dimanche 21 juin 2015

LES SERMONS DE WESLEY Sermon 20 : L'ÉTERNEL NOTRE JUSTICE

Numérisation Yves PETRAKIAN
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(tiré du livre  LES SERMONS DE WESLEY  -1- )


Jérémie 23,6  (1765)

C'est ici le nom dont on l'appellera : L'Eternel notre justice. (Jean 23 : 6)

               Combien de querelles, et quelles épouvantables querelles, il y a eu ici-bas à propos de religion ! Et Cela non pas seulement parmi les enfants du monde, parmi ceux qui ignorent ce qu'est la vraie religion, mais encore parmi les enfants de Dieu eux-mêmes, parmi ceux qui ont éprouvé que « le règne de Dieu est au-dedans de nous (Lu 17 : 21) », qui ont connu « la justice, la paix et la joie par le Saint-Esprit (Romains 14 : 17) ». Combien d'entre ces derniers, et dans tous les siècles, au lieu de s'unir contre l'ennemi commun, ont tourné leurs armes les uns contre les autres, et ainsi non seulement gaspillé un temps précieux, mais encore affaibli les bras de leurs frères, et, de cette façon, entravé l'oeuvre si importante de leur commun Maître ! Que de fois les faibles ont été scandalisés par cette conduite, les impotents spirituels égarés, les pécheurs encouragés à ne tenir aucun compte de la religion et à mépriser ceux qui en font profession ! Et que de fois « les saints qui sont sur la terre ; (Psaume 16 : 3) » ont dû « pleurer en secret (Jean 13 : 17) ; » sur cet état de choses !
                    Quiconque aime Dieu et le prochain donnerait tout au monde, souffrirait quoi que ce soit, pour apporter remède à ce grand mal, pour arrêter les disputes entre enfants de Dieu, pour rétablir et maintenir entre eux la paix. En vue de résultats si désirables, il pourrait tout sacrifier, sauf la possession d'une bonne conscience. Mais s'il ne nous est pas possible à cet égard de « faire cesser les guerres jusqu'au bout de la terre (Psaumes 46 : 10) », si nous ne pouvons pas rapprocher les uns des autres tous les enfants de Dieu, que du moins chacun de nous fasse ce qu'il pourra ; qu'il contribue, ne fût ce que ses deux pites à cette oeuvre excellente. Bienheureux ceux qui aident tant soit peu à faire régner « paix et bienveillance parmi les hommes (Luc 2 : 14) », et surtout parmi les hommes de bien, parmi ceux qui sont enrôlés sous le drapeau du « Prince de la paix » (Esaïe 9 : 5), et conséquemment tenus d'avoir, « autant qu'il dépend d'eux, la paix avec tous les hommes (Romains 12 : 18) ».
                   On se serait considérablement rapproché du but, si l'on pouvait amener les gens de bien à s'entendre. Nombre de querelles viennent de simples malentendus. Il arrive souvent que ni l'une ni l'autre des parties ne comprend la pensée de ceux avec lesquels elle est en désaccord ; et il en résulte qu'elles s'attaquent violemment, lorsqu'il n'y a entre elles aucun motif sérieux de division.
                  Mais il n'est pas toujours facile d'en convaincre les personnes intéressées, surtout si la passion s'en mêle ; c'est alors chose bien malaisée, et pourtant pas impossible, pourvu que nous l'entreprenions en nous confiant, non point en nous- mêmes, mais en celui à qui tout est possible. C'est lui qui peut promptement dissiper les nuages, répandre la lumière dans les cœurs et les rendre capables de se comprendre et de comprendre « la vérité qui est en Jésus (Ephésiens 4 : 21) ».
                     Les paroles de notre texte expriment un des points les plus importants de cette vérité : « C'est ici le nom dont ou l'appellera : L’Éternel notre justice ». Voilà, en effet, une vérité qui fait partie de l'essence même du christianisme qui en soutient tout l'échafaudage. On peut, à coup sûr, dire d'elle ce que Luther disait d'un autre article de foi qui se rattache étroitement à celui-ci, que c'est « articulus stantis vel cadentis ecclesiae » , une doctrine avec laquelle l'Eglise se tient debout ou tombe. C'est bien certainement la colonne et la base de cette foi qui seule procure le salut, de cette foi catholique ou universelle, qu'on trouve chez tous les enfants de Dieu et que nous devons conserver « pure et sans tache » (Jacques 1 : 27), si nous ne voulons pas périr éternellement.
                  Ne semblerait-il pas naturel et raisonnable que tous ceux qui invoquent le nom de Christ fussent d'accord sur ce point, quelles que soient leurs différences de vues à d'autres égards ? Hélas ! qu'il est loin d'en être ainsi ! Il n'y a presque pas de question sur laquelle ils s'entendent moins, sur laquelle ceux qui professent de suivre Jésus-Christ paraissent aussi absolument éloignés et incapables de s'entendre. Je dis paraissent ; car je suis convaincu que, dans bien des cas, leurs divergences ne sont qu'apparentes. Entre eux il y a plutôt différence de mots que de sentiments ; ils sont plus rapprochés par la pensée que par le langage. Mais il y a positivement une énorme différence de langage, non seulement entre protestants et catholiques romains, mais entre protestants et protestants, voire même entre ceux qui professent de croire également à la justification par la foi, et qui sont, du même avis sur toutes les autres doctrines fondamentales de l’Évangile.
              Si les chrétiens sont séparés ici plutôt par leurs opinions que par leurs expériences, plutôt même par les expressions qu'ils emploient que par les opinions qu'ils ont, comment se fait-il que les enfants de Dieu se disputent aussi violemment sur cette question ? On peut expliquer leur conduite par diverses raisons. La principale, c'est qu'ils ne se comprennent pas réciproquement ; ajoutez à cela qu'ils tiennent trop exclusivement à leur opinion et à leur façon particulière de l'exprimer.
                    Pour écarter, en quelque mesure du moins, ces obstacles et pour arriver à nous entendre sur ce point, je veux essayer, avec l'aide du Seigneur, de montrer d'abord ce qu'est la justice de Christ ; et ensuite à quel moment et dans quel sens elle nous est imputée ; puis je me propose de conclure par une application brève et directe.

I

                     Qu'est-ce que la justice de Christ ? Elle est double il y a sa justice divine et sa justice humaine. Sa justice divine fait partie de sa nature divine, en tant qu'il est « celui qui existe » (Apocalypse 1 : 4), celui « qui est Dieu au-dessus de toutes choses, béni éternellement (Romains 9 : 5) », l'Etre suprême, éternel, qui est « égal au Père, quant à sa divinité, bien qu'inférieur à lui par son humanité (Symbole de saint Athanase) ». Cette justice divine de Jésus-Christ consiste donc dans sa sainteté éternelle, essentielle, immuable, dans son équité, sa miséricorde et sa vérité qui sont infinies, tous attributs dans lesquels le Père et lui sont un.
                Mais, à mon sens, il n'est pas directement question ici de la justice divine de Christ. Personne, peut-être,ne voudrait soutenir que cette justice-là nous est imputée. Tous  ceux qui croient à la doctrine de l'imputation, appliquent ce terme exclusivement, ou tout au moins principalement, à la justice humaine de Jésus.
                   La justice humaine de Jésus appartient, à sa nature humaine, en tant qu'il est le « seul médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ. homme (1 Timothée 2 : 5) » Elle peut se diviser en justice intérieure et justice extérieure. Sa justice intérieure était l'image de Dieu empreinte sur  toutes les facultés, sur tous les attributs de son âme. C'était la reproduction de la justice divine, autant qu'elle peut se communiquer à une âme humaine. C'était une fidèle image de la pureté de Dieu, de son équité, de sa vérité, de sa miséricorde. En Jésus cette justice embrassait aussi l'amour, le respect, la soumission vis-à-vis de son Père, l'humilité, la débonnaireté, la douceur, l'amour pour le genre humain perdu ; enfin, tous les sentiments qui sont saints et célestes ; et chacun de ces sentiments il le possédait dans sa plénitude, sans mélange de défauts ou d'impuretés.
                 Ce fut la moindre partie de sa justice extérieure qu'il ne fit rien de mal, qu'il ne commit aucun péché dans sa conduite, qu' « il ne s'est point trouvé de fraude dans sa bouche » (Esaïe 53 : 9, 1 Pierre 2 : 22), qu'il n'a jamais prononcé une parole répréhensible, jamais accompli un acte répréhensible.
                  Tout cela ne constitue qu'une justice négative, mais telle pourtant que jamais elle n'a été, jamais elle ne peut être le partage d'un autre homme né de femme. Mais la justice extérieure de Jésus fut elle-même positive ; car « il a bien fait toutes choses (Marc 7 : 37) ; » toutes les fois qu'il parla, toutes les fois qu'il agit, ce fut pour faire exactement « la volonté de Celui qui l'avait envoyé (Jean 4 : 34)».
                     Pendant tout le cours de sa vie, il fit, la volonté de Dieu sur la terre comme les anges la font dans le ciel. Chacun de ses actes et chacune de ses paroles étaient toujours ce qu'il fallait qu'ils fussent. Son obéissance fut complète et dans l'ensemble et dans les détails : il accomplit « tout ce qui est juste (Matthieu 3 : 15) ».
                   Mais cette obéissance comportait bien plus que tout cela. Elle consista pour lui, non seulement à agir ; mais aussi à souffrir, à souffrir toute la volonté de Dieu, depuis le jour où il entra dans le monde jusqu'à celui où il « a porté nos péchés en son corps sur le bois (1Pierre 2 : 24) », et où, les avant pleinement expiés, « il baissa la tête et rendit l'esprit. (Jean 19 : 30) ». On désigne habituellement cette portion de la justice de Christ sous le titre de justice passive, et le reste sous celui de justice active. Mais puisque, en réalité, l'une n'a jamais été séparée de l'autre, il est inutile que, soit en en parlant, soit en y pensant, nous fassions cette distinction. C'est en embrassant ce double aspect de la justice de Christ qu'il est, appelé « l’Éternel notre justice ».

