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Yves PETRAKIAN
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(tiré du livre LES SERMONS DE WESLEY -1- )
Marc
1,15 (1746)
«
Le Royaume de Dieu est proche, repentez-vous et croyez à l'Evangile
». (Mr 1 : 15.)
Ces
paroles nous conduisent naturellement à considérer : 1° la nature
de la vraie religion, appelée ici par le Seigneur le royaume de
Dieu, lequel, dit-il, est proche ; et 2° la voie qui y mène, et
qu'il indique par ces mots : « Repentez-vous et croyez à
l'Évangile ».
I
Nous considérerons d'abord
la nature de la vraie religion, appelée ici par le Seigneur le
royaume de Dieu. La même expression est employée par le grand
apôtre dans l'Épître aux Romains, quand il dit, expliquant en
même temps la parole du Maître : « Le royaume de Dieu n'est ni
viande ni breuvage, mais justice, paix et joie par le
Saint-Esprit (Romains 14 : 17) ». Le royaume de Dieu, ou la
vraie religion, n'est ni viande ni breuvage. On sait que non
seulement les Juifs inconvertis, mais plusieurs de ceux mêmes
qui avaient reçu la foi en Christ étaient zélés pour la loi,
c'est-à-dire, pour la loi cérémonielle de Moïse. Toute ce donc
qu'ils y trouvaient écrit concernant les viandes et breuvages
des offrandes, ou la distinction de viandes ou impures ;
non seulement ils l'observaient eux-mêmes, mais encore ils le
recommandaient fortement à ceux d'entre les païens qui avaient
été convertis à Dieu ; et plusieurs allaient, dans cet
enseignement, jusqu'à leur dire : « A moins que vous ne soyez
circoncis, et que vous ne gardiez toute la loi (toute la loi
des rites), vous ne pouvez être sauvés (Actes : 1,24) ».
C'est par opposition à cette doctrine que l'apôtre déclare,
tant ici que souvent ailleurs, que la vraie religion ne consiste ni
dans le manger ou le boire, ni dans aucune observance rituelle,
ni même en rien d'extérieur ou qui soit hors du coeur,
étant renfermée tout entière dans la justice, la paix et la
joie par le Saint-Esprit.
Elle
ne consiste dans rien d'extérieur, dans aucune forme ou cérémonie,
si excellente soit-elle. Quelque bien appropriées et
significatives qu'on suppose ces formes, quelque parfaite que
soit l'image qu'elles donnent des choses spirituelles, quelque
utilité qu'elles aient, non seulement pour le vulgaire, dont
les pensées ne s'étendent guère au-delà de la vue, mais encore,
ainsi qu'il arrive sans doute quelquefois, pour des hommes
d'intelligence et de savoir ; qu'elles soient de plus, si l'on
veut, comme chez les Juifs, instituées de Dieu, toujours est-il
que, même dans le temps où cette institution est en vigueur,
loin d'être la chose essentielle dans la vraie religion, elles n'en
font pas proprement partie. Combien plus en est-il ainsi de
rites établis par les hommes ! La religion de Christ s'élève
infiniment au-dessus, et elle est d'une profondeur infiniment plus
grande. Ces rites sont bons en temps et lieu, juste dans la
mesure où ils servent à la vraie religion. Tant qu'on ne
les applique qu'occasionnellement pour aider la faiblesse
humaine, il y aurait superstition à s'y opposer.
Mais
que personne ne les exalte davantage ; que personne n'aille rêver
qu'ils ont une valeur intrinsèque ou que la religion ne peut
subsister sans eux. Ce serait en faire une abomination pour
le Seigneur.
