mercredi 15 juin 2016

(10) LE SERMON SUR LA MONTAGNE, DIXIÈME DISCOURS WESLEY Matthieu 7:1-12

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Sermon 30 :     (1750)        LE SERMON SUR LA MONTAGNE, DIXIÈME DISCOURS

Matthieu 7,1-12

1  Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés.
2  Car on vous jugera du jugement dont vous jugez, et l’on vous mesurera avec la mesure dont vous mesurez.
3  Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil?
4  Ou comment peux-tu dire à ton frère: Laisse-moi ôter une paille de ton œil, toi qui as une poutre dans le tien?
5  Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l’œil de ton frère.
 
6  Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds, ne se retournent et ne vous déchirent.
 
7  Demandez, et l’on vous donnera; cherchez, et vous trouverez; frappez, et l’on vous ouvrira.
8  Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l’on ouvre à celui qui frappe.
9  Lequel de vous donnera une pierre à son fils, s’il lui demande du pain?
10  Ou, s’il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent?
11  Si donc, méchants comme vous l’êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent.

12  Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes.

                    Dans ce qui précède, le Seigneur a terminé ce qui a rapport à son sujet principal ; — après avoir présenté le tableau de la vraie religion débarrassé de  toutes ces gloses par lesquelles les hommes anéantissent la Parole de Dieu, il a posé les règles de cette intention pure que nous devons conserver dans toutes nos actions. Maintenant il indique les principaux obstacles de cette religion, puis il conclut le tout par une application convenable.

                 Au chapitre cinq, notre grand docteur a pleinement décrit la religion intérieure sous ses divers aspects. Il a mis devant nous ces dispositions d'âme qui constituent le vrai christianisme, les caractères de cette sainteté sans laquelle personne ne verra le Seigneur, les affections qui, provenant de la foi en Jésus-Christ, leur vraie source, sont intrinsèquement, essentiellement bonnes et agréables à Dieu. Au chapitre six, il a montré comment toutes nos actions, même les plus indifférentes par leur nature propre, peuvent être, à leur tour, sanctifiées par une pure et sainte intention, et que sans cette intention tout ce qu'on peut faire est sans valeur devant Dieu, tandis que les actes extérieurs quelconques qu'on lui consacre par elle sont d'un grand prix à ses yeux.

                    Dans le chapitre sept, dont nous commençons la méditation, il indique d'abord les obstacles les plus communs et les plus funestes qu'on rencontre sur le chemin de la sainteté ; puis il nous exhorte par divers motifs à les surmonter et à assurer le prix de notre glorieuse vocation.

                   Le premier obstacle contre lequel il nous met en garde est l'esprit de jugement. « Ne jugez point afin que vous ne soyez point jugés ! Ne jugez point les hommes, afin que vous ne soyez point jugés par le Seigneur et que vous n'attiriez pas sa vengeance sur vos têtes. Car du jugement dont vous jugez vous serez jugés, et on vous mesurera de la mesure dont vous aurez mesuré les autres  » ; — règle simple et équitable d'où le Seigneur vous permet de déduire comment il procèdera avec vous au grand jour du jugement.

                   Il n'y a pas de condition dans la vie ni de degré de foi où cet avertissement ne soit nécessaire à tout enfant de Dieu, — depuis la première heure de notre conversion à l’Évangile, jusqu'à ce que nous soyons rendus parfaits dans l'amour. Car il ne se peut qu'il n'y ait toujours des occasions de juger ; les tentations à cet égard sont innombrables, et plusieurs d'entre elles sont si bien déguisées que nous tombons dans le péché, avant même de soupçonner aucun danger. Et qui pourra dire les maux qui résultent de ces jugements, toujours pour celui qui les porte et fréquemment pour ceux qui en sont l'objet ? Car le premier se fait tort à lui-même et s'expose au jugement de Dieu, et les autres sont souvent découragés et arrêtés dans leur course, si même ils ne sont pas entièrement scandalisés et rejetés dans le chemin de la perdition ! Oui, lorsque cette « racine d'amertume monte en haut » combien souvent n'arrive-t-il pas que « plusieurs en sont infectés » que la voie de la vérité en reçoit elle-même du blâme et que le beau nom que nous portons est exposé au blasphème !

                    Toutefois, il paraît que c'est moins aux enfants de Dieu qu'aux enfants du monde que le Seigneur adresse cet avertissement. Ceux-ci entendent nécessairement parler de gens qui suivent la religion que nous avons décrite, qui s'efforcent d'être humbles, sérieux, doux, miséricordieux et purs de cœur, qui désirent et attendent ardemment une plus grande mesure de ces grâces, en faisant du bien à tous et souffrant avec patience toute sorte de mal. Quiconque a atteint seulement ce degré ne saurait, en effet, être caché, pas plus qu'une ville située sur une montagne. D'où vient que « voyant leurs bonnes œuvres » ils ne glorifient pas leur Père qui est dans les cieux ? Quelle excuse ont-ils pour ne pas marcher sur leurs traces ? pour ne pas suivre leur exemple et être leurs imitateurs comme ils le sont eux-mêmes de Christ ? Ils n'ont pas d'excuse, mais, pour en trouver une, ils condamnent ceux qu'ils devraient imiter. Ils passent leur temps à découvrir les fautes de leur prochain au lieu d'amender les leurs. Trop occupés à voir si les autres s'écartent du chemin, ils ne songent pas à y entrer eux-mêmes ; ou tout au moins ne s'y engagent-ils bien avant et ne dépassent-ils jamais une forme de piété pauvre et sans vie.

                    C'est surtout à ceux-là que le Seigneur dit : « Pourquoi regardes-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère » — les infirmités, les erreurs, l'imprudence, la faiblesse des enfants de Dieu, — « et tu ne vois pas la poutre qui est dans ton œil ? » — Tu ne considères pas la coupable impénitence, l'orgueil satanique, la propre volonté maudite, l'amour idolâtre du monde, qui sont en toi et qui font de ta vie entière une abomination devant Dieu ; et surtout avec quelle indifférence et quelle nonchalante insouciance tu danses sur l'abîme ouvert ! Comment donc peux-tu dire à ton frère : Permets que j'ôte de ton œil la paille — l'excès de zèle pour Dieu, les exagérations du renoncement, le trop de négligence pour les choses du monde, le désir de ne faire nuit et jour que prier ou entendre les paroles de la vie éternelle ! « Et voici, tu as dans ton œil une poutre » — non pas seulement une paille comme l'un d'eux ! « Hypocrite ! » qui affectes de prendre soin des autres, tandis que tu ne prends aucun soin de ton âme, qui fais parade de zèle pour Dieu, tandis qu'en réalité tu ne l'aimes ni ne le crains ! « Ôte d'abord la poutre de ton œil » Ôte la poutre de l'impénitence ! Connais-toi toi-même ! Reconnais-toi pécheur ! Vois que tu n'as au dedans que méchanceté et corruption abominable, et que la colère de Dieu repose sur toi ! — Ôte la poutre de l'orgueil, abhorre-toi toi-même, prosterne-toi comme dans la poudre et la cendre ; sois toujours plus petit, plus bas, plus vil à tes propres yeux. — Ôte la poutre de ta propre volonté ; apprends pourquoi il est dit : « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même ». Renonce à toi-même et charge-toi chaque jour de ta croix. Dis du fond de ton âme : « Je suis descendu du ciel » — (oui, esprit immortel ! cela est vrai, que tu le saches eu ne le saches pas) ! « Je suis descendu du ciel pour faire non ma volonté, mais celle de mon Père qui m'a envoyé ». Ôte la poutre de l'amour du monde ! « N'aime point le monde ni les choses qui sont dans le monde ! « Sois crucifié au monde et que le monde te soit crucifié. Use du monde, mais jouis de Dieu. Cherche tout ton bonheur en lui ! — Ôte surtout la grande poutre — la nonchalante, l'insouciante indifférence ! Considère profondément qu'une seule chose est nécessaire — cette seule chose à laquelle tu n'as guère jamais pensé ! Sache et vois que tu n'es qu'un pauvre et misérable ver, tremblant sur le bord du grand abaîme ! Qu'es-tu encore ? Un pécheur né pour mourir, une feuille qu'emporte le vent, une vapeur prête à s'évanouir, qui paraît un instant pour perdre dans l'air et pour disparaître ! Considère cela, et puis tu penseras à ôter la paille de l’œil de ton frère, et puis, si le soin de ton âme t'en laisse le loisir, tu songeras à corriger ton frère !

                    Mais quel est proprement le sens de cette parole « Ne jugez point  » ; et de quelle sorte de jugement est-il ici question ? Ce n'est pas la médisance, quoique les deux choses marchent souvent ensemble. Médire, c'est faire quelque mauvais rapport sur un absent, tandis que pour juger il est indifférent que la personne soit absente ou présente. Et même il n'est pas nécessaire de parler, il suffit de penser le mal. Mais penser mal de quelqu'un n'est pas toujours juger. Si je vois un homme voler ou tuer, ou si je l'entends blasphémer le nom de Dieu, je ne puis pas ne pas mal penser de ce voleur ou de ce meurtrier ou de ce blasphémateur ; mais ce n'est pas juger dans le mauvais sens du mot ; il n'y a là ni péché ni rien d'incompatible avec une vraie affection.

                   Mais avoir sur le prochain des pensées contraires à la charité, voilà ce que le Seigneur appelle ici juger, et nous pouvons commettre ce péché de diverses manières. Nous pouvons juger notre frère digne de blâme lorsqu'il ne l'est point. Nous pouvons le charger (ne serait-ce que dans notre esprit) de choses dont il n'est pas coupable, de paroles qu'il n'a point dites, de faits qu'il n'a point commis. Ou nous pouvons juger sa manière d'agir mauvaise, lorsqu'en réalité elle ne l'est point, ou même lorsqu'il n'y a rien à reprendre, ni dans ce qu'il fait ni dans la manière dont il le fait ; nous pouvons encore le condamner en lui supposant une mauvaise intention, pendant que Celui qui sonde les cœurs ne voit en lui que droiture et sincérité.

                  Mais ce n'est pas seulement en condamnant l'innocent, que nous pouvons pécher par un jugement mauvais, c'est encore en condamnant le coupable plus sévèrement qu'il ne mérite. Cette sorte de jugement blesse la charité aussi bien que la justice, et rien ne peut nous en préserver, si ce n'est le plus haut degré d'affection pour le prochain. Sans cela, lorsqu'un homme est trouvé en faute, nous le supposons volontiers plus coupable qu'il ne l'est réellement. Nous rabaissons ses bonnes qualités. Il nous est même difficile de lui en reconnaître encore aucune.

                    Tout cela indique, d'une manière évidente, l'absence de cette « charité qui ne soupçonne point le mal », qui jamais ne tire de prémisses quelconques une conclusion injuste ou malveillante. De ce qu'un homme est une fois tombé dans un péché grossier, la charité ne conclut pas qu'il s'en rende habituellement coupable, ou de ce qu'il en avait autrefois l'habitude, elle se garde de conclure qu'il l'ait encore ; bien moins conclut-elle de sa culpabilité sur ce point à sa culpabilité à d'autres égards. Ce ne sont là que raisonnements malicieux qui appartiennent à cette coupable manière de juger contre laquelle le Seigneur nous met ici en garde, et que nous avons le plus grand intérêt à éviter si nous aimons Dieu et notre propre âme.

                    Mais ne pas condamner l'innocent et ne pas charger le coupable plus qu'il ne mérite, ce n'est pas encore être hors de tout piège, car il est encore une troisième sorte de jugements illicites, c'est de condamner qui que ce soit sans preuve suffisante. Que les faits que vous supposez soient aussi vrais qu'il vous plaira, cela ne vous excuse pas. Car ils ne devraient pas être supposés, mais prouvés, et jusqu'à ce qu'ils le fussent, vous devriez vous abstenir de juger. Je dis jusqu'à ce qu'ils le fussent, car quelque forte preuve qu'en puisse en donner, nous n'avons pas d'excuse, à moins que cette preuve n'ait été produite avant notre jugement et comparée aux témoignages contraires. Encore ne serions-nous pas excusables de porter une sentence définitive avant d'avoir entendu l'accusé parler pour sa défense. Les Juifs eux-mêmes auraient pu nous donner cette simple leçon de justice, pour ne pas dire de miséricorde et d'amour fraternel. « Notre loi, disait Nicodème, condamne-t-elle quelqu'un sans l'avoir entendu (Jean 7 : 51)  ». Et Festus, quoique païen, put répondre aux chefs des Juifs qui pressaient la condamnation de Paul : « Ce n'est pas la coutume des Romains de livrer qui que ce soit pour le faire mourir, avant que celui qui est accusé ait ses accusateurs présents, et qu'il ait la liberté de se justifier du crime dont on l'accuse (Actes 25 : 16)  ».

                  En effet, nous tomberions difficilement dans ce péché de juger, si nous observions seulement la règle qu'un autre de ces Romains (le philosophe Sénèque) affirme avoir prise pour base de sa propre conduite. « Je suis si loin, dit-il, de croire légèrement le témoignage du premier venu ou de qui que ce soit contre un homme, que je n'admets ni facilement ni immédiatement le témoignage d'un homme contre lui-même. Je lui laisse toujours le temps de réfléchir, et lui en donne plusieurs fois le conseil ». Va, chrétien, et fais de même ! de peur que les païens « ne s'élèvent contre toi au jour du jugement ! »

                    Mais combien nos jugements seraient plus rares, ou combien nous en reviendrions plus facilement si nous voulions marcher d'après la règle claire et expresse posée par le Seigneur lui-même ! « Si ton frère a péché contre toi » ou si tu apprends ou crois qu'il l'a fait, « va et reprends-le entre toi et lui seul » voilà la première chose à faire ; « s'il t'écoute, tu auras gagné ton frère. Mais s'il ne t'écoute pas, prends avec toi encore une ou deux personnes, afin que tout soit, confirmé sur la parole de deux ou de trois témoins. Que s'il ne daigne pas les écouter, dis-le à l’Église » soit aux anciens, soit à la congrégation entière ! Cela fait, n'y pense plus ; tu as rempli ton devoir, remets le reste à Dieu.

