vendredi 29 juillet 2016

(14) LES SERMONS DE WESLEY L'ACCABLEMENT RÉSULTANT DES ÉPREUVES

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 Sermon 47 :  (1760)         L'ACCABLEMENT RÉSULTANT DES ÉPREUVES

1 Pierre 1:6    

Quoique maintenant, attristés (1) pour un peu de temps par diverses épreuves.  (1 Pierre 1:6 )
  
(1) Dans la version anglaise il y a appesantis, et J. Wesley a intitulé son discours : L'appesantissement par diverses tentations. Le mot appesantissement rappelle l'abattement, l'accablement qui accompagnent un violent chagrin ou des afflictions prolongées. (Trad.)

                    Dans le discours qui précède, j'ai parlé tout spécialement de cet obscurcissement de l'âme qu'on observe fréquemment chez des personnes qui marchaient autrefois à la clarté de la face du Seigneur. Il y a beaucoup de rapport entre cet état et un certain accablement moral qui se rencontre encore plus souvent, même parmi ceux qui ont cru. De fait, presque tous les enfants de Dieu éprouvent cela, les uns plus, les autres moins. Ces deux états d'âme se ressemblent tellement qu'on les confond assez souvent et qu'on dit indifféremment d'un homme : « Il passe par l'obscurité » ; ou bien : « Il passe par l'accablement ». On fait comme si ces expressions étaient équivalentes, comme si elles disaient exactement la même chose. Mais il s'en faut de beaucoup qu'il en soit, ainsi. L'obscurcissement de l'âme est une chose, et son accablement en est une autre. Non seulement il y a une différence entre ces deux situations ; mais c'est une différence profonde, essentielle. La distinction à faire entre les deux est de telle nature qu'il importe que tous les enfants de Dieu la comprennent, sans cela, rien de plus facile que de glisser de l'accablement dans les ténèbres.

                    Afin d'écarter ce danger, je vais essayer d'indiquer d'abord, à quelle classe de personnes l'apôtre dit : « Vous êtes maintenant attristés (ou accablés) » ; en second lieu, de quel genre était leur accablement ; en troisième lieu, quelles en étaient les causes ; quatrièmement, dans quel but cela leur arrivait ; et, enfin, je tirerai quelques conclusions du tout.

I

                    Cherchons d'abord à quelle classe de personnes l'apôtre disait. : « Vous êtes maintenant attristés (ou accablés.) » Il est, en tout cas, évident que ces personnes avaient la foi, à l'époque où saint Pierre leur adressait ces paroles ; car il le dit positivement au verset 5 : « Vous qui êtes gardés par la puissance de Dieu, par la foi, pour obtenir le salut ». Et de nouveau, au verset 7, il dit : « L'épreuve de votre foi qui est beaucoup plus précieuse que l'or périssable ». Dans le verset 9 également : « Remportant le prix de votre foi qui est le salut des âmes ». Ainsi, tout en étant dans l'accablement, ces personnes possédaient une foi vivante ; cette profonde tristesse n'anéantissait pas leur foi ; « elles demeuraient fermes, comme voyant celui qui est invisible (Hébreux 11 : 27).

                    Leur accablement ne leur avait pas non plus fait perdre leur paix, celle « paix de Dieu qui surpasse toute intelligence (Philippiens 4 : 7) », et qui est inséparable d'une foi sincère et vivante. Cela découle tout naturellement du second verset de ce chapitre, où l'apôtre demande à Dieu pour ces chrétiens, non pas que la grâce et la paix leur soient données, mais qu'elles leur soient multipliées, c'est-à-dire que les bénédictions dont ils jouissaient déjà leur fussent accordées encore plus abondamment.

                     Ceux à qui saint Pierre s'adresse ici possédaient également une espérance vivante. Car il écrit, au verset 3 : « Béni soit le Dieu et le Père de notre Seigneur Jésus-Christ qui, selon sa grande miséricorde, nous a fait renaître », vous et moi, tous ceux qui « sont, sanctifiés par L'Esprit et ont part à l'aspersion du sang de Jésus-Christ » , (verset 2) « en nous donnant une espérance vive (ou vivante) de posséder l'héritage qui ne se peut ni corrompre, ni souiller, ni flétrir ». Malgré leur accablement, ces chrétiens conservaient donc une espérance immortelle.

                    Ils avaient aussi la joie, « se glorifiant dans l'espérance de la gloire de Dieu (Romains 5 : 2)  ». Ils étaient remplis de joie par le Saint-Esprit. Aussi l'apôtre, ayant parlé du moment « où Jésus-Christ paraîtra » (verset 7), c'est-à-dire où il viendra, à la fin, pour juger le monde, ajoute aussitôt « En qui vous croyez, quoique vous ne le voyiez pas encore », des yeux de votre corps, « et en croyant, vous vous réjouissez d'une joie ineffable et glorieuse » (verset 8). Cet accablement de la tristesse n'excluait conséquemment ni une espérance vive, ni une joie ineffable. Ils étaient tout à la fois attristés et, pleins d'une joie glorieuse.

                    Au sein de cet accablement moral, ils jouissaient cependant encore de l'amour de Dieu répandu dans leur cœur. « Lequel vous aimez, quoique vous ne l'ayez pas vu », dit saint Pierre (verset 8). Quoique vous ne l'ayez pas vu face à face, leur dit-il, vous avez appris à le connaître par la foi, et vous avez obéi à sa parole : « Mon fils, donne-moi ton cœur ! (Proverbe 23 : 26) » Il est votre Dieu, l'objet de votre amour, le désir de vos yeux, votre « très grande récompense » Vous avez cherché et trouvé votre bonheur en lui ; vous « prenez votre plaisir en l’Éternel, et il vous accorde les demandes de votre cœur (Psaume 37 : 4).

                    Il reste à ajouter ceci. Tout en étant accablés, ils demeuraient saints, ils conservaient le même ascendant sur le péché. A l'égard du péché, ils étaient encore et toujours « gardés par la puissance de Dieu (verset 5) ; » ils étaient « comme des enfants obéissants, ne se conformant point aux convoitises d'autrefois (verset 14) ; » et, « comme celui qui les avait appelés est saint », eux aussi de même étaient « saints dans toute leur conduite (verset 15)  ». « Sachant qu'ils avaient été rachetés par le précieux sang de Christ, comme de l'Agneau sans défaut : et sans tache (verset 18) », ils avaient, par la foi et l'espérance qu'ils mettaient en Dieu, « purifié leurs âmes en obéissant à la vérité par l'Esprit (verset 22)  ». Voilà donc, en résumé, une tristesse, un accablement qui n'empêchent pas la foi, l'espérance, l'amour de Dieu et du prochain, la paix de Dieu, la joie du Saint-Esprit, la sainteté au dedans et au dehors. Cet état n'anéantissait pas l'œuvre de Dieu dans l'âme de ces chrétiens, ne la dégradait en rien. Cela ne nuisait point chez eux à cette sanctification par l'Esprit qui est la racine de toute vraie obéissance à Dieu ; cela ne leur ôtait même pas ce bonheur qui découle nécessairement de la grâce et de la paix du Seigneur, lorsqu'elles règnent dans un cœur.

II

                    Ce que nous venons de dire aide à comprendre quelle était la nature de l'accablement, qui pesait, sur ces personnes ; et c'est là le second point que nous voulons éclaircir. Le mot employé dans le texte grec signifie attristés, chagrinés ; (c'est qui vient de tristesse, chagrin.) Tel est le sens littéral et invariable de ce mot. Il suit de là que cette expression ne saurait être ambiguë et qu'il ne peut pas être difficile d'en saisir la portée. Les personnes dont il s'agir ici étaient attristées ; leur accablement était, ni plus ni moins, du chagrin, de la douleur, et tout enfant des hommes sait par expérience ce que cela veut dire.

                     Il est probable que nos traducteurs (Ceux de la version anglaise, dite autorisée. Elle fut publiée en 1611 Il en a paru une révision en 1881 et le mot appesantis y est remplacé par attristés. (Trad.) ont employé ici le mot appesantis (ou accablés, qui est un peu plus spécial,) parce qu'ils voulaient exprimer deux choses, le degré et la durée de cette tristesse. Et on peut supposer, en effet, que le chagrin dont il est question dans notre texte n'était pas léger et insignifiant, mais de ceux qui font sur l'âme une forte impression et qui y pénètrent profondément. Ce n'était pas une de ces douleurs passagères qui s'envolent au bout d'une heure ; mais plutôt une de celles qui s'emparent tellement du cœur qu'on ne peut s'en débarrasser promptement ; c'est une tristesse qui persiste, comme si elle devenait une habitude ; au lieu d'être une simple émotion, et cela chez des hommes qui ont une foi vivante en Jésus-Christ et un amour sincère pour Dieu.

                    Même chez de tels chrétiens, cet accablement peut être parfois si grand qu'il projette une ombre sur l'âme tout entière, qu'il déteigne en quelque sorte sur nos sentiments et que cela s'aperçoive dans toute notre manière d'agir. Cela peut aussi influer sur le corps, en particulier chez les personnes dont la constitution est faible naturellement ou a été affaiblie par quelque maladie, et surtout par une maladie des nerfs. Dans bien des cas, c'est le corps mortel qui pèse sur l'âme ; mais ici c'est l'âme qui pèse sur le corps et qui l'affaiblit de plus en plus. Je ne suis pas même certain qu'un chagrin violent et prolongé ne puisse pas affaiblir une constitution solide et y déposer les germes de maladies qu'on ne guérira pas facilement. Mais tout cela peut se produire sans que l'âme cesse de posséder un certain degré de cette foi qui agit par l'amour.

                    C'est bien là ce qu'on peut appeler « une fournaise ». Et quoique ce genre d'épreuve ne soit pas celui dont l'apôtre parle dans le quatrième chapitre de cette épître, plusieurs des expressions dont il se sert en cet endroit pour caractériser les souffrances extérieures peuvent s'appliquer à la souffrance intime dont nous nous occupons. Il ne conviendrait pas de s'en servir en parlant de ceux qui sont « dans les ténèbres ». Car ceux-là ne se réjouissent pas : ils ne le peuvent ; et il ne serait pas vrai non plus de dire d'eux : « L'Esprit de gloire, qui est l'Esprit de Dieu, repose sur vous (1Pierre 4 : 2)  ». Mais cet Esprit repose souvent sur ceux qui sont attristés ou accablés, de sorte que, tout en étant tristes, ils sont pourtant « toujours joyeux ».

