qui existe entre ces trois choses : attendez-la par la foi ; attendez-la tel que vous êtes ; attendez-la maintenant. En rejeter une, c'est les rejeter toutes les trois ; en admettre une, c'est les admettre toutes. Croyez-vous que c'est par la foi qu'on est sanctifié ? Soyez donc fidèle à votre principe, et cherchez cette grâce tel que vous êtes, sans prétendre vous améliorer, comme un pauvre pécheur qui n'a d'autre rançon, d'autre plaidoyer que la mort de Christ. Et si c'est tel que vous êtes que vous voulez l'attendre, attendez-la donc maintenant. Pourquoi tarderiez-vous davantage ? Rien ne vous y oblige ; Jésus est prêt, et c'est Lui qui doit être tout pour vous. Il vous attend : il se tient à la porte ! Oh ! que votre âme lui dise avec transport :

Entre chez moi, Jésus, hôte divin,
Et pour toujours dans ma demeure ;
Et pour banquet donne-moi d'heure en heure
Ton amour sans bornes, sans fin !

jeudi 21 juillet 2016

(9) LES SERMONS DE WESLEY LES DESSEINS DE SATAN

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

 Sermon 42 :       LES DESSEINS DE SATAN

2 Corinthiens 2,11   (1750)

Nous n'ignorons pas ses desseins (2 Corinthiens 2:11)

                     (Le mot grec employé ici par saint Paul est rendu dans nos versions françaises par desseins : il signifie pensées, intentions, inventions. Ce dernier sens se rapproche beaucoup de la traduction anglaise (devices) sur laquelle est fondé le sermon de J. Wesley. Trad.)

                    Les inventions que, dans son habileté, le dieu de ce monde emploie pour essayer de faire périr les enfants de Dieu, ou tout au moins de tourmenter ceux qu'il ne peut faire périr, de les embarrasser et de les retarder dans la course qui leur a été proposée, ces inventions sont aussi innombrables que les étoiles du ciel ou les sables de la mer. Mais je ne me propose de parler ici que d'une seule de ces inventions, laquelle, toutefois, revêt diverses formes dans l'application, et qui tend à « diviser contre lui-même (Matthieu 12 : 25 : 26) » l’Évangile, à en démolir une portion en se servant pour cela de l'autre.

                    Le royaume intérieur des cieux, celui qui est établi dans le cœur de tous ceux qui se repentent et croient à l’Évangile, « consiste en justice, paix et joie par le Saint-Esprit (Romains 14 : 17)  ». Le plus petit « enfant en Christ (1Corinthiens 3 : 1) », sait par expérience que nous jouissons de ces biens dès l'instant où nous croyons en Jésus. Mais ce ne sont là que les prémices de son Esprit ; ce n'est pas encore la moisson. Et, quoique ces bénédictions soient plus grandes qu'on ne saurait le penser, nous espérons voir de plus grandes choses encore. Nous comptons arriver à aimer le Seigneur notre Dieu, non seulement comme nous le faisons actuellement, d'une affection sincère, quoique faible, mais bien « de tout notre cœur, de toute notre âme, de toute notre pensée et de toute notre force (Marc 12 : 30)  ». Nous attendons de Dieu la grâce d' « être toujours joyeux, de prier sans cesse, et de rendre grâces en toutes choses ; car c'est la volonté de Dieu en Jésus-Christ à notre égard (1Thessaloniciens 5 : 16-18) »

                     Nous comptons être rendus « parfaits dans l'amour (1Jean 4 : 18) » dans « l'amour qui bannit toute crainte accompagnée de peine » et tout désir qui ne tend pas à glorifier celui que nous aimons, qui ne tend pas à l'aimer et à le servir de plus en plus. Nous nous attendons à éprouver un tel accroissement de la connaissance et de l'amour de notre Dieu Sauveur que nous pourrons « marcher dans la lumière comme il est lui-même dans la lumière (1Jean 1 : 7)  ». Nous croyons qu'il nous sera donné d' « avoir les mêmes sentiments que Jésus-Christ a eus (Philippiens 2 : 5) », d'aimer tous les hommes assez pour être prêts à « donner notre vie (Jean 15 : 13 ; 1Jean 3 : 168) » pour eux, assez pour être par cet amour délivrés de la colère et de l'orgueil, et de toute autre disposition malveillante. Nous comptons être « purifiés de toutes nos idoles (Ézéchiel 36 : 25) », et « de toute souillure de la chair et de l'esprit (2Corinthiens 7 : 1) », être nettoyés de toutes nos impuretés tant intérieures qu'extérieures, enfin être « purifiés comme lui aussi est pur (1Jean 3 : 3)  ».

                    Nous comptons sur la promesse de celui qui ne peut mentir, qu'un jour viendra certainement où, par toutes nos paroles comme par toutes nos actions, nous ferons sa sainte volonté sur la terre comme elle est faite dans le ciel ; où « nos discours seront toujours accompagnés de grâce et assaisonnés de sel, de manière que nous sachions répondre à chacun comme il faut (Colossiens 4 : 6) ; » où, « soit que nous mangions, ou que nous buvions, on que nous fassions quelque autre chose, nous ferons tout pour la gloire de Dieu (1Cornthiens 10 : 31) ; » où, enfin, « soit par nos paroles, soit par nos actions, nous ferons tout au nom du Seigneur Jésus, rendant grâces par lui à Dieu notre Père (Colossiens 3 : 17).

                    Eh bien, l'invention capitale de Satan consiste à détruire l'œuvre que Dieu a déjà faite dans notre âme, ou du moins à en retarder le développement, par l'attente même où nous sommes d'une œuvre plus grande. Je me propose donc en ce moment, d'abord, de signaler les divers moyens qu'il emploie pour atteindre ce but ; ensuite, d'indiquer comment nous pouvons repousser ces traits enflammés du Malin, et même nous élever plus haut à l'aide de ce qu'il avait préparé pour nous faire tomber.

I

                    Je dois donc, tout d'abord, signaler les divers moyens employés par Satan pour essayer de ruiner l'œuvre que Dieu a déjà faite dans notre âme, ou tout au moins d'en retarder le développement par le fait même de notre attente d'une œuvre plus grande. En premier lieu, il s'efforce de rabattre la joie que nous avons dans le Seigneur en nous invitant à considérer combien nous sommes par nous-mêmes vils, pécheurs et indignes, et qu'il faut que nous soyons bien autrement changés que nous ne le sommes, sans quoi nous ne saurions voir le Seigneur. Si nous étions assurés que, jusqu'à l'heure de la mort, nous devons demeurer ce que nous sommes, peut-être trouverions-nous dans cette nécessité une sorte de consolation, si faible qu'elle fût. Mais nous savons que nous ne sommes pas condamnés à rester dans cet état ; nous sommes certains qu'un plus grand changement doit se produire et que, si le péché n'est pas entièrement anéanti dès cette vie, nous ne pourrons voir Dieu dans sa gloire. Notre adversaire rusé en profite pour rabattre la joie que pourrait nous causer ce que nous avons déjà obtenu, en nous rappelant dans un but pervers tout ce que nous ne possédons pas et la nécessité absolue de le posséder. Il arrive donc que nous ne pouvons pas être joyeux à cause de ce que nous avons, parce qu'il y a bien davantage que nous n'avons pas. Nous ne pouvons plus savourer comme il faut la bonté de Dieu qui a fait pour nous de si grandes choses, parce qu'il en reste de beaucoup plus grandes qu'il n'a pas encore faites. Il arrive même que plus Dieu produit en nous une profonde conviction de notre manque de sainteté actuel, plus nous avons dans le cœur un ardent désir de cette sainteté complète qu'il a promise, et plus aussi nous sommes tentés de faire peu de cas des dons accordés par le Seigneur, et de ne pas apprécier à sa juste valeur ce que nous avons déjà reçu, à cause de ce que nous n'avons pas reçu.