Bien
loin que la religion, quant à sa nature, puisse consister ainsi dans
des formes de culte, dans des rites et des cérémonies, elle ne
consiste, à proprement parler, dans aucune sorte
d'actions extérieures. Un homme, sans doute, ne peut avoir de
religion, si ses actions sont vicieuses, immorales, ou s'il fait
aux autres ce qu'il ne voudrait pas qu'on lui fit en pareille
occasion ; un homme ne peut avoir une religion réelle qui
sachant faire le bien ne le fait pas. Mais on peut aussi, quant
au dehors, s'abstenir du mal et faire le bien, sans avoir de
religion. Et de deux personnes lui font la même oeuvre
extérieure, qui, par exemple, nourrissent les affamés ou vêtent
ceux qui sont nus, il se peut que l'une soit vraiment
religieuse, et due l'autre n'ait pas du tout de religion ; car l'une
peut agir par amour pour Dieu, et l'autre par amour de la louange.
Tant il est vrai que, bien qu'elle conduise à toute bonne
parole, à toute bonne oeuvre, la religion réelle est plus
profonde encore dans sa nature, et qu'il faut la chercher dans
l'homme caché du coeur.
Je
dis du coeur, car la religion ne consiste pas non plus dans
l'orthodoxie ou justesse des opinions, qui, pour n'être pas
précisément une chose extérieure, n'en appartient pas moins à
l'intelligence plutôt qu'au coeur. Un homme peut être en tout
point orthodoxe, et non seulement adopter des opinions saines,
mais les défendre avec zèle contre tout opposant ; il peut penser
juste sur l'incarnation du Seigneur, sur la Sainte Trinité, et
sur toute autre doctrine des oracles de Dieu ; il peut recevoir
les trois symboles : celui qu'on nomme des apôtres, celui de Nicée,
celui d'Athanase, et cependant n'avoir point du tout de religion
; n'en avoir pas plus qu'un Juif, un Turc ou un païen !
Il
peut être presque aussi orthodoxe que le diable (je dis presque, car
tout homme est sujet à se tromper sur quelque point, tandis
qu'on ne peut guère admettre que le diable ait des
opinions erronées) ; il peut être, dis-je, presque aussi
orthodoxe que le démon, et néanmoins être aussi étranger que
lui à la religion du coeur.
Celle-ci
mérite seule le nom de religion ; seule elle est de grand prix
devant Dieu. L'apôtre la résume tout entière par ces trois
mots : justice, paix, joie par le Saint-Esprit; et d'abord justice.
Ici,
rappelons-nous les paroles dans lesquelles le Seigneur nous donne le
sommaire de la loi et des prophètes : «
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ta
pensée, de toute ton âme et de toute ta force (Marc 12 : 30)
». C'est
là le premier et le grand commandement ; c'est le principal
point de la justice chrétienne ; tu te réjouiras en l'Éternel ton
Dieu ; tu chercheras et trouveras en lui tout ton bonheur. Il
faut qu'il soit, dans le temps et dans l'éternité, ton bouclier
et ta grande récompense ; que tout ton être s'écrie : « Quel
autre ai-je au ciel que toi ? Voici, je n'ai pris plaisir sur la
terre qu'en toi ! » Il faut que tu entendes, que tu suives sa voix
qui te dit : « Mon fils, donne-moi ton coeur ». Et lui ayant
donné ton coeur, afin qu'il y règne sans rival, tu pourras dire du
plus profond de ton âme : « Éternel qui es ma force, je t'aimerai
d'une affection cordiale.
L'Éternel
est mon rocher, ma forteresse et mon libérateur ; mon Dieu fort est
mon rocher, je me retirerai vers lui ; il est mon bouclier, la
force qui me délivre, et ma haute retraite (Marc 12 : 30) ! »
Et
voici le second commandement, semblable au premier, qui complète la
justice chrétienne : «
Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Tu l'aimeras, c'est-à-dire tu l'environneras de la plus tendre
bienveillance, de l'affection la plus profonde et la plus cordiale ;
tu mettras la plus grande ardeur à éloigner de lui tout mal,
et à lui procurer tout bien en ton pouvoir. Tu aimeras ainsi, qui
? Ton ami ? ton parent ? celui que tu estimes ? celui qui
t'aime, qui prévient tes bons procédés ou qui te les rend ?