III

                    Passons à notre troisième point : Quelles sont les causes qui produisent cette tristesse, cet accablement chez des croyants sincères ? Saint Pierre le dit clairement : « Vous êtes maintenant attristés par diverses épreuves », par des épreuves variées, non seulement nombreuses, mais de divers genres. Elles peuvent, en effet, être modifiées et diversifiées de mille façons par l'introduction d'une foule de circonstances particulières. Cette variété, ces différences font qu'il est encore plus difficile de se défendre contre l'épreuve. Parmi ces afflictions diverses, on peut compter tous les maux physiques, et tout spécialement les maladies aiguës et tous les genres de souffrance violente, que le siège en soit d'ailleurs le corps tout entier ou bien une portion très minime de notre organisme. Sans doute, les gens qui ont toujours joui d'une santé parfaite et qui n'ont rien éprouvé de pareil, tiennent fort peu de compte de ces choses, et s'étonnent qu'une maladie ou une douleur physique aient pour effet d'accabler l'esprit. Peut-être y en a-t-il un sur mille qui soit constitué si exceptionnellement qu'il ne sente pas la souffrance comme le reste des hommes. Il a plu à Dieu de montrer sa toute-puissance en créant de ces natures prodigieuse, que la douleur ne semblait, point affecter, même quand elle était à son paroxysme ; mais il a pu se faire aussi que ce mépris de la douleur provînt soit d'une forte éducation, soit même de causes surnaturelles, par exemple, de l'assistance d'esprits bons ou mauvais qui ont pu élever ces individus au-dessus des conditions ordinaires de l'existence. Mais, en réservant ces cas extraordinaires, on peut dire :

La souffrance suffit pour abattre et troubler ; 
Et, quand elle est extrême,
Il peut arriver même 
Que les plus patients se laissent accabler.

                    Et lorsque ce dernier effet est écarté par la grâce divine, lorsque les chrétiens ont appris à « posséder leur âme par leur patience (Luc 21 : 19) », il peut cependant en résulter un grand accablement intérieur dû à la sympathie qui existe entre l'âme et le corps.

                  Toutes les maladies prolongées, bien qu'elles fassent moins souffrir, ont une tendance à produire, les mêmes résultats. Quand Dieu nous envoie la phtisie, ou bien une fièvre chaude avec ses alternatives de frissons, si ces maux ne sont pas promptement guéris, ils « consumeront nos yeux, et tourmenteront aussi nos âmes (Lévitique 26 : 16)  ». Tel est tout spécialement l'effet de toutes les affections qu'on appelle maux de nerfs. La foi n'a pas le privilège de suspendre le cours de la nature. Les causes naturelles continuent à produire leurs effets naturels. La foi n'empêche pas davantage l'esprit de s'abattre dans une maladie hystérique, qu'elle n'empêche le pouls de battre plus vite quand on a la fièvre.

                    D'un autre côté, « quand la calamité surviendra comme un tourbillon (Proverbe 1 : 27) » quand « la pauvreté et la disette viendront comme un homme armé, (Proverbe 6 : 11) », l'épreuve sera-t-elle insignifiante ? Faudra-t-il s'étonner si elle occasionne du chagrin et de l'accablement ? Pour ceux qui voient cela de loin et, après l'avoir vu, passent outre, ces afflictions peuvent sembler petites ; mais il en est autrement pour ceux qui les traversent. « Pourvu que nous ayons la nourriture et de quoi nous vêtir » , (le mot employé ici, se rapporte au logement, aussi bien qu'au vêtement, de quoi nous couvrir,) cela nous suffira (1Timothée 6 : 8) », si nous avons l'amour de Dieu dans le cœur. Mais que feront ceux qui n'ont pas même ces choses-là ? ceux qui sont réduits à « chercher leur retraite dans les rochers (Job 24 : 8) », ceux qui n'ont que la terre pour lit et que le ciel pour couverture, qui n'ont point pour eux et pour leur famille une demeure chaude ou même sèche, encore moins une maison propre, qui ne possèdent pas assez de vêtements pour se préserver, eux et ceux qu'ils aiment comme eux-mêmes, du froid perçant, soit de jour, soit de nuit ? Je ne puis m'empêcher de rire quand j'entends cette absurde exclamation d'un auteur païen :

Nil habet infelix paupertas durius in se
 Quàm quod ridiculos homines facit !..... (Juvénal, Satire 3, vers. 152, 153)

                    Est-il donc vrai que « la pauvreté malheureuse ne renferme rien de plus dur que ceci, qu'elle rend les hommes ridicules », les expose à ce qu'on rie d'eux ? Est-ce que la privation de nourriture n'est rien ? Dieu prononça cette malédiction contre l'homme : « Tu mangeras le pain à la sueur de ton visage (Genèse 3 : 19)  ». Mais que de gens n'y a-t-il pas dans ce pays chrétien qui travaillent, et peinent, et suent pour n'avoir pas même, après tout, ce pain, qui ont à lutter à la fois contre la fatigue et contre la faim ! N'est-ce pas un surcroît de maux, quand on a travaillé dur toute la journée, de rentrer dans un logement pauvre, glacé, sale et misérable, où l'on ne trouve pas même la nourriture qu'il faudrait pour réparer ses forces ? J'en appelle à vous qui vivez dans l'aisance ici-bas et à qui il ne manque que des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, et un cœur pour comprendre tout ce que Dieu a fait pour vous ; dites-moi, n'est-ce rien que de chercher à gagner son pain, jour après jour, sans y réussir, et, pour comble d'infortune, d'avoir à écouter les cris de cinq ou six petits enfants qui réclament ce qu'on ne peut pas leur donner ? Si une main invisible ne retenait pas un homme qui en est là, comment pourrait-il éviter de « maudire Dieu et mourir ensuite ! » (Job 2 : 9) Point de pain, point de pain ! pour savoir ce que cela veut dire, il faudrait l'avoir éprouvé. Je trouve surprenant que cela ne cause que de l'accablement, même quand on a la foi !

                    On pourrait mentionner, comme venant ensuite, la perte des êtres qui nous sont chers, des nôtres, d'un père, d'une mère, peut-être encore peu avancés en âge ; d'un enfant bien-aimé qui entrait dans la vie et dont l'âme était étroitement liée à la nôtre ; ou bien d'un ami, qui était comme notre propre âme, d'un ami, don suprême, don le plus excellent du ciel après la grâce de Dieu ! Mille circonstances ont pu aggraver ces afflictions. Peut-être cet enfant, cet ami est-il mort dans nos bras ! peut-être nous a-t- il été au moment où nous y pensions le moins : il fleurissait, et il a été coupé comme une fleur ! Dans des cas pareils, non seulement l'épreuve peut nous toucher, mais elle le doit : Dieu a voulu qu'il en fût ainsi. Il ne nous a pas faits semblables au bois ou à la pierre. Il ne veut pas étouffer nos affections, mais les régler. Ainsi, laissons couler, sans les condamner, ces larmes que réclame la nature. On peut être affligé sans pécher.

                     C'est une douleur encore plus cruelle pour nous quand nous avons affaire à des âmes mortes en vivant, quand nous rencontrons méchanceté, ingratitude, apostasie chez ceux qui autrefois étaient unis à nous par les liens les plus forts. Qui dira le qu'un chrétien qui aime les âmes ressent en voyant son ami, son frère, perdu loin de Dieu ? en voyant un époux ou une épouse, un père ou une mère, un enfant se lancer dans le péché, comme le cheval dans la bataille, travailler ardemment à sa perte éternelle, malgré tous les raisonnements et toutes les supplications ? Et cette angoisse sera cent fois plus amère si l'on peut se souvenir d'un temps où cette personne, qui maintenant court à sa ruine, marchait dans le chemin de la vie. Le souvenir de ce qu'elle était autrefois ne sert plus qu'à envenimer toujours davantage l'aiguillon de la douleur qu'on éprouve en réfléchissant à son état actuel.

                    Il va sans dire que, dans ces diverses situations, notre grand adversaire mettra tout à profit pour faire son œuvre. « Il tourne autour de nous, cherchant qui il pourra dévorer (1Pierre 5 : 8) », et il déploiera toute sa puissance, toute sa ruse pour essayer de triompher d'une âme qui déjà est abattue. Il ne ménagera pas ses traits enflammés ; il lancera ceux qu'il juge les plus propres à pénétrer dans l'âme et à s'y planter profondément, en raison même de leur adaptation aux circonstances dans lesquelles la tentation a lieu pour cette âme. Il s'efforcera d'y insinuer l'incrédulité, le blasphème, le murmure contre Dieu. Il suggère à l'esprit cette pensée que décidément Dieu ne « s'inquiète pas de ce monde et ne le dirige pas, ou bien qu'il ne le dirige pas comme il faudrait, selon les lois de la justice et de la bonté. Il cherchera à insurger le cœur de l'homme contre Dieu, à ressusciter notre ancienne inimitié naturelle contre le Seigneur. Et si nous entreprenons de le combattre avec ses propres armes, si nous nous mettons à raisonner avec lui, notre accablement ne fera qu'augmenter et aboutira peut-être aux ténèbres les plus profondes.

                    Plus d'une fois on a exprimé l'opinion qu'il y a une autre cause d'accablement, sinon d'obscurité, pour l'âme : ce serait que Dieu se retire d'elle, uniquement parce que telle est sa volonté souveraine. Bien certainement il se retirera si nous contristons son Saint-Esprit par des péchés visibles ou cachés, soit en commettant le mal, soit en négligeant de faire le bien, en nous laissant aller à l'orgueil ou à la colère, à la nonchalance spirituelle, à des désirs insensés ou à des affections déréglées. Mais qu'il nous abandonne jamais simplement parce qu'il le veut, simplement parce que tel est son bon plaisir, je le nie formellement. Il n'y a pas un seul texte de ta Bible qui puisse fournir l'ombre d'un prétexte pour faire une pareille supposition. Cette idée est contraire non seulement à tel ou tel passage des Écritures saintes, mais à tout l'ensemble de la révélation divine. Elle répugne à la nature même de Dieu : c'est une insulte à sa majesté, à sa sagesse ; ce serait, comme l'a dit énergiquement un grand écrivain, « jouer à cache-cache avec ses créatures ». Ce serait incompatible avec sa justice et avec sa miséricorde, comme avec l'expérience authentique de son peuple.