                     Mais si Satan peut gagner ce point de rabattre notre joie, il s'attaquera bientôt à notre paix. Il nous suggérera des pensées comme celles-ci : « Es-tu en état de voir Dieu ? Il a les yeux trop purs pour voir le mal (Habaquq 1 : 13). Comment donc oserais-tu t'imaginer qu'il te contemple avec approbation ? Dieu est saint : tu es impur. Quelle union y a-t-il entre la lumière et les ténèbres ? (2Co 6 : 14) Comment serait-il possible que, souillé comme tu l'es, tu possédasses la faveur de Dieu ? Sans doute tu aperçois le but, le prix de ta céleste vocation ; mais ne vois-tu pas qu'il est bien loin de toi ? Et comment peux-tu croire que tous tes péchés sont effacés ? Ne faut-il pas, avant cela, que tu sois plus prés de Dieu, que tu lui ressembles davantage ? » C'est ainsi qu'il s'efforcera, non seulement d'ébranler votre paix, mais d'en renverser même les fondements, de vous ramener par degrés et insensiblement à votre point de départ, c'est-à-dire à chercher la justification par vos œuvres ou par votre propre justice, à chercher en vous-mêmes ce qui vous fera agréer par Dieu ou tout au moins quelque chose d'indispensable pour que vous soyez agréés.

                     Et si nous tenons bon, si nous disons : « Personne ne peut poser d'autre fondement que celui qui a été posé, qui est Jésus Christ (1Corinthiens 2 : 11) ; » je suis « justifié gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ (Romains 3 : 23) ; » Satan nous répliquera sans se lasser : « Mais on connaît. l'arbre par ses fruits. Portes-tu les fruits de la justification ? As-tu les mêmes sentiments que Jésus-Christ a eus ? Es-tu mort au péché et, vivant pour la justice ? As-tu été rendu conforme à Christ dans sa mort et connais-tu le pouvoir de sa résurrection ? » Alors, comparant en nous-mêmes les faibles résultats obtenus avec l'ampleur des promesses, nous serons tout près d'arriver à ces tristes conclusions : « Bien certainement Dieu ne m'a pas dit que tous mes péchés m'étaient pardonnés ! Bien certainement je n'ai pas obtenu la rémission de mes fautes. Car quelle part ai-je dans l'héritage des saints ? »

                    Mais c'est surtout au moment de la maladie et de la souffrance que Satan y insistera de toutes ses forces : « Celui qui ne peut mentir n'a-t-il pas dit : Sans la sanctification, personne ne verra le Seigneur ? (Hébreux 12 : 14) Et toi, tu n'es pas saint ! tu le sais bien, car tu n'ignores pas que la sainteté, c'est une ressemblance parfaite avec Dieu. Et combien tu es au-dessous de cela : à peine l'entrevois-tu ! Tune peux pas y arriver. Ainsi tous tes efforts ont été vains. Tout ce que tu as enduré, tu l'as enduré pour néant. Tu as dépensé tes forces inutilement. Tu es encore dans tes péchés, et tu y périras finalement ! » Et c'est de cette façon que, si vous ne tenez pas vos regards invariablement fixés sur celui qui a porté vos péchés, Satan vous ramènera sous le joug de cette « crainte de la mort », par laquelle si longtemps vous fûtes « assujettis à la servitude (Hébreux 2 : 15)  ». C'est ainsi qu'il diminuera, s'il ne les détruit pas entièrement, la paix aussi bien que la joie que vous aviez dans le Seigneur.

                    Mais le chef-d'œuvre de sa ruse est encore à venir. Non content de battre en brèche votre paix et votre joie, il portera ses efforts encore plus loin, jusqu'à assaillir votre justice elle-même. Il tâchera d'ébranler et, s'il le peut, de ruiner la sainteté que vous avez déjà obtenue, et cela en profitant de cette espérance même que vous avez de recevoir davantage, de posséder un jour l'image parfaite du Seigneur.

                    Le procédé qu'il emploie pour atteindre son but a été partiellement indiqué dans les remarques qui précèdent. Car, tout d'abord ; lorsqu'il s'attaque à votre joie dans le Seigneur, il s'attaque du même coup à votre sainteté, attendu que la joie du Saint-Esprit contribue admirablement à entretenir toutes les dispositions saintes ; attendu qu'elle est un instrument précieux entre les mains de Dieu pour avancer son œuvre dans l'âme croyante. Celle joie aide puissamment à pratiquer la sanctification tant extérieure qu'intérieure. Elle affermit nos mains pour que nous poursuivions « les œuvres de notre foi et les travaux de notre charité (1Thessaloniciens 1 : 3) », pour que nous combattions courageusement. « dans le bon combat de la foi, remportant la vie éternelle (1Timothée 6 : 12)  ». Dieu a expressément voulu que celle joie fit contrepoids à nos souffrances du dedans et du dehors, et que, par son moyen ; fussent « fortifiés, les mains qui sont affaiblies et les genoux qui sont relâchés (Hébreux 12 : 12)  ». Conséquemment tout ce qui tend à diminuer notre joie dans le Seigneur, met obstacle dans la même mesure à notre sanctification. Et c'est de cette manière que Satan, en ébranlant notre joie, entrave aussi notre sanctification.

                    Les mêmes effets se produiront s'il réussit, de quelque façon que ce soit, à détruire ou à ébranler notre paix. Car la paix de Dieu est, elle aussi, un moyen précieux d'imprimer plus parfaitement l'image de Dieu en nous. Rien peut-être ne contribue plus au développement de la sainteté que cette tranquillité d'esprit permanente, cette sérénité d'une âme qui s'appuie sur Dieu, ce repos si calme qu'on trouve dans le sang de Jésus. Privés de cela, nous ne pouvons guère croître en grâce et dans la connaissance vitale de notre Seigneur Jésus-Christ. Car toute crainte, sauf pourtant la crainte filiale et pleine de tendresse, glace et engourdit l'âme. Elle arrête le jeu de tous les ressorts de la vie spirituelle ; elle suspend les battements du cœur dans son élan vers Dieu. Le doute embourbe l'âme en quelque sorte, et elle reste là attachée à l'ornière. Nos progrès dans la sainteté sont donc entravés dans la mesure où nous sommes sous l'empire de l'un ou l'autre de ces sentiments.

                    En même temps qu'il s'efforce de trouver, dans notre conviction de la nécessité de l'amour parfait, un moyen d'ébranler notre paix par des doutes et des craintes, notre habile adversaire tache d'affaiblir ou même de détruire notre foi. C'est qu'en effet notre foi et notre paix sont étroitement liées, si étroitement qu'elles doivent subsister ou périr ensemble. Tant que la foi persiste, nous conservons la paix : notre cœur demeure ferme aussi longtemps qu'il croit au Seigneur. Mais si nous lâchons notre foi, notre confiance filiale en ce Dieu qui aime et qui pardonne, c'en est fait de notre paix ; car le fondement même en est renversé. Ce fondement est celui de notre sainteté aussi bien que celui de notre paix. Aussi tout ce qui l'ébranle ébranle en nous la base de notre sainteté. Sans cette foi, en effet, sans le sentiment constant que « Christ m'a aimé et s'est donné pour moi (Galates 2 : 20) », sans cette conviction permanente que Dieu, pour l'amour de Christ, est apaisé envers moi pécheur, il est impossible que j'aime Dieu. « Nous l'aimons parce qu'il nous a aimés le premier (1Jean 4 : 19) », et nous l'aimons d'autant plus que nous avons une conviction plus forte et plus nette du fait qu'il nous a aimés et nous a reçus en son Fils. Mais si nous n'aimons pas Dieu, nous ne pouvons aimer notre prochain comme nous-mêmes, et nous ne pouvons, conséquemment, posséder les dispositions convenables soit vis-à-vis de Dieu, soit vis-à-vis des hommes. Donc, tout ce qui affaiblit notre foi doit nécessairement au même degré entraver notre sanctification. Et c'est là le moyen le plus sûr et aussi le plus prompt de ruiner toute sainteté ; car cela n'agit pas seulement sur quelque trait du caractère chrétien, cela n'affecte pas seulement quelque grâce ou quelque fruit de l'Esprit : c'est un procédé qui, s'il peut réussir, déracinera en nous l'œuvre divine tout entière.

