TROISIÈME
PARTIE Comment prier?
· Chapitre I Comment réaliser l'union avec Dieu?
· Chapitre II Comment prier?
· Chapitre III Pour prier, il faut savoir écouter
· Chapitre IV La volonté de Dieu et la prière
· Chapitre V Pouvons-nous prier avec assurance pour la
conversion de ceux que
nous
aimons?
QUATRIÈME
PARTIE Comment Jésus priait?
· Chapitre I Simple esquisse
· Chapitre II Coup d'oeil révélateur sur la vie de
prière de Jésus
· Chapitre III Dans l'ombre grandissante
· Chapitre IV Sous les oliviers
· Chapitre V Dernier coup d'oeil sur la vie de prière de
Jésus
· Une délivrance miraculeuse
· Recueillement et prière
· Encore le recueillement
SIMPLES
ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE
Note d’Edition
S.-D. GORDON
SIMPLES
ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE Avec Préface de S. DELATTRE, Pasteur, Rédacteur de «L’AMI» PRIVAS
(Ardèche) -1938- LEZAY (DEUX-SEVRES) IMPRIMERIE A. CHOPIN
Nouvelle
édition numérique Yves PETRAKIAN 2011 – France Copie autorisée pour diffusion
gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com Ce
livre est aussi disponible gratuitement au format Bible Online sur: http://123- bible.com
TROISIÈME PARTIE COMMENT PRIER?
CHAPITRE
PREMIER Comment réaliser l’union avec Dieu
1. Ambassadeurs
de Dieu
Si je
caressais l’ambition de représenter ma patrie à l’étranger comme ambassadeur,
il me faudrait deux choses. Tout d’abord—et ce serait la chose essentielle—être
investi de cette fonction; et, pour cela, je devrais entrer en relations avec
notre Président, posséder certaines qualités qu’il juge indispensables, et
finalement obtenir de lui la charge désirée et des lettres m’accréditant auprès
de tel ou tel gouvernement. Ces conditions, une fois remplies, détermineraient
mes rapports comme représentant de mon pays auprès d’une nation étrangère et
établiraient par là même mes droits à agir en mon nom.
Cette
investiture toutefois ne m’empêcherait pas, une fois en charge, de commettre de
grosses erreurs. Ma maladresse peut provoquer une telle tension des relations
diplomatiques qu’il faudra maintes explications, voire des excuses, pour
remettre les choses au point; de plus, les souvenirs que je laisserai après moi
seront longs à disparaître. Combien de fois de telles complications ne se
sont-elles pas produites! Les nations sont très susceptibles; aussi les
affaires d’Etat doivent-elles être traitées avec le plus grand discernement. Il
y a donc une seconde chose que je ferais certainement si j’étais jugé capable
de remplir les fonctions d’ambassadeur. J’irais voir nos diplomates les plus en
vue; je les interviewerais et j’obtiendrais d’eux tous les renseignements
possibles sur la vie officielle du pays où je dois me rendre, sur l’étiquette
qui règne à la cour, sur les personnages que mes fonctions m’obligeront à
fréquenter, bref, sur ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter. Mon unique
pensée serait d’être un diplomate habile, de maintenir les bons rapports
existant entre les deux gouvernements, de gagner des amis, d’éveiller des
sympathies pour mon pays. Mes efforts seraient tendus vers ce seul point, mon
esprit orienté dans cette seule direction: avoir une politique heureuse.
La
première des conditions, ma nomination ferait de moi légalement un ambassadeur;
la seconde tendrait à me doter d’une certaine habileté professionnelle.
Nous
trouvons dans la prière les deux mêmes conditions; en effet, d’un côté, l’union
entre Dieu et le fidèle doit être établie avant que l’on puisse rien faire
d’autre; et, d’un autre côté, il est de toute importance d’acquérir une grande
habileté en vue de l’accomplissement de la tâche qui nous est échue.
Pour le
moment, nous nous bornerons à parler de la première de ces conditions, de
l’union nécessaire entre le Créateur et la créature qui veut le prier. La
prière repose sur une entente parfaite avec Dieu; elle est Sa mandataire dans
le royaume spirituel de notre monde; elle défend Ses droits, et, grâce aux
pouvoirs qu’il lui a confiés, elle combat pour Sa cause. La seule base d’un tel
accord est et ne peut être que Jésus. Nous avons été mis hors la loi par
le péché; alliés de Dieu, nous avons rompu l’alliance. Etant donnée notre
action, nous n’aurions pu par nous-mêmes effacer les effets de cette rupture;
il a fallu que Jésus vînt. Dieu et Homme à la fois, Il nous réunit à
Dieu; c’est par Lui et par Lui seul que nous rentrons en grâce. Le sang de la
Croix a scellé cette nouvelle alliance; par ce sang, l’union que nécessite
toute prière est établie à nouveau. Mes supplications ne seront entendues que
si je viens à Dieu par l’intermédiaire de Jésus et si le but de ma vie est en
accord constant avec l’exemple de notre Sauveur.
2. Six
déclarations capitales
Les
propres paroles de Jésus justifient et éclairent cette affirmation. Les
Evangiles nous fournissent deux groupes d’enseignements sur la prière. Le
premier nous est donné dans le Sermon sur la montagne, que Jésus prononça au
milieu de la deuxième année de Son ministère; le second, à la fin de sa vie,
dans les derniers six mois; la partie la plus importante nous est même fournie
par les dix derniers jours; enfin l’enseignement primordiale ne nous est confié
que la veille du jour suprême.
C’est
après la violente rupture de Jésus et des chefs du peuple que nous est donnée cette
deuxième série d’affirmations; ce sont les plus positives et les plus
importantes que Jésus ait prononcées sur la prière; nous y trouvons six des
huit promesses qu’il fit touchant l’intercession.
Examinons-les
maintenant; nous montrerons ensuite dans quel rapport elles se trouvent avec
notre sujet.
Nous
rencontrons la première dans l’Evangile de #Mt 17:19-20: «Je vous dis
encore que, si deux d’entre vous s’accordent sur la terre pour demander une
chose quelconque, elle leur sera accordée par mon Père qui est dans les cieux».
Notez
dans cette promesse l’origine de la prière: sur la terre; sa portée: une
chose quelconque; la certitude de l’exaucement: elle leur sera accordée.
Voyez ensuite la raison de cet exaucement: «Car, là où deux ou trois sont
assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux «c’est-à-dire, s’il y a deux
personnes qui prient, il y en a en réalité trois; s’il y a trois personnes qui
se rencontrent pour prier, en réalité il y en a quatre; il y a toujours
quelqu’un de plus, quelqu’un d’invisible. Si peut-être, dans un moment de
découragement, vous vous dites: «Il ne m’entendra pas; je suis si pécheur, si
faible»— vous auriez tort de le faire; mais que de fois hélas! nous nous
trompons—si donc vous avez jamais une telle pensée, reposez-vous immédiatement
sur celle-ci: le Père entend toujours Jésus, et Jésus entend toute prière
sérieuse et la présente comme sienne.
La
deuxième promesse est contenue dans les versets 22 à 24 du chapitre XI de
l’Evangile de Marc: «Jésus prit la parole et leur dit: «Ayez foi en Dieu—Dieu,
le facteur essentiel dans chaque prière—Je vous le dis en vérité, si quelqu’un
dit à cette montagne: Ote-toi de là et jette-toi dans la mer» {#Mr 11:22- 24} —Il choisit, vous le voyez, la chose
la plus invraisemblable qui puisse arriver. Jamais nous n’avons entendu dire
que Jésus ait déplacé une montagne; la nécessité d’une telle action semble ne
jamais s’être fait sentir, mais Jésus choisit la chose la plus difficile pour
illustrer ses paroles. Peut-on, en effet, s’imaginer une montagne glissant à la
mer: la Jungfrau, le Mont Blanc, le Mont Rainier?—«et s’il ne doute point en
son cœur»—telle est la définition que Jésus donne de la foi—«mais croit que ce
qu’il dit arrivera, il le verra s’accomplir. C’est pourquoi je vous dis: «Tout
ce que vous demanderez en priant,
croyez
que vous le recevrez, et vous le verrez s’accomplir...» Quelle certitude dans
cette dernière affirmation! Pour la rendre plus complète, Jésus la fait
précéder de ces mots solennels: «C’est pourquoi je vous dis...» Oui, vous le
recevrez, quoi que ce soit, qui que ce soit; toute chose, tout homme.
Nous
sentons tout naturellement que ces affirmations doivent être accompagnées de
conditions précises; nous voudrions les entourer d’une barrière solide.
Patientons un moment et nous verrons de quelle barrière Jésus lui-même les
entoure.
Les
quatre dernières déclarations sur la prière se trouvent dans l’Evangile de
Jean; elles furent prononcées dans un long et dernier entretien, la nuit où
Jésus fut trahi. Jean nous a conservé, dans les chapitres XIII à XVII, une
grande partie de cette conversation intime.
Voici ce
que nous lisons au chapitre XIV, aux versets 13 et 14: «Et tout ce que vous
demanderez au Père en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans
le Fils. Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai». Cette
répétition a pour but de marquer solennellement la diversité illimitée des
demandes que nous pouvons adresser.
Jean XV,
vers. 7: «Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous» {#Jn 15:7} -Ce mot demeurent est très
expressif; il n’indique pas un bref passage, un séjour de quelques heures; non,
il désigne une demeure stable—«Demandez ce que vous voulez». D’autres versions
traduisent: «Vous demanderez», mais il est plus exact et plus précis de dire:
«Demandez; oui, demandez; je vous demande de demander». Il n’est rien dit qui
se rapporte directement à la volonté de Dieu, mais il est question de notre
propre volonté, à nous Ses créatures -«et cela vous sera accordé», ou si vous
voulez, plus littéralement: «Je ferai que vous l’obteniez».
Cela me
rappelle une phrase que me rapporta un jour un de mes amis. Il habite le Nord
et appartient à l’Eglise méthodiste, mais son influence s’étend à toutes les
Eglises, tant dans sa patrie qu’à l’étranger. Il s’entretenait avec un des
évêques de son Eglise, qui s’occupait beaucoup des missions en terre païenne.
Ce dernier désirait vivement que mon ami acceptât la charge de secrétaire, de
la Société de mission de son Eglise. Mais il savait, ce que chacun sait»
combien il est difficile de grouper quelques fidèles, en dehors des heures de
culte, dans de grandes congrégations. Après avoir sérieusement discuté avec mon
ami, il termina par cette phrase: «Si vous m’autorisez à me servir de votre nom
pour cette réunion, je me porte garant du succès».
Permettez-moi
d’appliquer cet exemple au cas qui nous occupe et de dire qu’il est
l’explication pratique des paroles de Jésus: «Si vous demeurez en moi, et que
mes paroles demeurent en vous»— exercent une influence sur vous—«demandez ce
que vous voudrez et... je me porte garant de l’obtenir pour vous». Voilà le
sens net et positif de ces paroles de Jésus.
Un peu
plus loin, au verset 16 du même chapitre, nous lisons ces mots: «Ce n’est pas
vous qui m’avez choisi; mais moi, je vous ai choisis et je vous ai établis,
afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure,
afin que ce que vous demanderez au Père en. mon nom, Il vous le donne». Ainsi,
en nous choisissant, Dieu avait en vue notre alliance avec Lui par la prière.
Vient
enfin la dernière déclaration, contenue dans Jean XVI, vers. 28-24: «En vérité,
en vérité, je vous le dis, ce que vous demanderez au Père en mon nom, Il vous
le donnera. Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé en mon nom. Demandez et
vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite.»
Ces
déclarations sont les plus positives) que nous puissions trouver dans les
Ecritures touchant la prière. Chacun a donc pleine liberté de demander, et la
demande ne souffre aucune restriction. Trois conditions seulement sont
imposées: la prière doit passer par Jésus; celui qui prie doit vivre en
parfaite union avec Lui; et, enfin, il doit posséder une grande foi.
3. Un
verset capital
Rappelons-nous
maintenant que ces six déclarations ne furent pas prononcées devant les foules,
mais ne furent confiées qu’au petit groupe intime des douze. Jésus a une
manière spéciale de s’adresser aux multitudes; il ne leur parle pas comme il
parle à ces hommes qui ont quitté la foule pour pénétrer dans le cercle intime
de ses disciples.
Notons de
plus qu’avant de s’adresser à ce petite groupe de fidèles, il avait dit quelque
chose d’autre, quelque chose de décisif, qui avait provoqué un incident entre
lui et Pierre, qu’il dut reprendre sévèrement. Les paroles qu’il prononça alors
fixent clairement les rapports des disciples et du Sauveur. Rappelons-nous dans
quelles circonstances elles furent prononcées: c’était après la rupture
complète avec les chefs du peuple, lorsque Jésus était accusé d’agir sous l’influence
de Satan. Le complot se tramait, et il n’y avait plus de remède possible; aussi
le Maître se retirait-il souvent de la foule avec les douze disciples. Telle
fut l’occasion des grandes promesses que nous étudions.
Avant de
se donner en quelque sorte à eux en les leur faisant, il leur dit: «Si
quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa
croix (Luc ajoute: chaque Jour) et qu’il me suive.» {#Mt 16:24} Ces paroles devraient être écrites
en travers des six déclarations précédentes.
Jésus, en
effet, ne prononça jamais de paroles plus nettes et, partant, plus importantes.
Ces promesses, nous disent-elles clairement, ne s’adressent pas à tous; elles
ne s’appliquent qu’à ceux qui conforment leur vie à l’ordre précis que Jésus nous
a laissé.
Tout
homme qui brûle d’exercer le pouvoir de la prière devrait examiner les
promesses de Jésus sous cet angle nouveau. «Si quelqu’un veut venir après moi»,
cela implique une décision ferme, inébranlable comme le roc; une décision qui
s’attache à son but comme le lierre s’enroule autour de l’arbre qui le
supporte; une résolution qui ait la solidité des nœuds que font les marins et
que personne ne peut dénouer.
«Venir
après moi ...», ces mots rappellent toute la vie de Jésus, sa puissance, mais aussi
ses souffrances. Ils rappellent le désert et la terrible tentation. Pour l’un,
ils signifient Nazareth, village obscur et solitaire. Pour un autre, la
première année du ministère en Judée, c’est-à-dire des débuts difficiles. Pour
un autre, les derniers mois, l’abandon de tous les amis. Pour tous, sans aucun
doute, ils signifient Gethsémané, car tout disciple du Maître a, dans sa vie,
de telles heures d’agonie. Venir après lui, c’est passer par les mêmes
expériences que lui, de façon moins tragique sans doute, mais, réelle pourtant.
C’est avoir, nous aussi, notre Calvaire à gravir, un Calvaire différent du
sien, mais pourtant un Calvaire. Se charger de sa croix et venir après lui,
c’est le seul moyen par lequel l’homme,
avec sa
volonté gangrenée par le péché, peut cependant s’unir à Dieu et se réclamer de
toutes les promesses faites à ceux qui prient. Cela peut paraître dur et
difficile; en réalité, c’est chose très aisée pour l’homme qui sait vouloir,
car la présence de Jésus dans sa vie surmonte tous les obstacles.
Le
chrétien, qui obéit à l’ordre de ce vingt-quatrième verset du chapitre XVI de
l’Evangile de Matthieu, peut demander ce qu’il voudra; cela lui sera accordé.
Si les prières de tant de gens restent inefficaces, c’est que ceux qui prient
ne veulent pas—j’appuie sur ce mot—ne veulent pas se laisser pénétrer par
l’esprit de ce verset. Par contre, un homme qui, tranquillement et résolument,
suivra l’exemple du Christ—exemple qui ne le conduira à rien d’extrême,
d’outré, ni de morbide, mais au but que notre conscience nous indique tout bas
jour après jour—cet homme sera stupéfait de découvrir que la prière a pour lui
un sens tout nouveau.
4. La
prière justifiée par son but
Une union
vivante se justifie toujours par un but. Celui d’un ambassadeur sera de servir
les intérêts de son pays. Jésus dit, et cela seul révèle la nature de Son union
avec Son Père: «Je fais toujours les choses qui Lui plaisent».
L’union
qui est la base de toute prière a un but capital: plaire à Jésus. Ceci peut
paraître fort aisé, et pourtant peu de mots comportent des conséquences plus
grandes: Lui plaire! Réfléchissez à cette parole et, par elle, réglez votre
vie. Si vous ne l’avez pas fait, essayez un jour, une semaine, et servez-vous
de ces mots comme d’une pierre de touche pour juger vos pensées, vos paroles,
vos actions. Introduisez-les dans vos affaires personnelles, à la maison, dans
le commerce, dans vos relations sociales ou familiales. Il ne s’agit pas par là
de se demander: «Ceci est-il droit? cela ne l’est-il pas?» Non, il n’est pas
question de tirer une ligne de démarcation entre le bien et le mal, le licite
et l’illicite, car il y a bien des choses dont nous ne pouvons pas dire
qu’elles soient mal, mais qui ne sont pourtant pas les meilleures qu’on puisse
faire, qui ne sont pas celles que préfère notre Sauveur.
Tel
négociant sera rendu tout perplexe par cet ordre: Lui plaire? Que faut-il
faire? Ne pas écouler ce produit? Mais où donc est le mal? Il n’y en a
assurément aucun; mes collègues, chrétiens eux aussi, le vendent dans tout le
pays et même à l’étranger.., mais il faut Lui plaire..., de plus je
perdrais tout un profit, une vraie somme.., mais il faut Lui plaire—et à
cette lumière une seule solution se présente: détruire la marchandise.
Une
maîtresse de maison pense à réunir toute une jeunesse chez elle, dans le but
d’offrir une agréable soirée à ses filles. Elle organisera quelques jeux tels
qu’il est coutume d’en avoir un peu partout; ils sont inoffensifs, nous en
avons eu maintes fois la preuve..., mais peuvent-ils Lui plaire?—A cette
lumière, ces jeux aussi devront être supprimés; soyez persuadés, du reste, que
cela n’empêche pas cette femme sérieuse, consacrée à Dieu, d’organiser une
soirée tout aussi agréable.
Bref, ces
deux mots: Lui plaire feront réfléchir chacun; l’un à ses habitudes, un
autre à ses procédés commerciaux, celui-ci à ses relations sociales, celui-là
aux sociétés dont il fait partie, et chaque fois ils pénétreront au fond de
l’âme comme un dard qu’on ne peut arracher.
Certains
pourraient s’étonner et dire: Pourquoi mettre de telles conditions à la base de
la prière?— Je leur répondrai ceci: La vraie base de la prière est la communion
avec Dieu, l’unité de but que Dieu et l’homme poursuivent. La prière n’extorque
pas des faveurs; ce n’est pas une opération de banque, l’encaissement d’un
billet. Non, son but est tout autre et, avant tout, il est unique et nécessite
une unité d’efforts. D’une part, Dieu et Son Fils le Vainqueur à; Ses côtés; de
l’autre, sur la terre, un homme, et les trois vivent dans une telle union que
les pensées de Dieu deviennent celles de l’homme et que Ses volontés sont
exprimées et répétées dans chacune des prières de son serviteur.
5. Trois
éléments à la base de la vie de Jésus
Reportons-nous
maintenant pendant quelques instants à la vie que Jésus-Homme passa sur la
terre. Voyez son activité merveilleuse durant ces quelques années, activité qui
excita et excite de nos jours encore l’étonnement du monde. Comparez ensuite sa
vie de prière tout intime que nous ne faisons qu’entrevoir de temps à autre, et
groupez autour de ces mots: «Je fais toujours les choses qui Lui plaisent», les
phrases énergiques où un accent spécial est mis sur la négation: non; non pas
ma volonté, non pas mon travail, non pas mes paroles. Jésus nous
montre par là qu’il faisait la volonté de quelqu’un d’autre; le but
justificateur de sa vie était de plaire à Son Père, et c’est là que gît le
secret du pouvoir de Sa carrière terrestre. Communion avec Dieu; une vie de
prière secrète et intime; un pouvoir merveilleux sur les hommes; voilà les
trois éléments qui dominent et dirigent Sa vie.
A la fin
du chapitre, Il de l’Evangile de Jean, nous trouvons une expression étonnante:
«Plusieurs crurent en son nom, voyant les miracles qu’il faisait. Mais Jésus ne
se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous». Le texte original grec
donne le même verbe pour les deux français crurent et se fiait, de
sorte que nous pourrions tout aussi bien traduire le verset de cette façon-ci:
plusieurs se fièrent à lui, voyant ce qu’il faisait, mais Jésus ne se
fiait point à eux parce qu’il les connaissait.
J’ai la
ferme conviction que la plupart d’entre vous se fient à lui; mais permettez-moi
de vous demander: «Peut-il se fier à vous?»—Aucun d’entre vous n’oserait
répondre franchement et entièrement: «Oui!» et pourtant, si l’on envisage notre
intention, le but de notre vie, cette question peut en toute conscience
recevoir une réponse affirmative. Quel est votre but?—Lui plaire?—Si oui, Il
le sait.
Quel
réconfort que de savoir que Dieu juge un homme non d’après le résultat, mais
d’après l’intention; qu’il me juge non comme je suis, mais comme je voudrais
être; qu’il me juge d’après le but primordial de ma vie. Dieu répand sur nous
toutes les forces qu’il nous croit capables d’employer à Son service.
Le
commerce nous fournit à ce propos un exemple frappant. Un homme est employé par
une maison de commerce, en qualité de commis. Son habileté et sa probité se
manifestent dans différentes circonstances. Premier résultat: il est promu à un
poste plus élevé, et sa responsabilité est accrue.
Grâce à
son caractère à toute épreuve, on se confie de plus en plus en lui, jusqu’à ce
qu’il devienne à un moment donné l’homme de confiance de la maison: il en
connaît désormais les secrets comme il connaît aussi ceux du coffre-fort, et
tout cela, parce qu’on sait, pour en avoir eu la preuve, qu’il usera de tout
pour le plus grand intérêt de la maison et non dans un but égoïste.
Dans le
cas qui nous occupe, il s’agit de questions plus élevées, mais le principe est
le même. Si j’arrive à réaliser l’union avec Dieu qu’impliquent ces mots: «Si
quelqu’un veut venir après moi, qu’il
renonce à
lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive»—et tels doivent être
le but et le désir de ma vie,—je pourrai alors demander ce que je veux, cela me
sera accordé.
Tout
homme qui vit d’après l’ordre compris dans #Mt 16:24, et suit l’exemple
donné par Jésus—rien de plus, c’est-à-dire pas de fanatisme, pas d’exagération,
rien autre que suivre l’exemple du Christ jour après jour—cet homme peut
disposer entièrement des six promesses de Jésus dont la portée est sans
limites.
CHAPITRE
II
Comment
prier?
1. Action
secrète de la prière
Une des
illustrations modernes les plus remarquables du pouvoir de la prière peut être
tirée de la vie de Moody. La prière explique sa carrière incomparable et unique
de revivaliste, et il est étonnant que l’on n’en ait pas parlé davantage.
L’exemple de cet homme consacré est en effet un vrai stimulant. Je suppose que
la raison doit en être attribuée à la modestie de Moody lui-même. Toutefois,
durant la dernière année de sa vie, comme s’il y avait été inconsciemment
poussé, il fit de plus fréquentes allusions à son expérience.
La
dernière fois que je l’entendis, ce fut dans sa propre église de Chicago et, si
je ne fais erreur, quelques mois avant sa mort. Un matin, dans cette vieille
église, célèbre par son influence, il nous en raconta l’histoire. Il remonta
jusqu’en 1871, époque où une grande partie de la ville fut dévastée par un
incendie. «La reconstruction de cette église», nous dit-il, «n’était pas encore
assez avancée pour qu’on pût y faire grand travail; je décidai dès lors de
passer l’Atlantique et d’aller à l’école des grands prédicateurs de l’Europe;
j’espérais obtenir, dans la suite, en suivant leurs exemples, de meilleurs
résultats à Chicago. J’arrivai à Londres, et là je profitai de toutes les
occasions possibles d’entendre les prédicateurs anglais. Un soir, j’allai
entendre Spurgeon au Metropolitan Tabernacle; apprenant qu’il devait parler une
seconde fois dans la soirée à l’occasion de la dédicace d’une église, je me
glissai hors du temple et courus pendant un mille derrière sa voiture; je
voulais être sûr de l’entendre une deuxième fois. «Eh! oui», ajouta-t-il en
souriant, «c’est ainsi que je courais après les hommes de talent». «Jusqu’alors
je n’avais parlé nulle part; je m’étais borné à écouter. Un jour, c’était un
samedi, à midi, je me rendis à Exeter Hall, sur le Strand. Me sentant poussé à
dire quelques mots, je me levai et parlai. A la fin de la réunion, plusieurs
personnes vinrent me saluer et, parmi elles, un pasteur. Ce dernier me pria de
venir prêcher, le jour suivant, dans son église, et j’acceptai son invitation.
Le lendemain matin, je pénétrai donc dans la dite église et je me trouvai en
face d’une grande affluence de fidèles. Je parlai..., mais à présent encore, il
me semble que c’est le travail le plus pénible que j’aie jamais accompli. Je ne
sentais aucun lien entre l’auditoire et moi; tous ces visages étaient impassibles;
ils ne répondaient pas à ma voix; Vraiment, ils semblaient être sculptés dans
la pierre ou dans la glace. Quelle corvée! Je souhaitais d’être à cent lieues
de cette église et surtout je souhaitais de n’avoir pas promis de nouveau le
soir. Mais j’avais promis; il fallait donc tenir parole.
«Le soir,
ce fut la même chose: salle pleine, auditoire respectueux, mais ne manifestant
aucun intérêt, ne vibrant pas. Et de nouveau j’étais au supplice quand tout à
coup, au milieu de mon discours, survint un changement. Il me sembla que les
portes du ciel s’ouvraient et qu’un souffle vivifiant en descendait.
L’atmosphère du bâtiment se transforma: l’expression de mes auditeurs, elle
aussi, se transforma. J’en fus si impressionné qu’à la fin de ma prédication, j’invitai
ceux qui voulaient être chrétiens à se lever. Je pensais que quelques auditeurs
répondraient à mon appel; aussi fus-je stupéfait de voir des groupes entiers.
Je me tournai vers le ministre de l’église et lui dis: «Qu’est-ce que cela veut
dire?—Je vous assure que je n’en sais rien, me répondit-il.—Pour sûr qu’ils
m’ont mal compris, ajoutais-je, je vais leur expliquer ce que je voulais
dire».—Je leur annonçai alors un second service qui se tiendrait dans la salle
du bas et je leur dis qu’étaient invités ceux-là seuls qui voulaient être
chrétiens. J’expliquai encore ce que j’entendais par là et congédiai
l’assemblée.
«Nous
gagnâmes la salle en question et les auditeurs arrivèrent en foule, se
pressant, remplissant tous les sièges, toutes les places disponibles, les
corridors et l’entrée. Je parlai pendant quelques minutes et répétai ensuite
mon appel: «Que ceux qui veulent être chrétiens se lèvent!» Cette fois, je
savais que je m’étais fait comprendre. Et, de nouveau, ils se levèrent par
groupes entiers, par séries de cinquante et plus. Je me tournai vers le pasteur
et lui dis: «Qu’est-ce que cela veut dire?—Je vous assure que je n’en sais
rien», me répondit-il; puis, après quelques instants: «Que ferais-je de cette
foule? Je ne sais qu’en faire... Il y a quelque chose de nouveau.—A votre
place, lui dis-je, je fixerais une réunion pour demain soir et pour
après-demain soir et je verrais alors ce qui se passera; quant à moi, je dois
m’embarquer pour Dublin». Je partis; mais à peine étais-je débarqué que je
reçus un télégramme du dit pasteur avec ces mots: «Revenez immédiatement.
Eglise bondée». Je revins donc et restai dix jours. Le résultat de ces dix
jours fut que l’Eglise s’augmenta de quatre cents membres et que les autres
Eglises reçurent, par contre-coup, un élan et une impulsion extraordinaires».
Après
avoir fait ce récit, Moody baissa la tête, comme s’il réfléchissait à ces
événements passés; puis il ajouta: «Je ne pensais à rien d’autre qu’à mon
Eglise, mais le résultat de ce voyage fut que je me vouai au ministère
itinérant; depuis lors, je ne l’ai pas quitté».
Et
maintenant, comment expliquer l’œuvre merveilleuse qui se fit ce dimanche-là et
les jours qui suivirent? Moody n’en était pas l’initiateur, bien qu’il fût un
homme de valeur que Dieu pouvait employer et qu’il employa largement; le
ministre de la dite Eglise ne peut, lui non plus, en être rendu responsable,
car il fut aussi grandement surpris que son hôte. Il s’était évidemment passé
quelque chose de mystérieux pendant ces dix jours. Moody, avec sa pénétration
habituelle, entreprit de découvrir ce secret.
Quelque
temps après, le fait suivant parvint à sa connaissance. Un membre de l’Eglise,
une femme était tombée malade plusieurs mois avant ce magnifique réveil. Son
état empira; les médecins la condamnèrent. Sa maladie n’était pas de celles
dont on meurt subitement; elle allait vivre des années encore, mais cloîtrée
dans sa maison. Elle resta donc couchée, s’efforçant de comprendre le but de
cette longue et douloureuse épreuve. Elle fit un retour sur elle-même et se
dit: «Qu’ai-je donc fait pour Dieu? En fait, rien; et maintenant, que puis-je
faire, couchée et isolée du monde? Je puis prier», se dit-elle.
Permettez-moi
d’ouvrir ici une courte parenthèse. Dieu permet souvent que nous soyons enfermés
et isolés. Ce n’est pas Lui qui nous isole, Il n’a pas besoin de le faire; Il
se contente de retirer légèrement Sa main, et notre désobéissance à Ses lois a
vite fait de nous séparer des humains. Ce qui arrive alors L’afflige; c’est
malgré Ses premières intentions à notre égard qu’il permet cette solitude
forcée, mais Il le fait, parce qu’ainsi seulement Il arrive à tourner notre
attention vers ce qu’il désire que nous accomplissions; ainsi seulement, Il
parvient à nous rendre attentifs à certaines choses et à nous les faire juger
comme Il désire qu’on en juge. Mais revenons à notre récit.
Elle se
dit: «Je peux prier, donc je prierai». Elle le fit et pria, entre autres
objets, pour son Eglise. Sa sœur, membre de la même paroisse, vivait avec elle;
c’était son seul lien avec le monde extérieur. Le dimanche, après le service,
la malade demandait toujours: «Y a-t-il eu quelque chose de nouveau à l’Eglise
aujourd’hui?—Non», répondait invariablement la sœur. Chaque mercredi soir,
après la réunion de prière, elle interrogeait sa sœur: «Quelque chose de
nouveau ce soir? Il doit y avoir eu quelque chose.—Non, rien de nouveau; les
mêmes vieux diacres ont fait les mêmes vieilles prières».
Mais, un
dimanche, à midi, la sœur rentra du culte et demanda à la malade: «Devine qui a
prêché ce matin.—Je n’en sais rien, qui donc?—Eh! bien, un étranger, un
Américain du nom de Moody, à ce que j’ai entendu». Le visage de la patiente
pâlit, ses yeux devinrent fixes et ses lèvres tremblèrent, mais elle dit
tranquillement: «Je sais ce qu’il en est; c’est une visite à la vieille Eglise.
Ne m’apporte pas à manger, car je veux passer l’après-midi dans la prière».
Ainsi fut fait, et le même soir se produisait ce changement étonnant dans
l’auditoire de Moody.
Ce
dernier découvrit la malade; elle lui raconta comme quoi, environ deux ans
auparavant, un exemplaire de Watchmann, publié à Chicago, lui était tombé entre
les mains; il contenait un discours que Moody avait prononcé dans cette ville.
Tout ce qu’elle savait, c’était que ce discours enflamma son cœur et qu’il
était signé Moody. Elle insista dès lors dans ses prières pour que Dieu envoyât
cet homme à Londres, dans son Eglise. Et voilà.! Quoi de plus simple que cette
prière!
Les mois
passèrent; une année s’écoula et toujours elle priait. Sauf Dieu, personne ne
le savait. Pas de changement? N’importe, elle priait, et pour finir... sa
prière triompha.—De même toute prière vraiment inspirée de l’Esprit remporte la
victoire. Le succès! voilà la pierre de touche de nos supplications.
L’esprit
de Dieu poussa Moody à traverser les mers, à venir à Londres, à pénétrer dans
cette église. Puis vint la concentration de toutes les forces, le dernier
assaut, et cette nuit-là la victoire fut remportée.
Je suis
persuadé qu’un jour, quand les ténèbres auront disparu et que la lumière
rayonnera partout, quand nous connaîtrons comme nous avons été connus, je suis
persuadé qu’alors nous découvrirons que le facteur le plus important de ces dix
jours où des milliers d’âmes se sont données à leur Sauveur, sous l’influence
de Moody, aura été la prière de cette femme. Non pas le seul facteur, il est
vrai, car il faut y ajouter l’appui de la puissante personnalité de Moody et le
travail concentré de centaines de pasteurs et de laïques. Toutefois, je place
sans hésiter, avant l’influence de Moody et de tous les autres, la prière de
cette infirme.
Je ne
connais pas son nom, tandis que je connais celui de Moody. Je pourrais citer un
grand nombre d’aides qui se consacrèrent à l’œuvre du grand revivaliste. Mais
cette femme, qui fut la cause humaine de ce grand succès, je ne la connais pas.
On me dit qu’elle vit au nord de Londres et qu’elle continue de faire monter au
Ciel ses supplications. C’est vraiment un service secret que celui de la
prière, et dans ce domaine nous ne savons pas quels sont les plus puissants des
hommes de prière.
Et nous,
prierons-nous? Saurons-nous prier? saurons-nous, en face d’un événement
important, attribuer la première place à la prière?
2. Priant
pour la réalisation du plan de Dieu
Laissez-moi
vous dire maintenant quelques mots sur la manière de prier. Oui, comment
devons-nous prier?
La
première condition de toute prière est de connaître les intentions de Dieu,
leur direction, leur portée. Il nous faut connaître avant tout la pensée de
Dieu et demander ensuite qu’elle se réalise.
Dieu est
assis dans les cieux sur son trône, avec Jésus glorifié à ses côtés. Partout,
dans tous les mondes, la volonté du Créateur est observée; une seule exception:
la partie que l’on appelle la terre, avec l’atmosphère qui l’entoure, est le
coin du Ciel où règnent Satan et ses armées.
La
volonté divine fut accomplie sur la terre par un homme: Jésus. Il descendit
vers ce monde prodigue et fit la volonté de Son Père qui est dans les cieux;
puis Il partit. Depuis Il a cherché et cherche maintenant encore sur la terre
des hommes qui soient dans une telle union avec Lui, qu’il puisse, en eux et
par eux, faire ce qu’il veut. Il désire trouver des imitateurs de Lui-même et
obtenir ainsi que, par leur moyen la volonté de Dieu règne de nouveau en
maîtresse sur la terre. Voici maintenant ce qu’est la prière: découvrir les
intentions divines à notre égard, à l’égard du monde, et demander avec
insistance qu’elles se réalisent. L’important est de découvrir la volonté de
Dieu et de prier sans cesse qu’elle «soit faite». Voilà la réponse à la
question: Comment devons-nous prier?
Je me
suis rencontré plus d’une fois avec des chrétiens avec le but prier ensemble,
et les sujets d’intercession furent naturellement des plus divers. Tel homme
demandent ceci, tel autre cela et ainsi de suite; mais pendant qu’à genoux et
priant moi-même, j’écoutais les supplications qu’un frère faisait monter vers
les cieux, je me suis dit souvent, sans vouloir toutefois jouer le rôle de
critique: «Voici ce que je dois dire: Esprit Saint, Tu connais cet homme, Tu
sais ce qui lui manque; Tu connais aussi cette femme malade, et Tu sais quelles
sont ses peines; Tu connais cette question que nous t’apportons, Tu en sais les
difficultés; Esprit Saint, insuffle en moi la prière que Toi-même Tu formules
pour cet homme, pour cette femme, pour cette question. Ta prière est la mienne,
au nom de Jésus.