                          Une autre cause d'accablement a été indiquée par certains auteurs qu'on a qualifiés du nom de Mystiques. Et, je ne sais trop comment, leurs vues se sont propagées parmi de braves gens qui ne connaissent pourtant pas ces écrivains. Je ne saurais mieux rendre compte de ces idées particulières qu'en citant les paroles d'une femme (John Wesley cite peut-être ici les idées de Madame Guyon ou plus probablement celles d'Antoinette Bourignon, qui a publié vingt et un volumes d'écrits mystiques. Madame Guyon en a laissé trente-neuf. (Trad.) ) qui raconte ainsi ce qu'elle a éprouvé : « Je continuais à être si heureuse en mon Bien-aimé que, s'il m'avait fallu vivre errante dans un désert, cela ne m'aurait pas paru difficile. Mais cet état ne dura pas longtemps ; car je me trouvai effectivement bientôt conduite dans un désert. Je me trouvai dans un état d'abandon, tout à fait pauvre, malheureuse, misérable. La vraie source de cette tristesse, c'est la connaissance que nous gagnons de nous-mêmes, et par laquelle nous apercevons combien peu nous ressemblons à Dieu. Nous nous voyons tout le contraire de lui ; nous voyons notre âme entièrement corrompue et dépravée, toute pleine de péché et de méchanceté, du monde et de la chair, de toute sorte d'abominations ». C'est de considérations de ce genre qu'on a conclu que la connaissance de nous-mêmes, qui est essentielle pour que nous ne périssions pas éternellement, ne peut manquer, lorsque nous sommes déjà arrivés à la foi par laquelle on est justifié, de produire chez nous le plus profond des accablements.

                     A propos de cette théorie, je ferai les observations suivantes. Dans un paragraphe précédent, l'auteur que je viens de ci ter disait : « Avant compris que je n'avais pas la vraie foi en Jésus-Christ, je me consacrai à Dieu, et aussitôt je sentis son amour ». C'est possible ; mais il n'est pas prouvé que ce fût la grâce de la justification. Il est plus probable que ce n'était que ce qu'on a appelé les attraits du Père. Et, s'il en était ainsi, l'accablement et les ténèbres qui suivirent étaient tout simplement les convictions de péché qui, dans l'ordre naturel des choses, doivent précéder la foi par laquelle on est justifié. D'un autre côté, si nous supposons qu'elle fut justifiée presqu'en même temps qu'elle s'apercevait qu'elle n'avait pas la foi, alors elle n'a pas eu le temps d'arriver à cette connaissance graduelle de soi-même qui d'ordinaire précède la justification ; et, dans ce cas, cette connaissance serait venue après ; et, comme elle ne s'y attendait pas, l'effet en aurait été d'autant plus accablant. De plus, je rappelle qu'après notre justification nous apprenons à connaître bien mieux qu'auparavant, d'une façon plus claire et plus complète, notre péché intérieur, l'entière dépravation de notre nature. Il n'y a pas de raison pour que cela plonge notre âme dans les ténèbres, et je n'oserais pas même affirmer que cela causera nécessairement de l'accablement. S'il en était ainsi, l'apôtre n'aurait pas employé cette expression : « S'il le faut (Notre traduction dit : « Vu que cela est convenable ». (1Pierre 1 : 6) ). Car, alors, il serait absolument indispensable de passer par là si on veut arriver à se connaître, c'est-à-dire en réalité si on veut connaître l'amour parfait de Dieu et être « rendus capables d'avoir part à l'héritage des saints dans la lumière (Colossiens 1 : 12)  ». Mais il. n'en est rien. Au contraire, Dieu peut augmenter en nous indéfiniment cette connaissance de nous-mêmes, et en même temps y augmenter dans la même proportion la connaissance de lui-même et le sentiment de son amour. Cela suffit pour qu'il n'y ait plus pour nous de désert, de misère, d'abandon, pour que tout en nous soit amour, paix et joie, jaillissant toujours plus jusqu'en vie éternelle.

IV

                       Et maintenant, quel but le Seigneur se propose-t-il en permettant cet accablement chez un si grand nombre de ses enfants ? Voici la réponse nette et simple de l'apôtre à cette question : « Afin que l'épreuve de votre foi, qui est beaucoup plus précieuse que l'or périssable, et qui toutefois est éprouvé par le feu, vous tourne à louange, à honneur et à gloire, lorsque Jésus-Christ paraîtra (verset 7)  ». Il peut y avoir une allusion à ce même but dans le passage bien connu, qui toutefois, nous l'avons déjà dit, se rapporte à un sujet tout à fait distinct : « Ne trouvez point étrange, si vous êtes comme dans une fournaise, pour être éprouvés, comme s'il vous arrivait quelque chose d'extraordinaire ; mais réjouissez-vous de ce que vous avez part aux souffrances du Christ, afin que, lorsque sa gloire se manifestera, vous soyez aussi comblés de joie (1Pierre 4 : 1,13).

                     Ces paroles nous apprennent que le but principal que Dieu se propose en permettant les tentations qui causent de l'accablement chez ses enfants, c'est d'éprouver leur foi, et cela l'éprouve comme le leu éprouve l'or, Nous savons que, quand l'or est éprouvé par le feu, il est ainsi purifié, dégagé de toute crasse. Eh bien, la même chose arrive à notre foi quand elle passe par la fournaise de la tentation ; plus elle est éprouvée, plus elle est purifiée, et plus aussi elle se fortifie, elle s'affermit, elle s'augmente puissamment, trouvant dans cette épreuve des marques nombreuses de la sagesse, de la puissance, de l'amour et de la fidélité du Seigneur. Accroître notre foi, telle est donc une des intentions de Dieu lorsqu'il permet que nous soyons tentés de diverses manières.

                     Ces afflictions servent aussi purifier, à affermir et à augmenter en nous cette espérance vive, à laquelle « le Dieu et le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, dans sa grande miséricorde, nous a fait renaître (1Pierre 1 : 3)  ». D'ailleurs, l'espérance ne peut manquer de grandir chez nous dans les mêmes proportions que la foi. Voici, en effet, sur quelle base elle repose. Nous croyons au nom de Jésus, nous vivons dans la foi au Fils de Dieu, et nous espérons, nous attendons avec confiance la gloire qui doit être révélée ; d'où il suit que tout ce qui sert à fortifier notre foi doit servir aussi à augmenter notre espérance. Et du même coup, cela augmentera notre joie, cette joie dans le Seigneur qui est inséparable d'une espérance pleine d'immortalité. C'est dans cette pensée que Saint-Pierre écrit plus loin à ces chrétiens : « Réjouissez- vous de ce que vous avez part aux souffrances de Christ  » ; et qu'il ajoute : « Vous êtes bien heureux ; car l'Esprit de gloire, qui est l'Esprit de Dieu, repose sur vous  » ; et par là vous pouvez, même au sein de la souffrance, vous réjouir « d'une joie ineffable et glorieuse ».

                    Les chrétiens se réjouissent alors d'autant plus, que ces épreuves, qui augmentent leur foi et leur espérance, accroissent aussi leur amour, leur reconnaissance envers Dieu pour tous ses bienfaits, leur bienveillance envers tous les hommes. Plus ils sentent la grandeur de l'amour de Dieu leur Sauveur, plus aussi leur cœur s'embrase d'amour pour celui qui les « a aimés le premier (1Jean 4 : 19)  ». Plus ils ont une assurance nette et ferme de la gloire qui doit être manifestée, plus aussi ils aiment celui qui la leur a acquise et qui leur « a donné les arrhes dans leurs cœurs (2Corinthiens 1 : 22)  ». Ainsi, voilà encore un but, en vue duquel Dieu a permis que ces tentations survinssent.

                    Un autre but qu'il se propose, c'est de nous faire faire des progrès dans la sainteté, tant celle du cœur que celle de la conduite ; la seconde procède tout naturellement de la première ; car un bon arbre produira de bons fruits. Or, toute sainteté intérieure est le fruit immédiat de cette foi qui agit par l'amour. L'Esprit divin se sert de ce moyen pour purifier le cœur de l'orgueil, de la volonté charnelle, de la colère, de l'amour du monde, des désirs insensés et funestes, des affections basses et vaines. De plus, il est certain que, par l'action de la grâce de Dieu, les épreuves sont sanctifiées pour notre bien et nous portent à la sainteté d'une manière très directe. Grâce aux opérations de son Esprit, elles humilient de plus en plus notre âme et la courbent devant le Seigneur. Elles calment et adoucissent notre esprit remuant, elles domptent la violence de notre naturel, elles assouplissent notre volonté personnelle revêche, elles nous crucifient à l'égard du monde, et enfin elles nous amènent à attendre de Dieu toute notre force, a ne chercher notre bonheur qu'en Dieu.

                     Tous ces effets concourent à l'accomplissement de ce but suprême, que notre foi, notre espérance, notre amour et notre sainteté « nous tournent à louange » de la part de Dieu lui-même, « à honneur » devant les hommes et les anges, « et à gloire » même ; car le Juge souverain décernera la gloire à ceux qui auront persévéré jusqu'à la fin. Il l'accordera, dans ce jour solennel, « à chacun selon ses œuvres (Matthieu 16 : 27 etc.) ; » selon l'œuvre accomplie par Dieu lui-même dans le cœur de chaque homme, les œuvres visibles qu'il aura faites pour le Seigneur, et aussi selon ce qu'il aura souffert. Ainsi, toutes ces épreuves sont pour nous un gain indicible. Ainsi, de mille manières, « notre légère affliction du temps présent produit en nous le poids éternel. d'une gloire infiniment excellente (2Corinthiens 4 : 17)  ».

                      Il faut également tenir compte des bons effets produits sur ceux qui nous verront endurer l'épreuve comme il faut. L'expérience nous enseigne que l'exemple a plus d'influence que le précepte. Et quel exemple pourrait exercer une influence plus puissante, non seulement sur ceux qui ont reçu une foi du même prix, mais aussi sur ceux qui ne connaissent pas le Seigneur, que l'exemple d'une attitude d'esprit calme et sereine au milieu des tempêtes ; que la conduite d'un chrétien qui est attristé, mais pourtant toujours joyeux ; qui accepte avec douceur la volonté de Dieu quelle qu'elle soit, même lorsqu'elle est le plus pénible pour la nature humaine, qui, dans la maladie et dans la souffrance, peut, dire : « Ne boirai-je pas la coupe que le Père m'a donnée à boire ? (Jean 18 : 11) » qui, dans le deuil ou les privations, peut s'écrier : « L'Éternel l'avait donné ; l'Éternel l'a ôté ; que le nom de l'Éternel soit béni (Job 1 : 21) »

                    Pour terminer, tirons de ce qui précède quelques conclusions. Et d'abord, quelle différence absolue entre l'obscurité spirituelle et l'accablement de l'âme ! Et, cependant, ces deux états sont généralement confondus, même par des chrétiens d'expérience. L'obscurité spirituelle, le passage du désert, comme on l'a surnommée, signifie une privation complète de cette joie que donne le Saint-Esprit. Il n'en est pas ainsi dans l'accablement de l'âme ; car, même alors, on peut se réjouir d'une joie ineffable. Ceux qui sont dans les ténèbres ont perdu la paix de Dieu, ceux qui passent par l'accablement la conservent, et même c'est à ce moment-là que la paix et la grâce peuvent leur être multipliées. Chez les premiers, l'amour de Dieu s'est refroidi, sinon tout à fait éteint ; chez ceux-ci, il a gardé toute sa vigueur et même il grandit de jour en jour. Chez les uns, la foi est sérieusement entamée, si même elle n'est anéantie ; car leur conviction et leur assurance des choses invisibles, et en particulier de l'amour de Dieu et de son pardon, ne sont plus nettes et fermes comme auparavant, et leur confiance dans le Seigneur est diminuée d'autant. Quant aux autres, bien qu'ils ne voient pas Dieu, ils ont en lui une confiance profonde et inébranlable ; ils possèdent une certitude constante de cet amour qui efface tous leurs péchés. Ainsi donc, tant que la foi et l'incrédulité, l'espérance et le désespoir, la paix et la guerre, l'amour de Dieu et l'amour du monde resteront choses distinctes, nous pouvons reconnaître infailliblement un état d'obscurcissement d'avec un état d'accablement.

                    Une leçon à apprendre ici, c'est qu'il peut être nécessaire que nous passions par l'accablement, mais il ne peut pas l'être que nous passions par les ténèbres. Il peut être bon que nous soyons attristés pour un peu de temps en vue des résultats indiqués plus haut, ou du moins dans ce sens que ces résultats découleront naturellement de ces diverses afflictions qui auront servi à éprouver et à augmenter notre foi, à affermir et à développer nos espérances, à purifier notre cœur de tous les sentiments contraires à la sainteté, à nous perfectionner dans l'amour enfin. Et c'est de la même façon que, finalement, ces afflictions contribueront à rendre notre couronne plus brillante, à accroître pour nous le poids de la gloire éternelle. Mais nous ne pouvons pas dire que les ténèbres soient utiles pour produire ces mêmes effets. Car elles n'aboutissent à rien de pareil.

                    La perte de notre foi, de notre espérance, de notre amour, ne tendent ni à nous rendre plus saints, ni à nous préparer dans le ciel une récompense plus éclatante, mais qui doit toujours être en rapport avec le degré de sainteté atteint ici-bas.

                    De ce que dit saint Pierre, nous pouvons aussi tirer cette conséquence que l'accablement lui-même n'est pas toujours nécessaire. « Maintenant » , « pour un peu de temps » , « vu que cela est convenable » , cela signifie bien que ce n'est pas nécessaire pour tous ; et que ce n'est pas invariablement nécessaire pour une même personne. Dieu peut (il est assez grand et assez sage pour cela), accomplir, s'il le juge à propos, cette œuvre dans une âme par toute sorte d'autres moyens. Il v a des cas où il le fait : il y a des chrétiens qu'il trouve bon de faire aller de force en force jusqu'à ce qu'ils aient « achevé leur sanctification dans la crainte de Dieu (2Corinthiens 7 : 1) », sans presque avoir affaire à l'accablement spirituel. C'est qu'il a un pouvoir absolu sur les âmes et en fait jouer tous les ressorts comme il veut. Mais ces cas-là sont rares. En général, Dieu trouve bon de faire passer par le creuset de l'affliction les hommes qu'il agrée. Aussi, des tentations diverses et plus ou moins d'accablement sont-ils habituellement la portion de ses enfants les plus chers.

                    En dernier lieu, tout cela nous rappelle qu'il faut veiller et prier, qu'il faut faire tous nos efforts pour ne point tomber dans un état ténébreux. Mais, quant à l'accablement, il ne s'agit pas tant d'y échapper que de mettre à profit cette dispensation. Notre grande préoccupation doit être de nous y comporter de telle sorte, d'y suivre le Seigneur de si près que nous y réalisions pleinement les intentions de son amour qui a permis que cela nous arrivât ; de telle sorte, enfin, que cela serve à augmenter notre foi, à affermir notre espérance, à nous rendre parfaits en toute sainteté. Et dès que nous sentirons approcher cet accablement, pensons à ce que Dieu a en vue en permettant que nous passions par cet état, et efforçons-nous de ne frustrer en rien ses plans en notre faveur. Soyons ouvriers avec lui de tout notre cœur par la grâce qu'il veut nous accorder sans cesse, afin que nous puissions « nous nettoyer de toute souillure de la chair et de l'esprit (2Corinthiens 7 : 1) ; » et grandir de jour en jour dans la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, jusqu'au moment où il nous recevra dans son royaume éternel ! 

 

jeudi 28 juillet 2016

(13) LES SERMONS DE WESLEY LE CHRÉTIEN DANS LE DÉSERT

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com 

Sermon 46 :  (1760)         LE CHRÉTIEN DANS LE DÉSERT

Jean 16,22

Vous êtes maintenant dans la tristesse ; mais je vous verrai de nouveau et votre cœur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie. (Jean 16 : 22)

                    Quand Dieu eut accordé au peuple d'Israël une grande délivrance en le tirant de la maison de servitude, ce peuple n'entra pas immédiatement dans le pays que l'Éternel avait promis à ses pères. Les Israélites errèrent dans le désert (Exode 13 : 18), et y furent tentés et affligés de diverses manières. Ainsi, lorsque le Seigneur a délivré ceux qui le craignent de l'esclavage du péché et de Satan, « et qu'ils sont justifiés gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ (Romains  3 : 23) », peu d'entre eux cependant entrent aussitôt dans ce repos qui « reste pour le peuple de Dieu (Hébreux 4 : 9)  ». La plupart errent, plus ou moins, hors du bon chemin où l’Éternel les avait introduits. Ils passent, pour ainsi dire, « par un pays désert et par un lieu hideux, où l'on n'entend que hurlements de désolation » et là ils sont tentés et tourmenté de diverses manières. C'est cet état que quelques personnes ont appelé, par allusion à l'histoire des Israélites, le désert. Il est bien certain que les âmes qui sont dans cet état ont droit à nos plus vives sympathies. Elles souffrent d'un mal funeste et cruel, mais qui n'est pas généralement compris, ce qui fait, qu'elles ont encore plus de peine à en trouver le remède. Étant elles-mêmes comme dans des ténèbres, on ne peut guère s'attendre à ce qu'elles comprennent la maladie dont elles sont atteintes. Et bien peu de leurs frères, peut-être même de leurs conducteurs, connaissent la nature de ce mal ou le moyen de le guérir. Raison de plus pour que nous examinions : D'abord, quelle est la nature de ce mal ; en second lieu, quelle en est la cause ; en troisième lieu, quel en est le remède.

I

                    Tout d'abord, quelle est la nature de cette maladie qui attaque tant d'âmes après qu'elles ont cru ? En quoi consiste-t-elle réellement, et quels en sont les vrais symptômes ? Ce mal consiste principalement en ce que ces personnes ont perdu la foi que Dieu avait produite dans leur cœur. Ceux qui sont dans le désert n'ont plus en eux comme auparavant cette démonstration divine, cette conviction satisfaisante des choses qu'on ne voit point (Hébreux 11 : 1). Ils n'ont plus cette manifestation intérieure de l'Esprit qui les rendait tous capables de dire : « Si je vis encore dans ce corps mortel, je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et qui s'est donné pour moi (Galates 2 : 20)  ». La lumière d'en haut ne vient plus « briller dans leurs cœurs (2Corinthiens 4 : 6) ; » ils ne « voient : plus celui qui est invisible (Hébreux 11 : 27) ; » les ténèbres s'étendent de nouveau sur la face de. leur âme, et l'aveuglement sur les yeux de leur esprit. Le Saint-Esprit ne vient plus « rendre témoignage à leur esprit qu'ils sont enfants de Dieu (Romains 8 : 16) ; » il n'est plus pour eux cet « Esprit d'adoption par lequel ils criaient (intérieurement) : Abba, Père (Romains 8 : 15) » Ils ne possèdent plus une ferme confiance en son amour, et la liberté de s'approcher de lui avec une sainte hardiesse. Leur cœur ne dit plus : « Voilà, quand il me tuerait, je ne laisserais pas d'espérer en lui (Job 13 : 15) ; » ils sont privés de leur force ; ils sont devenus faibles et timides comme les autres hommes (Allusion à Samson Juges 16 : 17).

                    De cette perte de la foi provient ensuite la perte de l'amour qui doit nécessairement croître ou diminuer en même temps que la foi véritable et vivante, et dans les mêmes proportions. Aussi, tous ceux chez qui la foi disparaît, voient aussi disparaître leur amour pour Dieu. Alors ils ne peuvent plus dire : « Seigneur ; tu connais toutes choses ; tu sais que je t'aime (Jean 21 : 17)  ». Ils ne trouvent plus en Dieu cette félicité dont jouit celui qui l'aime. Ils ne prennent point leur plaisir en lui comme autrefois, et ne sentent point « l'odeur de son parfum (Jean 12 : 3)  ». Naguère, « c'était, vers son nom et vers son souvenir que tendait le désir de leur âme (Esaïe 26 : 8) ; » mais aujourd'hui leurs désirs sont refroidis et amortis, sinon tout à fait éteints. Leur amour pour Dieu s'étant attiédi, leur amour pour le prochain à eu le même sort. On ne trouve plus chez eux ce zèle pour les âmes, qui faisait qu'ils désiraient ardemment les voir sauvées, ni ce besoin vif, pressant et, agissant de les amener à se réconcilier avec Dieu. Ils ne sentent plus en eux ces « entrailles de miséricorde » (Colossiens 3 : 12) pour les brebis perdues, cette tendre « compassion pour ceux qui pèchent par ignorance et par erreur (Hébreux 5 : 2)  ». Autrefois, ils « témoignaient une parfaite douceur envers tous les hommes (Tite 3 : 2) ; » ils instruisaient avec bonté ceux qui étaient opposés à la vérité et « si quelqu'un venait à tomber dans quelque faute, ils le redressaient avec un esprit de douceur (Galates 6 : 1) » Mais, après un intervalle qui a duré peut-être bien des jours, la colère commence à reprendre son empire ; la mauvaise humeur et l'impatience les attaquent vigoureusement pour les faire tomber ; et c'est beaucoup s'ils n'en viennent pas à « rendre mal pour mal et injure pour injure (1Pierre 3 : 9)  ».

                    Par suite de cette perte de la foi et de l'amour, il y a aussi une troisième perte : celle de la joie inspirée par le Saint-Esprit. Car si nous n'avons plus le sentiment, de notre pardon, avec l'amour qui en résulte, nous ne saurions conserver la joie qui en résulte aussi. Si l'Esprit ne témoigne pas à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu, c'en est fait de la joie que nous procurait ce témoignage intime. De même, chez ceux qui « se réjouissaient d'une joie ineffable (1Pierre 1 : 8) », « dans l'espérance de la gloire de Dieu (Romains 5 : 2) », une fois que cesse cette espérance pleine d'immortalité, il y a privation de la joie qui s'y attachait, comme aussi de la joie que leur donnait la possession de « l'amour de Dieu répandu dans le cœur (Romains 5 : 5)  ». La cause n'existant plus, l'effet ne se produit pas ; la source étant fermée, les eaux vives n'en jaillissent plus pour rafraîchir l'âme.

                    A ces pertes de la foi, de l'amour, de la joie, vient s'en ajouter une quatrième, celle de la paix qui surpasse toute intelligence. Ce doux calme de l'esprit, cette sérénité de l'âme ont disparu. Les doutes pénibles reviennent : nous nous demandons si jamais nous avons cru, peut-être même si jamais nous aurons la foi. Nous nous mettons à douter d'avoir éprouvé dans nos cœurs le témoignage réel du Saint-Esprit ; il nous semble que, nous nous sommes fait illusion, et que nous avons pris la voix de la nature pour celle de Dieu, et nous allons craindre de ne plus entendre la voix du Seigneur, de ne plus trouver grâce devant lui. Ces doutes font renaître en nous la crainte servile, la crainte qui est accompagnée de peine. Nous craignons la colère de Dieu, tout comme avant d'avoir cru ; nous craignons d'être rejetés loin de sa présence ; aussi retombons-nous dans cette crainte de la mort dont nous avions été entièrement affranchis.

                    Ce n'est pas tout ; car la privation de paix amène une privation de force. Nous savons que quiconque possède la paix avec Dieu par Jésus-Christ, possède la force de vaincre tout péché. Mais dès qu'on perd la paix du Seigneur, on perd aussi cet ascendant sur le péché. Tant qu'il y eut paix, il y eut aussi force, même vis-à-vis du péché qui nous enveloppe aisément ; que ce soit d'ailleurs un péché qui résulte de notre naturel, de notre tempérament, de notre éducation ou de notre position on avait même l'ascendant sur des dispositions coupables et des désirs mauvais, que l'on n'avait pu vaincre avant cela. Alors le péché ne dominait pas sur l'âme ; mais maintenant, c'est l'âme qui ne domine pas sur le péché. Le chrétien lutte bien encore ; mais il ne peut vaincre ; la couronne est tombée de son front. Ses ennemis triomphent de nouveau de lui, et plus ou moins ils le réduisent en esclavage. « La gloire est transportée » (1Sa 3 : 21) loin de lui ; le royaume de Dieu n'est plus dans son cœur. Il est dépouillé de sa justice, comme de sa paix et, de sa joie venant du Saint Esprit.

II

                    Telle est la nature de cet état d'âme que l'on a appelé assez justement le désert. Mais on s'en rendra compte mieux encore en examinant, en second lieu quelles en sont les causes. Il y en a de diverses espèces. Je n'ose pas mettre parmi ces causes une volonté de Dieu purement souveraine et arbitraire. Non ! Dieu « veut la paix de son serviteur (Psaume 35 : 27) » et « ce n'est pas volontiers qu'il afflige et qu'il contriste les fils des hommes (Lamentations 3 : 33)  ». Sa volonté invariable, c'est notre sanctification, ayant pour conséquences « la paix et la joie par le Saint-Esprit (Romains 14 : 17)  ». Ce sont là ses dons généreux, et il nous est déclaré que « les dons de Dieu sont irrévocables (Romains 11 : 29) Il ne se repent jamais de nous les avoir accordés ; il n'a jamais la pensée de nous les reprendre. Ce n'est donc jamais lui qui nous déserte, comme disent quelques-uns : c'est toujours nous qui le désertons (Allusion au titre même de ce discours).

                    La cause la plus ordinaire de ces ténèbres intérieures, c'est le péché sous une forme ou sous une autre. C'est généralement lui qui amène ce qui souvent ressemble à une complication de péché et de misère. Ce peut être, d'abord, une faute commise : cela suffit fréquemment pour plonger aussitôt l'âme dans l'obscurité, surtout si ce péché a été commis en connaissance de cause, volontairement, « par fierté (Psaume 19 : 14)  ». Si, par exemple, une personne qui « marche à la clarté de la face de Dieu (Psaume 59 : 16) », se laissait aller à commettre un seul acte d'intempérance ou d'impureté, il ne serait pas étonnant qu'elle se trouvât instantanément plongée dans de profondes ténèbres. Il y a eu, sans doute, quelques cas, d'ailleurs bien rares, dans lesquels le Seigneur n'a pas permis que cela arrivât et l'a empêché en déployant, presque au même instant, sa miséricorde et son pardon d'une façon tout à fait extraordinaire. Mais, en général, un tel abus de la bonté de Dieu, une insulte aussi faite à son amour, amènent aussitôt un sentiment de séparation d'avec Dieu et « des ténèbres qu'on pourrait toucher avec la main (Exode 10 : 21.)  ».

                    Il faut espérer que ce cas-là ne se présente pas souvent, et qu'il n'y a pas beaucoup d'hommes qui méprisent tellement les richesses de la bonté de Dieu, que de se révolter contre lui sans transition et sans ménagements, au moment, même où ils marchent dans sa clarté. Cette clarté, on la perd bien plus fréquemment par le moyen des péchés d'omission. Ceux-ci, à la vérité, n'éteignent pas l'Esprit immédiatement, mais ils le font par degrés et lentement. Les autres, c'est comme de l'eau qu'on jette sur le feu ; ceux-ci, c'est comme si on refusait au feu l'aliment combustible. L'Esprit d'amour nous reprend pour nos négligences, et il le fait bien des fois avant de nous abandonner à nous-mêmes. Que d'avertissements intérieurs, que d'appels secrets il nous adresse avant de nous retirer les bienfaits de son action sur nous ! Il faut donc toute une suite de péchés d'omission dans lesquels on persévère volontairement, pour attirer sur l'âme ces ténèbres épaisses.

                    Aucun, peut-être, de ces péchés d'omission n'aboutit plus fréquemment à ce triste état, que la négligence du devoir de la prière en secret, négligence qui ne peut, être compensée par l'assiduité à d'autres moyens de grâce. Il est plus que certain que la vie de Dieu ne peut subsister, encore moins grandir, dans notre âme, si nous ne recherchons pas les occasions de nous mettre en communion avec Dieu et de répandre notre cœur en sa présence. Si donc nous négligeons cela et si nous laissons les affaires, la société ou d'autres occupations prendre la place de ces exercices spirituels du cabinet, ou bien nous porter à expédier ces devoirs religieux le plus lestement possible et sans réfléchir à rien, ce qui a le même effet que si on les supprimait, oh ! alors, la vie de Dieu doit nécessairement baisser dans l'âme. Et si ces négligences se répètent et se prolongent, cette vie s'éteindra graduellement.

                    Un autre péché d'omission qui souvent amène l'âme, du croyant à cet état d'obscurité, c'est la négligence du devoir qui, sous la dispensation judaïque, avait été enjoint de cette façon si formelle « Tu ne haïras point ton frère dans ton cœur. Tu reprendras avec soin ton prochain, et tu ne souffriras point de péché en lui (Lévitique 19 : 17) ». Car, si nous haïssons notre frère dans notre cœur, et si, quand nous lui voyons commettre une faute, nous ne le reprenons pas, mais souffrons le péché en lui, cette conduite attirera bientôt la maigreur sur notre propre âme, attendu que par là nous participerons à son péché, En négligeant de reprendre notre prochain, nous prenons sa faute à notre compte, et nous aurons à en répondre devant Dieu. Nous l'avons vu en danger et nous ne l'avons pas averti ; s'il vient à « mourir dans son iniquité », Dieu pourra justement «redemander son sang de notre main (Ézéchiel 3 : 18) ». Est-il donc surprenant que, si nous attristons ainsi son Esprit, nous soyons privés de la clarté de sa face ?

                    Une troisième cause peut nous en priver. C'est quand nous cédons à quelque péché intérieur. Par exemple, nous savons que « quiconque est hautain de cœur est en abomination devant l'Éternel (Proverbe 16 : 5) », lors même que cet orgueil ne se montrerait pas dans sa conduite extérieure. Mais combien il est facile, pour une âme qui était pleine de paix et de joie, de tomber dans ce piège du diable ! Comme il est naturel de se croire plus de grâce, plus de sagesse ou plus de force qu'on n'en a, et d'avoir ainsi « de soi-même une plus haute opinion qu'on ne doit ! (Romains 12 : 3) » Comme il est naturel de « se glorifier de quelque chose qu'on a reçu, comme si l'on ne l'avait. pas reçu ! (1Corinthiens 4 : 7) » Mais puisque, de tout temps, « Dieu résiste aux orgueilleux, et fait grâce aux humbles (Jacques 4 : 6) » seulement, une pareille attitude ne peut manquer d'obscurcir, sinon d'éteindre, la, clarté qui brillait dans l'âme.

                    Les mêmes effets pourront se produire si l'on cède à la colère, même lorsqu'on y est provoqué par certaines circonstances. même quand cette colère peut se couvrir du nom de zèle pour la vérité ou pour la gloire de Dieu. C'est qu'en réalité tout zèle qui n'est pas allumé par la flamme de l'amour, est « terrestre, animal et diabolique (Jacques 3 : 15)  ». C'est la flamme de la colère : c'est pure colère, colère coupable ni plus ni moins. Et rien n'est plus contraire à l'amour divin si doux, si bienveillant ! Ces deux sentiments ne peuvent exister en même temps dans un cœur ; cela ne s'est jamais vu. A mesure que la colère domine quelqu'un, l'amour et la joie du Saint-Esprit diminuent proportionnellement chez lui. Cela se voit surtout là où il y a brouille, je veux dire lorsque nous sommes irrités contre quelqu'un de nos frères, de ceux qui tiennent à nous par des liens sociaux ou par des attaches religieuses. Si nous cédons à cet esprit de brouille, ne fût-ce que pendant une heure, nous perdrons la douce communion du Saint-Esprit ; et ainsi, au lieu d'améliorer les autres, nous nous nuirons à nous-mêmes et nous serons la proie du premier qui nous attaquera.

                     Mais si nous nous tenons en garde contre ce piège du diable, il se peut qu'il nous attaque d'un autre côté. Quand la violence et la colère sommeillent et que l'amour seul veille dans l'âme, elle peut se trouver en aussi grand danger par la passion qui, elle aussi, tend à nous plonger dans les ténèbres. C'est là, en effet, « la conséquence infaillible de tout désir insensé, de toute affection folle on déréglée. Si nous nous affectionnons aux choses de la terre, à qui que ce soit ou à quoi qui-ce soit d'ici-bas ; si nous désirons quelque autre chose que Dieu et que ce qui nous ramène à Dieu ; si nous cherchons le bonheur dans une créature, Dieu qui est jaloux contestera certainement avec nous, car il ne souffre point de rival. Et si nous ne voulons pas écouter sa voix qui nous avertit, et revenir à lui de tout notre cœur, si nous continuons à l'affliger par nos idoles et à courir après les dieux étrangers, nous serons bientôt dans un état de froideur, d'aridité et de sécheresse ; le dieu de ce monde aveuglera notre cœur et l'obscurcira.

                     Il réussit d'ailleurs souvent à le faire sans même que nous ayons cédé à quelque péché proprement dit. Il suffit, pour qu'il prenne le dessus, que nous négligions de « rallumer le don de Dieu qui nous a été communiqué (2Timothée 1 : 6) », que nous ne persévérions pas sans cesse à « nous efforcer d'entrer par la porte étroite (Luc 13 : 24) », que nous cessions de lutter ardemment pour la victoire et de « forcer et ravir le royaume des cieux (Matthieu 11 : 12) » Il n'y a qu'à ne plus combattre, et nous sommes certains d'être vaincus. Il n'y a qu'à être insouciant ou découragé, paresseux ou indolent, et bientôt les ténèbres naturelles nous envahiront de nouveau et rempliront notre âme. Il suffit donc de se laisser aller à la négligence spirituelle pour que notre âme soit positivement obscurcie ; ce péché nous dérobera la clarté divine, tout aussi sûrement, bien que plus lentement peut-être, qu'un meurtre ou un adultère.

                   Mais il faut bien considérer ceci, que la cause de cet obscurcissement, quelle qu'elle soit, péché de commission ou péché d'omission, péché intérieur ou péché extérieur, n'est pas toujours dans le voisinage immédiat de ses tristes effets. Il arrivera parfois qu'un intervalle considérable séparera la faute le ses conséquences. Elle peut avoir été commise plusieurs jours, plusieurs semaines auparavant. Et si Dieu nous retire aujourd'hui sa clarté et sa paix, à cause de ce qui s'est passé il y a si longtemps, ce n'est pas, comme on pourrait le croire à première vue, une preuve de sévérité de sa part, mais plutôt une preuve de sa patience et de sa tendre miséricorde. Il a attendu tout ce temps pour voir si nous sentirions, reconnaîtrions et redresserions ce qui, en nous, était défectueux ; et si nous ne le faisons pas, il finit par nous manifester son déplaisir afin de nous amener encore, si possible, à la repentance.

                    Une autre des causes principales de cet assombrissement de notre âme, c'est l'ignorance, qui, d'ailleurs, affecte diverses formes. Si un homme ne connaît pas les Écritures et s'imagine qu'il y a, dans l'Ancien Testament ou dans le Nouveau, des passages qui enseignent que tous les croyants sans exception doivent, de temps à autre, passer par cette obscurité, cette ignorance amènera tout naturellement chez lui cette obscurité à laquelle il s'attend. Et combien ce cas est fréquent parmi nous ! Combien peu de chrétiens ont des vues justes à cet égard ! Ce n'est pas étonnant pourtant ; car on leur a appris qu'il fallait s'attendre à cela ; leurs conducteurs spirituels les y ont encouragés. Et ce ne sont pas seulement les écrivains mystiques de l’Église romaine, ce sont aussi beaucoup des plus spirituels et des plus pratiques de la nôtre (à part quelques uns du siècle dernier) (Le dix-septième siècle.), qui présentent cet enseignement avec une entière assurance, comme une des doctrines les plus claires et les plus certaines de la Bible, et citent quantité de textes à l'appui.

                    Cet obscurcissement provient aussi fréquemment de ce qu'on ne comprend pas la manière dont Dieu opère dans l'âme. Les chrétiens se figurent (sur la foi des écrivains de l’Église romaine en particulier, qui ont été suivis sans examen suffisant par beaucoup de protestants), qu'ils ne peuvent pas toujours marcher dans une foi lumineuse ; que c'est là un état inférieur ; qu'à mesure qu'ils grandissent, ils doivent renoncer aux grâces sensibles, et vivre par la foi toute nue. Et elle sera nue, en effet, si on la dépouille de l'amour, de la paix et de la joie du Saint-Esprit ! Ils croient qu'un état de lumière et de joie est bon sans doute, mais qu'un état d'obscurité et de sécheresse spirituelles vaut encore mieux ; que c'est ainsi seulement que nous pouvons être purifiés de l'orgueil, de l'amour du monde et d'un amour-propre déréglé ; et que, conséquemment, nous ne devons ni espérer ni désirer de marcher toujours dans la lumière. C'est pour cela (bien que d'autres causes concourent aussi à ce résultat) que la plupart : des gens pieux dans l’Église romaine passent leur vie dans l'obscurité et le trouble, et que, s'ils sont parfois réjouis par la lumière divine, ils s'en voient, bientôt privés.

                    Une troisième cause générale d'obscurcissement spirituel se trouve dans les tentations. Au début, lorsque le flambeau du Seigneur vient briller sur notre sentier, il arrive souvent que la tentation s'enfuit et que nous en sommes entièrement exempts. Tout est tranquille en nous, et peut-être au dehors ; Dieu a contraint nos ennemis à nous laisser, en paix. Il semble tout naturel alors de nous figurer que nous n'aurons plus de combats. On a vu des cas où ce calme durait, non pas seulement quelques semaines, mais des mois et des années. D'ordinaire les choses se passent autrement, et avant longtemps les vents soufflent, la pluie tombe et tes torrents débordent tout de nouveau. Ceux qui ne connaissent ni le Fils ni le Père et qui, conséquemment, haïssent les enfants de Dieu, manifestent cette haine de diverses façons, dès que le Seigneur relâche tant soit peu le frein qu'il a mis à leur bouche. « Mais, comme autrefois celui qui était né selon la chair persécutait celui qui était né selon l'Esprit, il en est de même maintenant (Galates 4 : 29) ; » les mêmes causes produisent les mêmes effets. Le péché qui reste encore dans le cœur recommence à s'agiter ; la colère et beaucoup d'autres « racines d'amertume » Hébreux 12 : 15) tendent à « pousser en haut ». Satan ne manquera pas de saisir ce moment pour lancer ses traits enflammés, et notre âme aura à combattre non seulement contre le monde, non seulement « contre la chair et le sang, mais contre les principautés ; contre les puissances, contre les princes des ténèbres de ce siècle, contre les esprits malins qui sont dans les airs (Éphésiens  6 : 12) » Et quand des assauts si divers se produisent simultanément, quand peut-être ils se déchaînent avec une fureur inouïe, il n'est pas surprenant qu'un homme encore faible dans la foi se trouve l'âme oppressée et même obscurcie dans ces circonstances, surtout s'il ne veillait pas à ce moment-là, si ces assauts surviennent à l'heure où il ne s'y attendait pas. où il n'attendait rien de pareil, croyant ou du moins espérant que les jours mauvais ne reviendraient plus.

                    La puissance des tentations qui viennent du dedans sera considérablement accrue, si nous avions auparavant une plus haute opinion de nous-mêmes que nous n'aurions dû, jusqu'à nous croire purifiés de tout péché. Et combien nous sommes portés à le croire, pendant que nous ressentons l'ardeur du premier amour ! Comme nous sommes disposés alors à penser due Dieu a « accompli en nous puissamment... l'œuvre de la foi » (2Thessaloniciens 1 : 11) tout entière, qu'il n'y a plus de péché en nous puisque nous n'y en sentons plus, et enfin que notre âme appartient complètement à l'amour divin ! L'attaque impétueuse d'un ennemi, que l'on croyait non seulement vaincu, mais mort, ne peut guère manquer d'accabler lourdement notre âme, et même parfois de la plonger dans d'épaisses ténèbres, surtout si nous raisonnons avec cet ennemi, au lieu de crier immédiatement à Dieu et de nous jeter, avec une foi enfantine, dans les bras de celui qui « saura délivrer les siens de l'épreuve» (2Pierre 2 : 19)   
IIl

                    Telles étant les causes habituelles de cet obscurcissement qui s'empare de nouveau de l'âme, il nous reste à chercher quel en peut être le remède.

                     Ce serait une erreur grave et même fatale que de supposer qu'un seul et même traitement peut convenir à tous les cas. Cette idée est pourtant fort répandue, même parmi beaucoup de chrétiens qui passent pour être expérimentés, qui ont peut-être la prétention d'être des docteurs en Israël et de servir de guides aux autres. En conséquence, ces hommes ne connaissent et n'emploient qu'un seul remède, quelle que soit la cause de la maladie. Ils se mettent aussitôt à faire une application des promesses de Dieu, à « prêcher la bonne nouvelle », comme ils disent. Consoler, voilà tout, ce qu'ils se proposent ; et, pour y arriver, ils disent toutes sortes de choses tendres et douces sur l'amour de Dieu pour les pauvres pécheurs perdus, sur l'efficacité du sang de Jésus-Christ. C'est bien là du charlatanisme, et de la pire espèce ; car s'il n'a pas pour effet de ruiner le corps humain, il pourrait bien, si le Seigneur n'intervenait dans sa grande miséricorde, « perdre l'âme et le corps dans la géhenne (Mat 10 : 28)  ». Il est malaisé de trouver des termes suffisants pour faire bonne justice de ces gens qui « enduisent de mortier mal lié (Ézéchiel 13 : 10) », de ces marchands de promesses. Ils méritent bien le surnom qu'on a donné à d'autres mal à propos, celui de comédiens religieux. Ce sont eux qui « tiennent pour une chose profane le sang de l'alliance (Hébreux 10 : 29)  ». C'est une vraie prostitution des promesses de Dieu que de les appliquer ainsi sans distinction au premier venu. Le traitement. des maux spirituels ne doit-il pas varier selon les causes de ces maux, tout comme lorsqu'il s'agit des maladies du corps ? La première chose à faire, c'est de découvrir la cause ; cela même fera trouver le remède.

                   Demandez-vous donc : « Cette obscurité me vient-elle du péché, et de quel péché ? Est-ce d'un péché visible que j'ai commis ? » Demandez-vous si votre conscience ne vous accuse pas de commettre habituellement quelque péché, par lequel vous contristez le Saint Esprit. Serait -ce pour cette raison qu'il s'est retiré de vous et qu'avec lui ont disparu votre joie et votre paix ? Et comment pourriez-vous les retrouver sans jeter loin de vous l'interdit ? « Que le méchant délaisse sa voie (Esaïe 55 : 7). « Pécheurs, nettoyez vos mains (Jas 4 : 8)  ». « Ôtez de devant mes yeux la malice de vos actions (Esaïe1 : 16)  ». Alors « ta lumière se lèvera dans les ténèbres (Esaïe 58 : 10) ; » l’Éternel se retournera vers vous et il vous pardonnera « abondamment (Esaïe 55 : 7)  ».

                    Si, après vous être examiné consciencieusement, vous ne pouvez pas découvrir de péché par vous commis, qui soit cause de l'obscurité dans laquelle votre âme s'est trouvée plongée, il convient, que vous recherchiez alors si ce ne serait pas quelque péché d'omission qui a mis séparation entre Dieu et vous. Serait-ce que vous avez « souffert du péché en votre prochain ? (Lévitique 19 : 17) » Reprenez-vous ceux qui pèchent devant vous ? Suivez-vous toutes les ordonnances du Seigneur ? êtes-vous assidu au culte ? pratiquez-vous la prière en famille et en particulier ? Si vous ne le faites pas, si vous négligez habituellement un de ces devoirs bien connus ; comment oseriez-vous espérer que le Seigneur continuera à faire luire sur vous la clarté de sa face ? « Affermis le reste » (Apocalypse 3 : 2) au plus tôt, et ton âme vivra. « Si vous entendez aujourd'hui sa voix (Hébreux 3 : 7) », et si vous l'écoutez, il suppléera lui-même par sa grâce à votre insuffisance. Quand vous entendez cette voix derrière vous qui dit : « C'est ici le chemin ; marchez-y (Esaïe 30 : 2) », n'endurcissez point votre cœur ; « ne résistez point à la vision céleste (Actes 26 : 19)  ». Aussi longtemps que le péché, que ce soit une faute commise ou bien un devoir omis, n'aura pas été enlevé, toutes les consolations qu'on pourrait vous donner seraient vaines et trompeuses. Ce serait comme cette peau qui se referme sur une plaie tandis qu'au dessous l'abcès continue à se former et à s'étendre. N'attendez aucune paix. intérieure avant d'avoir fait votre paix avec Dieu ; et vous ne pouvez la faire sans porter « des fruits convenables à la repentance (Matthieu 3 : 8)  ».

                     Mais peut-être ne trouvez-vous pas même chez vous un péché d'omission qui ait pu ainsi troubler votre paix et votre joie émanant du Saint-Esprit. Serait-ce alors quelque péché secret qui, semblable à une « racine d'amertume » , pousse en haut et infecte votre cœur ? Cet état de sécheresse et de stérilité, dans lequel est votre âme, ne provient-il pas de ce que votre mauvais cœur « vous a fait abandonner le Dieu vivant ? (Hébreux 3 : 12) » « Le pied de l'orgueil » (Psaume 36 : 12 d'après la version anglaise) ne s'est il pas avancé contre vous ? N'avez-vous pas eu de vous-même « une plus haute opinion que vous ne deviez ? (Romains 12 : 3) » N' avez-vous point, pour telle ou telle chose, « sacrifié à votre filet et encensé à vos rets ? (Habacuc 1 : 16). N'avez-vous pas attribué votre succès dans quelque entreprise à votre courage, à votre force, à votre sagesse ? Ne vous êtes-vous pas glorifié de quelque chose que vous aviez reçu, « comme si vous ne l'aviez pas reçu ? (1Corinthiens 4 : 7) » Ne vous êtes vous pas glorifié « en autre chose qu'en la croix de notre Seigneur Jésus-Christ (Galates 6 : 14)  ». N'avez-vous ni recherché ni désiré l'honneur qui vient des hommes ? N'y avez-vous pas pris plaisir ? S'il en était ainsi, vous savez ce qu'il vous faut faire. Si c'est l'orgueil qui a occasionné votre chute, « humiliez-vous sous la puissante main de Dieu, afin qu'il vous élève quand il en sera temps (1Pierre 5 : 6). N'auriez-vous pas contraint le Seigneur â s'éloigner de vous, en vous livrant à la colère ? Ne vous êtes-vous point « irrité à cause des impies », et, n'avez-vous pas été « jaloux de ceux qui s'adonnent à la perversité ? (Psaume 37 : 1) » Ne vous êtes-vous point emporté contre quelqu'un de vos frères, à cause de quelque péché réel ou imaginaire que vous avez vu en lui, mais vu, de telle façon qu'à votre tour vous avez péché contre la sainte loi de l'amour en fermant votre cœur à ce frère ? Dans ce cas, regardez au Seigneur pour qu'il renouvelle vos forces et afin que toute cette dureté et cette froideur disparaissent, afin que l'amour, la paix et la joie vous reviennent du même coup et que vous puissiez toujours être « bons les uns pour les autres, pleins de compassion, vous pardonnant mutuellement, comme Dieu vous a aussi pardonnés par Christ. (Eph 4 : 32)  ». Serait-ce que vous vous êtes laissé aller à quelque désir insensé, à quelque affection déplacée ou excessive ? S'il en est ainsi, l'amour de Dieu ne saurait habiter dans votre cœur, à moins celle vous n'en bannissiez vos idoles. « Ne vous abusez point ; on ne se joue pas de Dieu (Galates 6 : 7) » il n'habitera point dans un cœur partagé. Aussi longtemps que vous demeurerez attaché à Délila, l'Éternel ne saurait posséder votre âme. Vainement vous espéreriez retrouver sa clarté, si vous n'arrachez pas « l’œil droit » pour le jeter loin de vous. Oh ! ne tardez pas davantage, et criez à lui pour qu'il vous donne la force de le faire ! Reconnaissez avec tristesse votre incapacité, votre impuissance ; et, soutenus par son secours. entrez par la porte étroite et emportez d'assaut le royaume des cieux ! Expulsez toute idole du sanctuaire de l'Éternel, et bientôt sa gloire apparaîtra !

                    Peut-être est-ce précisément parce que vous ne vous efforcez pas, parce que vous êtes tombé dans l'indolence spirituelle, que votre âme est pleine d'obscurité. Vous habitez le pays en sécurité ; point de guerre dans vos parages ; aussi êtes-vous tranquille et sans souci. Vous suivez la routine des devoirs extérieurs, et vous vous en tenez là. Peut-on s'étonner alors que votre âme soit morte ? Oh ! secouez-la et la réveillez sous le regard du Seigneur ! Levez-vous et secouez la poussière de dessus vous ; luttez avec Dieu pour remporter sa puissante bénédiction ; répandez votre âme devant lui par la prière, et ne manquez pas d'y persévérer. Veiller ! sortez de votre sommeil, et n'y retombez plus, sans quoi vous n'avez, devant vous que la perspective de perdre toujours plus la lumière et la vie de Dieu.

                    Mais si, après un examen complet et sincère de vous-même, il est évident pour vous que vous n'êtes pas actuellement asservi à l'indolence spirituelle et que vous ne commettez pas tel ou tel autre péché intérieur ou extérieur, alors vous devez passer en revue le passé. Réfléchissez aux dispositions, aux paroles, aux actions qui ont marqué ce temps. Ont-elles été bonnes devant le Seigneur ? « Entre dans ton cabinet (Esaïe 26 : 20) », « pense en toi-même sur ton lit, et demeure en repos (Psaume 4 : 5)  ». Demandez à Dieu de sonder le fond de votre cœur, et de vous rappeler tout ce qui a pu dans le passé « irriter les yeux de sa gloire (Esaïe 3 : 8)  ». Si votre âme demeure entachée de la responsabilité de quelque péché dont vous ne vous êtes pas repenti, vous ne pouvez manquer d'être dans l'obscurité spirituelle jusqu'au jour où, ayant été « renouvelé à la repentance (Hébreux 6 : 6) », vous aurez été de nouveau lavé par la foi dans « la source ouverte pour le péché et pour la souillure (Zacharie 13 : 1)  ».

