samedi 6 juin 2015

LES SERMONS DE WESLEY Sermon 9 L’ESPRIT DE SERVITUDE ET L’ESPRIT D’ADOPTION

Numérisation Yves PETRAKIAN
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Romains 8,15  (1746)

« Vous n'avez point reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte : mais vous avez reçu l'esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba, c'est-à-dire Père ». (Romains 8 : 15.)

                   Saint Paul parle ici à ceux qui sont enfants de Dieu par la foi. Vous, leur dit-il, vous, ses enfants, abreuvés de son Esprit, vous n'avez pas reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte ; mais parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé l'Esprit de son Fils dans vos cœurs. Vous avez reçu l'esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba ! c'est-à-dire Père.
                    Il y a loin de l'esprit de servitude et de crainte à cet esprit d'adoption qui est un esprit d'amour. Ceux qui ne sont influencés que par une crainte servile ne peuvent être appelés enfants de Dieu ; il en est pourtant qui ont droit au titre de serviteurs du Seigneur, et qui ne sont pas éloignés du royaume des cieux. Mais, quant aux multitudes, même en pays appelés chrétiens, elles sont encore, je le crains, bien au-dessous même de ces derniers ; Dieu est loin de toutes leurs pensées. Il y a donc quelques personnes qui aiment Dieu : il y en a davantage qui Le craignent, mais le plus grand nombre n'ont ni la crainte de Dieu devant leurs yeux, ni l'amour de Dieu dans leurs cœurs.
                 Vous qui, par sa grâce, êtes maintenant sous l'influence d'un meilleur esprit, vous vous rappelez peut-être, pour la plupart, le temps où, comme ceux-ci, Vous étiez sous la condamnation ; mais d'abord vous l'ignoriez, quoique vous vautrant journellement dans vos péchés et dans votre sang, jusqu'au moment où vous reçûtes l'esprit de crainte — vous le reçûtes, car c'est aussi un don de Dieu ; — puis enfin la crainte disparut et l'esprit d'amour vint inonder vos cœurs.
                    Celui qui est dans le premier état d'esprit ; étranger à la crainte aussi bien qu'à l'amour, est ce que l'Ecriture appelle : un homme naturel ; avoir l'esprit de servitude et de crainte, c'est ce qu'elle appelle : être sous la loi (quoique cette expression désigne plus souvent ceux qui étaient sous la dispensation mosaïque ou qui se croyaient obligés d'observer tous les rites de la loi juive) ; mais être en réalité sous la grâce, c'est avoir reçu l'Esprit d'amour en échange de cet esprit de crainte.
               Comme il nous importe extrêmement de savoir à quel esprit nous sommes soumis, je m'efforcerai de caractériser clairement : 1° l'état de l'homme naturel ; 2° celui de l'homme qui est sous la loi ; et 3° l'état de l'homme qui est sous la grâce.

I

                  Et d'abord l'état de l'homme naturel. C'est, d'après l'Ecriture, un état de sommeil. « Réveille-toi, toi qui dors ! » voilà l'appel de Dieu au pécheur. Son âme est, en effet, dans un sommeil profond ; ses sens spirituels dorment et ne discernent ni le bien ni le mal. Les yeux de son entendement sont entièrement fermés, et il ne peut voir. Les nuées et l'obscurité reposent sur lui ; car il demeure dans la vallée de l'ombre de la mort. Toutes les avenues de son âme étant donc fermées pour les choses spirituelles, il est dans une grossière et stupide ignorance de ce qu'il lui importerait le plus de connaître ; dans l'ignorance quant à Dieu, sur qui il ne sait rien comme il faudrait savoir ; dans l'ignorance quant à la loi de Dieu, au sens vrai et spirituel de laquelle il est étranger ; dans l'ignorance quant à cette sainteté évangélique sans laquelle personne ne verra le Seigneur ; dans l'ignorance quant à ce bonheur que trouvent ceux-là seuls dont la vie est cachée avec Christ en Dieu.
                    Et par cela même qu'il est dans un profond sommeil, il est, en quelque sorte, en repos. Parce qu'il est aveugle, il est tranquille, il dit : Il ne m'arrivera aucun mal ! Les ténèbres qui le couvrent de toutes parts l'entretiennent dans une sorte de paix, si tant est qu'on puisse avoir quelque paix en faisant les oeuvres du diable et en vivant dans une disposition d'âme toute terrestre et diabolique. Il ne voit pas qu'il est au bord de l'abîme ; il ne le craint donc pas. Il ne peut trembler pour un danger qu'il ignore. Il est trop peu avisé pour craindre. Pourquoi ne tremble-t-il pas à la pensée de Dieu ?
                    Parce qu'il est à son égard tout à fait ignorant. S'il ne dit pas en son coeur n'y a point de Dieu, ou bien : Il siège au-dessus de la voûte des cieux et ne s'abaisse point pour regarder ce qui se passe sur la terre, — il se persuade au moins qu'Il est miséricordieux, ce qui ne sert pas moins à le tranquilliser dans ses voies épicuriennes. C'est ainsi qu'il réussit à confondre et à engloutir à la fois dans cette large et vague idée de la miséricorde de Dieu tous ses attributs essentiels de sainteté, de haine pour le péché, de justice, de sagesse et de fidélité. Il ne craint pas la vengeance dénoncée contre les transgresseurs de la loi divine, parce qu'il ne comprend pas cette loi ; il se figure qu'il s'agit simplement d'agir de telle ou telle manière, d'être irréprochable au dehors, il ne voit pas que la loi s'étend à toute disposition, tout désir, à toute pensée, à tout mouvement du coeur ; ou bien il s'imagine qu'elle a cessé d'être obligatoire, que Christ est venu abolir la loi et les prophètes, sauver son peuple, non du péché, mais dans le péché, et rendre le ciel accessible sans la sainteté, oubliant qu'Il a dit lui même : « Il ne passera point un seul iota ni un seul trait de lettre de la loi jusqu'à ce que toutes ces choses soient accomplies », et encore, « tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, n'entreront pas au royaume de Dieu. mais celui-là seulement qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux ».
                 L'homme naturel est tranquille parce qu'il s'ignore complètement lui-même. Aussi parle t -il de se convertir plus tard ; au fait il ne saurait dire quand, mais ce sera une fois ou l'autre avant de mourir ; tenant pour certain que la chose est entièrement en son pouvoir. S'il le veut, qu'est-ce qui l'empêchera de se repentir ? Qu'il en prenne une fois la résolution, et nul doute qu'il ne l'accomplisse !
               Mais cette ignorance n'est nulle part si manifeste que chez ceux qu'on appelle savants. S'il est de ce nombre, l'homme naturel peut disserter sur ses facultés rationnelles, sur son libre arbitre, sur la nécessité absolue de la liberté morale pour faire de l'homme un agent moral. Il lit, et il argumente et démontre que tout homme fait ce qu'il veut, qu'il a la puissance de tourner son coeur au bien ou au mal, comme bon lui semble. C'est ainsi que le dieu de ce monde étend sur son coeur un double voile d'aveuglement, de peur que la lumière du glorieux Évangile de Christ ne vienne en quelque manière à l'éclairer.
               De cette même ignorance de lui-même et de Dieu peut naître quelquefois chez l'homme naturel une sorte de joie, car il se félicite lui même de sa bonté et de sa sagesse ; et ce que le monde appelle joie souvent il le possède. Il peut, en plusieurs manières, se donner du plaisir par la satisfaction des désirs de la chair, de la convoitise des yeux ou de l'orgueil de la vie ; surtout s'il a de grandes possessions, s'il jouit de revenus opulents, il peut alors se vêtir de pourpre et de fin lin et se traiter magnifiquement tous les jours. Et pendant qu'il a ainsi soin de lui-même, les hommes ne manquent pas de le louer et de dire c'est un homme heureux. Car, en somme, c'est là tout le bonheur du monde : la toilette, les visites, les causeries, manger, boire et se lever pour danser.
                Quoi d'étonnant si, dans de telles circonstances, prenant à forte dose le breuvage narcotique de la flatterie et du péché, cet homme, qui dort en veillant, s'imagine, entre autres rêves, qu'il marche en liberté ! Il est facile de se croire libre des erreurs vulgaires et des préjugés de l'éducation ; capable de juger de tout exactement et de se tenir loin de tous les extrêmes : je suis affranchi, dit il, de toute cette exaltation des âmes faibles et étroites, de toute cette superstition des sots et des lâches qui ne savent qu'outrer la piété, de toute cette bigoterie qui s'attache toujours à ceux dont les pensées manquent d'élévation et d'indépendance. — Ah ! il n'est que trop certain qu'il est tout à fait affranchi de la sagesse qui vient d'en haut, de la sainteté ; de la religion du coeur et ; de tous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ.
               Cependant il est toujours l'esclave du péché ; il pèche plus ou moins chaque jour, mais il ne s'en trouble point ; il n'est point sous le joug, comme disent quelques-uns, il ne sent point de condamnation. Et, lors même qu'il professe de croire aux Écritures l'homme est faible, dit-il, nous sommes tous fragiles, chacun a ses défauts ; et cela suffit pour le tranquilliser. Il prétendra même citer l'Écriture : Quoi ! Salomon n'a-t il pas dit que le juste pèche sept fois par jour ? Il n'y a donc que des hypocrites ou des exaltés qui prétendent valoir mieux que leurs semblables. — Et s'il arrive une fois qu'une pensée sérieuse, le poursuive : Pourquoi craindrais-je, se hâte-t-il de dire pour l'étouffer, puisque Dieu est miséricordieux et que Christ est mort pour les pécheurs ? C'est ainsi qu'il demeure volontairement dans l'esclavage de la corruption, prenant son parti de n'être saint ni au dehors ni au dedans ; ne remportant et n'essayant pas même de remporter la victoire sur le péché et surtout sur le péché particulier qui l'enveloppe le plus aisément.
           Tel est l'état de tout homme naturel, qu'il soit un transgresseur grossier et scandaleux ou un pécheur plus respectable et plus honnête, conservant la forme de la piété, quoiqu'il en ait renié la force. Mais comment un tel homme sera-t-il convaincu de péché et : porté à la repentance ? Comment sera-t-il placé sous la loi et recevra-t-il l'esprit de servitude et de crainte ?  C'est le second point que nous avions à considérer.

