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Yves PETRAKIAN
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Romains
8,1 (1746)
«
Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en
Jésus-Christ, qui marchent non selon la chair, mais selon
l'Esprit ». (Romains 7 : 1.)
Par
ceux qui sont en Jésus-Christ, il est clair que saint Paul entend
ceux qui croient véritablement en Lui, ceux qui, justifiés par
la foi, ont la paix avec Dieu par Lui. Ceux-là ne marchent plus
selon la chair, ils ne suivent plus les mouvements d'une nature
corrompue ; mais ils marchent selon l'Esprit ; — en eux,
pensées, paroles et actions, tout est dirigé par le Saint-Esprit du
Seigneur.
Pour
ceux-là donc il n'y a plus de condamnation, plus de condamnation de
la part de Dieu ; car Il les a justifiés gratuitement par sa
grâce, par la rédemption fui est en Jésus-Christ ; Il a
pardonné toutes leurs iniquités et effacé tous leurs péchés
; — plus de condamnation de la part de leur conscience, car
ils ont reçu, non l'esprit de ce monde, mais l'Esprit qui vient de
Dieu, pour connaître les choses qui leur sont données de Dieu
(1 Corinthiens 2 : 12), et cet Esprit rend témoignage à leur
esprit qu'ils sont enfants de Dieu. A cela se joint encore le
témoignage de leur conscience, qu'ils se
conduisent
dans le monde en simplicité et en sincérité devant Dieu, non point
avec une sagesse charnelle, mais avec la grâce de Dieu (2
Corinthiens 1 : 12).
Mais
vu les erreurs si fréquentes et si dangereuses dans lesquelles on
est tombé par rapport au sens de cette parole de l'Écriture,
et parce qu'une multitude de gens ignorants et mal assurés l'ont
tordue à leur propre perdition ; je me propose de montrer,
aussi clairement qu'il me sera possible :
1°
qui sont ceux qui, sont en Jésus-Christ, et qui marchent, non
selon la chair, mais selon l'Esprit ; et 2° en quel sens il n'y
a plus pour eux de condamnation. Je terminerai 3° par quelques
conséquences pratiques.
I
Je
dois montrer d'abord qui sont ceux qui sont en Jésus-Christ ; mais
qui seraient-ce, si ce ne sont ceux qui croient en son nom, ceux
qui sont en Lui, revêtus, non de leur propre justice ; , mais de
la justice qui vient de Dieu par la foi. C'est de ceux-là qu'on
peut proprement dire qu'ils sont en Lui ; car ayant la
rédemption par son sang, ils demeurent en Christ, et Christ demeure
en eux. Ils sont unis au Seigneur dans un même Esprit. Ils sont
greffés en Lui, comme le sarment l'est au cep. Il est la tête
et ils sont les membres. Il existe entre eux et Lui une union que nul
langage ne peut exprimer et qu'auparavant leur coeur n'eût
jamais pu concevoir.
Mais
quiconque demeure en Lui ne pèche point, il ne marche point selon la
chair. La chair, dans le style habituel de saint Paul, signifie
la nature corrompue. C'est dans ce sens qu'il écrit aux Galates :
«
Les oeuvres de la chair sont manifestes (Galates 5 : 19) ; » et il
venait de dire : « Marchez selon l'Esprit, et vous
n'accomplirez pas les désirs de la chair (Galates 5 : 16) ; car,
ajoute-t-il, la chair a des désirs contraires à l'Esprit, et
l'Esprit a des désirs contraires à la chair, et les deux sont
opposés – afin que vous ne fassiez pas les choses que vous
voudriez ». Tel est le sens littéral du grec, et non pas « de
sorte que vous ne faites pas les choses due vous voudriez », comme,
si la chair l'emportait sur l'Esprit, traduction qui non
seulement n'a rien à faire avec le texte, mais qui réduit à
rien l'argumentation de l'apôtre, affirmant tout le contraire ;
de ce qu'il veut prouver.
