vendredi 19 juin 2015

LES SERMONS DE WESLEY Sermon 19 : LE GRAND PRIVILÈGE DE CEUX QUI SONT NÉS DE DIEU

Numérisation Yves PETRAKIAN
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(tiré du livre  LES SERMONS DE WESLEY  -1- )


1 Jean 3,9   (1748)

« Quiconque est né de Dieu ne fait point le péché ». (1Jean 3 : 9)

                       On a souvent supposé qu'être né de Dieu et être justifié c'est tout un ; que les mots de justification et de nouvelle naissance ne sont que des désignations différentes d'une seule et même chose ; puisqu'il est certain, d'un côté, que quiconque est justifié est aussi né de Dieu ; et de l'autre, que quiconque est né de Dieu est aussi justifié ; et que ces deux grâces de Dieu sont données simultanément au croyant. A l'instant où ses péchés sont effacés, il est aussi né de nouveau.
               Mais bien qu'il soit reconnu que la justification et la nouvelle naissance sont inséparables quant au temps, il est pourtant facile de les distinguer et de reconnaître que ce sont deux choses très différentes quant à leur nature. La justification n'implique qu'un changement relatif, la nouvelle naissance implique un changement réel. En nous justifiant, Dieu fait quelque chose pour nous ; en nous régénérant il fait l'oeuvre en nous. La justification change nos relations avec Lui, en sorte que d'ennemis nous devenons enfants ; la nouvelle naissance change le fond de notre âme, en sorte que de pécheurs nous devenons saints. Celle-là nous rend la faveur de Dieu, celle-ci son image. L'une ôte la coulpe, l'autre la puissance du péché : ainsi donc, unies quant au temps, elles n'en sont pas
moins pleinement distinctes.
                Bien des auteurs qui ont traité ce sujet sont tombés dans les idées les plus confuses pour n'avoir pas discerné combien est grande la différence entre la nouvelle naissance et la justification, surtout lorsqu'ils ont voulu expliquer et définir le grand privilège que l'apôtre attribue ici aux enfants de Dieu :

« Quiconque est né de Dieu ne fait point le péché ». Pour nous faire une juste idée de ce privilège, il peut être nécessaire de considérer : 

1 ° quel est le vrai sens de cette expression :
« Quiconque est né de Dieu » ; 
puis 
2° de rechercher dans quel sens l'apôtre dit : « qu'il ne fait point le péché ».

I

                    Considérons d'abord quel est le vrai sens de cette expression : « Quiconque est né de Dieu ». L'idée générale que nous en donnent tous les passages de l'Ecriture où elle se trouve, c'est que cette expression ne désigne pas seulement le baptême, ou un changement extérieur quelconque, mais qu'elle suppose un grand changement intérieur, opéré dans l'âme par la puissance du Saint-Esprit ; un changement dans toute notre manière d'être ; car, du moment que nous sommes nés de Dieu, les conditions de notre vie sont changées ; nous sommes, pour ainsi dire, dans un monde nouveau.
                 Le choix même de cette expression se comprend facilement. Quand ce grand changement s'opère, on peut dire, à proprement parler, que nous naissons de nouveau, tant est grande la ressemblance entre les circonstances de la naissance naturelle et celles de la naissance spirituelle. Cette ressemblance est telle que considérer les circonstances de la naissance naturelle est le moyen le plus simple de comprendre la naissance spirituelle.
                  L'enfant qui n'est point encore né subsiste, il est vrai, par l'air. aussi bien que tout être vivant, mais il ne le sent pas plus qu'il ne sent autre chose, si ce n'est d'une façon très imparfaite. Il n'entend que peu ou point, les organes de l'ouïe étant encore fermés. Il ne voit rien, car ses yeux sont fermés et il est environné d'épaisses ténèbres. A mesure que le temps de sa naissance approche, il y a, sans doute, en lui quelques mouvements qui le distinguent d'une masse inerte ; mais les sens lui manquent ; ces avenues de l'âme sont encore tout entièrement fermées. Il n'a, en conséquence, presque aucun rapport avec ce monde visible, ni aucune connaissance, aucune conception, aucune idée des choses qui s'y passent.
                    S'il est étranger au monde visible, ce n'est pas qu'il en soit éloigné (il en est très près : il en est entouré dé tous côtés) ; mais, c'est d'un côté, parce qu'il est privé des sens qui, en s'éveillant dans l'âme, peuvent seuls le mettre, en communication avec le monde matériel, et de l'autre à cause de ce voile épais qui l'en sépare et à travers lequel il ne peut rien distinguer.
                  Mais l'enfant n'est pas plutôt venu au monde, qu'il entre dans une existence toute nouvelle. Il sent maintenant l'air qui l'environne et qui, a chaque expiration, se répand en lui de tous côtés, pour entretenir la flamme de la vie : et il en tire un accroissement continuel de force, de mouvement, de sensations ; ses sens physiques étant tous éveillés maintenant et mis en rapport avec leurs objets.
          Ses yeux sont maintenant ouverts pour saisir la lumière qui, l'inondant silencieusement, lui fait connaître, en se manifestant elle-même, une variété infinie d'objets qui lui étaient naguère entièrement inconnus. Ses oreilles sont ouvertes et les sons les plus divers y retentissent. Chaque sens est exercé sur ce qui lui convient ; et le monde visible pénétrant librement par ces avenues de l'âme, elle acquiert de plus en plus la connaissance des choses sensibles, de toutes les choses qui sont sous le soleil.
                Il en est de même de la naissance de l'enfant de Dieu. Avant que ce grand changement s'opère, quoique subsistant par Celui «en qui nous avons la vie, le mouvement et l'être », il ne discerne point Dieu, il n'a pas le sentiment, la conscience intime de sa présence. Il n'a point conscience de ce divin souffle de vie, sans lequel il ne pourrait subsister un moment ; et les choses de Dieu lui sont étrangères et ne font aucune impression sur son âme. Dieu ne cesse de l'appeler d'en haut, mais il n'entend point : «comme l'aspic sourd qui n'écoute point la voix des enchanteurs, du charmeur expert en charmes ». Il ne voit point les choses de l'esprit de Dieu ; car les yeux de son entendement sont fermés et son âme entière est couverte et environnée de ténèbres. Il peut sans doute avoir quelques lueurs, quelques faibles commencements de mouvement et de vie spirituelle; mais n'ayant point encore les sens spirituels qui seuls peuvent lui faire saisir les choses spirituelles, il ne « discerne point les choses de l'Esprit de Dieu » ; « et il ne peut les connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge ».
                     De là vient qu'il est presque absolument étranger au monde invisible et qu'il en soupçonne à peine l'existence. Non qu'il en soit éloigné, il en est, au contraire, enveloppé, environné de toutes parts. L'autre monde, comme on l'appelle, n'est pas loin de chacun de nous : il est au-dessus, au-dessous de nous et à nos côtés, mais il est vrai que l'homme naturel ne le discerne point ; soit parce qu'il lui manque les sens spirituels, par lesquels seuls on discerne les choses de Dieu : soit à cause du voile épais qui l'en sépare et qu'il ne peut percer.
              Mais quand il est né de Dieu, né de l'Esprit, comme les conditions de son existence sont changées ! Son âme entière sent et discerne Dieu, et il peut dire, par une sûre expérience : « Tu m'environnes, soit que je marche, soit que je m'arrête » ; je te retrouve dans toutes tes voies ; « tu me tiens serré par derrière et par-devant, et tu as mis sur moi ta main ». Le souffle de Dieu pénètre immédiatement dans l'âme ; nouvellement née ; et ce souffle de Dieu retournes à Dieu ; sans cesse reçu par la foi, sans cesse il retourne à Dieu par l'amour, par la prière, la louange, l'action de grâces ; car l'amour, la louange, la prière, sont le souffle de toute âme vraiment née de Dieu. Et par cette respiration d'un nouveau genre qui entretient la vie spirituelle, cette même vie s'accroît ; jour
après jour, avec la force, le mouvement, la sensibilité spirituelle, tous les sens de l'âme étant maintenant éveillés et capables de discerner ce qui est bien ou mal spirituellement.
                     Les yeux de son entendement » sont « ouverts maintenant, et « il voit Celui qui est invisible ». Il voit « quelle est l'infinie grandeur de sa puissance » et de son amour envers ceux qui croient. Il voit que Dieu est miséricordieux envers lui, qu'il est réconcilié par le Fils de son amour. Il discerne clairement et l'amour par lequel Dieu pardonne et toutes « ses grandes et précieuses promesses ».
                    «Dieu qui, au commencement, dit que la lumière sortît des ténèbres, a répandu et répand « sa lumière » dans son coeur, pour « l'éclairer de la connaissance de la gloire de Dieu, en la face de Jésus-Christ ». Maintenant les ténèbres sont passées et il demeure dans la lumière de la face de Dieu.
                 Ses oreilles sont ouvertes maintenant, et Dieu ne l'appelle plus en vain. Il entend, il suit la vocation céleste, il connaît la voix de son Berger. Tous ses sens spirituels étant  éveillés, il est positivement en relation avec le monde invisible, et sans cesse il fait de nouveaux progrès dans la connaissance des choses qu'il n'était point entré dans son coeur de concevoir. Il sait maintenant ce qu'est la paix de Dieu, ce qu'est la joie du Saint-Esprit, ce qu'est l'amour de Dieu répandu dans les cœurs de ceux qui croient en Lui par Jésus Christ. Débarrassé du voile qui interceptait auparavant la lumière et la voix, la connaissance et l'amour de Dieu, celui qui est né de l'Esprit demeure dans l'amour ; « il demeure en Dieu et Dieu en lui ».