                    Le traitement de votre cas devra être tout différent si la cause de votre mal se trouve être, non pas le péché, mais l'ignorance. Peut-être est-ce l'ignorance du sens des Écritures, ignorance provenant de celle des interprètes de la parole de Dieu, qui peuvent être fort instruits, fort savants à d'autres égards, mais dans l'ignorance sur un point particulier. S'il en est ainsi, il faut commencer par dissiper cette ignorance, afin de dissiper l'obscurité dont elle est cause. Il faudra donc que nous découvrions quel est le sens véritable des textes bibliques qui ont été mal compris. Il n'entre pas dans mon intention d'examiner ici tous les passages de nos saints livres qui ont été associés à la question qui nous occupe ; mais je dois en indiquer deux ou trois qu'on allègue souvent pour prouver que, tôt ou tard, tous les croyants ont à passer par l'obscurité.

                    On cite entre autres Esaïe 50 : 10 : « Qui est celui d'entre vous qui craint l'Éternel et qui écoute la voix de son serviteur ? Que celui qui marche dans les ténèbres, et qui n'a point de lumière, ait sa confiance au nom de l’Éternel, et qu'il s'appuie sur son Dieu. Mais rien, pas plus dans le contexte que dans le texte, ne prouve qu'il s'agit ici d'un individu qui possédait antérieurement la lumière du Seigneur. Car il suffit d'être convaincu de péché pour « craindre l'Éternel et écouter la voix de son serviteur ». Et on pourrait donner à une personne qui est dans cet état, et bien que son âme soit encore dans les ténèbres et n'ait jamais vu la clarté de la face du Seigneur, le conseil de mettre sa confiance au nom de l'Éternel et de s'appuyer sur son Dieu », Ce passage ne saurait donc aucunement servir à prouver que celui qui croit en Jésus-Christ est appelé à marcher de temps à autre dans l'obscurité.

                     On a cru trouver aussi cette doctrine dans Osée 2 : 14 : « C'est pourquoi, voici, je l'attirerai, après que je l'aurai fait aller dans le désert, et je lui parlerai selon son cœur ». On a voulu conclure de ce passage que Dieu conduira tous les croyants « dans le désert », dans un état d'anéantissement et d'obscurité. Mais il est bien certain qu'il n'y a rien de pareil dans ce texte ; il n'y est, pas question d'une certaine classe de croyants, mais du peuple juif en particulier, et peut-être exclusivement. Et si l'on voulait absolument l'appliquer à des cas individuels, voici comment il faudrait entendre ce passage : « Je l'attirerai par mon amour ; ensuite, je le convaincrai de son péché, et finalement je le consolerai par ma miséricorde et mon pardon ».

                    Un troisième texte, sur lequel on a fondé cet enseignement, est, celui qui est, inscrit, en tête de ce discours : « Vous êtes maintenant dans la tristesse ; mais je vous verrai de nouveau, et votre cœur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie (Jean 16 : 22) » On s'est imaginé que Dieu s'éloignait, au bout d'un certain temps, de tous ceux qui ont cru, et qu'il fallait qu'ils passassent par cette tristesse pour posséder cette joie que personne ne pourra leur ravir. Mais le contexte tout entier nous montre que Jésus s'adresse ici uniquement à ses apôtres et qu'il fait allusion à des événements particuliers, sa mort et sa résurrection. « Dans peu de temps vous ne me verrez plus », (Jean 16 : 16) leur dit-il, c'est-à-dire pendant que je serai dans le tombeau ; « et, un peu de temps après, vous me reverrez », quand je serai ressuscité. « En vérité, en vérité je vous dis que vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira ; vous serez dans la tristesse ; mais votre tristesse sera changée en joie (Jean 16 : 20)  ». « Vous êtes maintenant dans la tristesse », parce que je ais vous manquer comme conducteur ; « mais je vous verrai de nouveau », après ma résurrection, « et votre cœur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie », celle que je vous donnerai. Nous savons que tout cela s'est accompli à la lettre dans le cas des apôtres. Mais il n'y a pas lieu de tirer de là des conséquences relativement aux dispensations de Dieu à l'égard des croyants en général.

                      Pour ne pas aller plus loin, nous nous bornerons à rappeler un quatrième passage, qu'on cite fréquemment à l'appui de la doctrine que nous examinons ; c'est 1Pierre 4 : 12 : « Mes bien-aimés, ne trouvez point étrange, si vous êtes comme dans une fournaise pour être éprouvés ». Mais ce texte est tout aussi étranger à la question que le précédent. En voici la traduction littérale : « Bien-aimés, ne vous étonnez pas du feu, qui est parmi vous et qui est pour votre épreuve ». En admettant qu'on puisse appliquer ces paroles, par voie d'extension, à des épreuves intérieures, il n'en reste pas moins vrai qu'elles ont dû se rapporter d'abord au martyre et aux souffrances qui l'accompagnaient. Ce passage ne peut donc servir à prouver le point dont il s'agit ici. Et nous pouvons bien mettre au défi qui que ce soit de trouver, soit dans l'Ancien Testament, soit, dans le Nouveau Testament, un seul texte qui soit plus probant que celui-ci à l'égard de la doctrine que nous combattons.

                    - « Mais, nous dira-t-on, cette obscurité n'est-elle pas plus salutaire que la lumière elle même ? L'œuvre de Dieu ne s'accomplit elle pas plus rapidement et plus sûrement dans l'âme quand celle-ci passe par des souffrances intimes ? Le croyant n'est-il pas purifié par la douleur bien plus promptement, bien plus efficacement que par la joie ? L'angoisse et le tourment, la détresse, le martyre spirituel, ne font ils pas plus de bien qu'une paix continuelle ? » - C'est là, en effet ce qu'enseignent les auteurs mystiques ; mais si tel est le langage de leurs écrits, tel n'est pas celui des oracles divins, Nulle part, la Bible n'enseigne que c'est par le moyen de son absence que Dieu avance le plus son œuvre dans un cœur. C'est au contraire par sa présence et par une communion bien franche avec le Père et le Fils ; un sentiment très vif de cette présence et de cette communion feront plus, dans une heure, que l'absence du Seigneur n'accomplirait en un siècle. La joie que donne le Saint-Esprit purifiera le cœur bien mieux que la privation de cette joie ; la paix de Dieu est le moyen le plus sûr de débarrasser l'âme de la crasse et de l'écume des affections terrestres. Loin de nous donc cette invention étrange, que le royaume de Dieu est divisé contre lui-même, que la paix de Dieu et la joie que procure le Saint-Esprit sont incompatible avec la justice, et que nous sommes sauvés, non par la foi et l'espérance, mais par l'incrédulité et le désespoir !

                      Aussi longtemps qu'on croira à de pareilles rêveries, on peut s'attendre à marcher dans les ténèbres. L'effet ne cessera de se produire que lorsque la cause disparaîtra. Et pourtant, ne nous figurons pas que l'effet va disparaître aussitôt que la cause aura été supprimée. Quand l'ignorance ou le péché ont amené cette obscurité dans l'âme, il peut arriver qu'ils soient, détruits sans qu'immédiatement la lumière qu'ils avaient éclipsée reparaisse. Elle est essentiellement un don de Dieu, et il l'accordera plus tôt ou plus tard, selon sa volonté. Quand il y a eu péché, il est assez naturel que la lumière d'en haut ne revienne pas tout de suite ; car le péché ayant commencé avant le châtiment, il n'est que juste que celui-ci lui survive. C'est ainsi que, dans le domaine des maux physiques, une blessure ne saurait se guérir tant que le trait y demeure enfoncé, et, d'un autre côté, la plaie n'est pas guérie instantanément quand on en a retiré le projectile ; le mal et la douleur persistent encore longtemps.

                    En dernier lieu, si les ténèbres proviennent de tentations diverses, pénibles et imprévues. le meilleur moyen d'éloigner ces ténèbres et d'en préserver l'âme, c'est d'avertir les croyants qu'ils doivent toujours s'attendre à être tentés, puisqu'ils sont dans un monde mauvais. entourés d'esprits malfaisants, malicieux, rusés, et, que leur cœur lui-même est capable de tout mal. Persuadez-leur que l'œuvre entière de la sanctification ne s'accomplit pas dès le commencement, comme ils se le sont imaginé, mais que, lorsqu'ils sont arrivés à la foi, ils ne sont encore que des enfants nouvellement nés qui doivent s'attendre à rencontrer plus d'une tempête avant de parvenir à la stature parfaite de Christ. Et surtout, avertissez-les que, lorsque l'ouragan fond sur eux, il faut prier, et non raisonner avec Satan ; il faut répandre notre âme en la présence du Seigneur et lui exposer nos difficultés. C'est à ceux-là principalement que nous devons appliquer les grandes et précieuses promesses de Dieu ; ce n'est pas à ceux qui sont encore dans l'ignorance ; car il faut d'abord les tirer de cette ignorance ; encore moins ces promesses sont-elles pour les pécheurs impénitents. Aux âmes croyantes seules nous pourrons annoncer sans réserve et avec affection, les bontés de Dieu notre Sauveur ; nous pourrons auprès d'elles nous étendre ces miséricordes qui sont de tout temps. C'est le cas d'insister sur la fidélité de ce Dieu dont « toute la parole est éprouvée (Proverbe 30 : 5) », sur l'efficacité de ce sang qui fut versé pour nous et qui « nous purifie de tout péché (1Jean 1 : 7)  ». Le Seigneur rendra lui-même témoignage à sa parole et fera sortir ces âmes de leurs ennuis. Il leur dira : « Lève-toi ; sois illuminée ; car ta lumière est venue, et la gloire de l’Éternel s'est levée sur toi (Esaïe 60 : 1)  ». Et si elles marchent humblement et fidèlement avec Dieu, cette lumière « augmentera son éclat jusqu'à ce que le jour soit en sa perfection (Proverbe 4 : 18)  ».