Ceux
qui sont en Christ, qui demeurent en Lui, ont crucifié la chair avec
ses passions et ses désirs. Ils s'abstiennent de toutes les
oeuvres de la chair. Ils fuient l'adultère, la fornication,
l'impureté, la dissolution, l'idolâtrie, la sorcellerie, les
inimitiés, les querelles, ! es jalousies, les animosités,
les disputes, les divisions, les sectes, les envies, les
meurtres, l'ivrognerie, les débauches, et toute intention,
parole ou action qu'enfante la nature corrompue. Quoiqu'ils sentent
encore en eux la racine d'amertume, la vertu d'en haut dont ils
sont revêtus les rend capables de la fouler constamment aux
pieds, de peur qu'elle ne pousse en haut et ne les trouble, et chaque
nouvel assaut qu'ils soutiennent n'est pour eux qu'une nouvelle
occasion de louanges, un nouveau motif de s'écrier : « Grâce
à Dieu qui nous donne la victoire par Notre Seigneur Jésus-Christ
».
Ils
marchent maintenant selon l'Esprit ; ils lui soumettent leur coeur et
leur conduite. C'est Lui qui leur enseigne à aimer Dieu et leur
prochain d'un amour semblable à une source d'eau jaillissante en vie
éternelle. C'est Lui qui les conduit à tout saint désir, à toute
disposition divine et céleste, jusqu'à ce que chacune de leurs
pensées soit la sainteté au Seigneur.
C'est
aussi cet Esprit qui leur donne de marcher en toute sainteté de
conversation. Leurs discours sont toujours accompagnés de grâce
et assaisonnés de sel, marqués par l'amour et la crainte de Dieu.
Il ne sort de leur bouche aucune parole déshonnête, mais uniquement
ce qui sert à l'édification, ce qui peut communiquer la grâce
à ceux qui écoutent. Et leur étude est aussi jour et nuit de
ne faire que les choses qui sont agréables à Dieu ; d'imiter dans
leur conduite extérieure Celui qui nous a laissé un exemple
afin que nous suivions ses traces ; de pratiquer la justice,
la miséricorde et la fidélité dans tous leurs rapports avec
le prochain, et, en toutes circonstances, de faire toutes choses
pour la gloire de Dieu.
Tels
sont ceux qui marchent véritablement selon l'Esprit. Etant remplis
de foi et du Saint-Esprit, ils possèdent dans leur coeur et
montrent dans leur vie, dans tout l'ensemble de leurs paroles et
de leurs actions, les fruits caractéristiques de l'Esprit de
Dieu la charité, la joie, la paix, la patience, la douceur, la,
bonté, la fidélité, la débonnaireté, la tempérance et toute
autre disposition aimable et digne de louange. Ils rendent
honorable en toutes choses l'Évangile de Dieu notre Sauveur, et
ils démontrent ainsi pleinement à tous les hommes
qu'ils sont, en effet, mus et guidés par l'Esprit qui ressuscita
Christ d'entre les morts.
II
J'en
viens maintenant à indiquer dans quel sens il n'y a plus de
condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ et qui ne
marchent point selon la chair mais selon l'Esprit.
1°
Et d'abord ceux qui croient en Christ et qui marchent aussi selon
l'Esprit, ne sont plus condamnés pour leurs péchés passés,
il n'en est aucun qui ne soit effacé. Ils sont comme n'ayant jamais
été ; le Seigneur les a jetés comme une pierre au fond de la
mer, et il ne s'en souvient plus. Dieu qui leur a donné son
Fils comme victime de propitiation par la foi en son sang, leur a
aussi fait connaître sa justice par la rémission des péchés
précédents. Il ne leur en impute donc aucun ; il en a
fait disparaître jusqu'au souvenir.
Leur
coeur même ne les condamne plus ; ils n'ont plus le sentiment
pénible de leur culpabilité, plus de crainte de la colère du
Tout-Puissant. Ils ont en eux-mêmes le témoignage, la conscience
d'avoir part au sang de l'aspersion. Ils n'ont « pas reçu un
esprit de servitude pour être encore dans la crainte », dans
le. doute et l'angoisse, mais ils ont reçu « l'Esprit d'adoption »,
qui crie dans leur coeur : « Abba, père ». Etant ainsi
justifiés par la foi, la paix de Dieu règne dans leur coeur,
cette paix qui découle du sentiment continuel du pardon par
grâce et de « la réponse d'une bonne conscience devant Dieu
».