Non, mais ton prochain, c'est-à-dire tout fils d'homme, toute
créature humaine, toute âme que Dieu a faite, sans excepter
celui que tu n'as jamais vu en chair, que tu ne connais ni de visage
ni de nom, sans excepter celui que tu sais être méchant et ingrat,
celui qui te persécute encore ou te traite avec mépris ; et
c'est comme toi-même que tu dois l'aimer, ayant pour son bonheur,
sous tous les rapports, une ardeur constante, et mettant un soin
infatigable à le garantir de tout ce qui pourrait l'affliger en
lui-même, dans son âme ou dans son corps.
Cet
amour n'est-il pas l'accomplissement de la loi, et ne renferme-t-il
pas toute la justice chrétienne ? Oui, toute justice
intérieure, car il suppose nécessairement des entrailles
de miséricorde, l'humilité d'esprit (car l'amour ne s'enfle
point d'orgueil), la douceur, l'affabilité, le support (l'amour
ne s'aigrit point ; il croit tout, il espère tout, il supporte tout)
; et toute justice extérieure, car l'amour ne fait point de
tort au prochain, ni en paroles, ni en actions. Il ne
peut volontairement attrister ni blesser personne ; et il est
zélé pour les bonnes oeuvres. Quiconque aime les hommes fait,
suivant l'occasion, du bien à tous, étant (sans partialité et sans
hypocrisie) rempli de miséricorde et de bons fruits.
Mais
la vraie religion (ou un coeur droit envers Dieu et envers les
hommes), est inséparable du bonheur aussi bien que de la
sainteté ; car elle n'est pas seulement justice, mais aussi paix et
joie par le Saint-Esprit. Quelle est cette paix ? C'est la paix
de Dieu, que Dieu seul peut donner, et que le monde ne peut
ravir ; c'est la paix qui passe toute intelligence, toute conception
purement rationnelle, étant une perception surnaturelle,
un divin savoureusement des liens célestes que
l'homme naturel, quelque intelligent qu'il soit, ne peut
connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge. C'est
une paix qui bannit tout doute et toute pénible incertitude ; car le
Saint-Esprit témoigne à l'esprit du chrétien qu'il est enfant
de Dieu ; elle bannit toute crainte accompagnée d'angoisses : la
crainte de la colère de Dieu, la crainte de l'enfer, la crainte du
diable, et, en particulier, la crainte de la mort, car celui qui
la possède, désire, si c'est la volonté de Dieu, «
quitter ce corps pour être avec Christ ».
Cette
paix de Dieu, dans toute âme on elle habite, s'accompagne de la joie
du Saint-Esprit, c'est-à-dire de la joie qu'opère le
Saint-Esprit de Dieu. C'est lui qui produit en nous une humble et
calme allégresse en Dieu, par Jésus, par qui nous avons
obtenu, dès à présent, la réconciliation avec Dieu ; c'est
lui qui nous donne la hardiesse de nous appliquer la déclaration du
roi-prophète : «
Heureux l'homme dont l'iniquité est pardonnée, et dont le
péché est couvert ». C'est
lui qui inspire au chrétien cette joie sereine et solide que
lui donne le témoignage de son adoption ; c'est lui qui le porte
à se réjouir d'une joie ineffable dans l'espérance de la gloire de
Dieu, dans l'espérance de cette glorieuse image qu'il possède
déjà en partie, et qui sera accomplie en lui, et dans
l'espérance de cette couronne de gloire qui ne peut se flétrir,
et qui est réservée pour lui dans les cieux.
Cette
sainteté et cette félicité réunies sont appelées dans
l'Écriture, tantôt le royaume, de Dieu (comme ici dans notre
texte), et tantôt le royaume des cieux. C'est le royaume de Dieu,
car c'est le fruit immédiat du règne de Dieu dans l'âme.
Aussitôt qu'il manifeste sa puissance en établissant son trône
dans les cœurs ils sont remplis de justice, de paix et
de joie par le Saint-Esprit. C'est le royaume des cieux, c'est,
en quelque degré, le ciel commencé dans l'âme ; car quiconque
fait l'expérience de ce bonheur peut dire devant les hommes et
les anges : J'ai la vie éternelle dès ici-bas, pour moi, la
gloire céleste commence sur la terre. — Et cette profession est
d'accord avec les déclarations formelles de l'Ecriture qui
partout témoigne que Dieu nous a donné la vie éternelle, et que
cette vie est en son Fils. C'est ici la, vie éternelle que de te
connaître, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé,
Jésus-Christ. Et ceux à qui il fait ce don, pourraient, du milieu
même d'une fournaise ardente, lui dire avec assurance Seigneur,
gardés en sûreté par ta puissance, nous t'adorons d'un coeur
joyeux ; nous t'offrons nos chants comme le font autour de ton trône
les saints et les anges, car le ciel est partout où l'on sent
ta présence.
C'est
ce royaume de Dieu ou des cieux qui est proche. Lorsque ces paroles
furent prononcées, elles signifiaient que le temps était dès
lors accompli où « Dieu, manifesté en chair », allait établir
son royaume parmi les hommes, et régner dans le coeur des
siens. Et ce temps ne serait-il pas accompli maintenant ? Car «
voici, nous dit-il, je suis avec vous », avec vous qui prêchez la
rémission des péchés en mon nom, « jusqu'à la fin du monde
». Ainsi donc, en quelque lien que l'Évangile de Christ soit
prêché, ce royaume de Dieu est proche et à la porte ; il est tout
près de chacun de vous, vous pouvez y entrer dès cette heure,
si seulement vous entendez sa voix qui vous dit : « Repentez-vous et
croyez à l'Évangile ».
II
«
C'est ici le chemin, marchez-y » ;
et d'abord repentez-vous, c'est-à-dire connaissez-vous
vous vous-mêmes. C'est là la première repentance, la
conviction de péché qui précède la foi. Réveille-toi donc ;
toi qui dors, reconnais que tu es pécheur, et quelle sorte de
pécheur tu es. Reconnais cette corruption foncière de ta
nature, par laquelle tu te trouves si loin de la justice primitive ;
par laquelle ta chair convoite sans cesse contre l'esprit, tes
affections étant inimitié contre Dieu, ne se soumettant pas à
la loi de Dieu, et ne pouvant s'y soumettre. Reconnais que tu es
corrompu dans toutes les puissances de ton âme ; que tu es
totalement corrompu dans chacune de ses facultés, et que tout
ton être moral est bouleversé. Les yeux de ton entendement sont si
obscurcis qu'ils ne peuvent discerner Dieu ni les choses de
Dieu. L'ignorance et l'erreur sont comme un nuage qui t'enveloppe
et te couvre d'une ombre de mort. Tu ne connais encore rien comme il
faut, ni Dieu, ni le monde, ni toi-même. Ta volonté n'est plus
celle de Dieu ; mais, dénaturée et pervertie, elle abhorre le
bien que Dieu aime, elle aime toutes les abominations que Dieu hait.
Tes affections aliénées de Dieu se prodiguent à tout sur la
terre. Tes désirs et tes répugnances, tes joies et tes chagrins,
tes espérances et tes craintes, en un mot, tous les mouvements de
ton âme sont désordonnés, soit quant à leur degré, soit
quant à leur objet. En sorte qu'il n'y a en toi rien d'entier
; mais depuis la plante des pieds jusqu'à la tête, ce n'est, comme
dit énergiquement le prophète, «
que blessures, meurtrissures et plaies purulentes ».
Telle
est la corruption naturelle de ton coeur, du plus profond de ton âme.
Et quel arbre, quels rameaux peux-tu attendre d'une telle racine
? C'est d'abord l'incrédulité qui rejette le Dieu vivant, et
qui dit : «
Qui est l'Éternel pour que j'obéisse à sa voix ? » ou
bien : « Le
Seigneur ne s'inquiète point de ces choses ! » C'est
l'indépendance qui présume de s'égaler au Très-Haut. C'est
l'orgueil, sous toutes ses formes, t'enseignant à dire : «
Je suis riche, je suis dans l'abondance, et je n'ai besoin de
rien ». De
cette source impure jaillissent les flots amers de la vanité, de la
soif de louanges, de la cupidité, de la convoitise de la chair,
de la convoitise des yeux, de l'orgueil de la vie. De là
naissent la colère, la haine, la malice, la vengeance, l'envie, la
jalousie, les mauvais soupçons ; de là tous les désirs vains
et pernicieux qui t'embarrassent maintenant dans bien du tourment,
et qui, si tu ne préviens à temps ce malheur, entraîneront enfin
ton âme dans la perdition éternelle.
Et
quels fruits peuvent croître sur de tels rameaux ? Ceux-là seuls
qui sont amers et mauvais en tout temps. De l'orgueil viennent
les contentions, les vanteries qui cherchent et obtiennent les
louanges des hommes, et privent Dieu de cette gloire qu'il ne
donnera point à autrui. De la convoitise de la chair vient la
gourmandise, l'ivrognerie, la sensualité, la fornication,
l'impureté, qui souillent de mille manières ce corps qui
devait être le temple du Saint-Esprit. De l'incrédulité, toutes
sortes de paroles et d’œuvres mauvaises. Mais le temps manquerait pour faire le compte de
tout, de toutes les paroles vaines par lesquelles tu as bravé
le Très-haut, contristé le Saint d'Israël, de toutes les oeuvres
mauvaises que tu as faites ; mauvaises en elles-mêmes, ou mauvaises
en ce qu'elles ne se proposent pas la gloire de Dieu, car tes
actes coupables sont en plus grand nombre que les cheveux de ta
tête. Qui pourra compter le sable de la mer, ou les gouttes de
pluie, ou tes iniquités. Mais
ne sais-tu pas que «
le salaire du péché c'est la mort », la
mort non pas seulement temporelle mais éternelle ? «
L'âme qui aura péché sera celle qui mourra », car
la bouche de l'Éternel a parlé. Elle mourra de la mort
seconde. «
Ils seront punis d'une perdition éternelle par la, présence
du Seigneur et par sa puissance glorieuse ».
Telle est la sentence. Ne sais-tu pas que tout pécheur doit être
puni « par la géhenne du feu ? » L'expression du texte ne signifie
pas seulement qu'il a lieu de craindre le feu de l'enfer, cette
version serait beaucoup trop faible ; mais qu'il est déjà sous
la sentence du feu de l'enfer, déjà condamné, et que déjà
se prépare l'exécution. Tu as mérité la mort éternelle,
c'est le juste salaire de la méchanceté de ton coeur et de tes
actions. Il serait juste que la sentence s'exécutât dès cette
heure. Le vois-tu, le sens-tu ? Crois-tu réellement mériter la
colère de Dieu, la damnation éternelle ? Es-tu convaincu que
Dieu ne te ferait aucun tort si maintenant il commandait à la
terre de s’entrouvrir pour t'engloutir, s'il te
précipitait maintenant dans l'abîme, dans le feu qui ne
s'éteint point ? Si Dieu t'a déjà donné la repentante, tu sens
vivement qu'il en est ainsi, et que c'est par sa pure grâce que
tu n'as point encore été consumé et balayé de la face de
la terre.
Et
que feras-tu pour apaiser la colère de Dieu, pour expier tous tes
péchés, et pour échapper à la peine que tu as si justement
méritée ? Hélas tu ne peux rien faire, rien qui puisse expier
devant Dieu une seule oeuvre, une seule parole, une seule pensée
mauvaise. S'il t'était possible de ne faire que le bien
désormais, si dès cette heure jusqu'au jour du jugement, il t'était
possible de vivre dans une parfaite et constante obéissance,
cela même n'expierait point le passé. Pour ne pas avoir augmenté
ta dette, tu n'en serais pas déchargé ; elle resterait aussi grande
que jamais. Que dis-je ? toute l'obéissance présente ou future
des hommes et des anges serait insuffisante pour couvrir devant
la justice divine un seul péché. Quelle était donc ton erreur si
tu pensais expier toi-même tes péchés, par quelque chose que
tu puisses faire ? Il en coûte plus pour le rachat d'une seule
âme que ne pourrait payer l'humanité tout entière ; en sorte
que s'il n'y avait pas eu d'autre secours pour l'homme
coupable, il aurait certainement été perdu pour toute l'éternité.
Mais
supposons qu'une obéissance parfaite pour l'avenir pût expier les
péchés passés, cela même ne te servirait de rien, car
tu n'es pas capable de garder une telle obéissance, non pas même en
un seul point. Fais-en l'épreuve ; essaie de secouer ce péché
extérieur qui t'enveloppe si aisément. Tu ne le peux, à moins
qu'auparavant ton coeur ne soit changé, car aussi longtemps que
l'arbre demeure mauvais, il ne saurait porter de bons fruits.
Mais es-tu capable de changer ton coeur souillé en un coeur
saint ? Vivifierais-tu une âme qui est morte dans le péché, morte
à Dieu, et ne vivant que pour le monde ? Essaie plutôt de
ressusciter un cadavre, de rendre la vie à celui qui gît dans
le tombeau ! Et même tu ne peux, en aucun degré, vivifier ton
âme, pas plus que donner le moindre degré de vie à un corps
mort. Tu ne peux rien en cette. affaire, ni le plus ni le moins : tu
es complètement privé de force. Être profondément convaincu
de ton incapacité, de ta culpabilité et de ta méchanceté,
c'est là cette repentante dont on ne se repent point, et qui est
l'avant-courrière du royaume de Dieu.
Si
à cette conviction vivante de tes péchés extérieurs et
intérieurs, de ta culpabilité extrême et de ton incapacité
totale quant au bien, se joignent des sentiments qui y répondent ;
un profond chagrin d'avoir méprisé les grâces que Dieu
t'offrait, des remords, des reproches intérieurs qui te ferment
la bouche, une confusion qui t'empêche de lever les yeux au ciel, la
crainte de la colère de Dieu qui pèse sur toi, de sa
malédiction qui plane sur ta tête, et de l'ardente indignation qui
va dévorer ceux qui oublient Dieu et qui n'obéissent pas à
Notre Seigneur Jésus-Christ ; si tu as le désir sérieux
d'échapper à cette indignation, de fuir le mal et de t'attacher au
bien, alors, je te le dis, au a nom du Seigneur, tu n'es pas
loin du royaume de Dieu ; encore un pas et tu y entreras ; tu
te repens déjà, maintenant crois à l’Évangile.
L’Évangile,
c'est-à-dire la bonne nouvelle pour les pécheurs perdus, signifie,
dans le sens le plus large, toute la révélation faite aux
hommes par Jésus-Christ, et quelquefois tout le récit de ce
que notre Seigneur a fait et souffert tandis qu'il habitait
parmi les hommes. Mais en voici le résumé : «
Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs ». «
Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin
que quiconque croit en Lui ne périsse point, mais qu'il ait la
vie éternelle ». « Il a été navré pour nos forfaits et
frappé pour nos iniquités ; le châtiment qui nous apporte la
paix est tombé sur Lui, et par ses meurtrissures nous avons la
guérison ».
Crois
cela, et le royaume de Dieu est à toi. Par la foi tu obtiens l'effet
de la promesse. Le Seigneur absout et pardonne quiconque se
repent véritablement, et reçoit, d'une foi non feinte, son
saint Évangile. Des l'instant où Dieu te dira : aie bon
courage, tes péchés te sont pardonnés, son royaume sera à
toi ; tu auras la justice, la paix et la joie par le Saint-Esprit.
Prends
seulement garde de ne pas t'abuser sur la nature de cette foi. Elle
n'est pas, comme quelques-uns l'ont rêvé, un simple
assentiment à la vérité de la faible, aux articles de
notre symbole, ou à tout ce que renferment l'Ancien et le
Nouveau Testament ; les démons croient ces choses tout aussi
bien que toi ou moi, et ils n'en sont pas moins démons ; mais cette
foi est, pardessus tout cela, une ferme confiance en la
miséricorde de Dieu par Jésus-Christ ; c'est la confiance en
un Dieu qui pardonne ; c'est une divine certitude que « Dieu était
en Christ, réconciliant le monde avec soi en ne leur imputant
point leurs péchés ; c'est, en particulier, la confiance
par laquelle le croyant peut dire : «
Le Fils de Dieu m'a aimé et s'est donné lui-même pour moi
», et moi,
oui, moi-même, je suis réconcilié maintenant avec Dieu par le sang
de la croix.
As-tu
cette foi ? Alors la paix de Dieu est dans ton coeur ; les soupirs,
le chagrin ont disparu ; tu ne doutes plus de l'amour de Dieu ;
il t'est aussi clair que le soleil en plein midi. Tu t'écries : «
Je chanterai à jamais les bontés de l’Éternel ;
je manifesterai de ma bouche ta fidélité d'âge en âge ».
Tu
n'as plus peur de l'enfer, de la mort, ni de celui qui avait l'empire
de la mort, C'est-à-dire du diable ; tu n'as plus peur même de
Dieu, tu as seulement une crainte filiale de l'offenser. As-tu cette
foi ? Alors ton âme «
magnifie le Seigneur et ton esprit se réjouit en Dieu ton Sauveur
». Tu
te réjouis de ce que tu as la Rédemption par le sang de
Christ, le pardon des péchés. Tu te réjouis par cet esprit
d'adoption qui crie en ton coeur : Abba ! Père ! Tu te réjouis dans
une pleine espérance d'immortalité, en t'avançant vers le
but, le prix de ta vocation céleste ; tu es joyeux dans une
vive attente de tous les biens que Dieu a préparés pour ceux
qui l'aiment.
As-tu
cette foi ? Alors l'amour de Dieu est maintenant répandu dans ton
coeur. Tu l'aimes, parce qu'il nous a aimés le premier ; et
parce que tu aimes Dieu, tu aimes aussi ton frère, et étant
rempli d'amour, de paix et de joie, tu es aussi plein de long
support de douceur, de fidélité, de bonté, d'humilité, de
tempérance, et de tous les autres fruits de l'Esprit ; en un mot, de
toutes les affections saintes et célestes ; car le voile est
ôté, et contemplant à visage découvert la gloire du Seigneur,
tu es transformé en la même image, de gloire en gloire, par
l'Esprit du Seigneur.
Cette
repentance, cette, foi, cette paix, cette joie, cet amour, cette
transformation de gloire en gloire, c'est ce que la sagesse du
monde a déclaré n'être que folie, pur enthousiasme,
complète aberration d'esprit. Mais toi, homme de Dieu, que cela
ne t'effraie point, et n'y aie point égard. Tu sais en qui tu
as cru ; prends garde que personne ne t'enlève ta couronne. Retiens
ferme ce que tu as, et poursuis l'entier accomplissement des
grandes et précieuses promesses. Et toi qui es encore sans
expérience, que les propos des insensés ne te fassent point avoir
honte de l'Évangile de Christ.
Ne
sois en rien intimidé par ceux qui parlent mal de ce qu'ils ne
connaissent point. Dieu changera bientôt ta tristesse en joie.
Oh ! ne laisse pas défaillir tes mains ! Encore un peu de temps, et
il dissipera tes craintes, et il te donnera un esprit bien remis
; il est près Celui qui justifie ; qui peut donc condamner ?
Christ est celui qui est mort, qui est ressuscité, qui s'est assis à
la droite de Dieu, et qui même intercède pour toi.
Viens
donc te jeter aux pieds de l'Agneau de Dieu avec tous tes péchés,
quel qu'en soit le nombre, et l'entrée te sera maintenant
donnée dans le royaume de Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ !
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