samedi 9 juillet 2016

(2) LES SERMONS DE WESLEY LA LOI ÉTABLIE PAR LA FOI, PREMIER DISCOURS

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Sermon 35 :     (1750 )       LA LOI ÉTABLIE PAR LA FOI, PREMIER DISCOURS
Romains 3,31
1750

Anéantissons-nous donc la loi par la foi? Dieu nous en garde !(Loin de là!) Au contraire, nous confirmons la loi. 

                     Après avoir posé, dès le commencement de cette épître, sa proposition générale, savoir que « l’Évangile de Christ est la puissance de Dieu pour le salut de tous ceux qui croient » (Romains 1 : 16), — le puissant moyen par lequel Dieu rend tout croyant participant, d'un salut présent et éternel ; — l'apôtre saint Paul s'applique a montrer qu'il n'y a pas sous les cieux d'autre chemin par lequel nous puissions être sauvés. Il parle surtout de la délivrance de la coulpe, appelée d'ordinaire justification. Et par divers arguments, adressés aux Juifs aussi bien qu'aux païens, il prouve surabondamment que tous les hommes ont besoin de cette délivrance, et que nul ne peut être tenu pour innocent. De là, la conclusion à laquelle il arrive, dans le verset 19 de notre chapitre : qu'il faut « que tous (Juifs ou païens), aient la bouche fermée et que tout le monde soit reconnu coupable devant Dieu.

                   C'est pourquoi, dit-il, personne ne sera justifié devant lui par les œuvres de la loi. Mais maintenant la justice de Dieu a été manifestée sans la loi », — sans notre obéissance préalable, — « savoir la justice de Dieu qui est par la foi en Jésus-Christ, en tous ceux et sur tous ceux qui croient. Car il n'y a point de différence (soit quant au besoin de la justification, soit quant à la manière d'y parvenir), puisque tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu (savoir de la glorieuse image de Dieu d'après laquelle ils furent créés), et qu'ils sont justifiés (ceux qui le sont) gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ ; lequel Dieu avait destiné pour être une victime propitiatoire par la foi en son sang, — afin qu'on reconnaisse qu'il est juste et qu'il justifie celui qui a la foi en Jésus », — afin qu'il pût montrer sa miséricorde sans entraver sa justice. — « Nous concluons donc, dit enfin l'apôtre (ramenant la grande thèse qu'il voulait établir), nous concluons donc que l'homme est justifié par la foi, sans les œuvres de la loi (Romains 3 : 20-27)  ».

                     Il était aisé de prévoir une objection qu'on pouvait faire et qu'on a présentée en effet dans tous les âges ; savoir qu'on abolit la loi si l'on dit que nous sommes justifiés sans les œuvres de la loi. L'apôtre se contente de repousser ce reproche, sans le discuter. « Anéantissons-nous donc la loi par la foi ? s'écrie-t- il. Dieu nous en garde ! Au contraire, nous établissons la loi ». Dès l'abord, ces paroles montrent combien est vaine l'imagination de ceux qui ont prétendu que Paul, lorsqu'il dit que l'homme est justifié sans les œuvres de la loi, n'entend que la loi cérémonielle. Faut-il donc traduire ici : « Nous établissons la loi cérémonielle ? » Évidemment non. Paul anéantissait cette loi par la foi, et ne s'en cachait nullement. C'est de la loi morale seule qu'il pouvait vraiment dire : « Nous ne l'anéantissons pas, nous l'établissons par la foi ».

                    Mais en ceci, tous ne sont pas d'accord avec lui. Dans tous les âges de l'Eglise, il y a eu des gens qui ont prétendu que « la foi donnée une fois aux saints (Jude 1 : 3) » devait abolir toute la loi. Ils n'épargnaient pas plus la loi morale que la loi cérémonielle, mais voulaient, pour ainsi dire, « la mettre en pièces devant le Seigneur, (1Sa 15 : 33) » disant aux chrétiens avec véhémence : « Si vous établissez une loi quelconque, Christ ne vous profite de rien. Christ vous devient inutile et vous êtes déchus de la grâce ».

                     Mais le zèle de ces gens n'est-il point sans connaissance ? Ont-ils observé la connexion étroite qu'il y a entre la loi et la foi, et, que, par suite de celte connexion, détruire l'une, c'est détruire l'autre ? qu'abolir la loi morale, c'est abolir, du même coup, la loi et la foi ; car c'est détruire le vrai moyen, soit de nous conduire à la foi, soit de ranimer ce don de Dieu dans notre âme ?

                     Il importe donc à tous ceux qui désirent, soit d'aller à Christ, soit de marcher en celui en qui ils ont cru, de prendre garde qu'ils « n'abolissent la loi par la foi » ; et, pour nous en garder, en effet, recherchons : d'abord quelles sont les manières les plus ordinaires d'anéantir la loi par la foi ; et ensuite comment nous pouvons imiter l'apôtre, et, par la foi, « établir la loi ».

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                     Voyons d'abord quelles sont les manières les plus ordinaires d'anéantir la loi par la foi. Or, le moyen, pour un prédicateur, de l'anéantir d'un seul coup, c'est de ne point la prêcher du tout. C'est tout comme s'il l'effaçait des oracles de Dieu. Surtout s'il le fait avec intention ; s'il s'est posé pour règle de ne point prêcher la loi, tenant à opprobre le titre même de « prédicateur de la loi » , comme synonyme, ou peu s'en faut, de celui d'ennemi de l'Evangile.

                     Tout, cela vient, d'une profonde ignorance de la nature, des qualités et de l'usage de la loi ; et ceux qui agissent ainsi montrent qu'ils sont étrangers à Christ et à une foi vivante, ou, tout au moins, qu'ils ne sont que des « enfants en Christ » , et, comme tels, « sans expérience de la parole de la justice ».

                    Leur grand argument, c'est que la prédication de l'Évangile, qui, suivant eux, consiste à ne parler d'autre chose que des souffrances et des mérites de Christ, répond à toutes les fins de la loi. Mais c'est ce que nous nions formellement. Elle ne répond pas à la toute première, qui est de convaincre les hommes de péché, de réveiller ceux qui dorment encore sur la pente de l'enfer. On a pu signaler, çà et là, une exception. L'Évangile peut en avoir réveillé un sur mille ; mais ce n'est point la règle ; la voie ordinaire de Dieu, c'est de convaincre les pécheurs par la loi et par elle seule. Ce n'est point l'Évangile que Dieu a ordonné, ni que le Seigneur lui-même a employé dans ce but. Nous n'avons rien dans l'Écriture qui nous autorise à l'appliquer ainsi, ni qui nous fasse espérer de le faire avec succès. Nous ne pouvons pas nous appuyer davantage sur la nature même de la chose. « Ce ne sont point ceux qui sont en santé qui ont besoin de médecin, mais ceux qui sont malades (Mat 9 : 12)  ». Il serait absurde d'offrir un médecin à ceux qui sont en santé ou qui, du moins, se croient tels. Prouvez-leur d'abord qu'ils sont malades, ou ils ne vous sauront, pas gré de votre peine. Il n'est pas moins absurde d'offrir Christ à ceux dont le cœur n'est point encore brisé. C'est, à proprement parler, « jeter les perles devant les pourceaux ». Ils ne manqueront pas de « les fouler aux pieds » , et s'ils « se retournent et vous déchirent, (Matthieu 7 : 6) » c'est tout ce que vous pouviez attendre.

                     — « Mais si nous ne trouvons pas dans l'Écriture le commandement de prêcher Christ au pécheur endormi, cette prédication n'a-t-elle pas des précédents scripturaires ? » - Je n'en connais point. Je ne crois pas que vous en puissiez produire un seul, ni des quatre évangiles, ni des Actes des apôtres. Et vous ne pouvez non plus, par aucun passage de leurs épîtres, prouver que telle ait été la pratique des apôtres.
                     — « Quoi ! l'apôtre saint Paul ne dit-il pas, dans sa première épître aux Corinthiens : « Nous prêchons Christ crucifié ? (1Co 1 : 23) » et, dans la seconde : « Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes, mais Jésus-Christ le Seigneur ? (2Co 4 : 5) »
                      — Nous voulons bien que ceci décide la cause. Oui, suivons son exemple. Prêchez vous-mêmes comme saint Paul, et nous ne demandons plus rien.