Si
l'on objecte que celui qui croit en Christ peut quelquefois perdre de
vue la miséricorde de Dieu ; qu'il peut tomber dans les
ténèbres, au point de ne plus voir, « Celui qui est invisible »,
de ne plus sentir le témoignage qu'il a part au sang expiatoire
; si l'on dit qu'il retrouve alors le sentiment de la condamnation,
et se sent de nouveau placé sous la sentence de mort : je réponds
que s'il perd ainsi la miséricorde de Dieu, il ne croit plus ;
car qui dit foi, dit lumière, lumière, de Dieu illuminant l'âme.
Une âme perd donc la foi pour le temps et dans la mesure où elle
perd cette lumière. Et comme il n'est pas douteux qu'un vrai
croyant peut perdre la lumière de la foi, il peut aussi, sans doute,
pour un temps, retomber sous la condamnation. Mais quant à ceux qui
maintenant sont en Jésus-Christ, qui maintenant croient en son
nom, aussi longtemps qu'ils croient et marchent selon l'Esprit,
ils ne sont condamnés ni de Dieu, ni de leur propre coeur.
2°
Ils ne sont condamnés pour aucun péché présent, pour aucune
transgression actuelle des commandements de Dieu. Car ils ne les
transgressent point. Ils ne marchent point selon la chair, mais
selon l'Esprit. La preuve permanente de leur amour pour Dieu, c'est
qu'ils gardent ses commandements, comme saint Jean en rend
témoignage en disant « Quiconque est né de Dieu ne fait point
le péché, car la semence de Dieu demeure en lui, et il ne peut
pécher, car il est né de Dieu ». Il ne peut pécher aussi
longtemps que la foi agissante par la charité, cette sainte
semence de Dieu, demeure en lui. Aussi longtemps qu'il se
conserve lui-même dans cette foi « le malin ne le touche point
». Or il est évident qu'il n'est pas condamné pour des péchés
qu'il ne commet en aucune manière. Ceux donc qui sont ainsi «
conduits par l'Esprit ne sont plus sous la loi (Gal 5 : 18) »,
sous la malédiction ou la condamnation de la loi ; car la loi ne
condamne que ceux qui la violent. Cette loi de Dieu : « Tu ne
déroberas point », ne condamne que ceux qui dérobent ; cette autre
: « Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier », ne condamne
que ceux qui ne le sanctifient point. Mais la loi n'est point
contre « les fruits de l'Esprit (Gal 5 : 23) ». C'est ce
que l'apôtre déclare plus au long dans ces paroles
remarquables de sa première Épître à Timothée : « Nous
savons que la loi est bonne pour celui qui en fait un usage légitime
et qui sait, — non que la loi n'est pas faite pour le juste, —
mais plutôt, suivant le texte original, que la loi n'est point
contre le juste, qu'elle n'a pas de force pour le condamner,
mais qu'elle condamne. seulement les méchants et ceux qui ne
peuvent se soumettre ; les impies et les vicieux ; les gens sans
religion et les profanes, — conformément au glorieux Évangile
de Dieu (1 Timothée 1 : 8,9,11) ».
3°
Ils ne sont pas non plus condamnés pour le péché intérieur,
quoiqu'il demeure encore en eux. Que la corruption naturelle
reste chez ceux mêmes qui sont devenus enfants de Dieu par la foi
; qu'ils aient en eux les semences de l'orgueil et de la vanité,
de la colère et des mauvais désirs, et de toute sorte de
péchés, c'est un fait d'expérience au-dessus de toute contestation
; et c'est pour cela que saint Paul, parlant à des gens qu'il
venait de saluer comme étant en Jésus-Christ (1 Corinthiens 1 :
2,9), comme ayant été appelés de Dieu à la communion de son
Fils Jésus, leur dit néanmoins « Frères, je n'ai pu vous
parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes
charnels, comme à des enfants en Christ (1 Corinthiens 3 : 1)».
Des enfants en Christ ! Ils étaient donc en lui et croyants, quoique
faibles. Et pourtant combien il restait encore en eux de péché,
combien de cet esprit charnel qui ne se soumet pas à la loi de
Dieu !
Mais
nonobstant tout cela, ceux qui sont en Jésus-Christ ne sont point
condamnés. Quoiqu'ils sentent en eux la chair, la mauvaise
nature, quoiqu'ils reconnaissent tous les jours plus, que leur coeur
est rusé et désespérément malin, néanmoins aussi longtemps
qu'ils y résistent, aussi longtemps qu'ils ne donnent point
lieu au diable, mais qu'ils soutiennent une guerre constante contre
tout péché, contre l'orgueil, la colère, la convoitise, en sorte
que la chair n'a pas de domination sur eux, mais qu'ils
continuent à marcher selon l'Esprit ; ils sont en Jésus-Christ, et
il n'y a point pour eux de condamnation, Dieu prend plaisir à
leur obéissance sincère, quoique imparfaite, et ils ont une
grande confiance devant Dieu, connaissant qu'ils sont siens et le
connaissant « par l'Esprit qu'il leur a donné (1Jean 3 : 24)
».
4°
Et même ils ne sont condamnés ni de Dieu, ni de leur propre
conscience, quoiqu'ils aient la conviction permanente de ne rien
faire qui ne soit entaché de péché, de n'accomplir la loi
parfaite ni en pensées, ni en paroles, ni en actions, et de ne
point aimer le Seigneur leur Dieu de tout leur coeur, de toute
leur pensée, de toute leur âme et de toute leur force ; quoiqu'ils
sentent toujours plus ou moins d'orgueil et de volonté propre
venant furtivement se mêler à ce qu'ils font de meilleur ;
quoiqu'en face même de Dieu, soit dans la grande assemblée, soit
dans le culte intime qu'ils rendent à Celui qui voit nos
pensées et nos plus secrètes intentions, ils aient sans cesse
à rougir de leurs pensées errantes et du mortel
engourdissement de leur coeur, ils ne sont pourtant, dis-je,
condamnés ni de Dieu, ni de leur conscience. La vue de leurs
nombreuses imperfections ne fait que leur mieux démontrer leur
besoin continuel du sang expiatoire et de cet Avocat auprès du Père
qui est toujours prêt à intercéder pour eux. Elle ne fait donc que
les presser de se rapprocher toujours plus de Celui en qui ils
ont cru. Et plus ils sentent ce besoin, plus ils désirent, et par
leurs oeuvres se montrent pressés de marcher selon le Seigneur
Jésus-Christ, comme ils l'ont reçu.
5°
Ils ne sont pas condamnés non plus pour les péchés qu'on appelle
péchés d'infirmité. Pour leurs infirmités serait peut-être
une expression plus convenable, en ce qu'elle évite l'apparence
de tolérer le péché ou de l'amoindrir en y accolant le nom
d'infirmité. Mais s'il faut conserver une expression si
ambiguë, et si dangereuse, j'entendrai par péché d'infirmité,
toute faute involontaire, comme, par exemple, de dire une chose
fausse en la croyant vraie, ou de faire tort au prochain sans le
savoir ni le vouloir, peut-être même en voulant lui faire du bien.
Quoique ce soient là des déviations de cette volonté de Dieu,
qui est « sainte, agréable et parfaite », ce ne sont pourtant
pas des péchés proprement dits, et la conscience de ceux qui
sont en Jésus-Christ n'en est point chargée ; ces choses ne
peuvent établir aucune séparation entre eux et Dieu, ni intercepter
la lumière de sa face, car elles n'excluent point le caractère
général qui les distingue, savoir, de marcher, « non selon la
chair, mais selon l'Esprit ».
6°. Enfin, ils ne sont condamnés pour rien de ce qui ne dépend pas de leur volonté, que la chose se passe au dedans ou au dehors, qu'elle consiste dans un acte positif ou dans nue omission. Ainsi on célèbre la Cène du Seigneur et vous vous en absentez. Mais pourquoi le faites-vous ? Parce que vous êtes retenu par la maladie ; il ne dépend donc pas de vous d'y assister, et c'est pourquoi vous n'êtes point coupable.
Il
n 'y a pas de faute où il n'y a pas de choix. « Pourvu que la
promptitude de la bonne volonté y soit, on est agréable à
Dieu selon ce qu'on a, et non selon ce qu'on n'a pas». Un
croyant peut, sans doute, s'affliger parfois empêché de faire les
choses après lesquelles son âme soupire. Il peut s'écrier,
lorsqu'il est retenu loin de la grande assemblée : « Comme un cerf
brame après les eaux courantes, ainsi mon âme soupire après
toi, Dieu ! mon âme a soif de Dieu, du Dieu fort et vivant.