II

          Par quelque dispensation solennelle de sa providence ou par sa parole accompagnée de la démonstration de l'Esprit, Dieu touche le coeur de celui qui dormait dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort. Terriblement secoué dans son sommeil, il se réveille et a conscience de son danger. Soudainement peut-être, ou par degrés, les yeux de son entendement s'ouvrent, et le voile étant en partie ôté, il voit pour la première fois l'état réel où il se trouve. Une horrible lumière pénètre jusqu'à son âme, une lumière comme celle qu'on peut attendre du puits de l'abîme, des profondeurs de l'enfer, de l'étang ardent de feu et de soufre. Il voit enfin que le Dieu d'amour et de miséricorde est aussi un feu consumant; un Dieu juste et terrible qui rend à chacun selon ses oeuvres, qui entre en jugement avec l'impie pour toute vaine parole ; que dis-je ? même pour les imaginations du coeur. Il voit clairement que le Dieu saint et grand a les yeux trop purs pour voir le mal, qu'Il rend à tout rebelle et à tout méchant sa rétribution en face, et que c'est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant.
                L'éclat de cette lumière commence à placer devant ses yeux le sens spirituel, intime, de la loi de Dieu. Il voit que le commandement est d'une grande étendue, et que rien ne se dérobe à sa clarté.
               Il ne doute plus que, dans toutes ses parties, la loi, loin de se rapporter simplement  à l'obéissance ou à la transgression extérieure, s'applique à ce qui se passe dans les replis secrets de l'âme où l’œil de Dieu peut seul pénétrer. Maintenant, lorsqu'il entend cette défense : « Tu ne tueras point », Dieu lui dit d'une voix de tonnerre : Celui qui hait son frère est un meurtrier ; celui qui dit à son frère fou, sera punissable par la géhenne du feu. Si la loi dit : « Tu ne commettras point d'adultère », ces paroles retentissent à ses oreilles de la part du Seigneur : Celui qui regarde une femme pour la convoiter a déjà commis adultère avec elle dans son coeur. Et c'est ainsi que, sur chaque point, la Parole de Dieu est pour lui vivante et efficace, plus pénétrante qu'une épée à deux tranchants. Elle atteint jusqu'à la division de son âme et de son esprit, des jointures et des moelles ; d'autant plus qu'il sent en lui-même qu'il a négligé le grand salut, qu'il a foulé aux pieds le Fils de Dieu qui voulait le sauver de ses péchés, et teint pour une chose profane, c'est-à-dire commune et sans vertu, le sang de la nouvelle alliance.
                   Convaincu que toutes choses sont nues et découvertes devant les yeux de Celui à qui nous avons affaire, il se voit lui-même nu et dépouillé de toutes les feuilles de figuier qu'il avait cousues ensemble, de toutes ses prétentions misérables de religion ou de vertu, de toutes les pauvres excuses dont il couvrait ses péchés. Il se voit, comme les victimes des anciens sacrifices, partagé du haut en bas, si l'on peut ainsi dire, en sorte que tout en lui se montre à découvert. Son coeur est à nu, et il n'y voit que péché. Il voit qu'il est rusé et désespérément malin, corrompu et abominable au-delà de toute expression, qu'il n'y habite qu'injustice et impiété, toutes ses imaginations, ses mouvements et ses pensées n'étant que mal en tout temps.
              Et il ne voit pas seulement, mais il sent en lui-même, par une émotion indescriptible, que pour les péchés de son coeur, lors même que sa vie serait irréprochable (ce qu'elle n'est ni ne peut être, puisqu'un mauvais arbre ne peut porter de bons fruits), il sent qu'il mérite d'être jeté dans le feu qui ne s'éteint point. Il sent que les gages, la, juste récompense du péché, de son péché surtout, c'est la mort, la mort seconde, la mort qui ne meurt point ; la ruine du corps et de l'âme dans l'enfer.
                  C'en est fait de ses rêves ; de son repos trompeur, de sa fausse paix, de sa vaine sécurité. Sa joie s'évanouit comme un nuage ; les plaisirs qu'il aimait naguère n'ont plus de charme pour lui. Leur insipidité, leur fadeur, lui répugnent et le fatiguent. Les ombres du bonheur s'enfuient et plongent dans l'oubli ; en sorte que dépouillé de tout, il erre, il va et vient, cherchant le repos et ne pouvant le trouver.
                    Les fumées du breuvage dont il s'enivrait étant dissipées, il ne lui reste plus que l'angoisse d'un esprit abattu. Il éprouve que le péché déchaîné sur l'âme n'amène qu'une misère complète ; que ce soit l'orgueil, la colère, la convoitise, la volonté propre ; la malice, l'envie ou tout autre péché. Il ressent une tristesse de coeur pour les bénédictions perdues et pour la malédiction qui est venue fondre sur lui ; le remords, pour s'être ainsi perdu lui-même au mépris de son propre salut ; il est agité par la crainte qui provient d'un vif sentiment de la colère de Dieu et des conséquences de cette colère, des châtiments qu'il a si justement mérités et qu'il voit ; suspendus sur sa tête ; par la crainte de la mort qu'il considère comme la porte de l'enfer ; par la crainte du diable, l'exécuteur de la colère et de la juste vengeance de Dieu : par la crainte des hommes qui, s'ils pouvaient tuer son corps, plongeraient son corps et son âme dans la géhenne ; et cette crainte s'accroît souvent à tel point que cette pauvre âme pécheresse et coupable est épouvantée de tout, d'un rien, d'une ombre, d'une feuille agitée par le vent. Cette crainte peut même quelquefois approcher de la folie, suspendre par une ivresse qui ne vient pas du vin, l'exercice de la mémoire, de l'intelligence et de toutes les facultés naturelles. Quelquefois elle peut pousser le pécheur jusqu'au bord du désespoir, et tout en tremblant au seul nom de mort, il peut être prêt, à chaque instant, à choisir la mort plutôt que la, vie Ah ! c'est alors qu'il rugit, comme le Psalmiste, dans le trouble de son âme ; car l'esprit de l'homme le soutiendra dans son infirmité ; mais l'esprit abattu qui le relèvera ?
                  Maintenant il désire vraiment rompre avec le péché ; il commence à le combattre. Mais quoiqu'il lutte de toutes ses forces il ne peut vaincre : le péché est plus fort que lui. Il voudrait bien échapper, mais il ne peut sortir de sa prison. Il prend des résolutions contre le péché, mais il pèche encore ; il voit le piège, il l'a en horreur, et cependant il s'y précipite. Ah ! que cette raison dont il était fier est puissante ! Puissante pour accroître sa culpabilité, pour augmenter sa misère ! Que sa volonté est libre ! Libre seulement pour le mal, libre pour boire l'iniquité comme l'eau, pour s'égarer toujours plus loin du Dieu vivant, et pour outrager toujours plus l'Esprit de grâce.
                   Plus il soupire, travaille et lutte pour la liberté, plus il sent ses chaînes, les chaînes cruelles du péché par lesquelles Satan le tient captif et le mène à sa volonté ; il a beau murmurer, il a beau se révolter, il est son esclave, et ses efforts sont vains. Il demeure dans la servitude et dans la crainte à cause du péché ; esclave de quelque péché extérieur, auquel il est particulièrement enclin, soit par nature, soit par habitude ou par suite des circonstances ; mais toujours esclave de quelque péché intérieur, de quelque mauvais penchant ou de quelque affection profane. Et plus il s'indigne contre le mal, plus il y succombe ; il peut mordre sa chaîne, il ne peut la briser. C'est ainsi qu'il se livre à un travail sans fin, de la repentance au péché et du péché à la repentance, jusqu'à ce qu'enfin, pauvre, misérable, à bout de ressources, il n'ait plus qu'à gémir et à s'écrier : «Misérable que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort ! »
                     Toute cette lutte d'un homme sous la loi ; dominé par l'esprit de crainte et de servitude, est magnifiquement décrite dans Romains (7 : 9-25), où l'apôtre prend le langage d'un pécheur réveillé : « Autrefois, quand j'étais sans loi, je vivais », j'avais, en abondance, vie, sagesse, force et vertu, je le croyais du moins ; « mais quand le commandement est venu, le péché a repris la vie et moi je suis mort ». — Le sens spirituel du commandement m'étant révélé avec puissance, ma corruption innée s'est émue, enflammée, manifestée, et ma vertu s'est évanouie. « De sorte qu'il s'est trouvé que le commandement qui m'était donné pour avoir la vie m'a donné la mort. Car le péché, prenant occasion du commandement, m'a séduit et m'a fait mourir par le commandement même » ; me prenant par surprise, il a frappé au coeur ma confiance, me montrant clairement qu'en vivant j'étais mort. « La loi donc est sainte et le commandement est saint, juste et bon » ; ce n'est plus la loi que je blâme, mais mon propre coeur. Je reconnais « que la loi est spirituelle ; mais je suis charnel, vendu au péché », c'est-à-dire son esclave (comme les esclaves achetés par argent étaient à la merci de leurs maîtres) ; « car je n'approuve point ce que je fais, parce que je ne fais point ce que je voudrais faire, mais je fais ce que je hais ». Telle est ma dure servitude : « J'ai bien la volonté de faire ce qui est bon, mais je ne trouve pas le moyen de l'accomplir ; car je ne fais pas le bien que je voudrais faire, mais je fais le mal que je ne voudrais pas faire. Je trouve donc en moi cette loi, cette contrainte, « c'est, que quand je veux faire le bien, le mal est attaché à moi ; car je prends plaisir » ou je consens « à la loi de Dieu quant à l'homme intérieur », c'est-à-dire, dans mon esprit, comme le dit l'apôtre au verset suivant : « Mais je trouve une autre loi dans mes membres qui combat contre la loi de mon esprit et qui me rend captif sous la loi du péché », me liant, pour ainsi dire, au char de mon vainqueur, du vainqueur que je déteste. « Misérable que je suis ! qui me délivrera du corps de cette mort ? » (qui me délivrera de cette vie qui n'est qu'une mort, de cette servitude du péché et du malheur ? Jusque-là « je sers moi-même, de l'esprit à la loi de Dieu », — mon esprit, ma, conscience est pour Dieu, « mais de la chair à la loi du péché», car je suis entraîné par une force à laquelle je ne puis résister.
                       Quelle peinture vivante d'un homme qui est sous la loi, d'un homme qui gémit sous un fardeau qu'il ne peut secouer ; haletant après la liberté, la force, l'amour, et demeurant toujours dans la crainte et la servitude, jusqu'à l'heure où, à ce misérable qui crie : Qui me délivrera de ce corps de mort ? Dieu répond : La grâce de Dieu par Jésus Christ, ton Seigneur !


III

                     C'est alors que finit cette triste servitude et qu'il n'est plus sous la loi, mais sous la grâce. Nous allons donc considérer ; en troisième lieu, l'état d'un homme qui a trouvé grâce aux yeux de Dieu, de Dieu le Père, et dans le coeur duquel règne la grâce ou la puissance du Saint-Esprit ; d'un homme qui a reçu, comme s'exprime l'apôtre, l'esprit d'adoption, par lequel il crie maintenant : Abba, c'est-à- dire Père !
                      Il a crié à l'Éternel dans sa détresse et il l'a délivré de ses angoisses. Ses yeux sont ouverts, mais d'une toute autre manière qu'auparavant ; ils sont ouverts pour voir un Dieu d'amour et de grâce. Et tandis qu'il lui crie : « Je te prie, montre-moi ta gloire ! » une voix lui répond au dedans : « Je vais faire passer devant toi toute ma bonté, je crierai le nom de l'Éternel devant toi, je ferai grâce à celui à qui je ferai grâce, et j'aurai compassion de celui dont j'aurai compassion ! » Et bientôt le Seigneur descendant dans la nuée et proclamant le nom de l'Éternel devant lui, il voit, mais non des yeux de la chair et du sang, « l'Éternel, le Dieu fort, miséricordieux et pitoyable, tardif à colère et abondant en grâce et en vérité ; qui garde la miséricorde jusqu'en mille générations, et qui pardonne l'iniquité, le crime et le péché ».
                      Une lumière céleste et bienfaisante se répand alors dans son âme. Il regarde à Celui qu'il avait percé, et Dieu qui a dit que la lumière sortît des ténèbres, répand la lumière dans son coeur. Il voit la lumière glorieuse de l'amour de Dieu. en la face de Jésus-Christ. Il possède une démonstration divine des choses invisibles au sens, des choses profondes de Dieu, surtout de l'amour de Dieu pardonnant à celui qui croit, en Jésus. Subjuguée par cette vue, son âme entière s'écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Il voit. toutes ses iniquités rassemblées sur celui qui les a portées en son corps sur le bois ; il voit cet Agneau de Dieu qui ôte ses péchés. — Combien il discerne clairement que Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec Lui-même, faisant Celui qui n'a point connu le péché, être péché pour nous, afin que nous fussions justice de Dieu par Lui. Avec quelle certitude il sait que lui-même est réconcilié avec Dieu, par le sang de l'alliance !
                        Ici finit pour lui toute condamnation ; ici finit l'empire du péché. Maintenant il peut dire : « Je suis crucifié avec Christ et je vis, non pas moi toutefois, mais Christ vit en moi, et si je vis encore dans la chair » (dans ce corps mortel), « je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et qui s'est donné lui-même pour moi ». Ici finit le remords, la tristesse de coeur, l'angoisse d'un esprit abattu. Dieu change sa tristesse en joie. Il fit la plaie et sa main la bande. Ici finit cet esprit de servitude et de crainte, car son coeur est ferme se confiant en l'Éternel. Il ne peut plus craindre la colère de Dieu, car il sait qu'elle s'est détournée de lui, et il voit en Dieu non plus un juge irrité, mais un Père. Il ne peut plus craindre le diable, sachant qu'il n'a aucun pouvoir s'il ne lui est donné d'en haut. Il ne craint pas l'enfer, puisqu'il est héritier du ciel ; dès lors il est affranchi de cette crainte de la mort qui le rendit, pendant tant d'années, sujet à la servitude. Mais plutôt, sachant que si cette demeure terrestre dans cette tente est détruite, il a dans le ciel un édifice de Dieu, une demeure éternelle qui n'est point faite de main d'homme, il soupire ardemment, désirant être revêtu de sa demeure céleste. Il soupire après le dépouillement de cette maison de terre, après le moment où ce qu'il y a de mortel en lui sera absorbé par la vie ; car il sait que c'est Dieu qui l'a formé, pour cela, et qui lui a aussi donné pour arrhes son Esprit.
                    Et là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté, l'affranchissement, non seulement de la condamnation et de la crainte, mais du plus pesant de tous les,jougs, de la plus honteuse de toutes les servitudes, savoir du péché. Désormais son travail n'est plus vain. Les lacs qui le tenaient captif sont brisés. Il lutte, mais c'est avec succès ; il combat, mais c'est pour remporter la victoire. Il n'est plus asservi au péché. Il est mort au péché et vivant à Dieu ; le péché ne règne plus, même dans son corps mortel, et il n'obéit plus à ses convoitises. Il ne livre plus ses membres pour servir à l'iniquité et au péché, mais pour servir à la justice et à la sainteté. Car étant libre maintenant quant au péché, il est devenu l'esclave de la justice (Romains 6 : 6).
                       Ainsi il a la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ, il se réjouit dans l'espérance de la gloire de Dieu ; il a la domination sur tout péché ; sur tout désir, tout penchant, toute parole, toute oeuvre mauvaise. Dans cet heureux état, il est un témoin vivant de la liberté glorieuse des enfants de Dieu, qui tous ont en partage une foi du même prix et qui disent tous d'une voix : « Nous avons reçu l'esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba, Père ! »
                  C'est cet esprit qui produit en eux continuellement et la volonté et l'exécution selon son bon plaisir. C'est lui qui répand dans leurs cœurs l'amour de Dieu et l'amour de tous les hommes ; les purifiant ainsi de l'amour du monde, de la convoitise de la chair, de la convoitise des yeux et de l'orgueil de la vie. C'est Lui qui les délivre de la colère et de l'orgueil, de toute affection basse et désordonnée, et, par suite, de paroles et d’œuvres  mauvaises, et de toute conversation profane, de sorte qu'ils ne font de mal à personne et qu'ils sont zélés pour toute bonne oeuvre.
                   En résumé : l'homme naturel ne craint ni n'aime Dieu, l'homme sous la loi le craint, l'homme sous la grâce l'aime, Le premier n'a point de lumière dans les choses de Dieu, mais il marche dans les plus épaisses ténèbres ; le second voit l'horrible lumière de l'enfer, le troisième, la joyeuse lumière du ciel. Celui qui dort d'un sommeil de mort est dans une fausse paix ; celui qui croit possède la vraie paix, car la paix de Dieu remplit et gouverne son coeur. Le païen, baptisé ou non, jouit d'une liberté illusoire qui n'est que la licence ; le Juif, de naissance ou de coeur, est sous un lourd et cruel esclavage ; le chrétien jouit de la vraie et glorieuse liberté des enfants de Dieu. Un enfant du diable, avant d'être réveillé, pèche de bon coeur ; réveillé, il pèche à contre-coeur ; un enfant de Dieu ne pèche point, mais il se conserve lui-même, et le malin ne le touche point. Bref, l'homme naturel ne connaît ni combat ni victoire ; l'homme sous la loi combat contre le péché sans pouvoir en triompher ; mais l'homme sous la grâce est combattant et vainqueur, il est même plus que vainqueur par Celui qui l'a aimé.


IV

                  On voit par ce simple exposé de ces trois états où l'homme peut être ; l'état naturel, l'état légal et l'état de grâce ou évangélique, qu'il ne suffit pas de classer les hommes en sincères et en non sincères. On peut être sincère dans ces trois états, non seulement avec l'esprit d'adoption, mais encore sous l'esprit de servitude et de crainte, et même quand on n'a ni la crainte de Dieu, ni son amour. Car il peut, sans nul doute, y avoir de la sincérité chez les païens, aussi bien que chez les Juifs ou les chrétiens. La sincérité ne prouve donc, nullement qu'on soit agréable à Dieu, et en état de subsister devant lui.
                  C'est pourquoi « éprouvez-vous vous-mêmes, non seulement pour savoir si vous êtes sincères, mais pour « savoir si vous êtes dans la foi ». Examinez de près, car cela vous importe grandement, quel est dans votre âme le principe qui gouverne. 
Est-ce l'amour de Dieu ? 
Est-ce la crainte de Dieu ? 
Ou n'est ce ni l'un ni l'autre ? 
N'est-ce pas plutôt l'amour du monde, l'amour du plaisir ou du gain ?
L'amour des aises ou de la réputation ? 
S'il en est ainsi, vous êtes moins avancé que les Juifs ; vous n'êtes encore qu'un païen. 
Avez-vous le ciel dans votre coeur ? 
Avez-vous l'esprit d'adoption, qui toujours crie Abba, Père ? 
Ou invoquez-vous Dieu, comme du fond de l'abîme, accablé de peine et de crainte ? 
Ou bien, étranger à tout ceci, ne savez-vous de quoi je veux parler ? 
— Païen, lève le masque ! Tu ne t'es jamais revêtu de Christ ! Découvre ta face ! Lève les yeux au ciel et confesse, devant Celui qui vit aux siècles des siècles, que tu n'as de part ni parmi les enfants, ni parmi les serviteurs de Dieu.
                    Qui que tu sois, commets-tu ou ne commets-tu pas le péché ? Si tu le commets, est-ce de bon ou de mauvais gré ? Que ce soit l'un ou l'autre, Dieu t'a dit à qui tu appartiens : « Celui qui commet le péché est du diable ». Si c'est de bon gré ; tu es son serviteur fidèle et il ne manquera pas de récompenser ton travail. Si c'est de mauvais gré, tu n'en est pas moins son serviteur. Que Dieu t'arrache de ses mains !
                       Es -tu tous les jours en guerre contre tout péché, et tous les jours plus que vainqueur ? Je te reconnais pour un enfant de Dieu ! Oh ! demeure ferme dans ta glorieuse liberté ! Combats-tu, mais sans vaincre, t'efforçant d'avoir le dessus, mais sans pouvoir y parvenir ? Alors tu ne crois pas encore en Christ, mais persévère et tu connaîtras bientôt le Seigneur. Vis-tu sans aucun combat, dans la mollesse, l'indolence et la conformité à la mode ? Oh ! comment présumes-tu de te nommer du nom de Christ, pour être un sujet de scandale aux Gentils ? « Dormeur », lève-toi, et crie à ton Dieu, avant que l'abîme t'engloutisse ! Une des raisons, peut être, qui expliquent pourquoi tant de gens ont d'eux-mêmes une plus haute opinion qu'ils ne doivent et ne discernent point auquel de ces trois états ils appartiennent, c'est que ces divers états d'âme se confondent souvent et peuvent en quelque mesure se rencontrer chez une seule et même personne. Ainsi l'expérience montre que l'état légal ou de crainte se mêlent souvent à l'état naturel ; car peu d'hommes sont si profondément endormis dans le péché qu'ils ne s'éveillent plus ou moins de temps à autre. Et comme l'Esprit de Dieu n'attend pas que l'homme l'appelle, il est des moments où il se fait entendre ; qu'on le veuille ou non. Il épouvante les pécheurs de telle sorte que pour un temps, du moins, ces païens connaissent qu'ils ne sont que des hommes mortels. Ils sentent le fardeau du péché, ils désirent ardemment fuir la colère à venir. Mais ce n'est, pas long ; rarement ils souffrent que, les flèches de la conviction entrent profondément dans leurs âmes ; ils s'empressent d'étouffer la grâce de Dieu, pour retourner se vautrer dans le bourbier.
                        De même l'état évangélique, ou d'amour, se mêle fréquemment à l'état légal. Peu de ceux qui ont l'esprit de servitude et de crainte demeurent toujours sans espérance. Le Dieu sage et miséricordieux le souffre rarement, « Il se souvient que nous ne sommes que poudre », Il ne veut pas que « l'esprit soit accablé par sa présence, car c'est Lui qui a fait les âmes ». C'est pourquoi, dans les moments qu'Il juge convenables, il fait poindre la lumière sur ceux qui sont assis dans les ténèbres. Il fait passer en partie devant eux sa bonté, il leur montre qu'il entend les prières. Ils voient, quoique de loin, la promesse qui est par la foi en Jésus-Christ, et cela les encourage à poursuivre la course qui leur est proposée.
                  Une autre cause d'illusion pour plusieurs, c'est qu'ils ne considèrent pas combien un homme peut aller loin sans sortir de l'état naturel ou tout au moins de l'état légal. Un homme peut être d'un caractère compatissant, affable ; il peut être courtois, généreux, prévenant ; avoir quelque degré de patience, d'humilité, de tempérance et d'autres vertus morales. Il peut désirer s'abstenir de tout vice et vouloir s'élever à une plus haute vertu. Il peut renoncer à diverses formes du mal ; peut-être à tout ce qui est grossièrement contraire à la justice, à la bonté, à la vérité. Il peut faire beaucoup de bien, nourrir les affamés, vêtir ceux qui sont nus, consoler la veuve et l'orphelin. A l'assiduité au culte public, il peut ajouter la prière en particulier, et beaucoup de lectures pieuses ; il peut faire tout cela, et n'être encore qu'un homme naturel, ne connaissant ni lui-même, ni Dieu ; étranger à l'esprit de crainte aussi bien qu'à celui d'amour, n'ayant encore ni la repentance, ni la foi à l’Évangile.
                       Mais lors même qu'à tout cela se joint une profonde conviction de péché, et une grande crainte de la colère de Dieu ; de véhéments désirs de fuir tout péché et d'accomplir toute justice ; de fréquents élans de joie dans l'espérance, et des impressions de l'amour divin traversant l'âme ; ceci non plus ne prouve pas qu'un homme soit sous la grâce, qu'il ait la vraie, la vivante foi chrétienne, à moins qu'il n'ait l'esprit d'adoption, demeurant dans son coeur; à moins qu'il ne puisse continuellement s'écrier : «Abba, Père!»
                        Toi donc qui portes le nom de chrétien, prends garde et crains de manquer le but de ta haute vocation ; de t'arrêter, soit dans l'état naturel, avec trop de gens estimés bons chrétiens, soit dans l'état légal, où les personnes qui sont en grande considération jugent en général suffisant de vivre et de mourir. Non, Dieu a préparé pour toi de meilleures choses ; pourvu que tu persévères à les chercher jusqu'à ce que tu les atteignes. Tu n'es point appelé à craindre, à trembler comme les démons ; mais à te réjouir, à aimer comme les anges de Dieu. « Tu aimeras l’Éternel ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée, de toutes tes forces » ; tu dois être toujours joyeux, prier sans cesse, rendre grâces pour toutes choses ; tu feras la volonté de Dieu sur la terre, comme elle est faite dans le ciel. Oh ! « éprouve que la volonté de Dieu est bonne, agréable et parfaite », en te présentant à Lui en sacrifice vivant et saint, ce qui est ton service raisonnable !
                           Retiens ferme ce que tu as, avançant vers les choses qui sont devant toi, jusqu'à ce que le Dieu de paix te rende accompli en toute bonne oeuvre, faisant Lui-même en toi ce qui lui est agréable par Jésus-Christ, à qui soit la gloire aux siècles des siècles ! Amen !


jeudi 4 juin 2015

LES SERMONS DE WESLAY Sermon 8 LES PREMIERS FRUITS DE L’ESPRIT

Numérisation Yves PETRAKIAN
Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement
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Romains 8,1     (1746)

« Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, qui marchent non selon la chair, mais selon l'Esprit ». (Romains 7 : 1.)

              Par ceux qui sont en Jésus-Christ, il est clair que saint Paul entend ceux qui croient véritablement en Lui, ceux qui, justifiés par la foi, ont la paix avec Dieu par Lui. Ceux-là ne marchent plus selon la chair, ils ne suivent plus les mouvements d'une nature corrompue ; mais ils marchent selon l'Esprit ; — en eux, pensées, paroles et actions, tout est dirigé par le Saint-Esprit du Seigneur.
               Pour ceux-là donc il n'y a plus de condamnation, plus de condamnation de la part de Dieu ; car Il les a justifiés gratuitement par sa grâce, par la rédemption fui est en Jésus-Christ ; Il a pardonné toutes leurs iniquités et effacé tous leurs péchés ; — plus de condamnation de la part de leur conscience, car ils ont reçu, non l'esprit de ce monde, mais l'Esprit qui vient de Dieu, pour connaître les choses qui leur sont données de Dieu (1 Corinthiens 2 : 12), et cet Esprit rend témoignage à leur esprit qu'ils sont enfants de Dieu. A cela se joint encore le témoignage de leur conscience, qu'ils se
conduisent dans le monde en simplicité et en sincérité devant Dieu, non point avec une sagesse charnelle, mais avec la grâce de Dieu (2 Corinthiens 1 : 12).
                Mais vu les erreurs si fréquentes et si dangereuses dans lesquelles on est tombé par rapport au sens de cette parole de l'Écriture, et parce qu'une multitude de gens ignorants et mal assurés l'ont tordue à leur propre perdition ; je me propose de montrer, aussi clairement qu'il me sera possible : 
1° qui sont ceux qui, sont en Jésus-Christ, et qui marchent, non selon la chair, mais selon l'Esprit ; et 2° en quel sens il n'y a plus pour eux de condamnation. Je terminerai 3° par quelques conséquences pratiques.

I


               Je dois montrer d'abord qui sont ceux qui sont en Jésus-Christ ; mais qui seraient-ce, si ce ne sont ceux qui croient en son nom, ceux qui sont en Lui, revêtus, non de leur propre justice ; , mais de la justice qui vient de Dieu par la foi. C'est de ceux-là qu'on peut proprement dire qu'ils sont en Lui ; car ayant la rédemption par son sang, ils demeurent en Christ, et Christ demeure en eux. Ils sont unis au Seigneur dans un même Esprit. Ils sont greffés en Lui, comme le sarment l'est au cep. Il est la tête et ils sont les membres. Il existe entre eux et Lui une union que nul langage ne peut exprimer et qu'auparavant leur coeur n'eût jamais pu concevoir.
                 Mais quiconque demeure en Lui ne pèche point, il ne marche point selon la chair. La chair, dans le style habituel de saint Paul, signifie la nature corrompue. C'est dans ce sens qu'il écrit aux Galates :
« Les oeuvres de la chair sont manifestes (Galates 5 : 19) ; » et il venait de dire : « Marchez selon l'Esprit, et vous n'accomplirez pas les désirs de la chair (Galates 5 : 16) ; car, ajoute-t-il, la chair a des désirs contraires à l'Esprit, et l'Esprit a des désirs contraires à la chair, et les deux sont opposés – afin que vous ne fassiez pas les choses que vous voudriez ». Tel est le sens littéral du grec, et non pas « de sorte que vous ne faites pas les choses due vous voudriez », comme, si la chair l'emportait sur l'Esprit, traduction qui non seulement n'a rien à faire avec le texte, mais qui réduit à rien l'argumentation de l'apôtre, affirmant tout le contraire ; de ce qu'il veut prouver.
            Ceux qui sont en Christ, qui demeurent en Lui, ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs. Ils s'abstiennent de toutes les oeuvres de la chair. Ils fuient l'adultère, la fornication, l'impureté, la dissolution, l'idolâtrie, la sorcellerie, les inimitiés, les querelles, ! es jalousies, les animosités, les disputes, les divisions, les sectes, les envies, les meurtres, l'ivrognerie, les débauches, et toute intention, parole ou action qu'enfante la nature corrompue. Quoiqu'ils sentent encore en eux la racine d'amertume, la vertu d'en haut dont ils sont revêtus les rend capables de la fouler constamment aux pieds, de peur qu'elle ne pousse en haut et ne les trouble, et chaque nouvel assaut qu'ils soutiennent n'est pour eux qu'une nouvelle occasion de louanges, un nouveau motif de s'écrier : « Grâce à Dieu qui nous donne la victoire par Notre Seigneur Jésus-Christ ».
             Ils marchent maintenant selon l'Esprit ; ils lui soumettent leur coeur et leur conduite. C'est Lui qui leur enseigne à aimer Dieu et leur prochain d'un amour semblable à une source d'eau jaillissante en vie éternelle. C'est Lui qui les conduit à tout saint désir, à toute disposition divine et céleste, jusqu'à ce que chacune de leurs pensées soit la sainteté au Seigneur.
             C'est aussi cet Esprit qui leur donne de marcher en toute sainteté de conversation. Leurs discours sont toujours accompagnés de grâce et assaisonnés de sel, marqués par l'amour et la crainte de Dieu. Il ne sort de leur bouche aucune parole déshonnête, mais uniquement ce qui sert à l'édification, ce qui peut communiquer la grâce à ceux qui écoutent. Et leur étude est aussi jour et nuit de ne faire que les choses qui sont agréables à Dieu ; d'imiter dans leur conduite extérieure Celui qui nous a laissé un exemple afin que nous suivions ses traces ; de pratiquer la justice, la miséricorde et la fidélité dans tous leurs rapports avec le prochain, et, en toutes circonstances, de faire toutes choses pour la gloire de Dieu.
               Tels sont ceux qui marchent véritablement selon l'Esprit. Etant remplis de foi et du Saint-Esprit, ils possèdent dans leur coeur et montrent dans leur vie, dans tout l'ensemble de leurs paroles et de leurs actions, les fruits caractéristiques de l'Esprit de Dieu la charité, la joie, la paix, la patience, la douceur, la, bonté, la fidélité, la débonnaireté, la tempérance et toute autre disposition aimable et digne de louange. Ils rendent honorable en toutes choses l'Évangile de Dieu notre Sauveur, et ils démontrent ainsi pleinement à tous les   hommes qu'ils sont, en effet, mus et guidés par l'Esprit qui ressuscita Christ d'entre les morts.

II

               J'en viens maintenant à indiquer dans quel sens il n'y a plus de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ et qui ne marchent point selon la chair mais selon l'Esprit.
               
1° Et d'abord ceux qui croient en Christ et qui marchent aussi selon l'Esprit, ne sont plus condamnés pour leurs péchés passés, il n'en est aucun qui ne soit effacé. Ils sont comme n'ayant jamais été ; le Seigneur les a jetés comme une pierre au fond de la mer, et il ne s'en souvient plus. Dieu qui leur a donné son Fils comme victime de propitiation par la foi en son sang, leur a aussi fait connaître sa justice par la rémission des péchés précédents. Il ne leur en impute donc aucun ; il en a fait disparaître jusqu'au souvenir.
               Leur coeur même ne les condamne plus ; ils n'ont plus le sentiment pénible de leur culpabilité, plus de crainte de la colère du Tout-Puissant. Ils ont en eux-mêmes le témoignage, la conscience d'avoir part au sang de l'aspersion. Ils n'ont « pas reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte », dans le. doute et l'angoisse, mais ils ont reçu « l'Esprit d'adoption », qui crie dans leur coeur : « Abba, père ». Etant ainsi justifiés par la foi, la paix de Dieu règne dans leur coeur, cette paix qui découle du sentiment continuel du pardon par grâce et de « la réponse d'une bonne conscience devant Dieu ».
             Si l'on objecte que celui qui croit en Christ peut quelquefois perdre de vue la miséricorde de Dieu ; qu'il peut tomber dans les ténèbres, au point de ne plus voir, « Celui qui est invisible », de ne plus sentir le témoignage qu'il a part au sang expiatoire ; si l'on dit qu'il retrouve alors le sentiment de la condamnation, et se sent de nouveau placé sous la sentence de mort : je réponds que s'il perd ainsi la miséricorde de Dieu, il ne croit plus ; car qui dit foi, dit lumière, lumière, de Dieu illuminant l'âme. Une âme perd donc la foi pour le temps et dans la mesure où elle perd cette lumière. Et comme il n'est pas douteux qu'un vrai croyant peut perdre la lumière de la foi, il peut aussi, sans doute, pour un temps, retomber sous la condamnation. Mais quant à ceux qui maintenant sont en Jésus-Christ, qui maintenant croient en son nom, aussi longtemps qu'ils croient et marchent selon l'Esprit, ils ne sont condamnés ni de Dieu, ni de leur propre coeur.

2° Ils ne sont condamnés pour aucun péché présent, pour aucune transgression actuelle des commandements de Dieu. Car ils ne les transgressent point. Ils ne marchent point selon la chair, mais selon l'Esprit. La preuve permanente de leur amour pour Dieu, c'est qu'ils gardent ses commandements, comme saint Jean en rend témoignage en disant « Quiconque est né de Dieu ne fait point le péché, car la semence de Dieu demeure en lui, et il ne peut pécher, car il est né de Dieu ». Il ne peut pécher aussi longtemps que la foi agissante par la charité, cette sainte semence de Dieu, demeure en lui. Aussi longtemps qu'il se conserve lui-même dans cette foi « le malin ne le touche point ». Or il est évident qu'il n'est pas condamné pour des péchés qu'il ne commet en aucune manière. Ceux donc qui sont ainsi « conduits par l'Esprit ne sont plus sous la loi (Gal 5 : 18) », sous la malédiction ou la condamnation de la loi ; car la loi ne condamne que ceux qui la violent. Cette loi de Dieu : « Tu ne déroberas point », ne condamne que ceux qui dérobent ; cette autre : « Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier », ne condamne que ceux qui ne le sanctifient point. Mais la loi n'est point contre « les fruits de l'Esprit (Gal 5 : 23) ». C'est ce que l'apôtre déclare plus au long dans ces paroles remarquables de sa première Épître à Timothée : « Nous savons que la loi est bonne pour celui qui en fait un usage légitime et qui sait, — non que la loi n'est pas faite pour le juste, — mais plutôt, suivant le texte original, que la loi n'est point contre le juste, qu'elle n'a pas de force pour le condamner, mais qu'elle condamne. seulement les méchants et ceux qui ne peuvent se soumettre ; les impies et les vicieux ; les gens sans religion et les profanes, — conformément au glorieux Évangile de Dieu (1 Timothée 1 : 8,9,11) ».

3° Ils ne sont pas non plus condamnés pour le péché intérieur, quoiqu'il demeure encore en eux. Que la corruption naturelle reste chez ceux mêmes qui sont devenus enfants de Dieu par la foi ; qu'ils aient en eux les semences de l'orgueil et de la vanité, de la colère et des mauvais désirs, et de toute sorte de péchés, c'est un fait d'expérience au-dessus de toute contestation ; et c'est pour cela que saint Paul, parlant à des gens qu'il venait de saluer comme étant en Jésus-Christ (1 Corinthiens 1 : 2,9), comme ayant été appelés de Dieu à la communion de son Fils Jésus, leur dit néanmoins « Frères, je n'ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes charnels, comme à des enfants en Christ (1 Corinthiens 3 : 1)». Des enfants en Christ ! Ils étaient donc en lui et croyants, quoique faibles. Et pourtant combien il restait encore en eux de péché, combien de cet esprit charnel qui ne se soumet pas à la loi de Dieu !
              Mais nonobstant tout cela, ceux qui sont en Jésus-Christ ne sont point condamnés. Quoiqu'ils sentent en eux la chair, la mauvaise nature, quoiqu'ils reconnaissent tous les jours plus, que leur coeur est rusé et désespérément malin, néanmoins aussi longtemps qu'ils y résistent, aussi longtemps qu'ils ne donnent point lieu au diable, mais qu'ils soutiennent une guerre constante contre tout péché, contre l'orgueil, la colère, la convoitise, en sorte que la chair n'a pas de domination sur eux, mais qu'ils continuent à marcher selon l'Esprit ; ils sont en Jésus-Christ, et il n'y a point pour eux de condamnation, Dieu prend plaisir à leur obéissance sincère, quoique imparfaite, et ils ont une grande confiance devant Dieu, connaissant qu'ils sont siens et le connaissant « par l'Esprit qu'il leur a donné (1Jean 3 : 24) ».

4° Et même ils ne sont condamnés ni de Dieu, ni de leur propre conscience, quoiqu'ils aient la conviction permanente de ne rien faire qui ne soit entaché de péché, de n'accomplir la loi parfaite ni en pensées, ni en paroles, ni en actions, et de ne point aimer le Seigneur leur Dieu de tout leur coeur, de toute leur pensée, de toute leur âme et de toute leur force ; quoiqu'ils sentent toujours plus ou moins d'orgueil et de volonté propre venant furtivement se mêler à ce qu'ils font de meilleur ; quoiqu'en face même de Dieu, soit dans la grande assemblée, soit dans le culte intime qu'ils rendent à Celui qui voit nos pensées et nos plus secrètes intentions, ils aient sans cesse à rougir de leurs pensées errantes et du mortel engourdissement de leur coeur, ils ne sont pourtant, dis-je, condamnés ni de Dieu, ni de leur conscience. La vue de leurs nombreuses imperfections ne fait que leur mieux démontrer leur besoin continuel du sang expiatoire et de cet Avocat auprès du Père qui est toujours prêt à intercéder pour eux. Elle ne fait donc que les presser de se rapprocher toujours plus de Celui en qui ils ont cru. Et plus ils sentent ce besoin, plus ils désirent, et par leurs oeuvres se montrent pressés de marcher selon le Seigneur Jésus-Christ, comme ils l'ont reçu.

5° Ils ne sont pas condamnés non plus pour les péchés qu'on appelle péchés d'infirmité. Pour leurs infirmités serait peut-être une expression plus convenable, en ce qu'elle évite l'apparence de tolérer le péché ou de l'amoindrir en y accolant le nom d'infirmité. Mais s'il faut conserver une expression si ambiguë, et si dangereuse, j'entendrai par péché d'infirmité, toute faute involontaire, comme, par exemple, de dire une chose fausse en la croyant vraie, ou de faire tort au prochain sans le savoir ni le vouloir, peut-être même en voulant lui faire du bien. Quoique ce soient là des déviations de cette volonté de Dieu, qui est « sainte, agréable et parfaite », ce ne sont pourtant pas des péchés proprement dits, et la conscience de ceux qui sont en Jésus-Christ n'en est point chargée ; ces choses ne peuvent établir aucune séparation entre eux et Dieu, ni intercepter la lumière de sa face, car elles n'excluent point le caractère général qui les distingue, savoir, de marcher, « non selon la chair, mais selon l'Esprit ».

6°. Enfin, ils ne sont condamnés pour rien de ce qui ne dépend pas de leur volonté, que la chose se passe au dedans ou au dehors, qu'elle consiste dans un acte positif ou dans nue omission. Ainsi on célèbre la Cène du Seigneur et vous vous en absentez. Mais pourquoi le faites-vous ? Parce que vous êtes retenu par la maladie ; il ne dépend donc pas de vous d'y assister, et c'est pourquoi vous n'êtes point coupable.
                  Il n 'y a pas de faute où il n'y a pas de choix. « Pourvu que la promptitude de la bonne volonté y soit, on est agréable à Dieu selon ce qu'on a, et non selon ce qu'on n'a pas». Un croyant peut, sans doute, s'affliger parfois empêché de faire les choses après lesquelles son âme soupire. Il peut s'écrier, lorsqu'il est retenu loin de la grande assemblée : « Comme un cerf brame après les eaux courantes, ainsi mon âme soupire après toi, Dieu ! mon âme a soif de Dieu, du Dieu fort et vivant. Quand entrerai-je et me présenterai-je devant la face de Dieu ? » Il peut désirer ardemment (quoi qu'il dise toujours dans son coeur : Non ce que je veux, mais ce que tu veux), « de marcher encore avec la troupe et de s'en aller avec elle jusqu'à la maison de Dieu ». Mais si pourtant il ne le peut, il n'est point condamné pour cela, mais il. peut faire taire ses désirs en disant joyeusement : O mon âme, attends-toi à Dieu ! car je le célébrerai encore ; il est la délivrance à. laquelle je regarde ; il est mon Dieu !
                Quant aux péchés dits de surprise, la difficulté est plus grande ; comme, par exemple, lorsque un homme qui possède habituellement son âme par la patience, surpris par une violente et soudaine tentation, parle ou agit en désaccord avec la loi royale, qui dit : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Peut-être est-il malaisé d'établir une règle générale touchant les transgressions de cette nature. Nous ne pouvons dire, d'une manière absolue, qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas condamnation pour les péchés de surprise. Mais lorsqu'un croyant tombe en faute par surprise, il y a, semble-t-il, plus ou moins de condamnation selon qu'il y a plus ou moins de concours de sa volonté. Selon qu'un désir, une parole, un acte répréhensible est plus ou moins volontaire, nous pouvons admettre que
Dieu en est plus ou moins offensé et que l'âme se trouve plus ou moins sous la condamnation.
            Mais dès lors, parmi les péchés de surprise, il peut y en avoir de très condamnables, car il peut arriver qu'on soit surpris, par suite de quelque négligence volontaire et coupable, ou par suite d'une somnolence qu'on aurait pu prévenir ou secouer avant l'assaut de la tentation. Vous recevez de Dieu ou des hommes un avertissement quant à des tentations et des dangers qui vous menacent, mais vous dites en votre coeur : « Encore un peu de sommeil, un peu les mains pliées pour être couché ». Si, plus tard, vous tombez, même à l'improviste, dans le piége que vous pouviez éviter, la surprise n'est point une excuse : vous auriez pu prévoir et fuir le mal. La chute est, dans ce cas, un péché volontaire, et conséquemment elle ne peut qu'exposer le pécheur à la condamnation de Dieu et de sa propre conscience.
                   Par contre, il peut nous venir de la part du monde, du prince de ce monde, ou souvent même de notre mauvais coeur, de soudains assauts que nous n'avons ni prévus ni guère pu prévoir. Le croyant faible dans la foi peut y succomber et céder, en quelque mesure, à la colère, peut-être, ou aux mauvais soupçons, sans que cela dépende, en quelque sorte, de sa volonté. Ici le Dieu jaloux ne manquera pas de lui montrer qu'il a agi follement ; et convaincu d'avoir dévié de « la loi parfaite » et des « sentiments qui étaient en Christ », il sera attristé d'une « tristesse selon Dieu » et pénétré devant Lui d'une honte accompagnée d'amour ; mais il ne s'ensuit pas qu'il soit sous la condamnation. Dieu ne lui impute point sa folie ; il a pitié de lui « comme un père est ému de compassion envers ses enfants » ; son coeur ne le condamne pas non plus ; il peut toujours dire, malgré la honte et la douleur qu'il éprouve : « J'aurai confiance, et je ne serai point ébranlé, car le Seigneur l'Éternel est ma force et mon cantique, et il a été mon Sauveur ».

III

             Il ne me reste maintenant qu'à tirer de ce qui précède quelques conséquences pratiques :

1° Et d'abord si ceux qui sont en Jésus-Christ et qui marchent, non selon la chair, mais selon l'Esprit, ne sont plus condamnés pour leurs péchés passés, pourquoi trembler encore, ô homme de peu de foi ? tes péchés étaient naguère en plus grand nombre que le sable de la mer ; mais qu'as-tu à craindre pour cela, puisque tu es maintenant en Jésus-Christ ? « Qui accusera les élus de Dieu ? Dieu les justifie ; qui les condamnera ? » Les péchés commis depuis ta jeunesse jusqu'à l'heure où tu fus reçu en grâce à cause du Bien-Aimé du Père ; ces péchés, dis-je, ont tous été emportés par le vent comme la balle ; ils sont engloutis dans la mer ; Dieu ne s'en souvient plus. Né du Saint-Esprit, voudrais-tu te tourmenter ou t'effrayer de ce qui eut lieu avant ta naissance nouvelle ? Chasse loin tes frayeurs ! Tu n'es pas appelé à la crainte, mais à avoir « un esprit de force, d'amour et de prudence ». Reconnais donc ton appel ! Réjouis-toi en Dieu ton Sauveur, et rends grâces à Dieu ton Père par Lui !
              Mais, diras-tu, j'ai de nouveau commis le péché depuis que je reçus la Rédemption par son sang. « C'est, pourquoi je me condamne moi-même et je me repens sur la poudre et la cendre ». Il est bon que tu te condamnes, et c'est Dieu qui te dispose à cela même. Mais crois-tu maintenant ? Le Seigneur t'a-t-il de nouveau donné de pouvoir dire : « Je sais que mon Rédempteur vit » et « je vis » moi-même, « Je vis dans la foi au fils de Dieu ? » Dés lors cette foi annule encore le passé et il n'y a plus pour toi de condamnation. Dès que tu crois au nom du Fils de Dieu, n'importe, le moment, tous tes péchés commis avant ce moment-là disparaissent, « comme la rosée matin ». Maintenant donc « tiens-toi ferme dans la liberté où Jésus-Christ t'a mis ! » Il t'a délivré, une fois encore de la puissance aussi bien que du châtiment du péché ; oh ! ne te remets pas sous la servitude, ni sous la vile et diabolique servitude du péché, sous l'enfer anticipé des désirs, des penchants, des paroles ou des actions mauvaises, ni sous la servitude des craintes, des tourments de conscience et de la condamnation.

2° Mais s'il est vrai que tous ceux qui sont en Jésus-Christ marchent, non selon la chair, mais selon l'Esprit, alors, nécessairement il s'ensuit que quiconque commet maintenant le péché n'a « ni part ni rien à prétendre dans cette affaire ». Dans ce moment même il est condamné par son propre coeur.
              Mais si notre coeur nous condamne, nul doute que Dieu ne nous condamne aussi : car « il est plus grand que notre coeur et il connaît toutes choses » ; et si nous nous abusons nous-mêmes, nous ne pouvons le tromper. Que nul ne présume de dire : j'ai été une fois justifié, mes péchés m'ont été une fois pardonnés. C'est ce que j'ignore, et je ne veux pas me prononcer ni pour ni contre cette assertion. Peut-être est-il à peu près impossible, vu le temps écoulé, de constater avec quelque certitude si ce fut véritablement une oeuvre de Dieu où si tu ne fis que séduire ta propre âme. Mais ce que je sais avec une certitude parfaite, c'est que « celui qui fait le péché est du diable ». Le Le diable est donc ton père et tu lui appartiens, tu ne peux le nier, puisque tu fais les oeuvres de  de ton père. Oh ! ne te flatte pas d'un vain espoir ! Ne dis point à ton âme : paix, paix ! car il n'y a point de paix. Crie à plein gosier, invoque Dieu du fond de l'abîme. Peut-être entendra-t-il ta voix. Invoque le tout de nouveau, comme pécheur misérable et pauvre, aveugle et nu. « Et ne donne pas de repos à ton âme jusqu'à ce que son amour, son pardon, te soient de nouveau scellés, jusqu'à ce qu'il ait « guéri tes rébellions » et qu'il t'ait de nouveau rempli de « la foi qui opère par la charité ».

3° Est-il vrai que ceux qui « marchent selon l'Esprit » ne sont point condamnés pour ce qui reste en eux du péché intérieur, pourvu toutefois qu'ils y résistent ; ni pour la souillure qui s'attache à tout ce qu'ils font ? Alors, ne t'agite point à cause de ces restes de corruption qui sont encore dans ton coeur. Ne murmure pas de ce que tu n'as pas encore atteint la glorieuse, image de Dieu, ne t'impatientes point parce que l'orgueil, la volonté propre ou l'incrédulité se mêlent à toutes les paroles, à toutes tes oeuvres, et ne redoute pas de connaître toute ta perversité, de te connaître tel que tu es connu. Demande plutôt à Dieu qu'il te donne de n'avoir pas une trop haute opinion de toi-même ; dis-lui sans cesse : Montre-moi les profondeurs du péché autant que mon âme en peut supporter la vue ! Découvre-moi toute l'incrédulité et tout l'orgueil qui sont cachés dans mon coeur !
               Mais, lorsque, exauçant ta prière, il te montrera jusqu'au fond de quel esprit tu es encore animé, prends garde qu'alors ta foi ne défaille et que tu ne te laisses ravir ton bouclier. Sois abaissé, humilié jusque dans la poudre. Ne vois en toi que néant, moins encore que le néant et que la vanité. Mais que ton coeur ne soit pourtant ni troublé, ni craintif. Qu'il persiste à dire : moi, oui, moi, indigne, j'ai « un Avocat auprès du Père, Jésus-Christ le Juste », et « autant que les cieux sont élevés par-dessus la terre », autant son amour s'élève par-dessus mes péchés. — Oui, Dieu est apaisé, même envers un pécheur tel que toi ! Dieu est amour, et Christ est mort ! C'est pourquoi le Père lui-même t'aime ! Tu es son enfant ! C'est pourquoi il ne te refusera rien de ce qui t'est bon !
                Est-il bon que le corps entier du péché, maintenant crucifié en toi soit, détruit ? Il le sera ! Tu seras « purifié de tonte souillure de la chair et de l'esprit ». Est-il bon qu'il ne reste rien en ton coeur qu'un pur amour pour Dieu ? Aie bon courage ! « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ta pensée, de toute ton âme, de toute ta force ». « Celui qui a fait les promesses est fidèle, et il le fera aussi ». Tu n'as, pour ta part, qu'à persévérer avec patience dans l'oeuvre de la foi, dans le travail de la charité ; tu n'as qu'à attendre dans une paix joyeuse, dans une humble confiance, dans une espérance, vive, mais calme et résignée, que la jalousie de l'Éternel des armées ait fait cela.

4° Si ceux qui sont en Christ et qui marchent selon l'Esprit ne sont point condamnés pour des péchés d'infirmité, pour des manquements involontaires ou pour quoi que ce soit qu'ils n'ont pu s'empêcher de faire, prends garde, ô toi qui as la foi au sang de Christ, que Satan ne prenne à cet égard quelque avantage sur toi. Tu es encore imprudent et faible, aveugle et ignorant, plus faible qu'aucune parole ne peut exprimer, plus ignorant et insensé que ton coeur ne peut encore concevoir ; tu n'as encore rien connu comme il faut le connaître. Mais quelles que soient cette imprudence et cette faiblesse, quels qu'en soient les fruits que tu ne peux encore éviter, que rien n'ébranle ta foi, ta filiale confiance en Dieu, que rien ne trouble ta paix, ni ta joie dans le Seigneur.
               La règle plus ou moins dangereuse que plusieurs donnent quant aux péchés volontaires peut être appliquée sûrement aux cas de faiblesse et d'infirmité. Es-tu tombé, ô homme de Dieu ? Ne reste point là par terre à le lamenter et à déplorer ta faiblesse, mais dis humblement : Seigneur, ah !c'est ainsi que je tomberai sans cesse, si ta main ne me  soutient ! — Puis, lève-toi et marche ! En avant ! « Poursuis constamment la course qui t'est proposée ».

5° Enfin, puisque le croyant n'a pas à craindre la condamnation pour être tombé par surprise dans un mal qu'il abhorre (si toutefois cette surprise ne tient pas à son insouciance ou à sa négligence), s'il t'arrive, ô enfant de Dieu, d'être ainsi pris en faute, va te plaindre au Seigneur ! ce sera pour toi un baume précieux. Répands ton coeur devant Lui, découvre-Lui ta peine, et prie instamment Celui qui « peut compatir à nos infirmités », d'affermir, de fortifier ton âme, et de te rendre inébranlable, en sorte que tu ne tombes plus à l'avenir. Mais souviens-toi qu'il ne te condamne point. Pourquoi craindrais-tu ? Il n'est pas nécessaire que tu sois sous l'empire d'une crainte accompagnée de peine. Aime celui qui t'aime : cela suffit. Avec plus d'amour tu auras plus de force ; et dès que tu l'aimeras de tout ton coeur, tu seras « parfait et accompli, et il ne te manquera rien ». Attends en paix l'heure bénie où « le Dieu de paix te sanctifiera lui-même parfaitement », afin que tout en toi, « l'esprit, l'âme et le corps, soit conservé irrépréhensible pour l'avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ ».


mercredi 3 juin 2015

LES SERMONS DE WESLAY Sermon 6 LA JUSTICE DE LA FOI

Numérisation Yves PETRAKIAN
Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement
Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

(tiré du livre 
 LES SERMONS DE WESLEY  -1- )

Romains 10,5-8  ()1746


« Moïse décrit la justice qui est par la loi, en disant, que l'homme qui fera ces choses vivra par elles; Mais la justice qui est par la foi parle ainsi : Ne dis point en ton coeur : Qui montera au ciel? C'est vouloir en faire descendre Christ. Ou : Qui descendra dans l'abîme ? C'est rappeler Christ d'entre les morts. Mais que dit-elle ? La parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton coeur. C'est la parole de la foi que nous prêchons ». (Romains 10 : 5-8)

                      Dans ce texte, l'apôtre ne met pas en opposition l'alliance donnée par Moïse, et l'alliance donnée par Christ. S'imaginer qu'il en est ainsi, ce serait ne pas observer que la dernière partie de ces paroles aussi bien que la première fut prononcée par Moïse lui-même, et adressée au peuple d'Israël, touchant l'alliance qui existait alors (De 30 : 11,12,14). Mais c'est l'alliance de grâce que Dieu a établie, par Christ, avec les hommes de tous les âges, aussi bien avant la dispensation juive, et sous cette dispensation que depuis l'époque où Dieu fut manifesté en chair ; c'est cette alliance, disons-nous, que saint Paul met ici en opposition avec l'alliance des oeuvres faite avec Adam, encore dans le paradis terrestre, et qui était ordinairement regardée, surtout par les Juifs que mentionne l'apôtre, comme la seule que Dieu eût traitée avec l'homme.
                 C'est de ces Juifs que parle saint Paul avec tant d'amour lorsqu'il dit au commencement de ce chapitre : « Le souhait de mon coeur, et la prière que je fais à Dieu pour Israël, c'est qu'ils soient sauvés. Car je leur rends ce témoignage qu'ils ont du zèle pour Dieu, mais ce zèle est sans connaissance, parce que ne connaissant point la justice de Dieu », la justification qui vient de sa pure grâce et de sa miséricorde par lesquelles il nous pardonne gratuitement nos péchés, à cause du Fils de son amour, en vertu de la rédemption qui est en Jésus ; — ne connaissant point cette justice, « et cherchant à établir leur propre justice », leur propre sainteté, antérieure à la foi en Celui qui justifie le méchant, comme base de leur pardon et de leur réception en grâce, « ils ne se sont point soumis à la justice de Dieu », et en conséquence, ils ont suivi une voie d'erreur qui conduit à la mort.
                      Ils ne comprenaient point que « Christ est la fin de la loi, pour justifier tous ceux qui croient » ; que par l'oblation de lui-même qu'il a offerte une fois, il a mis fin à la première loi ou alliance (donnée par Dieu, non pas à Moïse, mais à Adam dans l'état d'innocence), loi dont la stricte teneur était, et cela sans concession aucune « Fais ceci, et tu vivras ». Ils ne savaient pas qu'en annulant cette première alliance, Christ nous en a acquis une meilleure, savoir : Crois et vis, « crois et tu seras sauvé » ; sauvé maintenant de la coulpe et l'empire du péché, et par conséquent, aussi de la condamnation qui en est le salaire.
                    Et encore aujourd'hui, combien d'hommes aussi ignorants que l'étaient ces Juifs incrédules ! Combien même parmi ceux qui portent le nom de Christ, qui « ont du zèle pour Dieu », mais un zèle sans connaissance ! qui cherchent encore à établir leur propre justice comme fondement de leur pardon et de la faveur divine, et en conséquence, refusent résolument de se soumettre à la justice de Dieu ! En vérité, mes frères, le souhait de mon coeur et la prière que je fais à Dieu pour vous, c'est que vous soyez sauvés !
                    Afin d'ôter de votre route cette dangereuse pierre d'achoppement, je vais essayer de vous montrer, premièrement : quelle est la justice qui vient de la loi, et quelle est la justice qui vient de la foi ; — secondement : d'un côté la folie qu'il y a à se confier en la justice de la loi, et de l'autre, la sagesse qui se trouve dans une entière soumission à la justice de la foi.

I

                      Et d'abord, la justice qui est de la loi parle ainsi « L'homme qui fera ces choses vivra par elles ». Observe toujours et parfaitement tous les commandements pour les pratiquer, et alors tu vivras à jamais. — Cette loi ou alliance (ordinairement appelée l'alliance des oeuvres), donnée par Dieu à l'homme en Eden, exigeait de lui une obéissance parfaite en tout point, une obéissance entière et sans aucun défaut ; elle l'exigeait comme condition de la conservation éternelle de la sainteté et du bonheur que possédait Adam à sa création.
                         Cette loi demandait à l'homme l'accomplissement de toute justice, intérieure et extérieure, négative et positive ; — elle lui ordonnait, non seulement de s'abstenir de toute parole oiseuse et d'éviter toute mauvaise oeuvre, mais encore de garder chaque affection, chaque désir et chaque pensée dans l'obéissance à la volonté de Dieu ; elle exigeait qu'il demeurât, dans son coeur et dans toute sa conduite, saint comme Celui qui l'avait créé est saint ; — qu'il fût pur de coeur comme Dieu est pur, parfait comme son Père qui est aux cieux est parfait. — L'alliance des oeuvres commandait à l'homme d'aimer le Seigneur son Dieu de tout son coeur, de toute son âme, de toute sa force, de toute sa pensée ; — d'aimer aussi comme Dieu l'avait aimé lui-même, toute âme créée par Dieu ; elle voulait que, pratiquant cette bonté universelle, l'homme demeurât en Dieu qui est amour et Dieu en lui ; — qu'il servit le Seigneur son Dieu de toutes ses forces, et qu'en toutes choses il se proposât uniquement sa gloire.
                      Voir ce qu'exigeait la justice de la loi, voilà les choses que devait pratiquer l'homme, afin de pouvoir vivre par elles. Mais la loi requérait, de plus, que cette entière obéissance à Dieu, cette sainteté intérieure et extérieure, cette conformité de coeur et de vie à la volonté du Seigneur, fussent parfaites quant à leur degré. L'alliance des oeuvres ne pouvait souffrir sur le moindre point, ni violation, ni concession ; elle ne tolérait ni faiblesse, ni imperfection, soit quant à la loi qui s'applique à l'intérieur, soit quant à celle qui règle l'extérieur. Et en supposant que chaque commandement relatif aux choses extérieures fût gardé, cette obéissance ne suffisait pas, à moins qu'elle ne fût rendue, par l'homme, de toute sa force ; dans la mesure la plus élevée et de la manière la plus parfaite. Les exigences de cette alliance n'étaient pas satisfaites, bien que l'homme aimât Dieu de chacune de ses facultés, s'il ne l'aimait encore de la pleine capacité de chaque faculté, de toute la puissance de son âme.
                       La justice de la loi réclamait encore une chose indispensable ; elle voulait que cette obéissance universelle et cette parfaite sainteté du coeur fussent aussi entièrement exemptes d'interruption ; qu'elles ne connussent aucune intermission, à dater du moment où Dieu créa l'homme et lui donna le souffle, jusqu'au jour où son état d'épreuve devait finir, et où il serait mis pleinement en possession de la vie éternelle.
                         La justice de la loi parle donc ainsi : Toi, ô Homme de Dieu ! persévère dans l'amour de Dieu, et conserve en toi son image en laquelle tu as été formé. Si tu veux demeurer dans la vie, garde les commandements qui sont maintenant écrits dans ton coeur. Aime le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur. Aime, à l'égal de toi-même, toute âme qu'il a faite. Ne désire rien que Dieu. Rapporte-Lui chacune de tes pensées, de tes paroles et de tes oeuvres. Que pas un mouvement de ton âme ou de ton corps ne t'éloigne de Lui, qui est le but et le prix de ta haute vocation, et que tout ce qui est en toi, chaque puissance, chaque faculté de ton âme bénisse son saint nom, en toute chose, au plus haut degré, à chaque moment de ton existence. Fais cela et tu vivras. Ta lumière brillera, ton amour s'enflammera de plus en plus, jusqu'à ce que tu sois admis aux cieux, dans la maison de Dieu, pour régner avec lui au siècle des siècles.
                   Mais voici comment parle la justice qui est par la foi : « Ne dis point en ton coeur : Qui montera au ciel ? C'est vouloir en faire descendre Christ » (comme si c'était quelque impossibilité que Dieu te demande d'accomplir pour obtenir sa faveur) ; « ou : Qui descendra dans l'abîme ? C'est rappeler Christ des morts ». (Comme si ce qui doit te procurer l'amour de Dieu n'était pas encore accompli.) « Mais que dit-elle ? La parole », suivant la teneur de laquelle tu peux être constitué héritier de la vie éternelle, « cette parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton coeur. C'est là la parole de la foi que nous prêchons » ; la nouvelle alliance que Dieu, par Jésus-Christ, a maintenant établie avec l'homme pécheur.
                        Par la justice qui vient de la foi, il faut entendre la condition de justification (et par conséquent, de salut présent et final, si nous y persévérons jusqu'à la fin) que Dieu donna à l'homme déchu, par les mérites et la médiation de son Fils unique. Bientôt après la chute, elle fut en partie révélée à Adam dans la promesse faite à lui et à sa postérité, que la semence de la femme écraserait la tête du serpent (Genèse 3.15 Elle fut un peu plus clairement révélée à Abraham par l'ange de Dieu, qui du ciel lui parla et lui dit : « J'ai juré par moi-même, dit l'Éternel, que toutes les nations de la terre seront bénies en ta postérité (Genèse 22 : 15,18) ». Cette révélation fut encore faite d'une manière plus complète à Moïse, à David et aux prophètes qui suivirent, et par eux elle se communiqua à une partie du peuple de Dieu, dans ses générations successives. Mais la masse des fidèles mêmes l'ignorait, et elle n'était clairement comprise que d'un très petit nombre. Ajoutons que la vie et l'immortalité ne furent jamais mises en évidence pour les anciens Juifs, comme elles le sont maintenant pour nous par l’Évangile.
                      Ainsi donc, cette alliance ne dit point à l'homme pécheur : Rends à Dieu une obéissance sans péché, et tu vivras. Si telle était la condition, l'homme ne recevrait pas plus d'avantage de tout ce que Christ a fait et souffert pour lui, que si, pour avoir la vie, il devait monter au ciel et en faire redescendre Christ, ou descendre dans l'abîme, dans le monde invisible, et ramener Christ des morts. Cette alliance ne demande point d'impossibilité, ce serait se moquer de la faiblesse humaine. Ce qu'elle exige est à la vérité impossible à l'homme abandonné à lui-même, mais non plus à l'homme assisté de l'Esprit de Dieu. En effet, à proprement parler, l'alliance de grâce ne nous oblige à faire aucune chose, comme absolument et indispensablement nécessaire à notre justification, si ce n'est de croire en Celui qui, pour l'amour de son Fils, et à cause de la propitiation qu'il a faite, justifie le pécheur qui n'a pas fait les oeuvres, et lui impute sa foi à justice. C'est ainsi qu'Abraham crut à l’Éternel, qui lui imputa cela, à justice (Genèse 15 : 6) ; « puis il reçut le signe de la circoncision, comme sceau de la, justice de la foi, — afin qu'il fût le père de tous ceux qui croient, — et que la justice leur fût aussi imputée (Romains 4 : 11)Or, ce n'est pas seulement pour lui qu'il est écrit que cela (la foi) lui fut imputé à justice, mais c'est encore pour nous, à qui il sera aussi imputé », à qui la foi sera imputée à justice et tiendra lieu d'obéissance parfaite, afin que nous soyons reçus en grâce par Dieu, si « nous croyons en Celui qui a ressuscité des morts le Seigneur Jésus, lequel a été livré (à la mort) pour nos offenses, et qui est ressuscité pour notre justification. (Romains 4 : 23,25) » ; pour donner l'assurance de la rémission des péchés et d'une seconde vie à venir à ceux qui croient.
                     Que dit donc l'alliance de pardon, d'amour et de miséricorde gratuite ? — Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé. Au jour que tu croiras, tu vivras certainement ; tu seras rétabli dans la faveur de Dieu ; et tu sauras que dans sa bienveillance il y a la vie. Tu seras sauvé de la malédiction et de la colère de Dieu, tu seras ressuscité de la mort du péché à la vie de la justice, et si, jusqu'à la fin, tu persévères à croire en Jésus, tu ne connaîtras jamais la seconde mort ; mais après avoir souffert avec ton Sauveur, avec lui aussi tu vivras et tu régneras au siècle des siècles.
                       Maintenant cette parole est près de toi. Cette condition de vie est claire, facile, toujours possible à remplir ; elle est dans ta bouche et dans ton coeur, par l'action de l'Esprit de Dieu. Dès l'instant où tu croiras dans ton coeur eu Celui que Dieu a ressuscité, des morts, et où « tu confesseras de ta bouche le Seigneur Jésus » comme ton Seigneur et ton Dieu, tu seras sauvé de la condamnation, de la culpabilité, de ta peine de tes péchés passés, et tu obtiendras le pouvoir de servir Dieu dans une sainteté véritable tout le reste de ta vie.
                          Quelle est donc la différence entre la justice de la loi et la justice de la foi ? Entre la première alliance, ou alliance des oeuvres, et la seconde, ou alliance de grâce ? La différence essentielle, immuable, est celle-ci : la première suppose que celui qui la reçoit est déjà saint et heureux, créé à l'image de Dieu, et possédant sa faveur, et elle prescrit à quelle condition il peut se maintenir dans cet état, dans l'amour et dans la joie, dans la vie et dans l'immortalité. La seconde suppose que celui qui la reçoit est actuellement corrompu et malheureux, privé de l'image glorieuse de Dieu, sous le poids de la colère divine, et se précipitant par le péché qui a déjà fait mourir son âme, vers la mort du corps et la mort éternelle ; — à l'homme, dans cette situation, elle présente la condition à laquelle il peut retrouver la perle qu'il a perdue, savoir : la faveur de Dieu et la grâce d'être formé de nouveau à son image. Elle lui dit à quelle condition il peut recouvrer la vie de Dieu dans son âme et être rendu à la connaissance et à l'amour de son Créateur, ce qui est le commencement de la vie éternelle.
                      Sous l'alliance des oeuvres, afin que l'homme pût conserver la faveur de Dieu, sa connaissance et son amour, et qu'il demeurât dans la sainteté et dans le bonheur, il était encore exigé de l'homme parfait une obéissance parfaite et constante à chaque point de la loi, taudis que sous l'alliance de grâce, pour recouvrer la faveur et la vie de Dieu, il n'est imposé à l'homme d'autre condition que la foi, une foi vivante en Celui qui, par Christ, justifie celui qui n'a pas obéi.
                       Encore une fois, l'alliance des oeuvres exigeait d'Adam et de tous ses enfants qu'ils payassent eux-mêmes le prix qui devait leur assurer toutes les bénédictions futures de Dieu. Mais, sous l'alliance de grâce, puisque nous n'avons rien pour payer, Dieu nous quitte gratuitement toute notre dette, pourvu seulement que nous croyions en Celui qui a payé le prix pour nous, et qui s'est donné lui-même en « propitiation pour nos péchés et pour ceux du monde entier ».
                         Ainsi donc, la première alliance demandait ce qui est maintenant bien loin de tous les enfants des hommes, savoir, une obéissance sans péché, qui ne se trouve certes pas chez ceux qui sont conçus et nés dans le péché. Au lieu que la seconde alliance exige ce qui est près de nous ; voici son langage : Tu es péché ; Dieu est amour ! Par le péché, tu t'es privé de la gloire de Dieu, mais il y a miséricorde auprès de Lui. Apporte donc tous tes péchés à ce Dieu qui pardonne, et ils s'évanouiront comme un nuage. Si tu n'étais pas méchant, il ne pourrait te justifier comme méchant ; mais maintenant, approche-toi de lui dans la pleine assurance de la foi. Dieu parle, et tout est fait ! Ne crains point, crois seulement ; car même le Dieu juste justifie tous ceux qui croient en Jésus.

II

                        Ces vérités, une fois établies, il est facile de montrer, en second lieu, comme je me suis proposé de le faire, combien il serait insensé de se confier en la justice qui est de la loi, et quelle sagesse il y a à se soumettre à la justice qui est par la foi.
                      Nous pouvons déjà clairement voir la folie de ceux qui se confient encore en la justice qui vient de la loi, dont les termes sont : Fais cela et tu vivras. Ils commencent mal; leur premier pas est une erreur fondamentale, car, avant de réclamer une seule bénédiction d'après les termes de cette alliance, ils doivent se supposer dans l'état de celui avec qui elle fut contractée. Mais que cette supposition est vaine, puisque cette alliance fut faite avec Adam dans l'état d'innocence ! Quel défaut de solidité dans tout l'édifice qui repose sur un pareil fondement ! Combien sont insensés ceux qui bâtissent ainsi sur le sable, et paraissent n'avoir jamais considéré que l'alliance des oeuvres ne fût point donnée à l'homme mort dans ses fautes et ses péchés, mais à l'homme vivant à Dieu, ne connaissant point le péché, et étant saint comme Dieu est saint ! — Ils oublient que cette alliance n'eut jamais pour but de rendre la faveur et la vie de Dieu une fois perdues, mais seulement de les conserver et de les augmenter jusqu'à ce qu'elles fussent complètes dans la vie éternelle.
                 Ceux qui cherchent ainsi à établir leur propre justice qui vient de la loi, n'examinent pas non plus quelle est l'espèce d'obéissance on de justice que la loi exige indispensablement. Cette obéissance doit être parfaite et entière en tout point ; sinon, la loi n'est pas satisfaite. Mais qui de vous pourra rendre à Dieu une telle obéissance et par conséquent, avoir la vie par ce moyen ? Qui de vous accomplit, ne fût-ce que les commandements extérieurs de Dieu, jusqu'à un iota ? ne faisant aucune chose, petite ou grande, que Dieu ait défendue ? ne négligeant rien de ce qu'il ordonne ? ne disant pas une parole oiseuse ? ayant toujours une conversation propre à « communiquer la grâce à ceux qui vous entendent ? » Et soit que vous mangiez ou que vous buviez, ou quelque chose que vous fassiez, faisant tout pour la gloire de Dieu ?
                    Combien moins encore pouvez-vous garder tous les commandements intérieurs de Dieu, ceux qui demandent que chaque émotion, chaque sentiment de votre âme, soit la sainteté à l'Éternel !
                             Pouvez-vous aimer Dieu de tout votre coeur ? Pouvez-vous aimer tous les hommes comme vous aimez votre propre âme ? Pouvez-vous prier sans cesse, et en toutes choses rendre grâce ? Pouvez-vous avoir Dieu continuellement devant les yeux, et tenir dans l'obéissance à sa loi, toutes vos pensées, tous vos désirs et toutes vos affections?
                        Vous devriez considérer, en outre, que la justice de la loi veut, non seulement l'observation de tout commandement de Dieu, qu'il soit négatif ou positif, qu'il se rapporte au coeur ou à la conduite extérieure, mais aussi qu'elle réclame la perfection quant au degré de cette obéissance. Dans tous les cas possibles la voix de la loi est : Tu serviras le Seigneur ton Dieu de toutes tes forces. — Elle n'admet aucune espèce d'affaiblissement des obligations qu'elle impose ; elle n'excuse aucun défaut ; elle condamne tout acte qui n'atteint pas la pleine mesure de l'obéissance, et prononce aussitôt une malédiction contre le coupable ; en un mot, elle n'a égard qu'aux règles invariables de la justice ; elle dit : Je ne sais ce que c'est que la miséricorde.
                              Qui donc pourra comparaître devant un juge si prompt à remarquer le mal ? Que ceux-là sont faibles, qui désirent être cités devant le tribunal où nul homme vivant, aucun descendant d'Adam, ne sera justifié ! Car en supposant que nous observions maintenant chaque commandement de toutes nos forces, une seule faute que nous ayons jamais commise suffit pour détruire complètement tout notre droit à la vie. Si nous avons jamais péché dans un seul point, c'en est fait de cette justice ; car la loi condamne tous ceux dont l'obéissance n'est pas sans interruption, aussi bien que parfaite. De sorte que, suivant la sentence que prononce cette loi, celui qui a une fois péché n'a plus rien à attendre qu'un jugement terrible et un feu ardent qui doit dévorer les adversaires de Dieu.
                         N'est-ce donc pas le comble de la folie pour l'homme déchu que de chercher la vie par cette justice ? l'homme qui a été formé dans l'iniquité, et que sa mère à conçu dans le péché ? ; qui est, par nature, terrestre, sensuel, diabolique, tout-à-fait corrompu et abominable ; l'homme en qui, jusqu'à ce qu'il ait trouvé grâce, n'habite aucun bien ; l'homme qui, de lui-même, ne peut avoir une bonne pensée ; qui n'est que péché, qu'une masse impure, et dont chaque souffle est un péché ; l'homme, dont les transgressions de parole ou d'action surpassent en nombre les cheveux de sa tête ! Quelle stupidité, quelle absurdité, chez un ver de terre si impur, si coupable, si impuissant, que de rêver à obtenir la faveur de Dieu par sa propre justice, et de prétendre à la vie par la justice qui est de la loi !
                            Et maintenant ; les considérations qui montrent la folie qu'il y a à se confier dans la justice de la loi, prouvent aussi combien il est sage de se soumettre à la justice qui est de Dieu par la foi. Il serait facile de le montrer par rapport à chacune des considérations qui précèdent. Mais laissant cela de côté, nous voyons clairement quelle sagesse il y a dans le premier pas que fait le pécheur dans cette voie ; nous voulons dire dans le renoncement à notre propre justice, puisque ce renoncement est un acte conforme à la vérité et à la nature même des choses. Car, qu'est-ce autre chose sinon un aveu de notre véritable état, et qui est fait du coeur aussi bien que des lèvres ?
                       Renoncer à notre justice propre, n'est-ce pas reconnaître que nous apportons avec nous dans le monde une nature pécheresse et corrompue, plus corrompue même qu'il n'est aisé de le concevoir ou de l'exprimer ? que cette nature nous porte à faire tout ce qui est mal, et nous éloigne de tout ce qui est bien ? que nous sommes remplis d'orgueil, de volonté propre, de passions désordonnées, de désirs insensés, d'affections basses et déréglées ? que nous sommes amateurs du monde et des plaisirs plus que de Dieu ? Renoncer à notre propre justice, n'est-ce pas avouer que notre vie n'a pas été meilleure que notre coeur, et que nos voies ont été impies et injustes, de sorte que nos péchés, soit de parole, soit d'action, ont égalé en nombre les étoiles des cieux ? que pour toutes ces raisons nous sommes sous le déplaisir de Celui dont les yeux sont trop purs pour voir le mal ? N'est-ce pas confesser que nous ne méritons que l'indignation, la colère et la mort, tristes gages du péché ? que ni par notre justice (car en vérité nous n'en avons point), ni par nos oeuvres (fruits mauvais d'un arbre mauvais), nous ne pouvons apaiser la colère de Dieu, ni détourner la peine que nous avons justement encourue ? Enfin, par le renoncement à notre propre justice, ne reconnaissons-nous pas que, laissés à nous-mêmes, nous ne ferons qu'empirer et nous plonger toujours plus avant dans le péché ? Offensant Dieu de plus en plus, tant par nos mauvaises oeuvres que par les mauvaises dispositions de notre coeur charnel, jusqu'à ce qu'ayant comblé la mesure de nos iniquités, nous attirions sur nous une prompte destruction ? — Cette confession n'exprime-t-elle pas le véritable état dans lequel nous sommes naturellement ? S'il en est ainsi, reconnaître cet état, du coeur et des lèvres, c'est-à-dire rejeter tout espoir eu notre propre justice, en cette justice qui vient de la loi, c'est agir conformément à la vraie nature des choses, et en conséquence, c'est montrer une véritable sagesse.
                        La sagesse de se soumettre à la justice de la foi ressort encore de la considération que cette justice est celle de Dieu ; — je veux dire que c'est le moyen de réconciliation avec Lui, que Dieu lui-même a choisi et établi, non seulement comme Dieu de justice, mais aussi comme Maître souverain du ciel, de la terre et de toutes les créatures qu'il a, formées. Maintenant, comme il ne convient à personne de dire à Dieu : Que fais-tu ? Et comme aucun homme, à moins qu'il ne soit complètement privé d'intelligence, ne songera à disputer avec Celui qui est plus puissant que lui, et dont la domination s'étend sur toutes choses, c'est donc faire preuve d'une vraie sagesse et d'une saine intelligence, que d'acquiescer à ce que Dieu a choisi et de dire en ceci comme nous devons le faire en toutes choses : « C'est le Seigneur, qu'il fasse ce qui lui semblera bon ».
                          On peut remarquer en outre que c'est par pure grâce, par amour gratuit, par une miséricorde dont l'homme pécheur était indigne, que Dieu lui a accordé nu moyen de réconciliation avec Lui-même, afin que nous ne fussions pas entièrement rejetés et effacés de son souvenir. Par conséquent, quel que soit le moyen qu'il plaît à Dieu d'adopter dans sa tendre miséricorde et dans sa bonté toute gratuite, pour réintégrer dans sa faveur des ennemis qui se sont si ouvertement et si obstinément rebellés contre lui, il y a assurément sagesse de notre part à accepter ce moyen avec une vive reconnaissance.
                      Ajoutons une dernière considération. — La sagesse consiste dans l'emploi des meilleurs moyens pour arriver au meilleur but. Or, le plus excellent but que puisse se proposer la créature, c'est de trouver le bonheur en Dieu ; le meilleur but que puisse poursuivre une créature déchue, c'est le recouvrement de la faveur de Dieu et de la sainteté qui est son image. Et le meilleur, ou plutôt le seul moyen, sous le ciel, donné à l'homme pour retrouver cette faveur de Dieu qui est préférable à la vie, et cette ressemblance à Dieu qui est la vraie vie de l'âme ; ce moyen, dis-je, c'est de se soumettre à la justice qui est par la foi, c'est de croire au Fils unique de Dieu.

III

                 Qui que tu sois donc, ô toi qui désires le pardon de tes péchés et la réconciliation avec Dieu, ne dis pas en ton coeur : Il me faut d'abord faire ceci ; il me faut premièrement surmonter tout péché, renoncer à toute mauvaise parole et à toute mauvaise action, et faire toute sorte de bien à tous les hommes ; ou il me faut d'abord aller à l'église ; il me faut communier, entendre plus de sermons, dire un plus grand nombre de prières. Hélas ! mon frère, tu t'égares complètement. Tu ne connais pas encore la justice de Dieu ; tu cherches encore à établir ta propre justice comme base de ta réconciliation ; ne sais-tu pas que jusqu'à ce que tu sois réconcilié, avec Dieu, tu ne peux rien faire que pécher ? Pourquoi donc dis-tu, il faut premièrement que je fasse ceci ou cela, et ensuite je croirai ? Non, crois d'abord. Crois au Seigneur Jésus qui est la propitiation pour tes péchés. Pose d'abord ce bon fondement, tout ira bien ensuite.
Ne dis pas non plus en ton coeur : Je ne puis encore être reçu en grâce, car je ne suis pas assez bon.
                 Qui est assez bon, qui fut jamais assez bon pour mériter la faveur de Dieu ? Entre les fils d'Adam s'en trouva-t-il jamais un qui fût assez bon pour cela ? Et jusqu'à la fin de toutes choses, y en aura-t-il jamais un qui le soit ? Quant à toi, tu n'es nullement bon ; en toi n'habite aucun bien, et tu ne seras jamais bon jusqu'à ce que tu croies en Jésus. Au contraire, tu te reconnaîtras de plus en plus mauvais. Mais est-il nécessaire de devenir plus mauvais pour être pardonné de Dieu ? N'es-tu pas déjà assez mauvais ? Oui, certes, tu es assez mauvais ; Dieu le sait, et tu ne peux le nier toi-même.
                   Tout est prêt maintenant ; ne diffère donc plus de croire au Sauveur. Lève-toi, et sois lavé de tes péchés. La source est ouverte ; c'est maintenant le temps de te blanchir dans le sang de l'Agneau. Christ te purifiera maintenant comme avec l'hysope, et tu seras net : il te lavera et tu seras plus blanc que la neige.
                Ne dis pas : Mais je ne suis pas assez repentant, je ne sens pas assez de douleur à cause de mes péchés. Je le sais ; plût à Dieu que tu sentisses tes péchés et que tu en fusses mille fois plus affligé que tu ne l'es ! Mais n'attends pas pour cela. Il se peut que Dieu brise ton coeur, non avant que tu croies, mais lorsque tu croiras, et par le moyen de la foi. Il peut arriver que tu ne verses pas beaucoup de larmes jusqu'à ce que tu aimes beaucoup, parce qu'il t'aura été beaucoup pardonné.
                  Dès maintenant regarde à Jésus, vois combien il t'aime ! Que pouvait-il faire pour toi qu'il ne l'ait fait ? Ô Agneau de Dieu, fût-il jamais douleur comme ta douleur ! fût-il jamais amour semblable à ton amour ! — Pécheur, tiens les yeux constamment fixés sur lui jusqu'à ce qu'il te regarde et qu'il brise la dureté de ton coeur ; alors ta tête se fondra en eaux et tes yeux seront comme des fontaines de larmes.
                  Garde-toi encore de dire : Il faut que je fasse quelque chose de plus, avant d'aller à Christ. Si ton Seigneur tardait à venir, j'admets qu'il serait bon et juste d'attendre son apparition en faisant selon ton pouvoir tout ce qu'il t'a commandé. Mais une telle supposition n'est pas nécessaire. Comment sais-tu qu'il doit tarder ? Il apparaîtra peut-être comme l'aurore avant la lumière du matin. Ne lui prescris pas le moment où il doit venir ; mais attends-le à toute heure. Maintenant, il est proche et à la porte.
                 Et dans quel but voudrais-tu attendre d'avoir plus de sincérité avant que tes péchés fussent effacés ? Serait-ce pour te rendre plus digne de la grâce de Dieu ? Hélas ! tu cherches encore à établir ta propre justice. Il te fera miséricorde, non parce que tu en es digne, mais parce que ses compassions sont infinies ; non parce que tu es juste, mais parce que Jésus-Christ a expié tes péchés.
                    Mais encore si la sincérité est une bonne chose, pourquoi espères-tu la trouver en toi avant  d'avoir la foi, puisque la foi seule est la source de tout ce qui est véritablement saint et bon ? Jusques à quand donc oublieras-tu, que quoi que tu fasses, quoi que tu possèdes, avant d'avoir reçu le pardon de tes péchés, rien de tout cela n'a ta moindre valeur devant Dieu pour te procurer ce pardon ? Il y a plus : il faut que tu jettes tout cela derrière toi, que tu le foules aux pieds, que tu n'en fasses aucun cas ; autrement jamais tu ne trouveras grâce devant Dieu. Car jusqu'à ce que tu en sois venu à ce complet renoncement à tes oeuvres, tu ne peux demander grâce comme un pauvre pécheur coupable, perdu, ruiné, n'ayant rien à faire valoir auprès de Dieu, rien à lui offrir, sinon les seuls mérites de son Fils bien-aimé, qui t'a aimé et qui s'est, donné lui-même pour toi.
                Enfin, qui que tu sois, ô homme qui es sous la sentence de mort, qui sens que tu es un pécheur condamné, et que la colère de Dieu pèse sur toi, le Seigneur ne te dit pas : Fais cela ; — garde parfaitement tous mes commandements et tu vivras ; — mais crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé. La parole de la foi est près de toi ; maintenant, à l'instant même, et dans ton état actuel, tel que tu es, tout pécheur que tu es ; crois à l’Évangile, et cette promesse de l’Éternel s'accomplira : « Je te pardonnerai tes péchés, et je ne me souviendrai plus de tes iniquités ».