lI

                   Mais à quel moment pouvons-nous dire en toute vérité : « l’Éternel notre justice? » En d'autres termes, quand est-ce que la justice de Christ nous est imputée, et dans quel sens l'est-elle ?
                     En passant le monde en revue, on découvre que les hommes sont tous ou croyants ou incrédules. Les gens raisonnables ne contesteront point la vérité de cette première assertion, que la justice de Christ est imputée à tous les croyants, mais qu'elle ne l'est pas aux incrédules.
                     Mais quand est-elle imputée aux croyants ? Evidemment dès qu'ils croient ; dès ce moment la justice de Christ leur appartient. Elle est imputée à quiconque croit et dès qu'il croit ; la foi et la justice de Christ sont inséparables ; car si on croit selon la parole de Dieu, on croit à la justice de Christ. Il n'y a de vraie foi, de foi justifiante, que celle qui a la justice de Christ pour objet.
                   Il est vrai que tous les croyants pourront bien ne pas s'exprimer de la même façon, ne pas parler un même langage. Il ne faut pas s'y attendre, et il ne serait pas raisonnable de l'exiger. Mille raisons peuvent les amener à employer des expressions différentes — mais cette diversité d'expressions n'est pas nécessairement le fruit d'une différence dans les sentiments. La même pensée, exprimée par plusieurs individus, le sera dans des termes différents par chacun d'eux. Il n'y a rien de plus
ordinaire que cela ; mais on n'en tient pas suffisamment compte. Une même personne, parlant du même sujet à deux époques un peu éloignées, aurait bien de la peine à retrouver les mêmes expressions, bien que ses sentiments n'aient pas changé. Pourquoi donc voudrions-nous exiger que les autres se servissent exactement des mêmes termes que nous ?
                  Faisons encore un pas. Les autres hommes peuvent avoir non seulement un langage différent du nôtre, mais même des opinions différentes, et cependant « avoir eu en partage avec nous ; une foi de même prix (2 Pierre 1 : 1) » Il peut se faire qu'ils ne discernent pas exactement, la grâce dont ils jouissent ; leurs idées peuvent être moins claires que les nôtres, sans que leurs expériences religieuses soient moins réelles. On trouve de grandes inégalités parmi les hommes au point de vue des qualités morales, et surtout des facultés intellectuelles ; ces inégalités naturelles sont encore accrues par les différentes méthodes d'éducation. De fait, cela seul amène des différences d'opinion presque incroyables sur divers sujets ; et pourquoi pas sur celui-ci tout comme sur les autres ? Mais, bien qu'il y ait, de la confusion et de l'inexactitude dans les idées et dans le langage de certains hommes, il est très possible que leur coeur soit attaché à Dieu en son Fils bien-aimé et qu'ils aient vraiment part à sa justice.
                    Ayons donc pour les autres toute l'indulgence que nous voudrions que l'on eût pour nous si nous étions à leur place. Qui donc ne sait (pour revenir encore à une des choses que nous avons dites), qui ne sait quelle est la, grandeur de l'influence de l'éducation ? Et qui oserait, connaissant cela, s'attendre à ce qu'un catholique romain pensât ou parlât avec clarté sur ce sujet ? Et pourtant, si nous avions pu entendre Bellarmin lui-même, mourant, répondre à ceux qui lui demandaient lequel des saints il voulait, implorer : « Fidere meritis Christi tutissimum ; le plus sûr est de se confier dans les mérites de Christ » ; aurions-nous osé affirmer que ses vues erronées l'empêchaient d'avoir part à la justice de Christ ?
                    Mais dans quel sens cette justice est-elle imputée aux croyants ? Dans ce sens que tous ceux qui croient sont pardonnés et reçus par Dieu, non point à cause de quelque mérite qui est en eux ou de quelque chose qu'ils ont faite, qu'ils font ou qu'ils pourront faire ; mais entièrement et uniquement pour l'amour de ce que Jésus-Christ a fait et a souffert pour eux. Je le répète : ce n'est pas à cause de quelque chose qui est en eux ou qu'ils ont faite, à cause de leur justice ou de leurs oeuvres. « Il nous a sauvés, non à cause des oeuvres de justice que nous eussions faites, mais selon sa miséricorde (Tite 3 : 4,5) ». — «Vous êtes sauvés par grâce, par la foi ; ce n'est point par les oeuvres, afin que personne ne se glorifie (Ephésiens 2 : 8,9) ». Nous sommes sauvés uniquement pour l'amour de ce que Christ a fait et a souffert pour nous. Nous sommes « justifiés gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ (Romains 3 : 23) ». C'est par là que nous obtenons la faveur de Dieu, et c'est par là aussi que nous la conservons. C'est de cette façon que nous nous approchons d'abord de Dieu, et c'est de la même façon que nous continuons à le faire toute notre vie. C'est dans un seul et même « chemin nouveau et vivant » (Hébreux 10 : 20) que nous marchons, jusqu'au jour où notre esprit retourne à Dieu qui l'a donné.
                   Telle est la doctrine que j'ai constamment crue et enseignée depuis près de vingt-huit ans. Je l'annonçai à tout le monde en l'année 1738, et je l'ai fait de nouveau dix ou douze fois depuis cette époque, en employant les termes suivants (ou d'autres qui reviennent au même), tirés du recueil des Homélies de notre Eglise (L'Eglise anglicane) : « Ces choses doivent nécessairement se rencontrer dans notre justification : du côté de Dieu, sa grande miséricorde et sa grande grâce ; du côté de Jésus, la satisfaction donnée par lui à la justice divine ; de notre coté enfin, la foi aux mérites de Christ. De telle sorte que, dans notre justification, la grâce de Dieu n'exclut pas la justice de Dieu, mais seulement celle de l'homme, comme cause méritoire de notre justification ». -
                    « Il est dit que nous sommes justifiés seulement par la foi, afin d'exclure tout mérite provenant de nos oeuvres et d'attribuer à Jésus-Christ seul tout le mérite de notre justification. Noire justification découle gratuitement de la pure miséricorde de Dieu. Car, lorsque le monde entier n'eût pu fournir la moindre portion de notre rançon, il lui a plu, sans que nous l'eussions en rien mérité, de nous préparer le corps et le sang de Christ qui ont payé notre rançon et apaisé sa justice. Jésus-Christ est donc maintenant, la justice de tous ceux qui croient véritablement en lui ».
                      Les cantiques que je publiai un an ou deux plus tard, et qui depuis lors ont été réimprimés plusieurs fois (ce qui montre clairement que mes sentiments n'ont pas changé), ces cantiques tiennent le même langage. Si je voulais en citer tous les passages qui se rapportent à ce sujet, il me faudrait transcrire ici une grande partie de ce recueil. Il suffira d'en prendre pour échantillon un qui a été réimprimé il y a sept, ans, puis il y a cinq ans, de nouveau il y a deux ans, et enfin il y a quelques mois

De mon âme, ô Jésus, la robe sans défaut
Et la beauté, ce sont ton sang et ta justice.
Si j'en suis revêtu, ce terrestre édifice
Peut s'embrasser ; joyeux mon coeur regarde en haut 

               Le cantique tout entier, du commencement à la fin, exprime les mêmes sentiments. Dans le sermon sur la justification que je publiai d'abord il y a dix-neuf ans, puis de nouveau il y a sept ou huit ans, j'exprime les mêmes pensées dans les termes suivants :
« En considération de ce que le Fils de Dieu « a souffert la mort pour tous (Hébreux 2 : 9) », Dieu a « réconcilié le monde avec soi, en ne leur imputant point leurs péchés (2 Corinthiens 5 : 19) ». Ainsi, pour l'amour de son Fils bien-aimé et de ce qu'il a fait et a souffert pour nous, Dieu s'engage (en y mettant une seule condition, que lui-même nous aide à remplir), à nous affranchir du châtiment mérité par nos péchés, à nous faire rentrer dans sa faveur, et à rendre à nos âmes mortes la vie spirituelle, prémices de la vie éternelle ».
                      Ces sentiments sont exprimés d'une manière plus étendue et plus détaillée dans le traité sur la justification que je fis paraître l'an dernier ; « Si, par cette expression : Imputer la justice de Christ, nous voulons dire communiquer celle justice (y compris son obéissance, tant active que passive), dans les fruits qu'elle a produits dans les privilèges, grâces et bénédictions qu'elle nous procure, on peut dire, dans ce sens, que le croyant est justifié par l'imputation de la justice de Christ. La signification de ces mots sera donc que Dieu justifie le croyant pour l'amour de la justice de Christ, et non à cause d'une justice qui lui serait propre. 

De même Calvin a dit (Institution, livre 2, chapitre 17) :
« Christ, par son obéissance, nous a procuré et mérité la grâce et la faveur de Dieu le Père». 
Et plus loin : 
« Christ, par son obéissance, nous a acquis et procuré la justice ». 
Et encore : 
« Toutes ces expressions, que nous sommes justifiés par la grâce de Dieu, que Christ est notre justice, que la justice nous a été procurée par la mort et la résurrection de Christ, disent la même chose, savoir que la justice de Christ, tant active que passive, est la cause méritoire de notre justification et nous a obtenu cette grâce de Dieu que, dès que nous croyons, nous sommes par lui considérés comme justes ».