Il

                    Après avoir vu ce que signifie cette expression : « quiconque est né de Dieu », il nous reste, en second lieu, à examiner en quel sens l'apôtre dit que « celui qui est né de Dieu ne fait point le péché ».
          Or celui qui est né de Dieu, de la manière que nous avons décrite, qui continuellement reçoit de Dieu dans son âme le souffle de vie, l'influence de l'Esprit de grâce, et qui la reporte continuellement vers Dieu ; celui qui croit et qui aime, qui, par la foi, a le sentiment continuel de l'action de Dieu sur son esprit, et, par une sorte de réaction spirituelle, lui rend incessamment cette grâce en amour, en louanges, en prières ; celui-là seulement ne fait point de péché « pendant qu'il se conserve ainsi » lui-même ; mais tant que cette « semence demeure en lui, il ne peut pécher, parce qu'il est né de Dieu ».
                   Par le péché j'entends ici le péché extérieur, dans le sens ordinaire du mot ; une transgression actuelle et volontaire de la loi, de la loi révélée et écrite, de tout commandement de Dieu, reconnu pour tel au moment même où on le transgresse. Mais quiconque est né de Dieu, tant qu'il demeure dans la foi et dans l'amour, dans l'esprit de prière et d'action de grâces, ne commet ni ne peut commettre ainsi le péché. Tant que, de cette manière, il est dans la foi et dans l'amour de Dieu par Christ, et qu'il répand son âme en sa présence, il ne peut transgresser volontairement aucun commandement de Dieu ; cette semence qui demeure en lui, cette foi qui produit l'amour, la prière, l'action de grâces, l'oblige à s'abstenir de choses qu'il sait être une abomination devant Dieu.
                Mais ici se présente immédiatement une difficulté, une difficulté telle que plusieurs l'ont trouvée insurmontable, et qu'elle les a induits à nier la claire affirmation de l'apôtre et à faire bon marché du privilège des enfants de Dieu.
                    En effet, nous voyons ceux que nous ne pouvons nier avoir été vraiment nés de Dieu (puisque l'Esprit de Dieu dans sa parole leur a rendu son témoignage infaillible) ; nous les voyons non seulement pouvoir commettre, mais commettre réellement le péché et même des péchés grossiers. Nous les voyons transgresser des lois divines claires et manifestes, en disant ou faisant ce qu'ils savaient être défendu de Dieu.
                     Ainsi David était incontestablement né de Dieu, avant d'être oint roi sur Israël. Il savait en qui il avait cru ; « il était fort dans la foi, donnant gloire à Dieu ». « L'Eternel est mon berger » dit-il, « je n'aurai point de disette. Il me fait reposer dans les parcs herbeux et il me conduit le long des eaux tranquilles. Même quand je marcherai par la vallée de l'ombre de la mort, je ne craindrai aucun mal, car tu es avec moi (Ps 23) ». Il était rempli d'amour et il s'écrie : « Je veux t'aimer, mon Dieu, ma force. Le Seigneur est mon rocher, la corne de mon salut et mon refuge (Psaume 18 : 1,2) ». C'était un homme de prière, qui répandait son âme en tout temps devant son Dieu, il abondait dans la louange et les actions de grâces : « Ta louange », dit-il, « sera continuellement dans ma bouche (Psaume 34 : 1)»; « tu es mon Dieu fort, je te célébrerai ; tu es mon Dieu, je t'exalterai (Ps 118 : 28) ». Il était né de Dieu, et pourtant il put commettre, il commit le péché ; que dis-je ? l'horrible péché d'adultère et de meurtre. 
                  Même après que le Saint-Esprit eut été plus abondamment répandu et que «la vie et l'immortalité eurent été manifestées par l’Évangile» nous trouvons encore de pareils exemples écrits, sans doute, pour notre instruction. Ainsi celui qui (probablement pour avoir vendu ses biens et en avoir appliqué le prix au soulagement de ses frères) fut surnommé par les apôtres eux-mêmes Barnabas, c'est-à-dire fils de consolation (Actes 4 : 36,37), qui était si estimé à Antioche, qu'il fut choisi d'entre  tous les disciples pour porter avec Saul les aumônes destinées aux frères de Judée (Actes 11 : 29,30) ; ce Barnabas qui, à son retour de Judée, fut mis à part solennellement par le Saint-Esprit, d'entre les autres prophètes et docteurs, « pour l'oeuvre à laquelle Dieu l'avait appelé (Actes 13 : 1,4) » pour accompagner parmi les Gentils, le grand apôtre, et pour être, en tout lieu, son compagnon d'oeuvre, fut néanmoins si peu conciliant dans la contestation qu'il eut avec Paul au sujet de Jean surnommé Marc, qui les avaient quittés dès la Pamphylie et ne les avait pas accompagnés dans l'oeuvre, qu'il abandonna lui-même cette oeuvre pour prendre Marc, et fit voile pour l'île de Chypre, quittant celui à qui il avait été associé par une direction si immédiate du Saint-Esprit (Actes 15 : 35,39).
                   Mais l'exemple que Paul nous rapporte dans l'Épître aux Galates est encore plus étonnant que ceux-là. « Quand Pierre », nous dit-il, « vint à Antioche », 
Pierre, déjà avancé en âge, le zélé Pierre, le premier des apôtres, est l'un de ces trois qui avait été distingués par le Seigneur, 
« je lui résistai en face, parce qu'il méritait d'être repris. Car avant que quelques-uns fussent venus de la part de Jacques, il mangeait avec les Gentils : 
les païens convertis, ayant été spécialement enseigné de Dieu qu'il ne devait « tenir aucun homme pour impur ou souillé (Actes 10 : 28) ». 
« Mais dès qu'ils furent venus, il se retira et se sépara des Gentils, craignant ceux de la circoncision. Et les autres Juifs usaient aussi de la même dissimulation que lui, de sorte que Barnabas même se laissait entraîner à dissimuler comme eux. Mais quand je vis qu'ils ne marchaient pas de droit pied selon la vérité de l’Évangile, je dis à Pierre, en présence de tous : Si toi qui es Juif, vis comme les Gentils et non comme les Juifs » - non selon les prescriptions extérieures de la loi, « pourquoi obliges-tu les Gentils à judaïser (Gal 2 : 11)?» Nous avons donc ici un péché évident, incontestable, commis par un homme qui était sans aucun doute enfant de Dieu. Mais comment concilier cela avec le sens littéral de cette assertion de saint Jean, que « celui qui est né de Dieu ne fait point le péché ? »
                 Je réponds : Ce que nous avons déjà avancé, c'est qu'aussi longtemps que « celui qui est né de Dieu se conserve lui-même » — (et il le peut par la grâce de Dieu) — «le malin ne le touche point » ; mais que s'il ne se conserve pas lui même, s'il ne demeure pas dans la foi, il peut pécher aussi bien qu'un autre homme. Il est dès lors aisé de comprendre comment, malgré la chute de tel de ces enfants de Dieu, la grande vérité déclarée par l'apôtre demeure ferme et inébranlable. Il ne se conserva point par cette grâce qui lui était suffisante pour se garder. Il tomba par degrés, d'abord dans un péché intérieur négatif, ne « rallumant » pas « le don de Dieu » qui était en lui, négligeant de veiller, de prier et de « courir vers le prix de sa vocation céleste » ; puis dans un péché intérieur positif, inclinant vers le mal, ouvrant son coeur à quelque mauvais penchant, perdant bientôt sa foi, sa vue du pardon et de la grâce de Dieu, et par suite son amour ; alors devenu faible comme un autre homme, il put commettre même le péché extérieur et grossier.
                Appliquons ceci à l'exemple de David. David était né de Dieu, et par la foi, il voyait Dieu. Il l'aimait en sincérité. Il pouvait vraiment dire : « Quel autre que toi ai-je au ciel? Voici, je n'ai pris plaisir sur la terre qu'en toi ». Mais il y avait toujours dans son coeur cette corruption de nature qui est la semence de tout mal.
                 « Il se promenait sur la plate-forme du palais royal (2 Samuel 11 : 2) », louant, peut-être, le Dieu qu'aimait son âme, quand ses regards tombèrent sur Bathscébah. Ici s'élève une tentation, une pensée tendant au mal. L'Esprit de Dieu ne manque pas de l'en convaincre il distingue, sans doute, cette voix bien connue, mais il ne chasse point cette pensée, et la tentation commence à le dominer. Son esprit en est souillé ; il voit encore Dieu, mais déjà plus obscurément. Il l'aime encore, mais non pas au même degré, ni avec la même ardeur. Cependant l'Esprit de Dieu, quoique contristé, continue à le reprendre ; et sa voix, quoique toujours plus faible, lui dit encore tout bas : « Le péché est à la porte ; regarde vers moi et sois sauvé ! » Mais fermant l'oreille, il regarde, non point vers Dieu, mais vers l'objet défendu, jusqu'à ce qu'enfin la nature l'emporte sur la grâce et allume la convoitise dans son âme.
                L’œil de son âme se referme maintenant, et Dieu disparaît. La foi, communication divine et surnaturelle avec Dieu, et l'amour de Dieu, cessent en même temps ; il se précipite comme un coursier dans la bataille, et, de gaieté de coeur, il commet le péché grossier.
              Vous voyez ici le passage graduel de la grâce au péché : la semence divine et victorieuse de la foi et de l'amour demeure dans l'homme qui est né de Dieu. Par la grâce, « il se garde lui-même et ne peut faire le péché ». Une tentation s'élève ; que ce soit du monde, de la chair ou du diable, peu importe. L'Esprit de Dieu l'avertit que le péché est à la porte et lui recommande plus expressément la vigilance et la prière. Il cède, en quelque mesure, à la tentation qui commence à lui plaire. Il a contristé le Saint-Esprit, sa foi devient plus faible et son amour se refroidit. L'Esprit le reprend avec plus de force : « C'est ici le chemin, marches-y ». Il se détourne de cette voix qui le blesse et prête l'oreille à la voix du tentateur qui lui plaît. La convoitise naît et grandit dans son âme jusqu'à en chasser la foi et l'amour ; dès lors il est capable de commettre le péché grossier ; car Dieu s'est retiré de lui.
                 Prenons un autre exemple : l'apôtre Pierre était rempli de foi et du Saint-Esprit ; et par là se conservant lui-même, il avait une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes.
                Marchant ainsi dans la simplicité et dans la sincérité devant Dieu, « il mangeait avec les Gentils avant que des messagers vinssent de la part de Jacques », sachant que rien de ce que Dieu a purifié n'est impur ou souillé.
                 Mais « lorsqu'ils furent venus », la tentation s'éleva en lui « de craindre ceux de la circoncision » (c'est-à-dire les Juifs convertis qui étaient zélés pour la circoncision et les autres rites mosaïques) et d'estimer la faveur et la gloire venant de ces hommes plus que la gloire de Dieu.
              L'Esprit de Dieu l'avertit de l'approche du péché ; néanmoins il céda, en quelque mesure, à cette crainte coupable, et sa foi et son amour furent en proportion affaiblis. Dieu lui reprocha de donner lieu au diable ; mais refusant d'écouter le bon Berger, il s'abandonna à cette crainte servile et éteignit l'Esprit.
                  Dieu disparut alors, la foi et l'amour s'éteignirent, et il commit le péché extérieur : ne marchant pas « de droit pied, selon la vérité de l’Évangile », il se sépara de ses frères en Christ, et par son exemple, si ce n'est même par ses avis, il contraignit les Gentils de judaïser, de se remettre de nouveau sous ce joug de servitude dont Jésus-Christ les avait affranchis. Il est donc incontestable que celui qui est né de Dieu, se gardant lui-même, ne commet ni ne peut commettre le péché ; et néanmoins, s'il ne se garde point lui-même, il peut commettre, de gaieté de coeur, toutes sortes de péchés.

III

Des considérations qui précèdent, nous pouvons apprendre :

                   1° à résoudre une question qui a souvent embarrassé des âmes sincères. Le péché précède-t-il ou suit-il la perte de la foi ? Un enfant de Dieu perd-il sa foi pour avoir péché ? Ou faut-il qu'il perde sa foi avant de pouvoir pécher ? — Je réponds : Il faut bien que quelque péché d'omission, pour le moins, précède la perte de la foi ; quelque péché intérieur : mais le péché extérieur ne peut être commis que s'il a perdu la foi.
                     Plus un croyant examinera son coeur, plus il sera convaincu que la foi, opérant par la charité, exclut tout péché, intérieur ou extérieur, de l'âme qui veille et prie. Mais qu'alors même nous sommes sujets à la tentation, surtout du côté des péchés qui nous enveloppaient autrefois aisément ; que si l’œil de l'âme se fixe avec amour sur Dieu, la tentation s'évanouit bientôt ; mais que si, au contraire, comme le dit saint Jacques, nous sommes « tirés et amorcés » loin de Dieu « par notre propre ; convoitise », la convoitise, après avoir conçu ; enfante le péché, et ayant, par ce péché intérieur, détruit notre foi, elle nous précipite si bien dans les pièges du diable, que nous sommes capables de commettre toutes sortes de péchés extérieurs.
                    2° Nous pouvons apprendre, en second lieu, de ce qui a été dit, ce qu'est la, vie de Dieu dans l'âme d'un croyant ; en quoi elle consiste et ce qu'elle suppose nécessairement. Elle suppose nécessairement l'inspiration continue du Saint-Esprit ; la pénétration du souffle de Dieu dans l'âme et le retour continuel de ce souffle vers Dieu ; une action continuelle de Dieu sur l'âme et la réaction de l'âme sur Dieu ; la présence non interrompue du Dieu d'amour ; manifestée au coeur et perçue par la foi, et un retour non interrompu d'amour, de louanges et de prières, par lequel nous offrons toutes nos pensées, nos affections, nos paroles et nos oeuvres, en sacrifice saint et agréable à Dieu par Jésus-Christ. Et c'est ce qui nous montre : 
                   3° l'absolue nécessité de cette, réaction de l'âme (s'il nous est permis de l'appeler ainsi) pour que la vie divine s'y maintienne. Car il est évident que Dieu ne continue pas à agir sur l'âme ; si l'âme ne réagit sur Dieu. Il nous prévient sans doute par les marques de sa bonté. Il nous aime le premier et se manifeste à nous. Quand nous sommes encore loin, il nous appelle, et fait luire sur nous sa lumière. Mais si nous n'aimons point alors Celui qui nous aima, le premier, si nous n'écoutons pas sa voix, si nous détournons de lui nos yeux, pour ne point voir la, lumière qu'il répand sur nous, son Esprit ne conteste point toujours ; il se retire par degrés et nous abandonne à nos propres ténèbres. Son souffle ne continue point en nous si notre âme cesse de le lui renvoyer, si nous cessons de lui offrir, par notre amour, nos prières et nos actions de grâces, le sacrifice qui lui est agréable.
                  4° Apprenons enfin à suivre cette recommandation du grand apôtre : « Ne t'élève point par orgueil, mais crains ». Craignons le péché, plus que la mort ou l'enfer. Redoutons d'une crainte, non servile, mais jalouse, de nous appuyer sur la tromperie de nos propres cœurs. « Que celui qui est debout prenne garde qu'il ne tombe ». Celui même qui maintenant est affermi dans la grâce et dans la foi qui surmonte le monde peut néanmoins tomber dans le péché intérieur, et par là faire naufrage quant à la. foi Et qu'il est facile, dès lors ; au péché extérieur de reprendre son empire ! Toi donc, homme de Dieu, veille pour entendre toujours la voix de Dieu. Veille pour prier sans cesse ; répands en tous temps, en tous lieux, ton coeur en sa présence ! Ainsi tu pourras toujours croire, toujours aimer  et ne jamais « faire le péché ».

jeudi 18 juin 2015

LES SERMONS DE WESLEY Sermon 18 : LES MARQUES DE LA NOUVELLE NAISSANCE

Numérisation Yves PETRAKIAN
Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement
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(tiré du livre  LES SERMONS DE WESLEY  -1- )


Jean 3,8   (1748)

II en est ainsi de tout homme qui est né de l'Esprit (Jean 3 : 8).

                   Quel est l'état de tout homme qui est « né de l'Esprit » , — né de nouveau, né de Dieu ? Que signifient ces expressions : être fils ou enfants de Dieu ; avoir l'esprit d'adoption ; et que supposent-elles ? En quoi consistent ces privilèges ? Qu'est-ce que la nouvelle naissance ?
                Peut-être n'est-il pas nécessaire d'en donner une définition, puisque l'Ecriture n'en donne point. Mais puisque la question est, pour tout fils d'homme, du plus grand intérêt (car il est écrit : Si quelqu'un n'est né de nouveau, né de l'Esprit, il ne peut voir le royaume de Dieu), je me propose d'en indiquer simplement les marques, telles que je les trouve dans l'Écriture.

I

                   La première de toutes et le fondement des autres, c'est la foi. « Vous êtes tous» , dit saint Paul, « les enfants de Dieu par la foi en Jésus-Christ ». (Gal 3 : 26) « A tous ceux qui L'ont reçu », dit saint Jean, « Il leur a donné le pouvoir (grec : exousian droit, privilège) de devenir enfants de Dieu », savoir : à ceux qui croient en son nom, lesquels (lorsqu'ils ont cru) ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair (par une naissance naturelle), ni de la volonté de l'homme (comme ces enfants que les hommes adoptent et qui n'éprouvent aucun changement intérieur par suite de leur adoption), mais qui sont « nés de Dieu ». (Jean 1 : 12-13) Saint Jean ajoute encore, dans sa première épître : « Quiconque croit que Jésus est le Christ est né de Dieu ». (1Jean 5 : 1)
                Mais quelle est la foi dont parlent ici les apôtres ? Ce n'est pas simplement une foi doctrinale ou spéculative. Ce n'est pas simplement un assentiment au dogme que « Jésus est le Christ », ni même à tous les dogmes contenus dans notre Credo, ou dans l'Ancien et le Nouveau Testament comme étant dignes d'être crus. Car alors (chose horrible à dire) les démons seraient enfants de Dieu, puisqu'ils ont cette foi et ils croient (et ils en tremblent) que Jésus est le Christ, et que toute l'Écriture, étant inspirée de Dieu, est véritable comme Dieu.
                Ce n'est point un simple assentiment à la vérité divine, fondé sur le témoignage de Dieu ou sur les miracles ; car, eux aussi, ils entendirent le Fils de Dieu, ils le reconnurent pour témoin fidèle et véritable. Ils ne purent se dispenser d'admettre son témoignage, soit quant à Lui-même, soit quant au Père qui L'avait envoyé. Ils virent aussi les oeuvres de Sa puissance, et crurent qu'il était « issu de Dieu ». Mais en dépit de cette foi, ils sont encore « dans les abîmes de ténèbres, réservés pour le jugement dernier » (2Pierre 2 : 4)
               Car tout cela n'est rien de plus qu'une foi morte. La vraie, la vivante foi chrétienne, dont on peut dire que celui qui la possède est enfant de Dieu, n'est pas seulement un acte de l'intelligence, mais c'est une disposition que Dieu Lui-même opère en son coeur ; c'est la ferme confiance en Dieu, par laquelle il s'assure, qu'à cause des mérites de Christ, ses péchés lui sont pardonnés et qu'il a retrouvé la faveur de Dieu. C'est-à-dire qu'il a commencé par se renoncer à lui-même ; que pour être « trouvé en Christ » , et rendu agréable par Lui, il rejette toute « confiance en la chair » ; que « n'ayant pas de quoi payer», ne se fiant à aucune oeuvre de justice qu'il ait faite, il vient à Dieu comme un pécheur, perdu, misérable, condamné, sans ressources ; comme un homme qui a la bouche fermée, et qui est reconnu « coupable devant Dieu. « Ce sentiment du péché (que ceux qui médisent de ce qu'ils ignorent appellent, en général, désespoir) joint à une pleine et ineffable conviction que notre salut ne vient que de Christ, et à un vif désir de ce salut, doit précéder la foi vivante, la confiance en Celui qui a accompli la loi par Sa vie et payé notre rançon par Sa mort.
               Cette foi, par laquelle nous sommes enfants de Dieu, ne se borne donc pas à une simple croyance de tous les articles que nous professons, c'est de plus une confiance véritable en la miséricorde de Dieu, par Jésus-Christ Notre Seigneur.
             Un fruit immédiat et constant de cette foi par laquelle nous sommes enfants de Dieu, un fruit qui ne peut en être séparé, non, pas même pour une heure, c'est la puissance sur le péché ; — sur le péché extérieur, quelle qu'en soit la nature ; sur toute parole ou action mauvaise ; car, partout où le sang de Christ est ainsi appliqué, il « purifie la conscience des oeuvres mortes », — et sur le péché intérieur ; car le sang de Christ purifie le coeur de tout mauvais désir et de tout mauvais penchant.
               Ce fruit de la foi est décrit abondamment par saint Paul, dans le sixième chapitre de son Épître aux Romains : « Nous qui sommes (par la foi) morts au péché, dit-il, comment y vivrions-nous encore ?... Notre vieil homme a été crucifié avec Christ, afin que le corps du péché soit détruit, et que nous ne servions plus le péché... Reconnaissez que vous êtes morts au péché, et vivants pour Dieu en Jésus-Christ, Notre Seigneur. Que le péché ne règne donc plus en vos corps mortels,... mais donnez-vous vous-mêmes à Dieu, comme étant vivants de morts que vous étiez... Car le péché n'aura plus de domination sur vous... Rendez grâces à Dieu de ce qu'après avoir été esclaves du péché,... vous en avez été affranchis et êtes devenus les esclaves de la justice ».
                Ce privilège inestimable des enfants de Dieu n'est pas moins fortement affirmé par Saint Jean, surtout en ce qui regarde l'empire sur le péché extérieur. Après s'être écrié, comme tout émerveillé de la profondeur et de la richesse de la grâce de Dieu : « Voyez quel amour le Père nous a témoigné, que nous soyons appelés enfants de Dieu ! Mes bien-aimés, nous sommes dès à présent enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté ; mais nous savons que quand il paraîtra, nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est (1Jean 1 : 3) ; »
iI ajoute peu après : « Quiconque est né de Dieu ne fait point le péché ; parce que la semence de Dieu demeure en lui ; et il ne peut pécher parce qu'il est né de Dieu. (1Jean 3 : 9) » « Oui » , sans doute, dira quelqu'un, « celui qui est né de Dieu ne fait point habituellement le péché ». 
Habituellement ! Où prenez-vous ce mot ? Je ne le vois point ; il n'est point écrit dans le Livre. Dieu dit simplement : « Il ne fait point le péché ». Et toi, tu ajoutes, habituellement !                      Qui es-tu pour corriger les oracles de Dieu, pour « ajouter aux paroles de ce livre? » Prends garde, je te prie, que « Dieu ne t'ajoute toutes les plaies qui y sont écrites !» surtout si le commentaire que tu ajoutes est tel qu'il absorbe entièrement le texte, en sorte que par cette tromperie des hommes et cette adresse qu'ils ont de séduire artificieusement, la précieuse promesse disparaisse et la Parole de Dieu soit anéantie. Oh ! prends garde, toi qui retranches quoi que ce soit de ce livre, de manière à en affaiblir le sens et à n'y laisser qu'une lettre morte, prends garde que Dieu ne retranche ta portion du livre de vie !
                  Cherchons dans le contexte l'interprétation que l'apôtre donne lui-même de ses paroles. Il avait dit au verset cinq : « Vous savez que Jésus-Christ a paru pour ôter nos péchés, et il n'y a point de péché en lui ». Quelle est sa conclusion ? « Quiconque demeure en lui ne pèche point ; quiconque pèche ne l'a point vu ni ne l'a point connu. (1Jean 3 : 6) » Puis, avant de réitérer avec force cette importante doctrine, il donne cet avertissement bien nécessaire : « Mes petits enfants, que personne ne vous séduise (1Jean 3 : 7) » ; car plusieurs chercheront à le faire, plusieurs voudront vous persuader que vous pouvez être injustes et commettre le péché, tout en étant enfants de Dieu ! « Celui qui fait ce qui est juste, est juste comme Lui aussi est juste. Celui qui pèche est du diable ; car le diable pèche dès le commencement ».
                  Puis vient le passage cité : « Quiconque est né de Dieu ne pèche point, parce que la semence de Dieu demeure en lui ; et il ne peut pécher, parce qu'il est né de Dieu ». « C'est à ceci », ajoute l'apôtre, « que l'on reconnaît les enfants de Dieu et les enfants du diable ». Pécher ou ne pas pécher, telle est la marque facile à identifier. Et l'apôtre nous dit encore, dans le même sens, au cinquième chapitre : « Nous savons que qui conque est né de Dieu ne pèche point ; mais celui qui est né de Dieu se conserve lui-même et le malin ne le touche point. (1Jean 5 : 18) » La paix est un autre fruit de cette foi vivante. Car « étant justifiés par la foi (ayant tous nos péchés effacés), nous avons la paix avec Dieu, par notre Seigneur Jésus-Christ (Romains 5 : 1) ». 
            En effet, c'est un legs que le Seigneur lui-même, la veille de sa mort, fit solennellement à tous ses disciples. « Je vous laisse la paix » , leur dit-il (à vous qui « croyez en Dieu et qui croyez aussi en moi » ), « je vous laisse ma paix, je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre coeur ne se trouble point et ne s'alarme point ». (Jean 14 : 27) Et au chapitre 16 : « Je vous ai dit ces choses afin que vous ayez la paix en moi ». (Jean 16 : 22) C'est la paix de Dieu qui « surpasse toute intelligence » , cette sérénité de l'âme qu'il n'est pas donné à l'homme naturel de concevoir, et que l'homme spirituel lui-même ne peut trouver de termes pour exprimer. Et c'est une paix que toutes les puissances de la terre et de l'enfer réunies ne sauraient lui enlever. Les flots et les orages se déchaînent contre elle, mais ne peuvent l'ébranler ; car elle est fondée sur le roc. En tous lieux, en tous temps, elle garde les cœurs et les esprits des enfants de Dieu. Qu'ils souffrent ou qu'ils soient à l'aise, qu'ils soient malades ou bien portants, dans la pauvreté ou dans l'abondance, ils sont heureux en Dieu. Il ont appris à être toujours contents, en quelque position qu'ils se trouvent, et même à rendre toujours grâces à Dieu par Jésus-Christ ; étant assurés que ce qui est, l'est pour le mieux, puisque c'est, à leur égard, la volonté de Dieu ; en sorte que, quelles que soient les vicissitudes de la vie, « leur coeur demeure ferme, se confiant en l’Éternel ».

Il

                  La seconde marque, selon la Bible, qui distingue ceux qui sont nés de Dieu, c'est l'espérance, comme nous le montrent ces paroles de Pierre, écrivant à tous les enfants de Dieu alors dispersés : « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ qui, par sa grande miséricorde, nous a fait renaître, en nous donnant une espérance vive (1Pierre 1 : 3) ou vivante » L'apôtre la désigne ainsi parce qu'il y a une espérance morte, aussi bien qu'une foi morte ; une espérance qui ne vient point de Dieu, mais de l'ennemi de Dieu et des hommes ; et c'est ce que prouvent ses fruits ; car, étant le produit de l'orgueil, elle engendre à son tour toute sorte de mal en paroles et en oeuvres ; tandis que quiconque a en Christ cette espérance vivante, est « saint comme Celui qui l'appelle est saint » ; quiconque peut dire en vérité à ses frères en Christ : « Bien-aimés, nous sommes dès à présent enfants de Dieu, et nous le verrons tel qu'il est », « se purifie lui-même comme Lui aussi est pur ».
                 Cette espérance suppose d'abord le témoignage de notre propre esprit ou de notre conscience, nous assurant que « nous marchons en simplicité et en sincérité selon Dieu » , puis le témoignage de l'Esprit de Dieu, « rendant témoignage avec notre esprit ou à notre esprit, que nous sommes enfants de Dieu », et que, « si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ ».
                 Remarquons bien ce que Dieu Lui-même nous enseigne, ici, touchant ce glorieux privilège de ses enfants. Qui nous représente-t-Il comme rendant témoignage ? Ce n'est pas seulement notre propre esprit, c'en est un autre, savoir l'Esprit de Dieu : C'est Lui qui «rend témoignage à notre esprit ». Et que témoigne-t-Il ? « Que nous sommes enfants de Dieu » et, par conséquent, « héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec Lui (Romains 8 : 16-17) », si nous renonçons à nous-mêmes, si nous nous chargeons chaque jour de notre croix, si nous endurons volontiers pour Lui les persécutions et les opprobres « pour être aussi glorifiés avec Lui ». Et en qui l'Esprit de Dieu rend-il ce témoignage ? En tous ceux qui sont enfants de Dieu. Car c'est par cela même que l'apôtre, aux versets précédents, prouve qu'ils le sont : « Tous ceux », dit-il, « qui sont conduits par l'Esprit de Dieu, sont enfants de Dieu. Ainsi vous n'avez pas reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte ; mais vous avez reçu l'Esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba, Père ! »
               Puis il ajoute : « C'est ce même Esprit qui rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ».
                Le changement du pronom au 15° verset, mérite notre attention : « Vous avez reçu l'Esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba, Père ! » Vous tous qui êtes enfants de Dieu, vous avez, comme fils, reçu ce même Esprit d'adoption, par lequel nous crions Abba, Père : nous apôtres, prophètes, enseignants (car cette interprétation est bien permise), nous par qui vous avez cru, nous, « les ministres de Christ et les dispensateurs des mystères de Dieu ». Comme nous n'avons, vous et nous, qu'un seul Seigneur, ainsi nous n'avons qu'un seul Esprit ; comme nous n'avons qu'une foi, nous n'avons qu'une espérance. Vous et nous, nous sommes scellés du même « Esprit de promesse » qui est les arrhes de votre héritage comme du nôtre, et cet Esprit témoigne également à vos esprits comme aux nôtres, que nous sommes enfants de Dieu.
                  Et c'est ainsi que s'accomplit cette parole : « Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés ».
(Jean 16 : 22) Car il est clair que si la tristesse peut, avant ce témoignage, remplir notre coeur (ou plutôt doit, en quelque mesure, le remplir lorsque nous gémissons sous la crainte et sous le sentiment de la colère divine), dès l'instant qu'un homme sent ce témoignage en lui-même, « sa tristesse est changée en joie ». Quelle qu'ait été auparavant sa douleur, dès que cette heure est venue, il ne se souvient plus de son angoisse, tant est grande la joie qu'il a d'être né de Dieu. Vous êtes encore « privés du droit de cité en lsraël », parce que vous sentez que vous n'avez pas cet Esprit ; que vous êtes « sans espérance et sans Dieu dans le monde ». Mais quand le Consolateur sera venu, « alors vous vous réjouirez », et même « votre joie sera parfaite », et « nul ne vous ravira votre joie (Jean 16 : 22) ». « Nous nous réjouissons en Dieu », direz-vous alors, « par notre Seigneur Jésus-Christ, par qui nous avons obtenu la réconciliation », « par qui nous avons accès à cette grâce, dans laquelle nous nous tenons fermes et nous nous réjouissons dans l'espérance de la gloire de Dieu. (Romains 5 : 2) »
                  Vous que Dieu a « régénérés en vous donnant une espérance vivante », dit saint Pierre « vous êtes gardés par la puissance de Dieu, par la foi, pour obtenir le salut ; en quoi vous vous réjouissez, quoique maintenant vous soyez attristés pour un peu de temps par diverses épreuves, afin que l'épreuve de votre foi vous tourne à louange, à honneur et à gloire lorsque Jésus-Christ paraîtra » ; Lui que vous n'avez pas vu, mais en qui « vous vous réjouissez d'une joie ineffable et glorieuse. (1Pierre 1 : 5) » Oui vraiment, ineffable ! Il n'appartient pas à une langue humaine de décrire cette joie qui est par le Saint-Esprit. C'est « cette manne cachée que nul ne connait que celui qui la reçoit ».
                   Mais ce que nous savons, c'est que non seulement elle demeure, mais déborde dans les profondeurs de l'affliction. « Les consolations du Dieu fort sont-elles trop petites » pour ses enfants, quand tout bien terrestre leur fait défaut ? Au contraire : là où les souffrances abondent, les consolations de son Esprit surabondent ; tellement que les fils de Dieu « se moquent de la désolation », du mal, de la disette, de l'enfer et du sépulcre ; car ils connaissent Celui « qui tient les clés de la mort et du séjour des morts » et qui bientôt jettera toute souffrance dans l'abîme où elle sera pour toujours engloutie ; ils entendent déjà cette grande voix du ciel, disant : « Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes et il habitera avec eux ; ils seront son peuple et Dieu sera lui-même avec eux. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux et la mort ne sera plus ; et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni
douleur ; car les premières choses ont disparu. (Apocalypse 21 : 3-4) »

III

                     La troisième marque distinctive de ceux qui sont nés de Dieu, et la plus grande de toutes, c'est l'amour, « l'amour de Dieu répandu dans leurs cœurs par le Saint-Esprit qui leur a été donné ». (Romains 5 : 5) « Parce qu'ils sont fils, Dieu a envoyé dans leur coeur l'Esprit de son Fils, criant Abba ! Père. (Galates 4 : 6) » Par cet Esprit, regardant toujours à Dieu comme à leur Père réconcilié et qui les aime, ils crient à Lui pour leur pain quotidien et pour tout ce qui leur est nécessaire, soit pour le corps, soit pour l'âme. Ils répandent sans cesse leur coeur en sa présence, « sachant qu'ils obtiennent les choses qu'ils Lui demandent. (1Jean 5 : 15) » Tout leur plaisir est en Lui. Il est la joie de leur coeur, leur «bouclier et leur très grande récompense ». Il est l'objet de leurs désirs ; « leur nourriture, leur breuvage est de faire sa volonté » ; « leur âme est rassasiée comme de moelle et de graisse, et leur bouche le loue avec un chant de réjouissance ». (Psaume 63 : 5)
               Et ici s'applique aussi ce que dit l'apôtre : « Quiconque aime celui qui l'a engendré, aime aussi celui qui est né de lui. (1Jean 5 : 1) » Son esprit se réjouit en Dieu son Sauveur. Il aime « le Seigneur Jésus en toute sincérité ». Il est « uni au Seigneur dans un même esprit », son âme se repose sur Lui. Il est pour elle tout aimable et « le porte-étendard entre dix mille ». Il peut dire de coeur et avec intelligence : « Mon Bien-aimé est à moi et je suis à Lui. (Cantique 2 : 16) » « Tu es plus beau qu'aucun des fils des hommes ; la grâce est répandue sur tes lèvres ; c'est pourquoi Dieu t'a béni éternellement ». (Psaume 45 : 3)
                   Le fruit nécessaire de cet amour pour Dieu est l'amour pour notre prochain, pour toute âme que Dieu a faite, sans excepter nos ennemis, ceux-là mêmes qui maintenant « nous méprisent et nous persécutent », l'amour par lequel nous aimons tout homme comme nous-mêmes, comme nous aimons nos propre âmes. L'expression dont se sert le Seigneur est encore plus forte quand Il nous dit « de nous aimer les uns les autres comme II nous a aimés ». Le commandement qu'il écrit dans le coeur de quiconque aime Dieu n'est donc rien de moins que ceci : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ». Mais nous avons connu ce qu'est l'amour, en ce que Jésus-Christ a donné sa vie pour nous ; nous devons donc, nous aussi, donner notre vie pour nos frères. (1Jean 3 : 16)                        Si nous nous sentons prêts à cela, alors nous aimons véritablement notre prochain. « Alors nous connaissons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons les frères. (1Jean 3 : 14) » « A ceci nous connaissons que nous sommes nés de Dieu, que nous demeurons en Lui et Lui en nous, parce qu'il nous a donné de son Esprit (1Jean 4 : 13) » d'amour. « Car l'amour est de Dieu, et quiconque aime (ainsi) est né de Dieu et il connaît Dieu. (1Jean 4 : 7) »
                        Mais, objectera-t-on, l'apôtre dit encore : « C'est en ceci que consiste l'amour de Dieu, que nous gardions ses commandements. (1Jean 5 : 3) » Oui, et cela n'est pas moins vrai de l'amour du prochain.
                Mais qu'en voulez-vous conclure ? Que l'observation du commandement extérieur est tout ce que renferme ce précepte d'aimer Dieu de tout notre coeur, de toute notre âme, de toute notre pensée, de toute notre force et notre prochain comme nous-mêmes ?
                  Que l'amour de Dieu n'est pas une affection de l'âme, mais seulement un service extérieur ; que l'amour du prochain n'est pas une disposition du coeur, mais seulement une série d’œuvres extérieures ? Le simple énoncé d'une interprétation aussi extravagante suffit pour la réfuter. La pensée de l'apôtre est incontestablement que le signe ou la preuve que nous gardons le premier des commandements de Dieu, qui est de l'aimer, c'est si nous gardons le reste de ses commandements.
                    Car le vrai amour, s'il est une fois répandu dans nos cœurs, nous pousse à le faire ; si nous aimons Dieu de tout notre coeur, nous ne pouvons que le servir de toutes nos forces.
                   Voici donc le deuxième fruit de l'amour de Dieu (pour autant toutefois qu'on peut l'en distinguer) : l'obéissance universelle à Celui que nous aimons : la conformité à sa volonté : l'obéissance à tous les commandements de Dieu, intérieurs et extérieurs : l'obéissance du coeur et de la vie, dans toutes nos dispositions et dans toute notre conduite. Et parmi nos dispositions, une des plus saillantes, c'est d'être « zélé pour les bonnes oeuvres » ; c'est d'avoir faim et soif de faire à tous les hommes toute sorte de bien ; c'est de se réjouir « de dépenser et d'être dépensé pour eux », pour tout fils d'homme ; n'attendant point de récompense en ce monde, mais seulement dans la résurrection des justes.

IV

                Telles sont, d'après les Écritures, les marques évidentes de la nouvelle naissance. Telle est la réponse que Dieu lui-même faite à cette grave question : Qu'est-ce qu'être né de Dieu ? et, si nous consultons les oracles de Dieu, « tel est l'homme qui est né de l'Esprit ».
                       Etre fils ou enfant de Dieu, c'est, au jugement de l'Esprit Saint, croire en Dieu, par Christ, de telle manière qu'on ne « commet point le péché », et qu'on jouit, en tous temps et en tous lieux, de cette « paix de Dieu qui surpasse toute intelligence ». C'est espérer en Dieu, par le Fils de son amour, de telle manière que vous n'ayez pas seulement une bonne conscience, mais encore l'Esprit de Dieu, « témoignant à votre esprit que vous êtes enfants de Dieu », d'où résulte nécessairement que vous vous réjouissez en Celui « par qui vous avez obtenu la réconciliation ». C'est d'aimer, plus que vous n'aimâtes jamais aucune créature, le Dieu qui vous a tant aimés, en sorte que vous ne pouvez qu'avoir pour tous les hommes le même amour que pour vous-mêmes ; un amour qui, non seulement brûle toujours dans vos cœurs, mais dont les flammes réchauffent toutes vos actions, toute votre conduite, et font de toute votre vie « une oeuvre d'amour », une obéissance permanente aux commandements qui nous disent : « Soyez miséricordieux comme Dieu est miséricordieux » ;
                        « Soyez saints car je suis saint » ; « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ». Or, quiconque est ainsi né de Dieu « connaît les choses qui lui sont données de Dieu », il sait qu'il est enfant de Dieu, et il « peut assurer son coeur devant lui». Chacun d'entre vous qui a fait attention à mes paroles ne peut donc pas ne point reconnaître et sentir si, à cette heure, il est ou n'est pas enfant de Dieu. Répondez à Dieu et non à un homme ! Point de subterfuge ! Il ne s'agit pas de votre baptême, mais de ce que vous êtes maintenant. L'esprit d'adoption est-Il maintenant dans votre coeur ? Interrogez votre coeur. Je ne demande pas si vous fûtes « nés d'eau et d'esprit », mais êtes-vous maintenant les temples du Saint-Esprit qui habite en vous ? J'admets que « vous avez été circoncis de la circoncision de Christ (selon l'image par laquelle saint Paul désigne le baptême) », mais l'Esprit de gloire, l'Esprit de Christ repose-t-Il maintenant sur vous ? sans quoi, « avec votre circoncision vous devenez incirconcis ».
                           Ne dites donc pas en vous-mêmes : « J'ai été baptisé une fois, je suis donc maintenant enfant de Dieu ». Conséquence hélas ! tout à fait insoutenable. — Ils ont été baptisés tous ces gourmands, ces ivrognes, ces menteurs et ces jureurs, ces moqueurs et ces médisants, ces impurs, ces voleurs, ces extorqueurs ! Qu'en dites-vous ? Sont-ils maintenant enfants de Dieu ? En vérité, je vous dis, à vous, qui que vous soyez, à qui s'applique l'une de ces désignations précédentes : « Votre père c'est le diable, et vous faites les oeuvres de votre père ». Au nom de Celui que vous crucifiez de nouveau, et dans les termes qu'Il employait pour vos prédécesseurs circoncis, je vous crie : « Serpents, race de vipères, comment éviterez-vous le jugement de la géhenne ? »
                          Comment, à moins que vous ne naissiez de nouveau ! Car maintenant vous êtes morts dans vos fautes et dans vos péchés. Dire qu'il n'y a de nouvelle naissance que dans le baptême, c'est donc vous sceller pour la damnation, vous condamner à l'enfer sans secours, sans espérance. Et n'est-ce pas ce que quelques-uns trouveraient bon et juste ? Dans leur zèle pour l'Éternel des armées, ils disent peut-être : « Oui, retranche ces pécheurs, ces Amalécites ! Que ces Gabaonites soient exterminés ! Ils ne méritent rien de moins ! » — sans doute, ni moi, ni vous non plus. 
                         Ce que je mérite, ce que vous méritez aussi bien qu'eux, c'est l'enfer ; et c'est par pure miséricorde que, contre nos mérites, nous n'avons pas été jetés nous-mêmes dans le feu qui ne n'éteint point. « Mais nous avons été lavés », direz-vous ; « nous sommes nés de nouveau d'eau et d'esprit ». Eux aussi ; cela n'empêche donc point que vous soyez aussi peu avancés qu'eux. 
                   Ne savez-vous pas que « ce qui est élevé devant les hommes est en abomination devant Dieu ? (Luc 16 : 15) » Venez, saints du monde, venez, gens honorés des hommes, qui d'entre vous jettera le premier la pierre contre eux, contre ces misérables indignes de vivre, contre ces prostituées publiques, ces adultères, ces meurtriers ? 
                       Mais apprenez d'abord ce que signifient ces paroles : «Celui qui hait son frère est un meurtrier. (Jean 3 : 15) » « Celui qui regard une femme pour la convoiter a déjà commis adultère avec elle dans son coeur. (Matthieu 5 : 28) » « Hommes et femmes adultères, ne savez-vous pas que l'amour du monde est inimitié contre Dieu ? (Jacques 4 : 4) » « En vérité, en vérité, je vous le dis », vous aussi, « il faut que vous naissiez de nouveau ». « A moins que vous ne naissiez », vous aussi, « de nouveau, vous ne pouvez voir le royaume de Dieu ».
                    Ne vous appuyez plus sur ce bâton brisé, en disant que vous êtes né de nouveau au moment de votre baptême. Qui est celui qui nie que vous étiez alors faits enfants de Dieu et héritiers du royaume des cieux ? Mais, en dépit de tout cela, vous êtes maintenant enfants du diable, de sorte que vous devez naître de nouveau. Et que Satan ne vous persuade pas de disputer sur les mots dans un sujet si clair.
                      Vous avez vu quelles sont les marques des enfants de Dieu : baptisés ou non baptisés, si vous ne les avez pas, il vous faut les recevoir, ou bien vous ne manquerez pas de périr éternellement. Et si vous êtes baptisés, votre seul espoir c'est qu'après avoir été enfants du diable, malgré votre baptême, vous pouvez encore recevoir « le droit d'être faits enfants de Dieu », vous pouvez « recevoir l'Esprit d'adoption, qui crie dans vos cœurs : Abba, Père ! (Romains 8 : 15) »
                      Amen, Seigneur Jésus ! Que celui qui préparera son coeur pour rechercher de nouveau ta face, reçoive cet Esprit d'adoption et puisse s'écrier : Abba, Père ! , qu'il puisse encore croire en ton nom pour être fait enfant de Dieu, pour savoir, pour sentir qu'il a par ton sang la rédemption, la rémission des péchés, et qu'il ne peut pécher parce qu'il est né de Dieu ! Qu'il puisse « renaître » encore pour avoir une espérance vive, pour « se purifier lui-même comme tu es pur ! » Etant fils, qu'il soit, par l'Esprit d'amour et de gloire reposant sur lui, « nettoyé de toute souillure de la chair et de l'esprit », et rendu capable « d'achever sa sanctification dans la crainte de Dieu ! (2Corinthiens 7 : 8) »




mardi 16 juin 2015

LES SERMONS DE WESLEY Sermon 17 : LA CIRCONCISION DU CŒUR

Numérisation Yves PETRAKIAN
Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement
Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

(tiré du livre  LES SERMONS DE WESLEY  -1- )


Romains 2,29   (1733), prêché devant l'Université d'Oxford

« La circoncision est celle du coeur, qui se fait selon l'Esprit et non selon la lettre ». (Romains 2 29.)

               Une remarque bien triste qu'a faite un homme excellent, c'est qu'on ne peut prêcher maintenant les devoirs les plus essentiels du christianisme sans courir risque d'être pris, par une grande partie des auditeurs, pour un homme qui annonce des doctrines « nouvelles ». La plupart ont si bien « laissé écouler » la substance de cette religion dont ils retiennent encore la profession, que dès qu'on leur propose, l'une de ces vérités qui distinguent l'esprit de Christ de l'esprit du monde, ils s'écrient : « Nous t'entendons dire certaines choses fort étranges, nous voudrions bien savoir ce que c'est » ; — quoiqu'on ne leur prêche que « Jésus et la résurrection » , avec cette conséquence rigoureuse qui en résulte : Si Christ est ressuscité, vous devez mourir au monde pour ne vivre qu'à Dieu.
                  Dure parole pour l'homme naturel, qui est vivant au monde et mort à Dieu ; parole qu'on ne lui persuadera pas facilement de recevoir comme vérité de Dieu, à moins que, par l'interprétation, on ne la rende vaine et sans effet. Quand les paroles de l'Esprit de Dieu sont prises dans leur sens simple et naturel, il ne les reçoit point ; « elles lui sont une folie » et « il ne peut même les entendre, car c'est spirituellement qu'on en juge » ; - pour les comprendre, il faut nécessairement ce sens spirituel qui ne s'est point encore éveillé en lui, et dans l'absence duquel il rejette, comme imagination des hommes, ce qui est la sagesse de Dieu et la puissance de Dieu ».
                   Que « la circoncision » soit « celle du coeur, qui se fait selon l'esprit et non selon la lettre » , — que la marque distinctive d'un vrai disciple de Christ, d'une âme agréable à Dieu, ne soit ni la circoncision, ni le baptême, ni rien d'extérieur, mais un bon état d'âme, un coeur et un esprit « renouvelés à l'image de celui qui nous a créés » , c'est une de ces vérités qui ne se discernent que spirituellement. Et c'est ce que l'apôtre indique lui-même en ajoutant : « Un tel homme tire sa louange, non des hommes, mais de Dieu » Comme s'il disait : Qui que tu sois, toi qui suis ainsi ton Maître, n'espère pas que le monde, que les hommes qui ne le suivent pas, te disent : « Cela va bien, bon et fidèle serviteur ! »   Sache que la circoncision du coeur, le sceau de ta vocation, est une folie pour le monde. Résigne-toi à attendre ta louange jusqu'au jour où ton Seigneur paraîtra. En ce jour-là, tu seras loué de Dieu, dans la grande assemblée des hommes et des anges.
                   Je me propose de rechercher d'abord en quoi consiste cette circoncision du coeur, et d'indiquer ensuite quelques réflexions qui découlent naturellement de cet examen.

I

                  Recherchons d'abord en quoi consiste cette circoncision du coeur, qui recevra sa louange de Dieu. D'une manière générale, c'est cette disposition d'âme que l'Écriture appelle sainteté et qui implique directement la purification de tout péché, de toute souillure de la chair et de l'esprit » ; qui suppose, par conséquent, que nous avons revêtu les vertus qui étaient en Christ, et que nous sommes renouvelés « dans l'esprit de notre entendement pour être « parfaits comme notre Père qui est dans les cieux est parfait ».
                   Mais, pour entrer dans les détails, la circoncision du coeur renferme l'humilité, la foi, l'espérance et la charité. L'humilité, juste appréciation de nous-mêmes, nettoie nos âmes de cette haute estime de nos perfections, de cette fausse idée de nos talents et de nos mérites, qui est le vrai fruit d'une nature corrompue. Elle exclut entièrement cette vaine pensée : Je suis riche, je suis sage, je n'ai besoin de rien ; elle nous convainc d'être, par nature « pauvres, misérables, aveugles et nus » ; elle nous montre que ce qu'il y a de mieux en nous n'est encore que péché et vanité ; que la confusion, l'ignorance et l'erreur dominent notre intelligence ; que des passions insensées, terrestres, sensuelles, diaboliques usurpent le gouvernement de notre volonté ; en un mot, qu'il n'y a « rien d'entier en nous » , et que tous « les fondements » de notre nature « sont renversés ».
                   En même temps nous recevons la conviction que nous sommes incapables par nous-mêmes de sortir de notre misère ; que, sans l'Esprit de Dieu, nous ne pouvons faire autre chose qu'entasser péché sur péché ; que lui seul peut opérer en nous, par sa toute-puissance, soit la volonté du bien, soit l'exécution ; et qu'il nous est non moins impossible de produire en nous une bonne pensée sans l'assistance surnaturelle de cet Esprit, que de nous créer ou de nous renouveler nous-mêmes en justice et en vraie sainteté.
                 Le résultat nécessaire de cette juste idée de nos péchés et de notre impuissance naturelle, c'est le mépris de cette « gloire qui vient des hommes », de cet honneur qu'on rend d'ordinaire à nos mérites supposés. Celui qui se connaît lui-même n'estime ni ne désire des applaudissements qu'il sait ne pas mériter. C'est pourquoi il « lui importe fort peu d'être jugé d'aucun jugement d'homme ».
              La comparaison de ces jugements, favorables ou bien défavorables, avec le témoignage de sa conscience au dedans, lui donne toute raison de penser que le monde est comme le Dieu de ce monde, qui fut « menteur dès le commencement ». Et, même quant à ceux qui ne sont pas du monde, quoi qu'il désire, si c'est la volonté de Dieu, qu'ils le regardent comme quelqu'un qui veut être un fidèle économe des biens de son Seigneur, si cela peut lui donner le moyen de se rendre plus utile à ses frères ; toutefois ne désirant leur approbation pour aucun autre motif, il est bien loin d'en faire son appui ; car il est assuré que, ce que Dieu veut, il aura toujours des instruments pour l'accomplir, puisqu'il peut « de ces pierres mêmes » se préparer des serviteurs qui fassent sa volonté.
                Telle est cette humilité d'esprit qu'ont apprise de Christ ceux qui suivent son exemple et marchent sur ses traces. Et cette connaissance de leur misère, qui les nettoie toujours plus de l'orgueil et de la vanité, les dispose à embrasser avec empressement la seconde grâce renfermée dans la circoncision du coeur, savoir cette foi qui seule est capable de les rétablir, qui est le seul remède donné, sous les cieux, pour guérir leur maladie.
              Le vrai conducteur des aveugles, la sûre lumière de ceux qui sont dans les ténèbres, le parfait docteur des ignorants et des simples, c'est la foi. Mais une foi « qui soit puissante, par la vertu de Dieu, pour renverser les forteresses », pour abolir tous les préjugés d'une fausse raison, toutes les maximes erronées que révèrent les hommes, toutes les mauvaises coutumes, toute cette « sagesse du monde qui est folie devant Dieu », une foi qui puisse détruire toutes les imaginations, tous les raisonnements, « tous les conseils et toute hauteur qui s'élève contre la connaissance de Dieu, et amener toutes les pensées captives et les soumettre à l'obéissance de Christ ».
                   A celui qui a cette foi, « toutes choses sont possibles ». Dieu a illuminé les yeux de son entendement et il reconnaît quelle est sa, vocation, savoir, de glorifier le Dieu qui l'a racheté à si grand prix, de le glorifier dans son corps et dans son esprit qui, maintenant, lui appartiennent par rédemption aussi bien que par création. Il sait « quelle est l'infinie grandeur du pouvoir » de Celui qui, ayant ressuscité Christ d'entre les morts, peut aussi, « par son Esprit qui habite en nous », nous ressusciter de la mort du péché. C'est cette foi qui est notre victoire sur le monde ; cette foi qui n'est pas seulement un ferme assentiment à toute la Bible, et en particulier à cette vérité : que Christ est venu au monde pour sauver les pécheurs ; — « qu'il a porté nos péchés en son corps sur le bois ; — qu'il est la propitiation pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux de tout le monde»  — mais qui est, de plus, la révélation de Christ en nous, Une assurance, une conviction divine de sa miséricorde, de son amour libre et gratuit pour nous, pécheurs ; la ferme confiance que le Saint-Esprit nous inspire, en la miséricorde divine, la confiance par laquelle tout vrai croyant peut s'écrier : « Je sais que mon Rédempteur est vivant » - que, «j'ai un avocat auprès du Père » ; que Jésus-Christ, le Juste, est « la propitiation pour mes péchés », « qu'il m'a aimé, qu'il s'est donné lui-même pour moi » ; — et que, réconcilié moi-même avec Dieu par lui, j'ai, « par son sang, la rédemption, la rémission des péchés ».
                 Une telle foi ne peut manquer de montrer avec évidence le pouvoir de son auteur; elle le fait en délivrant les enfants de Dieu du joug du péché, en « purifiant leurs consciences des oeuvres mortes », et les purifiant de telle sorte qu'ils ne sont plus contraints d'obéir au péché dans sers convoitises ; mais qu'au lieu de lui « livrer leurs membres comme instruments d'iniquité, ils se consacrent maintenant entièrement à Dieu, «comme de morts étant faits vivants ».
                Ceux qui par la foi sont ainsi nés de Dieu, ont aussi la ferme consolation de l'espérance. C'est la troisième chose comprise dans la circoncision du coeur : savoir le témoignage que leur propre esprit leur rend, aussi bien que l'Esprit de Dieu d'être les enfants de Dieu. Au fond, c'est aussi le Saint-Esprit qui leur donne cette joyeuse confiance d'avoir un coeur droit devant Dieu, c'est lui qui les assure qu'ils font maintenant par sa grâce les choses qui lui sont agréables, qu'ils sont maintenant dans le sentier qui mène à la vie et qu'ils persévéreront par la bonté de Dieu jusqu'à la fin. C'est lui qui leur donne une espérance vive de recevoir de Dieu toutes sortes de biens, une perspective joyeuse de cette couronne de gloire qui leur est réservée dans les cieux. Par cette ancre ferme, le chrétien demeure inébranlable au milieu des flots agités de ce monde, également à l'abri de deux funestes écueils : la présomption et le désespoir. Il n'est ni découragé par une fausse idée de la « sévérité » du Seigneur, ni prêt à « mépriser les richesses de sa bonté ».  On ne le voit ni craindre que la course qui lui est proposée ait des difficultés au-dessus de la force qu'il a pour les vaincre, ni s'attendre à les trouver si légères qu'elles cèdent dans la lutte avant qu'il ait déployé toute sa force.
                    Si, d'un côté, l'expérience qu'il a déjà dans le combat chrétien l'assure que « son travail ne sera, pas vain », s'il fait, selon son pouvoir tout ce qu'il a. occasion de faire, elle ne lui laisse point, de l'autre, la vaine pensée qu'aucune vertu puisse être déployée, aucune louange obtenue par des cœurs lâches et des mains languissantes, par d'autres que ceux qui, poursuivant le même but que le grand apôtre des Gentils, disent comme lui :
« Je cours, non à l'aventure ; je frappe, mais non pas en l'air ; mais je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même rejeté ».
                       C'est par la même discipline que tout « bon soldat de Christ » doit s'endurcir à supporter les travaux ; affermi et fortifié par ce moyen, il pourra renoncer non seulement aux oeuvres de ténèbres, mais à tout désir, à toute affection qui n'est point conforme à la loi de Dieu. Car « quiconque a cette espérance en lui » dit saint Jean, « se purifie lui-même, comme lui aussi est pur ». Il s'applique chaque jour, par la grâce de Dieu et par le sang de l'alliance, à nettoyer les derniers recoins de son âme des convoitises qui la possédaient et la souillaient auparavant ; à se purifier d'impureté, d'envie, de malice, de colère, de toute passion ou disposition qui est selon la chair, qui en découle ou qui flatte sa corruption ; car il sait que son corps étant le temple de Dieu, il ne doit y admettre rien de profane ou d'impur et que la sainteté convient pour toujours à la demeure qu'a daigné choisir l'Esprit de sainteté.
                      Mais il te manque encore une chose, ô homme, qui que tu sois, qui joins à une humilité profonde, à une foi ferme, une vive espérance, et qui as ainsi, en grande partie, nettoyé ton coeur de sa souillure native. A toutes ces choses, ajoute encore, si tu veux être parfait, l'amour ; tu auras alors la circoncision du coeur. La charité est « le but du commandement, l'accomplissement de la loi ».
                      Ce qui se dit de la charité, ce sont des choses glorieuses : elle est l'essence, l'esprit, la vie de toute vertu. Elle n'est pas seulement « le premier et le grand commandement », mais la réunion de tous les commandements en un. « Toutes les choses qui sont justes, toutes les choses qui sont pures, toutes les choses qui sont aimables » ou honorables ; « s'il y a quelque vertu ou quelque louange », tout cela se résume en un seul mot : — la charité. Dans l'amour est la perfection, la gloire, le bonheur. Car voici la loi royale du ciel et de la terre : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton, âme de toute ta pensée et de toutes tes forces ».
                 Ce n'est pas que ce commandement nous défende d'aimer autre chose que Dieu, car il renferme aussi l'amour pour nos frères ; ni qu'il nous interdise, comme quelques-uns en ont eu l'étrange idée, de prendre plaisir en autre chose qu'en Dieu. C'est faire faire de Celui qui est la source de la sainteté l'auteur direct du péché, puisqu'il a rendu le plaisir inséparable de l'usage des choses par lesquelles il nous faut soutenir la vie qu'il nous a donnée. Tel n'est évidemment pas le sens de son commandement. Mais le Seigneur lui-même et ses apôtres nous l'expliquent trop fréquemment et trop clairement, pour qu'il y ait de l'incertitude. Tous d'une voix ils nous rendent témoignage que ces diverses déclarations : 
-« Le Seigneur ton Dieu est un seul Seigneur » ; 
- « tu n'auras point d'autre Dieu que moi » ; 
- « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ta force », 
reviennent à dire: le seul Bien parfait sera votre but suprême. Ne désirez, pour elle-même, qu'une chose, la jouissance de Celui qui est tout en tous. Ne proposez à vos âmes qu'un seul bonheur, — l'union avec Celui qui les a faites, la « communion avec le Père et avec le Fils», l'union avec le Seigneur dans un même Esprit. Vous n'avez qu'un seul but à poursuivre jusqu'à la fin : jouir de Dieu dans le temps et dans l'éternité. Désirez les autres choses, en tant, seulement, qu'elles concourent à celle-ci.  Aimez la créature, en tant seulement qu'elle conduit au Créateur. Mais qu'en toutes vos démarches, ce soit là, votre glorieux point de mire. Que toute affection, toute pensée, toute parole, toute oeuvre y
soit subordonnée. Dans vos craintes, dans vos désirs, dans tout ce que vous fuyez ou recherchez, et quoi que vous puissiez faire, penser ou dire, que tout se rapporte à votre félicité en Dieu, le but, comme la source unique de votre être.
                   N'ayez, nous disent le Seigneur et ses apôtres, d'autre but, d'autre but suprême que Dieu. 
Ainsi notre Seigneur : « Une seule chose, est nécessaire », et « si ton œil est simple » c'est-à-dire uniquement fixe, sur cette seule chose, « tout ton corps sera éclairé ». 
Ainsi l'apôtre Paul : « Je fais une chose, je cours vers le but, vers le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ ». 
Ainsi saint Jacques : « Pécheurs, nettoyez vos mains, et vous qui avez le coeur partagé, purifiez vos cœurs ». 
Ainsi saint Jean « N'aimez point le monde, ni les choses qui sont dans le monde ; car tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l'orgueil de la vie, ne vient point du Père, mais du monde ». 
                — Chercher son bonheur dans ce qui flatte, soit la convoitise de la chair, en charmant les sens extérieurs ; soit la convoitise des yeux ou de l'imagination, par sa nouveauté, sa grandeur et sa beauté ; soit l'orgueil de la, vie, par la pompe, la grandeur, le pouvoir, ou par l'admiration et les applaudissements qui en sont la conséquence ; — cela n'est, point du Père, — cela ne vient ni n'est approuvé du Père des esprits, — mais est du monde ; c'est la marque distinctive de ceux qui disent : « Nous ne voulons point que celui-ci règne sur nous ».

II

                   Maintenant que j'ai achevé de montrer en quoi consiste cette circoncision du coeur, qui obtiendra la louange de Dieu, il me reste à présenter quelques réflexions qui découlent naturellement de cet examen et par lesquelles chacun peut juger s'il appartient lui même à Dieu ou au monde.
                   1° Et d'abord on voit clairement, par ce qui précède, que nul ne peut prétendre à la louange qui vient de Dieu, s'il n'a un coeur circoncis, s'il n'est petit à ses propres yeux, vil et sans valeur à son propre jugement ; s'il n'est profondément convaincu de cette corruption innée, par laquelle il a si complètement perdu la justice originelle, étant enclin à tout mal, sans amour pour le bien, corrompu et abominable ; ayant cette affection de la chair qui est inimitié contre Dieu, qui ne se soumet pas à la loi de Dieu et ne peut s'y soumettre ; s'il ne sent continuellement au plus profond de l'âme, que sans l'action habituelle de l'Esprit, il ne peut ni penser, ni désirer, ni dire, ni faire rien de bon, ni d'agréable à Dieu.
                     Personne, n'a de titre à la louange de Dieu, jusqu'à ce qu'il sente qu'il a besoin de Dieu ; jusqu'à ce qu'il cherche effectivement « la gloire qui vient de Dieu seul », qu'il cesse de désirer, de rechercher celle qui vient des hommes, ne faisant exception que pour celle qui se rattache à l'approbation de Dieu.
                  2° Une autre vérité qui résulte naturellement de ce que nous avons dit, c'est que nul n'obtiendra la louange qui vient de Dieu, si son coeur n'est circoncis par la foi, — par cette foi qui est un « don de Dieu » ; si désormais refusant d'obéir à ses sens, à ses appétits, à ses passions, ou même à cette aveugle conductrice d'aveugles, à cette raison naturelle, si idolâtrée du monde, — il ne vit et marche par la foi, il ne se conduit en toutes choses « comme voyant Celui qui est invisible », ne regardant pas aux choses temporelles qu'on voit, mais aux « choses éternelles qu'on ne voit point » et dans toutes ses pensées, ses actions et ses conversations, dans ses désirs et ses desseins, montrant qu'il est « entré au dedans du voile » où Jésus est assis à la droite de Dieu.
                  Plût à Dieu qu'ils connussent mieux cette foi, ceux qui emploient tant de temps et de peine à poser un autre fondement ; à baser la religion sur l'éternelle, convenance des choses, sur l'excellence intrinsèque de la vertu et sur la beauté des actions qui en découlent ; sur les raisons d'être, comme ils les appellent, du bien et du mal, et sur les relations mutuelles des êtres ! Ou leurs expositions sont conformes à la vérité scripturaire, ou elles y sont contraires ; si elles y sont conformes, pourquoi détourner des hommes droits « des choses les plus importantes de la loi » et leur embrouiller l'esprit par un nuage de termes qui n'interprètent les plus simples vérités que pour les obscurcir ? Et si elles y sont contraires, qu'ils considèrent qui est l'auteur de cette doctrine ; si ce peut être un ange du ciel, puisqu'il prêche un autre Évangile que celui de Jésus-Christ ; et quand ce serait un ange, nous savons que Dieu lui-même a prononcé sa sentence : « Qu'il soit anathème ! »
               Si notre Évangile nous montre la foi comme le seul fondement des bonnes oeuvres, et Christ comme le seul fondement de la foi, il nous enseigne tout aussi clairement que nous ne sommes point ses disciples tant que nous refusons de le reconnaître pour l'auteur de nos oeuvres, aussi bien que de notre foi, lesquelles il nous inspire et qu'il rend parfaites par son Esprit. « Si quelqu'un n'a pas l'Esprit de Christ, celui-là n'est point à lui ».                 Cet Esprit seul peut ressusciter les morts, les animer du souffle de la vie chrétienne, et, par la grâce dont il les prévient et les accompagne, accomplir et réaliser leurs bons désirs. « Tous ceux qui sont ainsi conduits par l'Esprit de Dieu, sont enfants de Dieu ». Telle est la courte et simple exposition que Dieu nous donne de la vraie religion et de la vertu ; et « personne ne peut poser d'autre fondement ».
                  3° Il découle encore de ce que nous avons dit que nul n'est véritablement « conduit par l'Esprit », si cet « Esprit ne rend témoignage avec son esprit qu'il est enfant de Dieu » ; s'il ne voit devant lui le prix et la couronne, s'il ne « se réjouit dans l'espérance de la gloire de Dieu ». Qu'elle est donc grande l'erreur de ceux qui ont enseigné que dans le service de Dieu ne doit point entrer la recherche de notre bonheur ! Au contraire, Dieu nous enseigne expressément et à plusieurs reprises, à avoir égard à la rémunération, à mettre en balance avec nos peines « la joie qui nous est proposée », et avec « notre légère affliction du temps présent, le poids éternel d'une gloire infiniment excellente ». Oui, nous sommes « étrangers à l'alliance de la promesse », jusqu'à ce que Dieu, « selon sa grande miséricorde, nous ait fait renaître en nous donnant une espérance vive de posséder l'héritage qui ne se peut corrompre, ni souiller, ni flétrir ».
                    Mais s'il en est ainsi, il est grand temps qu'ils prennent garde à leurs âmes, ceux qui, loin de sentir la joyeuse assurance de remplir les conditions de l'alliance et l'espérance d'avoir part à ses promesses, trouvent à redire à l'alliance elle-même et à ses conditions, et prétendent qu'elles sont trop sévères et que jamais personne n'a pu ni ne pourra s'y conformer. Qu'est-ce autre chose qu'accuser Dieu et lui reprocher d'être un maître dur, qui exige de ses serviteurs plus qu'il ne leur donne le moyen d'accomplir ?Comme s'il se moquait de ses faibles créatures en les liant à des impossibilités, en leur commandant de vaincre là où ni leur propre force, ni même sa grâce ne peuvent leur suffire !
                 Peu s'en faut qu'il n'y ait dans ces blasphèmes de quoi tranquilliser la conscience de ceux qui, se jetant dans un autre extrême, espèrent d'accomplir les commandements de Dieu sans aucun travail ! Mais quel vain espoir, pour un enfant d'Adam, de s'attendre à voir le royaume de Dieu et de Christ sans lutter, sans s'efforcer d'abord « d'entrer par la porte étroite » ; pour un homme conçu et né dans le péché et qui n'est que méchanceté au dedans, d'espérer jamais « devenir pur comme son Seigneur est pur », à moins de marcher sur ses traces, de se charger chaque jour de sa croix, de « couper sa main droite, de s'arracher l’œil droit et de le jeter loin de lui » ; vain espoir de rêver le renouvellement de ses opinions, de ses sentiments, de ses pensées, la sanctification entière de son esprit, de son âme, de son corps, sans renoncer à soi-même continuellement et en toutes choses !
                N'est-ce pas là le moins que nous puissions inférer de notre citation de saint Paul, qui, bien que vivant pour l'amour de Christ, « dans les faiblesses, dans les opprobres, dans les misères et les persécutions, dans les afflictions extrêmes », bien que recommandable par toutes sortes de signes et de miracles et ayant été « ravi au troisième ciel », n'en estimait pas moins, comme on l'a dit avec énergie, « que toutes ses vertus seraient mal assurées, et même son salut en danger, sans ce renoncement constant à lui-même ? » «Je cours », dit-il, « non pas à l'aventure, je frappe, mais non pas en l'air », par où il nous montre bien que celui qui ne court pas ainsi, qui n'exerce pas ainsi, jour par jour, le renoncement, court à l'aventure et sans plus d'effet que celui qui frappe en l'air.
                 4° Enfin (et c'est la dernière observation que nous tirons de ce qui précède), c'est aussi inutilement qu'il parle « de combattre le combat de la foi », c'est vainement qu'il espère atteindre la couronne incorruptible, celui dont le coeur n'est pas circoncis par la charité. L'amour, qui retranche à la fois la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l'orgueil de la vie, qui engage l'esprit, l'âme, le corps, en un mot, notre être entier dans la poursuite de ce seul objet, la charité est si essentielle à l'enfant de Dieu, que sans elle on est considéré devant le Seigneur comme « mort en vivant ».
                « Quand même je parlerais toutes les langues des hommes et même des anges, si je n'ai point la charité, je ne suis que comme l'airain qui résonne ou comme la cymbale qui retentit. Et quand même j'aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et la science de toutes choses ; et quand même j'aurais toute la foi jusqu'à transporter les montagnes, si je n'ai point la charité, je ne suis rien ». Bien plus, « quand je distribuerais tout mon bien pour la nourriture des pauvres et que même je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n'ai point la charité, cela ne me sert de rien ».
                 En elle est donc le sommaire de la loi parfaite ; en elle est la vraie circoncision du coeur. Que l'esprit retourne avec tout le cortège de ses affections, à Dieu qui l'a donné ! Que les fleuves retournent au lieu d'où ils découlent ! Dieu ne veut point de nous d'autres sacrifices que le sacrifice du coeur ; c'est là celui qu'il a choisi. Qu'il lui soit offert continuellement par Christ, dans les flammes d'un saint amour. Et qu'aucune créature ne soit admise à le partager avec Lui : car Dieu est un Dieu jaloux. Il ne partage point son trône avec un autre : il veut régner sans rival. Qu'aucun désir, aucun dessein n'y soit admis qui n'ait Dieu seul pour objet suprême. 
                Ainsi marchèrent jadis ces enfants de Dieu qui, quoique morts, nous disent encore : « Ne désirez de vivre que pour louer le nom du Seigneur ; que toutes vos pensées, vos paroles et vos oeuvres tendent à sa gloire. Attachez votre coeur à Lui, et, entre les autres choses, à celles seules qui sont en Lui et de Lui. Que votre âme soit tellement remplie de son amour, que vous n'aimiez rien, si ce n'est point Lui ! Ayez des intentions pures dans toutes vos actions, un constant désir de sa gloire. Fixez vos regards sur la sainte espérance de votre vocation, et faites-y servir toutes les choses de ce monde .               Alors, et seulement alors, nous avons en nous « les sentiments qui étaient en Jésus-Christ » ; lorsque dans tout mouvement de nos cœurs, de nos lèvres, de nos mains, nous ne nous proposons rien qui n'ait Dieu pour but et qui ne lui soit soumis ; lorsque aussi dans nos actions, nos pensées, nos paroles, nous cherchons à faire, « non pas notre volonté », « mais la volonté de celui qui nous a envoyés » ; lorsque, « soit que nous mangions, ou que nous buvions, ou que nous fassions quelque autre chose, nous faisons tout pour la gloire de Dieu ».