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Sermon 46 : (1760) LE CHRÉTIEN DANS LE DÉSERT
Jean
16,22
Vous êtes maintenant dans la tristesse ; mais je vous verrai de nouveau et votre cœur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie. (Jean 16 : 22)
Quand
Dieu eut accordé au peuple d'Israël une grande délivrance en le
tirant de la maison de servitude, ce peuple n'entra pas immédiatement
dans le pays que l'Éternel avait promis à ses pères. Les
Israélites errèrent dans le désert (Exode 13 : 18), et y furent
tentés et affligés de diverses manières. Ainsi, lorsque le
Seigneur a délivré ceux qui le craignent de l'esclavage du péché
et de Satan, « et qu'ils sont justifiés gratuitement par sa
grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ (Romains 3 :
23) », peu d'entre eux cependant entrent aussitôt dans ce
repos qui « reste pour le peuple de Dieu (Hébreux 4 : 9) ».
La plupart errent, plus ou moins, hors du bon chemin où l’Éternel
les avait introduits. Ils passent, pour ainsi dire, « par un
pays désert et par un lieu hideux, où l'on n'entend que hurlements
de désolation » et là ils sont tentés et tourmenté de
diverses manières. C'est cet état que quelques personnes ont
appelé, par allusion à l'histoire des Israélites, le désert. Il
est bien certain que les âmes qui sont dans cet état ont droit à
nos plus vives sympathies. Elles souffrent d'un mal funeste et cruel,
mais qui n'est pas généralement compris, ce qui fait, qu'elles ont
encore plus de peine à en trouver le remède. Étant elles-mêmes
comme dans des ténèbres, on ne peut guère s'attendre à ce
qu'elles comprennent la maladie dont elles sont atteintes. Et bien
peu de leurs frères, peut-être même de leurs conducteurs,
connaissent la nature de ce mal ou le moyen de le guérir. Raison de
plus pour que nous examinions : D'abord, quelle est la nature de
ce mal ; en second lieu, quelle en est la cause ; en
troisième lieu, quel en est le remède.
I
Tout
d'abord, quelle est la nature de cette maladie qui attaque tant
d'âmes après qu'elles ont cru ? En quoi consiste-t-elle
réellement, et quels en sont les vrais symptômes ? Ce mal
consiste principalement en ce que ces personnes ont perdu la foi que
Dieu avait produite dans leur cœur. Ceux qui sont dans le désert
n'ont plus en eux comme auparavant cette démonstration divine, cette
conviction satisfaisante des choses qu'on ne voit point (Hébreux 11 :
1). Ils n'ont plus cette manifestation intérieure de l'Esprit qui
les rendait tous capables de dire : « Si
je vis encore dans ce corps mortel, je vis dans la foi au Fils de
Dieu qui m'a aimé et qui s'est donné pour moi (Galates 2 : 20) ».
La lumière d'en haut ne vient plus « briller dans leurs cœurs
(2Corinthiens 4 : 6) ; » ils ne « voient : plus celui
qui est invisible (Hébreux 11 : 27) ; » les ténèbres
s'étendent de nouveau sur la face de. leur âme, et l'aveuglement
sur les yeux de leur esprit. Le Saint-Esprit ne vient plus « rendre
témoignage à leur esprit qu'ils sont enfants de Dieu (Romains 8 :
16) ; » il n'est plus pour eux cet « Esprit d'adoption
par lequel ils criaient (intérieurement) : Abba, Père (Romains 8 :
15) » Ils ne possèdent plus une ferme confiance en son amour,
et la liberté de s'approcher de lui avec une sainte hardiesse. Leur
cœur ne dit plus : « Voilà, quand il me tuerait, je ne
laisserais pas d'espérer en lui (Job 13 : 15) ; » ils
sont privés de leur force ; ils sont devenus faibles et timides
comme les autres hommes (Allusion à Samson Juges 16 : 17).
De
cette perte de la foi provient ensuite la perte de l'amour qui doit
nécessairement croître ou diminuer en même temps que la foi
véritable et vivante, et dans les mêmes proportions. Aussi, tous
ceux chez qui la foi disparaît, voient aussi disparaître leur amour
pour Dieu. Alors ils ne peuvent plus dire : « Seigneur ;
tu connais toutes choses ; tu sais que je t'aime (Jean 21 :
17) ». Ils ne trouvent plus en Dieu cette félicité dont
jouit celui qui l'aime. Ils ne prennent point leur plaisir en lui
comme autrefois, et ne sentent point « l'odeur de son parfum
(Jean 12 : 3) ». Naguère, « c'était, vers son nom
et vers son souvenir que tendait le désir de leur âme (Esaïe 26 :
8) ; » mais aujourd'hui leurs désirs sont refroidis et
amortis, sinon tout à fait éteints. Leur amour pour Dieu s'étant
attiédi, leur amour pour le prochain à eu le même sort. On ne
trouve plus chez eux ce zèle pour les âmes, qui faisait qu'ils
désiraient ardemment les voir sauvées, ni ce besoin vif, pressant
et, agissant de les amener à se réconcilier avec Dieu. Ils ne
sentent plus en eux ces « entrailles de miséricorde »
(Colossiens 3 : 12) pour les brebis perdues, cette tendre « compassion
pour ceux qui pèchent par ignorance et par erreur (Hébreux 5 : 2)
». Autrefois, ils « témoignaient une parfaite douceur
envers tous les hommes (Tite 3 : 2) ; » ils instruisaient
avec bonté ceux qui étaient opposés à la vérité et « si
quelqu'un venait à tomber dans quelque faute, ils le redressaient
avec un esprit de douceur (Galates 6 : 1) » Mais, après un
intervalle qui a duré peut-être bien des jours, la colère commence
à reprendre son empire ; la mauvaise humeur et l'impatience les
attaquent vigoureusement pour les faire tomber ; et c'est
beaucoup s'ils n'en viennent pas à « rendre mal pour mal et
injure pour injure (1Pierre 3 : 9) ».