                    Car sans doute il prêchait Christ d'une manière parfaite, ce prince des apôtres ; mais qui prêcha la loi plus que lui ? Il ne croyait donc pas, comme vous, que l'Evangile réponde au même but.

                    Le premier discours de Paul que les Actes nous rapportent se termine ainsi : « C'est par Lui que tous ceux qui croient sont justifiés de toutes les choses dont vous n'avez pu être justifiés par la loi de Moïse. Prenez donc garde qu'il ne vous arrive ce qui a été dit dans les prophètes : Voyez, vous qui me méprisez, et soyez étonnés et pâlissez d'effroi ; car je vais faire une œuvre en vos jours, une œuvre que vous ne croirez point si quelqu'un vous la raconte (Actes 13 : 39-41)  ». C'était là, évidemment, prêcher la loi, dans le sens que vous entendez ; quand bien même une grande partie, si ce n'est la totalité de ses auditeurs, étaient des Juifs ou des prosélytes (Actes 13 : 43) d'où l'on peut conclure que plusieurs d'entre eux étaient, au moins en quelque degré, convaincus de péché. Il commence par leur dire qu'ils ne peuvent être justifiés que par la foi en Christ, à l'exclusion de la loi de Moïse ; puis il les menace sérieusement des jugements de Dieu, ce qui est, dans le sens le plus fort, prêcher la loi.

                    Au chapitre suivant, dans son discours aux païens de Lystre (Actes 14 : 15-17), le nom de Christ n'est pas même prononcé. Il se borne à les exhorter à « quitter ces vaines idoles pour se convertir au Dieu vivant ».
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                    Maintenant confessez la vérité. Ne pensez-vous pas que ; si vous aviez été à sa place, vous eussiez pu prêcher beaucoup mieux ? Qui sait même si vous ne pensez pas que c'est pour avoir si mal prêché qu'il fut si maltraité, et que, s'il fut lapidé, il le méritait bien pour n'avoir pas prêché Christ.

                     Sans doute, quand « le geôlier entra promptement et se jeta tout tremblant aux pieds de Paul et de Silas, et leur dit : « Seigneurs, que faut-il que je fasse pour être sauvé ? » il lui dit aussitôt Crois au Seigneur Jésus-Christ, (Actes 16 : 29-31 » Et qui aurait pu dire autre chose à un homme si profondément convaincu de péché ? Mais aux habitants d'Athènes, il tient, vous le savez, un autre langage ; reprenant leur superstition, leur ignorance, leur idolâtrie, et les exhortant fortement à la repentance, par la considération du jugement à venir et de la résurrection des morts (Actes 17 : 22-31). De même, lorsque « Félix envoya quérir Paul et qu'il l'entendit parler de fa foi en Christ », au lieu de prêcher Christ dans votre sens (ce qui n'eût provoqué que les moqueries ou les blasphèmes du gouverneur), « il parla de la justice, de la continence et du jugement à venir » jusqu'à faire « trembler Félix », malgré son endurcissement (Actes 24 : 24,25). Allez et faites de même.

                      Prêchez Christ au pécheur insouciant, en « parlant de la justice, de la tempérance et du jugement à venir ! » — « Mais, dites-vous, il prêchait Christ tout autrement dans ses épîtres ». — Je réponds d'abord qu'il n'y prêchait pas du tout, dans le sens que nous entendons ; car il s'agit ici de la prédication devant une assemblée. Mais, à part cela, voici ma réponse : ses épîtres s'adressaient, non à des incrédules tels que ceux dont nous parlons, mais « aux saints » , qui étaient à Rome, à Corinthe, ou dans d'autres villes, et auxquels il parlait plus de Christ, cela va sans dire, qu'à ceux qui étaient « sans Dieu dans le monde » (Éphésiens 2 : 12). Et pourtant il n'en est ; pas une qui ne soit, pleine de la loi, même celles aux Romains et aux Galates ; et dans ces deux épîtres, « il prêche la loi » , et cela aux croyants aussi bien qu'aux incrédules.

                    Reconnaissez par là que vous ne savez ce que c'est que de prêcher Christ, dans le sens apostolique. Car sans doute Paul entendait bien prêcher Christ à Félix, ainsi que dans ses discours à Antioche, à Lystre et à Athènes ; et tout homme réfléchi conclura de son exemple qu'on ne prêche pas Christ seulement quand on annonce son amour pour les pécheurs, mais aussi quand on annonce qu'il viendra du ciel avec des flammes de feu ; que prêcher Christ, dans le sens apostolique et dans la plénitude du sens scripturaire, c'est prêcher tout ce qu'il a révélé, soit dans l'Ancien, soit dans le Nouveau Testament, en sorte que, lorsque vous dites :

                    « Les méchants seront jetés en enfer, toutes les nations qui oublient Dieu (Psaume 9 : 18 – Nos traductions françaises mettent sépulcre ou séjour des morts.) », — vous prêchez Christ aussi réellement que lorsque vous dites : « Voici l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde (Jean 1 : 29)  ».

                     Pesez bien ceci : que prêcher Christ, c'est prêcher toutes les paroles de Christ, toutes ses promesses, toutes ses menaces et tous ses commandements, tout ce qui est écrit dans son Livre ; alors vous saurez comment prêcher Christ sans anéantir la loi.

                       — « Mais les discours où nous prêchons particulièrement les souffrances et les mérites de Christ ne sont-ils pas particulièrement bénis ? »

                     Sans doute, si nous prêchons à des âmes travaillées, ou à des croyants ; car de tels discours leur sont surtout appropriés. Ils sont au moins les plus propres à consoler. Mais ce n'est pas toujours là la plus grande bénédiction. Je puis en recevoir parfois une bien plus grande d'un discours qui me blesse au cœur et qui m'humilie dans la poussière. Et cette consolation me ferait même défaut, si je n'entendais prêcher que sur les souffrances de Christ. Ces discours tournant toujours dans le même cercle perdraient leur force, deviendraient insipides et morts jusqu'à n'être plus que de vaines paroles. Et cette manière de prêcher Christ aboutirait, à la longue, à anéantir l'Evangile aussi bien que la loi.

II

                     Une seconde manière d'anéantir la loi par la foi, c'est d'enseigner que la foi supprime la nécessité de la sainteté. C'est une voie qui se ramifie en mille sentiers, et il y en a beaucoup qui y marchent. Bien rares sont ceux qui y échappent complètement ; il est peu d'âmes, convaincues du salut par la foi, qui tôt ou tard, du plus au moins, ne se laissent entraîner dans ce chemin détourné.

                     C'est dans ce chemin détourné que marchent tous ceux qui, sans affirmer peut-être que la foi en Christ supprime entièrement la nécessité de garder sa loi, supposent cependant : ou que la sainteté est moins nécessaire maintenant qu'avant la venue de Christ, — ou qu'un moindre degré de sainteté est nécessaire, — ou qu'elle est moins nécessaire à ceux qui ont la foi qu'à ceux qui ne l'ont pas. Ceux-là mêmes y marchent aussi qui, tout bien pensants qu'ils sont en général, croient pourtant pouvoir prendre, dans tels cas particuliers, plus de liberté qu'ils n'auraient pu le faire avant de parvenir à la foi. Et même le fait seul qu'ils abusent du mot liberté pour désigner la liberté de désobéir et le droit de n'être pas saint, montre aussitôt que leur jugement est perverti et qu'ils sont coupables de ce dont ils se croiraient bien exempts, savoir d'anéantir la loi par la foi, en s'imaginant que la foi rend inutile la sainteté.

                     Ceux qui font de cette prétention un enseignement exprès, donnent pour premier argument que nous sommes maintenant sous l'alliance de la grâce, et non des œuvres, et qu'ainsi nous ne sommes plus sous la nécessité de l'accomplissement des œuvres de la loi.

                     Et qui fut, jamais sous l'alliance des œuvres ? Personne, si ce n'est Adam avant la chute. Il était, au sens propre et absolu, sous cette alliance qui requérait de l'homme une obéissance parfaite et entière, comme l'unique condition pour plaire à Dieu, et ne laissait point de place à la grâce, pas même pour la plus petite transgression. Mais nul autre que lui, Juif ou païen, ne fut jamais sous cette alliance, ni avant Christ ni depuis. Tous les enfants d'Adam furent et sont encore sous l'alliance de grâce. Voici quelle en est la condition : la libre grâce de Dieu, par les mérites de Christ, accorde le pardon à ceux qui croient, de cette foi « agissante par la charité » (Galatesl 5 : 6), qui produit toute obéissance et toute sainteté.

                      C'est donc sans raison que vous supposez que les hommes furent autrefois plus strictement obligés d'obéir à Dieu ou de faire les œuvres qu'ordonne sa loi, qu'ils ne le sont maintenant. C'est une supposition que vous ne sauriez justifier. Mais, si nous eussions vécu sous l'alliance des œuvres, nous aurions dû accomplir ces œuvres avant que Dieu pût, nous accepter. Tandis qu'à présent, quoique les bonnes œuvres soient aussi nécessaires que jamais, elles ne précèdent pas, mais elles suivent notre acceptation de la part de Dieu. La nature de l'alliance de grâce ne vous fournit donc ni motif ni encouragement quelconque à négliger, en aucun cas et à aucun degré, l'obéissance et la sainteté.

                     — « Mais ne sommes-nous pas justifiés par la foi, sans les œuvres de la loi ? » -Incontestablement, et sans celles de la loi morale tout aussi bien que sans celles de la loi cérémonielle. Et plût à Dieu que tous les hommes en fussent convaincus ! Cela préviendrait d'innombrables maux, l'antinomianisme en particulier ; car, généralement parlant, ce sont les pharisiens qui font les antinomiens. En se jetant dans un extrême si évidemment opposé à l’Écriture, ils font que d'autres se jettent dans un excès tout contraire. Cherchant à être justifiés par les œuvres, ils poussent les autres à n'accorder aucune place aux œuvres.

                      La vérité est entre ces extrêmes. Nous sommes, sans nul doute, justifiés par la foi. C'est là la pierre angulaire de tout l'édifice chrétien. Nous sommes justifiés sans les œuvres de la loi, en tant que condition préalable de justification ; mais elles sont le fruit immédiat de cette foi qui nous justifie. En sorte que si les bonnes œuvres, si toute sainteté intérieure et extérieure ne suit pas notre foi, il est évident que notre foi ne vaut rien et que nous sommes encore dans nos péchés. Notre justification par la foi sans les œuvres n'est donc pas un motif pour anéantir la loi par la foi, ou pour nous imaginer que la foi soit, en quelque manière ou à quelque degré, une dispense de sainteté.

                     - « Mais saint Paul ne dit-il pas expressément : « A celui qui n'a point travaillé, mais qui croit en Celui qui justifie le méchant, sa foi lui est imputée à justice ? (Ro 4 : 5) » Et ne suit-il pas de là que, pour le croyant, la foi tient lieu de justice ? Mais si la foi tient lieu de justice ou de sainteté, en quoi la sainteté est-elle encore nécessaire ? »

                   Ceci, il faut l'avouer, touche au point essentiel, à ce qui est la colonne maîtresse de l'édifice antinomien. Et pourtant la réponse ne sera ni longue ni difficile. Nous accordons :

                    1° Que Dieu justifie le méchant, celui qui, jusqu'à ce moment, est tout à fait méchant, adonné à tout mal, étranger à tout bien ;
                   2° Qu'il justifie le méchant qui ne travaille. pas, qui jusqu'alors n'a fait aucune bonne œuvre, étant même incapable d'en faire aucune, puisqu'un mauvais arbre ne peut porter de bon fruit ;
                      3° Qu'il le justifie par la foi seule, sans aucune bonté ou justice préalable
                   4° Qu'alors la foi lui est comptée pour justice préalable, c'est-à-dire que Dieu, par les mérites de Christ, accepte le croyant comme s'il avait accompli déjà toute justice.

                     Mais que fait tout cela pour votre thèse ? L'apôtre dit-il, ici ou ailleurs, que cette foi lui soit comptée comme justice subséquente ? Il enseigne qu'il n'y a pas de justice avant la foi ; mais où dit-il qu'il n'y en ait point après la foi ? Il affirme que la sainteté ne peut précéder la justification, mais non qu'elle ne doit pas la suivre. Saint Paul ne vous autorise donc en aucune façon à anéantir la loi, en enseignant que la foi supprime la nécessité de la sainteté.

III

                  Une autre manière d'anéantir la loi par la foi (et, c'est de toutes la plus  commune) consiste à le faire en pratique ; à l'anéantir, non en principe, mais en fait ; à vivre comme si la foi nous était donnée pour nous dispenser de vivre saintement.

                     Écoutez avec quelle vivacité l'apôtre nous met en garde contre cet écart : « Quoi donc ! pécherons-nous parce que nous ne sommes point sous la loi, mais sous la grâce ? Dieu nous en garde ! (Ro 6 : 15) » Avertissement qu'il nous faut attentivement considérer, car il est de la dernière importance.

Être « sous la loi » peut, signifier ici :
                      1° Être tenu d'observer la loi rituelle
                      2° Être tenu de se conformer à toute l'économie mosaïque ;
                    3° Être tenu de garder toute la loi morale, comme condition pour être accepté de Dieu ; enfin,
                    4° Être sous la colère et sous la malédiction, sous une sentence de mort éternelle, être rempli du sentiment de la condamnation et d'une crainte servile et pleine d'effroi.

                     Or, à tous ces égards, il est certain que le croyant n'est plus « sous la loi » , quoiqu'il ne soit « pas sans loi quant à Dieu, mais qu'il soit sous la loi de Christ (1Corinthiens 9 : 21)  ». Il est au contraire « sous la grâce ». N'étant plus sous la loi des rites, ni sous l'économie mosaïque en général, ni sous l'obligation de garder même la loi morale, comme condition préalable pour être accepté de Dieu, il est délivré de la colère et de la malédiction de Dieu, du poids de la condamnation et de cette crainte horrible de la mort et de l'enfer, par laquelle il était auparavant assujetti à la servitude. Et maintenant (ce qui lui était impossible sous la loi), il exerce en toutes choses une joyeuse et entière obéissance. Son obéissance provient, non d'une crainte servile, mais d'un plus noble principe, de la grâce de Dieu qui, régnant dans son cœur, lui donne de tout faire dans l'amour.

                     Quoi ! ce principe évangélique d'action serait-il moins puissant. que le principe légal ? Obéirons-nous moins à Dieu par amour filial, que nous ne le faisons par crainte servile ?

                     Hélas ! est-il bien sûr que ce ne soit point là le cas général et que cet antinomianisme pratique, cette manière non avouée d'anéantir la loi par la foi, n'ait pas infecté des milliers de croyants ?

                      Et vous, ne vous a-t-il pas infectés ? Examinez-vous loyalement et de près. Ne faites-vous pas maintenant ce que vous n'eussiez osé faire quand vous étiez « sous la loi », ou, comme on dit communément, sous la conviction ? Ainsi, par exemple, pour les aliments, vous n'osiez alors vous livrer à votre sensualité ; vous ne preniez que le nécessaire et ce qu'il y avait de moins coûteux. Ne vous donnez-vous pas plus de latitude à présent ? Oh ! prenez garde que vous ne « péchiez parce que vous êtes, non sous la loi, mais sous la grâce ».

                     Quand vous étiez sous le poids de la loi, vous n'osiez vous livrer, en aucune manière, à la convoitise des yeux. Vous ne faisiez rien pour la seule satisfaction de votre curiosité. Vous ne cherchiez, pour les meubles et les habillements, que ce qui était nécessaire et décent, ou, tout au plus, ce qui vous paraissait modestement convenable ; toute espèce de luxe, de superfluité on d'élégance à la mode, vous était en effroi ou en abomination.

                     En est-il encore ainsi ? Votre conscience est-elle, à tous égards, aussi délicate ? Suivez-vous toujours la même règle, foulant aux pieds tout luxe, toute vanité, toute parure inutile ? Ou plutôt n'avez-vous pas repris ce que vous aviez quitté et ce qui blessait alors votre conscience ? N'avez-vous pas appris à dire : « Oh ! je ne suis plus si scrupuleux ! » Plût à Dieu que vous le fussiez encore, vous ne commettriez pas ainsi le péché, parce que vous êtes non sous la loi, mais sous la grâce. Autrefois, vous vous faisiez scrupule de louer les gens en face, et plus encore d'accepter des louanges. Vous vous en sentiez blessé au cœur ; vous ne pouviez les supporter ; vous cherchiez l'honneur qui vient de Dieu seul. Vous ne pouviez souffrir aucune conversation inutile ou qui ne tendait pas à l'édification. Tout vain propos, tout discours frivole vous faisait horreur, car vous sentiez profondément la valeur du temps et de chaque moment, qui s'enfuit, vous abhorriez et ne craigniez pas moins les dépenses vaines, estimant la valeur de l'argent presque à l'égal de celle du temps et craignant d'être trouvé infidèle, même comme économe du « Mammon d'injustice »

                     Et maintenant, regardez-vous la louange comme un poison mortel, que vous ne pouvez donner ou recevoir qu'au péril de votre âme ? Avez-vous encore cette crainte et cette horreur de toute conversation qui ne tend pas à l'édification, et ce zèle à profiter du temps, de manière que chaque moment qui passe marque pour vous un progrès ? N'êtes-vous pas moins économe et du temps et de l'argent ? Et ne vous est-il pas facile de dépenser l'un et l'autre, comme vous n'auriez pu le faire autrefois ? Hélas ! comment ce qui vous était donné pour votre bien s'est-il trouvé pour vous une occasion de chute ? Comment avez-vous « péché, parce que vous êtes, non sous la loi, mais sous la grâce ? »

                     A Dieu ne plaise que vous continuiez plus longtemps à « changer la grâce de Dieu en dissolution ! (Jude 1 : 4) » Oh ! rappelez-vous quelle claire et forte conviction vous aviez sur toutes ces choses. Et vous n'aviez alors aucun doute sur l'origine de cette conviction. Le monde vous criait : Illusion ! mais vous, vous saviez que c'était la voix de Dieu. Vous n'étiez pas trop scrupuleux dans ces choses ; mais vous ne l'êtes pas assez maintenant. Dieu vous tint longtemps à cette, rude école, pour mieux vous inculquer ces grandes leçons. Les avez-vous déjà oubliées ! Ah ! souvenez-vous-en, avant qu'il soit trop tard ! Avez-vous tant souffert en vain ? Mais j'espère que ce n'est point en vain. Et maintenant gardez la conviction sans le tourment ! Pratiquez la leçon sans la verge ! Que la miséricorde n'ait pas pour vous moins de poids aujourd'hui que n'en eut auparavant l'ardente indignation ! L'amour est-il un motif moins puissant que la crainte ? Dites-vous donc, comme règle invariable : « Ce que je n'eusse point osé faire quand j'étais sous la loi, je ne le ferai point maintenant que je suis sous la grâce ».

                     Avant de finir, je dois aussi vous exhorter à vous examiner vous-même, quant aux péchés d'omission ; en êtes-vous aussi net, maintenant « sous la grâce » que lorsque vous étiez « sous la loi ? » Quel zèle vous aviez pour ouïr la parole de Dieu ! Négligiez-vous de nuit ou de jour une seule occasion ? Vous laissiez-vous arrêter par un faible obstacle, une petite affaire, une visite, une indisposition légère, un bon lit, une matinée sombre ou froide ? Ne jeûniez-vous pas souvent alors, ou n'exerciez-vous pas l'abstinence, selon votre pouvoir ? Froid et pesant comme vous l'étiez, n'étiez-vous pas souvent en prières, tandis que vous vous sentiez comme suspendu sur la gueule béante de l'enfer ? et n'annonciez-vous pas, sans vous épargner, un Dieu encore inconnu ? Ne plaidiez-vous pas hardiment sa cause, reprenant les pécheurs et confessant la vérité devant la génération adultère ? Et maintenant, vous croyez en Christ, vous avez la foi qui surmonte le monde... Et vous êtes moins zélé pour votre Maître que lorsque vous ne le connaissiez point ! moins zélé à jeûner, à prier, à ouïr sa parole, à appeler à Dieu les pécheurs ! Ah ! repentez-vous ! voyez, sentez votre perte ! Souvenez-vous d'où vous êtes tombé ! Pleurez votre infidélité ! Ayez du zèle et faites vos premières œuvres ; de peur que, si vous continuiez à « anéantir la loi par la foi », Dieu ne vous retranche et ne vous donne « votre portion avec les infidèles ! » 

 

vendredi 8 juillet 2016

(1) LES SERMONS DE WESLEY LA LOI, SON ORIGINE, SA NATURE, SES QUALITÉS, SON USAGE

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Sermon 34 :    LA LOI, SON ORIGINE, SA NATURE, SES QUALITÉS, SON USAGE Romains 7,12  (1750) 

La loi donc est sainte, et le commandement est saint, juste et bon. 

                    Entre tous les su,jets qu'embrasse la religion, il n'en est guère peut-être de plus mal compris que celui-ci. Le lecteur de cette épître, entendant communément dire que par la loi saint Paul désigne la loi,juive, et pensant n'avoir rien à démêler avec elle, passe outre sans y songer davantage. Il en est, il est vrai, que ne satisfait pas celle explication, et qui, voyant que l'épître est adressée aux romains, en concluent que l'apôtre, au commencement de ce chapitre, fait allusion à l'ancienne loi romaine ; et, comme ils n'ont pas plus affaire avec celle-ci qu'avec la loi cérémonielle de Moïse, ils ne s'arrêtent guère à ce qui leur semble n'avoir été mentionné et comme simple éclaircissement d'un autre sujet.


                   Mais celui qui étudiera attentivement le discours de l'apôtre ne pourra se contenter d'explications aussi superficielles. Plus il en pèsera les termes, plus il sera convaincu que, par « la Loi », saint Paul n'entend, dans ce chapitre, ni la loi de Rome, ni la loi cérémonielle de Moïse. Pour n'avoir pas de doute à cet égard, il suffit de considérer la portée générale de ce que dit l'apôtre. « Ne savez-vous pas, mes frères, dit-il en commençant, (car je parle à des personnes qui connaissent la loi, qui en ont été instruites dès leur jeunesse) que la loi n'a de pouvoir sur l'homme que pendant qu'il est en vie ? (Romans 7 : 1) » — S'agirait-il ici seulement de la loi romaine ou de la loi cérémonielle ? Non assurément ; mais de la loi morale. Car —pour citer un exemple bien simple,— « une femme qui est sous la puissance d'un mari, est liée par la loi ». — la loi morale, — « à son mari tant qu'il est vivant ; mais si le mari meurt, elle est dégagée de la loi qui la liait à son mari. Si donc, durant la vie de son mari, elle épouse un autre homme, elle sera appelée adultère ; mais si son mari meurt, elle est affranchie de cette loi, en sorte qu'alors elle n'est point adultère, si elle épouse un autre mari (Romains 7 : 2,3)  ». De cet exemple particulier, l'apôtre tire ensuite une conclusion générale « Ainsi, mes frères », dit-il, par une raison analogue, « vous êtes aussi morts à l'égard de la loi », — à l'économie mosaïque tout entière, — « par le corps de Christ », — offert pour vous et qui vous introduit dans une économie nouvelle, — « pour être », — sans aucun reproche, « à un autre, savoir à celui qui est ressuscité des morts », — et qui par là a affirmé ses droits, — « afin que nous portions des fruits pour Dieu (Romains 7 : 4)  ». Et nous pouvons en porter maintenant, tandis qu'auparavant nous ne le pouvions pas. « Car quand nous étions dans la chair », — sous la puissance de la chair, c'est-à-dire de la nature corrompue, ce qui était nécessairement le cas tant que nous ignorions le pouvoir de la résurrection de Christ, — « les passions des péchés qui s'excitent par la loi », — que la loi mosaïque mettait en évidence et qu'elle enflammait, sans pouvoir les vaincre, — « agissaient dans nos membres et produisaient des fruits pour la mort. Mais maintenant nous sommes délivrés de la loi » — de toute l'économie mosaïque, morale aussi bien que cérémonielle, — « étant morts à celle sous laquelle nous étions retenus  » ; — cette économie entière étant comme morte, et n'ayant pas plus d'autorité sur nous que le mari mort n'en a sur sa femme ; — « afin que nous servions » celui qui est mort et ressuscité pour nous, « dans un esprit nouveau, et non point selon la lettre qui a vieilli (Romains 7 : 5,6) », c'est-à-dire sous une économie nouvelle et spirituelle, et non par un service tout extérieur, conforme à la lettre de la dispensation mosaïque.