                    Mais peut-être quelqu'un me dira-t-il : « Comment donc affirmez-vous que la foi nous est imputée à justice ? » Saint Paul l'affirme à plusieurs reprises, et c'est pour cela que je l'affirme, moi aussi. La foi est imputée à justice à tout croyant, savoir la foi à la justice de Christ, ce qui est absolument ce que nous avons déjà dit ; car, en employant ces termes, je veux seulement dire que nous sommes justifiés par la foi et non par les oeuvres, ou bien encore que celui qui croit est pardonné et reçu par Dieu uniquement à cause de ce que Jésus-Christ a fait et a souffert.
— « Mais le croyant n'est-il pas enveloppé ou revêtu de la justice de Christ ? » Oui , incontestablement ; et c'est pour cela que tout coeur croyant peut adopter le langage du cantique cité plus haut et qui signifie : Pour l'amour de la justice active et passive, je suis pardonné et reçu par Dieu.
— « Mais ne devons-nous pas quitter les misérables haillons de notre justice propre avant d'être revêtus de la justice sans tache de Christ ? » Oui, certainement c'est-à-dire, pour parler simplement, que nous devons nous repentir avant de pouvoir croire à l’Évangile. Il faut que nous ne comptions plus du tout sur nous-mêmes pour pouvoir nous appuyer véritablement sur Jésus-Christ.
                    Si nous ne commençons pas par renoncer à toute confiance en notre propre justice, nous ne saurions avoir une confiance sincère en la sienne. Aussi longtemps que nous comptons sur quelque chose que nous pouvons faire, il est impossible que nous mettions une foi entière en ce que Jésus a fait et a souffert. D'abord, il nous faut nous regarder nous-mêmes comme condamnés à mort (2 Corinthiens 1 : 9) ; » puis, nous pourrons croire en celui qui a vécu et est mort pour nous.
                    — « Mais ne croyez-vous pas à une justice inhérente ? » Oui, sans doute ; mais en la mettant à sa place, c'est-à-dire non comme moyen de trouver grâce devant Dieu, mais comme fruit de cette bénédiction, non comme tenant lieu de la justice imputée, mais comme en étant la conséquence.
                     Je crois, en effet, que Dieu met sa justice en tous ceux auxquels il l'a imputée. Je crois que « Jésus-Christ nous a été fait, de la part de Dieu, sanctification aussi bien que justice (1 Corinthiens 1 : 30) » c'est-à-dire qu'il justifie mais aussi sanctifie tous ceux qui croient en lui. Ceux à qui la justice de Christ a été imputée sont rendus justes par l'Esprit de Christ, sont « renouvelés et créés à l'image de Dieu dans une justice et une sainteté véritables. (Ephésiens 4 : 23,24) ».
                      --- « Mais ne mettez-vous pas la foi à la place de Christ et de sa justice ? » Aucunement ; je prends bien soin de mettre chaque chose à sa place. La justice de Christ est le fondement unique et entier de toutes nos espérances. C'est par la foi que, sous l'action du Saint-Esprit, nous pouvons bâtir sur ce fondement. Dieu nous donne cette foi, et dès ce moment nous sommes reçus par Dieu, non pas pourtant à cause de cette foi, mais à cause de ce que Jésus a fait et a souffert pour nous. Vous le voyez, chacune de ces choses est à sa place, et aucune d'elles n'est en conflit avec les autres. Nous croyons, nous aimons et nous nous efforçons de marcher sans reproche dans tous les commandements du Seigneur ; mais, tout en vivant ainsi, nous renonçons à nous-mêmes et cherchons notre refuge dans la justice de Jésus. Nous regardons sa mort comme notre unique fondement, et c'est au nom de Jésus que nous réclamons notre pardon et le salut éternel.
                     Je ne nie donc pas davantage la justice de Christ que je ne nie sa divinité : et l'on aurait aussi peu de raison de m'accuser de la première de ces a choses que de la seconde. Je ne nie pas non plus l'imputation de cette justice : sur ce point-là encore on m'accuse faussement et méchamment. J'ai toujours proclamé et je proclame encore constamment que la justice de Christ est imputée à quiconque croit. Qui sont d'ailleurs ceux qui le nient ? Ce sont tous les incrédules, baptisés ou non, tous ceux qui osent dire que le glorieux Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ est une fable composée avec artifice ; ce sont tous les Ariens et tous les Sociniens : ce sont tous ceux qui nient la divinité absolue du Seigneur qui les a rachetés. Ceux-là ne peuvent faire autrement que de nier sa justice divine, puisqu'ils le considèrent comme un simple homme ; et ils nient sa justice humaine, en tant qu'imputée à qui que ce soit, car ils croient que chacun trouve grâce par sa propre justice.
                    La justice humaine de Christ, tout au moins quant à son imputation et comme la cause unique et parfaite de la justification du pécheur devant Dieu, est aussi reniée par tous les membres de l'Eglise de Rome qui sont conséquents avec les principes de leur Eglise. Mais il y en a certainement parmi eux beaucoup qui, en fait d'expérience religieuse, valent mieux que leurs principes, et qui, tout en étant bien éloignés de parler de ces vérités d'une façon satisfaisante, ont une expérience intime bien supérieure à ce qu'ils savent exprimer. Tout en n'ayant à l'égard de cette grande vérité que des vues et un langage qui sont erronés, ils n'en croient pas moins du coeur, et, ils s'appuient sur Jésus-Christ seul en vue de leur salut présent et éternel.
                On peut ajouter à ceux-là les membres des Eglises réformées, auxquels on applique ordinairement le nom de Mystiques. Un des principaux, dans ce siècle, a été, en Angleterre, M. Law. C'est une chose bien connue qu'il niait absolument et hautement l'imputation de la justice de Christ, tout aussi hautement que ce Robert Barclay qui ne craignait pas de dire : « Justice imputée, absurdité imputée ! » Le gros de la communauté à laquelle on donne le nom de Quakers partage les mêmes vues. 
                  D'ailleurs, la plupart de ceux qui se considèrent comme membres de l'Eglise anglicane ignorent complètement ces choses, ne savent rien de la justice imputée de Christ, ou bien ils la nient, et la justification par la foi du même coup, comme étant contraires à la pratique des bonnes oeuvres. Il y a encore à ajouter à cette énumération un grand nombre de ceux qu'on appelle communément Anabaptistes, et des milliers de Presbytériens et d'Indépendants, que sont venus récemment éclairer les écria du docteur Taylor. Je ne me sens pas appelé à juger ces derniers : je les laisse au jugement de celui qui les a créés. Mais quelqu'un oserait-il affirmer que tous ces Mystiques, et M. Law en particulier, tous ces Quakers, tous ces Presbytériens, tous ces Indépendants et tous ces Anglicans, dont les opinions ou le langage laissent à désirer, ne possèdent aucune connaissance expérimentale de la religion chrétienne, et qu'ils sont conséquemment dans un état de perdition, « n'ayant point d'espérance, et étant sans Dieu dans le monde ? (Ephésiens 2 : 12) » 
                     Quelles que soient la confusion de leurs idées et l'incorrection de leur langage, ne peut-il pas y en avoir beaucoup parmi eux dont le coeur est droit devant Dieu et qui de fait connaissent « l’Éternel notre justice ? »
                  Quant à nous, béni soit Dieu I nous ne sommes pas de ceux qui ont, à l'égard de cette doctrine, des idées obscures ou un langage incorrect. Nous ne renions ni le fait ni l'expression ; mais, pour cette dernière, nous ne cherchons pas à l'imposer aux autres. Qu'ils l'emploient, ou bien tel ou tel autre terme qui leur paraît plus entièrement biblique, peu importe, pourvu que leur âme ne se confie qu'en ce que Jésus-Christ a fait et a souffert, et n'attende que de là le pardon, la grâce et la gloire.
                   Je ne saurais mieux rendre mes sentiments à cet égard qu'en citant ces paroles de M. Hervey, qui mériteraient d'être écrites en lettres d'or : « Nous ne nous préoccupons pas de faire adopter une série particulière de termes religieux. Que les hommes s'humilient aux pieds de Jésus comme des criminels repentants, qu'ils s'appuient sur ses mérites comme sur leur ressource la plus chère, et ils sont incontestablement dans le chemin de la vie éternelle.
               Est-il nécessaire, est-il possible d'en dire davantage ? Tenons-nous en à cette déclaration, et toute discussion au sujet des diverses façons de s'exprimer est comme coupée à la racine. Oui, tenons-nous en à ces paroles :
« Tous ceux qui s'humilient aux pieds de Jésus comme des criminels repentants et s'appuient sur ses mérites comme sur leur ressource la plus chère, sont dans le chemin de la vie éternelle ». Après cela, sur quoi disputerait-on ? Qui est-ce qui nie cela ? Ne pouvons-nous pas tous nous rencontrer sur ce terrain ? A propos de quoi nous querellerions-nous ? Voici un homme de paix qui propose aux parties belligérantes les fermes d'un accommodement. Nous ne demandons pas mieux, et nous les acceptons, les signons des deux mains et de tout coeur. Et si quelqu'un refuse d'en faire autant, mettez une marque à côté du nom, de cet homme ; car il est un ennemi de la paix, il trouble Israël, il nuit à l'Eglise de Dieu.
              Tout ce que nous craignons en ceci, c'est que quelqu'un ne se serve de ces expressions : « La justice de Christ » , « la justice de Christ m'est imputée » , comme d'un manteau pour couvrir son iniquité.
                  Nous avons vu cela mille fois. Un homme, par exemple, est repris à cause de son ivrognerie ; « Oh ! répond-il, je ne prétends pas du tout être juste par moi-même ; c'est Christ qui est ma justice ». On dit à un autre que « les injustes et les ravisseurs n'hériteront point le royaume de Dieu (1 Corinthiens 6 :9,10) ». Il répond avec une assurance parfaite : « En moi-même je suis injuste, mais j'ai en Christ une justice sans tache ». Et c'est ainsi qu'un homme a beau n'avoir de chrétien ni les dispositions ni la conduite, il a beau ne rien posséder des sentiments qui étaient en Jésus-Christ et ne marcher en rien comme il a marché, il n'en résiste pas moins victorieusement à toute accusation ; car il a pour cuirasse ce qu'il appelle « la justice de Christ ».
                  C'est pour avoir vu bien des cas déplorables de ce genre que nous tâchons de ne pas abuser de ces expressions. Et je sens que je dois vous avertir, vous qui en faites un usage fréquent ; je dois vous supplier, au nom du Dieu sauveur auquel vous appartenez et que vous servez, de mettre tous ceux qui vous entendent en garde contre l'abus de telles expressions. Avertissez-les (peut-être écouteront-ils votre voix !) de ne pas « demeurer dans le péché afin que la grâce abonde (Romains 6 : 1) », de ne pas faire « Christ ministre du péché (Galates 2 : 17) », de ne pas anéantir ce décret solennel de Dieu : « Sans la sanctification, personne ne verra le Seigneur (Hébreux 12 : 14) », et cela en se persuadant faussement qu'ils sont saints en Christ. Dites-leur que, s'ils demeurent dans l'iniquité, la justice de Christ ne leur servira de rien. « Criez à plein gosier » (Esaïe 58 : 1) (n'y a-t-il pas lieu de le faire ?) que la justice de Christ nous est imputée précisément « afin que la justice de la loi soit accomplie en nous (Romains 8 : 4) », et afin « que nous vivions dans le siècle présent dans la tempérance, dans la justice et dans la piété (Tite 2 : 12) ».

III

                     Il ne me reste plus qu'à faire une application brève et directe de ce que je viens de dire. Tout d'abord, je m'adresserai à ceux qui font une violente opposition à l'emploi des termes que nous venons d'expliquer et sont tout disposés à condamner comme antinomiens tous ceux qui s'en servent. Mais n'est-ce pas là trop redresser l'arc et le courber en sens contraire ? Pourquoi condamner tous ceux qui ne parlent pas absolument comme vous ? Pourquoi leur chercher querelle parce qu'ils emploient les expressions qui leur conviennent, ou pourquoi vous en voudraient-ils de ce que vous faites de même ? Si l'on vous tracasse à cet égard, n'allez pas imiter une étroitesse que vous blâmez. Et dans ce cas, laissez-leur la liberté qu'ils devraient vous laisser. D'ailleurs, pourquoi se fâcher contre une expression ? — « Mais on en a fait abus !
                     Et de quelle expression n'a-t-on pas abusé ? Ainsi, il faut empêcher l'abus, mais non supprimer l'usage. Par-dessus tout, n'allez pas oublier l'importante vérité que ces termes expriment : « Toutes les bénédictions dont je jouis, toutes les espérances que je possède dans le temps et pour l'éternité, tout cela m'est donné entièrement et uniquement pour l'amour de ce que Jésus a fait et, a souffert pour moi ! »
                     En second lieu, je veux dire quelques mots à ceux qui tiennent beaucoup à employer les expressions en question. Laissez-moi vous demander si vous ne trouvez pas que je suis allé assez loin. Que peut-on raisonnablement désirer de plus ? J'accepte tout entier le sens que vous attachez à ces termes, c'est-à-dire que nous devons toutes nos grâces à la justice de Dieu notre Sauveur. 
                      Je consens, d'ailleurs, à ce que vous vous serviez de telle ou telle expression que vous préférerez et à ce que vous la répétiez mille fois, pourvu que vous n'en fassiez pas le pernicieux usage contre lequel vous et moi devons également protester. Pour moi, j'emploie fréquemment cette expression de justice imputée, et souvent je l'ai mise sur les lèvres de tout mon auditoire (Par ses cantiques – Trad.). 
                   Mais laissez-moi à cet égard ma liberté de conscience ; laissez-moi exercer mon jugement en toute liberté. Qu'il me soit permis d'employer ces termes toutes les fois qu'ils me sembleront préférables à d'autres ; mais ne vous emportez pas contre moi si je ne trouve pas bon de répéter la même formule toutes les deux minutes. Vous pouvez le faire, si vous y tenez ; mais ne me condamnez pas si je ne le fais pas. 
                    N'allez pas pour cela me faire passer pour un papiste ou pour « un ennemi de la justice de Christ ». Supportez-moi, comme je vous supporte, sans quoi nous n'accomplirons pas la loi de Christ. Ne poussez pas les hauts cris et ne vous mettez pas à proclamer que je renverse les bases du christianisme. Ceux qui me traitent ainsi me traitent bien injustement : que le Seigneur ne le leur impute point ! Depuis de longues années, je pose le même fondement que vous ; « car personne ne peut poser d'autre fondement que celui qui a été posé, qui est Jésus-Christ. (1 Corinthiens 3 : 11) » 
                   Et sur ce fondement je bâtis, comme vous le faites, la sainteté intérieure et  extérieure, mais la sainteté par la foi. N'entretenez donc point en vos cœurs de l'éloignement, de la malveillance, ou même de la méfiance et de la froideur à mon égard. Même en admettant qu'il y eût entre nous divergence de vues, à quoi nous sert notre religion, si nous ne pouvons pas penser librement et laisser les autres faire de même ? Pourquoi ne me pardonneriez-vous pas aussi volontiers que je vous pardonne ? Mais, là vrai dire, il n'y a entre nous que des différences d'expression, et à peine cela, puisqu'il s'agit
seulement de savoir si l'on emploie plus ou moins fréquemment un terme particulier.                                      Assurément, il faut avoir bien envie de se quereller pour trouver là une pomme de discorde. Oh ! ne fournissons plus, pour de semblables bagatelles, à nos adversaires communs une occasion de blasphémer ! Ôtons plutôt désormais tout prétexte à ceux qui ne cherchent qu'un prétexte. Unissons enfin (et que ne l'avons-nous fait plus tôt !) unissons nos coeurs et nos mains pour servir notre glorieux Maître. Puisque nous avons « un seul Seigneur, une seule foi, une seule espérance par notre vocation, (Ephésiens 4 : 4,5) » fortifions-nous les uns les autres en notre Dieu, et, d'un seul coeur comme d'une même bouche, confessons au monde entier « l’Éternel notre justice ! »







vendredi 19 juin 2015

LES SERMONS DE WESLEY Sermon 19 : LE GRAND PRIVILÈGE DE CEUX QUI SONT NÉS DE DIEU

Numérisation Yves PETRAKIAN
Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement
Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

(tiré du livre  LES SERMONS DE WESLEY  -1- )


1 Jean 3,9   (1748)

« Quiconque est né de Dieu ne fait point le péché ». (1Jean 3 : 9)

                       On a souvent supposé qu'être né de Dieu et être justifié c'est tout un ; que les mots de justification et de nouvelle naissance ne sont que des désignations différentes d'une seule et même chose ; puisqu'il est certain, d'un côté, que quiconque est justifié est aussi né de Dieu ; et de l'autre, que quiconque est né de Dieu est aussi justifié ; et que ces deux grâces de Dieu sont données simultanément au croyant. A l'instant où ses péchés sont effacés, il est aussi né de nouveau.
               Mais bien qu'il soit reconnu que la justification et la nouvelle naissance sont inséparables quant au temps, il est pourtant facile de les distinguer et de reconnaître que ce sont deux choses très différentes quant à leur nature. La justification n'implique qu'un changement relatif, la nouvelle naissance implique un changement réel. En nous justifiant, Dieu fait quelque chose pour nous ; en nous régénérant il fait l'oeuvre en nous. La justification change nos relations avec Lui, en sorte que d'ennemis nous devenons enfants ; la nouvelle naissance change le fond de notre âme, en sorte que de pécheurs nous devenons saints. Celle-là nous rend la faveur de Dieu, celle-ci son image. L'une ôte la coulpe, l'autre la puissance du péché : ainsi donc, unies quant au temps, elles n'en sont pas
moins pleinement distinctes.
                Bien des auteurs qui ont traité ce sujet sont tombés dans les idées les plus confuses pour n'avoir pas discerné combien est grande la différence entre la nouvelle naissance et la justification, surtout lorsqu'ils ont voulu expliquer et définir le grand privilège que l'apôtre attribue ici aux enfants de Dieu :

« Quiconque est né de Dieu ne fait point le péché ». Pour nous faire une juste idée de ce privilège, il peut être nécessaire de considérer : 

1 ° quel est le vrai sens de cette expression :
« Quiconque est né de Dieu » ; 
puis 
2° de rechercher dans quel sens l'apôtre dit : « qu'il ne fait point le péché ».

I

                    Considérons d'abord quel est le vrai sens de cette expression : « Quiconque est né de Dieu ». L'idée générale que nous en donnent tous les passages de l'Ecriture où elle se trouve, c'est que cette expression ne désigne pas seulement le baptême, ou un changement extérieur quelconque, mais qu'elle suppose un grand changement intérieur, opéré dans l'âme par la puissance du Saint-Esprit ; un changement dans toute notre manière d'être ; car, du moment que nous sommes nés de Dieu, les conditions de notre vie sont changées ; nous sommes, pour ainsi dire, dans un monde nouveau.
                 Le choix même de cette expression se comprend facilement. Quand ce grand changement s'opère, on peut dire, à proprement parler, que nous naissons de nouveau, tant est grande la ressemblance entre les circonstances de la naissance naturelle et celles de la naissance spirituelle. Cette ressemblance est telle que considérer les circonstances de la naissance naturelle est le moyen le plus simple de comprendre la naissance spirituelle.
                  L'enfant qui n'est point encore né subsiste, il est vrai, par l'air. aussi bien que tout être vivant, mais il ne le sent pas plus qu'il ne sent autre chose, si ce n'est d'une façon très imparfaite. Il n'entend que peu ou point, les organes de l'ouïe étant encore fermés. Il ne voit rien, car ses yeux sont fermés et il est environné d'épaisses ténèbres. A mesure que le temps de sa naissance approche, il y a, sans doute, en lui quelques mouvements qui le distinguent d'une masse inerte ; mais les sens lui manquent ; ces avenues de l'âme sont encore tout entièrement fermées. Il n'a, en conséquence, presque aucun rapport avec ce monde visible, ni aucune connaissance, aucune conception, aucune idée des choses qui s'y passent.
                    S'il est étranger au monde visible, ce n'est pas qu'il en soit éloigné (il en est très près : il en est entouré dé tous côtés) ; mais, c'est d'un côté, parce qu'il est privé des sens qui, en s'éveillant dans l'âme, peuvent seuls le mettre, en communication avec le monde matériel, et de l'autre à cause de ce voile épais qui l'en sépare et à travers lequel il ne peut rien distinguer.
                  Mais l'enfant n'est pas plutôt venu au monde, qu'il entre dans une existence toute nouvelle. Il sent maintenant l'air qui l'environne et qui, a chaque expiration, se répand en lui de tous côtés, pour entretenir la flamme de la vie : et il en tire un accroissement continuel de force, de mouvement, de sensations ; ses sens physiques étant tous éveillés maintenant et mis en rapport avec leurs objets.
          Ses yeux sont maintenant ouverts pour saisir la lumière qui, l'inondant silencieusement, lui fait connaître, en se manifestant elle-même, une variété infinie d'objets qui lui étaient naguère entièrement inconnus. Ses oreilles sont ouvertes et les sons les plus divers y retentissent. Chaque sens est exercé sur ce qui lui convient ; et le monde visible pénétrant librement par ces avenues de l'âme, elle acquiert de plus en plus la connaissance des choses sensibles, de toutes les choses qui sont sous le soleil.
                Il en est de même de la naissance de l'enfant de Dieu. Avant que ce grand changement s'opère, quoique subsistant par Celui «en qui nous avons la vie, le mouvement et l'être », il ne discerne point Dieu, il n'a pas le sentiment, la conscience intime de sa présence. Il n'a point conscience de ce divin souffle de vie, sans lequel il ne pourrait subsister un moment ; et les choses de Dieu lui sont étrangères et ne font aucune impression sur son âme. Dieu ne cesse de l'appeler d'en haut, mais il n'entend point : «comme l'aspic sourd qui n'écoute point la voix des enchanteurs, du charmeur expert en charmes ». Il ne voit point les choses de l'esprit de Dieu ; car les yeux de son entendement sont fermés et son âme entière est couverte et environnée de ténèbres. Il peut sans doute avoir quelques lueurs, quelques faibles commencements de mouvement et de vie spirituelle; mais n'ayant point encore les sens spirituels qui seuls peuvent lui faire saisir les choses spirituelles, il ne « discerne point les choses de l'Esprit de Dieu » ; « et il ne peut les connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge ».
                     De là vient qu'il est presque absolument étranger au monde invisible et qu'il en soupçonne à peine l'existence. Non qu'il en soit éloigné, il en est, au contraire, enveloppé, environné de toutes parts. L'autre monde, comme on l'appelle, n'est pas loin de chacun de nous : il est au-dessus, au-dessous de nous et à nos côtés, mais il est vrai que l'homme naturel ne le discerne point ; soit parce qu'il lui manque les sens spirituels, par lesquels seuls on discerne les choses de Dieu : soit à cause du voile épais qui l'en sépare et qu'il ne peut percer.
              Mais quand il est né de Dieu, né de l'Esprit, comme les conditions de son existence sont changées ! Son âme entière sent et discerne Dieu, et il peut dire, par une sûre expérience : « Tu m'environnes, soit que je marche, soit que je m'arrête » ; je te retrouve dans toutes tes voies ; « tu me tiens serré par derrière et par-devant, et tu as mis sur moi ta main ». Le souffle de Dieu pénètre immédiatement dans l'âme ; nouvellement née ; et ce souffle de Dieu retournes à Dieu ; sans cesse reçu par la foi, sans cesse il retourne à Dieu par l'amour, par la prière, la louange, l'action de grâces ; car l'amour, la louange, la prière, sont le souffle de toute âme vraiment née de Dieu. Et par cette respiration d'un nouveau genre qui entretient la vie spirituelle, cette même vie s'accroît ; jour
après jour, avec la force, le mouvement, la sensibilité spirituelle, tous les sens de l'âme étant maintenant éveillés et capables de discerner ce qui est bien ou mal spirituellement.
                     Les yeux de son entendement » sont « ouverts maintenant, et « il voit Celui qui est invisible ». Il voit « quelle est l'infinie grandeur de sa puissance » et de son amour envers ceux qui croient. Il voit que Dieu est miséricordieux envers lui, qu'il est réconcilié par le Fils de son amour. Il discerne clairement et l'amour par lequel Dieu pardonne et toutes « ses grandes et précieuses promesses ».
                    «Dieu qui, au commencement, dit que la lumière sortît des ténèbres, a répandu et répand « sa lumière » dans son coeur, pour « l'éclairer de la connaissance de la gloire de Dieu, en la face de Jésus-Christ ». Maintenant les ténèbres sont passées et il demeure dans la lumière de la face de Dieu.
                 Ses oreilles sont ouvertes maintenant, et Dieu ne l'appelle plus en vain. Il entend, il suit la vocation céleste, il connaît la voix de son Berger. Tous ses sens spirituels étant  éveillés, il est positivement en relation avec le monde invisible, et sans cesse il fait de nouveaux progrès dans la connaissance des choses qu'il n'était point entré dans son coeur de concevoir. Il sait maintenant ce qu'est la paix de Dieu, ce qu'est la joie du Saint-Esprit, ce qu'est l'amour de Dieu répandu dans les cœurs de ceux qui croient en Lui par Jésus Christ. Débarrassé du voile qui interceptait auparavant la lumière et la voix, la connaissance et l'amour de Dieu, celui qui est né de l'Esprit demeure dans l'amour ; « il demeure en Dieu et Dieu en lui ».

Il

                    Après avoir vu ce que signifie cette expression : « quiconque est né de Dieu », il nous reste, en second lieu, à examiner en quel sens l'apôtre dit que « celui qui est né de Dieu ne fait point le péché ».
          Or celui qui est né de Dieu, de la manière que nous avons décrite, qui continuellement reçoit de Dieu dans son âme le souffle de vie, l'influence de l'Esprit de grâce, et qui la reporte continuellement vers Dieu ; celui qui croit et qui aime, qui, par la foi, a le sentiment continuel de l'action de Dieu sur son esprit, et, par une sorte de réaction spirituelle, lui rend incessamment cette grâce en amour, en louanges, en prières ; celui-là seulement ne fait point de péché « pendant qu'il se conserve ainsi » lui-même ; mais tant que cette « semence demeure en lui, il ne peut pécher, parce qu'il est né de Dieu ».
                   Par le péché j'entends ici le péché extérieur, dans le sens ordinaire du mot ; une transgression actuelle et volontaire de la loi, de la loi révélée et écrite, de tout commandement de Dieu, reconnu pour tel au moment même où on le transgresse. Mais quiconque est né de Dieu, tant qu'il demeure dans la foi et dans l'amour, dans l'esprit de prière et d'action de grâces, ne commet ni ne peut commettre ainsi le péché. Tant que, de cette manière, il est dans la foi et dans l'amour de Dieu par Christ, et qu'il répand son âme en sa présence, il ne peut transgresser volontairement aucun commandement de Dieu ; cette semence qui demeure en lui, cette foi qui produit l'amour, la prière, l'action de grâces, l'oblige à s'abstenir de choses qu'il sait être une abomination devant Dieu.
                Mais ici se présente immédiatement une difficulté, une difficulté telle que plusieurs l'ont trouvée insurmontable, et qu'elle les a induits à nier la claire affirmation de l'apôtre et à faire bon marché du privilège des enfants de Dieu.
                    En effet, nous voyons ceux que nous ne pouvons nier avoir été vraiment nés de Dieu (puisque l'Esprit de Dieu dans sa parole leur a rendu son témoignage infaillible) ; nous les voyons non seulement pouvoir commettre, mais commettre réellement le péché et même des péchés grossiers. Nous les voyons transgresser des lois divines claires et manifestes, en disant ou faisant ce qu'ils savaient être défendu de Dieu.
                     Ainsi David était incontestablement né de Dieu, avant d'être oint roi sur Israël. Il savait en qui il avait cru ; « il était fort dans la foi, donnant gloire à Dieu ». « L'Eternel est mon berger » dit-il, « je n'aurai point de disette. Il me fait reposer dans les parcs herbeux et il me conduit le long des eaux tranquilles. Même quand je marcherai par la vallée de l'ombre de la mort, je ne craindrai aucun mal, car tu es avec moi (Ps 23) ». Il était rempli d'amour et il s'écrie : « Je veux t'aimer, mon Dieu, ma force. Le Seigneur est mon rocher, la corne de mon salut et mon refuge (Psaume 18 : 1,2) ». C'était un homme de prière, qui répandait son âme en tout temps devant son Dieu, il abondait dans la louange et les actions de grâces : « Ta louange », dit-il, « sera continuellement dans ma bouche (Psaume 34 : 1)»; « tu es mon Dieu fort, je te célébrerai ; tu es mon Dieu, je t'exalterai (Ps 118 : 28) ». Il était né de Dieu, et pourtant il put commettre, il commit le péché ; que dis-je ? l'horrible péché d'adultère et de meurtre. 
                  Même après que le Saint-Esprit eut été plus abondamment répandu et que «la vie et l'immortalité eurent été manifestées par l’Évangile» nous trouvons encore de pareils exemples écrits, sans doute, pour notre instruction. Ainsi celui qui (probablement pour avoir vendu ses biens et en avoir appliqué le prix au soulagement de ses frères) fut surnommé par les apôtres eux-mêmes Barnabas, c'est-à-dire fils de consolation (Actes 4 : 36,37), qui était si estimé à Antioche, qu'il fut choisi d'entre  tous les disciples pour porter avec Saul les aumônes destinées aux frères de Judée (Actes 11 : 29,30) ; ce Barnabas qui, à son retour de Judée, fut mis à part solennellement par le Saint-Esprit, d'entre les autres prophètes et docteurs, « pour l'oeuvre à laquelle Dieu l'avait appelé (Actes 13 : 1,4) » pour accompagner parmi les Gentils, le grand apôtre, et pour être, en tout lieu, son compagnon d'oeuvre, fut néanmoins si peu conciliant dans la contestation qu'il eut avec Paul au sujet de Jean surnommé Marc, qui les avaient quittés dès la Pamphylie et ne les avait pas accompagnés dans l'oeuvre, qu'il abandonna lui-même cette oeuvre pour prendre Marc, et fit voile pour l'île de Chypre, quittant celui à qui il avait été associé par une direction si immédiate du Saint-Esprit (Actes 15 : 35,39).
                   Mais l'exemple que Paul nous rapporte dans l'Épître aux Galates est encore plus étonnant que ceux-là. « Quand Pierre », nous dit-il, « vint à Antioche », 
Pierre, déjà avancé en âge, le zélé Pierre, le premier des apôtres, est l'un de ces trois qui avait été distingués par le Seigneur, 
« je lui résistai en face, parce qu'il méritait d'être repris. Car avant que quelques-uns fussent venus de la part de Jacques, il mangeait avec les Gentils : 
les païens convertis, ayant été spécialement enseigné de Dieu qu'il ne devait « tenir aucun homme pour impur ou souillé (Actes 10 : 28) ». 
« Mais dès qu'ils furent venus, il se retira et se sépara des Gentils, craignant ceux de la circoncision. Et les autres Juifs usaient aussi de la même dissimulation que lui, de sorte que Barnabas même se laissait entraîner à dissimuler comme eux. Mais quand je vis qu'ils ne marchaient pas de droit pied selon la vérité de l’Évangile, je dis à Pierre, en présence de tous : Si toi qui es Juif, vis comme les Gentils et non comme les Juifs » - non selon les prescriptions extérieures de la loi, « pourquoi obliges-tu les Gentils à judaïser (Gal 2 : 11)?» Nous avons donc ici un péché évident, incontestable, commis par un homme qui était sans aucun doute enfant de Dieu. Mais comment concilier cela avec le sens littéral de cette assertion de saint Jean, que « celui qui est né de Dieu ne fait point le péché ? »
                 Je réponds : Ce que nous avons déjà avancé, c'est qu'aussi longtemps que « celui qui est né de Dieu se conserve lui-même » — (et il le peut par la grâce de Dieu) — «le malin ne le touche point » ; mais que s'il ne se conserve pas lui même, s'il ne demeure pas dans la foi, il peut pécher aussi bien qu'un autre homme. Il est dès lors aisé de comprendre comment, malgré la chute de tel de ces enfants de Dieu, la grande vérité déclarée par l'apôtre demeure ferme et inébranlable. Il ne se conserva point par cette grâce qui lui était suffisante pour se garder. Il tomba par degrés, d'abord dans un péché intérieur négatif, ne « rallumant » pas « le don de Dieu » qui était en lui, négligeant de veiller, de prier et de « courir vers le prix de sa vocation céleste » ; puis dans un péché intérieur positif, inclinant vers le mal, ouvrant son coeur à quelque mauvais penchant, perdant bientôt sa foi, sa vue du pardon et de la grâce de Dieu, et par suite son amour ; alors devenu faible comme un autre homme, il put commettre même le péché extérieur et grossier.
                Appliquons ceci à l'exemple de David. David était né de Dieu, et par la foi, il voyait Dieu. Il l'aimait en sincérité. Il pouvait vraiment dire : « Quel autre que toi ai-je au ciel? Voici, je n'ai pris plaisir sur la terre qu'en toi ». Mais il y avait toujours dans son coeur cette corruption de nature qui est la semence de tout mal.
                 « Il se promenait sur la plate-forme du palais royal (2 Samuel 11 : 2) », louant, peut-être, le Dieu qu'aimait son âme, quand ses regards tombèrent sur Bathscébah. Ici s'élève une tentation, une pensée tendant au mal. L'Esprit de Dieu ne manque pas de l'en convaincre il distingue, sans doute, cette voix bien connue, mais il ne chasse point cette pensée, et la tentation commence à le dominer. Son esprit en est souillé ; il voit encore Dieu, mais déjà plus obscurément. Il l'aime encore, mais non pas au même degré, ni avec la même ardeur. Cependant l'Esprit de Dieu, quoique contristé, continue à le reprendre ; et sa voix, quoique toujours plus faible, lui dit encore tout bas : « Le péché est à la porte ; regarde vers moi et sois sauvé ! » Mais fermant l'oreille, il regarde, non point vers Dieu, mais vers l'objet défendu, jusqu'à ce qu'enfin la nature l'emporte sur la grâce et allume la convoitise dans son âme.
                L’œil de son âme se referme maintenant, et Dieu disparaît. La foi, communication divine et surnaturelle avec Dieu, et l'amour de Dieu, cessent en même temps ; il se précipite comme un coursier dans la bataille, et, de gaieté de coeur, il commet le péché grossier.
              Vous voyez ici le passage graduel de la grâce au péché : la semence divine et victorieuse de la foi et de l'amour demeure dans l'homme qui est né de Dieu. Par la grâce, « il se garde lui-même et ne peut faire le péché ». Une tentation s'élève ; que ce soit du monde, de la chair ou du diable, peu importe. L'Esprit de Dieu l'avertit que le péché est à la porte et lui recommande plus expressément la vigilance et la prière. Il cède, en quelque mesure, à la tentation qui commence à lui plaire. Il a contristé le Saint-Esprit, sa foi devient plus faible et son amour se refroidit. L'Esprit le reprend avec plus de force : « C'est ici le chemin, marches-y ». Il se détourne de cette voix qui le blesse et prête l'oreille à la voix du tentateur qui lui plaît. La convoitise naît et grandit dans son âme jusqu'à en chasser la foi et l'amour ; dès lors il est capable de commettre le péché grossier ; car Dieu s'est retiré de lui.
                 Prenons un autre exemple : l'apôtre Pierre était rempli de foi et du Saint-Esprit ; et par là se conservant lui-même, il avait une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes.
                Marchant ainsi dans la simplicité et dans la sincérité devant Dieu, « il mangeait avec les Gentils avant que des messagers vinssent de la part de Jacques », sachant que rien de ce que Dieu a purifié n'est impur ou souillé.
                 Mais « lorsqu'ils furent venus », la tentation s'éleva en lui « de craindre ceux de la circoncision » (c'est-à-dire les Juifs convertis qui étaient zélés pour la circoncision et les autres rites mosaïques) et d'estimer la faveur et la gloire venant de ces hommes plus que la gloire de Dieu.
              L'Esprit de Dieu l'avertit de l'approche du péché ; néanmoins il céda, en quelque mesure, à cette crainte coupable, et sa foi et son amour furent en proportion affaiblis. Dieu lui reprocha de donner lieu au diable ; mais refusant d'écouter le bon Berger, il s'abandonna à cette crainte servile et éteignit l'Esprit.
                  Dieu disparut alors, la foi et l'amour s'éteignirent, et il commit le péché extérieur : ne marchant pas « de droit pied, selon la vérité de l’Évangile », il se sépara de ses frères en Christ, et par son exemple, si ce n'est même par ses avis, il contraignit les Gentils de judaïser, de se remettre de nouveau sous ce joug de servitude dont Jésus-Christ les avait affranchis. Il est donc incontestable que celui qui est né de Dieu, se gardant lui-même, ne commet ni ne peut commettre le péché ; et néanmoins, s'il ne se garde point lui-même, il peut commettre, de gaieté de coeur, toutes sortes de péchés.

III

Des considérations qui précèdent, nous pouvons apprendre :

                   1° à résoudre une question qui a souvent embarrassé des âmes sincères. Le péché précède-t-il ou suit-il la perte de la foi ? Un enfant de Dieu perd-il sa foi pour avoir péché ? Ou faut-il qu'il perde sa foi avant de pouvoir pécher ? — Je réponds : Il faut bien que quelque péché d'omission, pour le moins, précède la perte de la foi ; quelque péché intérieur : mais le péché extérieur ne peut être commis que s'il a perdu la foi.
                     Plus un croyant examinera son coeur, plus il sera convaincu que la foi, opérant par la charité, exclut tout péché, intérieur ou extérieur, de l'âme qui veille et prie. Mais qu'alors même nous sommes sujets à la tentation, surtout du côté des péchés qui nous enveloppaient autrefois aisément ; que si l’œil de l'âme se fixe avec amour sur Dieu, la tentation s'évanouit bientôt ; mais que si, au contraire, comme le dit saint Jacques, nous sommes « tirés et amorcés » loin de Dieu « par notre propre ; convoitise », la convoitise, après avoir conçu ; enfante le péché, et ayant, par ce péché intérieur, détruit notre foi, elle nous précipite si bien dans les pièges du diable, que nous sommes capables de commettre toutes sortes de péchés extérieurs.
                    2° Nous pouvons apprendre, en second lieu, de ce qui a été dit, ce qu'est la, vie de Dieu dans l'âme d'un croyant ; en quoi elle consiste et ce qu'elle suppose nécessairement. Elle suppose nécessairement l'inspiration continue du Saint-Esprit ; la pénétration du souffle de Dieu dans l'âme et le retour continuel de ce souffle vers Dieu ; une action continuelle de Dieu sur l'âme et la réaction de l'âme sur Dieu ; la présence non interrompue du Dieu d'amour ; manifestée au coeur et perçue par la foi, et un retour non interrompu d'amour, de louanges et de prières, par lequel nous offrons toutes nos pensées, nos affections, nos paroles et nos oeuvres, en sacrifice saint et agréable à Dieu par Jésus-Christ. Et c'est ce qui nous montre : 
                   3° l'absolue nécessité de cette, réaction de l'âme (s'il nous est permis de l'appeler ainsi) pour que la vie divine s'y maintienne. Car il est évident que Dieu ne continue pas à agir sur l'âme ; si l'âme ne réagit sur Dieu. Il nous prévient sans doute par les marques de sa bonté. Il nous aime le premier et se manifeste à nous. Quand nous sommes encore loin, il nous appelle, et fait luire sur nous sa lumière. Mais si nous n'aimons point alors Celui qui nous aima, le premier, si nous n'écoutons pas sa voix, si nous détournons de lui nos yeux, pour ne point voir la, lumière qu'il répand sur nous, son Esprit ne conteste point toujours ; il se retire par degrés et nous abandonne à nos propres ténèbres. Son souffle ne continue point en nous si notre âme cesse de le lui renvoyer, si nous cessons de lui offrir, par notre amour, nos prières et nos actions de grâces, le sacrifice qui lui est agréable.
                  4° Apprenons enfin à suivre cette recommandation du grand apôtre : « Ne t'élève point par orgueil, mais crains ». Craignons le péché, plus que la mort ou l'enfer. Redoutons d'une crainte, non servile, mais jalouse, de nous appuyer sur la tromperie de nos propres cœurs. « Que celui qui est debout prenne garde qu'il ne tombe ». Celui même qui maintenant est affermi dans la grâce et dans la foi qui surmonte le monde peut néanmoins tomber dans le péché intérieur, et par là faire naufrage quant à la. foi Et qu'il est facile, dès lors ; au péché extérieur de reprendre son empire ! Toi donc, homme de Dieu, veille pour entendre toujours la voix de Dieu. Veille pour prier sans cesse ; répands en tous temps, en tous lieux, ton coeur en sa présence ! Ainsi tu pourras toujours croire, toujours aimer  et ne jamais « faire le péché ».

jeudi 18 juin 2015

LES SERMONS DE WESLEY Sermon 18 : LES MARQUES DE LA NOUVELLE NAISSANCE

Numérisation Yves PETRAKIAN
Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement
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(tiré du livre  LES SERMONS DE WESLEY  -1- )


Jean 3,8   (1748)

II en est ainsi de tout homme qui est né de l'Esprit (Jean 3 : 8).

                   Quel est l'état de tout homme qui est « né de l'Esprit » , — né de nouveau, né de Dieu ? Que signifient ces expressions : être fils ou enfants de Dieu ; avoir l'esprit d'adoption ; et que supposent-elles ? En quoi consistent ces privilèges ? Qu'est-ce que la nouvelle naissance ?
                Peut-être n'est-il pas nécessaire d'en donner une définition, puisque l'Ecriture n'en donne point. Mais puisque la question est, pour tout fils d'homme, du plus grand intérêt (car il est écrit : Si quelqu'un n'est né de nouveau, né de l'Esprit, il ne peut voir le royaume de Dieu), je me propose d'en indiquer simplement les marques, telles que je les trouve dans l'Écriture.

I

                   La première de toutes et le fondement des autres, c'est la foi. « Vous êtes tous» , dit saint Paul, « les enfants de Dieu par la foi en Jésus-Christ ». (Gal 3 : 26) « A tous ceux qui L'ont reçu », dit saint Jean, « Il leur a donné le pouvoir (grec : exousian droit, privilège) de devenir enfants de Dieu », savoir : à ceux qui croient en son nom, lesquels (lorsqu'ils ont cru) ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair (par une naissance naturelle), ni de la volonté de l'homme (comme ces enfants que les hommes adoptent et qui n'éprouvent aucun changement intérieur par suite de leur adoption), mais qui sont « nés de Dieu ». (Jean 1 : 12-13) Saint Jean ajoute encore, dans sa première épître : « Quiconque croit que Jésus est le Christ est né de Dieu ». (1Jean 5 : 1)
                Mais quelle est la foi dont parlent ici les apôtres ? Ce n'est pas simplement une foi doctrinale ou spéculative. Ce n'est pas simplement un assentiment au dogme que « Jésus est le Christ », ni même à tous les dogmes contenus dans notre Credo, ou dans l'Ancien et le Nouveau Testament comme étant dignes d'être crus. Car alors (chose horrible à dire) les démons seraient enfants de Dieu, puisqu'ils ont cette foi et ils croient (et ils en tremblent) que Jésus est le Christ, et que toute l'Écriture, étant inspirée de Dieu, est véritable comme Dieu.
                Ce n'est point un simple assentiment à la vérité divine, fondé sur le témoignage de Dieu ou sur les miracles ; car, eux aussi, ils entendirent le Fils de Dieu, ils le reconnurent pour témoin fidèle et véritable. Ils ne purent se dispenser d'admettre son témoignage, soit quant à Lui-même, soit quant au Père qui L'avait envoyé. Ils virent aussi les oeuvres de Sa puissance, et crurent qu'il était « issu de Dieu ». Mais en dépit de cette foi, ils sont encore « dans les abîmes de ténèbres, réservés pour le jugement dernier » (2Pierre 2 : 4)
               Car tout cela n'est rien de plus qu'une foi morte. La vraie, la vivante foi chrétienne, dont on peut dire que celui qui la possède est enfant de Dieu, n'est pas seulement un acte de l'intelligence, mais c'est une disposition que Dieu Lui-même opère en son coeur ; c'est la ferme confiance en Dieu, par laquelle il s'assure, qu'à cause des mérites de Christ, ses péchés lui sont pardonnés et qu'il a retrouvé la faveur de Dieu. C'est-à-dire qu'il a commencé par se renoncer à lui-même ; que pour être « trouvé en Christ » , et rendu agréable par Lui, il rejette toute « confiance en la chair » ; que « n'ayant pas de quoi payer», ne se fiant à aucune oeuvre de justice qu'il ait faite, il vient à Dieu comme un pécheur, perdu, misérable, condamné, sans ressources ; comme un homme qui a la bouche fermée, et qui est reconnu « coupable devant Dieu. « Ce sentiment du péché (que ceux qui médisent de ce qu'ils ignorent appellent, en général, désespoir) joint à une pleine et ineffable conviction que notre salut ne vient que de Christ, et à un vif désir de ce salut, doit précéder la foi vivante, la confiance en Celui qui a accompli la loi par Sa vie et payé notre rançon par Sa mort.
               Cette foi, par laquelle nous sommes enfants de Dieu, ne se borne donc pas à une simple croyance de tous les articles que nous professons, c'est de plus une confiance véritable en la miséricorde de Dieu, par Jésus-Christ Notre Seigneur.
             Un fruit immédiat et constant de cette foi par laquelle nous sommes enfants de Dieu, un fruit qui ne peut en être séparé, non, pas même pour une heure, c'est la puissance sur le péché ; — sur le péché extérieur, quelle qu'en soit la nature ; sur toute parole ou action mauvaise ; car, partout où le sang de Christ est ainsi appliqué, il « purifie la conscience des oeuvres mortes », — et sur le péché intérieur ; car le sang de Christ purifie le coeur de tout mauvais désir et de tout mauvais penchant.
               Ce fruit de la foi est décrit abondamment par saint Paul, dans le sixième chapitre de son Épître aux Romains : « Nous qui sommes (par la foi) morts au péché, dit-il, comment y vivrions-nous encore ?... Notre vieil homme a été crucifié avec Christ, afin que le corps du péché soit détruit, et que nous ne servions plus le péché... Reconnaissez que vous êtes morts au péché, et vivants pour Dieu en Jésus-Christ, Notre Seigneur. Que le péché ne règne donc plus en vos corps mortels,... mais donnez-vous vous-mêmes à Dieu, comme étant vivants de morts que vous étiez... Car le péché n'aura plus de domination sur vous... Rendez grâces à Dieu de ce qu'après avoir été esclaves du péché,... vous en avez été affranchis et êtes devenus les esclaves de la justice ».
                Ce privilège inestimable des enfants de Dieu n'est pas moins fortement affirmé par Saint Jean, surtout en ce qui regarde l'empire sur le péché extérieur. Après s'être écrié, comme tout émerveillé de la profondeur et de la richesse de la grâce de Dieu : « Voyez quel amour le Père nous a témoigné, que nous soyons appelés enfants de Dieu ! Mes bien-aimés, nous sommes dès à présent enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté ; mais nous savons que quand il paraîtra, nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est (1Jean 1 : 3) ; »
iI ajoute peu après : « Quiconque est né de Dieu ne fait point le péché ; parce que la semence de Dieu demeure en lui ; et il ne peut pécher parce qu'il est né de Dieu. (1Jean 3 : 9) » « Oui » , sans doute, dira quelqu'un, « celui qui est né de Dieu ne fait point habituellement le péché ». 
Habituellement ! Où prenez-vous ce mot ? Je ne le vois point ; il n'est point écrit dans le Livre. Dieu dit simplement : « Il ne fait point le péché ». Et toi, tu ajoutes, habituellement !                      Qui es-tu pour corriger les oracles de Dieu, pour « ajouter aux paroles de ce livre? » Prends garde, je te prie, que « Dieu ne t'ajoute toutes les plaies qui y sont écrites !» surtout si le commentaire que tu ajoutes est tel qu'il absorbe entièrement le texte, en sorte que par cette tromperie des hommes et cette adresse qu'ils ont de séduire artificieusement, la précieuse promesse disparaisse et la Parole de Dieu soit anéantie. Oh ! prends garde, toi qui retranches quoi que ce soit de ce livre, de manière à en affaiblir le sens et à n'y laisser qu'une lettre morte, prends garde que Dieu ne retranche ta portion du livre de vie !
                  Cherchons dans le contexte l'interprétation que l'apôtre donne lui-même de ses paroles. Il avait dit au verset cinq : « Vous savez que Jésus-Christ a paru pour ôter nos péchés, et il n'y a point de péché en lui ». Quelle est sa conclusion ? « Quiconque demeure en lui ne pèche point ; quiconque pèche ne l'a point vu ni ne l'a point connu. (1Jean 3 : 6) » Puis, avant de réitérer avec force cette importante doctrine, il donne cet avertissement bien nécessaire : « Mes petits enfants, que personne ne vous séduise (1Jean 3 : 7) » ; car plusieurs chercheront à le faire, plusieurs voudront vous persuader que vous pouvez être injustes et commettre le péché, tout en étant enfants de Dieu ! « Celui qui fait ce qui est juste, est juste comme Lui aussi est juste. Celui qui pèche est du diable ; car le diable pèche dès le commencement ».
                  Puis vient le passage cité : « Quiconque est né de Dieu ne pèche point, parce que la semence de Dieu demeure en lui ; et il ne peut pécher, parce qu'il est né de Dieu ». « C'est à ceci », ajoute l'apôtre, « que l'on reconnaît les enfants de Dieu et les enfants du diable ». Pécher ou ne pas pécher, telle est la marque facile à identifier. Et l'apôtre nous dit encore, dans le même sens, au cinquième chapitre : « Nous savons que qui conque est né de Dieu ne pèche point ; mais celui qui est né de Dieu se conserve lui-même et le malin ne le touche point. (1Jean 5 : 18) » La paix est un autre fruit de cette foi vivante. Car « étant justifiés par la foi (ayant tous nos péchés effacés), nous avons la paix avec Dieu, par notre Seigneur Jésus-Christ (Romains 5 : 1) ». 
            En effet, c'est un legs que le Seigneur lui-même, la veille de sa mort, fit solennellement à tous ses disciples. « Je vous laisse la paix » , leur dit-il (à vous qui « croyez en Dieu et qui croyez aussi en moi » ), « je vous laisse ma paix, je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre coeur ne se trouble point et ne s'alarme point ». (Jean 14 : 27) Et au chapitre 16 : « Je vous ai dit ces choses afin que vous ayez la paix en moi ». (Jean 16 : 22) C'est la paix de Dieu qui « surpasse toute intelligence » , cette sérénité de l'âme qu'il n'est pas donné à l'homme naturel de concevoir, et que l'homme spirituel lui-même ne peut trouver de termes pour exprimer. Et c'est une paix que toutes les puissances de la terre et de l'enfer réunies ne sauraient lui enlever. Les flots et les orages se déchaînent contre elle, mais ne peuvent l'ébranler ; car elle est fondée sur le roc. En tous lieux, en tous temps, elle garde les cœurs et les esprits des enfants de Dieu. Qu'ils souffrent ou qu'ils soient à l'aise, qu'ils soient malades ou bien portants, dans la pauvreté ou dans l'abondance, ils sont heureux en Dieu. Il ont appris à être toujours contents, en quelque position qu'ils se trouvent, et même à rendre toujours grâces à Dieu par Jésus-Christ ; étant assurés que ce qui est, l'est pour le mieux, puisque c'est, à leur égard, la volonté de Dieu ; en sorte que, quelles que soient les vicissitudes de la vie, « leur coeur demeure ferme, se confiant en l’Éternel ».

Il

                  La seconde marque, selon la Bible, qui distingue ceux qui sont nés de Dieu, c'est l'espérance, comme nous le montrent ces paroles de Pierre, écrivant à tous les enfants de Dieu alors dispersés : « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ qui, par sa grande miséricorde, nous a fait renaître, en nous donnant une espérance vive (1Pierre 1 : 3) ou vivante » L'apôtre la désigne ainsi parce qu'il y a une espérance morte, aussi bien qu'une foi morte ; une espérance qui ne vient point de Dieu, mais de l'ennemi de Dieu et des hommes ; et c'est ce que prouvent ses fruits ; car, étant le produit de l'orgueil, elle engendre à son tour toute sorte de mal en paroles et en oeuvres ; tandis que quiconque a en Christ cette espérance vivante, est « saint comme Celui qui l'appelle est saint » ; quiconque peut dire en vérité à ses frères en Christ : « Bien-aimés, nous sommes dès à présent enfants de Dieu, et nous le verrons tel qu'il est », « se purifie lui-même comme Lui aussi est pur ».
                 Cette espérance suppose d'abord le témoignage de notre propre esprit ou de notre conscience, nous assurant que « nous marchons en simplicité et en sincérité selon Dieu » , puis le témoignage de l'Esprit de Dieu, « rendant témoignage avec notre esprit ou à notre esprit, que nous sommes enfants de Dieu », et que, « si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ ».
                 Remarquons bien ce que Dieu Lui-même nous enseigne, ici, touchant ce glorieux privilège de ses enfants. Qui nous représente-t-Il comme rendant témoignage ? Ce n'est pas seulement notre propre esprit, c'en est un autre, savoir l'Esprit de Dieu : C'est Lui qui «rend témoignage à notre esprit ». Et que témoigne-t-Il ? « Que nous sommes enfants de Dieu » et, par conséquent, « héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec Lui (Romains 8 : 16-17) », si nous renonçons à nous-mêmes, si nous nous chargeons chaque jour de notre croix, si nous endurons volontiers pour Lui les persécutions et les opprobres « pour être aussi glorifiés avec Lui ». Et en qui l'Esprit de Dieu rend-il ce témoignage ? En tous ceux qui sont enfants de Dieu. Car c'est par cela même que l'apôtre, aux versets précédents, prouve qu'ils le sont : « Tous ceux », dit-il, « qui sont conduits par l'Esprit de Dieu, sont enfants de Dieu. Ainsi vous n'avez pas reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte ; mais vous avez reçu l'Esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba, Père ! »
               Puis il ajoute : « C'est ce même Esprit qui rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ».
                Le changement du pronom au 15° verset, mérite notre attention : « Vous avez reçu l'Esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba, Père ! » Vous tous qui êtes enfants de Dieu, vous avez, comme fils, reçu ce même Esprit d'adoption, par lequel nous crions Abba, Père : nous apôtres, prophètes, enseignants (car cette interprétation est bien permise), nous par qui vous avez cru, nous, « les ministres de Christ et les dispensateurs des mystères de Dieu ». Comme nous n'avons, vous et nous, qu'un seul Seigneur, ainsi nous n'avons qu'un seul Esprit ; comme nous n'avons qu'une foi, nous n'avons qu'une espérance. Vous et nous, nous sommes scellés du même « Esprit de promesse » qui est les arrhes de votre héritage comme du nôtre, et cet Esprit témoigne également à vos esprits comme aux nôtres, que nous sommes enfants de Dieu.
                  Et c'est ainsi que s'accomplit cette parole : « Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés ».
(Jean 16 : 22) Car il est clair que si la tristesse peut, avant ce témoignage, remplir notre coeur (ou plutôt doit, en quelque mesure, le remplir lorsque nous gémissons sous la crainte et sous le sentiment de la colère divine), dès l'instant qu'un homme sent ce témoignage en lui-même, « sa tristesse est changée en joie ». Quelle qu'ait été auparavant sa douleur, dès que cette heure est venue, il ne se souvient plus de son angoisse, tant est grande la joie qu'il a d'être né de Dieu. Vous êtes encore « privés du droit de cité en lsraël », parce que vous sentez que vous n'avez pas cet Esprit ; que vous êtes « sans espérance et sans Dieu dans le monde ». Mais quand le Consolateur sera venu, « alors vous vous réjouirez », et même « votre joie sera parfaite », et « nul ne vous ravira votre joie (Jean 16 : 22) ». « Nous nous réjouissons en Dieu », direz-vous alors, « par notre Seigneur Jésus-Christ, par qui nous avons obtenu la réconciliation », « par qui nous avons accès à cette grâce, dans laquelle nous nous tenons fermes et nous nous réjouissons dans l'espérance de la gloire de Dieu. (Romains 5 : 2) »
                  Vous que Dieu a « régénérés en vous donnant une espérance vivante », dit saint Pierre « vous êtes gardés par la puissance de Dieu, par la foi, pour obtenir le salut ; en quoi vous vous réjouissez, quoique maintenant vous soyez attristés pour un peu de temps par diverses épreuves, afin que l'épreuve de votre foi vous tourne à louange, à honneur et à gloire lorsque Jésus-Christ paraîtra » ; Lui que vous n'avez pas vu, mais en qui « vous vous réjouissez d'une joie ineffable et glorieuse. (1Pierre 1 : 5) » Oui vraiment, ineffable ! Il n'appartient pas à une langue humaine de décrire cette joie qui est par le Saint-Esprit. C'est « cette manne cachée que nul ne connait que celui qui la reçoit ».
                   Mais ce que nous savons, c'est que non seulement elle demeure, mais déborde dans les profondeurs de l'affliction. « Les consolations du Dieu fort sont-elles trop petites » pour ses enfants, quand tout bien terrestre leur fait défaut ? Au contraire : là où les souffrances abondent, les consolations de son Esprit surabondent ; tellement que les fils de Dieu « se moquent de la désolation », du mal, de la disette, de l'enfer et du sépulcre ; car ils connaissent Celui « qui tient les clés de la mort et du séjour des morts » et qui bientôt jettera toute souffrance dans l'abîme où elle sera pour toujours engloutie ; ils entendent déjà cette grande voix du ciel, disant : « Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes et il habitera avec eux ; ils seront son peuple et Dieu sera lui-même avec eux. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux et la mort ne sera plus ; et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni
douleur ; car les premières choses ont disparu. (Apocalypse 21 : 3-4) »

III

                     La troisième marque distinctive de ceux qui sont nés de Dieu, et la plus grande de toutes, c'est l'amour, « l'amour de Dieu répandu dans leurs cœurs par le Saint-Esprit qui leur a été donné ». (Romains 5 : 5) « Parce qu'ils sont fils, Dieu a envoyé dans leur coeur l'Esprit de son Fils, criant Abba ! Père. (Galates 4 : 6) » Par cet Esprit, regardant toujours à Dieu comme à leur Père réconcilié et qui les aime, ils crient à Lui pour leur pain quotidien et pour tout ce qui leur est nécessaire, soit pour le corps, soit pour l'âme. Ils répandent sans cesse leur coeur en sa présence, « sachant qu'ils obtiennent les choses qu'ils Lui demandent. (1Jean 5 : 15) » Tout leur plaisir est en Lui. Il est la joie de leur coeur, leur «bouclier et leur très grande récompense ». Il est l'objet de leurs désirs ; « leur nourriture, leur breuvage est de faire sa volonté » ; « leur âme est rassasiée comme de moelle et de graisse, et leur bouche le loue avec un chant de réjouissance ». (Psaume 63 : 5)
               Et ici s'applique aussi ce que dit l'apôtre : « Quiconque aime celui qui l'a engendré, aime aussi celui qui est né de lui. (1Jean 5 : 1) » Son esprit se réjouit en Dieu son Sauveur. Il aime « le Seigneur Jésus en toute sincérité ». Il est « uni au Seigneur dans un même esprit », son âme se repose sur Lui. Il est pour elle tout aimable et « le porte-étendard entre dix mille ». Il peut dire de coeur et avec intelligence : « Mon Bien-aimé est à moi et je suis à Lui. (Cantique 2 : 16) » « Tu es plus beau qu'aucun des fils des hommes ; la grâce est répandue sur tes lèvres ; c'est pourquoi Dieu t'a béni éternellement ». (Psaume 45 : 3)
                   Le fruit nécessaire de cet amour pour Dieu est l'amour pour notre prochain, pour toute âme que Dieu a faite, sans excepter nos ennemis, ceux-là mêmes qui maintenant « nous méprisent et nous persécutent », l'amour par lequel nous aimons tout homme comme nous-mêmes, comme nous aimons nos propre âmes. L'expression dont se sert le Seigneur est encore plus forte quand Il nous dit « de nous aimer les uns les autres comme II nous a aimés ». Le commandement qu'il écrit dans le coeur de quiconque aime Dieu n'est donc rien de moins que ceci : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ». Mais nous avons connu ce qu'est l'amour, en ce que Jésus-Christ a donné sa vie pour nous ; nous devons donc, nous aussi, donner notre vie pour nos frères. (1Jean 3 : 16)                        Si nous nous sentons prêts à cela, alors nous aimons véritablement notre prochain. « Alors nous connaissons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons les frères. (1Jean 3 : 14) » « A ceci nous connaissons que nous sommes nés de Dieu, que nous demeurons en Lui et Lui en nous, parce qu'il nous a donné de son Esprit (1Jean 4 : 13) » d'amour. « Car l'amour est de Dieu, et quiconque aime (ainsi) est né de Dieu et il connaît Dieu. (1Jean 4 : 7) »
                        Mais, objectera-t-on, l'apôtre dit encore : « C'est en ceci que consiste l'amour de Dieu, que nous gardions ses commandements. (1Jean 5 : 3) » Oui, et cela n'est pas moins vrai de l'amour du prochain.
                Mais qu'en voulez-vous conclure ? Que l'observation du commandement extérieur est tout ce que renferme ce précepte d'aimer Dieu de tout notre coeur, de toute notre âme, de toute notre pensée, de toute notre force et notre prochain comme nous-mêmes ?
                  Que l'amour de Dieu n'est pas une affection de l'âme, mais seulement un service extérieur ; que l'amour du prochain n'est pas une disposition du coeur, mais seulement une série d’œuvres extérieures ? Le simple énoncé d'une interprétation aussi extravagante suffit pour la réfuter. La pensée de l'apôtre est incontestablement que le signe ou la preuve que nous gardons le premier des commandements de Dieu, qui est de l'aimer, c'est si nous gardons le reste de ses commandements.
                    Car le vrai amour, s'il est une fois répandu dans nos cœurs, nous pousse à le faire ; si nous aimons Dieu de tout notre coeur, nous ne pouvons que le servir de toutes nos forces.
                   Voici donc le deuxième fruit de l'amour de Dieu (pour autant toutefois qu'on peut l'en distinguer) : l'obéissance universelle à Celui que nous aimons : la conformité à sa volonté : l'obéissance à tous les commandements de Dieu, intérieurs et extérieurs : l'obéissance du coeur et de la vie, dans toutes nos dispositions et dans toute notre conduite. Et parmi nos dispositions, une des plus saillantes, c'est d'être « zélé pour les bonnes oeuvres » ; c'est d'avoir faim et soif de faire à tous les hommes toute sorte de bien ; c'est de se réjouir « de dépenser et d'être dépensé pour eux », pour tout fils d'homme ; n'attendant point de récompense en ce monde, mais seulement dans la résurrection des justes.

IV

                Telles sont, d'après les Écritures, les marques évidentes de la nouvelle naissance. Telle est la réponse que Dieu lui-même faite à cette grave question : Qu'est-ce qu'être né de Dieu ? et, si nous consultons les oracles de Dieu, « tel est l'homme qui est né de l'Esprit ».
                       Etre fils ou enfant de Dieu, c'est, au jugement de l'Esprit Saint, croire en Dieu, par Christ, de telle manière qu'on ne « commet point le péché », et qu'on jouit, en tous temps et en tous lieux, de cette « paix de Dieu qui surpasse toute intelligence ». C'est espérer en Dieu, par le Fils de son amour, de telle manière que vous n'ayez pas seulement une bonne conscience, mais encore l'Esprit de Dieu, « témoignant à votre esprit que vous êtes enfants de Dieu », d'où résulte nécessairement que vous vous réjouissez en Celui « par qui vous avez obtenu la réconciliation ». C'est d'aimer, plus que vous n'aimâtes jamais aucune créature, le Dieu qui vous a tant aimés, en sorte que vous ne pouvez qu'avoir pour tous les hommes le même amour que pour vous-mêmes ; un amour qui, non seulement brûle toujours dans vos cœurs, mais dont les flammes réchauffent toutes vos actions, toute votre conduite, et font de toute votre vie « une oeuvre d'amour », une obéissance permanente aux commandements qui nous disent : « Soyez miséricordieux comme Dieu est miséricordieux » ;
                        « Soyez saints car je suis saint » ; « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ». Or, quiconque est ainsi né de Dieu « connaît les choses qui lui sont données de Dieu », il sait qu'il est enfant de Dieu, et il « peut assurer son coeur devant lui». Chacun d'entre vous qui a fait attention à mes paroles ne peut donc pas ne point reconnaître et sentir si, à cette heure, il est ou n'est pas enfant de Dieu. Répondez à Dieu et non à un homme ! Point de subterfuge ! Il ne s'agit pas de votre baptême, mais de ce que vous êtes maintenant. L'esprit d'adoption est-Il maintenant dans votre coeur ? Interrogez votre coeur. Je ne demande pas si vous fûtes « nés d'eau et d'esprit », mais êtes-vous maintenant les temples du Saint-Esprit qui habite en vous ? J'admets que « vous avez été circoncis de la circoncision de Christ (selon l'image par laquelle saint Paul désigne le baptême) », mais l'Esprit de gloire, l'Esprit de Christ repose-t-Il maintenant sur vous ? sans quoi, « avec votre circoncision vous devenez incirconcis ».
                           Ne dites donc pas en vous-mêmes : « J'ai été baptisé une fois, je suis donc maintenant enfant de Dieu ». Conséquence hélas ! tout à fait insoutenable. — Ils ont été baptisés tous ces gourmands, ces ivrognes, ces menteurs et ces jureurs, ces moqueurs et ces médisants, ces impurs, ces voleurs, ces extorqueurs ! Qu'en dites-vous ? Sont-ils maintenant enfants de Dieu ? En vérité, je vous dis, à vous, qui que vous soyez, à qui s'applique l'une de ces désignations précédentes : « Votre père c'est le diable, et vous faites les oeuvres de votre père ». Au nom de Celui que vous crucifiez de nouveau, et dans les termes qu'Il employait pour vos prédécesseurs circoncis, je vous crie : « Serpents, race de vipères, comment éviterez-vous le jugement de la géhenne ? »
                          Comment, à moins que vous ne naissiez de nouveau ! Car maintenant vous êtes morts dans vos fautes et dans vos péchés. Dire qu'il n'y a de nouvelle naissance que dans le baptême, c'est donc vous sceller pour la damnation, vous condamner à l'enfer sans secours, sans espérance. Et n'est-ce pas ce que quelques-uns trouveraient bon et juste ? Dans leur zèle pour l'Éternel des armées, ils disent peut-être : « Oui, retranche ces pécheurs, ces Amalécites ! Que ces Gabaonites soient exterminés ! Ils ne méritent rien de moins ! » — sans doute, ni moi, ni vous non plus. 
                         Ce que je mérite, ce que vous méritez aussi bien qu'eux, c'est l'enfer ; et c'est par pure miséricorde que, contre nos mérites, nous n'avons pas été jetés nous-mêmes dans le feu qui ne n'éteint point. « Mais nous avons été lavés », direz-vous ; « nous sommes nés de nouveau d'eau et d'esprit ». Eux aussi ; cela n'empêche donc point que vous soyez aussi peu avancés qu'eux. 
                   Ne savez-vous pas que « ce qui est élevé devant les hommes est en abomination devant Dieu ? (Luc 16 : 15) » Venez, saints du monde, venez, gens honorés des hommes, qui d'entre vous jettera le premier la pierre contre eux, contre ces misérables indignes de vivre, contre ces prostituées publiques, ces adultères, ces meurtriers ? 
                       Mais apprenez d'abord ce que signifient ces paroles : «Celui qui hait son frère est un meurtrier. (Jean 3 : 15) » « Celui qui regard une femme pour la convoiter a déjà commis adultère avec elle dans son coeur. (Matthieu 5 : 28) » « Hommes et femmes adultères, ne savez-vous pas que l'amour du monde est inimitié contre Dieu ? (Jacques 4 : 4) » « En vérité, en vérité, je vous le dis », vous aussi, « il faut que vous naissiez de nouveau ». « A moins que vous ne naissiez », vous aussi, « de nouveau, vous ne pouvez voir le royaume de Dieu ».
                    Ne vous appuyez plus sur ce bâton brisé, en disant que vous êtes né de nouveau au moment de votre baptême. Qui est celui qui nie que vous étiez alors faits enfants de Dieu et héritiers du royaume des cieux ? Mais, en dépit de tout cela, vous êtes maintenant enfants du diable, de sorte que vous devez naître de nouveau. Et que Satan ne vous persuade pas de disputer sur les mots dans un sujet si clair.
                      Vous avez vu quelles sont les marques des enfants de Dieu : baptisés ou non baptisés, si vous ne les avez pas, il vous faut les recevoir, ou bien vous ne manquerez pas de périr éternellement. Et si vous êtes baptisés, votre seul espoir c'est qu'après avoir été enfants du diable, malgré votre baptême, vous pouvez encore recevoir « le droit d'être faits enfants de Dieu », vous pouvez « recevoir l'Esprit d'adoption, qui crie dans vos cœurs : Abba, Père ! (Romains 8 : 15) »
                      Amen, Seigneur Jésus ! Que celui qui préparera son coeur pour rechercher de nouveau ta face, reçoive cet Esprit d'adoption et puisse s'écrier : Abba, Père ! , qu'il puisse encore croire en ton nom pour être fait enfant de Dieu, pour savoir, pour sentir qu'il a par ton sang la rédemption, la rémission des péchés, et qu'il ne peut pécher parce qu'il est né de Dieu ! Qu'il puisse « renaître » encore pour avoir une espérance vive, pour « se purifier lui-même comme tu es pur ! » Etant fils, qu'il soit, par l'Esprit d'amour et de gloire reposant sur lui, « nettoyé de toute souillure de la chair et de l'esprit », et rendu capable « d'achever sa sanctification dans la crainte de Dieu ! (2Corinthiens 7 : 8) »