                     Il n'est donc pas étonnant que ce soit sur ce point que le prince des ténèbres de ce monde déploie toute sa puissance. C'est ce que notre expérience nous confirme. Il est, en effet, plus facile d'imaginer que de décrire la violence incroyable des tentations qui assaillent à cet égard ceux qui ont faim et soif de justice. Quand une clarté vive et puissante vient leur montrer, d'un côté, combien leur cœur est désespérément mauvais, et, de l'autre ; à quelle sainteté sans tache ils sont appelés en Jésus-Christ ; d'un côté, la profondeur de leur dépravation et leur éloignement absolu de Dieu, de l'autre, la hauteur de la gloire du Seigneur, de cette image du Saint des saints selon laquelle ils doivent être renouvelés : alors il arrive bien souvent que tout courage les abandonne et qu'ils seraient prêts à s'écrier : « C'est impossible pour Dieu lui-même !» Ils semblent alors sur le point de renoncer à leur foi et à leur espérance, d'abandonner cette confiance à l'aide de laquelle ils pourront tout surmonter et tout faire par Christ qui les fortifie, cette confiance par laquelle, « après avoir fait la volonté de Dieu, ils remporteront l'effet de sa promesse (Hébreux 10 : 35,36)  ».

                    S'ils « conservent jusqu'à la fin ce qui les soutient dès le commencement (Hébreux 3 : 14) », ils remporteront certainement l'effet de la promesse de Dieu qui embrasse et le Temps et l'Éternité. Mais voici un autre piège tendu devant nos pas. Tandis que nous soupirons ardemment après la réalisation de cette promesse en ce qui touche à la vie présente, après « la liberté glorieuse des enfants de Dieu (Romains  8 : 21) », il peut se faire que, sans nous en apercevoir, nous arrivions à négliger de penser à « la gloire à venir qui doit être manifestée (Romains 8 : 18)  ». Il se peut que nos regards se détournent insensiblement de cette couronne que le juste Juge a promis de donner au grand jour « à tous ceux qui auront aimé son avènement (2Timothée 4 : 8) ; » et que nous cessions de contempler l'héritage incorruptible qui nous est réservé dans les cieux. Cela aussi serait au détriment de nos âmes et mettrait obstacle à notre sanctification. Car nous avons besoin, pour être soutenus en courant la course qui nous est proposée, de ne jamais perdre de vue le but. Ce fut ainsi encouragé et « parce qu'il avait en vue la rémunération » que Moïse autrefois « choisit, d'être affligé avec le peuple de Dieu plutôt que de jouir pour un peu de temps des délices du péché, regardant l'opprobre de Christ comme des richesses plus grandes que les trésors de l'Égypte.

                     Il est même dit de celui qui fut plus grand que Moïse, que, « à cause de la joie qui lui était proposée, il a souffert la croix, méprisant l'ignominie, et s'est assis à la droite du trône de Dieu (Hébreux 12 : 2) » Nous pouvons apprendre par cela qu'à plus forte raison nous avons besoin de regarder à la joie qui nous est proposée, afin que nous puissions porter la croix, quelle qu'elle soit, que nous imposera la sagesse divine, et marcher à la gloire par la sainteté.

                     Tout en tendant à cette gloire aussi bien qu'à la glorieuse liberté qui y conduit, nous pouvons être exposés à tomber dans un autre piège du Diable, piège au moyen duquel il tâche d'enlacer les enfants de Dieu. C'est de prendre trop « souci du lendemain (Matthieu 6 : 34) » et d'oublier de mettre à profit « aujourd'hui (Hébreux 3 : 13)  ». Nous pourrions vivre dans l'attente de l'amour parfait et ne pas mettre en œuvre l'amour déjà répandu dans nos cœurs. Il ne manque pas d'exemples de personnes qui ont de cette façon reçu un grand dommage. Elles étaient tellement préoccupées de ce qu'elles devaient recevoir plus tard, qu'elles en négligeaient absolument ce qu'elles avaient déjà reçu. Dans leur attente de recevoir cinq talents de plus, elles ont enterré leur unique talent, ou du moins elles ne l'ont pas fait valoir, comme elles auraient pu le faire, à la gloire de Dieu et pour le bien de leurs propres âmes.

                     C'est ainsi que l'ennemi rusé de Dieu et des hommes s'efforce de rendre inutile le conseil de Dieu, en divisant l’Évangile contre lui-même, de façon à ce qu'une portion en renverse l'autre, le commencement de l'œuvre du Seigneur dans l'âme étant ruiné par l'attente même d'une œuvre plus parfaite. Nous venons de voir quelques-uns des moyens par lesquels il cherche à atteindre ce résultat : il tâche de tarir pour nous les sources de la sainteté. Mais il y arrive aussi par une méthode plus directe, c'est-à-dire en nous faisant trouver dans cette espérance bénie une occasion de nous laisser aller à des sentiments contraires à la sainteté.

                   Par exemple, lorsque notre cœur a faim et soif de l'accomplissement de toutes « les grandes et précieuses promesses (2Pierre 1 : 4) » quand nous soupirons après la plénitude de Dieu comme le cerf après les eaux courantes, quand notre âme, pleine d'ardents désirs, s'écrie « Pourquoi son char tarde-t-il à venir ? (Juges 5 : 28) » Satan ne laisse pas échapper cette occasion de nous provoquer au murmure contre Dieu. En pareil cas, il déploie toute son habileté, toutes ses ressources, pour nous amener, si possible, dans un moment de surprise, à nous plaindre de ce que le Seigneur diffère ainsi sa venue ; il tâchera de produire chez nous tout au moins un peu de mécontentement et d'impatience, peut-être de l'envie à l'égard de ceux que nous croyons avoir déjà obtenu le prix de leur céleste vocation. Il sait parfaitement qu'en donnant lieu à quelqu'un de ces mauvais sentiments, nous démolissons l'édifice que nous voudrions bâtir. Une telle manière de rechercher la sainteté parfaite fait que nous en sommes plus loin qu'auparavant. Il y a même grand danger que notre « dernière condition ne devienne pire que la première (2Pierre 2 : 29) », comme pour ceux au sujet desquels l'apôtre écrivait ces paroles terribles : « Il leur eût mieux valu de n'avoir point connu la voie de la justice que de se détourner, après l'avoir connue, du saint commandement qui leur avait été donné (2Pierre 2 : 21).

                    Satan compte aussi obtenir de cette façon un autre avantage, qui est de mettre le bon chemin en mauvais renom. Il sait bien que fort peu de personnes peuvent (sans parler d'un trop grand nombre qui pourraient, mais ne veulent pas) distinguer entre l'abus éventuel d'une doctrine et sa tendance naturelle. Il profite de cela pour confondre perpétuellement les deux choses à propos de la doctrine de la perfection chrétienne, afin d'inspirer aux hommes qui ne se tiennent pas en garde, des préventions contre les précieuses promesses du Seigneur. Et combien souvent, combien généralement, j'allais dire combien invariablement il y réussit ! Car, où sont ceux qui, après avoir constaté quelques conséquences fâcheuses résultant accidentellement de cette doctrine, ne vont pas tout droit à cette conclusion que c'est là sa tendance naturelle, et ne s'empressent pas de dire « Voyez quels fruits cette doctrine porte ! » entendant par là que tels sont ses fruits naturels et nécessaires. Mais ce n'est pas cela : ce sont des fruits qui peuvent provenir accidentellement de l'abus d'une vérité importante et précieuse. Or, l'abus d'une doctrine biblique quelconque n'entraîne pas la suppression de son usage. L'infidélité de l'homme qui corrompt son droit chemin, n'anéantit pas non plus la promesse de Dieu. Oh non ! que Dieu soit reconnu véritable et tout homme menteur. La parole de l’Éternel subsistera. « Celui qui a fait les promesses est fidèle (Hébreux 10 : 23) », « et il le fera aussi (1Thessaloniciens 5 : 24)  ». Ne nous laissons pas entraîner à « abandonner jamais les espérances de l’Évangile (Colossiens 1 : 23) » Tâchons plutôt de découvrir comment on peut repousser ces traits enflammés du Malin et même faire de plus grands progrès au moyen des choses sur lesquelles Satan comptait pour nous faire tomber. Tel est le.second point que nous voulons examiner.

lI

                     Et d'abord, Satan vient-il essayer de rabattre votre joie qui est dans le Seigneur, en vous rappelant votre état de péché et en y ajoutant ceci que, sans une sainteté complète et parfaite, personne ne verra le Seigneur ! Vous pouvez lui renvoyer son projectile aussi longtemps que, par la grâce de Dieu, tout en sentant profondément votre indignité, vous vous réjouirez d'autant plus dans l'espérance ferme que vous serez délivrés de tout cela. Tant que vous retiendrez cette espérance, tout mauvais sentiment que vous éprouvez peut servir non à diminuer, mais à augmenter votre joie pleine d'humilité. Car vous pouvez dire : « Ceci, et cela encore, doit être anéanti par la présence du Seigneur. Comme la cire fond au feu, ainsi tout ce mal fondra devant sa face ». De cette façon, plus est grand le changement qui doit s'accomplir encore dans votre âme, et plus vous devez triompher en l’Éternel et vous réjouir dans le Dieu de votre salut, en celui qui a déjà fait pour vous de si grandes choses et qui en fera d'encore plus grandes.