Par
suite de cette perte de la foi et de l'amour, il y a aussi une
troisième perte : celle de la joie inspirée par le
Saint-Esprit. Car si nous n'avons plus le sentiment, de notre pardon,
avec l'amour qui en résulte, nous ne saurions conserver la joie qui
en résulte aussi. Si l'Esprit ne témoigne pas à notre esprit que
nous sommes enfants de Dieu, c'en est fait de la joie que nous
procurait ce témoignage intime. De même, chez ceux qui « se
réjouissaient d'une joie ineffable (1Pierre 1 : 8) », « dans
l'espérance de la gloire de Dieu (Romains 5 : 2) », une fois
que cesse cette espérance pleine d'immortalité, il y a privation de
la joie qui s'y attachait, comme aussi de la joie que leur donnait la
possession de « l'amour de Dieu répandu dans le cœur (Romains 5 :
5) ». La cause n'existant plus, l'effet ne se produit pas ;
la source étant fermée, les eaux vives n'en jaillissent plus pour
rafraîchir l'âme.
A
ces pertes de la foi, de l'amour, de la joie, vient s'en ajouter une
quatrième, celle de la paix qui surpasse toute intelligence. Ce doux
calme de l'esprit, cette sérénité de l'âme ont disparu. Les
doutes pénibles reviennent : nous nous demandons si jamais nous
avons cru, peut-être même si jamais nous aurons la foi. Nous nous
mettons à douter d'avoir éprouvé dans nos cœurs le témoignage
réel du Saint-Esprit ; il nous semble que, nous nous sommes
fait illusion, et que nous avons pris la voix de la nature pour celle
de Dieu, et nous allons craindre de ne plus entendre la voix du
Seigneur, de ne plus trouver grâce devant lui. Ces doutes font
renaître en nous la crainte servile, la crainte qui est accompagnée
de peine. Nous craignons la colère de Dieu, tout comme avant d'avoir
cru ; nous craignons d'être rejetés loin de sa présence ;
aussi retombons-nous dans cette crainte de la mort dont nous avions
été entièrement affranchis.
Ce
n'est pas tout ; car la privation de paix amène une privation
de force. Nous savons que quiconque possède la paix avec Dieu par
Jésus-Christ, possède la force de vaincre tout péché. Mais dès
qu'on perd la paix du Seigneur, on perd aussi cet ascendant sur le
péché. Tant qu'il y eut paix, il y eut aussi force, même vis-à-vis
du péché qui nous enveloppe aisément ; que ce soit d'ailleurs
un péché qui résulte de notre naturel, de notre tempérament, de
notre éducation ou de notre position on avait même l'ascendant sur
des dispositions coupables et des désirs mauvais, que l'on n'avait
pu vaincre avant cela. Alors le péché ne dominait pas sur l'âme ;
mais maintenant, c'est l'âme qui ne domine pas sur le péché. Le
chrétien lutte bien encore ; mais il ne peut vaincre ; la
couronne est tombée de son front. Ses ennemis triomphent de nouveau
de lui, et plus ou moins ils le réduisent en esclavage. « La
gloire est transportée » (1Sa 3 : 21) loin de lui ;
le royaume de Dieu n'est plus dans son cœur. Il est dépouillé de
sa justice, comme de sa paix et, de sa joie venant du Saint Esprit.
II
Telle
est la nature de cet état d'âme que l'on a appelé assez justement
le désert. Mais on s'en rendra compte mieux encore en examinant, en
second lieu quelles en sont les causes. Il y en a de diverses
espèces. Je n'ose pas mettre parmi ces causes une volonté de Dieu
purement souveraine et arbitraire. Non ! Dieu « veut la
paix de son serviteur (Psaume 35 : 27) » et « ce n'est
pas volontiers qu'il afflige et qu'il contriste les fils des hommes
(Lamentations 3 : 33) ». Sa volonté invariable, c'est notre
sanctification, ayant pour conséquences « la paix et la joie
par le Saint-Esprit (Romains 14 : 17) ». Ce sont là ses dons
généreux, et il nous est déclaré que « les dons de Dieu
sont irrévocables (Romains 11 : 29) Il ne se repent jamais de nous
les avoir accordés ; il n'a jamais la pensée de nous les
reprendre. Ce n'est donc jamais lui qui nous déserte, comme disent
quelques-uns : c'est toujours nous qui le désertons (Allusion
au titre même de ce discours).
La
cause la plus ordinaire de ces ténèbres intérieures, c'est le
péché sous une forme ou sous une autre. C'est généralement lui
qui amène ce qui souvent ressemble à une complication de péché et
de misère. Ce peut être, d'abord, une faute commise : cela
suffit fréquemment pour plonger aussitôt l'âme dans l'obscurité,
surtout si ce péché a été commis en connaissance de cause,
volontairement, « par fierté (Psaume 19 : 14) ». Si,
par exemple, une personne qui « marche à la clarté de la face
de Dieu (Psaume 59 : 16) », se laissait aller à commettre un
seul acte d'intempérance ou d'impureté, il ne serait pas étonnant
qu'elle se trouvât instantanément plongée dans de profondes
ténèbres. Il y a eu, sans doute, quelques cas, d'ailleurs bien
rares, dans lesquels le Seigneur n'a pas permis que cela arrivât et
l'a empêché en déployant, presque au même instant, sa miséricorde
et son pardon d'une façon tout à fait extraordinaire. Mais, en
général, un tel abus de la bonté de Dieu, une insulte aussi faite
à son amour, amènent aussitôt un sentiment de séparation d'avec
Dieu et « des ténèbres qu'on pourrait toucher avec la main
(Exode 10 : 21.) ».
Il
faut espérer que ce cas-là ne se présente pas souvent, et qu'il
n'y a pas beaucoup d'hommes qui méprisent tellement les richesses de
la bonté de Dieu, que de se révolter contre lui sans transition et
sans ménagements, au moment, même où ils marchent dans sa clarté.
Cette clarté, on la perd bien plus fréquemment par le moyen des
péchés d'omission. Ceux-ci, à la vérité, n'éteignent pas
l'Esprit immédiatement, mais ils le font par degrés et lentement.
Les autres, c'est comme de l'eau qu'on jette sur le feu ;
ceux-ci, c'est comme si on refusait au feu l'aliment combustible.
L'Esprit d'amour nous reprend pour nos négligences, et il le fait
bien des fois avant de nous abandonner à nous-mêmes. Que
d'avertissements intérieurs, que d'appels secrets il nous adresse
avant de nous retirer les bienfaits de son action sur nous ! Il
faut donc toute une suite de péchés d'omission dans lesquels on
persévère volontairement, pour attirer sur l'âme ces ténèbres
épaisses.
Aucun,
peut-être, de ces péchés d'omission n'aboutit plus fréquemment à
ce triste état, que la négligence du devoir de la prière en
secret, négligence qui ne peut, être compensée par l'assiduité à
d'autres moyens de grâce. Il est plus que certain que la vie de Dieu
ne peut subsister, encore moins grandir, dans notre âme, si nous ne
recherchons pas les occasions de nous mettre en communion avec Dieu
et de répandre notre cœur en sa présence. Si donc nous négligeons
cela et si nous laissons les affaires, la société ou d'autres
occupations prendre la place de ces exercices spirituels du cabinet,
ou bien nous porter à expédier ces devoirs religieux le plus
lestement possible et sans réfléchir à rien, ce qui a le même
effet que si on les supprimait, oh ! alors, la vie de Dieu doit
nécessairement baisser dans l'âme. Et si ces négligences se
répètent et se prolongent, cette vie s'éteindra graduellement.
Un
autre péché d'omission qui souvent amène l'âme, du croyant à cet
état d'obscurité, c'est la négligence du devoir qui, sous la
dispensation judaïque, avait été enjoint de cette façon si
formelle « Tu ne haïras point ton frère dans ton cœur. Tu
reprendras avec soin ton prochain, et tu ne souffriras point de péché
en lui (Lévitique 19 : 17) ». Car, si nous haïssons notre
frère dans notre cœur, et si, quand nous lui voyons commettre une
faute, nous ne le reprenons pas, mais souffrons le péché en lui,
cette conduite attirera bientôt la maigreur sur notre propre âme,
attendu que par là nous participerons à son péché, En négligeant
de reprendre notre prochain, nous prenons sa faute à notre compte,
et nous aurons à en répondre devant Dieu. Nous l'avons vu en danger
et nous ne l'avons pas averti ; s'il vient à « mourir
dans son iniquité », Dieu pourra justement «redemander
son sang de notre main (Ézéchiel 3 : 18) ». Est-il donc
surprenant que, si nous attristons ainsi son Esprit, nous soyons
privés de la clarté de sa face ?
Une
troisième cause peut nous en priver. C'est quand nous cédons à
quelque péché intérieur. Par exemple, nous savons que « quiconque
est hautain de cœur est en abomination devant l'Éternel (Proverbe 16 :
5) », lors même que cet orgueil ne se montrerait pas dans sa
conduite extérieure. Mais combien il est facile, pour une âme qui
était pleine de paix et de joie, de tomber dans ce piège du
diable ! Comme il est naturel de se croire plus de grâce, plus
de sagesse ou plus de force qu'on n'en a, et d'avoir ainsi « de
soi-même une plus haute opinion qu'on ne doit ! (Romains 12 :
3) » Comme il est naturel de « se glorifier de quelque
chose qu'on a reçu, comme si l'on ne l'avait. pas reçu ! (1Corinthiens
4 : 7) » Mais puisque, de tout temps, « Dieu résiste
aux orgueilleux, et fait grâce aux humbles (Jacques 4 : 6) »
seulement, une pareille attitude ne peut manquer d'obscurcir, sinon
d'éteindre, la, clarté qui brillait dans l'âme.
Les
mêmes effets pourront se produire si l'on cède à la colère, même
lorsqu'on y est provoqué par certaines circonstances. même quand
cette colère peut se couvrir du nom de zèle pour la vérité ou
pour la gloire de Dieu. C'est qu'en réalité tout zèle qui n'est
pas allumé par la flamme de l'amour, est « terrestre, animal
et diabolique (Jacques 3 : 15) ». C'est la flamme de la
colère : c'est pure colère, colère coupable ni plus ni moins.
Et rien n'est plus contraire à l'amour divin si doux, si
bienveillant ! Ces deux sentiments ne peuvent exister en même
temps dans un cœur ; cela ne s'est jamais vu. A mesure que la
colère domine quelqu'un, l'amour et la joie du Saint-Esprit
diminuent proportionnellement chez lui. Cela se voit surtout là où
il y a brouille, je veux dire lorsque nous sommes irrités contre
quelqu'un de nos frères, de ceux qui tiennent à nous par des liens
sociaux ou par des attaches religieuses. Si nous cédons à cet
esprit de brouille, ne fût-ce que pendant une heure, nous perdrons
la douce communion du Saint-Esprit ; et ainsi, au lieu
d'améliorer les autres, nous nous nuirons à nous-mêmes et
nous serons la proie du premier qui nous attaquera.
Mais
si nous nous tenons en garde contre ce piège du diable, il se peut
qu'il nous attaque d'un autre côté. Quand la violence et la colère
sommeillent et que l'amour seul veille dans l'âme, elle peut se
trouver en aussi grand danger par la passion qui, elle aussi, tend à
nous plonger dans les ténèbres. C'est là, en effet, « la
conséquence infaillible de tout désir insensé, de toute affection
folle on déréglée. Si nous nous affectionnons aux choses de la
terre, à qui que ce soit ou à quoi qui-ce soit d'ici-bas ; si
nous désirons quelque autre chose que Dieu et que ce qui nous ramène
à Dieu ; si nous cherchons le bonheur dans une créature, Dieu
qui est jaloux contestera certainement avec nous, car il ne souffre
point de rival. Et si nous ne voulons pas écouter sa voix qui nous
avertit, et revenir à lui de tout notre cœur, si nous continuons à l'affliger
par nos idoles et à courir après les dieux étrangers, nous serons
bientôt dans un état de froideur, d'aridité et de sécheresse ;
le dieu de ce monde aveuglera notre cœur et l'obscurcira.
Il
réussit d'ailleurs souvent à le faire sans même que nous ayons
cédé à quelque péché proprement dit. Il suffit, pour qu'il
prenne le dessus, que nous négligions de « rallumer le don de
Dieu qui nous a été communiqué (2Timothée 1 : 6) », que nous
ne persévérions pas sans cesse à « nous efforcer d'entrer
par la porte étroite (Luc 13 : 24) », que nous cessions de
lutter ardemment pour la victoire et de « forcer et ravir le
royaume des cieux (Matthieu 11 : 12) » Il n'y a qu'à ne plus
combattre, et nous sommes certains d'être vaincus. Il n'y a qu'à
être insouciant ou découragé, paresseux ou indolent, et bientôt
les ténèbres naturelles nous envahiront de nouveau et rempliront
notre âme. Il suffit donc de se laisser aller à la négligence
spirituelle pour que notre âme soit positivement obscurcie ; ce
péché nous dérobera la clarté divine, tout aussi sûrement, bien
que plus lentement peut-être, qu'un meurtre ou un adultère.
Mais
il faut bien considérer ceci, que la cause de cet obscurcissement,
quelle qu'elle soit, péché de commission ou péché d'omission,
péché intérieur ou péché extérieur, n'est pas toujours dans le
voisinage immédiat de ses tristes effets. Il arrivera parfois qu'un
intervalle considérable séparera la faute le ses conséquences.
Elle peut avoir été commise plusieurs jours, plusieurs semaines
auparavant. Et si Dieu nous retire aujourd'hui sa clarté et sa paix,
à cause de ce qui s'est passé il y a si longtemps, ce n'est pas,
comme on pourrait le croire à première vue, une preuve de sévérité
de sa part, mais plutôt une preuve de sa patience et de sa tendre
miséricorde. Il a attendu tout ce temps pour voir si nous
sentirions, reconnaîtrions et redresserions ce qui, en nous, était
défectueux ; et si nous ne le faisons pas, il finit par nous
manifester son déplaisir afin de nous amener encore, si possible, à
la repentance.
Une
autre des causes principales de cet assombrissement de notre âme,
c'est l'ignorance, qui, d'ailleurs, affecte diverses formes. Si un
homme ne connaît pas les Écritures et s'imagine qu'il y a, dans
l'Ancien Testament ou dans le Nouveau, des passages qui enseignent
que tous les croyants sans exception doivent, de temps à autre,
passer par cette obscurité, cette ignorance amènera tout
naturellement chez lui cette obscurité à laquelle il s'attend. Et
combien ce cas est fréquent parmi nous ! Combien peu de
chrétiens ont des vues justes à cet égard ! Ce n'est pas
étonnant pourtant ; car on leur a appris qu'il fallait
s'attendre à cela ; leurs conducteurs spirituels les y ont
encouragés. Et ce ne sont pas seulement les écrivains mystiques de l’Église romaine, ce sont aussi beaucoup des plus spirituels et des
plus pratiques de la nôtre (à part quelques uns du siècle dernier)
(Le dix-septième siècle.), qui présentent cet enseignement avec
une entière assurance, comme une des doctrines les plus claires et
les plus certaines de la Bible, et citent quantité de textes à
l'appui.
Cet
obscurcissement provient aussi fréquemment de ce qu'on ne comprend
pas la manière dont Dieu opère dans l'âme. Les chrétiens se
figurent (sur la foi des écrivains de l’Église romaine en
particulier, qui ont été suivis sans examen suffisant par beaucoup
de protestants), qu'ils ne peuvent pas toujours marcher dans une foi
lumineuse ; que c'est là un état inférieur ; qu'à
mesure qu'ils grandissent, ils doivent renoncer aux grâces
sensibles, et vivre par la foi toute nue. Et elle sera nue, en effet,
si on la dépouille de l'amour, de la paix et de la joie du
Saint-Esprit ! Ils croient qu'un état de lumière et de joie
est bon sans doute, mais qu'un état d'obscurité et de sécheresse
spirituelles vaut encore mieux ; que c'est ainsi seulement que
nous pouvons être purifiés de l'orgueil, de l'amour du monde et
d'un amour-propre déréglé ; et que, conséquemment, nous ne
devons ni espérer ni désirer de marcher toujours dans la lumière.
C'est pour cela (bien que d'autres causes concourent aussi à ce
résultat) que la plupart : des gens pieux dans l’Église romaine
passent leur vie dans l'obscurité et le trouble, et que, s'ils sont
parfois réjouis par la lumière divine, ils s'en voient, bientôt
privés.
Une
troisième cause générale d'obscurcissement spirituel se trouve
dans les tentations. Au début, lorsque le flambeau du Seigneur vient
briller sur notre sentier, il arrive souvent que la tentation
s'enfuit et que nous en sommes entièrement exempts. Tout est
tranquille en nous, et peut-être au dehors ; Dieu a contraint
nos ennemis à nous laisser, en paix. Il semble tout naturel alors de
nous figurer que nous n'aurons plus de combats. On a vu des cas où
ce calme durait, non pas seulement quelques semaines, mais des mois
et des années. D'ordinaire les choses se passent autrement, et avant
longtemps les vents soufflent, la pluie tombe et tes torrents
débordent tout de nouveau. Ceux qui ne connaissent ni le Fils ni le
Père et qui, conséquemment, haïssent les enfants de Dieu,
manifestent cette haine de diverses façons, dès que le Seigneur
relâche tant soit peu le frein qu'il a mis à leur bouche. « Mais,
comme autrefois celui qui était né selon la chair persécutait
celui qui était né selon l'Esprit, il en est de même maintenant
(Galates 4 : 29) ; » les mêmes causes produisent les mêmes
effets. Le péché qui reste encore dans le cœur recommence à
s'agiter ; la colère et beaucoup d'autres « racines
d'amertume » Hébreux 12 : 15) tendent à « pousser en
haut ». Satan ne manquera pas de saisir ce moment pour lancer
ses traits enflammés, et notre âme aura à combattre non seulement
contre le monde, non seulement « contre la chair et le sang,
mais contre les principautés ; contre les puissances, contre
les princes des ténèbres de ce siècle, contre les esprits malins
qui sont dans les airs (Éphésiens 6 : 12) » Et quand des assauts
si divers se produisent simultanément, quand peut-être ils se
déchaînent avec une fureur inouïe, il n'est pas surprenant qu'un
homme encore faible dans la foi se trouve l'âme oppressée et même
obscurcie dans ces circonstances, surtout s'il ne veillait pas à ce
moment-là, si ces assauts surviennent à l'heure où il ne s'y
attendait pas. où il n'attendait rien de pareil, croyant ou du moins
espérant que les jours mauvais ne reviendraient plus.
La
puissance des tentations qui viennent du dedans sera considérablement
accrue, si nous avions auparavant une plus haute opinion de
nous-mêmes que nous n'aurions dû, jusqu'à nous croire purifiés de
tout péché. Et combien nous sommes portés à le croire, pendant
que nous ressentons l'ardeur du premier amour ! Comme nous
sommes disposés alors à penser due Dieu a « accompli en nous
puissamment... l'œuvre de la foi » (2Thessaloniciens 1 : 11) tout
entière, qu'il n'y a plus de péché en nous puisque nous n'y en
sentons plus, et enfin que notre âme appartient complètement à
l'amour divin ! L'attaque impétueuse d'un ennemi, que l'on
croyait non seulement vaincu, mais mort, ne peut guère manquer
d'accabler lourdement notre âme, et même parfois de la plonger dans
d'épaisses ténèbres, surtout si nous raisonnons avec cet ennemi,
au lieu de crier immédiatement à Dieu et de nous jeter, avec une
foi enfantine, dans les bras de celui qui « saura délivrer les
siens de l'épreuve» (2Pierre 2 : 19)
IIl
Telles
étant les causes habituelles de cet obscurcissement qui s'empare de
nouveau de l'âme, il nous reste à chercher quel en peut être le
remède.
Ce
serait une erreur grave et même fatale que de supposer qu'un seul et
même traitement peut convenir à tous les cas. Cette idée est
pourtant fort répandue, même parmi beaucoup de chrétiens qui
passent pour être expérimentés, qui ont peut-être la prétention
d'être des docteurs en Israël et de servir de guides aux autres. En
conséquence, ces hommes ne connaissent et n'emploient qu'un seul
remède, quelle que soit la cause de la maladie. Ils se mettent
aussitôt à faire une application des promesses de Dieu, à
« prêcher la bonne nouvelle », comme ils disent.
Consoler, voilà tout, ce qu'ils se proposent ; et, pour y
arriver, ils disent toutes sortes de choses tendres et douces sur
l'amour de Dieu pour les pauvres pécheurs perdus, sur l'efficacité
du sang de Jésus-Christ. C'est bien là du charlatanisme, et de la
pire espèce ; car s'il n'a pas pour effet de ruiner le corps
humain, il pourrait bien, si le Seigneur n'intervenait dans sa grande
miséricorde, « perdre l'âme et le corps dans la géhenne (Mat
10 : 28) ». Il est malaisé de trouver des termes
suffisants pour faire bonne justice de ces gens qui « enduisent
de mortier mal lié (Ézéchiel 13 : 10) », de ces marchands de
promesses. Ils méritent bien le surnom qu'on a donné à d'autres
mal à propos, celui de comédiens religieux. Ce sont eux qui
« tiennent pour une chose profane le sang de l'alliance (Hébreux
10 : 29) ». C'est une vraie prostitution des promesses de
Dieu que de les appliquer ainsi sans distinction au premier venu. Le
traitement. des maux spirituels ne doit-il pas varier selon les
causes de ces maux, tout comme lorsqu'il s'agit des maladies du
corps ? La première chose à faire, c'est de découvrir la
cause ; cela même fera trouver le remède.
Demandez-vous
donc : « Cette obscurité me vient-elle du péché, et de
quel péché ? Est-ce d'un péché visible que j'ai commis ? »
Demandez-vous si votre conscience ne vous accuse pas de commettre
habituellement quelque péché, par lequel vous contristez le Saint
Esprit. Serait -ce pour cette raison qu'il s'est retiré de vous et
qu'avec lui ont disparu votre joie et votre paix ? Et comment
pourriez-vous les retrouver sans jeter loin de vous l'interdit ?
« Que le méchant délaisse sa voie (Esaïe 55 : 7).
« Pécheurs, nettoyez vos mains (Jas 4 : 8) ».
« Ôtez de devant mes yeux la malice de vos actions (Esaïe1 :
16) ». Alors « ta lumière se lèvera dans les ténèbres
(Esaïe 58 : 10) ; » l’Éternel se retournera vers vous et il
vous pardonnera « abondamment (Esaïe 55 : 7) ».
Si,
après vous être examiné consciencieusement, vous ne pouvez pas
découvrir de péché par vous commis, qui soit cause de l'obscurité
dans laquelle votre âme s'est trouvée plongée, il convient, que
vous recherchiez alors si ce ne serait pas quelque péché d'omission
qui a mis séparation entre Dieu et vous. Serait-ce que vous avez
« souffert du péché en votre prochain ? (Lévitique 19 :
17) » Reprenez-vous ceux qui pèchent devant vous ?
Suivez-vous toutes les ordonnances du Seigneur ? êtes-vous
assidu au culte ? pratiquez-vous la prière en famille et en
particulier ? Si vous ne le faites pas, si vous négligez
habituellement un de ces devoirs bien connus ; comment
oseriez-vous espérer que le Seigneur continuera à faire luire sur
vous la clarté de sa face ? « Affermis le reste »
(Apocalypse 3 : 2) au plus tôt, et ton âme vivra. « Si vous
entendez aujourd'hui sa voix (Hébreux 3 : 7) », et si vous
l'écoutez, il suppléera lui-même par sa grâce à votre
insuffisance. Quand vous entendez cette voix derrière vous qui dit :
« C'est ici le chemin ; marchez-y (Esaïe 30 : 2) »,
n'endurcissez point votre cœur ; « ne résistez point à
la vision céleste (Actes 26 : 19) ». Aussi longtemps que
le péché, que ce soit une faute commise ou bien un devoir omis,
n'aura pas été enlevé, toutes les consolations qu'on pourrait vous
donner seraient vaines et trompeuses. Ce serait comme cette peau qui
se referme sur une plaie tandis qu'au dessous l'abcès continue à se
former et à s'étendre. N'attendez aucune paix. intérieure avant
d'avoir fait votre paix avec Dieu ; et vous ne pouvez la faire
sans porter « des fruits convenables à la repentance (Matthieu 3 :
8) ».
Mais
peut-être ne trouvez-vous pas même chez vous un péché d'omission
qui ait pu ainsi troubler votre paix et votre joie émanant du
Saint-Esprit. Serait-ce alors quelque péché secret qui, semblable à
une « racine d'amertume » , pousse en haut et infecte
votre cœur ? Cet état de sécheresse et de stérilité, dans
lequel est votre âme, ne provient-il pas de ce que votre mauvais
cœur « vous a fait abandonner le Dieu vivant ? (Hébreux 3 :
12) » « Le pied de l'orgueil » (Psaume 36 : 12
d'après la version anglaise) ne s'est il pas avancé contre vous ?
N'avez-vous pas eu de vous-même « une plus haute opinion que
vous ne deviez ? (Romains 12 : 3) » N' avez-vous point,
pour telle ou telle chose, « sacrifié à votre filet et
encensé à vos rets ? (Habacuc 1 : 16). N'avez-vous pas
attribué votre succès dans quelque entreprise à votre courage, à
votre force, à votre sagesse ? Ne vous êtes-vous pas glorifié
de quelque chose que vous aviez reçu, « comme si vous ne
l'aviez pas reçu ? (1Corinthiens 4 : 7) » Ne vous êtes vous
pas glorifié « en autre chose qu'en la croix de notre Seigneur
Jésus-Christ (Galates 6 : 14) ». N'avez-vous ni recherché
ni désiré l'honneur qui vient des hommes ? N'y avez-vous pas
pris plaisir ? S'il en était ainsi, vous savez ce qu'il vous
faut faire. Si c'est l'orgueil qui a occasionné votre chute,
« humiliez-vous sous la puissante main de Dieu, afin qu'il vous
élève quand il en sera temps (1Pierre 5 : 6). N'auriez-vous pas
contraint le Seigneur â s'éloigner de vous, en vous livrant à la
colère ? Ne vous êtes-vous point « irrité à cause des
impies », et, n'avez-vous pas été « jaloux de ceux qui
s'adonnent à la perversité ? (Psaume 37 : 1) » Ne vous
êtes-vous point emporté contre quelqu'un de vos frères, à cause
de quelque péché réel ou imaginaire que vous avez vu en lui, mais
vu, de telle façon qu'à votre tour vous avez péché contre la
sainte loi de l'amour en fermant votre cœur à ce frère ? Dans
ce cas, regardez au Seigneur pour qu'il renouvelle vos forces et afin
que toute cette dureté et cette froideur disparaissent, afin que
l'amour, la paix et la joie vous reviennent du même coup et que vous
puissiez toujours être « bons les uns pour les autres, pleins
de compassion, vous pardonnant mutuellement, comme Dieu vous a aussi
pardonnés par Christ. (Eph 4 : 32) ». Serait-ce que vous
vous êtes laissé aller à quelque désir insensé, à quelque
affection déplacée ou excessive ? S'il en est ainsi, l'amour
de Dieu ne saurait habiter dans votre cœur, à moins celle vous n'en
bannissiez vos idoles. « Ne vous abusez point ; on ne se
joue pas de Dieu (Galates 6 : 7) » il n'habitera point dans un
cœur partagé. Aussi longtemps que vous demeurerez attaché à
Délila, l'Éternel ne saurait posséder votre âme. Vainement vous
espéreriez retrouver sa clarté, si vous n'arrachez pas « l’œil
droit » pour le jeter loin de vous. Oh ! ne tardez pas
davantage, et criez à lui pour qu'il vous donne la force de le
faire ! Reconnaissez avec tristesse votre incapacité, votre
impuissance ; et, soutenus par son secours. entrez par la porte
étroite et emportez d'assaut le royaume des cieux ! Expulsez
toute idole du sanctuaire de l'Éternel, et bientôt sa gloire
apparaîtra !
Peut-être
est-ce précisément parce que vous ne vous efforcez pas, parce que
vous êtes tombé dans l'indolence spirituelle, que votre âme est
pleine d'obscurité. Vous habitez le pays en sécurité ; point
de guerre dans vos parages ; aussi êtes-vous tranquille et sans
souci. Vous suivez la routine des devoirs extérieurs, et vous vous
en tenez là. Peut-on s'étonner alors que votre âme soit morte ?
Oh ! secouez-la et la réveillez sous le regard du Seigneur !
Levez-vous et secouez la poussière de dessus vous ; luttez avec
Dieu pour remporter sa puissante bénédiction ; répandez votre
âme devant lui par la prière, et ne manquez pas d'y persévérer.