                   Mais je suppose que, par la grâce de Dieu, tu aies ôté la poutre de ton œil et que tu sois maintenant capable de discerner la paille ou la poutre qui se trouve dans l’œil de ton frère, prends garde néanmoins, on voulant le guérir, de te nuire à toi-même. Prends garde de donner « les choses saintes aux chiens ». N'attribue légèrement ce titre à personne, mais s'il en est qui évidemment le méritent, alors « ne jetez pas vos perles devant les pourceaux ». Craignez d'avoir ce zèle qui est sans connaissance ; car là est un autre obstacle pour ceux qui désirent être « parfaits, comme leur Père céleste est parfait ». En effet, ayant ce désir, ils ne peuvent que souhaiter à tous les hommes la même grâce. Or, lorsque nous avons part nous-mêmes « au don céleste », à cette foi qui est « la démonstration des choses qu'on ne voit point », nous nous étonnons que d'autres puissent ne pas voir ce que nous voyons si clairement, et nous croyons facile d'ouvrir les yeux de tous ceux avec qui nous avons quelque relation. Nous voilà donc attaquant sans plus tarder tous ceux que nous rencontrons, pour les contraindre à voir, bon gré mal gré ; et les suites fâcheuses d'un zèle si mal dirigé, nuisent souvent à nos propres âmes. C'est pour nous garder d'user ainsi notre force pour néant, que le Seigneur ajoute cet avertissement nécessaire à tous, mais surtout nécessaire aux nouveaux convertis qui brûlent du premier amour : « Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu'ils ne les foulent aux pieds et que se tournant, ils ne vous déchirent ».

                  « Ne donnez pas les choses saintes aux chiens ». Gardez-vous de croire qui que ce soit digne de ce nom, jusqu'à ce que vous en ayez des preuves incontestables auxquelles vous ne puissiez résister. Mais s'il est clairement et irréfutablement prouvé que tels et tels sont des hommes impies et méchants, non seulement étrangers à Dieu, mais ennemis de Dieu, de toute justice et de toute vraie sainteté : alors « ne livrez pas la chose sainte », comme il est dit emphatiquement dans le texte à de telles gens. Les doctrines particulières de l’Évangile, ces doctrines saintes, cachées dans les âges précédents, mais révélées maintenant pour nous en Jésus-Christ par le Saint-Esprit, ne doivent pas être prostituées à ces gens qui ne savent pas même s'il y a un Saint-Esprit. Non, sans doute, que les ambassadeurs de Christ puissent se dispenser de les déclarer dans la grande assemblée, là où se trouvent probablement quelques-uns de ces gens ; il faut que nous parlions, soit que les hommes écoutent, soit qu'ils n'en fassent rien ; mais pour le commun des chrétiens, le cas est différent. Ils ne sont pas revêtus de ce redoutable caractère et ne sont en aucune manière sous l'obligation de faire entendre à tout prix ces grandes et glorieuses vérités à ceux qui contredisent, qui blasphèment et qui ont contre elles une inimitié enracinée. Ils ont plutôt le devoir d'en agir tout autrement et de ne leur donner que ce qu'ils peuvent supporter. N'engagez donc pas avec eux d'entretien sur le pardon des péchés et le don du Saint-Esprit ; mais parlez-leur dans leur langue et d'après les principes qu'ils peuvent comprendre. A l'honorable, raisonnable et injuste épicurien, parlez « de la justice, de la tempérance et du jugement à venir ». Ce sera probablement le meilleur moyen de faire trembler Félix. Réservez de plus profonds sujets à des capacités plus hautes.

                   Et « ne jetez pas non plus vos perles devant les pourceaux ». Ne consentez qu'à contre-cœur à parler sur qui que ce soit un pareil jugement. Mais si le fait est clair, irrécusable et hors de toute contestation, si les pourceaux ne cherchent pas à se déguiser, s'ils « se glorifient de ce qui fait leur confusion », si loin de prétendre à la pureté du cœur ou de la vie, ils commettent avec empressement toutes sortes d'impuretés, alors « ne jetez pas vos perles devant eux ». Ne leur parlez pas de ces mystères du royaume des cieux « que l’œil n'a point vus, que l'oreille n'a point entendus », et que par conséquent ils ne peuvent en aucune manière comprendre ». Ne leur dites rien « des grandes et précieuses promesses » que Dieu nous a données dans le Fils de son amour. Songeraient-ils à être « faits participants de la nature divine », eux qui ne désirent pas même « échapper à la corruption qui règne dans le monde par la convoitise ? » Autant les pourceaux ont de sens et de goût pour les perles, autant ils en ont pour les choses profondes de Dieu, eux qui sont plongés dans la fange de ce monde, dans les plaisirs, les souhaits et les soucis de la terre. Oh ! ne jetez pas devant eux ces perles, « de peur qu'ils ne les foulent aux pieds », de peur qu'ils ne fassent un souverain mépris de ce qu'ils ne peuvent comprendre, et ne médisent des choses qu'ils ne connaissent point. Il est même probable qu'il s'ensuivrait encore d'autres inconvénients. Et qu'y aurait-il d'étrange si, conformément à leur nature, ils se retournaient pour vous déchirer, s'ils vous rendaient le mal pour le bien, la malédiction pour la bénédiction, et la haine en échange de votre bonne volonté ? Telle est l'inimitié de l'âme charnelle contre Dieu et contre tout ce qui est de Dieu. Tel est le traitement que vous devez attendre d'eux si vous leur faites l'outrage impardonnable de chercher à sauver leurs âmes de la mort et à les arracher comme des tisons du feu !

                    Ne désespérez pourtant pas entièrement même de ceux qui, pour le présent, « se retournent et vous déchirent ». Car si tous vos arguments et toutes vos représentations manquent leur effet, il reste encore un remède, un remède dont l'efficace se montre souvent là où échouent tous les autres, la prière ! C'est pourquoi, dans tous vos besoins ou vos désirs pour les autres ou pour vous-mêmes : « Demandez et on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; heurtez et on vous ouvrira ». Ceci répond à un troisième grand obstacle que nous rencontrons sur le chemin de la sanctification. « Vous n'avez pas parce que vous ne demandez pas ! » Oh ! combien vous pourriez être à cette heure doux et débonnaires, humbles de cœur et pleins d'amour pour Dieu et pour les hommes, si seulement vous l'aviez demandé, si vous aviez persisté à le demander instamment ? Mais maintenant encore « demandez, et il vous sera donné ». « Demandez » de pouvoir ressentir et pratiquer parfaitement cette religion dont le modèle est ici décrit dans toute sa beauté, et « il vous sera donné » d'être « saints comme il est saint », dans votre cœur et dans toute votre conduite.

                   « Cherchez » de la manière qu'il ordonne lui-même, en « sondant les Écritures », en écoutant, en méditant sa parole, dans le jeûne et la participation à ta sainte Cène, et certainement « vous trouverez : » vous trouverez cette « perle de grand prix », cette foi « qui surmonte le monde », cette foi que le monde ne peut donner, cet amour qui est « les arrhes de votre héritage ». « Heurtez », persévérez dans la prière et dans tous les autres moyens voulus par le Seigneur ; ne vous laissez ni décourager, ni abattre, persistez à demander « une marque de sa faveur », n'acceptez pas de refus, et ne « le laissez point aller qu'il ne vous ait béni  » ; et « on vous ouvrira » la porte de la grâce, la porte de la sainteté, la porte des cieux.

                    Par compassion pour la dureté de notre cœur si lent à croire de telles promesses, le Seigneur daigne encore les répéter et les confirmer : « Car », dit-il, « quiconque demande, reçoit  » ; en sorte qu'il n'est point nécessaire que personne soit privé de la bénédiction, « Et quiconque cherche, trouve », trouve l'amour et la ressemblance de Dieu ; « et à celui qui heurte », à quiconque heurte, la porte de justice sera ouverte. Il n'y a donc lieu pour personne de se décourager, comme si l'on pouvait demander, chercher, heurter en vain. Ayez seulement toujours à cœur de prier, de chercher, de heurter sans perdre courage, et la promesse est dès lors assurée. Elle est ferme comme les colonnes des cieux ; que dis-je, bien plus ferme : car « le ciel et la terre passeront », dit le Seigneur, « mais mes paroles ne passeront point ».

                    Mais notre Sauveur va achever de nous ôter tout prétexte d'incrédulité, en faisant appel aux sentiments de nos propres cœurs. « Quel est l'homme d'entre vous », dit-il, « qui donne une pierre à son fils, s'il lui demande du pain ? » L'affection naturelle permet-elle de refuser la juste requête de celui qu'on aime ?

                    « Ou s'il lui demande du poisson, lui donnera-t-il un serpent ? » Au lieu de choses bonnes, lui donnera-t-il des choses nuisibles ? Vous pouvez donc tirer de vos propres sentiments et de votre propre conduite la pleine assurance, non seulement qu'aucun effet fâcheux ne peut résulter pour vous de vos prières, mais que plutôt elles auront pour effet la pleine satisfaction de tous vos besoins. « Car, si vous, qui êtes méchants, savez bien donner à vos enfants de bonnes choses, combien plus votre Père qui est dans les cieux », qui est la bonté pure, essentielle, sans mélange, « donnera-t-il de bonnes choses (ou, comme il est dit ailleurs, son Saint-Esprit) à ceux qui les lui demandent ». Dans le Saint-Esprit sont comprises toutes les bonnes choses, toute sagesse, toute paix, toute joie, tout amour, tous les trésors de sainteté et de félicité, tout « ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment ».

                    Mais, pour que vos prières aient tout leur poids auprès de Dieu, songez à être envers tous les hommes dans des sentiments de charité. Car autrement vous en recueilleriez plutôt une malédiction qu'une bénédiction. Ceci vous indique un autre obstacle qu'il vous faut avoir soin d'enlever au plus tôt. Affermissez-vous dans l'amour pour tous vos frères et pour tous les hommes. Et ne les aimez pas « des lèvres et en paroles seulement, mais en effet et en vérité ». « C'est pourquoi, tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le-leur pareillement, car c'est là la loi et les prophètes ».

                   C'est ici cette « loi royale », cette règle d'or de la miséricorde et de la justice, que même un empereur païen fit écrire au-dessus de la porte de son palais ; cette règle que plusieurs croient être gravée naturellement dans le cœur de tout homme venant au monde. Toujours est-il certain qu'elle se recommande d'elle-même à la conscience et à la raison de quiconque l'entend prononcer, en sorte que nul ne peut sciemment y contrevenir sans se sentir aussitôt condamné par son propre cœur.

                   « C'est ici la loi et les prophètes ». Tout ce qui est écrit dans la loi de Dieu donnée autrefois aux hommes, tous les préceptes donnés de Dieu à ses saints prophètes dès la création du monde, sont sommairement contenus dans cette courte instruction, et, bien comprise, elle embrasse aussi toute la religion que notre Seigneur est venu établir sur la terre.

                    On peut la comprendre dans un sens positif et dans un sens négatif. Dans le sens négatif elle nous dit : « Ne faites pas aux hommes ce que vous ne voulez pas qu'ils vous fassent ». C'est une règle simple, toujours accessible et d'une application toujours facile. Dans tous les cas où vous avez affaire à votre prochain, mettez-vous d'abord à sa place. Supposez que vous êtes dans sa position et lui dans la vôtre ; vous apprendrez ainsi quels sont les sentiments, les pensées que vous devez réprimer, les paroles, les actes que vous devez éviter à son égard, puisque vous les auriez condamnés en lui. Dans le sens direct et positif, elle nous dit : Faites, de tout votre pouvoir, à tout enfant des hommes, tout ce que vous pourriez raisonnablement désirer de lui s'il était à votre place.

Prenons, comme au hasard, un ou deux exemples.

                    Notre conscience nous dit à tous bien clairement que nous n'aimons pas qu'on nous juge, qu'on pense légèrement et sans cause du mal de nous ; bien moins encore qu'on parle mal de nous, et qu'on publie nos fautes réelles et nos faiblesses. — Tirez de cela l'application : ne faites pas à d'autres ce que vous ne voulez pas qu'ils vous fassent, et dès lors il ne vous arrivera plus de juger votre prochain, de penser légèrement du mal de qui que ce soit, et bien moins encore de médire ou même de mentionner les fautes réelles d'une personne absente, à moins que vous ne soyez convaincu que l'intérêt d'autres âmes vous y oblige.

                    Nous désirons que les hommes nous aiment et nous estiment, qu'ils pratiquent envers nous la justice, la miséricorde et la fidélité. Nous pouvons raisonnablement désirer qu'ils nous fassent tout le bien qu'ils peuvent nous faire sans se faire du tort à eux-mêmes, et pour les choses terrestres, nous pouvons même souhaiter (conformément à une règle bien connue) ; « que leur superflu cède à notre utilité, leur utilité à nos nécessités, et leurs nécessités à nos extrémités ». Eh bien donc ! marchons nous-mêmes d'après cette règle ; faisons à tous les hommes ce que nous voudrions qu'ils fissent pour nous. Aimons et honorons tous les hommes. Que la justice, la miséricorde et la fidélité gouvernent tous nos sentiments et toutes nos actions. Que notre superflu cède à l'utilité de notre prochain (et à qui restera-t-il alors du superflu ?), notre utilité à ses nécessités et nos nécessités à ses extrémités.