                     En second lieu, si Satan cherche à ébranler violemment votre paix par des insinuations comme celle-ci : « Dieu est saint ; toi tu ne l'es pas. Tu es à une distance infinie de cette sanctification sans laquelle tu ne peux voir Dieu. Comment donc pourrais-tu jouir de sa faveur ? Comment peux-tu te figurer que tu es justifié ? » prenez d'autant plus garde de vous tenir fermement attachés à ceci : « Ce n'est pas par des œuvres de justice que j'ai pu faire que je puis être trouvé en lui (Philippiens 3 : 9), être « reçu en son bien-aimé (Éphésiens 1 : 6 — d'après la version anglaise.) », ayant, non ma propre justice pour cause absolue ou partielle de ma justification devant Dieu, mais la justice « qui vient de la foi en Christ, savoir la justice qui vient de Dieu par la foi (Philippiens 3 : 9)  ». Oh ! que cette vérité soit comme un collier à votre cou ; écrivez-la sur les tables de vos cœurs ; portez-la comme un bracelet autour de votre bras, comme un fronteau entre vos yeux : « Je suis justifié gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ (Romains 3 : 23) » Appréciez et chérissez toujours plus cette précieuse vérité : « Vous êtes sauvés par grâce par la foi (Éphésiens 2 : 8)  ». Admirez de plus en plus la libéralité de la grâce de Dieu, en ce qu'il « a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point mais qu'il ait la vie éternelle (Jean 3 : 16)  ». C'est ainsi que le sentiment, de votre misère d'un côté et d'un autre votre attente de la sainteté contribueront l'un et l'autre à affermir votre paix et à la rendre « comme un fleuve (Esaïe 48 : 18)  ». Alors cette paix coulera avec un cours tranquille, malgré les montagnes de l'impiété, qui seront aplanies au jour où le Seigneur viendra prendre entière possession de votre cœur. Ni la maladie, ni la souffrance, ni l'approche de la mort ne pourront vous causer des doutes ou de la crainte. Vous savez que, pour Dieu, un jour, une heure, un instant sont comme mille ans. Il ne saurait être arrêté par des limites de temps dans l'œuvre qu'il lui reste à accomplir dans votre âme. Le moment voulu par Dieu est, toujours le meilleur moment. Ne te mets donc en peine, de rien. Expose-lui seulement tes besoins, sans te laisser aller au doute ou à la crainte, avec des actions de grâces, puisque tu sais d'avance qu'il ne t'épargnera aucun bien.

                    En troisième lieu, plus vous vous verrez tentés de jeter votre bouclier, d'abandonner votre foi, votre confiance en l'amour de Dieu, plus il vous faudra prendre garde de bien conserver « les choses auxquelles vous êtes parvenus (Philippiens 3 : 16 – d'après la version anglaise) », et plus vous devrez vous efforcer de « rallumer le don de Dieu qui est en vous (2Timothée 1 : 6)  ». Ne lâchez jamais cette foi qui peut dire : « J'ai un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste (1Jean 2 : 1) ; » « si je vis encore dans ce corps, je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et qui s'est donné soi-même pour moi (Galates 2 : 20)  ». Que ce soit là ta gloire et ta couronne de joie. Et prends garde « que personne ne prenne ta couronne (Apocalypse 3 : 11)  ». Retiens bien ceci : « Pour moi, je sais que mon Rédempteur est vivant, et qu'il demeurera le dernier sur la terre (Job 19 : 25) » et ceci : « J'ai maintenant la rédemption par son sang la rémission des péchés (Éphésiens 1 : 7)  ». Alors, rempli de toute sorte de paix et de joie en croyant, cours, dans cette paix et cette joie de la foi, cours vers le renouvellement de ton âme tout entière à l'image de celui qui te créa. Et, en attendant cela, crie continuellement à Dieu pour qu'il te fasse voir le prix de ta vocation céleste, non pas tel que Satan te le montre, sous une forme terrible et épouvantable, mais dans la beauté si réelle qui lui appartient ; non pas comme quelque chose qu'il te faut posséder sous peine d'aller en enfer, mais comme une grâce que tu peux recevoir et qui te conduira au Ciel. Considère-le comme le don le plus digne d'envie que Dieu ait en réserve dans les trésors de ses grandes miséricordes. Car si tu l'aperçois ainsi sous son vrai jour, tu auras toujours plus faim et soif de le posséder ; ton âme entière soupirera après Dieu et après cette glorieuse conformité à son image. Et, ayant obtenu par la grâce de Dieu une espérance ferme de ces bénédictions et une puissante consolation, ton cœur ne sera plus lassé ni languissant ; tu marcheras en avant jusqu'à ce que tu atteignes le but.

                    Soutenu par cette force que donne la foi, cours aussi vers la gloire. A vrai dire, ces deux buts n'en font qu'un ; Dieu a, dès le commencement, uni ces trois choses pardon, sainteté, ciel. Et pourquoi l'homme les séparerait-il ? Gardons-nous en bien ! Ne brisons pas un seul anneau de cette chaîne d'or : « Dieu m'a pardonné pour l'amour de Christ ; il me transforme maintenant à son image ; bientôt il me rendra digne de lui et m'admettra en sa présence. Il m'a justifié par le sang de son Fils, et quand je serai pleinement sanctifié par son Esprit, je ne tarderai pas à monter à la nouvelle Jérusalem, à « la cité du Dieu vivant (Hébreux 12 : 22)  ». Oui, dans peu de temps je parviendrai « à l'assemblée et à l’Église des premiers-nés..., à Dieu le juge de tous et à Jésus le médiateur de la nouvelle alliance (Hébreux 12 : 23)  ». Bientôt les ombres vont se dissiper ; bientôt luira sur moi le jour l'Eternité ! Bientôt je boirai à ce « fleuve d'eau vive qui sort du trône de Dieu et de l'Agneau (Apocalypse 22 : 1)  ». Là tous « ses serviteurs le serviront ; ils verront sa face, et son nom sera écrit sur leurs fronts. Il n'y aura plus là de nuit, et ils n'auront point besoin de lampe ni de la lumière du soleil parce que le Seigneur Dieu les éclairera ; et ils règneront aux siècles des siècles (Apocalypse 22 : 3,5)  ».

                   Quand vous aurez ainsi « goûté la bonne parole de Dieu, et les puissances du monde à venir (Hébreux 6 : 5) », vous ne pourrez plus murmurer contre le Seigneur de ce que vous n'êtes pas encore en état de participer à l'héritage des saints dans la lumière. Au lieu de vous plaindre de ce que vous n'êtes point encore pleinement délivrés, vous louerez Dieu de ce qu'il vous a délivrés au point où vous l'êtes. Vous bénirez le Seigneur pour ce qu'il a fait, et vous regarderez cela comme les arrhes de ce qu'il va faire. Vous ne vous impatienterez pas contre lui de ce que vous n'êtes pas encore transformés : vous le bénirez de ce que vous devez l'être, de ce que le salut, la délivrance de tout péché, est maintenant plus près de vous que lorsque vous avez cru (Romains 13 : 11). Au lieu de vous tourmenter inutilement de ce que le moment n'est pas encore tout à fait arrivé, vous l'attendrez paisiblement, calmement, sachant qu'il viendra et ne tardera point (Hébreux 10 : 37). Vous pouvez donc endurer bravement le présent, le fardeau du péché qui reste encore en vous, d'autant plus qu'il n'y doit pas toujours rester. Encore un peu de temps, et il disparaîtra entièrement. Sachez seulement attendre le moment du Seigneur ; fortifiez-vous et il consolera votre cœur ; mettez votre confiance en l'Éternel.