Quand entrerai-je et me présenterai-je devant la face de Dieu ? »
Il peut désirer ardemment (quoi qu'il dise toujours dans son
coeur : Non ce que je veux, mais ce que tu veux), « de marcher
encore avec la troupe et de s'en aller avec elle jusqu'à la maison
de Dieu ». Mais si pourtant il ne le peut, il n'est point
condamné pour cela, mais il. peut faire taire ses désirs en disant
joyeusement : O mon âme, attends-toi à Dieu ! car je le célébrerai
encore ; il est la délivrance à. laquelle je regarde ; il est
mon Dieu !
Quant
aux péchés dits de surprise, la difficulté est plus grande ;
comme, par exemple, lorsque un homme qui possède habituellement
son âme par la patience, surpris par une violente et
soudaine tentation, parle ou agit en désaccord avec la loi
royale, qui dit : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Peut-être est-il malaisé d'établir une règle générale touchant
les transgressions de cette nature. Nous ne pouvons dire, d'une
manière absolue, qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas condamnation pour
les péchés de surprise. Mais lorsqu'un croyant tombe en faute par
surprise, il y a, semble-t-il, plus ou moins de condamnation
selon qu'il y a plus ou moins de concours de sa volonté. Selon
qu'un désir, une parole, un acte répréhensible est plus ou
moins volontaire, nous pouvons admettre que
Dieu
en est plus ou moins offensé et que l'âme se trouve plus ou moins
sous la condamnation.
Mais
dès lors, parmi les péchés de surprise, il peut y en avoir de très
condamnables, car il peut arriver qu'on soit surpris, par suite
de quelque négligence volontaire et coupable, ou par suite
d'une somnolence qu'on aurait pu prévenir ou secouer avant
l'assaut de la tentation. Vous recevez de Dieu ou des hommes un
avertissement quant à des tentations et des dangers qui vous
menacent, mais vous dites en votre coeur : « Encore un peu
de sommeil, un peu les mains pliées pour être couché ». Si, plus
tard, vous tombez, même à l'improviste, dans le piége que
vous pouviez éviter, la surprise n'est point une excuse : vous
auriez pu prévoir et fuir le mal. La chute est, dans ce cas, un
péché volontaire, et conséquemment elle ne peut qu'exposer le
pécheur à la condamnation de Dieu et de sa propre conscience.
Par
contre, il peut nous venir de la part du monde, du prince de ce
monde, ou souvent même de notre mauvais coeur, de soudains
assauts que nous n'avons ni prévus ni guère pu prévoir. Le
croyant faible dans la foi peut y succomber et céder, en
quelque mesure, à la colère, peut-être, ou aux mauvais
soupçons, sans que cela dépende, en quelque sorte, de sa volonté.
Ici le Dieu jaloux ne manquera pas de lui montrer qu'il a agi
follement ; et convaincu d'avoir dévié de « la loi parfaite » et
des « sentiments qui étaient en Christ », il sera attristé d'une
« tristesse selon Dieu » et pénétré devant Lui d'une honte
accompagnée d'amour ; mais il ne s'ensuit pas qu'il soit sous
la condamnation. Dieu ne lui impute point sa folie ; il a pitié
de lui « comme un père est ému de compassion envers ses
enfants » ; son coeur ne le condamne pas non plus ; il peut toujours
dire, malgré la honte et la douleur qu'il éprouve : « J'aurai
confiance, et je ne serai point ébranlé, car le Seigneur
l'Éternel est ma force et mon cantique, et il a été mon Sauveur ».
III
Il ne me reste maintenant qu'à tirer de ce qui précède quelques conséquences pratiques :
1° Et d'abord si ceux qui sont en Jésus-Christ et qui marchent, non selon la chair, mais selon l'Esprit, ne sont plus condamnés pour leurs péchés passés, pourquoi trembler encore, ô homme de peu de foi ? tes péchés étaient naguère en plus grand nombre que le sable de la mer ; mais qu'as-tu à craindre pour cela, puisque tu es maintenant en Jésus-Christ ? « Qui accusera les élus de Dieu ? Dieu les justifie ; qui les condamnera ? » Les péchés commis depuis ta jeunesse jusqu'à l'heure où tu fus reçu en grâce à cause du Bien-Aimé du Père ; ces péchés, dis-je, ont tous été emportés par le vent comme la balle ; ils sont engloutis dans la mer ; Dieu ne s'en souvient plus. Né du Saint-Esprit, voudrais-tu te tourmenter ou t'effrayer de ce qui eut lieu avant ta naissance nouvelle ? Chasse loin tes frayeurs ! Tu n'es pas appelé à la crainte, mais à avoir « un esprit de force, d'amour et de prudence ». Reconnais donc ton appel ! Réjouis-toi en Dieu ton Sauveur, et rends grâces à Dieu ton Père par Lui !
Mais,
diras-tu, j'ai de nouveau commis le péché depuis que je reçus la
Rédemption par son sang. « C'est, pourquoi je me condamne
moi-même et je me repens sur la poudre et la cendre ». Il est bon
que tu te condamnes, et c'est Dieu qui te dispose à cela même. Mais
crois-tu maintenant ? Le Seigneur t'a-t-il de nouveau donné de
pouvoir dire : « Je sais que mon Rédempteur vit » et « je vis
» moi-même, « Je vis dans la foi au fils de Dieu ? » Dés
lors cette foi annule encore le passé et il n'y a plus pour toi
de condamnation. Dès que tu crois au nom du Fils de Dieu, n'importe,
le moment, tous tes péchés commis avant ce moment-là
disparaissent, « comme la rosée matin ». Maintenant donc «
tiens-toi ferme dans la liberté où Jésus-Christ t'a mis ! » Il
t'a délivré, une fois encore de la puissance aussi bien que du
châtiment du péché ; oh ! ne te remets pas sous la servitude, ni
sous la vile et diabolique servitude du péché, sous l'enfer
anticipé des désirs, des penchants, des paroles ou des actions
mauvaises, ni sous la servitude des craintes, des tourments de
conscience et de la condamnation.
2° Mais s'il est vrai que tous ceux qui sont en Jésus-Christ marchent, non selon la chair, mais selon l'Esprit, alors, nécessairement il s'ensuit que quiconque commet maintenant le péché n'a « ni part ni rien à prétendre dans cette affaire ». Dans ce moment même il est condamné par son propre coeur.
Mais
si notre coeur nous condamne, nul doute que Dieu ne nous condamne
aussi : car « il est plus grand que notre coeur et il connaît
toutes choses » ; et si nous nous abusons nous-mêmes, nous
ne pouvons le tromper. Que nul ne présume de dire : j'ai été
une fois justifié, mes péchés m'ont été une fois pardonnés.
C'est ce que j'ignore, et je ne veux pas me prononcer ni pour ni
contre cette assertion. Peut-être est-il à peu près
impossible, vu le temps écoulé, de constater avec quelque certitude
si ce fut véritablement une oeuvre de Dieu où si tu ne fis que
séduire ta propre âme. Mais ce que je sais avec une certitude
parfaite, c'est que « celui qui fait le péché est du diable ».
Le Le diable est donc ton père et tu lui appartiens, tu ne
peux le nier, puisque tu fais les oeuvres de de ton père.
Oh ! ne te flatte pas d'un vain espoir ! Ne dis point à ton âme :
paix, paix ! car il n'y a point de paix. Crie à plein gosier,
invoque Dieu du fond de l'abîme. Peut-être entendra-t-il ta voix.
Invoque le tout de nouveau, comme pécheur misérable et pauvre,
aveugle et nu. « Et ne donne pas de repos à ton âme jusqu'à
ce que son amour, son pardon, te soient de nouveau scellés, jusqu'à
ce qu'il ait « guéri tes rébellions » et qu'il t'ait de
nouveau rempli de « la foi qui opère par la charité ».
3° Est-il vrai que ceux qui « marchent selon l'Esprit » ne sont point condamnés pour ce qui reste en eux du péché intérieur, pourvu toutefois qu'ils y résistent ; ni pour la souillure qui s'attache à tout ce qu'ils font ? Alors, ne t'agite point à cause de ces restes de corruption qui sont encore dans ton coeur. Ne murmure pas de ce que tu n'as pas encore atteint la glorieuse, image de Dieu, ne t'impatientes point parce que l'orgueil, la volonté propre ou l'incrédulité se mêlent à toutes les paroles, à toutes tes oeuvres, et ne redoute pas de connaître toute ta perversité, de te connaître tel que tu es connu. Demande plutôt à Dieu qu'il te donne de n'avoir pas une trop haute opinion de toi-même ; dis-lui sans cesse : Montre-moi les profondeurs du péché autant que mon âme en peut supporter la vue ! Découvre-moi toute l'incrédulité et tout l'orgueil qui sont cachés dans mon coeur !
Mais,
lorsque, exauçant ta prière, il te montrera jusqu'au fond de quel
esprit tu es encore animé, prends garde qu'alors ta foi ne
défaille et que tu ne te laisses ravir ton bouclier. Sois
abaissé, humilié jusque dans la poudre. Ne vois en toi que
néant, moins encore que le néant et que la vanité. Mais que
ton coeur ne soit pourtant ni troublé, ni craintif. Qu'il persiste à
dire : moi, oui, moi, indigne, j'ai « un Avocat auprès du
Père, Jésus-Christ le Juste », et « autant que les cieux
sont élevés par-dessus la terre », autant son amour s'élève
par-dessus mes péchés. — Oui, Dieu est apaisé, même envers
un pécheur tel que toi ! Dieu est amour, et Christ est mort ! C'est
pourquoi le Père lui-même t'aime ! Tu es son enfant ! C'est
pourquoi il ne te refusera rien de ce qui t'est bon !
Est-il
bon que le corps entier du péché, maintenant crucifié en toi soit,
détruit ? Il le sera ! Tu seras « purifié de tonte souillure
de la chair et de l'esprit ». Est-il bon qu'il ne reste rien en ton
coeur qu'un pur amour pour Dieu ? Aie bon courage ! « Tu
aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ta
pensée, de toute ton âme, de toute ta force ». « Celui qui a fait
les promesses est fidèle, et il le fera aussi ». Tu n'as, pour
ta part, qu'à persévérer avec patience dans l'oeuvre de la foi,
dans le travail de la charité ; tu n'as qu'à attendre dans une paix
joyeuse, dans une humble confiance, dans une espérance, vive,
mais calme et résignée, que la jalousie de l'Éternel des
armées ait fait cela.
4° Si ceux qui sont en Christ et qui marchent selon l'Esprit ne sont point condamnés pour des péchés d'infirmité, pour des manquements involontaires ou pour quoi que ce soit qu'ils n'ont pu s'empêcher de faire, prends garde, ô toi qui as la foi au sang de Christ, que Satan ne prenne à cet égard quelque avantage sur toi. Tu es encore imprudent et faible, aveugle et ignorant, plus faible qu'aucune parole ne peut exprimer, plus ignorant et insensé que ton coeur ne peut encore concevoir ; tu n'as encore rien connu comme il faut le connaître. Mais quelles que soient cette imprudence et cette faiblesse, quels qu'en soient les fruits que tu ne peux encore éviter, que rien n'ébranle ta foi, ta filiale confiance en Dieu, que rien ne trouble ta paix, ni ta joie dans le Seigneur.
La
règle plus ou moins dangereuse que plusieurs donnent quant aux
péchés volontaires peut être appliquée sûrement aux cas de
faiblesse et d'infirmité. Es-tu tombé, ô homme de Dieu ? Ne
reste point là par terre à le lamenter et à déplorer ta
faiblesse, mais dis humblement : Seigneur, ah !c'est ainsi que je
tomberai sans cesse, si ta main ne me soutient ! — Puis,
lève-toi et marche ! En avant ! « Poursuis constamment la
course qui t'est proposée ».
5° Enfin, puisque le croyant n'a pas à craindre la condamnation pour être tombé par surprise dans un mal qu'il abhorre (si toutefois cette surprise ne tient pas à son insouciance ou à sa négligence), s'il t'arrive, ô enfant de Dieu, d'être ainsi pris en faute, va te plaindre au Seigneur ! ce sera pour toi un baume précieux. Répands ton coeur devant Lui, découvre-Lui ta peine, et prie instamment Celui qui « peut compatir à nos infirmités », d'affermir, de fortifier ton âme, et de te rendre inébranlable, en sorte que tu ne tombes plus à l'avenir. Mais souviens-toi qu'il ne te condamne point. Pourquoi craindrais-tu ? Il n'est pas nécessaire que tu sois sous l'empire d'une crainte accompagnée de peine. Aime celui qui t'aime : cela suffit. Avec plus d'amour tu auras plus de force ; et dès que tu l'aimeras de tout ton coeur, tu seras « parfait et accompli, et il ne te manquera rien ». Attends en paix l'heure bénie où « le Dieu de paix te sanctifiera lui-même parfaitement », afin que tout en toi, « l'esprit, l'âme et le corps, soit conservé irrépréhensible pour l'avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ ».