mercredi 17 octobre 2018

(15) Ce monde, aire de jeux ou champ de bataille Aiden Wilson Tozer

Transcrit, traduit et mis en ligne par : http:www.eglisedemaison.com


Des mots symptomatiques : « Juste » et « Injuste »

                    Les mots ne signifient pas autre chose que ce qu'une personne souhaite exprimer, et je ne veux pas rendre certains mots « coupables par association. » Et pourtant chaque attitude humaine possède son expression verbale caractéristique, et donc, lorsque nous entendons certains mots nous pouvons avec une certaine précision soupçonner la présence d'une certaine attitude. C'est pour cette raison que l'on peut dire que les mots sont symptomatiques. En eux-mêmes, ils ne sont ni santé ni maladie, mais ils peuvent bien indiquer la présence de l'une ou de l'autre. Ils peuvent également indiquer de quelle maladie l'utilisateur souffre, ou le degré de santé dont celui-ci jouit.

                    Cette observation résulte de conversations avec les personnes religieuses. Après avoir écouté parler certains chrétiens pendant quelque temps, on commence à avoir une idée assez précise de la santé ou de la maladie qui est présente dans leur âme. Certains mots reviennent constamment et nous en disent dix fois plus sur le locuteur qu'il n'aurait jamais imaginé que nous savions, et également bien plus qu'il n'aurait souhaité nous dire. Les mots sont symptomatiques.

                     L'un des mots que l'on rencontre parfois parmi les chrétiens est le mot « juste, » ou sa sœur jumelle désagréable « injuste. » Les gens utilisent ces mots pour décrire la façon dont les autres les traitent, et superficiellement ceux-ci peuvent paraître des mots tout à faire innocents, voire indispensables. Toutefois, ils indiquent une attitude intérieure qui n'a aucune place parmi les croyants. L'homme qui parle d'un acte qui a été commis envers lui comme étant « injuste » n'est pas un homme victorieux. Il est intérieurement vaincu, et pour se protéger il fait appel à un arbitre pour qu'il remarque la faute qui a été commise. Cela lui donne un alibi au moment où on l'emmène dans le brancard et lui sauve la face pendant qu'il bat la retraite. Il pourra toujours expliquer sa défaite en disant qu'il a été traité injustement par les autres.

                    Les chrétiens qui comprennent la vraie signification de la croix ne se permettront jamais de pleurnicher sur leur sort, et ne se plaindront jamais d'avoir été traité « injustement » par les autres. Qu'ils aient reçu un traitement « juste » ou non ne leur viendra jamais à l'esprit. Ils savent qu'ils ont été appelés à suivre Christ, et que sans aucun doute Christ n'a jamais reçu ce qui pourrait dans la moindre mesure s'approcher d'un traitement juste de la part de l'humanité.

                    C'est là que réside la gloire de la croix — qu'un Homme a souffert injustement, a été maltraité, décrié, et crucifié par des gens qui étaient indignes de respirer le même air que Lui. Et pourtant Il n'a pas ouvert Sa bouche. Bien que mal traité, Il n'a pas rendu la haine, et quand Il a souffert, Il n'a menacé personne. La pensée qu'Il aurait pu réclamer la justice à Son égard ne peut pas même être entretenue par un cœur pieux. Sa vie toute entière a été donnée pour rendre ce qu'Il n'avait pas dérobé. S'Il s'était assis et avait soigneusement compté combien il devait et n'avait pas payé un centime de plus, l'univers moral tout entier se serait effondré.

                    Le chrétien victorieux ne s'intéresse pas à ce que les choses soient justes à son égard. L'amour ne cherche pas son propre intérêt, et ce qui est bizarre c'est que le saint joyeux qui ouvre sa main pour être volé librement par les autres se trouve toujours être plus riche que ceux qui le volent.

                    Parfois, il est vrai, Dieu permet à Son peuple de subir des traitements injustes et Il attend le jour de la vérité pour rétablir la balance. Mais la plupart du temps Ses jugements ne se font pas attendre si longtemps. Et quand bien même les chrétiens devraient souffrir injustement ici-bas, s'ils acceptent le mal dans un bon esprit et sans plainte, alors ils ont vaincu leur ennemi et gagné la bataille. C'est après tout leur plus grand désir d'être intérieurement victorieux, et s'ils peuvent en plus rire et aimer et louer pendant qu'on les maltraite, alors ils ont atteint le désir de leur cœur. Qui peut en demander davantage ?

D'autres mots symptomatiques : 
« rancœur » et « ressentiment »

                  Dans le chapitre précédent nous avons fait référence à certains termes révélateurs qui portent en eux des connotations sans relation avec leur étymologie. Le mot « injuste » faisait partie de ces termes. Le mot « rancœur » dans ses différentes incarnations en est un autre.

                     Cela fait un certain temps que j'évolue dans les milieux chrétiens, et je n'ai jamais entendu le mot « rancœur » être utilisé par un chrétien victorieux. Ou en tout cas s'il utilisait ce terme, ce n'était pas pour décrire un sentiment présent dans son propre cœur. Au cours des dizaines de conférences et des centaines de conversations, j'ai souvent entendu les gens dire : « J'ai une rancune contre un tel » mais encore une fois, je n'ai jamais entendu ces mots utilisés par des chrétiens victorieux. La rancœur ne peut tout simplement jamais demeurer dans un cœur aimant. Avant que la rancœur ne puisse entrer, l'amour doit s'envoler et l'amertume doit s'installer. L'âme amère s'érigera des listes de doléances qui justifient la rancœur et les protégera jalousement comme une ourse garde ses petits. Et l'image est juste parce qu'un cœur amer est toujours méfiant et suspicieux.