                    Et si vous en rencontrez qui vous paraissent, autant que vous pouvez en juger (car Dieu seul sonde les cœurs), déjà en possession de ce qu'ils avaient espéré, déjà perfectionnés dans l'amour, loin d'être jaloux de la grâce que Dieu leur a accordée, réjouissez-vous-en et que votre cœur y trouve de la consolation. Glorifiez Dieu à leur sujet. « Quand un membre est honoré, tous les autres membres n'en ont-ils pas la joie ? (1Corinthiens 12 : 26) » Au lieu d'éprouver de l'envie ou de vous laisser aller à des pensées de méfiance à leur égard, bénissez Dieu pour cet encouragement. Réjouissez-vous de ce que Dieu vous donne là une nouvelle preuve de la fidélité avec laquelle il accomplit toutes ses promesses. Et faites d'autant plus d'efforts « pour parvenir à ce pourquoi Jésus Christ vous a pris à lui (Philippiens 3 : 12 – d'après la version anglaise »

                    Pour qu'il en soit ainsi, rachetez le temps. Profitez du moment présent. Saisissez toutes les occasions d'avancer dans la grâce et de faire du bien. Que la pensée que vous pourrez recevoir plus de grâces demain, ne vous fasse pas négliger celles d'aujourd'hui. Vous avez actuellement un talent ; si vous espérez en obtenir cinq, raison de plus pour que vous fassiez valoir celui que vous avez. Plus vous comptez recevoir du Seigneur plus vous devez travailler pour lui dès maintenant. A chaque jour suffit sa grâce. Dieu répand sur vous ses bienfaits en ce moment ; en ce moment donc montrez-vous économe fidèle des grâces accordées par le Seigneur aujourd'hui. Quel que puisse être demain, il faut qu'aujourd'hui vous « apportiez tous vos soins à ajouter à votre foi le courage, la tempérance, la patience, l'amour fraternel (2Pierre 1 : 5-7) », et la crainte de Dieu, jusqu'au jour où vous arriverez à l'amour pur et parfait. « Que ces choses soient en vous et qu'elles y abondent (2Pierre 1 : 8) » dés aujourd'hui. Ne soyez aujourd'hui ni paresseux ni stérile. « Et, par ce moyen, l'entrée au royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ vous sera pleinement accordée ( (2Pierre 1 : 11)  ».

                    En dernier lieu, si par le passé vous avez abusé de cette glorieuse espérance d'être un jour saint comme lui est saint, n'allez pas la rejeter loin de vous pour cela. Que l'abus cesse, et que l'usage soit maintenu. Oui, usez-en aujourd'hui pour la plus grande gloire de Dieu, et pour le bien de votre propre âme. Dans une foi inébranlable, dans une parfaite sérénité d'âme, dans la pleine assurance que donne l'espérance, étant toujours joyeux à cause de ce que Dieu a déjà fait, marchez vers la perfection. Et ; croissant de jour en jour dans la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ, allant de force en force, dans la résignation, dans la patience, dans une humble reconnaissance pour ce que vous avez obtenu et pour ce que vous obtiendrez encore, courez. « la course qui vous est proposée, regardant à Jésus (Hébreux 12 : 1,2) », jusqu'à ce qu'enfin, par l'amour parfait, vous entriez dans sa gloire !

mardi 19 juillet 2016

(8) LES SERMONS DE WESLEY LES PENSÉES VAGABONDES

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

Sermon 41 :           LES PENSÉES VAGABONDES

2 Corinthiens 10,5   (1762)

Pour amener captives toutes  les pensées et les soumettre à l'obéissance de Christ (2 Corinthiens 10:5)

                    Dieu amènera-t-il toutes les pensées captives à l'obéissance de Christ, à tel point qu'il n'y ait plus place dans notre esprit pour des pensées vagabondes, quoique nous demeurions encore dans ce corps ? Quelques-uns ont répondu très affirmativement à cette question ; il s'est même trouvé des chrétiens pour soutenir que personne n'est parfait dans l'amour à moins d'avoir atteint une perfection de l'esprit telle que l'on soit débarrassé de toute pensée vagabonde ; il faut, d'après eux, que non seulement toutes les dispositions et tous les sentiments du cœur soient saints, justes et bons, mais que chaque pensée qui naît dans l'esprit soit empreinte de sagesse et de régularité.

                    Cette question ne manque pas d'importance. Combien, en effet, de ceux qui craignent Dieu, qui l'aiment, peut-être de tout leur cœur, ont été profondément troublés à cet égard ! Combien, ne comprenant pas ce sujet, ont éprouvé non seulement du trouble, mais un vrai dommage spirituel ! Ils sont tombés dans des raisonnements inutiles, qui pis est nuisibles, et leurs progrès vers Dieu se sont ralentis ; ils n'ont plus couru avec la même ardeur la course qui leur était proposée. Il en est même beaucoup qui, pour avoir conçu de fausses idées sur ce point, ont rejeté le précieux don du Seigneur. D'abord, ils ont été conduits à mettre en doute l'œuvre opérée par Dieu dans leur âme ; puis ils en sont venus à la nier, et ainsi ils ont contristé l'Esprit de Dieu qui fini par se retirer d'eux, les laissant dans des ténèbres profondes.

                    Comment se fait-il que, parmi cette multitude de livres écrits récemment sur tous les sujets possibles, il ne s'en trouve pas un qui traite des pensées vagabondes ? En tout cas, il n'y en a point qui soit de nature à satisfaire un esprit sage et sérieux. Pour combler un peu cette lacune, je voudrais examiner :

1° Quelles sont les différentes sortes de pensées vagabondes ;
2° Quelles sont, en général, les occasions qui les font naître ; 
3° Quelles sont celles qui sont coupables, et quelles sont, celles qui ne le sont pas 
4° Desquelles de ces pensées nous pouvons espérer et demander d'être délivrés.

I

                    Tout d'abord, je voudrais rechercher quelles sont les différentes sortes de pensées vagabondes. Les espèces particulières de ces pensées sont innombrables ; mais, d'une façon générale, elles appartiennent à l'une ou l'autre de ces deux classes-ci : pensées qui s'éloignent de Dieu, pensées qui s'éloignent de l'objet spécial qui doit nous occuper.

                    Toutes nos pensées naturelles portent le premier de ces deux caractères ; car elles s'éloignent invariablement de Dieu ; nous ne pensons point à lui : il n'est pas dans nos pensées. Nous sommes tous, comme l'apôtre l'a dit, « sans Dieu dans le monde (Éphésiens 2 : 12)  ». Quand nous aimons quelque chose, nous y pensons ; mais nous n'aimons pas Dieu : aussi ne pensons-nous pas à lui. Et si de temps à autre nous nous voyons contraints de penser à lui, ne trouvant là rien qui nous plaise, mais plutôt quelque chose qui non seulement nous ennuie, mais encore nous répugne et nous fatigue, nous nous empressons de bannir ces pensées dès que nous le pouvons et de retourner à celles que nous aimons. C'est pour cela que tous nos moments sont envahis, toutes nos pensées remplies par le monde et les choses du monde, par ce que nous mangerons, ce que nous boirons et ce dont nous serons vêtus, par ce que nous verrons et ce que nous entendrons, par ce que nous pourrons gagner, par ce que nous pourrons découvrir pour satisfaire nos sens ou notre imagination. Et tant que nous aimons le monde, c'est-à-dire aussi longtemps que nous sommes dans notre état naturel, toutes nos pensées, du matin au soir et du soir au matin, ne peuvent, qu'être des pensées vagabondes.

                    Mais il arrive bien souvent que nous ne sommes pas seulement « sans Dieu dans le monde », mais aussi en guerre avec lui. Car il y a chez tout homme naturel cette « affection de la chair qui est ennemie de Dieu (Romains 8 : 7)  ». Il n'est donc point surprenant que les pensées d'incrédulité abondent chez lui, et qu'il dise dans son cœur qu'il n'y a point de Dieu, ou bien mette en doute (s'il ne les nie pas) sa puissance, sa sagesse, sa bonté, sa justice ou sa sainteté. Il n'est point étonnant que cet homme doute de la Providence, ou du moins de son intervention perpétuelle et universelle, et que, s'il admet cette intervention, il ait à son égard des pensées de murmure ou de révolte. A côté de ces pensées et souvent en rapport étroit avec elles, il y a des pensées d'orgueil et de vanité. L'homme naturel peut aussi être absorbé par des pensées de colère, de haine ou de vengeance ; ou bien son esprit se livre aux enchantements des rêves de plaisir, soit pour les sens, soit dans le domaine de l'imagination, rêves qui ont pour effet de rendre l'esprit qui était déjà terrestre et sensuel, encore plus terrestre, encore plus sensuel. Toutes ces pensées sont en guerre ouverte avec Dieu ; ce sont là des pensées vagabondes au suprême degré.

                   Il y a une énorme différence entre ce genre de pensées vagabondes et celles qui font, non pas que le cœur s'éloigne de Dieu, mais que l'esprit s'écarte de l'objet spécial qui devait l'occuper à un moment donné. Prenons un exemple. Je me mets à étudier le verset qui précède mon texte : « Les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas charnelles, mais puissantes par la vertu de Dieu (2Corinthiens 10 : 4)  ». Je me prends à réfléchir comme suit : « C'est ainsi que devraient agir tous les vrais chrétiens. Mais qu'ils sont loin de le faire ! Jetons un coup d’œil sur ce qu'on appelle la chrétienté. De quelles armes s'y sert-on ? Quel genre de guerre s'y fait-il ?

Le genre humain
Lui-même se déchire,
Se perce de sa propre main.
Satan l'inspire ;
De l'infernal empire 
Tous les feux brillent dans son sein.

                    « Voyez donc comme ces chrétiens s'entr'aiment ! En quoi valent-ils mieux que des Turcs ou des païens ?. Quelles abominations trouverait-on chez les mahométans ou chez les idolâtres qui n'existent pas aussi parmi les chrétiens ? » Et c'est ainsi qu'avant que je m'en sois aperçu, mon esprit s'est mis à voltiger d'une chose à une autre. Ce sont bien là, dans un certain sens, des pensées vagabondes. Car si elles ne s'éloignent pas de Dieu, si elles sont encore moins en guerre avec lui, il demeure pourtant vrai qu'elles s'écartent de l'objet spécial qui devait m'occuper.

                    Telle est la nature et telles sont les espèces des pensées vagabondes : je parle ici le langage de la pratique plutôt que celui de la philosophie. Mais quelles sont les circonstances qui les font naître ? Tel est le second point que nous devons examiner.

                    On découvre sans peine que la source de la première espèce de celles qui font la guerre à Dieu ou s'éloignent de lui, se trouve en général dans nos dispositions pécheresses, mauvaises. Par exemple, pourquoi Dieu n'est-il pas dans toutes les pensées, pourquoi n'est-il dans aucune des pensées de l'homme naturel ? Par une raison bien simple : c'est que cet homme, qu'il soit riche ou qu'il soit pauvre, qu'il soit instruit ou qu'il soit ignorant, est un athée, bien qu'on ne le qualifie pas habituellement de ce nom : il ne connaît pas Dieu, il ne l'aime pas. Pourquoi ses pensées errent-elles sans cesse du côté du monde ? C'est parce que cet homme est un idolâtre. Sans doute il n'adore pas une image taillée, il ne se prosterne pas devant un tronc d'arbre, mais il est plongé dans une idolâtrie tout aussi abominable : il aime, il adore le monde. Il cherche son bonheur dans les choses visibles, dans les plaisirs « qui périssent par l'usage (Colossiens 2 : 22)  ». (Dans ce passage toutes nos traductions donnent à peu près ce sens « Préceptes qui sont tous pernicieux par leur abus ». La traduction de Vevey a seule imité la version anglaise. Celle-ci présente le sens adopté par Luther et approuvé par le commentaire de Lange. Ce sont nos traducteurs qui ont inventé que cette clause s'appliquait à des préceptes, ce qui les a conduits à un sens abstrait et qui n'est pas d'accord avec les habitudes du style apostolique. (Trad.) Pourquoi ses pensées s'éloignent-elle continuellement, de ce qui devrait être le but même de son existence, la connaissance de Dieu en Jésus-Christ ? Parce que cet, homme est un incrédule. Il n'a pas de foi, ou du moins il n'en a pas plus que les démons. Toutes ces pensées vagabondes naissent spontanément et, sans effort de cette mauvaise racine, l'incrédulité.

                    Les choses se passent ainsi dans le cas d'autres passions, comme l'orgueil, la colère, la vengeance, la vanité, la convoitise, l'avarice, dont chacune engendre des pensées en rapport avec la nature du sentiment qui les produit. Il en est de même de toutes les dispositions pécheresses, mauvaises, qui peuvent exister dans le cœur de l'homme. Il serait à peine possible, et il n'est point nécessaire de les énumérer en détail : il nous suffira de constater qu'autant il y a de penchants mauvais qu'on peut rencontrer dans une âme, autant il y a de chemins ouverts par lesquels cette âme s'éloignera de Dieu, en se livrant à la pire espèce de pensées vagabondes.

                     Pour ce qui est de la seconde classe de pensées errantes, les occasions qui les font naître sont très diverses. Un grand nombre proviennent de l'union qui subsiste naturellement entre le corps et l'âme. Les maladies du corps n'agissent-elles pas bien promptement et bien gravement sur l'intelligence ? Si seulement la circulation du sang dans le cerveau devient irrégulière, il n'y a plus moyen de penser régulièrement. Une folie furieuse survient, et l'esprit a perdu tout équilibre. Qu'il v ait seulement un trouble, une agitation dans les humeurs du corps, et il se produit un délire, une folie momentanée qui suspend toute action normale de là pensée. Les maladies nerveuses n'amènent-elles pas toutes, à quelque degré, ce même désordre dans nos pensées ? C'est ainsi que « le corps mortel pèse sur l'âme et la force de rêver à bien des choses.

                     Mais cette pression du corps sur l'âme s'exerce-t-elle seulement en temps de maladie ou d'indispositions extraordinaires ? Nullement ; cela arrive presque en tous temps, et même lorsqu'on est en parfaite santé. Un homme a beau se bien porter, il aura plus ou moins de délire dans l'intervalle de vingt-quatre heures. En effet, il dort, n'est-ce pas ? En dormant n'est-il pas exposé à rêver ? Et qui donc alors est maître de ses idée et capable d'y conserver de l'ordre et de la liaison ? Qui pourrait dans cet état tenir ses pensées fixées sur un sujet quelconque, ou les empêcher de vagabonder d'un pôle à l'autre ?

                   Mais, à supposer que nous soyons éveillés, le sommes-nous toujours suffisamment pour diriger comme il faut nos pensées ? Ne sommes-nous pas irrémédiablement exposés, par la nature même de cette machine qui s'appelle le corps, à l'influence des extrêmes les plus contraires ? Tantôt nous sommes trop lourds, trop affaissés et trop las pour suivre l'enchaînement de la pensée. A d'autres moments, nous sommes au contraire trop surexcités, et notre imagination, sans que nous le lui ayons permis, part d'ici ou de là, nous emporte à droite ou à gauche, que nous le voulions ou non : il suffit pour cela des mouvements naturels de notre sang, de la vibration de nos nerfs.

                   Autre chose. Combien de pensées vagabondes naissent des diverses associations d'idées qui se produisent chez nous à notre insu, sans que nous en sachions rien, tout à fait indépendamment de notre volonté ! Nous ignorons comment se forment ces associations d'idées, mais c'est certainement de mille façons différentes. Les plus sages, les plus saints des hommes ne sauraient empêcher ces associations d'idées de se produire et de produire tel ou tel effet inévitable, comme on peut l'observer tous les jours. Que le feu prenne à un bout de la traînée, et, en rien de temps, il atteint l'autre bout.

                       Encore un détail. Nous aurons beau fixer notre attention sur un sujet aussi soigneusement que nous le pourrons, s'il survient. une cause de plaisir ou de souffrance, surtout si c'est quelque chose d'un peu vif, notre attention sera attirée par ce nouvel objet, et il absorbera nos pensées. Il interrompra la plus profonde des méditations, et il entraînera l'esprit loin de ses préoccupations favorites.

                    Ces occasions de vagabondage pour la pensée ont leur siège en nous et s'entrelacent avec notre constitution même. Mais les objets extérieurs, par leurs impulsions diverses, en font naître d'autres tout aussi naturellement et tout aussi invinciblement. Tout ce qui agit sur nos organes, sur nos sens, par nos yeux, par nos oreilles, éveille une idée dans notre esprit. Et de cette manière tout ce que nous voyons, tout ce que nous entendons vient se mêler aux pensées qui nous occupaient. C'est ainsi que toute personne qui fait quelque chose sous nos yeux, ou dit quelque chose que nous pouvons entendre, est cause que notre esprit s'écarte plus ou moins du sujet auquel il réfléchissait.

                    On ne saurait douter que les esprits du mal qui toujours cherchent qui ils pourront dévorer, ne profitent de toutes les occasions que nous venons d'indiquer pour troubler et dissiper notre esprit. Tantôt par l'un de ces moyens, tantôt par l'autre, ils nous harcèlent et, nous inquiètent ; autant que Dieu le leur permet, ils tâchent d'interrompre le cours de nos pensées, surtout si nous réfléchissons aux choses les plus sérieuses. Il n'y a là rien d'étonnant ; car ils comprennent sans doute le mécanisme de la pensée et savent avec lesquels de nos organes physiques, l'imagination, l'intelligence et les autres facultés de l'âme sont en rapport immédiat. Et de cette façon ils savent, en agissant sur ces organes, influer sur les opérations de l'esprit qui en dépendent. Il faut aussi tenir compte de ce fait qu'ils peuvent nous suggérer mille pensées diverses sans recourir aux moyens en question ; car il est tout, naturel que l'esprit puisse agir sur l'esprit, comme la matière sur la matière. Si nous considérons toutes ces choses, nous ne serons pas surpris de ce que si souvent nos pensées s'égarent loin de l'objet qui devait les occuper.

III

                    Quelles sont celles de ces pensées vagabondes qui sont coupables, et quelles sont celles qui ne le sont pas ? Tel est le troisième point que nous voulons étudier. Et, d'abord, toutes les pensées qui s'éloignent de Dieu, qui ne lui laissent point de place dans notre esprit, sont évidemment coupables. Car, toutes, elles supposent un athéisme pratique, et font que nous sommes sans Dieu dans le monde. Encore plus coupables sont celles qui sont opposées à Dieu, dans lesquelles il y a hostilité et inimitié contre lui. Telles sont toutes les pensées de murmure, de mécontentement qui reviennent à dire :

                    « Nous ne voulons pas que tu règnes sur nous (Luc 19 : 14)  ». Telles sont aussi toutes les pensées d'incrédulité, soit qu'elles se rapportent à l'existence de Dieu, ou bien à ses attributs ou à sa providence. Je veux parler de cette providence de détail, qui s'étend à tout et à tous dans l'univers, sans la permission de laquelle « un passereau ne tombe point à terre (Matthieu 10 : 29) », et par qui « tous les cheveux de notre tête sont comptés ; (Matthieu 10 : 30) ». Car pour ce qui est d'une providence générale, comme disent bien des gens, ce n'est là qu'un mot, bienséant et qui fait bon effet, mais ne signifie absolument rien.

                      De plus, toute pensée qui provient de nos penchants mauvais ne peut qu'être coupable. Telles sont, par exemple, les pensées qui naissent d'un désir de vengeance, de l'orgueil, de la convoitise ou de la vanité. « Un mauvais arbre ne peut porter de bons fruits (Matthieu 7 : 18) ; » si l'arbre ne vaut rien le fruit ne saurait valoir davantage.

                     Sont aussi nécessairement coupables les pensées qui produisent ou entretiennent des dispositions coupables, celles qui engendrent l'orgueil, la vanité, la colère, l'amour du monde, et développent ou augmentent dans l'âme ces penchants mauvais et toute autre passion ou inclination coupable. Car ce n'est pas seulement tout ce qui découle du péché qui est péché ; c'est aussi tout ce qui y conduit, c'est tout ce qui tend à séparer l'âme de Dieu, à la rendre « terrestre, sensuelle et diabolique (Jacques 3 : 15) », ou à la maintenir dans cet état.

                     Ainsi, toutes ces pensées qui nous viennent par suite de faiblesse ou de maladie, par l'action naturelle du mécanisme du corps ou des lois qui l'unissent à l'âme, ces pensées, tout innocentes qu'elles soient par elles-mêmes, deviennent pourtant coupables lorsqu'elles font naître ou bien encouragent et développent en nous un penchant mauvais quelconque, par exemple la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, ou l'orgueil de la vie. De même, les pensées vagabondes qui nous viennent sous l'influence des paroles ou des actes de nos semblables, deviennent coupables dès qu'elles ont pour effet de susciter ou d'alimenter chez nous une inclination mauvaise. On peut en dire autant, de celles que le diable nous suggère ou nous inspire. Quand elles contribuent à satisfaire quelque disposition terrestre ou diabolique (et c'est le cas toutes les fois que nous leur donnons accès chez nous et qu'ainsi nous nous les approprions) ; alors elles sont coupables tout aussi bien que les penchants auxquels elles prêtent la main.

                    Mais, à part ces cas, les pensées vagabondes, dans le second sens attaché à cette expression, c'est-à-dire celles qui détournent notre esprit de l'objet qui devait, l'occuper, ne sont pas plus coupables, que ne le sont les mouvements des humeurs ou du sang dans nos veines et dans notre cerveau. Si elles proviennent d'une constitution maladive ou d'une faiblesse, d'une indisposition accidentelles, elles ne sont pas davantage condamnables qu'il ne l'est d'avoir une santé délicate ou un corps malade. A coup sûr, personne ne doute qu'une personne tout à fait irréprochable peut souffrir de désordres nerveux, d'attaques de diverses fièvres, de délire passager ou d'une longue durée. Ces pensées peuvent aussi se produire dans une âme qui habite un corps parfaitement sain, soit par suite de cette union du corps avec l'âme, soit à cause de mille et un accidents qui peuvent survenir dans les fonctions de ceux de nos organes qui concourent à la formation de la pensée. Mais, dans tous ces divers cas, les pensées errantes ne sont pas plus coupables que ne le sont les causes d'où elles naissent. On peut en dire tout autant du cas où ces pensées viennent d'associations d'idées qui sont absolument fortuites et involontaires.

                   Si nos semblables, en agissant de diverses façons sur nos sens, réussissent à détourner nos pensées du sujet qui les occupait, nous sommes pourtant innocents ; car ce n'est pas davantage un péché de percevoir les choses qu'on voit ou qu'on entend (et que souvent, on ne peut faire autrement que d'entendre, de voir et de comprendre), que ce n'est un péché d'avoir des yeux et des oreilles. « Mais, dira quelqu'un, si le diable m'inspire des pensées vagabondes, est-ce qu'elles ne sont pas coupables ? » Elles sont gênantes, et dans ce sens-là elles sont mauvaises ; mais elles ne sont pas coupables. Je ne sais si Satan parla à Jésus d'une voix perceptible pour l'oreille, ou si ce fut seulement à son esprit qu'il s'adressa lorsqu'il lui dit : « Je te donnerai toutes ces choses si, en te prosternant, tu m'adores (Matthieu 4 : 9)  ». Mais qu'il lui ait parlé extérieurement ou intérieurement, il est certain que notre Seigneur comprit ce qu'il lui disait. Et il eut nécessairement une pensée en rapport avec ces paroles. Mais cette pensée fut-elle coupable ? Nous savons que non ; car il n'y a pas eu en lui de péché, pas plus en pensée qu'en parole ou en action. Et il n'y a pas non plus de péché dans mille et mille pensées du même genre que Satan peut suggérer à chacun des disciples de Jésus.

                    Il s'ensuit qu'aucune de ces pensées vagabondes n'est incompatible avec l'amour parfait, quoi qu'en aient pu dire certains hommes téméraires qui ont ainsi affligé ceux que le Seigneur n'avait pas voulu affliger. S'il en était autrement, une vive douleur et le sommeil lui-même seraient incompatibles avec l'amour parfait ; car dès qu'une douleur un peu vive survient, elle interrompt le cours de nos pensées, quel qu'en fût l'objet, et elle les entraîne dans une autre direction ; et le sommeil n'est-il pas un état où l'on est inconscient et, comme privé de raison, un état où généralement nos pensées vont errant par la terre, incohérentes et extravagantes ? Ces pensées sont pourtant compatibles avec l'amour parfait : on peut en dire autant de toutes les pensées vagabondes qui appartiennent à cette classe.

lV

                           Après tout ce que nous venons de dire, il sera facile de répondre clairement à cette question : quelles sont les pensées vagabondes dont nous pouvons demander et espérer d'être délivrés ?

                Tous ceux qui sont rendus parfaits dans l'amour sont incontestablement délivrés de la première espèce de ces pensées, c'est-à-dire de celles qui détournent de Dieu notre cœur, qui sont en opposition avec sa volonté ou qui nous laissent sans Dieu dans le monde. Nous pouvons donc compter sur cette délivrance ; nous pouvons et nous devons la demander à Dieu. Ce genre de pensées errantes implique de l'incrédulité, si ce n'est même de l'inimitié contre Dieu ; et il veut détruire, anéantir absolument ces mauvais sentiments. Oui, Dieu nous délivrera entièrement de toute pensée vagabonde qui est coupable. Tous ceux qui sont parfaits dans l'amour en ont été délivrés, sans quoi ils ne seraient pas sauvés du péché. Les hommes et les démons pourront les tenter de mille manières ; mais ils ne prévaudront point, contre eux.

                     Pour ce qui est ; de la seconde espèce de pensées errantes, c'est un tout, autre cas. On ne peut pas raisonnablement, s'attendre à voir cesser les effets avant que la cause en ait été supprimée. Or, les causes ou occasions de ce genre de pensées subsisteront aussi longtemps que nous habiterons ce corps. Nous avons donc tout lieu de croire que les effets en question continueront à se produire pendant tout ce temps.

                      Entrons dans quelques détails. Représentez-vous une âme, si sainte qu'elle puisse être, habitant un corps maladif ; imaginez que le cerveau est si complètement affecté qu'il se produit une folie furieuse : est-ce que les pensées ne seront pas extravagantes et incohérentes aussi longtemps que la maladie persistera ? Supposez que ce soit une fièvre qui produit cette folie temporaire qu'on nomme le délire : peut-il y avoir quelque liaison dans les pensées jusqu'à ce que le délire ait cessé ? Supposez encore que ce qu'on appelle une maladie nerveuse ait tellement empiré qu'il s'en soit ensuivi une folie, au moins partielle : cet état n'occasionnera-t-il pas une foule de pensées errantes ? Et ces pensées irrégulières ne persisteront-elles pas aussi longtemps que le mal qui les occasionne ?

                    Il en sera de même pour les pensées qu'une douleur violente fait naître. Tant que durera cette douleur, nous aurons plus ou moins ces pensées : c'est dans l'ordre invariable de la nature. Les choses suivront également cet ordre dans le cas où nos pensées sont troublées, embarrassées ou interrompues par suite de quelque défaut de perception, de jugement ou d'imagination, résultant de la constitution particulière de notre corps. Que d'interruptions dans la pensée proviennent de cette association des idées qui est inexplicable autant qu'involontaire ! Toutes ces choses viennent, directement ou indirectement, de ce que notre corps corruptible pèse sur l'esprit, et nous ne pouvons pas compter d'en être exempts avant que « ce corps corruptible soit revêtu de l'incorruptibilité (1Corinthiens 15 : 53)  ».

                   C'est seulement alors, quand nous serons couchés dans la poussière, que nous serons délivrés de toutes les pensées errantes que nous amenaient les choses que nous voyions ou entendions parmi ceux qui nous entouraient ici-bas. Pour échapper à ces pensées, il nous faudrait sortir du monde ; car tant que nous y resterons, tant qu'il y aura autour de nous des hommes et des femmes, et tant que nous aurons des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, les choses que nous voyons et entendons journellement agiront sur notre esprit, et plus ou moins elles se mêleront au cours de nos pensées pour l'interrompre.

                      Et aussi longtemps que les mauvais esprits rôderont, dans ce monde bouleversé et misérable, ils ne manqueront pas d'assaillir tous ceux qui « participent à la chair et au sang (Hébreux 2 : 14) », qu'ils puissent ou non les vaincre. Ceux qu'ils ne peuvent faire périr, ils les troubleront ; s'ils ne peuvent pas en venir à bout, ils ne laisseront pas de les attaquer. Et à l'égard de ces attaques de la part de nos ennemis toujours actifs, infatigables, ne comptons pas d'en être entièrement délivrés avant d'être « là où les méchants ne tourmentent plus personne, et où se reposent ceux qui sont fatigués (Job 3 : 17)  ».

                    Résumons-nous. Espérer être délivrés des pensées vagabondes que nous suggèrent les esprits malins, ce serait, espérer que le diable va mourir, ou qu'il s'endormira, tout au moins qu'il cessera de « tourner autour de nous comme un lion rugissant (1Pierre 5 : 8) : » Espérer être délivrés des pensées que nos semblables font naître en nous ce serait espérer que tous les hommes disparaissent de la terre, ou bien que nous pourrions nous isoler complètement d'eux et ne plus rien avoir à faire avec eux ; ou bien encore ce serait, espérer que nous aurons des yeux et ne verrons pas, que nous aurons des oreilles et n'entendrons pas, que nous serons aussi insensibles que des pierres ou des morceaux de bois. Demander à être délivrés des pensées dont notre corps est l'occasion, revient à demander de quitter ce corps ; sinon, c'est demander des choses impossibles et absurdes ; c'est prier Dieu de faire des choses contradictoires, de supprimer les conséquences naturelles et nécessaires de l'union de l'âme avec un corps corruptible, tout en laissant subsister cette union. C'est comme si nous demandions à être hommes et anges en même temps, à la fois mortels et immortels. Non ! pour que ce qui est mortel disparaisse, il faut que ce qui est immortel soit venu.

                    Demandons plutôt à Dieu, « par l'esprit, et avec intelligence (1Corinthiens 14 : 15 Ostervald révisée) », « que toutes ces choses concourent ensemble à notre bien (Romains 8 : 28) », et que nous puissions endurer toutes les infirmités de notre nature, tous les dérangements que nous causent les hommes, tous les assauts et toutes les suggestions des esprits malins, et « dans toutes ces choses être plus que vainqueurs (Romains 8 : 37)  ». Demandons à être délivrés de tout péché, et qu'il n'en reste ni racine ni rameau ; que nous soyons « nettoyés de toute souillure de la chair et de l'esprit », (2Corinthiens 7 : 1) de toute pensée, parole ou action mauvaise ; que nous puissions « aimer le Seigneur notre Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de toute notre force et de toute notre pensée (Luc 10 : 27) ; » que tous « les fruits de I'Esprit » se trouvent en nous, non seulement « la charité, la joie, la paix », mais aussi « la patience, la douceur, la bonté, la fidélité, la bénignité, la tempérance (Galates 5 : 22)  ». Oui, prions Dieu de faire que toutes ces choses fleurissent, abondent et se multiplient de plus en plus en nous, jusqu'à ce que « l'entrée au royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ nous soit pleinement accordée (2 Pierre 1 : 11)  ».