                    C'est là de la vraie, de la pure morale. « Fais cela, et tu vivras ». Et « pour tous ceux qui marchent suivant cette règle, que la paix soit sur eux », car ils sont « l'Israël de Dieu ». Ajoutons maintenant que personne ne peut suivre cette règle (ni ne l'a fait depuis le  commencement du monde), personne ne peut aimer son prochain comme lui-même, s'il n'a commencé par aimer Dieu ; et personne ne peut aimer Dieu s'il ne croit en Christ, s'il n'a la rédemption par son sang, et si le Saint-Esprit « ne rend témoignage avec son Esprit qu'il est enfant de Dieu ». La foi demeure donc la racine de tout, du salut présent comme du salut éternel ; et toujours nous devons dire à chaque pécheur : « Crois au Seigneur Jésus-Christ, et tu seras sauvé ». Tu seras sauvé maintenant, afin que tu sois sauvé à toujours, sauvé sur la terre, pour être sauvé dans le ciel, crois en lui, et ta foi sera « agissante par la charité ». Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, parce qu'il t'a aimé ; tu aimeras ton prochain comme toi-même ; et dès lors tu mettras ta gloire et ta joie à exercer et à accroître cet amour, non seulement en t'abstenant de ce qui y est contraire, de toute malveillance en pensées, en paroles ou en actions, mais encore en ayant pour tout homme la bonté que tu voudrais qu'il eût à ton égard.



mardi 14 juin 2016

(9) LE SERMON SUR LA MONTAGNE, NEUVIÈME DISCOURS WESLEY Matthieu 6:24-34

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Sermon 29 :   (1748)     LE SERMON SUR LA MONTAGNE, NEUVIÈME DISCOURS

Matthieu 6,24-34


24  Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un, et aimera l’autre; ou il s’attachera à l’un, et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon. 
25   C’est pourquoi je vous dis: Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps, de quoi vous serez vêtus. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement?
26  Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n ‘amassent rien dans des greniers; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux?
27  Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une coudée à la durée de sa vie?
28  Et pourquoi vous inquiéter au sujet du vêtement? Considérez comment croissent les lis des champs: ils ne travaillent ni ne filent;
29   cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux.
30  Si Dieu revêt ainsi l’herbe des champs, qui existe aujourd’hui et qui demain sera jetée au four, ne vous vêtira-t-il pas à plus forte raison, gens de peu de foi?
31  Ne vous inquiétez donc point, et ne dites pas: Que mangerons-nous? que boirons-nous? de quoi serons-nous vêtus?
32  Car toutes ces choses, ce sont les païens qui les recherchent. Votre Père céleste sait que vous en avez besoin.
33  Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu; et toutes ces choses vous seront données par-dessus. 
34  Ne vous inquiétez donc pas du lendemain; car le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine.

                    Nous lisons dans le livre des rois que les nations que le roi d'Assyrie plaça dans les villes de la Samarie, après avoir transporté Israël en captivité, « révéraient l’internet et servaient en même temps leurs dieux ». Ces nations, « dit l'auteur inspiré », craignaient (ou révéraient) l’Éternel, « c'est-à-dire lui rendaient extérieurement une sorte de culte et en même temps elles servaient leurs images, et leurs enfants et les enfants de leurs enfants font jusqu'à ce jour comme leurs pères ont fait (2 Rois 17 : 33-41).

                 Combien la plupart des chrétiens actuels se rapprochent, dans leur conduite, de ces tribus païennes ! Eux aussi révèrent le Seigneur ; par le culte extérieur qu'ils lui rendent, ils montrent qu'ils le craignent en quelque mesure ; mais eux aussi servent leurs propres dieux. Eux aussi ont, comme ces Assyriens, des gens qui leur enseignent « la manière de servir le dieu du pays », le dieu dont le pays porte le nom jusqu'à ce jour et qui y reçut jadis une plus véritable adoration ; toutefois ils ne le servent pas seul ; ils ne le craignent pas assez pour cela ; mais « chaque nation se fait ses » propres « dieux », chaque nation dans les villes qu'elle habite ». Ces nations « craignent le Seigneur  » ; elles n'ont pas mis de côté les formes de son service, mais « elles servent leurs images » d'argent et d'or, faites de main d'homme : l'argent, le plaisir, la gloire, — qui sont les dieux de ce monde, font plus que partager leurs hommages avec le Dieu d'Israël ; « et leurs enfants et les enfants de leurs enfants font jusqu'à ce jour comme leurs pères ont fait ». 

                    Mais quoiqu'il soit dit, dans un sens peu rigoureux et selon le langage ordinaire des hommes, que ces pauvres païens « servaient l’Éternel », il nous faut bien remarquer que le Saint-Esprit ajoute immédiatement après, parlant selon la vraie nature des choses : « Ils ne craignent donc point l’Éternel et ne suivent point les lois et les commandements que le Seigneur commanda aux enfants d'Israël, avec lesquels il fit une alliance et auxquels il commanda en disant : Vous ne craindrez point d'autres dieux et ne vous prosternerez point devant eux, mais vous craindrez l’Éternel et il vous délivrera de la main de vos ennemis ».

                  Tel est aussi le jugement que l'Esprit qui ne peut mentir (et même quiconque a les yeux ouverts pour discerner les choses de Dieu), porte sur ces pauvres chrétiens de nom. A parler selon la vérité et la nature réelle des choses, « ils ne craignent ni ne servent l’Éternel ». Car ils ne font ni selon l'alliance que le Seigneur a faite avec eux, ni d'après la loi et le commandement qu'il leur a donné, en disant : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui seul ». Ils servent jusqu'à ce jour d'autres dieux et — « nul ne peut servir deux maîtres ».

                    Que ce désir de servir deux maîtres, qui que ce soit qui le forme, est insensé ! N'est-il pas aisé de prévoir la conséquence inévitable d'une telle tentative ? « Ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre ». Ces deux sentences, quoique présentées séparément, sont intimement liées, quant au sens, et l'une est la conséquence de l'autre. Naturellement il s'attachera à celui qu'il aime, en sorte qu'il lui rendra un service volontaire, fidèle et actif ; tandis que, pour le maître qu'il hait, il le méprisera au moins assez pour n'avoir que peu d'égards pour ses commandements et pour n'y prêter obéissance, si obéissance il y a, qu'imparfaitement et avec négligence.

                     Ainsi donc, quoi qu'en pensent les sages de ce monde, « vous ne pouvez servir Dieu et Mammon ».

                    Mammon était le nom d'une divinité païenne qu'on supposait présider aux richesses. Il est pris ici pour les richesses elles-mêmes, pour l'argent et l'or, et, par une figure ordinaire de langage, pour tout ce qu'on peut se procurer à prix d'argent, — le bien-être, l'honneur et les plaisirs sensuels.

Mais que faut-il entendre ici par le service de Dieu et par le service de Mammon ?

                    Nous ne pouvons servir Dieu si nous ne croyons en lui. La foi est la vraie base de son service. Croire en Dieu comme « réconciliant le monde avec lui-même par Jésus-Christ », croire en lui comme en un Dieu qui aime et qui pardonne, c'est par là qu'il faut commencer pour le servir.

                  Croire ainsi en Dieu, — c'est nous confier en lui comme en notre force sans laquelle nous ne pouvons rien, et qui nous revêt incessamment de cette vertu d'en haut qui est indispensable pour lui plaire ; comme en notre soutien, notre seul soutien qui, dans le temps de détresse, nous environne de chants de délivrance ; comme en notre bouclier, notre défenseur qui élève notre tête par-dessus nos ennemis qui campent autour de nous.

                  Croire ainsi en Dieu, — c'est nous confier en lui comme en notre vie, comme au Père des esprits, l'unique repos de nos âmes, le seul bien qui réponde à la grandeur de nos facultés et qui puisse suffire à remplir les désirs qu'il a lui-même mis au dedans de nous.

                   Croire ainsi en Dieu, — c'est nous confier en lui comme en notre fin, regarder à lui en toutes choses ; n'user des choses que par rapport à lui et comme moyen de le connaître et de le posséder ; c'est voir dans toutes nos allées et nos venues Celui qui est invisible nous regardant avec bienveillance, enfin c'est lui rapporter toutes choses en Jésus-Christ.

                   Croire ainsi en Dieu est la première partie du service de Dieu. La seconde, c'est de l'aimer.

                   Aimer Dieu, suivant la définition des Écritures et comme Dieu lui-même le requiert de nous et s'engage par cela même à opérer en nous dans ce but, c'est l'aimer comme le seul Dieu, c'est-à-dire « de tout notre cœur, de toute notre âme, de toute notre pensée et de toutes nos forces ». C'est désirer Dieu pour lui-même et ne rien désirer qu'à cause de lui ; c'est se réjouir en Dieu, mettre en lui ses délices, non seulement chercher mais trouver son bonheur en lui, l'aimer comme le premier « entre dix mille », nous reposer en lui comme en notre tout ; — en un mot, c'est avoir de lui cette possession qui rend continuellement heureux.

Servir Dieu, c'est encore lui ressembler, l'imiter.

                     « La meilleure adoration de Dieu », disait un ancien père, « c'est d'imiter celui que tu adores ». L'imitation dont je parle est celle de notre esprit et de nos pensées, car c'est là que commence la manière chrétienne d'imiter Dieu. « Dieu est esprit », et il faut que ceux qui l'imitent lui ressemblent « en esprit et en vérité ».

                      Or, « Dieu est amour  » ; c'est pourquoi ceux qui lui ressemblent en esprit sont « transformés dans cette même image ». Ils sont « miséricordieux, comme il est miséricordieux ». Leur âme est tout amour. Ils sont doux, bienveillants, compatissants et tendres ; et cela non seulement pour ceux qui sont bons et doux, mais pour ceux-mêmes dont l'humeur est difficile et acariâtre. Comme lui ils sont « bons pour tous », et leurs « compassions s'étendent à toutes ses œuvres ».

                      Servir Dieu, c'est enfin lui obéir, c'est le glorifier dans nos corps comme dans nos esprits, garder au dehors comme au dedans ses ordonnances, faire avec zèle tout ce qu'il commande, éviter avec soin tout ce qu'il interdit, accomplir les actes ordinaires de la vie d'un œil simple et d'un cœur pur, et les offrir par un amour saint et fervent, comme des sacrifices à Dieu par Jésus-Christ.

Considérons maintenant, d'autre part, ce qu'il faut entendre par servir Mammon.

                     Servir Mammon, c'est, d'abord, nous confier aux richesses et en tout ce qu'elles procurent comme en notre force, comme au moyen d'accomplir tout ce qui nous plaît ; — comme en notre secours, par lequel nous comptons être consolés ou délivrés dans les jours de détresse.

                   Servir Mammon, c'est nous confier au monde pour notre bonheur ; c'est croire que lorsque « les biens abondent à quelqu'un, il a la vie », le bonheur de la vie « par ses biens  » ; c'est attendre notre repos des objets visibles, notre contentement de l'abondance extérieure, c'est attendre des choses du monde cette sorte de satisfaction qu'on ne saurait trouver hors de Dieu.

                    Et dès lors servir Mammon, c'est nécessairement faire du monde notre fin, le dernier but tout au moins d'un grand nombre de nos entreprises, d'un grand nombre de nos actions et de nos desseins, dans lesquels nous viserons uniquement à accroître notre fortune, à obtenir les plaisirs ou les louanges, à nous procurer plus de biens temporels sans avoir égard aux choses éternelles.

                      Servir Mammon, c'est, en deuxième lieu, aimer le monde ; c'est désirer le monde pour lui-même, c'est placer notre joie dans les choses du monde et y mettre notre cœur, c'est y chercher, bien vainement sans doute, notre bonheur, c'est nous appuyer de toute la puissance de notre âme sur ce roseau brisé, quoiqu'une expérience journalière nous montre qu'il ne peut servir d'appui, mais qu'il ne fait que nous « percer la main ».

                    Servir Mammon, c'est, en troisième lieu, ressembler au monde, s'y rendre conforme, c'est avoir non seulement des desseins, mais des désirs, des sentiments, des affections d'accord avec ceux du monde, c'est être terrestres, sensuels, enchaînés aux choses de la terre, c'est être attachés à notre volonté propre, amateurs passionnés de nous-mêmes, c'est avoir une haute opinion de nos qualités, c'est nous complaire dans les louanges des hommes, c'est craindre, éviter, détester ses reproches, c'est être impatients de la répréhension, irritables et prompts à rendre le mal pour le mal.

                    Servir Mammon, c'est, enfin, obéir au monde, en suivant, au dehors, ses maximes et ses coutumes, c'est faire comme les autres, marcher dans la route commune, dans le sentier large, facile et battu, c'est être à la mode et suivre la multitude, c'est faire, en un mot, la volonté de la chair et de nos pensées, caresser nos appétits et nos penchants, sacrifier à nous-mêmes et ne chercher dans l'ensemble de nos actions et de nos paroles que notre plaisir et notre propre satisfaction. N'est-il donc pas évident par-dessus toute évidence qu'un tel service ne peut être rendu à la fois à Dieu et à Mammon ?

                   Qui ne voit qu'on ne peut commodément les servir tous deux ? Que flotter entre Dieu et le monde est le plus sûr moyen d'être désappointé des deux parts et de n'avoir de repos d'aucun côté ? Quelle condition que celle d'un homme qui, craignant Dieu sans l'aimer, le servant mais non de tout son cœur, ne recueille que les peines et non les plaisirs de la religion ? Il a tout juste assez de religion pour être misérable, mais pas assez pour être heureux ; la religion ne lui permet pas de jouir du monde, et le monde ne lui permet pas de jouir de Dieu. En sorte que, pour se tenir entre deux, il les perd tous deux et n'a la paix ni avec Dieu ni avec le monde.

                  Qui ne voit qu'on ne peut de manière à être conséquent avec soi-même les servir tous deux ? Quelle plus éclatante contradiction peut-on concevoir que celle qui paraît continuellement dans la conduite d'un homme qui s'efforce de servir à la fois Dieu et Mammon ? C'est un pécheur qui « va par deux chemins », un pas en avant, un pas en arrière. Sans cesse il bâtit d'une main et démolit de l'autre ; il aime le péché, et cependant il le hait ; toujours cherchant Dieu et toujours fuyant loin de Lui. Il veut et ne veut pas. Il n'est pas le même homme pendant un jour, que dis-je, pendant une heure entière. C'est un mélange bizarre de contrastes, un amas de contradictions fondues en une seule. Oh ! soyez, de manière ou d'autre, d'accord avec vous-même ! Prenez à droite ou à gauche. Si Mammon est Dieu, servez-le ! Si l'Éternel est Dieu, servez-le ! Mais n'allez pas croire que vous servez l'un ou l'autre, à moins que vous ne le fassiez de tout votre cœur.

                     Quel homme raisonnable et réfléchi ne voit qu'il est impossible de les servir tous deux, attendu qu'il y a entre eux l'opposition la plus absolue, l'inimitié la plus irréconciliable. L'opposition qui existe ici-bas entre les choses les plus contraires, entre le feu et l'eau, entre les ténèbres et la lumière, s'évanouit entièrement devant celle qui existe entre Dieu et Mammon, en sorte que vous ne pouvez servir l'un, en quoi que ce soit, sans renier l'autre. Vous croyez en Dieu par Jésus-Christ, vous l'embrassez comme votre force, votre secours, votre bouclier, votre « très grande récompense », — comme votre vie, votre tout dans tout et par-dessus tout ? Mais alors vous ne vous confiez point aux richesses. Vous ne sauriez absolument le faire aussi longtemps que vous avez cette foi en Dieu. Vous vous confiez aux richesses ? Alors vous avez renié la foi, et vous ne vous confiez pas au Dieu vivant. Aimez-vous Dieu, avez-vous cherché et trouvé votre bonheur en lui ? Alors vous ne pouvez aimer le monde ni les choses du monde. Vous êtes crucifié au monde et le monde vous est crucifié. Aimez-vous le monde ? Vos affections appartiennent-elles aux choses d'ici-bas ? Y cherchez-vous votre bonheur ? Alors il est impossible que vous aimiez Dieu ; alors « l'amour du Père n'est point en vous ». Ressemblez-vous à Dieu ? Êtes-vous miséricordieux comme votre Père est miséricordieux ? Êtes-vous transformés par le renouvellement de votre esprit à l'image de celui qui vous a créés ? Alors vous ne pouvez « vous conformer au présent siècle ». Vous avez renoncé à ses affections et ses convoitises. Êtes-vous conformes au monde ? Votre âme porte-t-elle encore « l'image du terrestre ? » Alors vous n'êtes pas renouvelé dans l'esprit de votre entendement ; vous ne portez pas « l'image du céleste ». Obéissez-vous à Dieu ? Êtes-vous zélés pour sa volonté sur la terre comme les anges le sont dans le ciel ? Alors il est impossible que vous obéissiez à Mammon. Alors vous bravez le monde, vous foulez aux pieds ses coutumes et ses maximes, et vous ne voulez ni les suivre, ni vous laisser diriger par elles. Suivez-vous le monde ? Vivez-vous comme les autres hommes ? Plaisez-vous aux hommes ? Vous plaisez-vous à vous-mêmes ? Alors vous ne pouvez être serviteurs de Dieu ; vous servez le diable, votre maître et votre père.

                     C'est pourquoi « tu adoreras l'Éternel ton Dieu, et tu le serviras lui seul ». Tu renonceras à toute idée d'obéir à deux maîtres, de servir Dieu et Mammon. Tu ne te proposeras pas d'autre fin, d'autre aide, d'autre bonheur que Dieu. Tu ne chercheras « que lui dans le ciel et sur la terre »,  tu n'auras d'autre but que de le connaître, de l'aimer et de le posséder : Et, puisque c'est là votre seule affaire ici-bas, la seule vue, le seul dessein que vous puissiez raisonnablement avoir et poursuivre en toutes choses, pour cette raison « je vous dis », continue le Seigneur, « ne soyez point en souci de votre vie de ce que vous mangerez et de ce que vous boirez, ni pour votre corps de quoi vous serez vêtus  » ; — profonde et importante instruction qu'il nous importe de bien considérer et de bien comprendre.

                     Ce que le Seigneur commande, dans ce passage, ce n'est pas que nous soyons absolument sans souci, même pour les intérêts de la terre. L'étourderie et l'insouciance sont aussi loin que possible de la religion de Christ. Il ne nous commande pas non plus d'être lâches, paresseux et lents dans les affaires. Ce n'est pas moins contraire à l'esprit tout entier de sa religion. Le chrétien abhorre la paresse autant que l'ivrognerie, et fuit l'oisiveté autant que l'adultère. Il est une sorte de soins auxquels Dieu prend plaisir, et qui sont nécessaires pour remplir comme il faut les devoirs extérieurs auxquels la providence de Dieu nous appelle.

                  Dieu veut que chacun travaille pour manger son propre pain et qu'il pourvoie au besoin des siens, de ceux de sa propre maison. Il veut aussi « que nous ne devions rien à personne », recherchant « les choses qui sont honnêtes devant tous les hommes ». Mais cela ne peut se faire sans réflexion, sans quelque souci, souvent même sans de longues et sérieuses préoccupations et sans une grave sollicitude. Le Seigneur ne peut donc condamner ces pensées et ce souci indispensables. C'est, au contraire, une chose bonne et agréable à Dieu, notre Sauveur.

                   Il est bon et agréable à Dieu que nos pensées travaillent assez relativement à tout ce dont nous nous occupons pour bien comprendre et bien régler le plan de toute affaire avant de l'entreprendre. Il est bon aussi que, de temps en temps, nous considérions avec soin la marche qu'il faut y suivre, après avoir tout préparé d'avance pour y réussir de notre mieux. Ces « soucis de la tête », comme quelques-uns les appellent, ne sont nullement ce que le Seigneur a eu l'intention de condamner. 

                      Ce qu'il condamne ici ce sont les « soucis du cœur  » ; les soucis inquiets, les soucis qui rongent, tout souci propre à faire du tort soit au corps, soit à l'âme. Ce qu'il interdit, c'est ce genre de soucis qui, comme le montre l'expérience, troublent notre sang et épuisent nos esprits, qui devancent la misère qu'ils redoutent, et qui viennent nous « tourmenter avant le temps » ; ces soucis qui empoisonnent la bénédiction d'aujourd'hui par la crainte de ce qui peut arriver demain, et empêchent de jouir de l'abondance actuelle par l'appréhension d'une indigence future. De tels soucis ne sont pas seulement une maladie, une grave maladie de l'âme, mais encore une offense odieuse envers Dieu, un très grand péché, un outrage au sage Dispensateur de toutes choses ; car c'est dire que le souverain Juge ne juge pas justement et qu'il n'ordonne pas bien les choses d'ici-bas. C'est dire ou qu'il manque de sagesse, s'il ne sait pas ce dont nous avons besoin, ou de bonté, s'il refuse de procurer ces choses à l'un de ceux qui se confient en lui. Gardez-vous donc de cette sorte de soucis ; n'ayez de soucis inquiets pour aucune chose. Ne vous tourmentez pas dans vos pensées ; cette règle est claire et certaine : tout souci inquiet est mauvais. Faites, d'un œil simple, tout ce qui est en votre pouvoir pour vous procurer les choses qui sont « honnêtes devant tous les hommes », puis remettez le tout en de meilleures mains, et attendez le succès de Dieu.  

                  Dans ce sens « ne vous inquiétez pas même, pour votre vie, de ce que vous mangerez, de ce que vous boirez, ni, pour votre corps, de quoi vous serez vêtus. La vie n'est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? » Dieu, qui vous a fait le plus grand don, celui de la vie, ne vous en accordera-t-il pas un moindre, la nourriture nécessaire à cette vie ? S'il vous a donné le corps, comment doutez-vous qu'il ne vous donne de quoi le vêtir ? surtout si vous vous abandonnez à lui et le servez de tout votre cœur. « Considérez », regardez devant vous « les oiseaux de l'air : ils ne sèment ni ne moissonnent, et n'amassent rien dans des greniers », et cependant ils ne manquent de rien, mais « votre Père céleste les nourrit ». N'êtes-vous pas plus excellents qu'eux ? « Vous, créatures capables de posséder Dieu, n'avez-vous pas plus de valeur à ses yeux, et votre rang n'est-il pas plus élevé dans l'échelle des êtres ? « Et lequel de vous, par son souci, pourrait ajouter une coudée à sa taille ? » Que gagneriez-vous à vous inquiéter ? Ce souci est donc de toute manière inutile et sans fruit.

                   « Et pourquoi vous mettez-vous en peine pour le vêtement ? » N'avez-vous pas tous les jours, sous les yeux, votre censure ? « Apprenez comment les lis des champs croissent : ils ne travaillent ni ne filent. Cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n'a point été vêtu comme l'un d'eux. Si donc Dieu revêt ainsi l'herbe des champs qui est aujourd'hui et qui demain sera jetée dans le four, ne vous revêtira-t-il pas beaucoup plutôt ? ô gens de petite foi », vous qu'il a faits pour vivre toujours, pour être à l'image de son éternité ! Vous êtes vraiment de petite foi, car autrement vous ne pourriez douter de son amour et de sa sollicitude, non, pas même pour un moment.

                      « Ne soyez donc point en souci disant : Que mangerons-nous » si nous n'amassons des trésors sur la terre ? Que boirons-nous » si nous servons Dieu de toutes nos forces, si, d'un cœur simple, nous regardons à lui seul ? « De quoi serons-nous vêtus » si nous ne nous confions pas au monde, si nous heurtons ceux de qui nous pourrions tirer profit ? « Car ce sont les païens qui recherchent toutes ces choses », les païens qui ne connaissent point Dieu. Mais vous n'ignorez pas que « votre Père céleste sait que vous avez besoin de toutes ces choses-là ». Et il vous indique une marche infaillible pour en être toujours pourvus : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par-dessus ».

                   « Cherchez premièrement le royaume de Dieu : » Avant toute autre pensée, tout autre souci, ayez le désir ardent que Dieu règne dans vos cœurs, lui le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui a donné son Fils unique pour vous, qu'il se manifeste en vous, qu'il y habite et y gouverne ; « qu'il renverse les forteresses et tout ce qui s'élève contre sa connaissance et soumette toutes vos pensées captives à l'obéissance de Christ  » ; que Dieu seul ait domination sur vous ; que seul il soit votre attente, votre joie, votre amour ; en sorte que tout ce qui est en vous répète continuellement : « Le Seigneur Dieu tout-puissant règne ! »

                    « Cherchez le royaume de Dieu et sa justice ». La justice habite là où Dieu règne ainsi dans le cœur ; et qu'est-ce que la justice, si ce n'est l'amour ? l'amour de Dieu et de tous les hommes, découlant de la foi en Jésus-Christ et produisant l'humilité d'esprit, la douceur, la débonnaireté, la longanimité, la patience, le renoncement au monde, et toute bonne disposition envers Dieu et envers les hommes ; d'où naissent à leur tour, toutes les actions saintes, aimables et dignes de louange, toute œuvre de foi, tout travail de charité agréable à Dieu et utile au prochain.

                    « Sa justice ». -Tout cela demeure sa justice ; c'est le don libre de sa grâce envers nous, en Jésus-Christ le Juste, par qui seul elle nous est acquise ; et c'est son œuvre ; lui seul l'opère en nous par l'effusion du Saint-Esprit.

                  Ceci peut jeter du jour sur d'autres passages que nous n'avons peut-être pas clairement compris. Saint Paul, dans son Épître aux Romains, dit, en parlant des Juifs incrédules : « Ne connaissant pas la justice de Dieu, et voulant établir leur propre justice, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu ». Je pense donc que par ces mots : « Ne connaissant pas la justice de Dieu », il ne faut pas entendre seulement qu'ils ignoraient la justice de Christ imputée à tout croyant, par laquelle ses péchés sont effacés, en sorte qu'il retrouve la faveur de Dieu, mais aussi et plus immédiatement encore, qu'ils ignoraient cette justice intérieure, cette sainteté de cœur qui mérite parfaitement d'être appelée « justice de Dieu », puisqu'elle est, à la fois, son don gratuit en Jésus et son œuvre par le Saint-Esprit. C'est parce qu'ils ignoraient cette justice qu'ils cherchaient à établir « leur propre justice ». Ils s'efforçaient d'établir cette justice extérieure ; qui méritait bien d'être appelée la leur, car elle n'était, ni produite par l'Esprit de Dieu, ni avouée et reconnue de lui. Ils pouvaient l'opérer eux-mêmes par leurs forces naturelles ; et quoique ce ne fût qu'une abomination devant Dieu et une puanteur à ses narines, cependant comme ils s'y confiaient, ils ne voulaient point se soumettre à la justice de Dieu, et même ils s'endurcissaient contre la foi par laquelle seule on peut l'atteindre. « Car Christ est la fin de la loi en justice à tout croyant ». Christ, lorsqu'il s'écria : « Tout est accompli », mit fin à la loi, à la loi des cérémonies et des rites extérieurs, afin de nous procurer une justice plus excellente par son sacrifice, savoir le don de la ressemblance de Dieu gravée au plus profond de l'âme de tout croyant.