                     Ayant ainsi prouvé que la dispensation chrétienne a pris la place de la dispensation juive, et que la loi morale elle-même, quoiqu'elle ne puisse passer, repose maintenant sur d'autres bases que celles d'autrefois, l'apôtre s'arrête pour se poser et pour résoudre une objection : « Que dirons-nous donc ? La loi est-elle péché ? » comme on pourrait le conclure de cette expression : « les passions des péchés qui s'excitent par la loi ». — « Nullement », répond-il, puisque la loi est l'ennemie irréconciliable du péché et qu'elle le poursuit partout où il se cache. « Au contraire, je n'ai connu le péché que par la loi ; car je n'eusse point connu la convoitise », — je n'aurais pas su que le mauvais désir est un péché, — « si la loi n'eût dit : Tu ne convoiteras point, (Romains 7 : 7) » Il achève d'exposer cela dans les quatre versets suivants, puis il arrive à celle conclusion générale, qui se rapporte surtout à la loi morale, à laquelle l'exemple qui précède est emprunté : « La loi donc est sainte, et le commandement est saint, juste et bon ».

                    Pour l'éclaircissement et pour l'application de ces paroles importantes, si peu écoutées parce qu'elles sont si peu comprises,,je m'efforcerai de montrer l'origine de cette loi, sa nature, ses qualités, savoir qu'elle est sainte, juste et bonne, et enfin son utilité.

I

                     Essayons de montrer, d'abord, l'origine de la loi morale, ou, comme on l'appelle plus simplement, de la Loi. Elle ne date pas seulement du temps de Moïse, comme on pourrait l'imaginer. Longtemps auparavant, Noé l'avait déclarée aux hommes, et Hénoc avant lui. Mais nous pouvons suivre sa trace bien plus haut encore, et même par delà la création du monde, jusqu'à cette période inconnue sans doute aux hommes, mais inscrite assurément dans les annales de l'éternité, où « les étoiles du matin poussaient ensemble des cris de joie (Job 38 : 7) », et « les fils de Dieu » se réjouissaient d'avoir reçu l'existence. A ces premiers-nés de la création, Dieu voulut bien donner une intelligence pour connaître Celui qui les avait créés, pour discerner la vérité de l'erreur, le bien du mal ; et par suite, la liberté et la capacité de choisir l'un et de repousser l'autre. Et ils devinrent ainsi capables de lui offrir un libre et volontaire service, un service digne en lui-même de récompense et souverainement agréable à leur miséricordieux Maître.

                    Afin d'exercer toutes les facultés dont il les avait doués, et, en première ligne, leur intelligence et leur liberté, il leur donna une loi, type suprême de toute vérité accessible à des êtres finis, et de tout bien que des esprits angéliques peuvent concevoir. Par là aussi leur souverain bienfaiteur voulait préparer pour eux un accroissement continuel de félicité ; chaque acte d'obéissance à cette loi devant ajouter à la perfection de leur nature et les rendre dignes d'une plus haute récompense, que le juste Juge leur donnerait en son temps.

                    De même, lorsque Dieu, au temps déterminé par lui, voulut créer un nouvel ordre d'êtres intelligents, lorsqu'il eut tiré l'homme de la poudre de la terre, soufflant en lui une respiration de vie et le créant en âme vivante, capable de choisir entre le bien et le mal, il donna à cette créature intelligente et libre la même loi qu'à ses fils premiers-nés ; loi écrite, non sans doute sur des tables de pierre, ni sur aucune substance corruptible, mais dans leur cœur, gravée par le doigt de Dieu dans le sens intime des hommes et des anges ; afin qu'elle fût toujours à sa portée, toujours facile à comprendre, toujours claire et lumineuse, comme le soleil au milieu des cieux.

                    Telle fut l'origine de la loi de Dieu. Quant à l'homme, elle remonte jusqu'à sa création ; mais quant aux fils aînés de Dieu, elle brillait de toute sa splendeur « avant que les montagnes fussent nées et qu il eût formé la terre (Psaume 90 : 2)  ». Mais l'homme ne tarda pas à se rebeller contre Dieu, et, en transgressant cette loi glorieuse, peu s'en fallut qu'il ne l'effaçât entièrement de son cœur, les yeux de son entendement s'obscurcissant de ténèbres dans la proportion où il s'éloignait de la vie de Dieu. Et pourtant Dieu ne rejeta pas l'ouvrage de ses mains, mais réconcilié avec l'homme par le Fils de son amour, il retraça en quelque mesure, la loi dans le cœur ténébreux de sa coupable créature. Il te déclara de nouveau, « ô homme ! » quoique moins parfaitement qu'à l'origine, « ce qui est bon, savoir de faire ce qui est droit, d'aimer la miséricorde et de marcher dans l'humilité avec ton Dieu (Michée 6 : 8) »

                    Et cela, il le fit voir, non seulement à nos premiers parents, mais à toute leur postérité, par cette « vraie lumière qui éclaire tout homme venant au monde (Jean 1 : 9)  ». Mais, malgré cette lumière, « toute chair » ayant, dans la suite des temps, « corrompu sa voie devant lui (Genèse 6 : 12) » il choisit, du sein de l'humanité, un peuple particulier, auquel il donna une connaissance plus parfaite de sa loi. Et, pour en faciliter l'intelligence à leurs esprits lents à comprendre, il en écrivit, le résumé sur deux tables de pierre, commandant aux pères de l'enseigner à leurs enfants, de génération en génération.

                    Et c'est encore ainsi que la loi de Dieu est enseignée à ceux qui ne connaissent point Dieu. Leurs oreilles entendent les choses qui furent écrites dans les temps anciens pour notre instruction. Mais cela ne peut suffire. Ils n'en peuvent, par ce moyen, comprendre la hauteur, la profondeur, la longueur et la largeur. Dieu seul peut révéler cela par son Esprit. Et c'est ce qu'il fait, pour tous ceux qui croient véritablement, car il a fait à tout l'Israël de Dieu cette miséricordieuse promesse : « Voici, les jours viennent, dit le Seigneur, que je traiterai une nouvelle alliance avec la maison d'Israël. Et c'est ici l'alliance que je traiterai avec eux : je mettrai ma loi. au-dedans d'eux et je l'écrirai dans leurs cœurs ; et je serai leur Dieu et ils seront mon peuple (Jérémie 31 : 31-33)  ». 
 
II

                   Je me suis proposé, en second lieu, de montrer quelle esst la nature de cette loi qui, à l'origine, fut donnée aux anges dans le ciel et à l'homme dans l'Eden, et que Dieu a si miséricordieusement promis d'écrire à nouveau dans le cœur de tous les vrais croyants. Observons d'abord que les deux mots « loi » et « commandement » , quoique n'ayant pas toujours le même sens (puisque le commandement n'est proprement qu'une partie de la loi), sont employés, dans mon texte, comme des termes synonymes, qui signifient une seule et même chose. Mais ni l'un ni l'autre ne peuvent désigner ici la loi cérémonielle. Ce n'est pas de cette loi que l'apôtre dit, dans un des versets cités : « Je n'ai point connu le péché si ce n'est par la loi (Romains 7 : 7) ; » il serait superflu de le prouver. Ce n'est pas en effet la loi cérémonielle qui dit, dans ce verset : « Tu ne convoiteras point (Romains 7 : 7) » La loi des cérémonies n 'a donc rien à faire avec notre sujet.

                    La Loi, dont parle le texte, ne peut pas désigner non plus la dispensation mosaïque en général. Il est vrai que c'est le sens du mot dans quelques passages ; ainsi, quand l'apôtre dit, écrivant aux Galates : « L'alliance que Dieu a auparavant confirmée en Christ » , avec Abraham, le père des croyants, « n'a pu être annulée, ni la promesse abolie par la loi, qui n'est venue que quatre cent trente ans après (Galates 3 : 17) », il est clair que la loi signifie ici la dispensation mosaïque. Mais ce ne peut être le sens ici ; car jamais l'apôtre ne parle en termes si favorables de cette dispensation imparfaite et crépusculaire. Nulle part il ne dit que la loi mosaïque soit « spirituelle » , ni qu'elle soit « sainte, juste et bonne ». Il n'est pas vrai non plus de cette loi, que Dieu veuille l'écrire dans le cœur de ceux de l'iniquité desquels il ne se souviendra plus. La Loi, nommée ainsi au sens absolu, ne peut être que la loi morale.

                     Or, cette loi est le portrait incorruptible du Dieu saint qui habite l'éternité. C'est en elle que Celui que, dans son essence, aucun homme n'a vu ni ne peut voir, est rendu visible aux hommes et aux anges. C'est Dieu se montrant sans voiles ; Dieu se manifestant à ses créatures, dans la mesure où elles peuvent le supporter ; se manifestant, pour donner, et non pour ôter la vie, en sorte qu'ils puissent voir Dieu et vivre. C'est le cœur de Dieu qui se découvre à l'homme. Oui, nous pouvons même appliquer ; en quelque mesure, à cette loi, ce que l'apôtre dit du Fils de Dieu : qu'il est « le reflet de sa gloire et l'image empreinte de sa personne (Hébreux 1 : 3)  ».

                    « Si la vertu », disaient les anciens, « pouvait prendre une forme qui la rendit visible à nos yeux, de quel amour merveilleux nous nous mettrions à l'aimer ! » Mais cette supposition s'est réalisée. La loi de Dieu renferme en elle toutes les vertus, la vertu parfaite, et tous ceux à qui Dieu a ouvert les yeux peuvent l'y contempler à visage découvert. La loi de Dieu, qu'est-elle, si ce n'est la vertu et la sagesse divines prenant une forme visible ? Qu'est-elle, si ce n'est le type originel du vrai et du juste, qui, de l'esprit incréé qui les renferme de toute éternité, s'est manifesté à l'homme en revêtant une forme appropriée à son intelligence ?

                   Considérée à un autre point de vue, la loi de Dieu est la raison suprême et immuable, la rectitude absolue, l'harmonie éternelle de toutes les créations passées ou présentes. Je sens bien tout ce qu'il y a d'étroit et d'impropre dans toutes ces expressions humaines par lesquelles nous essayons d'esquisser et de rendre les choses profondes de Dieu. Mais dans notre étal actuel d'enfance, nous ne pouvons faire ni mieux, ni autrement. « Ne connaissant encore qu'imparfaitement », nous ne pouvons « prophétiser », c'est-à-dire parler des choses de Dieu, « qu'imparfaitement (1Co 13 : 9)  ». Tant que nous sommes dans cette maison d'argile, « nous ne saurions rien dire par ordre, à cause de nos ténèbres (Job 37 : 19)  ». N'étant qu'un enfant, « je parle comme un enfant mais bientôt je quitterai ce qui tient de l'enfant  » ; car, "Lorsque la perfection sera venue, alors ce qui est imparfait sera aboli." (1Corinthiens 13 : 10,11)  ».

                    Mais revenons. La loi de Dieu (dans notre langage humain) est l'empreinte de l'esprit éternel, la reproduction écrite de la nature divine, l'œuvre la plus belle du Père éternel, la plus brillante émanation de sa sagesse, la beauté visible du Très-Haut. Elle fait les délices et l'admiration des chérubins et des séraphins et de tous les habitants des cieux, et elle est, sur la terre la gloire et la joie de tout croyant doué de sagesse, de tout enfant de Dieu bien instruit.

llI

                    Telle est la nature de cette loi de Dieu à jamais bénie. Je dois, en troisième lieu, en montrer les qualités : — non pas toutes, car cela demanderait plus que la science d'un ange ; mais seulement celles qui sont mentionnées dans mon texte. Elles sont au nombre de trois « Le commandement est saint, juste et bon ».

                     Ainsi, la première qualité de la loi, c'est qu'elle est sainte. Il semble que, par cette expression, l'apôtre veuille parler de sa nature plutôt que de ses effets ; dans le même sens où saint Jacques dit : « La sagesse qui vient d'en haut (ou, en d'autres termes, la loi écrite dans nos cœurs) est premièrement, pure (Jacques 3 : 17) », c'est-à-dire sans tache ni souillure, éternellement et essentiellement sainte. Et en tant qu'elle se réfléchit dans la vie aussi bien que dans l'âme, elle est, comme le dit le même apôtre, « la religion pure et sans tache » ou le culte pur, sans alliage impur, rendu à Dieu.

                    Elle est, en effet, au plus haut degré ; pure, nette, chaste, sainte. Sans cela comment pourrait-elle être l'œuvre directe, ou, mieux encore, la parfaite image du Dieu dont l'essence est la sainteté ? Elle est pure de tout péché, pure de toute tache, de toute teinte de mal. C'est une vierge chaste, qui n'admet aucune souillure, aucune participation à ce qui est, contraire à la pureté et à la sainteté ! Elle ne s'accorde avec aucune sorte de péché ; car « quelle communion y a-t-il entre la lumière et les ténèbres ? (2 Corinthiens 6 : 14) » Et comme le péché est de sa nature, « inimitié contre Dieu, (Jacques 4 : 4) » la loi est inimitié contre le péché.

                    Aussi l'apôtre rejette-t-il avec horreur la supposition blasphématoire que la loi de Dieu puisse être péché elle-même, ou la cause du péché. A Dieu ne plaise que nous la supposions cause du péché, parce que c'est elle qui le manifeste, parce qu'elle découvre les choses cachées dans les ténèbres et les amène en pleine lumière. Il est vrai que par là, comme le dit l'apôtre, « le pêché parait péché (Romains 7 : 13)  ». Tous ses voiles sont déchirés, et il se montre dans sa difformité native. Il est vrai que le péché est ainsi devenu « excessivement péchant, par le commandement (Romains 7 : 13) ; » entrant maintenant en lutte directe avec la lumière, étant, dépouillé de sa dernière excuse, l'ignorance, et ne se déguisant plus, il devient bien plus odieux à Dieu et, aux hommes. Il est vrai même que ce le péché cause la mort par une chose qui est bonne (Romains 7 : 13) », qui est en elle-même pure et sainte. Mis au grand jour, il s'irrite d'autant plus ; comprimé, il éclate avec d'autant. plus de violence. « Le péché », dit l'apôtre, parlant au nom de celui qui est convaincu de péché, mais non encore délivré, « le péché, avant pris occasion du commandement », qui le découvre et veut le réprimer, a repoussé cette contrainte, et « a produit en moi toute sorte de convoitises (Romains 7 : 8) », toute sorte de désirs insensés et funestes, que le commandement tendait à réprimer. Ainsi, « quand le commandement est venu, le péché a repris vie (Romains 5 : 9) ; » il s'est agité et irrité d'autant plus. Mais cela ne jette aucun déshonneur sur le commandement. On peut en abuser, non le souiller. C'est, une preuve seulement que « le cœur de l'homme est désespérément malin (Jeérémie17 : 9) » Mais la loi de Dieu demeure sainte.

                     Sa deuxième qualité est d'être juste. Elle rend à chacun ce qui lui est dû. Elle prescrit exactement ce qui est juste, précisément ce que nous devons faire, dire ou penser, à l'égard de l'Auteur de notre être, à l'égard de nous-mêmes, à l'égard des autres créatures. Elle est, en tout, adaptée à la nature des choses, soit, qu'on les considère dans leur ensemble ou dans leurs détails. Elle convient aux circonstances particulières des êtres et à leurs mutuelles relations aussi bien à celles qui ont existé dès l'origine qu'à celles qui sont plus récentes. Elle s'harmonise avec les propriétés accidentelles ou essentielles des choses. Elle n'entre en conflit avec aucune de ces propriétés en aucune façon, et n'est jamais sans relations avec aucune. En ce sens, on peut dire qu'il n'y a rien d'arbitraire dans la loi de Dieu ; quoique, dans son ensemble ainsi que dans ses détails, elle ne dépende jamais que de sa volonté, et que « Ta volonté soit faite » demeure toujours la loi suprême et universelle, tant sur la terre que dans le ciel.

                    Mais la volonté de Dieu est-elle la cause de sa loi ? Cette volonté est-elle l'origine du juste et de l'injuste ? Ce qui est juste ne l'est-il que parce que Dieu le veut ? ou Dieu ne le veut-il que parce que c'est juste ?

                  Cette fameuse question est, je le crains, plus curieuse qu'utile. Et peut-être qu'en l'étudiant on n'y apporte pas suffisamment ce respect que la créature doit à Celui qui a créé et qui gouverne toutes choses ? Toutefois nous parlerons, avec respect et crainte. Et si nous parlons mal, que le Seigneur veuille nous pardonner !

                   Il nous semble donc que toute la difficulté provient de ce qu'on considère la volonté de Dieu comme distincte de Dieu. Autrement la difficulté disparaît. Car il est évident que Dieu est la cause de la loi de Dieu. Mais la volonté de Dieu, c'est Dieu lui-même ; c'est Dieu considéré comme voulant ceci ou cela. Dire que la loi a pour cause la volonté de Dieu équivaut donc à dire que la cause en est Dieu.

                   De même, si la loi, règle immuable du juste et de l'injuste, dépend de la nature et des propriétés des choses et de leurs relations essentielles (je dis essentielles, et non éternelles, ce qui, pour des choses existant dans le temps, serait contradictoire) ; si elle dépend, dis-je, de leur nature et de leurs relations, c'est dire qu'elle dépend de Dieu ou de la volonté de Dieu, puisque toutes ces choses avec leurs relations sont l'ouvrage de ses mains. Ce n'est que « par sa volonté qu'elles subsistent et qu'elles ont été créées (Apocalypse 4 : 11)  ».

                   Néanmoins on peut accorder (et c'est sans doute tout ce que réclameront les esprits sages) qu'en chaque cas particulier, Dieu veut ceci ou cela (par exemple, qu'il veut que nous honorions nos parents) parce que c'est juste et en accord avec la nature des choses et avec leurs mutuelles relations.

                    La loi est donc juste et droite en toutes choses. Mais elle est bonne autant que juste. Il suffit, pour nous en convaincre, de considérer de quelle source elle a jailli. Celte source n'est autre que la bonté de Dieu. Quel autre mobile que sa bonté put l'engager à donner aux saints anges cette divine expression de lui-même, ou à accorder à l'homme ce même reflet de sa nature ? Et n'est-ce pas son tendre amour qui seul put le contraindre à renouveler la manifestation de sa volonté à l'homme déclin, à Adam d'abord, puis à ses descendants, « privés » comme lui « de la gloire de Dieu (Romains 3 : 22) ; » à publier sa loi, alors que l'esprit des hommes était obscurci de ténèbres, et à envoyer ses prophètes pour déclarer cette loi aux hommes aveugles et insouciants ? Oui certes, ce fut sa bonté qui suscita Hénoc et Noé pour être prédicateurs de la justice ; Abraham, l'ami de Dieu, Isaac et Jacob, pour rendre témoignage à sa vérité. Ce fut sa bonté seule qui, lorsque « les ténèbres couvraient la terre et l'obscurité les peuples (Esaïe 60 : 2) », donna une loi écrite à Moïse, et par lui à la nation qu'il avait choisie. Ce fut son amour qui interpréta ces divins oracles par la bouche de David et de tous les prophètes, jusqu'à ce qu'au temps marqué, il envoyât son Fils unique, « non pour abolir la loi, mais pour l'accomplir (Mat 5 : 17) », pour la confirmer « jusqu'à un iota et un seul trait de lettre  » ; pour la graver dans le cœur de tous ses enfants ; jusqu'à ce que, ayant « mis tous ses ennemis sous ses pieds » il « remette son royaume » de médiateur « à Dieu son Père, afin que Dieu soit tout en tous (1 Corinthiens 15 : 24,25,28) »

                   Et cette loi que la bonté de Dieu donna au commencement et qu'elle a conservée à travers les âges, cette loi est, comme la source d'où elle sort, pleine de bonté et de bénignité ; elle est, comme le dit le Psalmiste, « plus douce : que le miel et que ce qui découle des rayons de miel (Psaume 19 : 11)  ». Elle est attrayante et aimable. Elle renferme « toutes les choses qui sont aimables, de bonne réputation, où il y a quelque vertu, et qui sont dignes de louange » (Phi 4 : 8) devant Dieu et devant ses saints anges, et en elle sont tous les trésors de la sagesse, de la science et de l'amour de Dieu.

                   La loi de Dieu n'est pas moins bonne dans ses effets que dans sa nature. Tel qu'est l'arbre, tels sont les fruits. Les fruits de la loi de Dieu dans le cœur de l'homme sont : la justice, la paix et l'assurance à jamais. Ou plutôt, la loi elle-même est justice, et elle remplit l'âme d'une paix qui passe toute intelligence et nous procure une joie incessante, par le témoignage d'une bonne conscience devant Dieu. Elle n'est pas simplement la garantie, elle « est, les arrhes de notre héritage (Éphésiens 1 : 14) » car elle fait partie de la possession qui nous est acquise. C'est Dieu manifesté dans la chair des hommes, et nous apportant la vie éternelle ; nous assurant, par son pur et parfait amour, que nous sommes « scellés pour le jour de la rédemption (Éphésiens 4 : 38) ; » qu'il nous « épargnera comme un père épargne son fils qui le sert (Malachie 3 : 17) » au jour où il rassemblera ses joyaux ; et qu'il nous réserve une couronne incorruptible de gloire.

IV 

                    Il ne nous reste plus qu'à montrer, en dernier lieu, l'usage de la loi, ou à quoi elle sert. Et, sans contredit, son premier usage c'est de convaincre le monde de péché. Cette œuvre appartient, il est vrai, au Saint-Esprit, et il peut l'opérer sans moyens quelconques, ou par ceux qu'il lui plait d'employer, quelque insuffisants ou impropres qu'ils soient en eux-mêmes à produire un tel effet. Ainsi, il y a des gens dont le cœur a été brisé en un moment, soit dans la santé, soit dans la maladie, sans cause visible, sans moyen extérieur ; et d'autres (un par génération peut-être) se sont réveillés au sentiment de « la colère de Dieu demeurant sur eux (Jean 3 : 36)  ». , à l'ouïe de cette déclaration : « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec soi (2 Corinthiens 5 : 19) » Mais la méthode ordinaire de l'Esprit de Dieu est de convaincre les pécheurs par la loi. C'est elle qui, prenant possession de la conscience, brise, le plus souvent, le rocher. C'est surtout cette partie de la Parole de Dieu qui est « vivante et efficace et plus pénétrante qu'aucune épée à deux tranchants (Hébreux 4 : 12) ; » c'est elle qui, entre les mains de Dieu et de ses envoyés, pénètre à travers tous les replis d'un cœur brisé, et « atteint jusqu'à la séparation de l'âme et de l'esprit, des jointures et des moelles (Hébreux 4 : 12) » C'est elle qui découvre le pécheur à lui-même ; qui arrache toutes ses feuilles de figuier et lui montre qu'il est « misérable, pauvre, aveugle et nu (Apocalypse 3 : 17) » C'est la loi qui, comme un éclair, porte partout la conviction. L'homme se sent pécheur ; il se reconnaît insolvable.  « Sa bouche est fermée » , et il s'avoue « coupable devant Dieu (Romains 3 : 19) »

                    Tel est donc le premier usage de la loi : frapper de mort le pécheur, détruire la vie et la force auxquelles il se confie et le convaincre qu'il est « mort en vivant (1Timothée 5 : 6) ; » non seulement placé sous une sentence de mort, mais réellement mort à Dieu, privé de toute vie spirituelle, « mort, dans ses fautes et dans ses péchés (Éphésiens 2 : 1)  ». Le second usage de la loi, c'est de le conduire à la vie, à Christ, afin qu'il vive. Dans ces deux offices, elle agit, il est vrai. en pédagogue sévère. Elle nous contraint par la force, plus qu'elle ne nous attire par l'amour. Et pourtant l'amour demeure le ressort tout puissant. C'est l'esprit d'amour qui, par ces moyens douloureux nous arrache notre confiance en la chair, ne nous laisse aucun roseau cassé pour nous y appuyer, et contraint ainsi le pécheur, dépouillé de tout, à s'écrier dans l'amertume de son âme ou à soupirer du plus profond de son cœur :

Je ne veux plus, Seigneur, m'excuser devant toi.
Je suis perdu, mais Christ, ton Fils, mourut pour moi !

                    La loi sert, en troisième lieu, à nous maintenir en vie. Elle est le grand moyen dont se sert l'Esprit de grâce pour préparer le croyant à une communication plus abondante de la vie de Dieu.

                   Cette grande et importante vérité est peu comprise, je le crains, non seulement du monde, mais même de plusieurs de ceux que Dieu a pris du monde et qui sont véritablement enfants de Dieu par la foi Plusieurs d'entre eux tiennent pour incontestable qu'une fois venus à Christ, nous n'avons plus affaire avec la loi et que, dans ce sens, « Christ est la fin de la loi (Romains 10 : 4) » pour tout croyant. « La fin de la loi » , il l'est sans doute, mais « pour la justification de tous ceux qui croient ». C'est-à-dire que là finit la loi. Elle ne justifie personne, mais elle conduit à Christ, qui est aussi, dans un autre sens, la fin, le but, vers lequel elle tend sans cesse. Mais quand elle nous a conduits à lui, elle a un autre office, celui de nous garder près de lui. Car plus les croyants découvrent la hauteur, la profondeur, la largeur de la loi, plus ils sont poussés à s'exhorter ainsi les uns les autres :

Frères, plus près, toujours plus près.
De cet amour qui nous embrasse ! 
Attendons-en les sûrs effets, 
Et demandons grâce sur grâce !

                     Ainsi, tout en accordant que c'en est fait de la loi pour le fidèle, en tant qu'il s'agit de la loi cérémonielle des Juifs, ou de l'ensemble de la dispensation mosaïque (car, en ce sens, elle est abolie par Christ) ; accordant même que nous n'avons plus affaire à la loi morale, comme moyen de justification, car nous sommes « justifiés gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ (Romains 3 : 23) ; » nous devons reconnaître que, dans un autre sens, nous n'en avons pas fini avec cette loi. Elle nous est en effet infiniment utile, d'abord pour nous convaincre du péché qui reste encore dans notre cœur et dans notre vie, et nous amener par là à une communion toujours plus intime avec Christ, en sorte que son sang nous purifie de moment en moment. Elle sert ensuite à faire passer la vie du chef dans les membres vivants de son corps, et les rendre par là capables d'accomplir ses commandements Elle sert enfin à confirmer notre espérance relativement à ceux de ses commandements que nous n'avons pas encore atteints, notre espérance de recevoir grâce sur grâce, jusqu'à ce que nous possédions réellement la plénitude de ce qu'il nous promet.

                    Et quelle confirmation donne à tout ceci l'expérience du vrai croyant ! Tandis qu'il s'écrie : « Oh ! combien j'aime ta loi ; c'est ce dont je m'entretiens tout le jour ! (Psaume 119 : 97) » dans ce divin miroir, il découvre chaque four un peu mieux sa souillure. Il y voit toujours plus clairement, qu'il est encore à tous égards un pécheur, que ni son cœur ni ses œuvres ne sont ce qu'ils devraient être devant Dieu ; et cette conviction le presse à chaque instant d'aller à Christ. Il comprend mieux ce commandement de l'ancienne loi : « Tu feras une lame d'or pur, sur laquelle tu graveras : Sainteté à l’Éternel ! Et elle sera sur le front d'Aaron (type de notre grand sacrificateur), afin qu'Aaron porte les péchés commis par les enfants d'Israël dans leurs saintes offrandes (bien loin que nos offrandes spirituelles puissent expier ce qui nous reste du péché), et cette lame sera continuellement sur son front, pour les rendre agréables devant l’Éternel (Exode 28 : 36,38)  ».

                    Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, la loi dit : « Tu ne tueras point » , et notre Seigneur nous enseigne qu'elle défend par là non seulement l'acte extérieur, mais toute parole, toute pensée contraires à la charité. Mais, plus je regarde à cette loi parfaite, plus je sens que je suis loin d'y atteindre ; et plus je sens cela, plus je sens quel besoin j'ai du sang de Christ pour expier tout mon péché, et de son Esprit pour purifier mon cœur, en sorte que je sois « parfait et accompli et qu'il ne me manque rien (Jacques 1 : 4) »

                  Je ne puis donc me passer de la loi un seul moment, pas plus que de Christ, puisqu'elle m'est aussi nécessaire maintenant pour me garder près de Christ, qu'elle le fut pour me conduire à lui. Sans cela, ce « mauvais, cœur incrédule » abandonnerait aussitôt « le Dieu vivant. (Hébreux 3 : 12)  ». En vérité l'un me renvoie toujours à l'autre, la loi à Christ et Christ à la loi. D'une part, la hauteur et la profondeur de la loi me contraignent à chercher un refuge dans l'amour de Dieu en Christ ; de l'autre, l'amour de Dieu en Christ me fait aimer sa loi « plus que l'or et, les pierres précieuses », en me montrant que chacun de ses articles contient une promesse miséricordieuse que mon Seigneur accomplira en son temps.

                   Qui es-tu donc, ô homme, « qui juges la loi et qui médis de la loi ! » qui la renvoies en enfer, avec le péché, Satan et la mort, en les mettant sur le même rang, ! Juger la loi ou médire de la loi était, aux yeux de l'apôtre Jacques, un acte si prodigieux de méchanceté, que, pour condamner les jugements à l'égard de nos frères, il lui suffit qu'ils impliquent ce péché : « Tu n'es point observateur, de la loi, dit-il, mais tu en es le juge (Jacques 4 : 11) ; » le juge de ce que Dieu a établi pour te juger ! Te voilà donc assis sur le siège judicial de Christ et foulant à tes pieds la règle d'après laquelle il,jugera le monde ! Oh ! considère quel avantage Satan a pris sur toi, et abstiens-toi à l'avenir de penser ou de parler légèrement de cet instrument béni de la grâce de Dieu ; à plus forte raison garde-toi d'en faire un épouvantail. Que dis-je ? aime-le et l'estime, à cause de celui de qui il vient, de celui à qui il conduit. Que la loi soit, après la croix de Christ, ta gloire et ta joie. Publie ses louanges, et rends-lui honneur devant tous les hommes.

                    Et si tu es pleinement convaincu qu'elle émane de Dieu ; qu'elle est l'empreinte de ses perfections communicables, et qu'elle est « sainte, juste, et bonne » , surtout pour les croyants ; alors, au lieu de la rejeter comme souillée, aie soin de t'y attacher de plus en glus. Que la loi de miséricorde et de vérité, d'amour pour Dieu et pour les hommes, d'humilité, de douceur et de pureté, ni te quitte jamais. « Lie-la à ton cou, écris-la sur la table de ton cœur (Proverbes 3 : 3)  ». Tiens-toi près de la loi, si tu veux te tenir près de Christ. Saisis-la ; ne la laisse point aller. Qu'elle te conduise sans cesse au sang expiatoire et confirme sans cesse ton espérance, jusqu'à, ce que toute « la justice de la loi soit accomplie (Romains 8 : 4) » en toi, et que tu sois « rempli de tonte la plénitude de Dieu (Éphésiens 3 : 19) »

                    Et si ton Maître a déjà accompli sa parole, s'il a déjà « écrit sa loi dans ton cœur », alors « tiens-toi ferme dans la liberté dans laquelle Christ l'a placé. (Galates 5 : 1)  ». Tu es affranchi, non seulement des cérémonies juives, non seulement de la culpabilité du péché ou de la crainte de l'enfer (ce n'est là que la moindre partie de la liberté chrétienne), mais, ce qui est infiniment plus, tu es affranchi de la puissance du péché, du service de Satan, et libre de ne plus offenser Dieu. Oh ! tiens-toi ferme dans cette liberté, en comparaison de laquelle tout le reste ne mérite pas d'être nommé. Tiens ferme en aimant Dieu de tout ton cœur et en le servant de toutes tes forces. Là est la liberté parfaite : garder sa loi et marcher sans tache dans tous ses commandements. « Ne te remets pas sous le joug de la servitude (Galates 5 : 1) ; » je n'entends pas de la servitude juive ou de la crainte de l'enfer ; elles sont, je l'espère, loin de toi. Mais prends garde de retomber sous le joug du péché, d'une transgression intérieure ou extérieure de la loi. Aie en horreur le péché plus que la mort ou l'enfer même ; aie en horreur le péché lui-même, plus encore que la peine qui en est le châtiment. Tiens-toi en garde contre l'esclavage de l'orgueil, de la convoitise, de la colère, de toute disposition, de toute parole, de toute œuvre mauvaise. « Regarde à Jésus » (Hébreux 12 : 2), et, pour le faire, regarde toujours plus à la loi parfaite, « la loi de liberté  » ; fais-le avec persévérance ; c'est ainsi que tu croîtras tous les jours, dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ.