Transcrit,
traduit et mis en ligne par : http:www.eglisedemaison.com
Des
mots symptomatiques : « Juste » et « Injuste »
Les
mots ne signifient pas autre chose que ce qu'une personne souhaite
exprimer, et je ne veux pas rendre certains mots « coupables par
association. » Et pourtant chaque attitude humaine possède son
expression verbale caractéristique, et donc, lorsque nous entendons
certains mots nous pouvons avec une certaine précision soupçonner
la présence d'une certaine attitude. C'est pour cette raison que
l'on peut dire que les mots sont symptomatiques. En eux-mêmes, ils
ne sont ni santé ni maladie, mais ils peuvent bien indiquer la
présence de l'une ou de l'autre. Ils peuvent également indiquer de
quelle maladie l'utilisateur souffre, ou le degré de santé dont
celui-ci jouit.
Cette
observation résulte de conversations avec les personnes religieuses.
Après avoir écouté parler certains chrétiens pendant quelque
temps, on commence à avoir une idée assez précise de la santé ou
de la maladie qui est présente dans leur âme. Certains mots
reviennent constamment et nous en disent dix fois plus sur le
locuteur qu'il n'aurait jamais imaginé que nous savions, et
également bien plus qu'il n'aurait souhaité nous dire. Les mots
sont symptomatiques.
L'un
des mots que l'on rencontre parfois parmi les chrétiens est le mot «
juste, » ou sa sœur jumelle désagréable « injuste. » Les gens
utilisent ces mots pour décrire la façon dont les autres les
traitent, et superficiellement ceux-ci peuvent paraître des mots
tout à faire innocents, voire indispensables. Toutefois, ils
indiquent une attitude intérieure qui n'a aucune place parmi les
croyants. L'homme qui parle d'un acte qui a été commis envers lui
comme étant « injuste » n'est pas un homme victorieux. Il est
intérieurement vaincu, et pour se protéger il fait appel à un
arbitre pour qu'il remarque la faute qui a été commise. Cela lui
donne un alibi au moment où on l'emmène dans le brancard et lui
sauve la face pendant qu'il bat la retraite. Il pourra toujours
expliquer sa défaite en disant qu'il a été traité injustement par
les autres.
Les
chrétiens qui comprennent la vraie signification de la croix ne se
permettront jamais de pleurnicher sur leur sort, et ne se plaindront
jamais d'avoir été traité « injustement » par les autres. Qu'ils
aient reçu un traitement « juste » ou non ne leur viendra jamais à
l'esprit. Ils savent qu'ils ont été appelés à suivre Christ, et
que sans aucun doute Christ n'a jamais reçu ce qui pourrait dans la
moindre mesure s'approcher d'un traitement juste de la part de
l'humanité.
C'est
là que réside la gloire de la croix — qu'un Homme a souffert
injustement, a été maltraité, décrié, et crucifié par des gens
qui étaient indignes de respirer le même air que Lui. Et pourtant
Il n'a pas ouvert Sa bouche. Bien que mal traité, Il n'a pas rendu
la haine, et quand Il a souffert, Il n'a menacé personne. La pensée
qu'Il aurait pu réclamer la justice à Son égard ne peut pas même
être entretenue par un cœur pieux. Sa vie toute entière a été
donnée pour rendre ce qu'Il n'avait pas dérobé. S'Il s'était
assis et avait soigneusement compté combien il devait et n'avait pas
payé un centime de plus, l'univers moral tout entier se serait
effondré.
Le
chrétien victorieux ne s'intéresse pas à ce que les choses soient
justes à son égard. L'amour ne cherche pas son propre intérêt, et
ce qui est bizarre c'est que le saint joyeux qui ouvre sa main pour
être volé librement par les autres se trouve toujours être plus
riche que ceux qui le volent.
Parfois,
il est vrai, Dieu permet à Son peuple de subir des traitements
injustes et Il attend le jour de la vérité pour rétablir la
balance. Mais la plupart du temps Ses jugements ne se font pas
attendre si longtemps. Et quand bien même les chrétiens devraient
souffrir injustement ici-bas, s'ils acceptent le mal dans un bon
esprit et sans plainte, alors ils ont vaincu leur ennemi et gagné la
bataille. C'est après tout leur plus grand désir d'être
intérieurement victorieux, et s'ils peuvent en plus rire et aimer et
louer pendant qu'on les maltraite, alors ils ont atteint le désir de
leur cœur. Qui peut en demander davantage ?
D'autres
mots symptomatiques :
« rancœur » et « ressentiment »
Dans
le chapitre précédent nous avons fait référence à certains
termes révélateurs qui portent en eux des connotations sans
relation avec leur étymologie. Le mot « injuste » faisait partie
de ces termes. Le mot « rancœur » dans ses différentes
incarnations en est un autre.
Cela
fait un certain temps que j'évolue dans les milieux chrétiens, et
je n'ai jamais entendu le mot « rancœur » être utilisé par un
chrétien victorieux. Ou en tout cas s'il utilisait ce terme, ce
n'était pas pour décrire un sentiment présent dans son propre
cœur. Au cours des dizaines de conférences et des centaines de
conversations, j'ai souvent entendu les gens dire : « J'ai une
rancune contre un tel » mais encore une fois, je n'ai jamais entendu
ces mots utilisés par des chrétiens victorieux. La rancœur ne peut
tout simplement jamais demeurer dans un cœur aimant. Avant que la rancœur ne puisse entrer, l'amour doit s'envoler et l'amertume doit
s'installer. L'âme amère s'érigera des listes de doléances qui
justifient la rancœur et les protégera jalousement comme une ourse
garde ses petits. Et l'image est juste parce qu'un cœur amer est
toujours méfiant et suspicieux.
Il
y a peu de choses plus déprimantes que d'entendre un soi-disant
chrétien défendre son bout de gras, et de résister amèrement à
toute atteinte à ses supposés droits. Un tel chrétien n'a jamais
accepté le chemin de la croix. Les douces grâces que sont la
soumission et l'humilité lui sont totalement inconnues. Tous les
jours il devient de plus en plus dur et acrimonieux en essayant de
défendre sa réputation, ses droits, son ministère contre ses
supposés ennemis.
Le
seul remède à cette sorte de chose est de mourir à soi-même pour
ressusciter avec Christ en nouveauté de vie. L'homme ou la femme qui
se donne pour objectif la volonté de Dieu atteindra ce but non pas
par l'autodéfense, mais par l'abnégation. Alors, quelle que soit le
traitement reçu par cette personne aux mains des autres, celle-ci
demeurera parfaitement en paix. La volonté de Dieu a été accomplie
– peu importe si elle est accompagnée de bénédictions ou de
fléaux, car le chrétien ne cherche ni l'une ni l'autre mais il
souhaite à tout prix faire la volonté de Dieu. Alors, qu'il soit au
sommet de la faveur publique ou qu'il sombre dans l'obscurité et le
mépris, il sera satisfait. S'il y en a qui prennent plaisir à faire
du mal à ce chrétien, pour autant il ne leur en voudra pas, car il
ne cherche pas son propre avancement, mais la volonté de Dieu.
Il
est triste de constater que certains philosophes païens aient dû
nous apprendre, à nous chrétiens, une leçon aussi simple que
celle-ci. « Je dois mourir, » dit Epictète, « et dois-je en plus
le faire en grognant ? Je dois être exilé ; et qu'est-ce qui
m'empêcherait d'y aller en souriant, paisible et serein ? 'Trahir un
secret.' Je ne le ferai pas. 'Alors nous t'enchaînerons.' Vous
enchaînerez ma jambe, mais personne ne peut s'imposer à mon libre
arbitre. 'Nous décapiterons ton vil corps.' Ne vous ai-je jamais
dit, » répondit Epictète, « que je suis seul à posséder une
tête qui ne peut être retranchée ? »
«
C'est là d'avoir étudié ce qui se doit d'être étudié ; d'avoir
placé nos désirs et nos aversions au-delà de la tyrannie et
au-delà de la bonne fortune. Je dois mourir – si instantanément,
alors je mourrai instantanément ; si bientôt, alors je dînerai
d'abord, puis, quand l'heure sera venue, alors je mourrai. Comment ?
Comme il convient à celui qui rend quelque chose qui ne lui
appartient pas. » Que personne ne rejette le raisonnement robuste de
cet antique philosophe. Même sans la lumière de la grâce
salvatrice, il savait comment une créature devait se comporter quand
elle se tenait sous la main puissante de son Créateur, et beaucoup
de chrétiens semblent ne pas en savoir autant. Mais nous avons une
meilleure autorité que la sienne pour diriger notre comportement.
Christ nous a laissé un exemple et devant celui-ci il ne peut y
avoir d'appel. Comme Il était, ainsi sommes-nous dans ce monde, et
Il n'a jamais ressenti la moindre rancune envers aucun homme. Même
ceux qui l'ont crucifié ont été pardonnés alors qu'ils
accomplissaient l'acte même. Il n'a pas prononcé un seul mot contre
eux ni contre les menteurs et hypocrites qui les ont incités à Le
détruire. Il était pourtant seul à connaître la pleine mesure de
leur cœur inique, mais Il a maintenu envers eux une attitude de
charitable compassion. Ils ne faisaient qu'accomplir leur devoir, et
même ceux qui leur avait commandé cette tâche sinistre étaient
inconscients de sa pleine signification. A Pilate Il a dit, «
Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi s'il ne t'avait été donné d'en
haut. » Ainsi Il référa tout à la volonté de Dieu et
s'éleva au-dessus du marécage des personnalités. Il n'a porté
aucune rancune envers aucun homme. Il n'avait aucun ressentiment.
Le
pire dans cette affaire c'est que ce n'est pas le tout d'attirer
l'attention dessus. Le cœur amer est souvent incapable de
reconnaître sa propre condition, et s'il arrive que l'homme
rancunier lise un jour ce texte, il sourira d'un air satisfait et
pensera que je parle de quelqu'un d'autre. Pendant ce temps là il
deviendra de plus en plus petit en essayant de grandir, et il
deviendra de plus en plus obscur essayant de se faire connaître.
Pendant qu'il s'empresse d'accomplir son objectif égoïste, ses
prières seront des accusations contre le Très-Haut et toutes ses
relations avec les autres chrétiens auront pour caractéristique la
suspicion et la méfiance.
Comme
disait Spurgeon par rapport à quelqu'un : « Que l'herbe pousse
vigoureusement sur sa tombe quand il mourra, car rien n'a pu pousser
autour de lui pendant qu'il était en vie. »
à suivre...