                    Il y a peu de choses plus déprimantes que d'entendre un soi-disant chrétien défendre son bout de gras, et de résister amèrement à toute atteinte à ses supposés droits. Un tel chrétien n'a jamais accepté le chemin de la croix. Les douces grâces que sont la soumission et l'humilité lui sont totalement inconnues. Tous les jours il devient de plus en plus dur et acrimonieux en essayant de défendre sa réputation, ses droits, son ministère contre ses supposés ennemis.

                    Le seul remède à cette sorte de chose est de mourir à soi-même pour ressusciter avec Christ en nouveauté de vie. L'homme ou la femme qui se donne pour objectif la volonté de Dieu atteindra ce but non pas par l'autodéfense, mais par l'abnégation. Alors, quelle que soit le traitement reçu par cette personne aux mains des autres, celle-ci demeurera parfaitement en paix. La volonté de Dieu a été accomplie – peu importe si elle est accompagnée de bénédictions ou de fléaux, car le chrétien ne cherche ni l'une ni l'autre mais il souhaite à tout prix faire la volonté de Dieu. Alors, qu'il soit au sommet de la faveur publique ou qu'il sombre dans l'obscurité et le mépris, il sera satisfait. S'il y en a qui prennent plaisir à faire du mal à ce chrétien, pour autant il ne leur en voudra pas, car il ne cherche pas son propre avancement, mais la volonté de Dieu.

                    Il est triste de constater que certains philosophes païens aient dû nous apprendre, à nous chrétiens, une leçon aussi simple que celle-ci. « Je dois mourir, » dit Epictète, « et dois-je en plus le faire en grognant ? Je dois être exilé ; et qu'est-ce qui m'empêcherait d'y aller en souriant, paisible et serein ? 'Trahir un secret.' Je ne le ferai pas. 'Alors nous t'enchaînerons.' Vous enchaînerez ma jambe, mais personne ne peut s'imposer à mon libre arbitre. 'Nous décapiterons ton vil corps.' Ne vous ai-je jamais dit, » répondit Epictète, « que je suis seul à posséder une tête qui ne peut être retranchée ? »

                     « C'est là d'avoir étudié ce qui se doit d'être étudié ; d'avoir placé nos désirs et nos aversions au-delà de la tyrannie et au-delà de la bonne fortune. Je dois mourir – si instantanément, alors je mourrai instantanément ; si bientôt, alors je dînerai d'abord, puis, quand l'heure sera venue, alors je mourrai. Comment ? Comme il convient à celui qui rend quelque chose qui ne lui appartient pas. » Que personne ne rejette le raisonnement robuste de cet antique philosophe. Même sans la lumière de la grâce salvatrice, il savait comment une créature devait se comporter quand elle se tenait sous la main puissante de son Créateur, et beaucoup de chrétiens semblent ne pas en savoir autant. Mais nous avons une meilleure autorité que la sienne pour diriger notre comportement. Christ nous a laissé un exemple et devant celui-ci il ne peut y avoir d'appel. Comme Il était, ainsi sommes-nous dans ce monde, et Il n'a jamais ressenti la moindre rancune envers aucun homme. Même ceux qui l'ont crucifié ont été pardonnés alors qu'ils accomplissaient l'acte même. Il n'a pas prononcé un seul mot contre eux ni contre les menteurs et hypocrites qui les ont incités à Le détruire. Il était pourtant seul à connaître la pleine mesure de leur cœur inique, mais Il a maintenu envers eux une attitude de charitable compassion. Ils ne faisaient qu'accomplir leur devoir, et même ceux qui leur avait commandé cette tâche sinistre étaient inconscients de sa pleine signification. A Pilate Il a dit, « Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi s'il ne t'avait été donné d'en haut. » Ainsi Il référa tout à la volonté de Dieu et s'éleva au-dessus du marécage des personnalités. Il n'a porté aucune rancune envers aucun homme. Il n'avait aucun ressentiment.

                    Le pire dans cette affaire c'est que ce n'est pas le tout d'attirer l'attention dessus. Le cœur amer est souvent incapable de reconnaître sa propre condition, et s'il arrive que l'homme rancunier lise un jour ce texte, il sourira d'un air satisfait et pensera que je parle de quelqu'un d'autre. Pendant ce temps là il deviendra de plus en plus petit en essayant de grandir, et il deviendra de plus en plus obscur essayant de se faire connaître. Pendant qu'il s'empresse d'accomplir son objectif égoïste, ses prières seront des accusations contre le Très-Haut et toutes ses relations avec les autres chrétiens auront pour caractéristique la suspicion et la méfiance.

                    Comme disait Spurgeon par rapport à quelqu'un : « Que l'herbe pousse vigoureusement sur sa tombe quand il mourra, car rien n'a pu pousser autour de lui pendant qu'il était en vie. » 

à suivre...

Aucun commentaire: