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« Vous n'avez point reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte : mais vous avez reçu l'esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba, c'est-à-dire Père ». (Romains 8 : 15.)
Saint Paul parle ici à ceux qui sont enfants de Dieu par la foi. Vous, leur dit-il, vous, ses enfants, abreuvés de son Esprit, vous n'avez pas reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte ; mais parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé l'Esprit de son Fils dans vos cœurs. Vous avez reçu l'esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba ! c'est-à-dire Père.
Et d'abord l'état de l'homme naturel. C'est, d'après l'Ecriture, un état de sommeil. « Réveille-toi, toi qui dors ! » voilà l'appel de Dieu au pécheur. Son âme est, en effet, dans un sommeil profond ; ses sens spirituels dorment et ne discernent ni le bien ni le mal. Les yeux de son entendement sont entièrement fermés, et il ne peut voir. Les nuées et l'obscurité reposent sur lui ; car il demeure dans la vallée de l'ombre de la mort. Toutes les avenues de son âme étant donc fermées pour les choses spirituelles, il est dans une grossière et stupide ignorance de ce qu'il lui importerait le plus de connaître ; dans l'ignorance quant à Dieu, sur qui il ne sait rien comme il faudrait savoir ; dans l'ignorance quant à la loi de Dieu, au sens vrai et spirituel de laquelle il est étranger ; dans l'ignorance quant à cette sainteté évangélique sans laquelle personne ne verra le Seigneur ; dans l'ignorance quant à ce bonheur que trouvent ceux-là seuls dont la vie est cachée avec Christ en Dieu.
Par quelque dispensation solennelle de sa providence ou par sa parole accompagnée de la démonstration de l'Esprit, Dieu touche le coeur de celui qui dormait dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort. Terriblement secoué dans son sommeil, il se réveille et a conscience de son danger. Soudainement peut-être, ou par degrés, les yeux de son entendement s'ouvrent, et le voile étant en partie ôté, il voit pour la première fois l'état réel où il se trouve. Une horrible lumière pénètre jusqu'à son âme, une lumière comme celle qu'on peut attendre du puits de l'abîme, des profondeurs de l'enfer, de l'étang ardent de feu et de soufre. Il voit enfin que le Dieu d'amour et de miséricorde est aussi un feu consumant; un Dieu juste et terrible qui rend à chacun selon ses oeuvres, qui entre en jugement avec l'impie pour toute vaine parole ; que dis-je ? même pour les imaginations du coeur. Il voit clairement que le Dieu saint et grand a les yeux trop purs pour voir le mal, qu'Il rend à tout rebelle et à tout méchant sa rétribution en face, et que c'est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant.
C'est alors que finit cette triste servitude et qu'il n'est plus sous la loi, mais sous la grâce. Nous allons donc considérer ; en troisième lieu, l'état d'un homme qui a trouvé grâce aux yeux de Dieu, de Dieu le Père, et dans le coeur duquel règne la grâce ou la puissance du Saint-Esprit ; d'un homme qui a reçu, comme s'exprime l'apôtre, l'esprit d'adoption, par lequel il crie maintenant : Abba, c'est-à- dire Père !
On voit par ce simple exposé de ces trois états où l'homme peut être ; l'état naturel, l'état légal et l'état de grâce ou évangélique, qu'il ne suffit pas de classer les hommes en sincères et en non sincères. On peut être sincère dans ces trois états, non seulement avec l'esprit d'adoption, mais encore sous l'esprit de servitude et de crainte, et même quand on n'a ni la crainte de Dieu, ni son amour. Car il peut, sans nul doute, y avoir de la sincérité chez les païens, aussi bien que chez les Juifs ou les chrétiens. La sincérité ne prouve donc, nullement qu'on soit agréable à Dieu, et en état de subsister devant lui.
Romains 8,15 (1746)
« Vous n'avez point reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte : mais vous avez reçu l'esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba, c'est-à-dire Père ». (Romains 8 : 15.)
Saint Paul parle ici à ceux qui sont enfants de Dieu par la foi. Vous, leur dit-il, vous, ses enfants, abreuvés de son Esprit, vous n'avez pas reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte ; mais parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé l'Esprit de son Fils dans vos cœurs. Vous avez reçu l'esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba ! c'est-à-dire Père.
Il y a loin de l'esprit de servitude et de crainte à cet esprit d'adoption qui est un esprit d'amour. Ceux qui ne sont influencés que par une crainte servile ne peuvent être appelés enfants de Dieu ; il en est pourtant qui ont droit au titre de serviteurs du Seigneur, et qui ne sont pas éloignés du royaume des cieux. Mais, quant aux multitudes, même en pays appelés chrétiens, elles sont encore, je le crains, bien au-dessous même de ces derniers ; Dieu est loin de toutes leurs pensées. Il y a donc quelques personnes qui aiment Dieu : il y en a davantage qui Le craignent, mais le plus grand nombre n'ont ni la crainte de Dieu devant leurs yeux, ni l'amour de Dieu dans leurs cœurs.
Vous qui, par sa grâce, êtes maintenant sous l'influence d'un meilleur esprit, vous vous rappelez peut-être, pour la plupart, le temps où, comme ceux-ci, Vous étiez sous la condamnation ; mais d'abord vous l'ignoriez, quoique vous vautrant journellement dans vos péchés et dans votre sang, jusqu'au moment où vous reçûtes l'esprit de crainte — vous le reçûtes, car c'est aussi un don de Dieu ; — puis enfin la crainte disparut et l'esprit d'amour vint inonder vos cœurs.
Celui qui est dans le premier état d'esprit ; étranger à la crainte aussi bien qu'à l'amour, est ce que l'Ecriture appelle : un homme naturel ; avoir l'esprit de servitude et de crainte, c'est ce qu'elle appelle : être sous la loi (quoique cette expression désigne plus souvent ceux qui étaient sous la dispensation mosaïque ou qui se croyaient obligés d'observer tous les rites de la loi juive) ; mais être en réalité sous la grâce, c'est avoir reçu l'Esprit d'amour en échange de cet esprit de crainte.
Comme il nous importe extrêmement de savoir à quel esprit nous sommes soumis, je m'efforcerai de caractériser clairement : 1° l'état de l'homme naturel ; 2° celui de l'homme qui est sous la loi ; et 3° l'état de l'homme qui est sous la grâce.
I
Et d'abord l'état de l'homme naturel. C'est, d'après l'Ecriture, un état de sommeil. « Réveille-toi, toi qui dors ! » voilà l'appel de Dieu au pécheur. Son âme est, en effet, dans un sommeil profond ; ses sens spirituels dorment et ne discernent ni le bien ni le mal. Les yeux de son entendement sont entièrement fermés, et il ne peut voir. Les nuées et l'obscurité reposent sur lui ; car il demeure dans la vallée de l'ombre de la mort. Toutes les avenues de son âme étant donc fermées pour les choses spirituelles, il est dans une grossière et stupide ignorance de ce qu'il lui importerait le plus de connaître ; dans l'ignorance quant à Dieu, sur qui il ne sait rien comme il faudrait savoir ; dans l'ignorance quant à la loi de Dieu, au sens vrai et spirituel de laquelle il est étranger ; dans l'ignorance quant à cette sainteté évangélique sans laquelle personne ne verra le Seigneur ; dans l'ignorance quant à ce bonheur que trouvent ceux-là seuls dont la vie est cachée avec Christ en Dieu.
Et par cela même qu'il est dans un profond sommeil, il est, en quelque sorte, en repos. Parce qu'il est aveugle, il est tranquille, il dit : Il ne m'arrivera aucun mal ! Les ténèbres qui le couvrent de toutes parts l'entretiennent dans une sorte de paix, si tant est qu'on puisse avoir quelque paix en faisant les oeuvres du diable et en vivant dans une disposition d'âme toute terrestre et diabolique. Il ne voit pas qu'il est au bord de l'abîme ; il ne le craint donc pas. Il ne peut trembler pour un danger qu'il ignore. Il est trop peu avisé pour craindre. Pourquoi ne tremble-t-il pas à la pensée de Dieu ?
Parce qu'il est à son égard tout à fait ignorant. S'il ne dit pas en son coeur n'y a point de Dieu, ou bien : Il siège au-dessus de la voûte des cieux et ne s'abaisse point pour regarder ce qui se passe sur la terre, — il se persuade au moins qu'Il est miséricordieux, ce qui ne sert pas moins à le tranquilliser dans ses voies épicuriennes. C'est ainsi qu'il réussit à confondre et à engloutir à la fois dans cette large et vague idée de la miséricorde de Dieu tous ses attributs essentiels de sainteté, de haine pour le péché, de justice, de sagesse et de fidélité. Il ne craint pas la vengeance dénoncée contre les transgresseurs de la loi divine, parce qu'il ne comprend pas cette loi ; il se figure qu'il s'agit simplement d'agir de telle ou telle manière, d'être irréprochable au dehors, il ne voit pas que la loi s'étend à toute disposition, tout désir, à toute pensée, à tout mouvement du coeur ; ou bien il s'imagine qu'elle a cessé d'être obligatoire, que Christ est venu abolir la loi et les prophètes, sauver son peuple, non du péché, mais dans le péché, et rendre le ciel accessible sans la sainteté, oubliant qu'Il a dit lui même : « Il ne passera point un seul iota ni un seul trait de lettre de la loi jusqu'à ce que toutes ces choses soient accomplies », et encore, « tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, n'entreront pas au royaume de Dieu. mais celui-là seulement qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux ».
L'homme naturel est tranquille parce qu'il s'ignore complètement lui-même. Aussi parle t -il de se convertir plus tard ; au fait il ne saurait dire quand, mais ce sera une fois ou l'autre avant de mourir ; tenant pour certain que la chose est entièrement en son pouvoir. S'il le veut, qu'est-ce qui l'empêchera de se repentir ? Qu'il en prenne une fois la résolution, et nul doute qu'il ne l'accomplisse !
Mais cette ignorance n'est nulle part si manifeste que chez ceux qu'on appelle savants. S'il est de ce nombre, l'homme naturel peut disserter sur ses facultés rationnelles, sur son libre arbitre, sur la nécessité absolue de la liberté morale pour faire de l'homme un agent moral. Il lit, et il argumente et démontre que tout homme fait ce qu'il veut, qu'il a la puissance de tourner son coeur au bien ou au mal, comme bon lui semble. C'est ainsi que le dieu de ce monde étend sur son coeur un double voile d'aveuglement, de peur que la lumière du glorieux Évangile de Christ ne vienne en quelque manière à l'éclairer.
De cette même ignorance de lui-même et de Dieu peut naître quelquefois chez l'homme naturel une sorte de joie, car il se félicite lui même de sa bonté et de sa sagesse ; et ce que le monde appelle joie souvent il le possède. Il peut, en plusieurs manières, se donner du plaisir par la satisfaction des désirs de la chair, de la convoitise des yeux ou de l'orgueil de la vie ; surtout s'il a de grandes possessions, s'il jouit de revenus opulents, il peut alors se vêtir de pourpre et de fin lin et se traiter magnifiquement tous les jours. Et pendant qu'il a ainsi soin de lui-même, les hommes ne manquent pas de le louer et de dire c'est un homme heureux. Car, en somme, c'est là tout le bonheur du monde : la toilette, les visites, les causeries, manger, boire et se lever pour danser.
Quoi d'étonnant si, dans de telles circonstances, prenant à forte dose le breuvage narcotique de la flatterie et du péché, cet homme, qui dort en veillant, s'imagine, entre autres rêves, qu'il marche en liberté ! Il est facile de se croire libre des erreurs vulgaires et des préjugés de l'éducation ; capable de juger de tout exactement et de se tenir loin de tous les extrêmes : je suis affranchi, dit il, de toute cette exaltation des âmes faibles et étroites, de toute cette superstition des sots et des lâches qui ne savent qu'outrer la piété, de toute cette bigoterie qui s'attache toujours à ceux dont les pensées manquent d'élévation et d'indépendance. — Ah ! il n'est que trop certain qu'il est tout à fait affranchi de la sagesse qui vient d'en haut, de la sainteté ; de la religion du coeur et ; de tous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ.
Cependant il est toujours l'esclave du péché ; il pèche plus ou moins chaque jour, mais il ne s'en trouble point ; il n'est point sous le joug, comme disent quelques-uns, il ne sent point de condamnation. Et, lors même qu'il professe de croire aux Écritures l'homme est faible, dit-il, nous sommes tous fragiles, chacun a ses défauts ; et cela suffit pour le tranquilliser. Il prétendra même citer l'Écriture : Quoi ! Salomon n'a-t il pas dit que le juste pèche sept fois par jour ? Il n'y a donc que des hypocrites ou des exaltés qui prétendent valoir mieux que leurs semblables. — Et s'il arrive une fois qu'une pensée sérieuse, le poursuive : Pourquoi craindrais-je, se hâte-t-il de dire pour l'étouffer, puisque Dieu est miséricordieux et que Christ est mort pour les pécheurs ? C'est ainsi qu'il demeure volontairement dans l'esclavage de la corruption, prenant son parti de n'être saint ni au dehors ni au dedans ; ne remportant et n'essayant pas même de remporter la victoire sur le péché et surtout sur le péché particulier qui l'enveloppe le plus aisément.
Tel est l'état de tout homme naturel, qu'il soit un transgresseur grossier et scandaleux ou un pécheur plus respectable et plus honnête, conservant la forme de la piété, quoiqu'il en ait renié la force. Mais comment un tel homme sera-t-il convaincu de péché et : porté à la repentance ? Comment sera-t-il placé sous la loi et recevra-t-il l'esprit de servitude et de crainte ? C'est le second point que nous avions à considérer.
II
Par quelque dispensation solennelle de sa providence ou par sa parole accompagnée de la démonstration de l'Esprit, Dieu touche le coeur de celui qui dormait dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort. Terriblement secoué dans son sommeil, il se réveille et a conscience de son danger. Soudainement peut-être, ou par degrés, les yeux de son entendement s'ouvrent, et le voile étant en partie ôté, il voit pour la première fois l'état réel où il se trouve. Une horrible lumière pénètre jusqu'à son âme, une lumière comme celle qu'on peut attendre du puits de l'abîme, des profondeurs de l'enfer, de l'étang ardent de feu et de soufre. Il voit enfin que le Dieu d'amour et de miséricorde est aussi un feu consumant; un Dieu juste et terrible qui rend à chacun selon ses oeuvres, qui entre en jugement avec l'impie pour toute vaine parole ; que dis-je ? même pour les imaginations du coeur. Il voit clairement que le Dieu saint et grand a les yeux trop purs pour voir le mal, qu'Il rend à tout rebelle et à tout méchant sa rétribution en face, et que c'est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant.
L'éclat de cette lumière commence à placer devant ses yeux le sens spirituel, intime, de la loi de Dieu. Il voit que le commandement est d'une grande étendue, et que rien ne se dérobe à sa clarté.
Il ne doute plus que, dans toutes ses parties, la loi, loin de se rapporter simplement à l'obéissance ou à la transgression extérieure, s'applique à ce qui se passe dans les replis secrets de l'âme où l’œil de Dieu peut seul pénétrer. Maintenant, lorsqu'il entend cette défense : « Tu ne tueras point », Dieu lui dit d'une voix de tonnerre : Celui qui hait son frère est un meurtrier ; celui qui dit à son frère fou, sera punissable par la géhenne du feu. Si la loi dit : « Tu ne commettras point d'adultère », ces paroles retentissent à ses oreilles de la part du Seigneur : Celui qui regarde une femme pour la convoiter a déjà commis adultère avec elle dans son coeur. Et c'est ainsi que, sur chaque point, la Parole de Dieu est pour lui vivante et efficace, plus pénétrante qu'une épée à deux tranchants. Elle atteint jusqu'à la division de son âme et de son esprit, des jointures et des moelles ; d'autant plus qu'il sent en lui-même qu'il a négligé le grand salut, qu'il a foulé aux pieds le Fils de Dieu qui voulait le sauver de ses péchés, et teint pour une chose profane, c'est-à-dire commune et sans vertu, le sang de la nouvelle alliance.
Convaincu que toutes choses sont nues et découvertes devant les yeux de Celui à qui nous avons affaire, il se voit lui-même nu et dépouillé de toutes les feuilles de figuier qu'il avait cousues ensemble, de toutes ses prétentions misérables de religion ou de vertu, de toutes les pauvres excuses dont il couvrait ses péchés. Il se voit, comme les victimes des anciens sacrifices, partagé du haut en bas, si l'on peut ainsi dire, en sorte que tout en lui se montre à découvert. Son coeur est à nu, et il n'y voit que péché. Il voit qu'il est rusé et désespérément malin, corrompu et abominable au-delà de toute expression, qu'il n'y habite qu'injustice et impiété, toutes ses imaginations, ses mouvements et ses pensées n'étant que mal en tout temps.
Et il ne voit pas seulement, mais il sent en lui-même, par une émotion indescriptible, que pour les péchés de son coeur, lors même que sa vie serait irréprochable (ce qu'elle n'est ni ne peut être, puisqu'un mauvais arbre ne peut porter de bons fruits), il sent qu'il mérite d'être jeté dans le feu qui ne s'éteint point. Il sent que les gages, la, juste récompense du péché, de son péché surtout, c'est la mort, la mort seconde, la mort qui ne meurt point ; la ruine du corps et de l'âme dans l'enfer.
C'en est fait de ses rêves ; de son repos trompeur, de sa fausse paix, de sa vaine sécurité. Sa joie s'évanouit comme un nuage ; les plaisirs qu'il aimait naguère n'ont plus de charme pour lui. Leur insipidité, leur fadeur, lui répugnent et le fatiguent. Les ombres du bonheur s'enfuient et plongent dans l'oubli ; en sorte que dépouillé de tout, il erre, il va et vient, cherchant le repos et ne pouvant le trouver.
Les fumées du breuvage dont il s'enivrait étant dissipées, il ne lui reste plus que l'angoisse d'un esprit abattu. Il éprouve que le péché déchaîné sur l'âme n'amène qu'une misère complète ; que ce soit l'orgueil, la colère, la convoitise, la volonté propre ; la malice, l'envie ou tout autre péché. Il ressent une tristesse de coeur pour les bénédictions perdues et pour la malédiction qui est venue fondre sur lui ; le remords, pour s'être ainsi perdu lui-même au mépris de son propre salut ; il est agité par la crainte qui provient d'un vif sentiment de la colère de Dieu et des conséquences de cette colère, des châtiments qu'il a si justement mérités et qu'il voit ; suspendus sur sa tête ; par la crainte de la mort qu'il considère comme la porte de l'enfer ; par la crainte du diable, l'exécuteur de la colère et de la juste vengeance de Dieu : par la crainte des hommes qui, s'ils pouvaient tuer son corps, plongeraient son corps et son âme dans la géhenne ; et cette crainte s'accroît souvent à tel point que cette pauvre âme pécheresse et coupable est épouvantée de tout, d'un rien, d'une ombre, d'une feuille agitée par le vent. Cette crainte peut même quelquefois approcher de la folie, suspendre par une ivresse qui ne vient pas du vin, l'exercice de la mémoire, de l'intelligence et de toutes les facultés naturelles. Quelquefois elle peut pousser le pécheur jusqu'au bord du désespoir, et tout en tremblant au seul nom de mort, il peut être prêt, à chaque instant, à choisir la mort plutôt que la, vie Ah ! c'est alors qu'il rugit, comme le Psalmiste, dans le trouble de son âme ; car l'esprit de l'homme le soutiendra dans son infirmité ; mais l'esprit abattu qui le relèvera ?
Maintenant il désire vraiment rompre avec le péché ; il commence à le combattre. Mais quoiqu'il lutte de toutes ses forces il ne peut vaincre : le péché est plus fort que lui. Il voudrait bien échapper, mais il ne peut sortir de sa prison. Il prend des résolutions contre le péché, mais il pèche encore ; il voit le piège, il l'a en horreur, et cependant il s'y précipite. Ah ! que cette raison dont il était fier est puissante ! Puissante pour accroître sa culpabilité, pour augmenter sa misère ! Que sa volonté est libre ! Libre seulement pour le mal, libre pour boire l'iniquité comme l'eau, pour s'égarer toujours plus loin du Dieu vivant, et pour outrager toujours plus l'Esprit de grâce.
Plus il soupire, travaille et lutte pour la liberté, plus il sent ses chaînes, les chaînes cruelles du péché par lesquelles Satan le tient captif et le mène à sa volonté ; il a beau murmurer, il a beau se révolter, il est son esclave, et ses efforts sont vains. Il demeure dans la servitude et dans la crainte à cause du péché ; esclave de quelque péché extérieur, auquel il est particulièrement enclin, soit par nature, soit par habitude ou par suite des circonstances ; mais toujours esclave de quelque péché intérieur, de quelque mauvais penchant ou de quelque affection profane. Et plus il s'indigne contre le mal, plus il y succombe ; il peut mordre sa chaîne, il ne peut la briser. C'est ainsi qu'il se livre à un travail sans fin, de la repentance au péché et du péché à la repentance, jusqu'à ce qu'enfin, pauvre, misérable, à bout de ressources, il n'ait plus qu'à gémir et à s'écrier : «Misérable que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort ! »
Toute cette lutte d'un homme sous la loi ; dominé par l'esprit de crainte et de servitude, est magnifiquement décrite dans Romains (7 : 9-25), où l'apôtre prend le langage d'un pécheur réveillé : « Autrefois, quand j'étais sans loi, je vivais », j'avais, en abondance, vie, sagesse, force et vertu, je le croyais du moins ; « mais quand le commandement est venu, le péché a repris la vie et moi je suis mort ». — Le sens spirituel du commandement m'étant révélé avec puissance, ma corruption innée s'est émue, enflammée, manifestée, et ma vertu s'est évanouie. « De sorte qu'il s'est trouvé que le commandement qui m'était donné pour avoir la vie m'a donné la mort. Car le péché, prenant occasion du commandement, m'a séduit et m'a fait mourir par le commandement même » ; me prenant par surprise, il a frappé au coeur ma confiance, me montrant clairement qu'en vivant j'étais mort. « La loi donc est sainte et le commandement est saint, juste et bon » ; ce n'est plus la loi que je blâme, mais mon propre coeur. Je reconnais « que la loi est spirituelle ; mais je suis charnel, vendu au péché », c'est-à-dire son esclave (comme les esclaves achetés par argent étaient à la merci de leurs maîtres) ; « car je n'approuve point ce que je fais, parce que je ne fais point ce que je voudrais faire, mais je fais ce que je hais ». Telle est ma dure servitude : « J'ai bien la volonté de faire ce qui est bon, mais je ne trouve pas le moyen de l'accomplir ; car je ne fais pas le bien que je voudrais faire, mais je fais le mal que je ne voudrais pas faire. Je trouve donc en moi cette loi, cette contrainte, « c'est, que quand je veux faire le bien, le mal est attaché à moi ; car je prends plaisir » ou je consens « à la loi de Dieu quant à l'homme intérieur », c'est-à-dire, dans mon esprit, comme le dit l'apôtre au verset suivant : « Mais je trouve une autre loi dans mes membres qui combat contre la loi de mon esprit et qui me rend captif sous la loi du péché », me liant, pour ainsi dire, au char de mon vainqueur, du vainqueur que je déteste. « Misérable que je suis ! qui me délivrera du corps de cette mort ? » (qui me délivrera de cette vie qui n'est qu'une mort, de cette servitude du péché et du malheur ? Jusque-là « je sers moi-même, de l'esprit à la loi de Dieu », — mon esprit, ma, conscience est pour Dieu, « mais de la chair à la loi du péché», car je suis entraîné par une force à laquelle je ne puis résister.
Quelle peinture vivante d'un homme qui est sous la loi, d'un homme qui gémit sous un fardeau qu'il ne peut secouer ; haletant après la liberté, la force, l'amour, et demeurant toujours dans la crainte et la servitude, jusqu'à l'heure où, à ce misérable qui crie : Qui me délivrera de ce corps de mort ? Dieu répond : La grâce de Dieu par Jésus Christ, ton Seigneur !
III
C'est alors que finit cette triste servitude et qu'il n'est plus sous la loi, mais sous la grâce. Nous allons donc considérer ; en troisième lieu, l'état d'un homme qui a trouvé grâce aux yeux de Dieu, de Dieu le Père, et dans le coeur duquel règne la grâce ou la puissance du Saint-Esprit ; d'un homme qui a reçu, comme s'exprime l'apôtre, l'esprit d'adoption, par lequel il crie maintenant : Abba, c'est-à- dire Père !
Il a crié à l'Éternel dans sa détresse et il l'a délivré de ses angoisses. Ses yeux sont ouverts, mais d'une toute autre manière qu'auparavant ; ils sont ouverts pour voir un Dieu d'amour et de grâce. Et tandis qu'il lui crie : « Je te prie, montre-moi ta gloire ! » une voix lui répond au dedans : « Je vais faire passer devant toi toute ma bonté, je crierai le nom de l'Éternel devant toi, je ferai grâce à celui à qui je ferai grâce, et j'aurai compassion de celui dont j'aurai compassion ! » Et bientôt le Seigneur descendant dans la nuée et proclamant le nom de l'Éternel devant lui, il voit, mais non des yeux de la chair et du sang, « l'Éternel, le Dieu fort, miséricordieux et pitoyable, tardif à colère et abondant en grâce et en vérité ; qui garde la miséricorde jusqu'en mille générations, et qui pardonne l'iniquité, le crime et le péché ».
Une lumière céleste et bienfaisante se répand alors dans son âme. Il regarde à Celui qu'il avait percé, et Dieu qui a dit que la lumière sortît des ténèbres, répand la lumière dans son coeur. Il voit la lumière glorieuse de l'amour de Dieu. en la face de Jésus-Christ. Il possède une démonstration divine des choses invisibles au sens, des choses profondes de Dieu, surtout de l'amour de Dieu pardonnant à celui qui croit, en Jésus. Subjuguée par cette vue, son âme entière s'écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Il voit. toutes ses iniquités rassemblées sur celui qui les a portées en son corps sur le bois ; il voit cet Agneau de Dieu qui ôte ses péchés. — Combien il discerne clairement que Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec Lui-même, faisant Celui qui n'a point connu le péché, être péché pour nous, afin que nous fussions justice de Dieu par Lui. Avec quelle certitude il sait que lui-même est réconcilié avec Dieu, par le sang de l'alliance !
Ici finit pour lui toute condamnation ; ici finit l'empire du péché. Maintenant il peut dire : « Je suis crucifié avec Christ et je vis, non pas moi toutefois, mais Christ vit en moi, et si je vis encore dans la chair » (dans ce corps mortel), « je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et qui s'est donné lui-même pour moi ». Ici finit le remords, la tristesse de coeur, l'angoisse d'un esprit abattu. Dieu change sa tristesse en joie. Il fit la plaie et sa main la bande. Ici finit cet esprit de servitude et de crainte, car son coeur est ferme se confiant en l'Éternel. Il ne peut plus craindre la colère de Dieu, car il sait qu'elle s'est détournée de lui, et il voit en Dieu non plus un juge irrité, mais un Père. Il ne peut plus craindre le diable, sachant qu'il n'a aucun pouvoir s'il ne lui est donné d'en haut. Il ne craint pas l'enfer, puisqu'il est héritier du ciel ; dès lors il est affranchi de cette crainte de la mort qui le rendit, pendant tant d'années, sujet à la servitude. Mais plutôt, sachant que si cette demeure terrestre dans cette tente est détruite, il a dans le ciel un édifice de Dieu, une demeure éternelle qui n'est point faite de main d'homme, il soupire ardemment, désirant être revêtu de sa demeure céleste. Il soupire après le dépouillement de cette maison de terre, après le moment où ce qu'il y a de mortel en lui sera absorbé par la vie ; car il sait que c'est Dieu qui l'a formé, pour cela, et qui lui a aussi donné pour arrhes son Esprit.
Et là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté, l'affranchissement, non seulement de la condamnation et de la crainte, mais du plus pesant de tous les,jougs, de la plus honteuse de toutes les servitudes, savoir du péché. Désormais son travail n'est plus vain. Les lacs qui le tenaient captif sont brisés. Il lutte, mais c'est avec succès ; il combat, mais c'est pour remporter la victoire. Il n'est plus asservi au péché. Il est mort au péché et vivant à Dieu ; le péché ne règne plus, même dans son corps mortel, et il n'obéit plus à ses convoitises. Il ne livre plus ses membres pour servir à l'iniquité et au péché, mais pour servir à la justice et à la sainteté. Car étant libre maintenant quant au péché, il est devenu l'esclave de la justice (Romains 6 : 6).
Ainsi il a la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ, il se réjouit dans l'espérance de la gloire de Dieu ; il a la domination sur tout péché ; sur tout désir, tout penchant, toute parole, toute oeuvre mauvaise. Dans cet heureux état, il est un témoin vivant de la liberté glorieuse des enfants de Dieu, qui tous ont en partage une foi du même prix et qui disent tous d'une voix : « Nous avons reçu l'esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba, Père ! »
C'est cet esprit qui produit en eux continuellement et la volonté et l'exécution selon son bon plaisir. C'est lui qui répand dans leurs cœurs l'amour de Dieu et l'amour de tous les hommes ; les purifiant ainsi de l'amour du monde, de la convoitise de la chair, de la convoitise des yeux et de l'orgueil de la vie. C'est Lui qui les délivre de la colère et de l'orgueil, de toute affection basse et désordonnée, et, par suite, de paroles et d’œuvres mauvaises, et de toute conversation profane, de sorte qu'ils ne font de mal à personne et qu'ils sont zélés pour toute bonne oeuvre.
En résumé : l'homme naturel ne craint ni n'aime Dieu, l'homme sous la loi le craint, l'homme sous la grâce l'aime, Le premier n'a point de lumière dans les choses de Dieu, mais il marche dans les plus épaisses ténèbres ; le second voit l'horrible lumière de l'enfer, le troisième, la joyeuse lumière du ciel. Celui qui dort d'un sommeil de mort est dans une fausse paix ; celui qui croit possède la vraie paix, car la paix de Dieu remplit et gouverne son coeur. Le païen, baptisé ou non, jouit d'une liberté illusoire qui n'est que la licence ; le Juif, de naissance ou de coeur, est sous un lourd et cruel esclavage ; le chrétien jouit de la vraie et glorieuse liberté des enfants de Dieu. Un enfant du diable, avant d'être réveillé, pèche de bon coeur ; réveillé, il pèche à contre-coeur ; un enfant de Dieu ne pèche point, mais il se conserve lui-même, et le malin ne le touche point. Bref, l'homme naturel ne connaît ni combat ni victoire ; l'homme sous la loi combat contre le péché sans pouvoir en triompher ; mais l'homme sous la grâce est combattant et vainqueur, il est même plus que vainqueur par Celui qui l'a aimé.
IV
On voit par ce simple exposé de ces trois états où l'homme peut être ; l'état naturel, l'état légal et l'état de grâce ou évangélique, qu'il ne suffit pas de classer les hommes en sincères et en non sincères. On peut être sincère dans ces trois états, non seulement avec l'esprit d'adoption, mais encore sous l'esprit de servitude et de crainte, et même quand on n'a ni la crainte de Dieu, ni son amour. Car il peut, sans nul doute, y avoir de la sincérité chez les païens, aussi bien que chez les Juifs ou les chrétiens. La sincérité ne prouve donc, nullement qu'on soit agréable à Dieu, et en état de subsister devant lui.
C'est pourquoi « éprouvez-vous vous-mêmes, non seulement pour savoir si vous êtes sincères, mais pour « savoir si vous êtes dans la foi ». Examinez de près, car cela vous importe grandement, quel est dans votre âme le principe qui gouverne.
Est-ce l'amour de Dieu ?
Est-ce la crainte de Dieu ?
Ou n'est ce ni l'un ni l'autre ?
N'est-ce pas plutôt l'amour du monde, l'amour du plaisir ou du gain ?
Est-ce l'amour de Dieu ?
Est-ce la crainte de Dieu ?
Ou n'est ce ni l'un ni l'autre ?
N'est-ce pas plutôt l'amour du monde, l'amour du plaisir ou du gain ?
L'amour des aises ou de la réputation ?
S'il en est ainsi, vous êtes moins avancé que les Juifs ; vous n'êtes encore qu'un païen.
Avez-vous le ciel dans votre coeur ?
Avez-vous l'esprit d'adoption, qui toujours crie Abba, Père ?
S'il en est ainsi, vous êtes moins avancé que les Juifs ; vous n'êtes encore qu'un païen.
Avez-vous le ciel dans votre coeur ?
Avez-vous l'esprit d'adoption, qui toujours crie Abba, Père ?
Ou invoquez-vous Dieu, comme du fond de l'abîme, accablé de peine et de crainte ?
Ou bien, étranger à tout ceci, ne savez-vous de quoi je veux parler ?
— Païen, lève le masque ! Tu ne t'es jamais revêtu de Christ ! Découvre ta face ! Lève les yeux au ciel et confesse, devant Celui qui vit aux siècles des siècles, que tu n'as de part ni parmi les enfants, ni parmi les serviteurs de Dieu.
Ou bien, étranger à tout ceci, ne savez-vous de quoi je veux parler ?
— Païen, lève le masque ! Tu ne t'es jamais revêtu de Christ ! Découvre ta face ! Lève les yeux au ciel et confesse, devant Celui qui vit aux siècles des siècles, que tu n'as de part ni parmi les enfants, ni parmi les serviteurs de Dieu.
Qui que tu sois, commets-tu ou ne commets-tu pas le péché ? Si tu le commets, est-ce de bon ou de mauvais gré ? Que ce soit l'un ou l'autre, Dieu t'a dit à qui tu appartiens : « Celui qui commet le péché est du diable ». Si c'est de bon gré ; tu es son serviteur fidèle et il ne manquera pas de récompenser ton travail. Si c'est de mauvais gré, tu n'en est pas moins son serviteur. Que Dieu t'arrache de ses mains !
Es -tu tous les jours en guerre contre tout péché, et tous les jours plus que vainqueur ? Je te reconnais pour un enfant de Dieu ! Oh ! demeure ferme dans ta glorieuse liberté ! Combats-tu, mais sans vaincre, t'efforçant d'avoir le dessus, mais sans pouvoir y parvenir ? Alors tu ne crois pas encore en Christ, mais persévère et tu connaîtras bientôt le Seigneur. Vis-tu sans aucun combat, dans la mollesse, l'indolence et la conformité à la mode ? Oh ! comment présumes-tu de te nommer du nom de Christ, pour être un sujet de scandale aux Gentils ? « Dormeur », lève-toi, et crie à ton Dieu, avant que l'abîme t'engloutisse ! Une des raisons, peut être, qui expliquent pourquoi tant de gens ont d'eux-mêmes une plus haute opinion qu'ils ne doivent et ne discernent point auquel de ces trois états ils appartiennent, c'est que ces divers états d'âme se confondent souvent et peuvent en quelque mesure se rencontrer chez une seule et même personne. Ainsi l'expérience montre que l'état légal ou de crainte se mêlent souvent à l'état naturel ; car peu d'hommes sont si profondément endormis dans le péché qu'ils ne s'éveillent plus ou moins de temps à autre. Et comme l'Esprit de Dieu n'attend pas que l'homme l'appelle, il est des moments où il se fait entendre ; qu'on le veuille ou non. Il épouvante les pécheurs de telle sorte que pour un temps, du moins, ces païens connaissent qu'ils ne sont que des hommes mortels. Ils sentent le fardeau du péché, ils désirent ardemment fuir la colère à venir. Mais ce n'est, pas long ; rarement ils souffrent que, les flèches de la conviction entrent profondément dans leurs âmes ; ils s'empressent d'étouffer la grâce de Dieu, pour retourner se vautrer dans le bourbier.
De même l'état évangélique, ou d'amour, se mêle fréquemment à l'état légal. Peu de ceux qui ont l'esprit de servitude et de crainte demeurent toujours sans espérance. Le Dieu sage et miséricordieux le souffre rarement, « Il se souvient que nous ne sommes que poudre », Il ne veut pas que « l'esprit soit accablé par sa présence, car c'est Lui qui a fait les âmes ». C'est pourquoi, dans les moments qu'Il juge convenables, il fait poindre la lumière sur ceux qui sont assis dans les ténèbres. Il fait passer en partie devant eux sa bonté, il leur montre qu'il entend les prières. Ils voient, quoique de loin, la promesse qui est par la foi en Jésus-Christ, et cela les encourage à poursuivre la course qui leur est proposée.
Une autre cause d'illusion pour plusieurs, c'est qu'ils ne considèrent pas combien un homme peut aller loin sans sortir de l'état naturel ou tout au moins de l'état légal. Un homme peut être d'un caractère compatissant, affable ; il peut être courtois, généreux, prévenant ; avoir quelque degré de patience, d'humilité, de tempérance et d'autres vertus morales. Il peut désirer s'abstenir de tout vice et vouloir s'élever à une plus haute vertu. Il peut renoncer à diverses formes du mal ; peut-être à tout ce qui est grossièrement contraire à la justice, à la bonté, à la vérité. Il peut faire beaucoup de bien, nourrir les affamés, vêtir ceux qui sont nus, consoler la veuve et l'orphelin. A l'assiduité au culte public, il peut ajouter la prière en particulier, et beaucoup de lectures pieuses ; il peut faire tout cela, et n'être encore qu'un homme naturel, ne connaissant ni lui-même, ni Dieu ; étranger à l'esprit de crainte aussi bien qu'à celui d'amour, n'ayant encore ni la repentance, ni la foi à l’Évangile.
Mais lors même qu'à tout cela se joint une profonde conviction de péché, et une grande crainte de la colère de Dieu ; de véhéments désirs de fuir tout péché et d'accomplir toute justice ; de fréquents élans de joie dans l'espérance, et des impressions de l'amour divin traversant l'âme ; ceci non plus ne prouve pas qu'un homme soit sous la grâce, qu'il ait la vraie, la vivante foi chrétienne, à moins qu'il n'ait l'esprit d'adoption, demeurant dans son coeur; à moins qu'il ne puisse continuellement s'écrier : «Abba, Père!»
Toi donc qui portes le nom de chrétien, prends garde et crains de manquer le but de ta haute vocation ; de t'arrêter, soit dans l'état naturel, avec trop de gens estimés bons chrétiens, soit dans l'état légal, où les personnes qui sont en grande considération jugent en général suffisant de vivre et de mourir. Non, Dieu a préparé pour toi de meilleures choses ; pourvu que tu persévères à les chercher jusqu'à ce que tu les atteignes. Tu n'es point appelé à craindre, à trembler comme les démons ; mais à te réjouir, à aimer comme les anges de Dieu. « Tu aimeras l’Éternel ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée, de toutes tes forces » ; tu dois être toujours joyeux, prier sans cesse, rendre grâces pour toutes choses ; tu feras la volonté de Dieu sur la terre, comme elle est faite dans le ciel. Oh ! « éprouve que la volonté de Dieu est bonne, agréable et parfaite », en te présentant à Lui en sacrifice vivant et saint, ce qui est ton service raisonnable !
Retiens ferme ce que tu as, avançant vers les choses qui sont devant toi, jusqu'à ce que le Dieu de paix te rende accompli en toute bonne oeuvre, faisant Lui-même en toi ce qui lui est agréable par Jésus-Christ, à qui soit la gloire aux siècles des siècles ! Amen !