Veiller ! sortez de votre sommeil, et n'y retombez plus, sans
quoi vous n'avez, devant vous que la perspective de perdre toujours
plus la lumière et la vie de Dieu.
Mais
si, après un examen complet et sincère de vous-même, il est
évident pour vous que vous n'êtes pas actuellement asservi à
l'indolence spirituelle et que vous ne commettez pas tel ou tel autre
péché intérieur ou extérieur, alors vous devez passer en revue le
passé. Réfléchissez aux dispositions, aux paroles, aux actions qui
ont marqué ce temps. Ont-elles été bonnes devant le Seigneur ?
« Entre dans ton cabinet (Esaïe 26 : 20) », « pense
en toi-même sur ton lit, et demeure en repos (Psaume 4 : 5) ».
Demandez à Dieu de sonder le fond de votre cœur, et de vous
rappeler tout ce qui a pu dans le passé « irriter les yeux de
sa gloire (Esaïe 3 : 8) ». Si votre âme demeure entachée
de la responsabilité de quelque péché dont vous ne vous êtes pas
repenti, vous ne pouvez manquer d'être dans l'obscurité spirituelle
jusqu'au jour où, ayant été « renouvelé à la repentance
(Hébreux 6 : 6) », vous aurez été de nouveau lavé par la
foi dans « la source ouverte pour le péché et pour la
souillure (Zacharie 13 : 1) ».
Le
traitement de votre cas devra être tout différent si la cause de
votre mal se trouve être, non pas le péché, mais l'ignorance.
Peut-être est-ce l'ignorance du sens des Écritures, ignorance
provenant de celle des interprètes de la parole de Dieu, qui peuvent
être fort instruits, fort savants à d'autres égards, mais dans
l'ignorance sur un point particulier. S'il en est ainsi, il faut
commencer par dissiper cette ignorance, afin de dissiper l'obscurité
dont elle est cause. Il faudra donc que nous découvrions quel est le
sens véritable des textes bibliques qui ont été mal compris. Il
n'entre pas dans mon intention d'examiner ici tous les passages de
nos saints livres qui ont été associés à la question qui nous
occupe ; mais je dois en indiquer deux ou trois qu'on allègue
souvent pour prouver que, tôt ou tard, tous les croyants ont à
passer par l'obscurité.
On
cite entre autres Esaïe 50 : 10 : « Qui est celui
d'entre vous qui craint l'Éternel et qui écoute la voix de son
serviteur ? Que celui qui marche dans les ténèbres, et qui n'a
point de lumière, ait sa confiance au nom de l’Éternel, et qu'il
s'appuie sur son Dieu. Mais rien, pas plus dans le contexte que dans
le texte, ne prouve qu'il s'agit ici d'un individu qui possédait
antérieurement la lumière du Seigneur. Car il suffit d'être
convaincu de péché pour « craindre l'Éternel et écouter la
voix de son serviteur ». Et on pourrait donner à une personne
qui est dans cet état, et bien que son âme soit encore dans les
ténèbres et n'ait jamais vu la clarté de la face du Seigneur, le
conseil de mettre sa confiance au nom de l'Éternel et de s'appuyer
sur son Dieu », Ce passage ne saurait donc aucunement servir à
prouver que celui qui croit en Jésus-Christ est appelé à marcher
de temps à autre dans l'obscurité.
On
a cru trouver aussi cette doctrine dans Osée 2 : 14 :
« C'est pourquoi, voici, je l'attirerai, après que je l'aurai
fait aller dans le désert, et je lui parlerai selon son cœur ».
On a voulu conclure de ce passage que Dieu conduira tous les croyants
« dans le désert », dans un état d'anéantissement et
d'obscurité. Mais il est bien certain qu'il n'y a rien de pareil
dans ce texte ; il n'y est, pas question d'une certaine classe
de croyants, mais du peuple juif en particulier, et peut-être
exclusivement. Et si l'on voulait absolument l'appliquer à des cas
individuels, voici comment il faudrait entendre ce passage :
« Je l'attirerai par mon amour ; ensuite, je le
convaincrai de son péché, et finalement je le consolerai par ma
miséricorde et mon pardon ».
Un
troisième texte, sur lequel on a fondé cet enseignement, est, celui
qui est, inscrit, en tête de ce discours : « Vous êtes
maintenant dans la tristesse ; mais je vous verrai de nouveau,
et votre cœur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie
(Jean 16 : 22) » On s'est imaginé que Dieu s'éloignait,
au bout d'un certain temps, de tous ceux qui ont cru, et qu'il
fallait qu'ils passassent par cette tristesse pour posséder cette
joie que personne ne pourra leur ravir. Mais le contexte tout entier
nous montre que Jésus s'adresse ici uniquement à ses apôtres et
qu'il fait allusion à des événements particuliers, sa mort et sa
résurrection. « Dans peu de temps vous ne me verrez plus »,
(Jean 16 : 16) leur dit-il, c'est-à-dire pendant que je serai
dans le tombeau ; « et, un peu de temps après, vous me
reverrez », quand je serai ressuscité. « En vérité, en
vérité je vous dis que vous pleurerez et vous vous lamenterez, et
le monde se réjouira ; vous serez dans la tristesse ; mais
votre tristesse sera changée en joie (Jean 16 : 20) ». « Vous
êtes maintenant dans la tristesse », parce que je ais vous
manquer comme conducteur ; « mais je vous verrai de
nouveau », après ma résurrection, « et votre cœur se
réjouira, et personne ne vous ravira votre joie », celle que
je vous donnerai. Nous savons que tout cela s'est accompli à la
lettre dans le cas des apôtres. Mais il n'y a pas lieu de tirer de
là des conséquences relativement aux dispensations de Dieu à
l'égard des croyants en général.
Pour
ne pas aller plus loin, nous nous bornerons à rappeler un quatrième
passage, qu'on cite fréquemment à l'appui de la doctrine que nous
examinons ; c'est 1Pierre 4 : 12 : « Mes
bien-aimés, ne trouvez point étrange, si vous êtes comme dans une
fournaise pour être éprouvés ». Mais ce texte est tout aussi
étranger à la question que le précédent. En voici la traduction
littérale : « Bien-aimés, ne vous étonnez pas du feu,
qui est parmi vous et qui est pour votre épreuve ». En
admettant qu'on puisse appliquer ces paroles, par voie d'extension, à
des épreuves intérieures, il n'en reste pas moins vrai qu'elles ont
dû se rapporter d'abord au martyre et aux souffrances qui
l'accompagnaient. Ce passage ne peut donc servir à prouver le point
dont il s'agit ici. Et nous pouvons bien mettre au défi qui que ce
soit de trouver, soit dans l'Ancien Testament, soit, dans le Nouveau
Testament, un seul texte qui soit plus probant que celui-ci à
l'égard de la doctrine que nous combattons.
-
« Mais, nous dira-t-on, cette obscurité n'est-elle pas plus
salutaire que la lumière elle même ? L'œuvre de Dieu ne
s'accomplit elle pas plus rapidement et plus sûrement dans l'âme
quand celle-ci passe par des souffrances intimes ? Le croyant
n'est-il pas purifié par la douleur bien plus promptement, bien plus
efficacement que par la joie ? L'angoisse et le tourment, la
détresse, le martyre spirituel, ne font ils pas plus de bien qu'une
paix continuelle ? » - C'est là, en effet ce
qu'enseignent les auteurs mystiques ; mais si tel est le langage
de leurs écrits, tel n'est pas celui des oracles divins, Nulle part,
la Bible n'enseigne que c'est par le moyen de son absence que Dieu
avance le plus son œuvre dans un cœur. C'est au contraire par sa
présence et par une communion bien franche avec le Père et le
Fils ; un sentiment très vif de cette présence et de cette
communion feront plus, dans une heure, que l'absence du Seigneur
n'accomplirait en un siècle. La joie que donne le Saint-Esprit
purifiera le cœur bien mieux que la privation de cette joie ;
la paix de Dieu est le moyen le plus sûr de débarrasser l'âme de
la crasse et de l'écume des affections terrestres. Loin de nous donc
cette invention étrange, que le royaume de Dieu est divisé contre
lui-même, que la paix de Dieu et la joie que procure le Saint-Esprit
sont incompatible avec la justice, et que nous sommes sauvés, non
par la foi et l'espérance, mais par l'incrédulité et le
désespoir !
Aussi
longtemps qu'on croira à de pareilles rêveries, on peut s'attendre
à marcher dans les ténèbres. L'effet ne cessera de se produire que
lorsque la cause disparaîtra. Et pourtant, ne nous figurons pas que
l'effet va disparaître aussitôt que la cause aura été supprimée.
Quand l'ignorance ou le péché ont amené cette obscurité dans
l'âme, il peut arriver qu'ils soient, détruits sans
qu'immédiatement la lumière qu'ils avaient éclipsée reparaisse.
Elle est essentiellement un don de Dieu, et il l'accordera plus tôt
ou plus tard, selon sa volonté. Quand il y a eu péché, il est
assez naturel que la lumière d'en haut ne revienne pas tout de
suite ; car le péché ayant commencé avant le châtiment, il
n'est que juste que celui-ci lui survive. C'est ainsi que, dans le
domaine des maux physiques, une blessure ne saurait se guérir tant
que le trait y demeure enfoncé, et, d'un autre côté, la plaie
n'est pas guérie instantanément quand on en a retiré le
projectile ; le mal et la douleur persistent encore longtemps.
En
dernier lieu, si les ténèbres proviennent de tentations diverses,
pénibles et imprévues. le meilleur moyen d'éloigner ces ténèbres
et d'en préserver l'âme, c'est d'avertir les croyants qu'ils
doivent toujours s'attendre à être tentés, puisqu'ils sont dans un
monde mauvais. entourés d'esprits malfaisants, malicieux, rusés,
et, que leur cœur lui-même est capable de tout mal. Persuadez-leur
que l'œuvre entière de la sanctification ne s'accomplit pas dès le
commencement, comme ils se le sont imaginé, mais que, lorsqu'ils
sont arrivés à la foi, ils ne sont encore que des enfants
nouvellement nés qui doivent s'attendre à rencontrer plus d'une
tempête avant de parvenir à la stature parfaite de Christ. Et
surtout, avertissez-les que, lorsque l'ouragan fond sur eux, il faut
prier, et non raisonner avec Satan ; il faut répandre notre âme
en la présence du Seigneur et lui exposer nos difficultés. C'est à
ceux-là principalement que nous devons appliquer les grandes et
précieuses promesses de Dieu ; ce n'est pas à ceux qui sont
encore dans l'ignorance ; car il faut d'abord les tirer de cette
ignorance ; encore moins ces promesses sont-elles pour les
pécheurs impénitents. Aux âmes croyantes seules nous pourrons
annoncer sans réserve et avec affection, les bontés de Dieu notre
Sauveur ; nous pourrons auprès d'elles nous étendre ces
miséricordes qui sont de tout temps. C'est le cas d'insister sur la
fidélité de ce Dieu dont « toute la parole est éprouvée
(Proverbe 30 : 5) », sur l'efficacité de ce sang qui fut versé
pour nous et qui « nous purifie de tout péché (1Jean 1 :
7) ». Le Seigneur rendra lui-même témoignage à sa parole et
fera sortir ces âmes de leurs ennuis. Il leur dira :
« Lève-toi ; sois illuminée ; car ta lumière est
venue, et la gloire de l’Éternel s'est levée sur toi (Esaïe 60 :
1) ». Et si elles marchent humblement et fidèlement avec
Dieu, cette lumière « augmentera son éclat jusqu'à ce que le
jour soit en sa perfection (Proverbe 4 : 18) ».