                   Je trouve un sens analogue dans ces paroles de Paul aux Philippiens : « Je ne regarde toutes choses que comme de l'ordure, pourvu que je gagne Christ et que je sois trouvé en lui, ayant non la justice qui me venait de la loi, mais celle qui vient de la foi en Christ, la justice qui est de Dieu par la foi ». « N'ayant pas la justice qui me venait de la loi », une justice purement du dehors, la religion que j'avais autrefois quand je fondais mon espérance sur ce que, « à l'égard de la justice de fa loi, j'étais sans reproche », mais « la justice qui vient de la foi en Christ, la justice qui est de Dieu par la foi », ce renouvellement complet de l'âme, qui est l'œuvre de Dieu et non des hommes ; qui est « par la foi », par la foi en Christ par laquelle seule nous obtenons la rémission des péchés et un héritage parmi ceux qui sont sanctifiés.

                   « Cherchez premièrement » ce « royaume de Dieu » qui s'établit dans le cœur, cette justice qui est le don et l'œuvre de Dieu et le renouvellement de l'image de Dieu dans vos âmes ; et « tout le reste », c'est-à-dire, tout ce qui est nécessaire pour le corps, dans la mesure la plus convenable pour l'avancement de son règne, « tout le reste vous sera donné par-dessus ». Dieu vous le donnera par-dessus le marché. En cherchant la paix et l'amour de Dieu, vous ne trouverez pas seulement ce premier objet de vos désirs — « le royaume qui ne peut être ébranlé » — mais encore vous trouverez ce que vous ne cherchez point, et que du moins vous ne cherchez nullement pour soi ; — vous trouverez sur votre chemin les biens extérieurs en tant qu'il vous convient d'en avoir ; c'est un soin que Dieu prend à sa charge ; jetez donc sur lui le fardeau de vos soucis. Il sait vos besoins et il ne manquera pas de suppléer à ce qui vous manque.

                « Ne soyez donc point en souci pour le lendemain ». Non seulement ne vous mettez point en souci d'amasser des trésors sur la terre, d'asseoir votre position dans le monde, — mais, même pour ce qui est absolument nécessaire, n'ayez pas de souci inquiet. Ne vous tourmentez pas maintenant de ce que  vous aurez à faire dans une éventualité encore éloignée. Peut-être ne viendra-t-elle jamais ou ne viendra-t-elle pas pour vous dont la nacelle aura déjà abordé dans l'éternité. Toutes ces vues éloignées doivent être étrangères à des créatures d'un jour. Et qu'avez-vous à faire proprement avec le lendemain ! pourquoi vous tourmenter sans nécessité ? Dieu prend soin pour aujourd'hui de soutenir la vie qu'il vous a donnée. Cela suffit. Mettez-vous entre ses mains. Un autre jour, si vous vivez, il prendra encore soin de vous.

                  Surtout que le souci de l'avenir ne vous soit pas un prétexte pour négliger le devoir présent. C'est la manière la plus funeste de prendre souci du lendemain. Et que ce travers est commun ! Que de gens, lorsque nous les exhortons à conserver une conscience pure, à s'abstenir de ce qu'ils savent être mal, ne se font aucun scrupule de répliquer : « Et que ferons-nous pour vivre ? Ne faut-il pas vivre, nous et notre famille ? » Ils croient cette raison suffisante pour persévérer volontairement dans le péché. Ils voudraient, disent-ils, sincèrement peut-être, ils voudraient servir Dieu aujourd'hui ; mais ils perdraient aussitôt leur pain. Ils voudraient se préparer pour l'éternité ; mais ils craignent de manquer du nécessaire. C'est ainsi qu'ils servent le diable pour un morceau de pain ; ils courent en enfer par crainte du besoin ; ils perdent leurs pauvres âmes de crainte de manquer, un jour ou l'autre, de ce qui est nécessaire pour le corps.

                 Empiétant ainsi sur l'action de Dieu et sur les soins qu'il s'est réservés, il n'est pas étonnant qu'ils soient souvent désappointés dans les choses mêmes qu'ils recherchent et que jetant les biens du ciel pour s'assurer ceux de la terre, ils perdent les uns sans gagner les autres. Le Dieu jaloux permet souvent cela dans sa providence ; et ceux qui ne veulent pas « rejeter leurs soucis sur l’Éternel », perdent souvent cela même qu'ils ont choisi pour leur portion. Une malédiction visible repose ; sur toutes leurs entreprises, et ils échouent en tout et partout, en sorte qu'après avoir abandonné Dieu pour le monde, ils perdent ce qu'ils cherchent aussi bien que ce qu'ils ne cherchent point, et se trouvent privés du royaume de Dieu et de sa justice sans que les autres choses leur soient données en compensation.

                     Mais il est une autre manière de « se mettre en souci pour le lendemain » qui se rapporte aux choses spirituelles et qui n'est pas moins condamnée par ce texte. L'inquiétude pour un avenir plus ou moins éloigné peut nous faire négliger les devoirs que nous avons sous la main. Oh ! qu'il est facile, à moins de veiller et de prier sans cesse, de se laisser entraîner insensiblement dans cet écart, et de rêver pour ainsi dire, les yeux ouverts, formant des projets pour un avenir lointain et se repaissant des peintures séduisantes de l'imagination. Que de bien ne ferai-je pas quand je serai dans tel lieu, dans telle position ! Comme j'abonderai en bonnes œuvres quand je serai bien dans mes affaires ! Avec quel zèle je servirai Dieu quand je n'aurai plus tel ou tel obstacle sur mon chemin !

                    Vous êtes peut-être dans un pénible état d'âme ; Dieu semble vous cacher sa face, vous voyez peu sa lumière ; vous avez peu le sentiment de son amour. Dans cette position qu'il est naturel de penser : « Oh ! combien je louerai Dieu quand il aura fait lever de nouveau sur moi la clarté de sa face ! Comme j'exhorterai les âmes à le bénir quand son amour sera de nouveau répandu dans mon cœur ! Je rendrai partout témoignage à Dieu ; je n'aurai point honte de l’Évangile de Christ ; je rachèterai le temps, je ferai valoir tous les talents qu'il m'a donnés ! » Ne crois rien de tout cela. Tu ne le feras point alors, si tu ne le fais dès aujourd'hui. « Celui qui est fidèle dans les petites choses », quelle qu'en soit la nature, qu'il s'agisse de la terre ou du ciel, « sera aussi fidèle dans les grandes ». Si tu caches maintenant dans la terre ce seul talent que tu possèdes, tu en cacheras alors cinq s'ils te sont donnés : mais il n'y a pas apparence que tu les obtiennes ». Car « à celui qui a », c'est-à-dire qui emploie ce qu'il a, on donnera davantage ; mais « à celui qui n'a pas », c'est-à-dire qui n'emploie pas la grâce petite ou grande qu'il a déjà reçue, « on lui ôtera même ce qu'il a ».

                         Ne vous préoccupez pas non plus des tentations du lendemain. Ce piège aussi est dangereux. Ne dites pas : « Que ferai-je en face de cette tentation et comment y résisterai-je ? Je me sens incapable de la surmonter. Je ne saurais vaincre cet ennemi ».

                        Il est vrai, vous n'avez pas maintenant la force dont vous n'avez pas besoin maintenant. Vous ne sauriez vaincre à cette heure tel ennemi, mais à cette heure il ne vous attaque point. Avec la force que vous avez, vous ne sauriez résister aux tentations que vous n'avez point. Mais quand viendra la tentation, alors viendra la grâce. Dans une plus grande épreuve vous recevrez plus de force. Lorsque les souffrances abonderont, les consolations de Dieu abonderont dans la même proportion, en sorte que dans toute situation, vous puissiez dire : « Sa grâce me suffit ». Chaque jour vous pourrez dire : Il ne permet point aujourd'hui que je sois tenté au-dessus de mes forces. « Dans toute tentation, il vous donnera une issue ». « Ta  force durera autant que tes jours ».

                           Que « le lendemain donc ait soin de ce qui le regarde », c'est-à-dire, attends d'être au lendemain pour t'en occuper. Vis jour par jour. Que ton grand souci soit de mettre à profit l'heure présente. Elle t'appartient, et c'est tout ce qui t'appartient. Le passé n'est plus rien et c'est comme s'il n'avait jamais été. L'avenir n'est rien encore ; il n'est point encore à toi, peut-être ne sera-t-il jamais à toi. Tu ne peux y compter ; car tu ne sais ce qu'amènera le jour de demain. Occupe-toi donc d'aujourd'hui ; ne perds pas une heure ; emploie le moment présent, car c'est là ta portion. Qui est-ce qui connaît ce qui a été avant lui ou ce qui sera après lui sous le soleil ? « Les générations qui furent dès le commencement, où sont-elles ? Elles sont disparues, elles sont oubliées. Elles furent, elles vécurent leur jour ; puis elles tombèrent comme les feuilles d'un arbre qu'on secoue, et allèrent se confondre dans la commune poussière. Puis vinrent d'autres générations qui bientôt rejoignirent leurs pères pour « ne plus voir la lumière ». Maintenant tu es sur la terre à ton tour : « Jeune homme, réjouis-toi dans les jours de ta jeunesse ». Maintenant, maintenant embrasse Celui dont les années ne finissent point. Maintenant regarde d'un œil simple à Celui « en qui il n'y a ni variation ni ombre de changement ». Maintenant donne-lui ton cœur, maintenant appuie-toi sur lui ; maintenant sois saint comme il est saint ! Maintenant saisis l'occasion bénie de faire sa volonté agréable et parfaite ! Maintenant endure avec joie « la perte de toutes choses, afin de gagner Christ ! » Souffre avec joie « aujourd'hui » pour son nom, mais ne t'inquiète pas des souffrances de demain : « A chaque jour suffit sa peine ». « Sa peine », oui, c'est ainsi qu'il faut appeler, dans la langue des hommes, l'opprobre et le besoin, la douleur et la maladie ; mais dans la langue de Dieu, ce n'est que bénédiction ». C'est un baume précieux préparé par sa sagesse, et diversement distribué parmi ses enfants, suivant les diverses maladies de leurs âmes. Il en donne « chaque jour » une dose suffisante pour ce jour, selon le besoin et la force du malade. Si donc tu anticipes sur la dose de demain, la joignant à ce qui t'est donné pour aujourd'hui, ce sera plus que tu ne peux porter, et c'est le moyen non de guérir, mais de détruire ton âme. Contente-toi donc aujourd'hui de ce qu'il te prescrit pour aujourd'hui. Aujourd'hui, fais et endure sa volonté ! Aujourd'hui livre ton corps ton âme, ton esprit à Dieu par Jésus-Christ, ne désirant rien, si ce n'est de le glorifier dans tout ce que tu es, dans tout ce que tu fais, dans tout ce que tu souffres ; ne cherchant rien si ce n'est la connaissance de Dieu et de Jésus-Christ, son Fils, par l'Esprit éternel ; ne te proposant rien, si ce n'est de l'aimer, de le servir, et de le posséder à cette heure et dans toute l'éternité !

                    Or, à Dieu le père qui m'a créé, qui a créé le monde, — à Dieu le Fils qui m'a racheté, qui a racheté tous les hommes, — à Dieu le Saint-Esprit qui me sanctifie et qui sanctifie tous les élus de Dieu, soit honneur, louange, majesté et puissance, aux siècles des siècles ! Amen !




dimanche 12 juin 2016

(8) LE SERMON SUR LA MONTAGNE, HUITIÈME DISCOURS WESLEY Matthieu 6:19-23

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com


Sermon 28    :   (1748)     LE SERMON SUR LA MONTAGNE, HUITIÈME DISCOURS

Matthieu 6,19-23

19   Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et la rouille détruisent, et où les voleurs percent et dérobent;
20  mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la teigne et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent.
21  Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.
22  L’œil est la lampe du corps. Si ton œil est en bon état, tout ton corps sera éclairé;
23  mais si ton œil est en mauvais état, tout ton corps sera dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes ces ténèbres!

                   Des actions qu'on appelle ordinairement religieuses et qui font réellement partie de la vraie religion quand elles découlent d'une intention pure et sainte, et que la manière de les accomplir y répond, notre Seigneur passe aux actions de la vie commune et montre que la même pureté d'intention n'est pas moins indispensablement requise dans nos affaires ordinaires que dans nos aumônes, nos jeûnes et nos prières.
  
                   Il est évident que la même pureté d'intention qui rend nos aumônes et nos dévotions agréables à Dieu, n'est pas moins nécessaire pour faire de notre travail et de nos occupations un service qui lui plaise. Si un homme s'attache au travail pour s'acquérir un rang et des richesses dans le monde, il ne sert point Dieu et n'a pas plus de titres à sa récompense que celui qui fait l'aumône pour être vu ou qui prie pour être entendu des hommes. Car des vues terrestres et vaines ne sont pas plus de mise dans nos emplois divers que dans nos aumônes ou nos dévotions. Ces vues ne sont pas mauvaises seulement quand elles se mêlent à nos bonnes œuvres, à nos actes religieux ; elles ont la même nature quand elles entrent pour quelque chose dans notre activité ordinaire. S'il était permis de les poursuivre dans nos soins temporels, il serait permis de les poursuivre dans nos dévotions. Mais comme nos aumônes et nos dévotions ne sont un service légitime que lorsqu'elles procèdent d'une pure intention, notre travail terrestre n'appartient au service de Dieu que s'il est dirigé par la même piété de cœur.
  
                    C'est ce que le Seigneur déclare de la manière la plus vivante dans ces fortes et riches expressions, sur l'explication, la démonstration et le développement desquelles roule tout ce chapitre. « L’œil est la lumière du corps. Si donc ton oeil est sain, tout ton corps sera éclairé ; mais si ton œil est mauvais, tout ton corps sera ténébreux ». L’œil signifie ici l'intention : ce que l’œil est pour le corps, l'intention l'est pour l'âme. Comme l'un guide tous les mouvements du corps, l'autre guide tous les mouvements de l'âme. Cet œil de l'âme est appelé sain, ou mieux encore simple, s'il n'a en vue qu'une chose, si nous nous proposons uniquement de « connaître Dieu et Jésus-Christ qu'il a envoyé », de le connaître de cœur comme d'intelligence, en l'aimant comme il nous a aimés, de lui plaire en toutes choses, de le servir comme nous l'aimons, savoir de tout notre cœur, de tout notre esprit, de toute notre âme et de toute notre force, et de prendre, en tout et par-dessus tout, notre plaisir en lui seul, dans le temps et dans l'éternité.

                   Si ton cœur a cette simplicité, cette pureté, « tout ton corps sera éclairé  » ; — « tout ton corps », — tout ce qui est guidé par l'intention comme le corps l'est par l’œil : tout ce que tu es, tout ce que tu fais, tes désirs, ton caractère, tes affections, tes pensées, tes paroles, tes actes. Tout cela sera éclairé, lumineux, plein d'une vraie, d'une divine lumière. — Ceci se rapporte d'abord à la connaissance. « C'est par sa lumière que nous voyons clair ». « Celui qui a dit au commencement que la lumière sortît des ténèbres, répandra sa lumière dans vos cœurs  » ; « il éclairera les yeux de votre entendement » par la connaissance de la gloire de Dieu. Son Esprit vous révèlera « les choses profondes de Dieu ». L'onction du saint « vous donnera l'intelligence et vous fera connaître « la sagesse dans le secret de votre cœur ». « Oui, cette onction même que vous recevez de Lui demeurera en vous » « et vous enseignera toutes choses.

                   Combien ceci est confirmé par l'expérience ! Même après que Dieu a ouvert les yeux de notre entendement, si nous cherchons autre chose que Lui, combien notre cœur devient aussitôt ténébreux ! De nouveaux nuages s'amassent sur lui ; les doutes et les craintes l'entourent encore. Nous sommes ballottés çà et là, incertains de ce que nous devons faire ou du sentier qu'il nous faut prendre. Mais si nous ne désirons et ne cherchons que Dieu seul, les nuages, les doutes s'évanouissent. Nous « qui étions autrefois ténèbres, nous sommes lumière dans le Seigneur ». La nuit brille maintenant comme le jour, et nous expérimentons que « le sentier du juste est une lumière resplendissante ». Dieu nous montre le chemin où nous devons marcher et dresser le sentier devant nos pas.

                    Ces paroles se rapportent, en second lieu, à la sainteté. Si tu cherches Dieu en tout, tu le trouveras en tout, comme la source de toute sainteté te revêtant continuellement de sa ressemblance, « de justice, de miséricorde, de fidélité ». Si tu ne regardes qu'à Jésus, tu seras rempli « des sentiments qui étaient en Jésus ». Ton âme sera renouvelée, jour par jour, « à l'image de Celui qui l'a créée ». Si tu ne le quittes point des yeux de ton âme, si tu demeures ferme comme voyant Celui qui est invisible », ne cherchant « rien d'autre au ciel ou sur la terre », alors « contemplant la gloire du Seigneur », tu seras « transformé en la même image, comme par l'Esprit du Seigneur ».

                    Et sur ce point aussi l'expérience montre chaque  jour que c'est ainsi que nous sommes « sauvés par grâce, par la foi ». C'est la foi qui ouvre les yeux de notre âme pour voir l'éclat de la gloire de l'amour de Dieu ; et pour autant qu'ils ne cessent de contempler ainsi fixement « Dieu manifesté en Christ, réconciliant le monde avec soi », nous sommes de plus en plus remplis de l'amour de Dieu et du prochain, « de douceur, de bonté, de patience », de tous les fruits de sainteté qui sont par Jésus-Christ à la gloire de Dieu le Père.

                    Ces paroles se rapportent en troisième lieu au bonheur, aussi bien qu'à la connaissance et à la sainteté.

                  « Il est vrai que la lumière est douce et qu'il est agréable aux yeux de voir le soleil  » ; mais combien plus de voir continuellement les rayons du « soleil de justice ! » Et « s'il y a quelque consolation en Christ, quelque soulagement dans l'amour », s'il y a « une paix qui passe toute intelligence », une « joie dans l'espérance de la gloire de Dieu », tout cela appartient à celui dont l'oeil est simple. — Ainsi « tout son corps est lumineux ». Il marche dans la lumière comme Dieu lui-même est dans la lumière », « toujours joyeux, priant sans cesse, rendant grâce en toutes choses », et trouvant sa joie dans tout ce qui est la volonté de  Dieu en Jésus-Christ à son égard.

                 « Mais si ton œil est mauvais, tout ton corps sera ténébreux ». — « Si ton œil est mauvais », — il n'y a pas de moyen terme entre un œil sain et un œil mauvais. Si l’œil n'est pas sain (ou simple), il est mauvais. Si notre intention, dans tout ce que nous faisons, n'est pas uniquement pour Dieu, si nous cherchons encore autre chose, alors « notre esprit est souillé ainsi que notre conscience ».

                Notre œil est donc mauvais si, en quoi que ce soit, nous nous proposons autre chose que Dieu, autre chose que de connaître et d'aimer Dieu, de lui plaire et de le servir en toutes choses ; autre chose que de posséder Dieu, d'être heureux en lui dès maintenant et à toujours.

                  Si ton œil ne regarde pas uniquement à Dieu, « tout ton corps sera rempli de ténèbres ». Le voile, alors, demeure sur ton cœur. Ton esprit sera toujours plus aveuglé par « le Dieu de ce siècle », pour ne pas voir « la lumière du glorieux Évangile de Christ ». Tu seras plein d'ignorance et d'erreurs sur les choses de Dieu, sans pouvoir ni les recevoir, ni les discerner. Et si même tu as quelque désir de servir Dieu, tu seras plein d'incertitude sur la manière de le servir, trouvant partout des doutes et des difficultés et ne sachant comment en sortir.

                 Que dis-je, si ton œil n'est pas simple, si tu poursuis quelque but terrestre, tu seras plein d'impiété et d'injustice, toutes tes affections, tous tes désirs et tes sentiments étant déréglés, ténébreux, profanes et vains. Et ta conversation sera mauvaise aussi bien que ton cœur, n'étant pas « assaisonnée de sel », ni capable « de communiquer la grâce à ceux qui t'écoutent », mais vaine, inutile, corrompue et propre seulement à « contrister le Saint-Esprit » de Dieu.

                 « La désolation et la ruine sont dans tes voies », car « tu ne connais pas le chemin de la paix ». Il n'y a point de paix, de paix solide pour ceux « qui ne connaissent point Dieu ». Il n'y a pas de contentement vrai ni durable pour qui ne le cherche pas de tout son cœur. Poursuivant un bien périssable, quel qu'il soit, tu n'en retires « que la vanité », et de plus « le tourment d'esprit », non seulement dans la recherche, mais dans la jouissance même. Tu poursuis, en effet, une ombre vaine, et c'est vainement que tu te tourmentes. Tu marches dans des « ténèbres qu'on peut toucher avec la main ». Dors toujours, mais tu ne pourras goûter de repos. Les rêves de la vie peuvent tourmenter, tu le sais bien ; mais ils ne peuvent donner la paix. Il n'y a, dans ce monde et dans le monde à venir, de paix qu'en Dieu seul, le centre des esprits. « Si la lumière qui est en toi n'est que ténèbres, combien seront grandes ces ténèbres ! » Si l'intention, dont la pureté devait éclairer l'âme entière, la remplir de connaissance, d'amour, de paix, et qui répond à ce but quand elle est simple et ne regarde qu'à Dieu, si cette intention n'est que ténèbres, si, regardant à autre chose qu'à Dieu, au lieu de répandre la lumière sur l'âme, elle la couvre de ténèbres, d'ignorance et d'erreur, de péché et de misère, — combien seront grandes ces ténèbres ! C'est la fumée qui monte du puits de l'abîme ! c'est la nuit absolue qui règne, dans le plus profond abîme, dans « la région de l'ombre de la mort ! »

                     « C'est pourquoi ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où les vers et la rouille gâtent tout, et où les larrons percent et dérobent ». Si vous le faites, il est clair que votre œil est mauvais ; il ne regarde pas uniquement à Dieu.

                Pour l'observation de la plupart des commandements de Dieu, soit intérieurs, soit extérieurs, nous trouvons peu de différence entre les païens d'Afrique et d'Amérique, et le plus grand nombre des chrétiens de nom. Les chrétiens, à peu d'exceptions près, les gardent aussi bien que les païens. Ainsi la généralité des Anglais, soi-disant chrétiens, sont aussi sobres et aussi tempérants que la généralité des païens du cap de Bonne-Espérance, et les chrétiens des Pays-Bas ou de France sont aussi humbles ou aussi chastes que les Iroquois ou que les Chactas. (Wesley a publié ces discours en 1747— Edit.)

                   A considérer les masses, soit en Europe, soit en Amérique, il n'est pas aisé de dire de quel côté est la supériorité. En tout cas, l'Américain n'a pas de beaucoup l'avantage. Mais pour le commandement dont il s'agit ici, nous ne pouvons en dire autant. Ici le païen a décidément la prééminence. Il ne désire, il ne recherche en fait de nourriture ou de vêtement que ce qu'il y a de plus simple, et il ne le recherche que jour par jour, ne réservant, n'amassant rien, si ce n'est peut-être assez de grain pour vivre d'une saison à l'autre.

               Ainsi donc, sans le connaître, les païens observent constamment et ponctuellement ce commandement ; ils ne s'amassent pas de trésors sur la terre, ni de pourpre ou de fin lin, ni d'or ou d'argent, « que les vers ou la rouille gâtent, que les larrons percent et dérobent ». Mais les chrétiens, comment observent-ils ce qu'ils professent de recevoir comme commandement du Dieu Très-Haut ? Ils ne l'observent pas du tout, ils ne l'observent à aucun degré, ils ne l'observent pas plus que si jamais pareil commandement n'eût été donné aux hommes. Même les bons chrétiens, comme on les appelle, et qui se tiennent eux-mêmes pour tels, ne le jugent digne d'aucune attention, et, pour le compte qu'ils en tiennent, autant vaudrait qu'il fût encore caché dans l'original grec. Dans quelle ville chrétienne trouve-t-on un homme sur cinq cents qui se fasse le moindre scrupule d'amasser autant de trésors qu'il peut, d'accroître ses biens autant qu'il en est capable ? On trouve, il est vrai, qui ne voudrait pas le faire illégalement ou même injustement, qui ne voudrait ni voler, ni dérober, ni peut-être user de fraude, ou même tirer profit de l'ignorance ou de la nécessité du prochain. Mais il ne s'agit point de cela ; et ce n'est point de la transgression de ce commandement, mais de la manière de le transgresser que ces personnes se font scrupule. Ce n'est pas d'amasser des biens sur la terre, mais de les amasser d'une manière déshonnête. Ce qui les révolte, ce n'est pas de désobéir à Christ, mais de faire brèche à leur moralité païenne. En sorte que ces honnêtes gens n'obéissent pas plus en ceci qu'un voleur de grand chemin ou qu'un larron. Que dis-je ? Ils n'ont jamais eu le dessein d'obéir. La chose ne leur est jamais venue à l'esprit. — Car, dès leur jeunesse, leurs parents, leurs maîtres et amis chrétiens les élevèrent sans leur donner à cet égard aucune instruction, si ce n'est peut-être celle de violer ce commandement le plus tôt et le plus possible, et de continuer à le violer jusqu'à la fin de leur vie.

                    Il n'y a pas au monde un exemple d'infatuation spirituelle plus étonnant que celui-là. La plupart de ces gens lisent la Bible, plusieurs même chaque dimanche. Ils ont lu ou entendu cent fois ces paroles, sans jamais soupçonner qu'ils soient plus condamnés par elles que par celles qui défendent aux parents de sacrifier leurs fils et leurs filles à Moloc. Oh ! que Dieu veuille, de sa voix, de sa puissante voix, parler à ces malheureux qui s'abusent eux-mêmes ; qu'ils puissent enfin « se réveiller des pièges du diable », et que « les écailles tombent de leurs yeux ! »

                 Désirez-vous savoir ce que c'est que « d'amasser des trésors sur la terre ? » C'est ce qu'il importe de bien établir. Et d'abord distinguons ce que ce commandement ne défend pas, afin de pouvoir clairement discerner ce qu'il défend.

                 1° Ce commandement ne nous défend pas de nous procurer ce qui est « honorable devant tous les hommes », ce par quoi nous pouvons « rendre à chacun ce qui lui est dû », et répondre à ce qu'on peut justement exiger de nous. Loin de là, Dieu lui-même nous exhorte à « ne devoir rien à personne ». Nous devons donc, dans notre vocation, montrer toute l'activité nécessaire pour ne devoir rien à personne ; c'est une loi toute simple de la justice commune que notre Seigneur « n'est pas venu détruire, mais accomplir ».

                  2° Il ne nous défend pas non plus de pourvoir aux nécessités de notre corps par une quantité suffisante de bonne et simple nourriture et par des vêtements convenables. C'est même notre devoir de nous procurer cela selon les moyens que Dieu nous donne, afin que nous mangions notre propre pain et que nous ne soyons à charge à personne.

                   3° Ce commandement ne nous défend pas de pourvoir aux besoins de nos enfants et des personnes de notre maison. C'est plutôt notre devoir, d'après les principes mêmes de la moralité païenne. Chacun doit procurer à sa femme et à ses enfants les choses nécessaires à la vie, et les mettre en état de se procurer eux-mêmes ces choses quand il ne sera plus dans ce monde. Je dis ces choses, — non pas des délicatesses, ni des superfluités, — mais les choses qu'exigent les simples besoins de la vie, et cela par leur travail assidu ; car nul homme n'est tenu de procurer à d'autres plus qu'à lui-même de quoi vivre dans l'oisiveté et le luxe. Mais celui qui, dans ces limites, refuse de prendre soin des siens (ou des veuves de sa propre maison, dont saint Paul parle particulièrement dans le passage auquel je fais allusion), « il a » pratiquement « renié la foi, et il est pire qu'un infidèle ».

                      4° Enfin, ce commandement ne nous défend pas d'amasser ce qui nous est nécessaire, d'époque en époque, pour poursuivre nos affaires temporelles et pour les étendre autant que le demandent les divers buts ci-dessus mentionnés, savoir : de ne devoir rien à personne, de nous procurer les nécessités de la vie, d'entretenir nos enfants pendant notre vie et de les mettre en état de s'entretenir eux-mêmes quand nous serons retournés à Dieu.

                    D'après cela nous pouvons discerner clairement (à moins que nous ne voulions pas le discerner) quelle est la défense qui nous est faite ici. C'est de nous procurer de propos délibéré plus de biens terrestres qu'il ne nous en faut pour les buts mentionnés. Tel est le sens positif et absolu du texte ; il n'en peut avoir d'autre. La règle est donc certaine pour tous, et quiconque ne devant rien à personne, ayant le vêtement et la nourriture pour sa famille, et de quoi faire marcher ses affaires, quiconque, dis-je, étant déjà dans cette position, cherche encore une plus grande part des biens de la terre, — il renie ouvertement et habituellement le Seigneur qui l'a racheté ; il a pratiquement renié la foi, il est pire qu'un infidèle.

                     Écoutez ceci, vous tous qui vivez dans le monde et qui aimez ce monde ou vous vivez ! peut-être êtes-vous en grande estime auprès des hommes, mais vous êtes « une abomination aux yeux de Dieu ! » Jusques à quand vos âmes seront-elles attachées à la poudre Jusques à quand vous chargerez-vous de cette argile épaisse ? Et quand ouvrirez-vous les yeux pour voir que les païens proprement dits sont plus près que vous du royaume des cieux ? Quand voudrez-vous choisir la bonne part qui ne peut vous être ôtée ? Quand voudrez-vous n'amasser des trésors que dans le ciel, rejetant, redoutant, abhorrant tout le reste ? Si vous cherchez à « amasser des trésors sur la terre », non seulement vous perdez votre temps et vous consumez votre force pour ce qui ne nourrit point, car quels fruits retirez-vous de vos succès ? mais vous êtes les meurtriers de votre propre âme. Vous avez éteint en elle la dernière étincelle de vie spirituelle, vous êtes morts en vivant ! Vous vivez comme homme, mais vous êtes morts comme chrétiens. Car « là où est votre trésor, là sera aussi votre cœur ». Votre cœur est enfoncé dans la poussière, votre âme est collée à la poudre ; vos affections sont attachées, non aux choses d'en haut, mais aux choses de la terre, à de vaines écorces qui peuvent empoisonner, mais vides de ce qui peut satisfaire un esprit créé pour Dieu et pour l'éternité ! Votre amour, votre joie, vos désirs n'appartiennent qu'à des choses qui « se détruisent par l'usage ». Vous avez rejeté le trésor des cieux, vous avez perdu Christ, vous avez gagné des richesses et l'enfer !

                    Oh ! « qu'il est difficile que ceux qui ont des richesses entrent dans le royaume de Dieu ! » Lorsque les disciples parurent étonnés de ces paroles, le Seigneur, bien loin de se rétracter, répéta en des termes encore plus forts cette imposante vérité : « Il est plus aisé qu'un chameau passe par le trou d'une aiguille, qu'il ne l'est qu'un riche entre dans le royaume de Dieu ». Qu'il leur est difficile, à eux dont on applaudit toutes les paroles, de n'être pas « sages à leurs propres yeux ! » Qu'il leur est difficile de ne pas croire valoir mieux que la populace dégradée, pauvre et sans éducation ! Qu'il leur est difficile de ne pas chercher le bonheur dans leurs richesses ou dans les choses qui en dépendent, dans la satisfaction des « désirs de la chair, des désirs des yeux et de l'orgueil de la vie ! » O riches ! comment pourrez-vous échapper à la condamnation de l'enfer ? Avec Dieu seul « toutes choses deviennent possibles ! »

                         Et si même vous ne réussissez pas dans vos tentatives, en êtes-vous plus avancés pour vos âmes ? « Ceux qui veulent devenir riches », — ceux qui font des efforts pour cela, qu'ils aient ou non du succès, — « tombent dans la tentation et dans le piège », — dans les pièges du diable, — « et en plusieurs désirs insensés et pernicieux », — des désirs où la raison n'a aucune part, et qui conviennent aux bêtes brutes plutôt qu'à des êtres immortels et raisonnables, — « qui plongent les hommes dans la ruine et dans la perdition », — dans des misères temporelles et éternelles. Ouvrons les yeux seulement, et nous en verrons tous les jours la triste preuve. Des hommes qui, désirant, voulant être riches, convoitant ce qui est « la racine de tous maux, se sont eux-mêmes embarrassés dans bien du tourment », anticipant ainsi sur l'enfer où ils se rendent !

                         Il faut remarquer la juste précision avec laquelle s'exprime l'apôtre. Il ne menace point absolument les riches, car un homme peut être riche sans que ce soit par sa faute, il peut l'être par une dispensation de la Providence indépendamment de son choix ; mais il s'adresse à ceux qui veulent devenir riches, qui le désirent et qui le cherchent. Quelque dangereuses que soient les richesses, elles ne précipitent pas toujours les hommes dans la perdition ; mais le désir des richesses le fait. Ceux qui les poursuivent de propos délibéré, qu'ils réussissent où non à faire fortune en ce monde, perdent infailliblement leurs âmes. Ce sont eux qui, pour quelques pièces d'or et d'argent, vendent Celui qui les a rachetés. Ce sont eux qui entrent en « alliance avec la mort et l'enfer  » ; et cette alliance subsiste, car ils se rendent tous les jours plus propres à partager l'héritage du diable et de ses anges.

                         Oh ! qui avertira cette « race de vipères » de « fuir la colère qui est à venir ! » Non pas ceux qui sont couchés à leur porte ou rampent à leurs pieds, désirant se rassasier des miettes qui tombent de leur table ; non pas un de ceux qui courtisent leur faveur ou craignent leur courroux ; non pas un de ceux qui ont en vue les choses terrestres. Mais s'il y a sur la terre un chrétien, s'il y a un homme qui ait vaincu le monde, qui ne désire rien hors de Dieu, et ne craigne personne si ce n'est « Celui qui peut détruire l'âme et le corps dans la géhenne », — toi, homme de Dieu, parle, ne t'épargne point ! élève ta voix comme un cornet, crie à haute voix et montre à ces pécheurs honorables la condition désespérée où ils se trouvent ! Peut-être y en aura-t-il au moins un sur mille qui ait des oreilles pour entendre, qui se relève de la poussière ; qui rompe les chaînes qui l'attachaient au monde et qui finisse par amasser des trésors dans le ciel.

                          Et s'il arrivait qu'une de ces âmes, réveillée par la puissance de Dieu, s'écriât : « Que faut-il que je fasse pour être sauvée ? » La réponse que fournissent les oracles de Dieu est claire, expresse et complète. Dieu ne te dit pas : « Vends ce que tu as ». Il est vrai que, dans un cas particulier, pour le jeune homme riche dont parle l'Évangile, Celui qui sonde le cœur des hommes, jugea nécessaire de donner cet ordre ; mais jamais il n'en a fait une règle générale pour tous les riches et pour toutes les générations. Voici ses directions générales :

                      1° « Ne t'élève point par orgueil ! » Dieu « n'a pas égard aux choses auxquelles l'homme a égard ». Il ne t'estimera point pour tes richesses, pour le faste de tes équipages, pour aucune qualité directement ou indirectement due à ton opulence. Tout cela n'est pour lui que de « l'ordure et du fumier ». Qu'il en soit de même pour toi. Garde-toi de te croire, pour toutes ces choses, plus sage ou meilleur d'un fétu. Sers-toi, pour te peser, d'une autre balance. Ne t'estime que selon le degré de foi et d'amour que Dieu t'a donné. Si tu as plus de connaissance de Dieu ou plus d'amour, pour ce motif seul, et non pour aucun autre, tu es plus sage, plus honorable que celui qui vit avec les chiens de ton troupeau. Mais si ce trésor-là te manque, tu es plus ignorant, plus vil, plus méprisable, je ne dirai pas que le dernier des serviteurs qu'abrite ton toit, mais que le mendiant couvert d'ulcères qui est couché à ta porte.

                        2° « Ne mets pas ta confiance dans l'instabilité des richesses ». N'en attends ni secours, ni bonheur.

                        Et d'abord n'en attends pas de secours. Tu t'abuses misérablement si tu espères un tel service de l'argent ou de l'or. Ils ne peuvent pas plus te mettre au-dessus du monde qu'au-dessus du diable. Sache que le monde et le prince de ce monde se rient également de telles armes. Elles servent peu dans le jour de l'affliction, lors même qu'alors elles demeurent. Mais qui te dit qu'elles te demeureront ? Combien souvent elles prennent alors des ailes et s'envolent ? Mais, si elles restent, que peuvent-elles même dans les peines ordinaires de la vie ? « Le désir de tes yeux », la femme de ta jeunesse, ton fils, ton unique, l'ami « que tu aimais comme ton âme », t'est enlevé par un coup soudain. Tes richesses ranimeront-elles leur argile ? y rappelleront-elles leur âme ? ou pourront-elles te garantir toi-même de maladies, d'infirmités, de souffrances ? Ces maux ne visitent-ils que le pauvre ? Ah ! le berger de ton troupeau, l'ouvrier qui laboure ton champ, en souffre moins que toi. Il est moins souvent visité de ces hôtes incommodes, et, s'ils viennent cependant, ils se laissent plus aisément chasser de l'humble chaumière que des palais dont les cimes sont dans les nuages. Et dans le temps où les infirmités te châtient, où la maladie te consume, que peuvent pour toi tes trésors ? Les païens eux-mêmes auraient pu répondre :

Ce que peut un tableau pour des yeux malades,
Ou les sons de la harpe pour des oreilles souffrantes.

                     Mais voici bien un autre tourment : il te faut mourir, il te faut descendre dans la poudre, retourner en la terre d'où tu as été pris et t'y confondre avec le vulgaire. Tu vas rendre ton corps à la terre d'où tu fus tiré et ton esprit à Dieu qui l'a donné. Et le temps marche, et les années s'écoulent d'un cours rapide, quoique silencieux. Peut-être es-tu près de la fin ; le midi de la vie est passé, les ombres du soir s'abaissent sur toi. Tu sens les sûres approches du dépérissement. Les sources de la vie s'épuisent avec rapidité. Que vont faire pour toi tes richesses ? T'adouciront-elles la mort, te feront-elles aimer cette heure solennelle ? Ah ! loin de là ! « O mort ! que tu es amère pour celui qui vit à l'aise dans ses possessions ! » et qu'il reçoit mal cette terrible sentence : « Cette nuit même ton âme te sera redemandée ! » Préviendront-elles ce coup fatal ou diffèreront-elles cette heure ? « Délivreront-elles votre âme en sorte qu'elle ne voie point la mort ? » Vous rendront-elles les années écoulées ? ajouteront-elles au temps qui vous est assigné, un mois, un jour, une heure, un moment ? Ou les biens dont vous aviez fait ici-bas votre portion vous suivront-ils au-delà de la fosse ? Non ; mais nu vous êtes entré dans le monde, et nu vous en sortirez.

Et, comme dit encore le poète païen :
Terres, maisons, tendre épouse, il faut tout laisser.
Et d'entre tous les arbres que tu cultives, 
N'être accompagné que des tristes cyprès.

                       Oh ! oui, si ce n'était qu'on ne remarque pas ces vérités parce qu'elles sont trop claires, trop claires pour être contestées, nul homme appelé à mourir ne pourrait attendre de secours de l'instabilité des richesses. N'en attendez pas non plus le bonheur. Car ici encore elles se montrent trompeuses quand on en fait l'épreuve. C'est ce que tout homme raisonnable peut déduire de ce qui précède. Car si l'or ou les avantages qui en découlent ne peuvent nous empêcher d'être misérables, il est bien évident qu'ils ne peuvent nous rendre heureux. Quel bonheur peuvent-ils apporter à celui qui, malgré tout, est obligé de s'écrier :

La tristesse toujours vient hanter mes parois,
Et sous mes toits dorés voltigent les soucis.

                       De fait, l'expérience parle ici d'une manière si victorieuse, qu'elle rend tous les autres arguments inutiles. Qu'il nous suffise d'en appeler aux faits. Les riches et les grands sont-ils les seuls heureux, et leur mesure de bonheur est-elle en proportion de la mesure de leurs richesses ? Ont-ils même quelque bonheur ? j'allais dire ne sont-ils pas de tous les hommes les plus misérables ? Riches, dites une fois la vérité telle qu'elle est dans votre cœur, dites tous ensemble :

Toujours, du sein de l'abondance,
Un vide cruel dans nos cœurs
Empoisonne la jouissance.

                      Oui, et cet état durera jusqu'à ce que vos jours d'ennuyeuse vanité soient allés se perdre dans la nuit de la mort !

                        Il n'y a donc pas, sous le soleil, de plus grande folie que de s'attendre aux richesses pour être heureux. N'en êtes-vous pas convaincu ? Est-il possible que vous espériez encore trouver le bonheur dans l'argent ou dans ce qu'il procure ? Quoi ! de l'argent ou de l'or pourraient te rendre heureux ? Manger et boire, avoir des chevaux, des serviteurs, un appareil brillant, des distractions et des plaisirs (comme on les appelle), cela pourrait te rendre heureux ? Autant vaudrait dire que cela peut te rendre immortel !

                     Toutes ces choses ne sont qu'apparence et que mort. Ne les estime point. Confie-toi en Dieu, et tu seras tranquille « à l'ombre du Tout-Puissant ». Sa fidélité, sa vérité sera ton bouclier et ton écu. Sa délivrance est proche au temps de la détresse, et son secours ne peut tromper. Si tous tes amis viennent à te manquer, tu t'écrieras : L’Éternel vit ! béni soit mon puissant Sauveur ! Il se souviendra de toi quand tu seras couché sur ton lit privé de tout secours humain. Alors, dans l'impuissance de tout moyen terrestre, il « changera tout ton lit », il soulagera tes douleurs ; dans les flammes mêmes, les consolations de Dieu te feront chanter de joie. Et, lors même que cette maison terrestre sera prête à crouler et à tomber en poussière, il t'enseignera à dire : « O mort ! où est ton aiguillon, ô sépulcre ! où est ta victoire ? » Grâces à Dieu, qui « me donne la victoire » par Jésus-Christ mon « Seigneur ! »

                   Oh ! attendez de Lui et bonheur et secours ! Toutes les sources du bonheur sent en Lui. : Attendez-vous à Celui, qui « nous donne toutes choses abondamment pour en jouir  » ; qui, du trésor de ses libres miséricordes, nous les présente en quelque sorte de sa propre main, afin que, les recevant comme ses dons et comme un gage de son amour nous puissions en jouir. C'est son amour qui donne de la saveur à tout, qui met partout la vie et la douceur, et, réciproquement, tout nous élève à notre Créateur, et la terre entière est pour nous l'échelle des cieux. Il verse les « joies qui se trouvent à sa droite » dans tout ce qu'il donne à ses enfants, qui jouissent en tout et par dessus tout de la communion du Père en son Fils Jésus-Christ.

                    3° Ne cherche pas à devenir plus riche. « N'amasse point » pour toi-même des trésors sur la terre. C'est un commandement simple et positif, et tout aussi clair que « tu ne commettras point d'adultère ». Comment un homme riche pourrait-il donc s'enrichir encore sans renier le Seigneur qui l'a racheté ? Et même comment celui qui a le nécessaire de la vie pourrait-il sans péché chercher encore plus ? « Ne vous amassez pas de trésors sur la terre », dit le Seigneur. Si, nonobstant cela, vous voulez toujours amasser des biens « que les vers et la rouille gâtent et que les larrons percent et dérobent  » ; si vous voulez « joindre maison à maison, et approcher un champ de l'autre », pourquoi vous donnez-vous le nom de chrétien ? Vous n'obéissez pas à Jésus-Christ, vous n'avez pas l'intention de lui obéir ; pourquoi donc vous réclamer de son nom ? « Pourquoi m'appelez-vous Seigneur, Seigneur », dit-il lui-même, « pendant que vous ne faites pas ce que je dis ? »

                        Mais que faut-il faire de nos biens, demandez-vous, puisque nous en avons plus que nous ne saurions employer ? Faut-il donc les jeter ? Je réponds : Si vous les jetiez dans la mer, ou si vous tes livriez aux flammes, cela vaudrait mieux que l'usage que vous en faites maintenant. Vous ne sauriez trouver une pire manière de les perdre que de les amasser pour votre postérité ou de les dépenser pour vous-mêmes dans le luxe et la folie. De toutes les manières de jeter l'argent à la rue, ces deux-là sont les plus mauvaises, les plus contraires à l'Évangile de Christ et les plus fatales à votre propre âme.

Quant à la dernière, écoutez ces excellentes réflexions d'un auteur :

                     « Si nous dissipons notre argent, non seulement nous sommes coupables de  dissiper un talent que Dieu nous a confié, mais nous nous faisons encore tort à nous mêmes, nous employons ce talent précieux contre nous-mêmes comme un puissant moyen de corruption ; car le mal dépenser, c'est le dépenser au service de quelque mauvaise disposition et pour la satisfaction de désirs vains et déraisonnables auxquels, comme chrétiens, nous sommes tenus de renoncer ».

                   « Comme l'esprit et les talents qui, lorsqu'on en fait un vain usage, exposent ceux qui en sont doués à plus de folies, il en est de même de l'argent : non seulement on peut le dissiper vainement, mais, s'il n'est pas employé conformément à la raison et à la religion, il rend les gens plus insensés et plus extravagants dans leur conduite qu'ils n'eussent été s'ils n'en avaient eu. Si donc vous n'employez pas votre argent pour faire du bien à autrui, vous l'employez nécessairement pour vous faire du tort à vous-même. Vous faites comme celui qui refuserait à son ami malade le cordial qu'il ne peut prendre lui-même sans se rendre malade à son tour. Car telle est la condition du superflu, si vous le donnez à ceux qui ont besoin, c'est un cordial : si vous l'employez, sans besoin, pour vous-même, il ne fait que mettre la fièvre et la discorde dans votre âme ».

                        « Employer les richesses sans utilité réelle et sans vrai besoin, c'est les employer à, notre grand dommage, en provoquant de vains désirs, en nourrissant nos mauvais penchants, en flattant nos passions et nous encourageant dans une folle disposition d'âme. Car le luxe dans le manger et dans le boire, le luxe des habits et des maisons, le faste des équipages, les gais divertissements et les plaisirs, tout cela met naturellement le désordre dans notre cœur. Tout cela nourrit la folie et la faiblesse de notre nature et ne fait qu'entretenir et favoriser ce qui ne devrait pas l'être. Tout cela contrarie cette sobriété, cette piété de cœur qui goûte les choses divines. Ce sont autant de fardeaux qui pèsent sur notre âme et qui nous rendent moins désireux et moins capables d'élever nos pensées vers les choses d'en haut ».

                   « Dépenser ainsi l'argent, ce n'est donc pas seulement le perdre, mais c'est le dépenser dans un coupable but et pour de mauvais effets, pour mettre le désordre et la corruption dans nos cœurs, pour nous rendre incapables de suivre les doctrines sublimes de l'Évangile. Ce n'est rien moins que si nous le refusions aux pauvres pour en acheter du poison pour nous-mêmes ».

Ceux qui amassent sans besoin réel ne sont pas moins coupables :

                    « Si un homme avait en son pouvoir des mains, des yeux, des pieds à distribuer à ceux qui en manquent, et s'il les renfermait dans un coffre au lieu de les donner à ses frères aveugles ou estropiés, ne l'appellerions-nous pas méchant et cruel ? S'il s'amusait à en faire provision au lieu de s'acquérir par ses bienfaits un titre à d'éternelles récompenses, ne le tiendrions-nous pas pour un insensé ? »

                   « Or, l'argent est en réalité comme des mains, des pieds et des yeux. Si nous l'enfermons dans des coffres, pendant que les pauvres et les malheureux en manquent pour vivre, nous ne sommes guère moins cruels que celui lui amasserait des mains et des yeux plutôt que de les distribuer à ceux qui en manquent. Si vous aimez mieux l'amasser que d'acquérir par grâce des titres à une récompense éternelle en le distribuant à propos, vous tombez dans la culpabilité et la folie de celui qui renfermerait des pieds, des mains et des yeux plutôt que de se faire bénir à jamais en les donnant à qui en a besoin ».

                      N'est-ce pas aussi pour cela que les riches entreront si difficilement dans le royaume des cieux ? Ils sont pour la plupart sous la malédiction, sous une malédiction particulière de Dieu, en tant que, par la direction générale de leur vie, non contents de « piller Dieu », de dissiper et de prodiguer continuellement les biens de leur Seigneur, et de corrompre ainsi leur âme, ils volent encore les pauvres, les affamés, les misérables ; ils font tort à la veuve et à l'orphelin, et se rendent responsables de tous les besoins, de toutes les afflictions et les détresses qu'ils ne soulagent point quand ils pourraient le faire. Que dis-je ? Le sang de tous ceux qui périssent faute de ces biens, qu'ils amassent ou qu'ils prodiguent follement, ne crie-t-il pas de la terre contre eux ? Oh ! quel terrible compte n'auront-ils pas à rendre à Celui qui est « prêt à juger les vivants et les morts ! »

                    4° Apprenez en quatrième lieu la vraie manière d'employer votre superflu, par ces paroles du Seigneur qui font le pendant de celles qui précèdent : « Amassez-vous des trésors dans les cieux, où les vers ni la rouille ne gâtent rien, et où les larrons ne percent ni ne dérobent ». Place tes économies en un lieu plus sûr que tu ne peux trouver sur la terre. Mets tes fonds à la banque des cieux, et Dieu te les rendra au dernier jour. « Celui qui a pitié du pauvre, prête à l'Eternel, et il lui rendra son bienfait  » ; ce qu'il dépense ainsi lui sera remboursé. « Porte-le-moi en compte », lui dit-il, « pour ne pas dire que tu te dois toi-même à moi ! »

                    Donne au pauvre, avec un œil simple et un cœur droit ; puis écris : « Pour tant donné à Dieu ». Car « en tant que vous l'avez fait au plus petit de mes frères », nous dit-il, « vous me l'avez fait à moi-même ».

                 Tel est donc le devoir d'un économe sage et fidèle ; non de vendre ses maisons, ses terres, ou d'aliéner ses capitaux, quelle qu'en soit la valeur, à moins que des circonstances particulières ne l'exigent ; non de chercher à les accroître, pas plus que de les dissiper dans la vanité ; — mais de les consacrer sans réserve aux usages sages et raisonnables pour lesquels son Maître les a placés entre ses mains. Le sage économe, après avoir pourvu les siens de ce qui est nécessaire pour la vie et  la piété, se fait « des amis » avec tout ce qui lui reste chaque année, « de ce Mammon d'injustice », —- « afin que quand il viendra à manquer, ils le reçoivent dans les tabernacles éternels  » ; — afin que, dans la ruine de son tabernacle terrestre, ceux qui furent portés avant lui « dans le sein d'Abraham », après avoir mangé son pain et porté la laine de ses troupeaux, et loué Dieu pour ses consolations, viennent le saluer à son entrée dans le Paradis et dans la maison éternelle de Dieu dans les cieux ».

                   Nous vous exhortons donc, en l'autorité de notre Seigneur et Maître, vous tous qui êtes « riches en ce monde », « à faire du bien », au point que votre vie soit une suite de bonnes œuvres. « Soyez miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux  » ; car « il agit » ainsi « continuellement ». Soyez miséricordieux : En quelle mesure ? Dans la mesure de votre pouvoir et selon toute la capacité que Dieu vous donne. Que ce soit là votre seule limite dans les bonnes œuvres au lieu des maximes précaires et des vaines coutumes du monde. Nous vous exhortons à être « riches en bonnes œuvres ». Vous avez abondamment : donnez abondamment. Et, comme vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement, en sorte que vous n'amassiez des trésors que dans les cieux. Soyez « prompts à donner » à chacun selon ses besoins. « Répandez, donnez aux pauvres  » ; distribuez votre pain aux affamés. Revêtez ceux qui sont nus, recueillez l'étranger, portez ou envoyez des secours aux prisonniers, guérissez les malades, non par des miracles, mais par la bénédiction dont Dieu bénira vos soins empressés. Que la bénédiction de Celui qui allait périr de besoin vienne sur toi ! Défends l'opprimé, plaide la cause de l'orphelin et fais que le cœur de la veuve chante de joie.

                     Nous vous exhortons an nom de notre Seigneur Jésus-Christ à être « prompts à donner » et à faire volontiers « part de vos biens  » ; étant dans le même esprit. (malgré la différence de position extérieure) que ces croyants des premiers jours qui « persévéraient dans la communion », dans cette fraternité sainte et bénie, où « nul ne disait que rien lui appartînt en propre, mais où toutes choses leur étaient communes ». Soyez un économe, un fidèle et sage économe de Dieu et des pauvres, ne différant de ceux-ci qu'en ce que vos propres nécessités sont d'abord prélevées sur cette portion des biens de Dieu qui reste entre vos mains et qu'en ce que vous avez le « bonheur de donner ». Acquérez vous ainsi, non pour le temps présent, mais pour le siècle à venir, « un trésor placé sur un bon fondement, afin d'obtenir la vie éternelle ». Il est vrai que le grand fondement de toutes les bénédictions de Dieu, soit temporelles soit éternelles, c'est Jésus-Christ, notre Seigneur ; c'est sa justice, son sang, c'est ce qu'il a fait et souffert pour nous. Et, dans ce sens, nul ne peut poser d'autre fondement, non pas même un apôtre, pas même un ange du ciel. Mais, par ses mérites, tout ce que nous faisons en son nom est un fondement pour recevoir sa récompense, au jour où chacun recevra « sa propre récompense selon son propre travail ». Toi donc, travaille « non pour la nourriture qui périt, mais pour celle qui demeure pour la vie éternelle ». Fais donc, « tout ce que tu as maintenant moyen de faire, selon ton pouvoir ». Toi donc, saisis l'occasion avant qu'elle s'envole, assure, dans le temps, l'immense éternité ! « En persévérant à bien faire », « cherche l'honneur, la gloire et l'immortalité ». Dans la pratique constante et zélée de toutes sortes de bonnes œuvres, attends l'heure bienheureuse où le Seigneur dira : « J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire ; j'étais étranger et vous m'avez recueilli ; j'étais nu et vous m'avez vêtu ; j'étais malade et vous m'avez visité ; j'étais en prison et vous m'êtes venu voir. Venez, les bénis de mon Père, possédez en héritage le royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde ! »