Que ta
volonté soit faite en tout et partout!» Quelquefois je vois clairement ce que
je dois demander, mais souvent je suis embarrassé. Je connais tel fait
particulier; je ne puis connaître tous les faits. Par exemple, je
connais cet homme qui a besoin de mes prières; c’est peut-être un chrétien; son
caractère, ses idées, sa volonté me sont connus; toutefois il y a en lui quelque
chose que je ne connais pas et ce quelque chose d’inconnu est cause de toute la
difficulté. Dès lors, je suis obligé d’avouer que je ne puis prier comme je le
devrais. Mais l’Esprit qui est en moi intercédera pour cet homme selon que je
lui laisserai toute latitude d’agir et de prier, et Celui qui, là-haut, prête
l’oreille dès qu’il entend que Sa volonté, Sa pensée pour telle ou telle de ses
créatures est proclamée sur le champ de bataille, reconnaîtra certainement Sa
propre volonté dans ma prière. Le résultat sera l’exaucement de ma prière, à
cause de la victoire de Jésus sur Satan.
De plus,
je puis devenir sensible à la pensée et à la présence de l’Esprit au point de
percevoir plus facilement et plus rapidement ce pour quoi il me faut prier. Je
serai par là-même un associé toujours plus utile pour réaliser la volonté
divine sur la terre.
3. Où
rencontrer Dieu
La prière
ne peut être exercée que dans certaines conditions; nous en distinguons six.
Tout
d’abord, il nous faut du temps pour prier. Trouvons chaque jour le temps
nécessaire, et sachons aussi oublier ce qui nous entoure et les occupations qui
nous attendent. Ne soyons pas pressés par l’heure. Telle personne se lève
précipitamment le matin, s’habille en hâte et s’agenouille quelques instants avant
d’aller vaquer à ses affaires; mais ce n’est pas là prier. Telle autre,
fatiguée par le travail quotidien, se déshabille, en hâte aussi, car elle a
besoin de repos; par habitude— habitude qui peut être excellente—elle parcourt
quelques versets, s’agenouille un instant et croit avoir prié; mais ce n’est
pas là prier. Je ne critique pas la bonne intention; mais je tiens à dire
nettement que, si l’on veut vraiment prier, prier sérieusement, il faut prendre
le temps de le faire à l’heure où l’esprit est frais et dispos, et non
lorsqu’il est émoussé par la fatigue du jour.
«Nous
n’avons pas le temps; la vie est trop remplie», dira-t-on. C’est possible; mais
ce temps, nous devons le prendre, fût-ce à quelque chose d’important; ce sera
toujours une chose moins importante que la prière.
Le
sacrifice est la loi continuelle de la vie; l’important doit être sacrifié au
plus important. Il faut arriver à posséder un jugement mûr, sinon notre force
sera dilapidée dans mille détails secondaires et l’important ne sera pas
accompli, ou si pauvrement qu’il ne sera d’aucune valeur. Si nous désirons
intercéder utilement et savoir comment prier simplement, prenons le temps de
passer chaque jour quelques instants dans le calme et la solitude.
En second
lieu, il nous faut un endroit pour prier. Il va sans dire qu’on peut
prier partout, dans la rue, dans les bureaux, en voyageant, en travaillant, en
lavant la vaisselle..., que sais-je encore; mais vous ne pouvez vraiment vous
recueillir que si vous recherchez un endroit tranquille pour y être seul avec
Dieu. Le Maître nous dit: «Entre dans ta chambre, ferme ta porte—cette porte
joue un rôle important, elle isole complètement—et prie ton Père en secret.»
Dieu se trouve dans cet endroit solitaire. Il faut être seul pour se rendre compte
qu’on n’est jamais seul. Plus nous sommes seuls, humainement parlant, et moins
nous le sommes au point de vue divin.
La
solitude et la tranquillité nous sont nécessaires pour développer notre
entendement. Une mère entendra le plus faible cri de son bébé qui se réveille;
les pleurs viennent d’un autre étage peut-être; ce n’est qu’un léger bruit que
personne n’entend; mais l’oreille maternelle l’a saisi immédiatement et déjà la
mère est auprès du berceau. Son oreille est exercée d’une façon toute spéciale
par l’amour.
Nous
aussi, nous devons exercer notre oreille. Un endroit retiré interceptera les
bruits extérieurs et donnera à l’ouïe intérieure la possibilité d’entendre
d’autres voix.
Un homme
se trouvait un jour dans une cabine téléphonique; placé devant l’appareil, il
essayait de comprendre la communication qu’on lui faisait; mais c’était en
vain, et sans cesse il répétait: «Je n’entends pas, je n’entends pas». Son
interlocuteur, après quelques essais, lui cria un peu sèchement: «Si vous
voulez entendre, fermez donc la porte». Sa porte à lui était fermée et il
pouvait entendre non seulement la voix de la personne à qui il téléphonait,
mais aussi les bruits de la rue et des acheteurs qui remplissaient le magasin
où se trouvait la cabine téléphonique.
Certaines
personnes n’entendent pas bien, parce qu’elles n’ont pas fermé suffisamment la
porte. La voix de l’homme et la voix de Dieu résonnent et se confondent dans
leurs oreilles; elles ne peuvent les distinguer. La faute en est pour une part
à la porte: «Si vous voulez entendre, fermez donc votre porte!»
La
troisième condition mérite aujourd’hui une attention toute spéciale: «Donnez
à la Bible sa place dans la prière». La prière ne consiste pas simplement à
parler à Dieu; non, écoutez d’abord, vous parlerez ensuite. La prière se sert
de trois organes: l’oreille, la langue et les yeux. L’oreille pour entendre ce
que Dieu dit, la langue pour lui parler, les yeux pour voir le résultat. Lire
la Bible, c’est écouter ce que Dieu dit. Ses paroles nous pénètrent; elles
trouvent notre cœur où elles prennent un peu de notre personnalité, et elles
ressortent de notre bouche sous forme de prière. Quelle peine Dieu a à obtenir
qu’on L’écoute! Il parle constamment; mais les bruits de la terre assourdissent
le son de Sa voix, même chez ceux qui auraient quelque désir de l’entendre.
Dieu parle par Sa parole; ce que nous savons de Lui, nous le savons par elle.
La Bible a été inspirée, et elle est inspirée. Dieu Lui-même parle dans
ce livre. C’est donc un livre à part, différent de tous les autres. Etudions-le
avec soin, avec intelligence, avec respect, et son contenu nous révélera la
volonté souveraine de Dieu. Ce qu’il dit changera complètement ce que vous
vouliez dire.
4. Qui
nous enseignera à prier?
La
quatrième condition est celle-ci: Laissez le Saint-Esprit vous apprendre à
prier. Plus vous prierez et plus vous vous direz: «Je ne sais pas comment
prier.» Vous reconnaissez là l’expérience et les paroles mêmes de Paul. Dieu,
qui connaît et comprend cette difficulté, sait comment y remédier. Il nous a
envoyé le Saint-Esprit, qui doit habiter dans nos cœurs et nous apprendre l’art
si difficile de la prière. Laissez-vous donc enseigner par Lui.
Quand
vous vous réfugiez, avec votre Bible, dans la solitude et la tranquillité, que
votre prière soit: «Esprit saint et béni, Esprit de prière, apprends-moi à
prier!» Et il le fera. Ne soyez pas énervé, agité, et ne vous demandez pas s’il
vous comprendra. Apprenez à être calme, dans votre corps et dans votre esprit.
Soyez tranquilles, et écoutez. Souvenez-vous de la version que donne Luther du
Psaume XXXVII, verset 7: «Sois silencieux devant l’Eternel et laisse-toi
façonner par ses mains» {#Ps 37:7}.
Vous
verrez alors quelle transformation subiront vos prières. Vous parierez plus
simplement, tel un homme occupé à ses affaires ou un enfant faisant une
demande,—avec, en plus, évidemment, tout le respect que vous devez à Dieu. Vous
cesserez de prier pour certaines choses et vous abandonnerez aussi quelques
redites; vous emploierez moins de mots peut-être, mais vous les prononcerez
avec une tranquillité, avec une foi si complètes que votre demande sera
exaucée.
Cette
influence du Saint-Esprit doit exister au début de chaque prière et se
maintenir jusqu’à la fin, car il est le facteur principal qui la guidera vers
Dieu. Le Saint-Esprit est avant tout un Esprit de prière.
La loi
suprême de la vie chrétienne est une obéissance complète aux directions du
Saint-Esprit. Il faut un jugement éclairé pour comprendre ses voies et ne pas
prendre nos pensées imparfaites pour ses ordres. Nous devrions l’autoriser à
nous enseigner à prier et plus encore à régler nos prières. La bataille
spirituelle se passe sous ses yeux; il est le général de Dieu sur le champ de
bataille.
Des
fléchissements peuvent se produire durant le combat; il y a des hauts et des
bas. Le Saint-Esprit sait alors quand la prière est nécessaire pour ramener
l’avantage et, par là, la victoire. Nous devons donc consacrer un temps spécial
à la prière et y persévérer jusqu’à ce que le triomphe soit assuré. Obéissons
par conséquent à son inspiration.
Nous nous
sentons parfois poussés à prier ou à demander à quelqu’un de prier, et nous
nous disons: «Pourquoi donc prier encore? Je viens de le faire.» Ou bien: «Je
ne vois pas la nécessité d’inciter cette personne à prier, car elle le fait
sûrement.» Ne pensons pas à cela, et contentons-nous de suivre cette
inspiration de l’Esprit et de l’exécuter avec le moins d’explications
possibles.
Laissez
cet Esprit merveilleux vous enseigner à prier. Ce sera long; mais, si vous
cédez devant sa sagesse et attendez patiemment, il vous enseignera comment il
faut prier; il vous suggérera des sujets précis et souvent vous fournira les
mots de votre prière.
Si vous y
réfléchissez, vous remarquerez que le but principal de ces quatre premières
conditions est d’apprendre à connaître la volonté de Dieu. Un endroit
solitaire, un moment de tranquillité, la Bible, l’Esprit, voilà qui fera de
nous de vrais hommes de prière. Nous apprendrons ainsi à connaître la volonté
du Très-Haut, et cette connaissance nous fera toujours plus désirer que cette
volonté soit faite et toujours plus prier qu’elle puisse être accomplie.
Il est un
mot souvent employé dans les Psaumes et dans le livre d’Esaïe pour désigner
notre attitude: attendre. Ce mot est sans cesse pris pour désigner cette
union avec Dieu, qui nous révélera
Sa
volonté et nous fera part de Ses intentions. Le mot attendre n’indique rien
d’accidentel, rien de pressé; il signifie fermeté, c’est-à-dire
persévérance; patience, c’est-à-dire constance; espérance, c’est-à-dire
confiance en Dieu; obéissance, c’est-à-dire entier consentement; il
signifie aussi attention, c’est-à-dire calme et tranquillité pour mieux
entendre la voix du ciel.
5. Le
pouvoir d’un nom
La
cinquième condition a déjà été indiquée, mais nous tenons à souligner son
importance. La prière doit être faite au nom de Jésus; elle doit être
offerte en son nom, parce que toute sa force repose sur lui. Je me souviens
d’une contrée que j’habitai quelque temps et où j’entendis rarement employer le
nom de Jésus dans les prières. A différentes reprises, j’entendis prier des
hommes que je savais être de vrais chrétiens, et toujours sans mention du nom
de Jésus. Rappelons-nous que nous n’avons pas accès auprès de Dieu, si ce n’est
par Jésus.
Supposons
que le plus habile des juristes anglais, connaissant à fond les lois
américaines, les statuts de l’Illinois et les ordonnances municipales de
Chicago, vienne en Amérique; pourrait-il plaider devant nos tribunaux? Vous
savez pertinemment qu’il ne le pourrait pas, car il n’y serait pas légalement
autorisé. De même, vous et moi, nous ne sommes pas autorisés à plaider à la
barre de Dieu; nous en sommes exclus de par le péché; nous ne pourrons parvenir
à Lui que par Jésus qui a accès au tribunal céleste.
Mais,
inversement, puisque nous venons au nom de Jésus, c’est la même chose que si
Jésus priait, s’il nous prenait par la main et nous conduisait à son Père en
disant: «Père, voici un de mes amis; je T’en prie, accorde-lui ce qu’il Te
demande, par amour pour moi.» Dieu se penchera vers vous et dira: «Que
désires-tu? Ce que tu demanderas, tu l’obtiendras, au nom de Mon Fils.» Tel est
l’effet d’une demande faite au nom de Jésus.
Je suis
persuadé, absolument persuadé, et c’est pourquoi j’y reviens avec tant
d’insistance, qu’en dernière analyse, si nous pouvons nous réclamer du nom de
Jésus, c’est qu’il a vaincu le prince du mal. Prier, c’est répéter le nom du
Vainqueur, le proclamer aux oreilles de Satan et demander la défaite finale de
ce dernier. La prière incessante au nom de Jésus provoquera la fuite de
l’Ennemi; à contrecœur, irrité, il devra lâcher prise et abandonner le champ de
bataille.
6. Origine
et progrès de la foi
La
sixième et dernière condition nous est familière et, pourtant, combien elle est
mal comprise. La prière doit être faite avec foi. Remarquez, à ce
propos, que la foi ne consiste pas à croire que Dieu peut, mais qu’il veut.
L’homme de foi s’agenouille, prie et dit ensuite: «Père, je Te remercie. Tu
exauces ma prière, je Te remercie.» Il se lève et va à ses occupations en se
disant que la chose est sûre. A travers son travail de la journée, il répète la
prière et les actions de grâces, et il a la ferme assurance de son exaucement.
S’il répète sa prière, ce n’est pas pour persuader Dieu, mais parce qu’il sait
que la prière est une force décisive dans la lutte spirituelle et que chaque
prière est une blessure nouvelle au front de l’ennemi.
D’aucuns
diront: «Ne poussez-vous pas les choses à l’extrême? Pouvons-nous tous avoir
une foi si grande? Pouvons-nous nous forcer à croire?» Cette question
révèle une erreur que commettent beaucoup de personnes des plus sérieuses. Non,
assurément, nous n’aurons pas tous une foi si parfaite; cela ne fait aucun
doute et la raison en est fort simple à donner. La foi qui croit que Dieu fera
ce qu’on Lui demande ne naît pas en un jour; elle ne naît pas non plus dans le
tumulte de la rue, ni dans le brouhaha de la foule. Voulez-vous savoir quelle
est son origine? Elle se manifeste et se développe dans le cœur de tout homme
qui a mis à part, chaque jour, quelques instants pour les vivre avec Dieu et
écouter ce que Sa Sagesse lui révèle; le résultat de tels entretiens est la
conviction que
Dieu
exauce toutes les prières que l’on se sent pressé de lui adresser.
Cette foi
possède quatre qualités. Elle est intelligente; elle découvre ce que
Dieu veut. La foi n’est jamais l’opposé de la raison; seulement, parfois, elle
la dépasse. Secondement, elle est obéissante; elle adapte sa vie à la
volonté de Dieu. De temps à autre, il y a quelques heurts, mais la foi les
surmonte. En troisième lieu, elle est attentive; je dis attentive, en
pensant au sens original de ce mot, c’est-à-dire dirigée, tendue vers un but.
Elle est enfin persévérante; elle s’attache à son but et s’écrie: «Que
nul ne se décourage! Revenons à la charge, sept fois et soixante-dix fois sept
fois.»
Connaissant
la volonté de Dieu, sachant qu’elle ne change pas, la foi explique les retards
et les lenteurs par la présence d’une troisième personne, l’Ennemi, et elle est
persuadée que cette résistance opiniâtre sera brisée au nom du Vainqueur et que
le diable laissera bientôt le champ libre.
CHAPITRE
III
Pour
prier, il faut savoir écouter
1. Une
oreille exercée
Dans la
prière, l’oreille est un organe capital; son importance est égale à celle de la
langue, mais elle doit néanmoins être citée en premier. L’oreille est en effet
le chemin qui conduit à la langue.
L’enfant
entend avant de parler. L’art de la parole suppose une période où on a dû
écouter. La preuve en est que, chez tout être normal, le langage dépend
uniquement de l’ouïe. Telle est la méthode qu’emploie la nature. L’esprit se
développe surtout par l’oreille et par les yeux; il s’exprime et s’affirme par
la langue. Ce que l’oreille laisse pénétrer, l’esprit le travaille et la langue
le fait connaître.
C’est
l’ordre que nous trouvons dans le passage prophétique du chapitre 50 du Livre
d’Esaïe: «Le Seigneur, l’Eternel m’a donné une langue exercée... Chaque matin,
il éveille mon oreille pour que j’écoute comme écoutent des disciples.» {#Esa 50:4} L’oreille est donc éveillée pour que
la langue puisse apprendre à parler, et si beaucoup d’entre nous n’ont pas une
langue exercée, c’est qu’ils n’ont pas fourni à Dieu l’occasion d’éveiller leur
oreille.
Il est
frappant de voir que les hommes qui ont été le plus puissants par la prière
étaient aussi des hommes qui connaissaient Dieu intimement. Ils furent
particulièrement sensibles à Sa volonté et frappés de respect devant Son amour
et Sa grandeur. L’Ancien Testament nous offre trois types d’hommes de Dieu qui
furent spécialement des hommes de prière. Jérémie nous dit que lorsque Dieu lui
parla de l’extrême perversité du peuple juif; il ajouta ces mots: «Quand Moïse
et Samuel se présenteraient devant moi, je ne serais pas favorable à ce
peuple.»—Lorsque Jacques cherche pour les Juifs dispersés un type d’homme de
prière, il parle d’Elie et d’un moment spécial de sa carrière, la prière sur le
Mont Carmel. Moïse, Samuel, Elie sont les trois grands hommes qui apparurent
dans les grandes crises Je l’histoire du peuple d’Israël. Moïse fut après Dieu
le créateur de la nation élue; c’est lui qui la forma. Samuel en fut le patient
pédagogue; il introduisit dans la vie nationale un nouvel ordre de choses. Elie
en fut le guide sévère et rigide lorsque le culte national de Jéhovah était
près d’être annihilé. Ces trois hommes: le créateur, le pédagogue, le guide
occupent une place prédominante dans l’histoire, comme hommes de prière.
Rien
n’est intéressant comme de les voir tous trois écouter la voix de Dieu.
Leurs oreilles furent exercées très tôt et très longuement, jusqu’à ce qu’elles
fussent extraordinairement sensibles à la parole de l’Eternel. Il semble même
que Dieu ait pris une peine toute spéciale à former le premier de ces hommes,
ce géant de l’histoire, le plus grand juriste qu’ait connu l’univers. Son
éducation passa par deux phases distinctes. Il y eut tout d’abord ces quarante
ans de solitude dans le désert, seul avec les brebis, seul avec les étoiles,
seul avec Dieu. Son oreille était exercée par le silence. Il était séparé et
isolé du bruit, du tumulte de la vie égyptienne. Comme la voix de Dieu est
silencieuse, et combien peu sont capables d’endurer ce silence! C’est dans le
silence que Dieu parle à l’oreille intérieure.
Lutte
pour obtenir le silence en ton âme,
Le
silence parfait que ton Dieu te réclame
Avant
de te parler, silence intérieur,
Salutaire
et propice.
Oui,
lutte avec ardeur
Pour
étouffer la voix de tes vaines pensées,
De
tes impressions imparfaites et faussées;
Que
tout se taise en toi devant sa Majesté.
Tu
connaîtras vraiment quelle est sa volonté
Dans
le recueillement, et tu pourras sans crainte,
Ayant
ouï sa voix, sa voix divine et sainte,
Obéir
d’un cœur simple à sa parfaite loi
Et
l’accomplir avec foi. (Traduit
de Longfellow.)
Un
artiste d’une certaine réputation demanda à un de ses amis de venir chez lui
examiner une peinture qu’il venait de terminer. L’ami vint à l’heure fixée, fut
introduit par un serviteur dans une chambre tout à fait obscure et laissé là.
Très surpris, il attendit néanmoins tranquillement la suite des événements. Au
bout d’environ quinze minutes, le peintre le rejoignit dans cette pièce et le
salua cordialement, puis tous deux gagnèrent l’atelier où se trouvait la peinture.
L’œuvre fut très admirée.
Avant de
se séparer, l’artiste dit en riant à son hôte: «Je suppose que vous avez dû
trouver étrange d’avoir été laissé si longtemps seul dans cette chambre
obscure.—En effet, lui répondit-il.—Voici l’explication! Je savais que si vous
pénétriez dans moi atelier avec l’éclat de la rue dans vos yeux, vous ne
pourriez apprécier le fin coloris du tableau, et c’est pourquoi je vous ai
laissé dans l’obscurité, attendant que vos yeux se soient reposés.»
Le
premier stage de Moïse eut pour but, de l’arracher au tumulte de la vie, de lui
donner ce repos qui le rendit capable d’entendre les accents calmes et doux de
la voix de Dieu. Pour devenir habile dans la prière, il devait passer quelques
semaines à l’école de Dieu, dans les déserts de l’Arabie.
Puis vint
le second stage; ces quarante années furent suivies de quarante jours et de
quarante nuits passés à écouter la voix de Dieu qui parlait, là-haut, sur la
montagne. Cette épreuve fit de lui un intercesseur hors ligne.
Samuel
passa à l’école du silence plus tôt que Moïse. Encore enfant, avant que ses
oreilles fussent remplies du bruit de la terre, il fut préparé à entendre la
voix de Dieu, et la nation juive apprit bien vite qu’elle possédait un homme à
qui Dieu parlait. Le cœur des enfants s’ouvre naturellement à la voix divine;
ils entendent facilement, et ils comprennent facilement. Ils sont accessibles à
la voix d’En-Haut.
Oh! si
nous pouvions garder le cœur de nos enfants ouvert à la parole divine et
habituer leurs oreilles à cette voix qui vient du Ciel!
Nous
savons peu de chose du troisième de ces intercesseurs; il ne nous est connu que
par les quelques événements importants dans lesquels il figure. La scène qui se
termine au Mont Carmel et où les écluses des cieux s’ouvrirent sur une terre
assoiffée est celle qui nous est racontée avec le plus de détails. Remarquons à
ce propos que ce chapitre XVIII du premier livre des Rois, qui nous parle du
conflit du Carmel, commence par un message de Dieu à Elie... «La parole de
l’Eternel fut ainsi adressée à Elie... Je ferai tomber de la pluie sur la face
du sol.» Cette promesse explique la prière que le prophète adresse à l’Eternel;
elle explique aussi son attente pendant laquelle il envoya, par sept fois, son
serviteur regarder du côté de la mer si la pluie arrivait. Elie entendit tout
d’abord la voix de Dieu; il pria alors avec insistance et enfin il leva les
yeux vers les cieux pour voir le résultat dont il était certain. La voix de
Dieu, ensuite la voix de l’homme, tel est l’ordre normal dans le domaine de la
prière. La mise en pratique de cet ordre donnera toujours des résultats
admirables.
2. Par
la Bible, vers Dieu
Il s’agit
donc d’exercer notre oreille intérieure; nous y parviendrons, une fois
l’extrême jeunesse passée, par l’intermédiaire des yeux. Ce que Dieu a dit à
d’autres a été écrit pour nous. Nous entendons par nos yeux; l’œil ouvre le
chemin de l’oreille intérieure. Dieu se révèle dans son Livre; Il S’y révèle
maintenant encore et, par lui, Il nous parle. Toute la question est là: apprendre
a connaître Dieu. Il se manifeste à nous par Ses propres paroles et par
celles de Ses messagers. Il se manifeste également par Son action parmi les
hommes. Chaque fait, chaque expérience que nous trouvons dans la Bible
reflètent l’image de Dieu; c’est par elle que nous pouvons le voir.
Il faut
étudier la Bible, non pour elle-même, mais pour y trouver la connaissance de
Dieu. Le but de cette lecture est non pas la Bible, mais Dieu révélé en elle.
Tel ira à l’Université et suivra des cours sur la Bible; il augmentera ses
connaissances, enrichira son vocabulaire, mais il pourra retirer de cette étude
les idées les plus erronées sur Dieu. Tel autre suivra des cours de droit,
étudiera les codes du premier des juristes; il obtiendra une compréhension claire
et nette des actes de Moïse, mais, malgré tout, il pourra rester parfaitement
ignorant de la nature de Dieu.
Une autre
personne pourra se rendre à une école biblique, y devenir capable d’analyser et
de synthétiser, d’esquisser le plan de telle ou telle partie de la Bible,
d’exposer le contenu de divers chapitres; bref, elle pourra posséder toute une
connaissance précieuse et indispensable et néanmoins être incapable de
comprendre Dieu, de comprendre Son amour et Sa volonté admirables. Ce n’est pas
le Livre que nous devons apprendre, mais Dieu par le Livre; ce n’est pas la
vérité que nous devons saisir, mais, par l’intermédiaire de la vérité, Dieu
lui-même, qui est la Vérité.
Nous
trouvons dans #2Sa 23:9-10, un récit extraordinaire à propos d’un des vaillants
guerriers de David. Il y eut un jour une attaque soudaine des Philistins contre
le camp israélite. Les Philistins étaient l’ennemi héréditaire; le seul mot de
Philistin frappait de terreur les Hébreux. Or, tous les hommes d’armes étaient
absents. Seul, cet homme était là. Tranquillement et rapidement il saisit son
épée et frappa en tous sens: en haut, en bas, à gauche, à droite; il fit
terrible besogne, si bien que l’ennemi tourna les talons et s’enfuit. Et,
détail curieux, les muscles de la main du héros devinrent si raides qu’elle
resta attachée à la poignée de l’épée. L’homme et l’épée ne faisaient qu’un
dans ce combat singulier contre l’ennemi héréditaire. Quand nous, à notre tour,
nous serons tellement pénétrés par la Bible et par l’Esprit qui est en elle et
la vivifie, que ceux qui nous entourent ne pourront
pas faire
la démarcation entre l’homme et l’Esprit de Dieu qui est dans l’homme, alors
nous obtiendrons d’En-Haut le pouvoir surhumain de la prière pour mettre en
fuite l’ennemi. Dieu et l’homme ne formeront qu’un dans l’action contre le mal.
3. Illuminé
par l’Esprit
Je désire
donner quelques simples conseils en vue de l’étude de la Bible, et, ce faisant,
montrer comment elle mène à Dieu. Ceci nous permettra de revenir sur des sujets
déjà traités, car une partie de ce qui va suivre a déjà été exposée, sous un
angle différent, il est vrai. Insistons tout d’abord sur la notion du temps.
Nous devons mettre à part au moins une demi-heure par jour quand l’esprit
est encore frais. Un esprit fatigué ne saisit pas facilement les choses. Il
faut persister, persévérer dans cette lecture et garder l’esprit en repos et à
l’abri de toute distraction.
Ce temps,
de plus, devrait être consacré à la Bible elle-même. Si on consulte ou
si on lit d’autres livres, ce qui est parfaitement légitime, que cela soit après
la lecture de la Bible. Laissez Dieu vous parler directement plutôt que par
l’intermédiaire de quelqu’un d’autre. Abandonnez-vous tout d’abord à Lui;
donnez au Livre par excellence la première place sur votre table, et donnez aux
autres livres la seconde place.
De plus, lisez
dans un esprit de prière, car c’est dans cet esprit que nous apprenons à
prier.
L’Ecriture
ne révèle pas sa douceur et sa force à l’homme intelligent, mais uniquement à
l’homme éclairé par l’Esprit. Ce qui nous ouvrira les portes de la vraie
connaissance, ce sont nos facultés mentales naturelles illuminées par la
claire lumière du Saint-Esprit. J’ai parfois demandé la signification de
certains passages à un savant éclairé. Il m’expliquait les tournures
orientales, faisait d’habiles distinctions philologiques, me donnait la
traduction la plus exacte; mais il ne semblait pas connaître le simple sens
spirituel des mots que nous discutions. J’ai posé les mêmes questions à un
vieux serviteur de Dieu; il n’avait aucune idée de la langue hébraïque, mais il
sentait immédiatement la
profonde
vérité spirituelle que les mots en question renfermaient.
Nos
connaissances, si grandes et si développées soient-elles, seront toujours
augmentées et approfondies par l’Esprit qui inspira les Saintes Ecritures.
Lisez avec
réflexion. La lecture attentive est un art qui semble se perdre. Les
journaux sont si nombreux, la littérature si abondante, que nous sommes devenus
une race éclairée, mais non une race réfléchie. Le courant de nos connaissances
est souvent très large; hélas! il n’a pas de profondeur. Luttez contre ce
manque de profondeurs contre cette superficialité. Efforcez-vous de lire avec
réflexion. La Bible renferme un mot très suggestif pour désigner ce genre de
lecture: «méditer».
Méditer,
c’est répéter une chose dans son esprit, la tourner en tous sens, la digérer.
Il est
étonnant de remarquer combien d’aliment la Bible fournit à la méditation, en
comparaison d’autres livres. On peut méditer les oeuvres de Tennyson, de
Browning, de Longfellow; mais, soit dit sans vouloir diminuer ces nobles poètes
qui sont mes auteurs favoris, ils ne nous donnent pas cette nourriture riche et
abondante que nous trouvons dans la Bible. Le Livre de Dieu est unique par sa
richesse et par sa fraîcheur. Il nous arrive de lire un passage pour la
centième lois et de découvrir un nouveau sens que nous n’avions pas soupçonné.
Un autre
conseil plus facile à donner qu’à suivre est de lire avec obéissance, c’est-à-dire,
lorsque la vérité en appelle à notre conscience, de la laisser transformer
notre vie et nos habitudes.
Obéissez
à la lumière et vous l’augmenterez; —résistez-lui, vous amènerez la nuit.—Qui
donc nous aidera à choisir notre voie—si nous perdons l’amour de la lumière.
(Traduit de Joseph Cook)
Jésus
nous donne la loi de la connaissance dans ses fameuses paroles: «Si quelqu’un
veut faire la volonté de Dieu, il connaîtra si ma doctrine est de Dieu». {#Jn 7:17} Si nous faisons ce que nous savons
devoir faire, notre connaissance en sera accrue. Si nous savons ce que nous
avons à faire, mais que nous hésitions et refusions d’obéir, notre vue
intérieure s’obscurcira et disparaîtra; le sens de ce qui est droit s’émoussera
et se perdra. L’obéissance à la vérité, voilà ce qui éclairera toujours notre
esprit.
4. Une
rapide lecture
Il faut
avoir un plan lorsqu’on lit, car, grâce à une idée directrice, les
divers moments que nous passerons à lire la Parole seront groupés en un tout.
Ayons un bon plan et tenons-nous-y. Il vaut mieux en avoir un assez bon, mais
scrupuleusement suivi, qu’un excellent, mais appliqué sans régularité. Les
nombreuses méthodes pour étudier la Bible peuvent être groupées sous trois
rubriques
générales:
lecture rapide à travers toute l’Ecriture, étude limitée, étude textuelle.
Nous
faisons tous, d’une manière plus ou moins approfondie, une étude textuelle de
la Bible; par exemple, en méditant une phrase ou un verset, pour en exprimer la
vraie et profonde signification. De même, nous nous livrons tous à l’étude
limitée de telle ou telle partie des Saintes Ecritures quand nous étudions un
caractère ou recherchons certains passages concernant le même sujet. Le nom le
plus prétentieux donné à ces études est Théologie biblique; elles consistent à
trouver et ordonner tout ce que la Bible nous enseigne sur n’importe quel
sujet.
Pour ma
part, je tiens à affirmer que la lecture rapide ou cursive est la base de toute
étude biblique; c’est la méthode simple, naturelle, scientifique. Elle est à la
portée de toutes les intelligences. Je crus un temps qu’elle convenait surtout
aux étudiants, mais c’était une erreur; j’ai actuellement la ferme conviction
que c’est la méthode par excellence et qu’elle s’applique à tout et à tous.
Elle est à la base de toutes les études qui ont pour but de faire connaître le
Saint Livre, et c’est elle qui nous donne la plus complète compréhension
possible ici-bas de notre Créateur.
J’entends
par lecture cursive une lecture rapide, insouciante des divisions en
versets, chapitres ou livres; une lecture comme le serait celle d’une histoire
telle que: «Le Siège de Pékin» ou «Histoire d’un amour inavoué». La Bible
évidemment inspire un respect tout autre; mais ce que je veux dire, c’est qu’il
faut la lire avec la même méthode que celle employée pour lire le premier livre
venu; la lire pour savoir ce qu’elle renferme. Lu de cette manière, aucun livre
n’est plus fascinant que la Bible.
Commencez
tout d’abord par la Genèse et parcourez-la rapidement, en gros. N’essayez
pas de tout comprendre; vous ne le pourriez pas. Ne vous en inquiétez pas pour
le moment, mais allez de l’avant.
N’essayez
pas de vous souvenir de tout; n’y songez pas, mais retenez ce que vous pourrez;
vous serez étonnés de ce dont vous vous souviendrez. Eh une demi-heure, vous
lirez de dix à vingt pages, et, la fois suivante, vous recommencerez où vous en
serez restés. Il suffira de quelques jours pour lire le livre de la Genèse en
entier; tout dépendra des dispositions où vous serez et de votre manière de
lire plus ou moins rapide. Toute la Bible est comprise dans la Genèse; c’est un
livre admirable, fascinant. Rien que par ses anecdotes, ses intrigues, la
rapidité de l’action, la beauté du langage, il dépasse infiniment tout livre
humain.
Passons
maintenant à l’Exode; c’est un livre semblable au précédent. Continuons notre
lecture rapide, et abordons le Lévitique. Il ne faut pas essayer de le
comprendre la première fois; vous n’y réussirez pas même à la centième, mais il
est aisé d’en grouper le contenu. Ainsi, des chapitres parlent des offrandes,
d’autres de la loi des offrandes; survient ensuite un incident; puis arrivent
les prescriptions hygiéniques, et ainsi de suite jusqu’à la fin du livre. A
travers toutes ces pages, nous apercevons l’image de Dieu et c’est là le
point principal. Une seconde opération de cette lecture rapide consiste à
réunir les différentes parties. Vous savez que l’ordre biblique n’est pas tout
à fait chronologique; les livres de la Bible ont plutôt été classés d’après la
matière qu’ils traitent. Nos esprits sont presque esclaves de l’ordre
chronologique; ceux des Orientaux en usaient plus librement. Ouvrez votre Bible
à la fin d’Esther et ensuite à la fin de Malachie. De la Genèse à Esther, c’est
la partie historique, tandis que la deuxième partie est poétique et prophétique.
Il y a évidemment de l’histoire dans la partie prophétique et des prophéties,
de la poésie dans la partie historique; mais, en gros, la première partie est
historique, la deuxième, poétique et prophétique. Les deux parties forment un
tout, néanmoins; la deuxième peut s’intercaler dans la première; elle en fut
retirée et mise à part lorsqu’on préféra la classification par genres à la
classification chronologique.
La
deuxième opération consistera à réunir, à introduire la poésie et la prophétie
dans l’histoire.
Faites ce
travail par vous-mêmes, comme s’il n’avait jamais été fait. En somme, il a été
fait mieux que vous ne pourrez le faire, car vous n’éviterez évidemment pas
certaines erreurs; sûrement vous serez embarrassés devant certains passages et
ne saurez où les situer. Qu’importe! Le but est de se pénétrer de la Bible,
d’en faire une partie de vous-mêmes; elle doit devenir os de vos os, chair de
votre chair, mentalement et spirituellement; il faut boire à sa source. De ce
travail sortira une nouvelle vision de Dieu, qui transformera radicalement le
lecteur pieux. Cherchez à obtenir le sens historique et, pour cela, prenez le
recul suffisant pour juger ce que tel ou tel fait signifiait pour ces gens,
lorsqu’il se produisit.
Continuez
cette étude à travers le Nouveau Testament, mais sans essayer de faire des
quatre Evangiles un seul récit, en en fondant tous les détails. Efforcez-vous
plutôt d’obtenir une claire vision de l’activité de Jésus pendant ces quelques
années, comme nous la font connaître les quatre évangélistes. Introduisez,
aussi bien que vous pourrez, les lettres de Paul dans le livre des Actes.
Vous vous
rendez compte que cette méthode n’est pas à employer un mois, ni même une
année, mais des années. L’étude limitée et l’étude textuelle découleront
naturellement de cette rapide lecture.
Et,
pendant que vous ferez connaissance avec ce livre classique merveilleux, vous
aurez sous les yeux le style le plus magique que nous possédions, et mieux
encore, vous introduirez dans vos âmes une conception de Dieu nouvelle, large,
profonde et touchante.
5. La
Bible, miroir qui reflète l’amour de Dieu
Il est
vraiment stupéfiant de voir quelle lumière projettent certaines pages quand
elles sont réintroduites dans leur place historique. Nous en avons un exemple #Ps
3:6: Je me couche et je m’endors; Je me réveille, car l’Eternel est mon
soutien;
J’ai reçu
mon instruction religieuse dans une vieille Eglise où l’on chantait ce Psaume.
Je le
savais par cœur. Enfant, je supposais que la nuit était venue et que David
dormait; il avait fait sa prière, était allé au lit, et dormait alors
paisiblement. Voilà ce que ces versets me suggéraient. Mais la première fois
que je fis cette lecture rapide à travers la Bible, mes yeux furent attirés,
comme le furent évidemment souvent les vôtres, par l’en-tête du Psaume:—Psaume
de David à l’occasion de sa fuite devant Absalom, son fils.
Sans
tarder, je revins au 2° livre de Samuel pour trouver le récit mentionné. Voici
le tableau que j’obtins: David, un vieillard à cheveux blancs, nu-pieds, est
accompagné de quelques serviteurs fidèles, et c’est Absalom, son fils favori,
qui vient à la tête des forces nationales pour s’emparer du royaume et de la
vie de son propre père. Cette nuit-là, le grand roi coucha sur la terre nue, ayant
pour toit le ciel étoile, et pendant qu’il cherchait le sommeil, il pouvait
presque entendre la marche pesante de l’armée qui, passant sur les collines,
guettait son trône et sa vie.
Une
question maintenant: Pensez-vous que vous auriez beaucoup dormi cette nuit-là?
Plus d’un, sûrement, serait resté tristement éveillé et aurait pensé toute la
nuit: «Pauvre homme que je suis, chassé de mon royaume, de ma maison, par mon
propre fils que j’ai aimé plus que ma vie!»
-Avouons
que nous n’aurions guère dormi.
David,
lui, parlant dans la suite de cette nuit d’angoisse, écrivit ces mots:
Je me
couche et je m’endors;
Je me
réveille (sous-entendu raffermi), car l’Eternel est mon soutien.
Eh lisant
ces vers, ma pensée fut alors celle-ci: Je n’aurai plus d’insomnies, car je me
confierai en Dieu.
Vous
voyez par cet exemple quelle leçon de confiance en Dieu découle de ce psaume
lorsqu’on le remet à sa place historique. Cette leçon, que je n’ai jamais
oubliée, me raffermit et me fortifia. Quel Dieu que Celui qui peut donner le
sommeil dans de telles circonstances!
Nous
avons une autre illustration de la même idée dans le Nouveau Testament. A la
fin de l’épître de Paul aux Philippiens, nous voyons que Paul est couché dans
la cellule humide d’une prison. Il fait nuit, il fait froid. Le dos du
prisonnier saigne des coups qu’il a reçus; ses articulations sont douloureuses
et ses pieds sont meurtris par les fers.
Mais ce
n’est là qu’une partie des circonstances historiques de cette épître; voici
maintenant le reste: Paul est prisonnier à Rome. S’il essaie de reposer son
corps en changeant de position, une chaîne fixée à ses chevilles lui rappelle
le soldat couché à ses côtés. Veut-il écrire un dernier mot d’amour à ses vieux
et fidèles amis, une chaîne retient son poignet, et c’est avec mille peines
qu’il réussit à écrire cette lettre aux Philippiens qui résonne encore du bruit
des chaînes.
Quel est
le mot qui, dans cette épître, reviendra plus souvent que tout autre?—Patience?
Assurément il serait de saison.—Endurance? Ce mot serait encore mieux
approprié. Toutefois, ce n’est ni l’un ni l’autre, mais bien plutôt un mot en
contraste absolu avec le décor qui entourait Paul. La souffrance est comme un
nuage qui ne sert qu’à faire ressortir l’éclat du soleil.—Joie, réjouissance,
allégresse! Voilà le cantique qui remplit cette lettre aux Philippiens. Quel
Maître admirable que ce Jésus qui inspire de telles paroles à son disciple
souffrant à cause de sa fidélité!
Chaque
fait, chaque événement que rapportent ces pages est un miroir qui reflète la
perfection de
l’amour
divin.
Parole
de Dieu, tu es mon appui
Pendant
mon long pèlerinage.
Avec
le sceptre d’or, je puis
Marcher
en paix dans mon voyage:
Tout
ce que mon Sauveur a dit
Est
immuable comme Lui.
Parole
du Père, tu es mon appui,
Toi
qui es si douce et si pure
Et
comme un invincible abri.
Tu
es très forte et très sûre,
Toi,
la charte de mon salut,
Sécurité
de tout élu.
Sainte
Parole, tu es mon appui;
La
vérité, seule éternelle
Tu
demeures quand tout finit,
Et
ta beauté est immortelle.
Jamais
tu ne me tromperas
Et
toujours tu me soutiendras! (D’après Frances Ridley Havergal.)
CHAPITRE
IV
La volonté de Dieu et la prière
1. Il
vint chez les Siens
Le but de
la prière, c’est l’accomplissement de la volonté de Dieu. Mais combien Dieu est
étranger dans Son propre monde! Nul n’est plus calomnié que Lui. Il descend
vers Ses créatures, mais elles Le laissent heurter à la porte, tel un pèlerin,
le bâton à la main, et elles L’observent avec méfiance.
Certains
d’entre nous se refusent à Lui confier pleinement leur vie et si la vraie
raison en était connue, on découvrirait qu’ils ont peur de Dieu. Ils ont peur
qu’il introduise quelque souffrance dans leur vie, quelque difficulté sur leur
chemin. S’ils ont peur de Lui, c’est tout simplement qu’ils ne Le connaissent
pas. La prière qui sortit du cœur de Jésus, en cette nuit tragique où il
veillait avec les onze, était celle-ci:
«Qu’ils
Te connaissent, Toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé,
Jésus-Christ.». {#Jn
17:3} Pour
comprendre la volonté de Dieu, il faut comprendre Son caractère, il faut Le
connaître Lui-même.
Il y a
cinq mots que nous employons tous les jours et qui peuvent nous aider à nous
faire une idée de Dieu; ce sont des mots familiers, d’un usage constant. Père
est le premier. Le père, c’est la force, mais la force dans l’amour. Un
père fait des plans pour les siens; il pourvoit à leurs besoins; il les
protège. Réfléchissez au meilleur père que vous ayez connu; revoyez-le en
pensée et dites-vous que Dieu est un père, mais qu’il est supérieur au plus
parfait des pères que vous puissiez imaginer; et que sa volonté pour votre vie
(je ne parle pas ici du ciel, ni de vos âmes) sa volonté pour votre vie,
ici-bas
sur la
terre, est la volonté d’un père pour ceux qu’il chérit.
Le
deuxième mot est un mot encore plus beau; c’est le mot de Mère. Si le
père incarne la force, la mère incarne l’amour, un amour grand, patient, tendre
et durable. Que ne ferait-elle pas pour l’enfant qu’elle aime? Pour qu’il vînt
au monde, elle descendit dans la vallée des larmes, et elle le fit avec joie,
les yeux brillant de la lumière de l’amour. Et cette épreuve, elle la subirait
à nouveau pour sauver la vie de son enfant. Voilà la mère! Pensez maintenant à
la mère la plus parfaite que vous connaissiez ces mots évoquent dans ma mémoire
des souvenirs bénis—puis souvenez-vous de ceci: Dieu est une
Mère,
seulement Il est plus parfait que la plus parfaite des mères.
Les
passages bibliques assimilant Dieu à une mère sont nombreux. «Sous ses ailes»
est une image féminine. La poule rassemble ses poussins sous ses ailes pour les
réchauffer et les protéger. Il est vrai que le mot mère n’est pas employé dans
la Bible pour Dieu. Je suppose que cela tient à ce que l’expression Dieu le
Père comprend aussi les qualités de la mère. Toute la force du père, tout le
splendide amour de la mère, sont compris dans le mot de Père quand il s’agit de
Dieu. Et sa volonté à notre égard est la volonté d’une mère, la volonté d’une
mère prudente et aimante pour son enfant bien-aimé.
Ami est le troisième mot; et par là je
n’entends pas le terme qu’aimablement et par politesse on applique à toutes
sortes de connaissances. Tupper dit que nous qualifions d’amis tous ceux que
nous ne considérons pas comme nos ennemis. Je prends le mot en un sens plus exact,
plus profond. L’ami c’est celui qui vous aime d’une affection désintéressée,
qui s’attache fermement à vous, sans penser à provoquer de la reconnaissance ou
même à se faire aimer en retour. Les Anglais ont un dicton qui dit: «Vous
pouvez remplir l’église de vos connaissances, mais vous ne remplirez pas les
sièges de l’estrade de vos amis.» Si vous réussissez à avoir dans votre vie un
ou deux vrais amis, vous êtes assurément très riches. Pensez maintenant au
meilleur ami possible, puis méditez cette parole: Dieu est un ami, seulement il
est meilleur que le meilleur des amis que vous puissiez connaître, et le plan
qu’il a conçu pour votre vie correspond en grandeur à la grandeur de son
amitié.
J’hésite
à employer le quatrième mot, et pourtant je puis le faire sans crainte d’être
mal compris. Mon hésitation provient de ce que le mot et ce qu’il implique ont
souvent un sens trop superficiel, et cela même dans la société sérieuse: c’est
le mot de fiancé. Il évoqué pour moi deux personnes qui se rencontrent et
qui, peu à peu, passent d’une simple connaissance à l’amitié la plus profonde;
cette amitié, à son tour, se transforme en un sentiment plus parfait, plus
sacré. Que ne ferait-il pas pour elle? Elle devient le nouveau centre de sa
vie; il baise le sol que ses pieds ont foulé; et elle, elle renoncera à la
richesse pour embrasser la pauvreté, pourvu qu’elle puisse vivre avec lui dans
les jours
à venir;
elle quittera parents et amis et se rendra aux extrémités de la terre pour
rejoindre celui qu’elle aime. Rappelez à votre souvenir les fiancés les plus
parfaits que vous connaissiez, et permettez-moi de dire avec tout le respect dû
à Dieu: Dieu est un fiancé, seulement Il est plus parfait que le plus parfait
des fiancés que vous puissiez connaître, et Sa volonté, Son plan pour votre vie
et pour la mienne est la volonté d’un fiancé pour celle qu’il chérit.
Le
cinquième mot ressemble au quatrième, mais sa signification est plus complète,
plus élevée c’est le mot époux. Epoux c’est le mot qui désigne les liens
les plus sacrés sur terre; c’est l’apogée de l’union. Chez les hommes,
toutefois, le mot d’époux n’est pas toujours plus beau que celui d’amant.
Quel
crime! Comment l’homme ose-t-il amoindrir les plans de Dieu? Comment ose-t-il
mépriser l’amande et préférer la coquille? Dans la pensée de Dieu, l’époux est
l’amant parfait. Il est tout ce que le meilleur amant peut être; plus encore,
car il est plus tendre, plus empressé, plus prévenant. Deux vies sont unies et
commencent à vivre une seule vie; deux volontés sont fondues en une seule; deux
personnes et pourtant une seule direction; c’est la dualité dans l’unité.
Evoquez le type le plus parfait d’époux que jamais femme de votre connaissance
ait eu, puis souvenez-vous que Dieu est un époux; seulement Il est infiniment
plus prévenant que le plus prévenant des époux que vous puissiez connaître, et
Sa volonté pour votre vie est la volonté, la sollicitude d’un époux pour l’amie
et la compagne de sa vie.
Maintenant,
que nul de vous ne choisisse un de ces mots et ne dise: «Celui-là me plaît.»
Que nul autre ne dise: «Cette conception de Dieu est conforme à mes idées.»
Nous diminuons Dieu par l’étroitesse de nos idées. Il faut accepter les cinq
mots, admettre le sens parfait de tous les cinq, et les unir ensuite tous pour
obtenir une idée exacte de l’Eternel, car Il est tout cela, et plus encore.
Vous
remarquerez que Dieu est si grand, que la définition de ce qu’il est nécessite
l’union de cinq qualités humaines. C’est un père, une mère, un ami, un fiancé,
un époux. A l’appui de cette thèse je n’ai avancé aucun livre, aucun chapitre,
aucun verset; mais vous savez que nous pourrions passer des heures ensemble à
lire les nombreux passages qui appuieraient mes cinq affirmations.
La
volonté de Dieu à notre égard, c’est de réaliser son plan si parfait; Sa
volonté pense au corps, à la santé, à la force corporelle, à la famille et à
ses préoccupations; elle s’applique à l’amitié, au choix du meilleur ami; elle
comprend le travail quotidien, la vie tout entière et la totalité des vies humaines.
Dieu a
pensé à tout cela, avec amour et avec prudence.
Une mère
prudente et avisée ne pense-t-elle pas aux besoins de son enfant, aux exigences
et aux attentions délicates qu’il réclame? Vous savez qu’il en est ainsi, et
telle est aussi la sagesse de Dieu.
2. Le
but unique de la prière
Le but de
la prière est donc d’obtenir que la volonté de ce Dieu si parfait se fasse dans
nos vies et sur la terre. La prière par excellence est celle-ci: «Que ta
volonté soit faite!» Elle peut être exprimée sous mille formes diverses,
accompagnée de mille détails différents, variant selon les circonstances, mais
ces cinq mots en seront toujours la base. Il n’y a rien de vraiment bon auquel
vous ayez pensé et que Jésus n’ait pas déjà prévu avant vous... en y ajoutant
probablement quelque chose de plus.
Sachez,
en outre, qu’il ne s’agit pas d’implorer Dieu à regret et de dire, en
soupirant: «Ta volonté soit supportée; elle est amère, mais je dois m’y
résigner en qualité de chrétien. Ta volonté soit supportée!» Non, pas cela, je
vous en prie, ce serait calomnier Dieu. Il existe chez beaucoup une croyance
superficielle qui charge le Créateur d’une foule d’accidents et de malheurs
dont Il n’est pas du tout responsable; au contraire, Il dirige tous ses
efforts, dans toutes les circonstances, en vue du meilleur résultat. Ah! s’il
n’était pas obligé de lutter contre ces volontés têtues et faussées que Lui
opposent les hommes! Avec infiniment de patience, d’habileté, de diplomatie, et
aussi de succès, Il travaille sans cesse à démêler l’écheveau de la vie humaine
embrouillé par la volonté do l’homme.
Il peut
être utile de nous souvenir que Dieu a deux volontés pour nous, une supérieure,
et l’autre inférieure. Il préfère toujours que sa première volonté soit
accomplie en nous; mais, lorsque nous n’atteignons pas cette hauteur, Il
descend jusqu’au point que nous avons atteint, et là travaille avec nous. Par
exemple, la première décision de Dieu pour Israël était d’être lui-même leur
Roi, car cette royauté devait mettre le royaume à part des autres pays. Hélas!
pour le plus grand chagrin de Samuel, plus encore de Dieu, les Israélites
demandèrent un roi qui vécût au milieu d’eux; et Dieu le leur donna. David le
berger, le psalmiste et le roi, fut un homme selon le cœur de Dieu et le Sauveur
du monde descendit de la lignée davidique. C’est ainsi que Dieu travailla au
niveau qu’Israël avait choisi et vous savez comment Il sut tirer parti des
conditions qu’on lui faisait. Quel travail ce fut! Toutefois, l’onction d’un
premier roi et cette succession de rois n’étaient pas dans le plan original de
Dieu; ce fut le résultat d’une deuxième décision prise, parce qu’Israël ne
voulait pas accepter la première; Dieu fait toujours pour nous le plus qu’il
peut faire par notre moyen.
Le
premier plan de Dieu à l’égard de nos corps est évidemment de doter chacun de
nous d’un corps robuste et sain; toutefois, il faut voir beaucoup plus haut que
cette question de santé. Voilà pourquoi, malgré la douleur qu’il en ressent
Lui-même, Il permet que la faiblesse et la maladie s’emparent de nous, car,
étant donnée notre volonté, les biens plus élevés ne peuvent être atteints que
par la souffrance. Mais quand la volonté humaine s’accorde avec la volonté de
Dieu et qu’ainsi une plus grande perfection peut être obtenue, Il fait
disparaître avec joie et empressement tout désavantage physique.
Deux
causes au moins modifient la première volonté de Dieu à notre égard:
En
premier lieu, notre consentement plus ou moins grand à Le laisser agir
librement.
En second
lieu, les circonstances particulières de la vie de chacun de nous. Chaque homme
est le centre d’un cercle de personnes, cercle toujours changeant; si donc nous
sommes unis à Dieu, Il peut parler, pour chacun de nous, à ce cercle qui nous
entoure. Nos expériences avec Dieu, et Sa manière d’agir à notre égard dans
toutes les circonstances de la vie, sont un message de Sa part à ceux qui sont
autour de nous. L’effort de Dieu porte sur ce point: gagner des âmes. Diplomate
hors ligne, tacticien admirable, il a néanmoins besoin de nous pour L’aider
dans Son oeuvre. Nous devons consentir pleinement à ce que Sa volonté soit
faite; mieux encore, nous devons être persuadés qu’il sait ce qu’il doit faire
en nous et par nous dans les circonstances où nous nous trouvons, Dieu est
économe; Il ne dilapide pas ses forces; Il les conserve pour le grand but qu’il
a en vue.
Dans
certains cas d’affliction, il peut y avoir de notre part une fausse soumission
à ce que nous supposons être sa volonté; il arrive que nous n’acceptions pas tout
ce qu’il a en vue pour nous. D’un autre côté, nous pouvons adresser à Dieu,
pour une chose désirable, une prière raisonnée, sur le conseil d’un ami.
Et par prière raisonnée, j’entends l’étude d’une déclaration de Dieu, son
explication probable par un frère plus expérimenté, la connaissance de certains
cas où un exaucement a été réclamé en s’appuyant sur cette déclaration, et
enfin la conclusion que nous devrions faire la même chose. Le malheur, c’est
que cette prière s’arrête à moitié chemin.
Prier par
l’Esprit, au lieu de prier par le raisonnement, c’est sans doute faire cette
déduction logique; mais c’est ensuite remettre tranquillement tout à Dieu pour
savoir quelle est Sa volonté à notre égard dans telle ou telle,
circonstance et au milieu des gens qu’il veut atteindre par nous.
L’Esprit
d’adoption
Il y a
dans l’épître aux #Ro 8:26-28, un passage remarquable sur la prière et
la volonté de Dieu:
«De même
aussi l’Esprit nous aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il
nous convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède
par des soupirs inexprimables, et Celui qui sonde les cœurs, connaît quelle est
la pensée de l’Esprit, parce que c’est selon Dieu qu’il intercède en faveur des
saints.»
Rapprocher
ces mots de ceux qui terminent le verset 15 (les versets 18 à 25 sont une
parenthèse): «Vous avez reçu un Esprit d’adoption par lequel nous crions: Abba!
Père!» C’est l’Esprit qui nous fait dire: Père; Père, c’est le cri de l’enfant,
c’est aussi le cri de la prière: l’Esprit nous aide donc à prier.
Notre
faiblesse consiste à ne pas savoir prier comme nous le devrions. Nous voulons
bien prier, il nous tarde même de le faire, cela est hors de doute, mais nous
ne savons pas comment prier, l’Esprit, lui le sait; il connaît parfaitement la
volonté de Dieu; il sait ce que nous devons demander dans toutes les
circonstances, et il est dans chacun de nous. Demeurant chez nous en qualité
d’Esprit de prière, il nous incite à prier. Il nous conduit dans la solitude où
nous pourrons plier les genoux dans le calme et la tranquillité. Où que nous
soyons, il nous pousse à prier. Ses pensées ne peuvent être exprimées par nos
lèvres, car elles ne correspondent pas à notre manière de penser. L’Esprit prie
avec une intensité qu’aucun langage ne peut exprimer. Et «Celui qui sonde les
cœurs» sait parfaitement ce que pense cet Esprit qui est en nous; Il comprend
sa prière silencieuse, car Lui et l’Esprit sont un. Il reconnaît Ses propres
intentions et Ses propres plans quand ils sont exprimés sur la terre, dans un
homme et par Son propre Esprit.
L’Esprit
d’adoption, qui habite en nous, exprime dans ses prières la volonté de Dieu. Il
nous enseigne la volonté de Dieu; il nous apprend à la formuler; il formule en
nous cette volonté divine. Il cherche à exprimer en nous la volonté de Dieu,
c’est-à-dire à prier pour le plan que Dieu a conçu, avant que nous ayons
clairement compris nous-mêmes quelle est cette volonté.
Il faut
veiller à ce que notre âme soit sensible aux directions de l’Esprit qui réside
en nous; et quand vient cet appel intérieur à la prière, lui obéir avec
fidélité. Que nous sachions ou non ce que notre demande doit être, prions sans
cesse, pendant que l’Esprit se sert de nous pour présenter sa propre prière.
La
meilleure prière que nous puissions’ souvent présenter pour un de nos amis ou
pour un sujet qui nous préoccupe, est de dire, après avoir exposé le cas aussi
bien que nous le pouvons: «Saint-Esprit, formule en moi ce que le Père désire
voir s’accomplir. Père, ce que l’Esprit formule en moi, c’est là ma prière au
nom de Jésus.
Que ta
volonté, ce que Tu désires, ce que Tu penses, puisse être fait complètement
ici-bas.»
4. Comment
connaître la volonté de Dieu
Nous
devrions faire une étude de la volonté de Dieu; nous devrions nous rendre habiles
à la connaître. Plus nous connaîtrons notre Père et plus aussi nous aurons
l’intelligence de Sa volonté.
On peut
dire que Dieu a deux volontés pour chacun d’entre nous, ou mieux que sa volonté
se compose de deux parties; il veut, d’une part, nous sauver; de l’autre,
diriger notre vie. La Bible nous montre qu’il veut notre salut: que nous serons
sauvés, sanctifiés, purifiés, et que bientôt nous serons glorifiés en Sa
présence. D’autre part, pour y parvenir, Il a conçu un plan particulier pour
chacun d’entre nous. Il a tracé le plan de chacune de nos vies; aussi
l’ambition la plus haute que nous puissions avoir est d’atteindre, de saisir ce
plan. Il nous le révèle petit à petit, au fur et à mesure de nos; besoins.
Lorsqu’on Lui consacre sa vie, Il! révèle quel service Il attend, où et quand
Il l’attend; dans la suite, Il rend facile chaque pas en avant.
La
connaissance de Sa volonté repose sur trois conditions, simples, il est vrai,
mais essentielles. Nous devons être en communion avec Lui pour que nous
soyons prêts à L’entendre. Nous devons nous réjouir de faire Sa volonté,
parce que c’est Sa volonté. Il faut insister surtout sur la dernière
condition. Après avoir observé les deux premières, beaucoup sont arrêtés par la
troisième. La voici: Sa parole doit avoir la liberté de discipliner le
jugement que nous portons sur Lui et sur Sa volonté.
Plusieurs
hésitent devant les deux premières conditions; mais un plus grand nombre
encore, malgré leur bonne volonté, sont arrêtés et démontés par la troisième:
c’est qu’ils n’ont pas un jugement discipliné sur Dieu et Sa volonté. Si nous
nous imprégnions, de la Bible dans un esprit de prière, notre jugement
en ressortirait plus lucide. Il nous faut acquérir une idée générale de la
pensée de Dieu, respirer Dieu Lui-même en lisant Sa parole. Dieu guérira dans
son jugement et dans ses pensées l’homme faible, c’est-à-dire celui qui consent
à abdiquer devant une volonté plus forte. {#Ps 25:9}
C’est le
point de vue de Jean dans le passage fameux de la première épître: {#1Jn 5:14-15} «Nous avons auprès de lui cette
assurance que, si nous demandons quelque chose selon Sa volonté, Il nous
écoute. Et, si nous savons qu’il nous écoute, quelque chose que nous
demandions, nous le savons, parce que nous obtenons ce que nous lui avons demandé.»
Ces mots concordent absolument avec ceux de l’épître aux Romains que nous
citions plus haut.
La
première condition est donc d’apprendre à connaître la volonté du Créateur sur
le sujet qui nous
occupe.
Ceci obtenu, nous allons de l’avant et prions avec hardiesse; car, si Dieu
désire quelque
chose et
que nous le désirions aussi, notre union est assurée d’un complet succès.
CHAPITRE
V
Pouvons-nous
prier avec assurance pour la conversion de ceux que nous
aimons?
1. Comment
Dieu pénètre dans une demeure.
Dieu
désire ardemment racheter le monde. Dans ce but, Il a donné son propre Fils,
Son unique, quoique le traitement subi par ce dernier déchirât son cœur de
Père. Dans ce but également, Il a envoyé le Saint-Esprit pour accomplir dans
les hommes ce que le Fils avait fait pour eux. Dans ce but encore, Il a confié
à l’homme la plus grande de toutes les forces, la prière, pour que nous
puissions devenir ses associés.
Toujours
dans le même but, Il a établi les liens de parenté et d’amitié. Il gagne des hommes
par les hommes. L’homme est le point d’arrivée et il est aussi le chemin; il
est le but visé et il est le moyen d’approche, soit du côté de Dieu, soit du
côté de Satan. Dieu ne veut pas pénétrer dans le cœur de l’homme sans son
consentement et Satan ne le peut pas, comme nous l’avons dit plus haut.
Dieu désirerait atteindre les hommes par les hommes et Satan ne peut pas les
atteindre autrement. Ainsi Dieu nous a unis par le lien le plus fort qui unisse
les hommes, le lien de l’amour, afin que nous puissions exercer une influence
réciproque les uns sur les autres. La parenté nous lie particulièrement à
l’homme et à la terre.
Quelques
personnes sérieuses et particulièrement délicates m’ont demandé parfois s’il
n’était pas égoïstes de s’inquiéter spécialement de ses propres parents, ceux
pour lesquels le cœur s’émeut le plus vite de tendresse et pour lesquels les
prières montent plus tendres, plus ardentes et plus fréquentes.—Mais si vous
ne priez pas pour eux, qui donc le fera? Qui peut prier pour eux
avec une ferveur aussi convaincue, aussi persistante que vous?—C’est justement
dans ce but que Dieu nous a établis dans des relations d’affection personnelle
et de parenté. Il nous unit les uns aux autres par les liens de l’amour pour
que nous puissions nous préoccuper les uns des autres. N’y eût-il qu’une seule
personne dans une demeure en contact avec Dieu, cette seule personne devient la
porte par laquelle Il pénétrera dans la famille entière.
Toute
relation crée une possibilité, et toute possibilité implique une
responsabilité. Plus étroites sont les relations, plus grandes sont aussi les
possibilités et partant la responsabilité.
Le
désintéressement n’exige pas que l’on s’exclue du salut soi-même et sa parenté;
il demande que l’on se mette à sa vraie place. L’humilité ne consiste pas à se
torturer, mais à s’oublier en pensant aux autres. Non seulement il n’est pas
égoïste de prier pour les siens, mais encore cette prière fait partie du plan
de Dieu. Nous sommes responsables surtout de ceux qui nous tiennent de près.
2. L’esclavage
d’un homme libre
La
question de savoir si nous pouvons prier avec assurance pour la conversion de
ceux que nous aimons est une de celles que l’on pose le plus souvent; il n’y en
a pas de plus capable de nous émouvoir. Je me souviens d’avoir parlé un jour
dans une église, sur ce sujet, de façon plutôt affirmative. A la fin de la
réunion, une dame que je savais être instruite et cultivée, et qui était de
plus une chrétienne, vint vers moi et me dit: «Je ne crois pas que nous puissions
prier de cette manière.—
Et
pourquoi? lui répondis-je. Elle se tut un instant, et l’agitation qu’elle
réprimait, mais que ses yeux et ses lèvres néanmoins révélaient, me disait
quelle lutte se livrait en elle; puis, tranquillement, elle me dit: «J’ai un frère,
ce n’est pas un chrétien. Le théâtre, le vin, le club, les cartes, voilà sa
vie. Et il se moque de moi. Je désirerais tellement le voir se convertir,
mais—et ici on reconnaissait son esprit décidé et son éducation première—je ne
crois pas que je puisse prier pour lui en toute franchise, car il est libre et
Dieu ne veut pas sauver l’homme contre sa volonté.»
Voici ce
que je lui répondis: «L’homme est libre autant qu’il s’agit de Dieu; il est
tout à fait libre, voilà ce qu’on ne cesse de répéter. Mais il est le plus
esclave des êtres dès qu’il s’agit de l’égoïsme et de l’opinion. Le but de
notre prière n’est pas de forcer ou de restreindre la volonté de l’homme; cela,
jamais; mais bien plutôt de l’affranchir des influences délétères qui le
tiraillent en tous sens. Il faut enlever de ses yeux la poussière qui les
aveugle et lui rendre la vue. Une fois qu’il sera libre, capable de bien juger,
de peser les choses sans parti pris, il est fort probable qu’il se servira de
son jugement pour choisir le droit chemin.»
Voici
quelle est la prière idéale que j’adresserais dans un tel cas; c’est une
adaptation des propres paroles de Jésus, et chacun peut l’offrir à Dieu en lui
ajoutant les détails qu’il désire: «Délivre-le du mal et opère en lui Ta
volonté pour lui, par Ton pouvoir et pour Ta gloire, au nom de
Jésus le
Vainqueur.»
Cette
prière s’appuie sur trois passages. Tout d’abord, #1Ti 2:4: «Dieu notre
Sauveur qui veut que tous les hommes soient sauvés.» C’est là la volonté de
Dieu pour ceux que vous aimez.
Deuxièmement,
#2Pi 3:9: «Ne voulant pas qu’aucun périsse, mais voulant que tous
arrivent à la repentance.» Telle est la volonté ou le désir de Dieu pour le cas
qui nous occupe en ce moment. Le troisième passage se rapporte à nous qui
prions; il nous dit qui peut adresser cette prière avec persévérance: «Si vous
demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous
voudrez, et cela vous sera accordé». {#Jn 15:7}
Il y a
dans la deuxième épître de Paul à Timothée {#2Ti 2:24-20} une déclaration qui illustre cette
idée: «Or il ne faut pas qu’un serviteur de Dieu ait des querelles; —ne pas
discuter, ne pas combattre—il doit avoir au contraire de la condescendance pour
tous, être propre à enseigner; prêt et habile à donner des explications, à aider—il
doit redresser avec douceur (ou instruire) les adversaires, dans l’espérance
que Dieu leur donnera de se convertir à la connaissance de la vérité, de
revenir à leur bon sens, d’échapper aux pièges du diable, qui s’est emparé
d’eux pour les soumettre à sa volonté.»
Le mot délivre,
tel qu’il est employé par Jésus dans la prière, cache un sens des plus
saisissants. Il signifie proprement arrache. Voici par exemple un homme
qu’on emmène captif et enchaîné. Il aime néanmoins son ravisseur et ne se
soucie nullement de sa condition. Notre prière pour lui sera dès lors:
«Arrache-le au Malin», et ce sauvetage aura lieu, car déjà Jésus a vaincu le
ravisseur.
Il est
absolument certain que nous pouvons assurer la conversion de ceux qui nous
tiennent de près, par cette prière. Faite au nom de Jésus, elle chasse l’ennemi
du champ de bataille qu’offre la volonté de l’homme et elle laisse celui-ci
libre de choisir sa voie.
Notons
une exception, une seule. Dans certains cas extrêmes, il arrive que nous ne
puissions nous servir d’une telle prière; mais c’est qu’alors l’esprit de
prière s’est retiré. De tels cas, il est vrai, sont rares; ce sont des cas
extrêmes, et, quand ils se présentent, il n’y a aucun doute à avoir à leur
égard; la situation est claire.
Je ne
puis m’empêcher d’exprimer enfin la conviction—je le fais contre mon gré et
préférerais pouvoir me taire—qu’il y a des gens sur cette pauvre terre qui sont
en état de péché, parce que quelqu’un a négligé de mettre sa vie en
contact avec Dieu et de prier.
3. L’endroit
où Dieu n’est pas
Cela dit,
je continue mon exposé pour en arriver à cette triste affirmation: Il y a un
enfer. Il doit y avoir un enfer. Cette déclaration, du reste, n’a besoin
d’aucun passage biblique pour l’étayer.
Philosophiquement,
il doit y avoir un
endroit méritant cette appellation qui évoque de si tristes associations
d’idées. C’est le nom qui désigne l’endroit où Dieu n’est pas, l’endroit où Il
rassemblera ceux qui persistent à L’exclure de leur vie. Exclure Dieu! Il ne
peut pas y avoir de pire enfer que celui-là! Dieu parti! L’homme livré à tous
ses penchants!
Je suis
persuadé que l’enfer n’est pas ce que certains hommes ont représenté. Ce
n’est pas ce tableau que je vis, enfant, et devant lequel je reculais terrifié.
Soyons prudents à son égard et n’en disposons pas, en pensée ou en parole, pour
telle ou telle personne que nous jugeons perdue. Quand elle est morte, le plus
que nous puissions faire est de la remettre à Dieu qui est infiniment juste et
personnifie l’amour.
Certaines
sectes ont inconsidérément disposé de l’enfer, et, de nos jours, il s’est
produit une réaction exagérée. Les deux extrêmes sont à éviter. Agissons avec
bienveillance et néanmoins avec franchise. Nous devons avertir les hommes en
toute sincérité. Nous connaissons les claires déclarations de la Bible d’après
lesquelles ceux qui préfèrent ignorer Dieu seront perdus. Ce sont eux qui, de
leur plein gré, ont choisi leur situation. Quant à nous, ne faisons pas de
personnalités, gardons le silence devant la tombe et occupons-nous des vivants.
Un jour,
à la fin d’une matinée où nous avions entretenu nos auditeurs de la Bible, une
jeune femme vint me prier de lui accorder quelques instants. Elle me parla d’un
ami, chrétien non pratiquant, pour qui elle avait beaucoup prié et qui était
mort subitement. Pendant les instants qui précédèrent sa mort, il était
inconscient et ainsi personne n’avait pu recevoir ses dernières confidences.
Cette femme était très émue en me racontant cela, et, pour finir, elle me dit:
«Il est perdu! Il est en enfer, et je ne pourrai plus jamais prier.»
Nous
causâmes quelques instants et voici les renseignements qu’elle me donna. Son
ami appartenait à une famille chrétienne, chez qui la Bible était en grand
honneur. Lui-même était un homme qui réfléchissait et qui menait une vie
droite. Il parlait à l’occasion de questions religieuses, mais jamais sa
conversation n’avait trahi une foi personnelle en Christ. Sa santé était
chancelante...
Tout à
coup vint la fin. J’appris encore que, des années durant, cette femme avait
prié pour sa conversion, qu’elle était une chrétienne convaincue et soucieuse
du salut de ses frères.
Dans ce
récit, nous nous trouvons en face de quatre faits: Cet homme savait comment
aller à Dieu; il réfléchissait; il n’avait jamais confessé ouvertement le
christianisme; enfin quelqu’un avait prié pour lui.
Peut-on savoir
quelque chose de sûr touchant cet homme? Il y a deux sortes de
connaissances: directe ou déductive. Je sais qu’il y a une ville qui s’appelle
Londres, car j’en ai parcouru les rues.
Voilà la
connaissance directe. Je sais qu’il existe une ville du nom de
Saint-Pétersbourg, car, quoique je n’y aie jamais été, je suis persuadé de son
existence par mes lectures, par les photographies que j’en ai vu, et par mes
amis qui y ont été. Voilà la connaissance déductive.
Pour ce
qui est de la destinée de cet homme après qu’il a été arraché à l’étreinte de
ses amis, je n’ai pas de connaissance directe; par contre, j’ai une
connaissance déductive très forte, parce que basée sur quatre faits. Trois de
ces faits, à savoir le premier, le deuxième et le quatrième, sont en faveur de
l’idée qu’il a dû être sauvé; le troisième n’est qu’une preuve dans aucun sens.
Le facteur dominant est le quatrième fait; c’est lui qui a le plus de poids
dans le jugement. Ce qui influe le plus, c’est la communion persistante avec
Dieu de cette personne qui pria avec foi jusqu’au moment où l’homme fut emporté
subitement. Ce fait, s’ajoutant aux autres, nous donne une ferme connaissance
déductive touchant cet homme, et cela suffit pour réconforter et renouveler la
foi dans la prière pour autrui.
4. L’homme
agent du salut des siens
Nous ne
pouvons pas lire dans la pensée d’un homme. Il est bien certain que, si, dans
la dernière minute de sa vie, une créature regarde en suppliant vers Dieu, ce
seul regard prouve que sa volonté est dirigée vers Dieu. Et cela est
parfaitement suffisant. Dieu attend impatiemment ce dernier regard; il est
avide de le voir. Il est hors de doute que plus d’une personne, au seuil de la
mort, a levé les yeux vers Dieu, alors que nous ne pensions pas qu’elle avait
sa connaissance et que, la voyant extérieurement inconsciente, les mouvements
de son être subconscient nous échappaient. On peut être inconscient à l’égard
de la vie extérieure et être néanmoins intimement conscient de la présence de
Dieu.
Lors
d’une autre réunion, je fus l’objet d’une autre confidence. Un homme d’esprit
mûr et de jugement avisé me parla d’un de ses amis. Cet ami n’était pas un
chrétien pratiquant. Or, un jour, il tomba d’un bateau; il plongea deux ou
peut-être trois fois; il fut pourtant sauvé et ramené à la vie. Il racontait
dans la suite avec quelle rapidité mille pensées, sa vie tout entière, se
présentèrent à son esprit. Il eut nettement l’impression qu’il était perdu, mais
il resta calme; il pensa à Dieu, il s’accusa de ne pas s’être confié en Lui, et
en pensée il implora Son pardon. L’avenir montra en lui un chrétien pratiquant
et convaincu. Ce simple exemple met en lumière toutes les possibilités de salut
que Dieu offre à l’homme, et souvent sans que d’autres puissent s’en douter.
Ces
paroles suffiront certainement à réconforter plus d’un cœur attristé, et de
plus elles nous inciteront à prier incessamment et avec foi pour ceux que nous
aimons, car le pouvoir de la prière est incommensurable. Dans tous les cas
semblables, soyez persuadés que la prière est toute puissante.
Mais
soyons prudents, très prudents ! Ne nous laissons pas entraîner trop loin,
car ce serait folie que de s’appuyer sur de telles affirmations pour résister à
un appel miséricordieux. Nous ne devons pas perdre une occasion d’avertir nos
frères, en toute charité, avec amour, mais néanmoins avec franchise, du danger
terrible de toujours renvoyer au lendemain quand il s’agit de Dieu. Telle
personne pourra être enlevée si subitement qu’elle n’aura pas le temps de
lancer un dernier regard vers les cieux, et même, si elle est sauvée, elle sera
responsable de sa vie devant Dieu. Il nous faut des hommes qui vivent pour
Jésus et gagnent des âmes à Sa cause; les récompenses, les préférences, les
honneurs dans le royaume des cieux dépendront de la fidélité que nous lui
aurons témoignée sur la terre. Qui donc désirerait être sauvé in extremis? Le
fait important que nous devons sans cesse avoir devant les yeux, c’est que nous
pouvons ouvrir à nos bien-aimés l’accès auprès de Dieu si seulement nous
redoublons d’efforts dans la bataille.
5. Préparant
les voies du Seigneur
Voyageant
une fois dans les Etats qui se trouvent au delà du Mississipi, je fus mis en
présence d’une illustration du pouvoir de la prière si typique, qu’elle me
frappa immédiatement et me fut dans la suite d’un grand secours pour comprendre
la prière.
Les faits
parlent plus que les images. Si on pouvait savoir ce qui se passe autour de
soi, que de surprises on aurait! Si nous pouvions saisir tous les faits
dont se compose un événement, les avoir dans leur pureté, et posséder le
jugement capable de les passer au crible et de les analyser, quels exemples
stupéfiants du pouvoir de la prière nous seraient révélés!
L’histoire
que je vais vous raconter a deux faces; nous étudierons tour à tour l’homme qui
fut transformé et la femme qui pria.
L’homme,
américain de naissance et d’éducation, vivait dans l’ouest des Etats-Unis. La
nature l’avait pour ainsi dire gratifié d’un corps de géant et d’une
intelligence spécialement brillante. Il exerçait la profession d’avocat. Encore
enfant, il avait décidé, s’il devenait chrétien, de se vouer à la prédication.
Hélas! il tourna au scepticisme; ses lectures furent toutes dirigées de ce
côté, et ce fut dans cet esprit qu’il exerça sa profession. Il représentait au
Congrès un des districts de son département, et le Congrès, à ce que je crois,
était à sa quatrième période.
L’expérience
que je raconte ici se produisit durant le Congrès où eut lieu le grand débat
Hayes- Tilden {1}, le Congrès le plus passionnant
qu’il y ait eu à Washington depuis la guerre civile. Ce n’était pas là un
moment bien choisi pour penser à Dieu. Lui-même me dit qu’il connaissait plus
ou moins tous les incrédules qui faisaient partie de la Chambre des
représentants, dite Chambre basse, qu’ils se voyaient beaucoup et se
fortifiaient réciproquement dans leurs idées par leurs conversations.
Un jour
qu’il était en séance à la Chambre des représentants, au milieu de la
discussion il eut la conviction que Dieu—ce Dieu en qui il ne croyait pas et
dont il niait l’existence—était tout près de lui, pensait à lui et
désapprouvait sa conduite à Son égard. Il se dit: «Voilà qui est absurde,
parfaitement ridicule. J’ai trop travaillé; je ne suis pas assez sorti; j’ai la
tête fatiguée. Je m’en vais faire quelques pas, prendre un peu le frais, et
tout de suite je retrouverai mes esprits.»
Ce qu’il
fit. Mais la conviction de la présence de Dieu ne fit que devenir plus intense;
chaque jour elle s’imposait à lui avec une force plus grande. Des semaines
passèrent. Il décida de rentrer chez lui pour s’occuper d’affaires
particulières et prendre quelques mesures en vue de sa candidature comme
gouverneur de son département. Et, autant que je puis le savoir ou juger de ces
matières, les affaires marchaient à merveille; sa candidature prenait corps. Le
parti auquel il appartenait avait la majorité, et en général le candidat qu’il
choisissait était agréé par le peuple.
Il rentra
donc chez lui. A peine eut-il pénétré dans la maison qu’il apprit que sa femme
et deux de ses amies s’étaient unies dans la prière pendant des mois et que
leur but avait été sa conversion. Immédiatement il pensa à la curieuse
expérience qu’il avait faite à Washington et son intérêt fut éveillé. Désirant
toutefois ne pas révéler cet intérêt, il demanda négligemment quand avaient
commencé ces réunions quotidiennes. Sa femme lui donna la date. Il fit alors un
rapide calcul. «J’eus alors, me dit-il, l’intuition immédiate que la date qu’on
me donnait devait s’accorder exactement avec le jour où cette conviction de la
présence de Dieu se produisit en moi.»
Cette
coïncidence le frappa vivement. Homme loyal envers lui-même, il savait que la
seule preuve d’un fait de ce genre, la seule preuve d’un tel résultat obtenu
par la prière, devait entraîner en lui un changement complet. D’où une lutte
intérieure terrible. Avait-il été dans l’erreur durant toute sa vie? Il
retournait la question en tous sens, l’examinant comme un avocat qui veut
établir une preuve.
«Comme
honnête homme, me dit-il, j’étais obligé d’admettre les faits, aussi aurais-je
pu me donner à Christ ce soir même.»
Quelques
jours plus tard, il s’agenouillait dans une réunion tenue à l’Eglise méthodiste
et abdiquait sa forte volonté devant celle de Dieu. Le désir de son enfance
réapparut. Chrétien, il devait prêcher l’Evangile. Et comme Paul, il transforma
complètement sa vie. Depuis cette époque, il n’a cessé de prêcher Christ
ressuscité.
Voyons
maintenant la deuxième phase de cette histoire, le côté intérieur. Nous y
trouvons une leçon admirable.
Sa femme
était chrétienne depuis des années déjà; sa conversion datait d’avant son
mariage. Quelques conférences auxquelles elle assista dans son Eglise
l’amenèrent à se donner plus complètement encore à Jésus-Christ et elle retira
de cette consécration une nouvelle expérience de la présence et du pouvoir du
Saint-Esprit. Elle fut prise d’un intense désir de voir son mari se convertir,
et ce désir, elle en fit part à deux de ses amies qui se joignirent à elle dans
une prière journalière et persévérante.
Comme
elle priait dans sa chambre, ce fameux soir, elle fut prise d’une grande
détresse en pensant à son mari et en priant pour lui. Elle était si troublée
qu’elle ne trouvait aucun repos; enfin elle se leva, s’agenouilla près de son
lit et pria. Comme elle était à genoux, plongée dans la prière, elle entendit
en elle une voix qui disait: «Veux-tu en supporter les conséquences?» Elle
tressaillit. Une telle chose était nouvelle pour elle. Elle ne savait ce que
cela signifiait. Sans y faire attention, elle se remit à prier. Mais de nouveau
la même voix tranquille chuchota à son oreille: «Veux-tu en supporter les
conséquences?» Effrayée, elle se remit au lit pour dormir, mais le sommeil ne
vint pas. Et de nouveau elle se mit à genoux, et de nouveau elle entendit cette
voix calme et tranquille.
Alors,
avec un sérieux qui révélait l’agonie qu’elle traversait, elle s’écria:
«Seigneur, je veux supporter toutes les conséquences qui peuvent survenir, si
seulement mon mari peut être amené à Toi.» Aussitôt l’angoisse disparut; une
douce paix l’envahit et le sommeil ferma ses paupières. Elle pria des semaines,
elle pria des mois, patiemment, incessamment, jour après jour. L’angoisse avait
disparu et une douce paix remplissait son âme; elle avait l’assurance que sa
supplication serait exaucée.
Quelles
furent pour elles les conséquences de cette conversion? Elle était femme de
député; elle allait être, autant qu’on peut en juger, la femme du gouverneur du
département, atteindre le haut de l’échelle sociale. Elle est maintenant
l’épouse d’un pasteur méthodiste, forcée de changer de demeure tous les trois
ou quatre ans, suivant que son mari est appelé dans telle ou telle localité.
Quelle différence de situation! Aucune femme n’est insensible aux différences
sociales; toutefois, j’ai rarement vu femme plus belle et plus heureuse, de
cette beauté et de ce bonheur que procure la paix de Dieu.
Sentez-vous
la simple conclusion qui se dégage de ce récit? Le consentement de la femme
donna à Dieu l’occasion de pénétrer la volonté du mari. Quand le chemin fut
libre, sa prière fut une force spirituelle traversant instantanément des
centaines de kilomètres et modifiant par sa présence l’atmosphère spirituelle.
Et nous,
ne mettrons-nous pas notre volonté en contact avec celle de Dieu? ne
plaiderons-nous pas sans cesse pour ceux que nous aimons? «Délivre-le du mal,
accomplis en lui Ta volonté pour lui, par Ton pouvoir et pour Ta gloire, au nom
de Jésus le Vainqueur.» Puis disons: «Amen, ainsi soit-il.» Non pas: «que cela
puisse être ainsi; ce n’est pas un désir, mais «ainsi soit-il», c’est-à-dire
confiance absolue dans le pouvoir de Jésus-Christ. Et ces vies seront
gagnées, ces âmes seront sauvées.
{1} Hayes était candidat républicain à la
présidence de 1876; Tilden était candidat démocrate. Une commission électorale
nommée à ce sujet eut à trancher le conflit. Hayes fut nommé. Note du
traducteur.)
QUATRIÈME PARTIE COMMENT JÉSUS PRIAIT
CHAPITRE
PREMIER
Simple Esquisse
Quand
Dieu voulut regagner le monde prodigue, Il envoya un Homme. Cet Homme, quoique
plus qu’un homme, affirmait qu’il était vraiment homme. Sur chaque point, il
était en contact avec la vie humaine, et aucun homme ne semble avoir mieux
compris la prière, ni avoir prié comme il fit.
Comment
donc pourrions-nous mieux conclure ces entretiens sur la prière qu’en nous
groupant autour de sa personne et en étudiant sa manière habituelle de prier?
Une
habitude est un acte répété si souvent qu’on l’accomplit inconsciemment,
c’est-à-dire sans qu’une nouvelle décision de l’esprit ait à intervenir.
Jésus
priait, il aimait à prier. La prière, parfois, était pour lui un repos. Il
priait tellement et si souvent que cet acte devint une partie de sa vie; il priait
en quelque sorte comme il respirait.
Il n’y a
rien qui nous importe plus que de savoir prier. Nous pouvons nous instruire de
deux manières: ou par l’enseignement d’autrui, ou par l’observation. La dernier
moyen est le plus simple et le plus sûr. Comment pouvons-nous mieux apprendre à
prier qu’en observant Jésus et en essayant de l’imiter? Non pas en étudiant ce
qu’il disait de la prière, si importantes que soient ses déclarations à
ce sujet; ni en considérant comment il recevait les requêtes des hommes pendant
qu’il était sur la terre, malgré les enseignements que nous pouvons en tirer
touchant Son attitude actuelle en face de nos prières; mais en observant
comment Lui-même priait, quand il était dans les mêmes circonstances entouré
par les mêmes tentations que nous.
Les
Evangiles et les Psaumes sont les deux parties de la Bible auxquelles nous nous
adresserons immédiatement pour obtenir la lumière. Dans les Evangiles, nous
sommes mis en présence, du côté extérieur des habitudes de prière de
Jésus, et, dans certains Psaumes, nous avons quelques aperçus du côté intérieur;
ils sont peu nombreux, mais positifs.
Si nous
prenons d’abord les Evangiles, nous y trouvons comme une esquisse de la manière
de prier de Jésus. Cette esquisse est faite en quelques coups de plume, une
ligne ici, une ligne là; il suffit parfois d’un seul mot ajouté par un écrivain
au récit des autres pour mettre graduellement en lumière les traits d’une
personne solitaire, les yeux levés au Ciel.
Parmi les
quinze mentions que les Evangiles font de la prière de Jésus, il est
intéressant de noter que Matthieu en donne trois, Marc et Jean chacun quatre;
c’est Luc, le compagnon et l’ami de Paul qui nous fournit les plus nombreux
renseignements.
Pour le
dire en passant, cela n’explique-t-il pas cette autre esquisse que nous
distinguons nettement dans les épîtres de Paul et où l’apôtre nous révèle sa
magnifique vie de prière?
Matthieu,
plongé dans les textes hébreux, parle aux Juifs du roi davidique qui leur a été
promis. Marc, à la plume rapide, transmet l’activité incessante du Christ, cet
admirable serviteur du Père. Jean dépeint le Fils de Dieu venant porter à la
terre un message d’En-Haut; puis il nous Le montre quittant la terre et
retournant dans la demeure paternelle. Luc, par contre, insiste sur le côté
humain de Jésus-Homme, Jésus, un des nôtres. Et le Saint-Esprit, au travers de
tout le récit de Luc, nous fait sentir que l’Homme-Jésus’ priait, qu’il priait
beaucoup, qu’il avait besoin de prier, qu’il aimait à prier.
Et nous,
vivant sur la terre, envoyés dans le monde avec la même mission que celle qu’il
reçut de son Père, dans le même champ d’activité, pour combattre le même
ennemi, dotés de la même force que donne le Saint-Esprit, ne comprendrons-nous
pas que notre force consiste à vivre dans le plus étroit contact avec Celui qui
nous a envoyés, et complètement à l’écart du monde?
CHAPITRE
II
Coup
d’œil révélateur sur la vie de prière de
Jésus
Examinons
rapidement, dans l’ordre chronologique, les quinze mentions fournies par les
évangélistes.
La première
se trouve dans Luc III Les trois autres Evangiles nous parlent du baptême
de Jésus, mais c’est Luc qui ajoute «pendant qu’il priait.» Ce fut pendant
qu’il priait qu’il reçut le don du Saint-Esprit. Il n’osait pas
commencer sa mission publique sans cette onction qui avait été promise dans les
écrits prophétiques. Maintenant il est dans les eaux du Jourdain; il attend et
il prie jusqu’à ce que le ciel s’ouvre et que l’Esprit descende sur lui, sous
forme d’une colombe, pour habiter en lui. La prière est une source de
pouvoir; elle est elle-même une puissance. Lorsqu’on prie, on est
fort. Prier, c’est entrer dans une telle union avec le Divin, que sa puissance,
comme un courant électrique, puisse arriver jusqu’à nous sans perte et sans
interruption.
La deuxième
mention est faite par Marc, au chapitre premier. Luc» au chapitre quatre,
fait allusion au même fait. «Dès que le jour parut, il sortit et alla dans un
lieu désert.» Marc, plus explicite, nous dit au verset 35: «Vers le matin,
pendant qu’il faisait encore très sombre, il se leva, et sortit pour aller dans
un lieu désert, où il pria.» Il avait passé toute la journée précédente dans la
ville qu’il affectionnait particulièrement, à Capernaüm. Il avait été occupé
tout le jour au service de son Père, enseignant dans la synagogue et guérissant
un démoniaque qui l’avait interrompu; puis il avait guéri la belle-mère de
Pierre, et le soir on lui avait amené tous les malades et les démoniaques.
Pendant une partie de la nuit, en passant au milieu d’eux, en les touchant
simplement, il avait guéri ceux qui souffraient et délivré les possédés.
Journée remplie et harassante s’il en fut.
A sa
place, après une pareille journée, nous aurions ressenti le besoin de prolonger
notre sommeil, car enfin il faut se reposer. Mais Jésus semble avoir eu, en
plus du sommeil, un autre moyen de se reposer. Cette; nuit-là, il occupait
probablement la chambre d’ami dans la demeure de Pierre et la maison se
réveilla à l’heure habituelle. Le déjeuner fut préparé, mais on attendit pour
se mettre à table que le Maître parût. Au bout de quelques minutes, la servante
se rendit à la chambre de l’hôte et heurta légèrement. Pas de réponse. Elle
heurta de nouveau et enfin entrouvrit la porte... et trouva la chambre
inoccupée, «Où est donc le Maître? dit-elle.—Je crois que je le sais, répondit
Pierre. J’ai remarqué que souvent il sortait le matin pour gagner quelque
endroit tranquille où il peut être seul.»
Pierre et
ceux qui étaient avec lui se mirent alors à sa recherche, car déjà toute une
foule affamée de miracles remplissait la rue. Ils le cherchèrent donc ici et
là, au flanc des collines, dans les bosquets d’arbres, et finirent par le
découvrir priant avec calme dans la tranquillité. Ecoutez alors le cri
impatient de Pierre: «Maître, la foule est grande, et tous te réclament», et
mettez en opposition la réponse nette et calme du Maître: «Allons ailleurs,
dans les bourgades voisines, afin que j’y prêche aussi; car c’est pour cela que
je suis venu.» Il eût été plus facile de retourner à Capernaüm et d’avoir de
nouveau affaire à la foule du jour précédent, que d’affronter le scepticisme de
localités nouvelles; mais, pour Jésus, il n’y a aucun doute sur ce qui doit être
fait. La prière éclaircit merveilleusement la vision; elle raffermit les nerfs;
elle définit le devoir; elle renforce la volonté; elle assouplit et fortifie
l’esprit. Plus ses journées étaient chargées, et plus il était fidèle au
rendez-vous qu’il avait avec Dieu le jour suivant; plus son départ pour cette
rencontre avec son Père était matinal, {#Esa 50:4} plus il dépensait de force, plus il laissait rayonner de
puissance, et plus aussi il devait passer de temps seul à seul avec
Celui de
qui découle toute puissance.
Nous
trouvons la troisième mention de la vie de prière de Jésus dans Luc V
C’est peu de temps après la scène que nous venons de décrire, et peut-être lors
de ce voyage dont Jésus parlait à Pierre.
Dans une
de ces nombreuses bourgades galiléennes, ému de cette compassion qui
remplissait toujours son cœur, il avait guéri un cas avancé de lèpre, et le
malade, sans s’occuper de l’ordre exprès qu’il avait reçu de Jésus, avait si
largement publié sa guérison miraculeuse, que de grandes foules barraient le
chemin à Jésus. Il résolut alors de se rendre dans la campagne. La multitude
qui remplissait le village l’y suivit. Voyez maintenant ce que le Maître
faisait: il se retirait dans les déserts et priait. Cette parole n’indique pas
un acte isolé, mais une action habituelle, pratiquée des jours et des
semaines durant. Obligé à cause de l’immensité de la foule de se retirer dans
la solitude et, malgré ses efforts, poursuivi jusque dans sa retraite, il avait
moins l’occasion d’être seul; il en ressentait toutefois un impérieux
besoin; aussi, pendant que patiemment il continue son admirable travail, il
recherche chaque occasion d’échapper de temps à autre à la foule et de prier.
Comme sa
vie ressemblait à la nôtre! Sollicités par nos devoirs, par notre activité, par
les besoins de ceux qui nous entourent, nous sommes fortement tentés de
consacrer peu de temps à la méditation. «Cet ouvrage doit être fait,
pensons-nous, bien que parfois il trouble et agite les minutes que nous donnons
à la prière».—Non! proclame l’expérience du Maître. Non, ne mettez pas le
travail à la première place, comptant sur la prière pour le bénir mais placez d’abord
la prière: notre activité bénie d’avance par la prière n’en acquerra que
plus de force. Plus le monde extérieur cherchait à envahir sa vie privée, et
plus Jésus défendait l’heure de sa prière et le calme de son âme. Plus son
esprit était tendu, et plus il donnait de temps à une prière que rien ne venait
troubler.
Luc nous
fournit la quatrième allusion; au chapitre VI, verset 12: «En ce
temps-là, Jésus se rendit sur la montagne pour prier, et il passa toute la nuit
à prier Dieu». Ceci se passe environ au milieu de la seconde année de son
ministère. Il venait de faire des expériences décevantes avec les chefs
spirituels de la Judée qui épiaient ses pas, critiquaient ses actes et jetaient
des semences de scepticisme chez les Galiléens, gens à l’esprit simple et
absolu. C’est le jour qui précède le choix des douze disciples et le Sermon sur
la montagne. Luc ne nous dit pas que Jésus avait l’intention de passer toute la
nuit en prière. L’esprit fatigué par les traits incessants et la haine
infatigable de ses ennemis, pensant au travail si sérieux qui l’attendait le
jour suivant, il sentit qu’il n’avait qu’une chose à faire. Il savait où
trouver le repos, une douce compagnie, une présence apaisante et un sage
conseil.
Dirigeant
ses pas vers le nord, il rechercha la solitude de la montagne pour y méditer et
pour prier. Et comme il priait, comme il écoutait et parlait sans même ouvrir
les lèvres, la lumière du jour fit place au crépuscule et bientôt les étoiles
brillantes de l’Orient s’allumèrent. Et toujours il priait, pendant qu’à ses
pieds l’ombre s’épaississait et qu’au-dessus de sa tête le bleu du ciel
devenait plus intense; le calme bienfaisant de Dieu enveloppa la nature et
remplit l’âme du Christ d’une paix profonde. Fasciné par la présence adorable
de son Père, il perdit toute notion de la fuite des heures, mais pria, pria
jusqu’à ce que peu à peu la nuit fût écoulée. L’Orient s’empourpra, le sol de
la Palestine, parfumé de la rosée d’une nuit orientale, se réchauffa au soleil
renaissant. Et alors «quand le jour parut»—c’est ainsi que continue le
récit—«Il appela ses disciples et il en choisit douze; il descendit avec eux et
s’arrêta dans une plaine où se trouvait une foule d’autres disciples et une multitude
de gens... et il les guérissait... et il les enseignait... car une force,
sortait de lui». Y a-t-il là quelque chose d’étonnant après cette veillée
d’armes? Si nos émotions, si nos inquiétudes étaient suivies de prière, si nos
décisions et nos paroles étaient précédées d’une calme prière, quel pouvoir
sortirait également de nous! Car il n’y a pas de différence entre ce qu’il
était dans ce monde et ce que nous sommes.
La cinquième
mention d’une prière de Jésus se trouve dans Matthieu IV et Marc VI Jean y
fait allusion au chapitre sixième de son Evangile. C’était au début de la
dernière aimée de son ministère.
Lui et
ses disciples avaient été très occupés par les foules incessantes qui se
groupaient autour d’eux. Ils venaient d’apprendre la fin tragique du
Précurseur. Un repos physique s’imposait dans ces circonstances, aussi bien
qu’un temps de calme, pour réfléchir aux obstacles que dressait l’opposition,
alors à son apogée. Montant dans un bateau, ils se dirigèrent vers la rive est
du lac. Mais la foule avide surveillait leurs mouvements et reconnaissant la
direction qu’ils avaient prise, ils contournèrent le lac, coururent
littéralement après eux et même les devancèrent. Quand Jésus sortit de la
barque, comptant prendre ce repos si nécessaire, il y avait là sur la rive des
milliers d’hommes qui l’attendaient.
Les
disciples manifestèrent-ils quelque impatience en voyant qu’ils ne pouvaient
pas même avoir un moment de repos? C’est fort probable et nous pouvons le
présumer. Mais Jésus «fut ému de compassion» et, tout fatigué qu’il fût, il
passa patiemment toute la journée à enseigner, et le soir, quand les disciples
proposèrent de renvoyer la foule à cause du manque de nourriture, à l’aide de
quelques pains et de quelques poissons il rassasia cette foule de cinq mille
personnes et plus.
Il n’y a
rien qui ait frappé davantage les peuples de tout temps et de tout pays que
cette puissance de fournir des vivres en abondance. Des milliers de gens
s’endorment chaque soir ayant faim; c’était le cas ce jour-là. Aussitôt un fort
courant populaire se dessina dans cette multitude; ils voulaient mettre à leur
tête ce chef admirable et secouer le joug des Romains. Ils pensaient que si
seulement Jésus consentait, le succès était sûr.
Cette
manifestation ne se rapproche-t-elle pas étonnamment des propositions que Satan
lui avait faites dans le désert? C’était bien une tentation, alors même qu’elle
ne trouvait aucun écho en lui.
Avec
l’influence étonnante que sa présence exerçait parfois, il calma le mouvement
et força {1} les disciples à monter dans la
barque et à passer avant lui de l’autre côté pendant qu’il renvoyait la foule.
«Quand il l’eut renvoyée, il s’en alla sur la montagne et continua de prier
jusqu’au matin.» Une seconde nuit passée en prière! Fatigué physiquement,
l’esprit frémissant à l’approche d’un événement qu’il pressentait déjà, sa mort
tragique, il a de nouveau recours au remède infaillible: la solitude et la
prière. C’est par elles en effet qu’il surmonte toutes les difficultés,
triomphe des tentations et pare à tous les besoins. Combien nous, ses disciples
d’aujourd’hui nous nous rendons peu compte du temps
que
consacrait à la prière cet Homme qui la comprenait et la pratiquait si bien!
{1} Ce mot énergique n’indiquerait-il pas
qu’il y a peut-être eu une entente entre les disciples et les chefs
révolutionnaires
CHAPITRE
III
Dans
l’ombre grandissante
Nous
comprendrons probablement mieux les autres exemples de prière que nous allons
citer, si nous nous souvenons que Jésus est maintenant dans la deuxième année
de son ministère, et que ses rapports avec les chefs du peuple ont atteint cet
état aigu qui précède la rupture finale. L’ombre terrible de la croix assombrit
toujours plus son chemin; la haine du diable croît, elle aussi, de plus en plus
en intensité. Les qualités nécessaires pour être un de ses disciples sont mises
en relief par les circonstances; l’incapacité de la foule, de ses disciples et
d’autres gens encore, à le comprendre, apparaît clairement. Beaucoup de ceux
qui s’étaient donnés à lui reculent maintenant, et Jésus s’efforce de trouver
plus de temps pour entretenir les douze. Nous le voyons se rendre dans des
lieux éloignés du centre de la vie juive et même franchir les frontières du
pays avoisinant. Les épreuves et
les
expériences à venir—et spécialement la scène qui aura pour théâtre une petite
colline hors des murs de Jérusalem—semblent ne pas quitter ses pensées.
Le sixième
passage nous est fourni par Luc IX Jésus et ses disciples sont dans le nord
du pays, dans les environs de la ville romaine de Césarée. «Un jour que Jésus
priait à l’écart, ayant avec lui ses disciples...» A l’écart, c’est-à-dire loin
de la foule curieuse. Il semble que Jésus veuille rendre plus intime le contact
entre sa vie intérieure et celle des douze. Il semble aussi qu’il ait voulu
essayer de leur communiquer ce même amour pour la solitude et la prière qui
remplissait son cœur. Peut-être aussi qu’il voulait simplement accroître cette
belle et profonde camaraderie qu’il avait inaugurée avec ses disciples. Il
prenait plaisir à l’amitié sincère, telle que la pratiquaient Pierre, Jacques
et Jean, Marthe et Marie, et d’autres encore. Or, il n’y a pas d’amitié qui
puisse se comparer à l’union dans la prière.
«Il est une place où les esprits
s’unissent,—Où l’ami s’unit à son ami; —Une place plus que tout autre
propice.—C’est le jardin de la miséricorde—Qui fut acheté au prix du sang.»
La septième
allusion se trouve au même chapitre IX et mentionne une troisième nuit de
prière. Matthieu et Marc parlent aussi de la transfiguration, mais c’est Luc
qui nous déclare que Jésus monta sur la montagne pour prier et que ce
fut comme il priait que l’aspect de son visage changea. Sans nous
arrêter à étudier le but de cette merveilleuse manifestation de sa gloire
divine à ces trois disciples seuls, à l’heure où l’abandon et la haine se
faisaient le plus sentir, qu’il nous suffise de noter que ce changement se
produisit pendant qu’il priait. Transfiguré pendant qu’il priait. Et, à
ses côtés, se tenaient Moïse et Elie, qui, des siècles auparavant, avaient
passé des heures nombreuses seuls avec Dieu. La glorieuse lumière qui émanait
de la présence de Dieu transfigurait son visage, sans qu’il en fût
conscient. Transfiguré par le contact avec Dieu! Nous, à qui le Maître a dit:
«Suis-moi», n’irons-nous pas aussi avec Lui et Sa divine parole, le visage
découvert, c’est-à-dire l’esprit dégagé des préjugés et de l’égoïsme, pour que,
contemplant dans un miroir la gloire de Sa face, nous soyons de plus en plus
transformés en la même image. {#2Co 3:18}
Nous
trouvons la huitième mention dans Luc X Jésus avait choisi un certain
nombre de disciples et les avait envoyés deux à deux dans tous les lieux où
lui-même devait aller. Ils étaient revenus avec de joyeuses nouvelles, parlant
du pouvoir qui les avait assistés dans leur travail. Se tenant au milieu d’eux,
le cœur débordant de joie, il leva les yeux comme s’il voyait la face du Père
et il manifesta l’allégresse qui remplissait son âme. Il paraissait être
toujours conscient de la présence paternelle et pour lui c’était chose toute
naturelle que de Lui parler. Ils étaient toujours assez proches pour
s’entretenir et leur entretien n’avait pas de fin.
La neuvième
mention est contenue dans le onzième chapitre de Luc; elle ressemble
beaucoup à la sixième: «Jésus priait un jour en un certain lieu. Lorsqu’il eut
achevé, un de ses disciples lui dit: «Seigneur, enseigne-nous à prier.» Ses
disciples, sans doute étaient des hommes de prière, et Jésus avait dû les en
entretenir souvent. Mais, remarquant quelle place considérable la méditation
occupait dans la vie de leur Maître et quels merveilleux résultats en étaient
la conséquence, le fait qu’il y avait dans la prière un pouvoir extraordinaire,
un secret important dont ils étaient ignorants, s’imposa à eux avec
force. Ils pensèrent qu’ils ne savaient vraiment pas comment il fallait prier;
d’où leur demande.
Cette
requête, plus que toute autre, dut réjouir Jésus. Enfin, ils prenaient
conscience du pouvoir secret caché dans la prière.
Puisse
cette simple revue des prières de Jésus avoir le même effet sur chacun de nous,
nous pousser à rechercher la solitude avec Dieu et à Lui faire cette même
sérieuse demande. Le premier pas pour apprendre à prier est de s’écrier:
«Seigneur, enseigne-moi à prier.» Et qui mieux que Lui pourra nous l’enseigner?
Le dixième
passage se trouve dans Jean XI; c’est la deuxième des quatre supplications
instantes de Jésus. Toute une société est réunie près du village de Béthanie,
au bord d’une tombe dans laquelle, depuis quatre jours, repose le corps d’un
jeune homme. Marie est présente; elle pleure. Marthe est là aussi, maîtrisant
son émotion. Elles sont entourées de quelques amis personnels, d’habitants du
village et de connaissances venues de Jérusalem. Sur l’ordre de Jésus, après
quelques hésitations, la pierre de la tombe est roulée de côté. Et Jésus,
levant les yeux, s’écrie: «Père, je te rends grâce de ce que tu m’as exaucé.
Pour moi, je savais que tu m’exauces toujours; mais je parle ainsi à cause de
la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé.»
Avant de
se rendre à la tombe, Jésus, évidemment, avait prié en secret pour la
résurrection de Lazare, et ce qui suivit lut la réponse à sa supplication.
Comme ce
fait rend manifeste que le merveilleux pouvoir révélé dans la brève carrière du
Christ eut pour source la prière!
Quelle
liaison extraordinaire entre sa vie active, universellement admirée, alors et
depuis, et sa vie intérieure dont nous n’avons que des lueurs passagères! Le
plus grand pouvoir confié à l’homme est sans contredit celui de la prière. Mais
combien parmi nous sont infidèles à la confiance qui leur est témoignée, en
n’utilisant pas ce pouvoir étrange placé entre leurs mains.
Remarquez
aussi l’entière confiance de Jésus en Dieu qui écoute sa prière: «Je te rends
grâces de ce que tu m’as exaucé.» Rien de visible n’étayait cette certitude. Au
contraire, car le corps était dans la tombe depuis quatre jours déjà. Mais
Jésus était confiant, comme voyant Celui qui est invisible. La foi est aveugle
aux choses de la terre; elle ne peut voir que le ciel. Elle est aveugle aux
impossibilités et sourde au paroles de doute. Elle n’écoute que Dieu; elle ne
voit que Sa puissance et agit en conséquence. La foi ne consiste pas à croire
que Dieu peut, mais qu’il veut. Une telle foi ne peut résulter
que d’une union constante avec le Père, et sa source c’est la chambre close, le
temps mis à part, la Bible; de plus, il faut une oreille attentive et un cœur
apaisé pour l’amener à son développement.
Le
douzième chapitre de Jean nous donne la onzième mention. Deux ou trois
jours avant le fatal vendredi, quelques Grecs, venus pour assister à la Pâque
juive, recherchèrent une entrevue avec Jésus. Cette démarche semble avoir
évoqué en lui une vision du monde des Gentils pour lequel son cœur brûlait si
vivement et qui venaient à lui pour obtenir ce que lui seul, pouvait donner. Au
même instant, une autre vision, lugubre celle-là, traversa la première, une
vision qui n’était jamais absente de ses pensées, celle de la croix. Reculant
d’horreur devant elle, sachant toutefois que la première ne pouvait se réaliser
que grâce à cette suprême épreuve, il s’écrie, oubliant pour un moment ceux qui
l’entouraient, se parlant à lui-même: «Maintenant mon âme est troublée. Et que
dirai-je?... Père, délivre-moi de cette heure!... Mais c’est pour cela que je
suis venu jusqu’à cette heure; voici ce que je dirai—et ici le conflit intense
qui se livrait dans son âme se termine par la complète victoire de sa volonté
soumise—«Père, glorifie ton nom!» Et aussitôt que la prière fut
prononcée, une voix vint du ciel: «Je l’ai glorifié et le glorifierai encore.»
Comme le Ciel doit être près de nous! Comme le Père entend rapidement! Il doit
être sans cesse attentif à nos prières, impatient de saisir fût-ce le plus faible
murmure qui s’échappe de nos lèvres.
Les
spectateurs de cette scène, assourdis par les bruits de la terre, inaccoutumés
à entendre les voix célestes, ne purent rien comprendre du tout, mais Lui avait
une oreille exercée. #Esa 50:4 (passage éminemment prophétique) nous
suggère comment il se fait que Jésus pouvait comprendre cette voix si
facilement et si rapidement: «Il éveille, chaque matin, Il éveille mon oreille,
pour que j’écoute comme écoutent les disciples.»
Pour
prier, il est aussi nécessaire de savoir entendre que de savoir parler. Pour
l’un comme pour l’autre, l’entretien matinal avec Dieu est chose essentielle.
CHAPITRE
IV
Sous
les oliviers
Le douzième
passage se trouve dans Luc XII C’est le jeudi soir de la semaine de la
Passion.. Jésus et ses disciples sont réunis à Jérusalem, dans la chambre
haute, et là, ils célèbrent la vieille fête de Pâque, instituant en même temps
la nouvelle Pâque chrétienne. Mais cette heure consacrée elle-même est troublée
par l’égoïsme des disciples. Jésus, avec la patience et l’amour qui le
caractérisent, leur donne cet admirable exemple d’humilité que relate le
treizième chapitre de Jean. Il leur explique avec douceur ce qu’il attend de
ses disciples et, se tournant vers Pierre, qu’il interpelle par son ancien nom,
il lui dit: «Simon, Simon, Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le
froment. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point.» Il avait
prié spécialement pour Pierre. Voici aussi une de ses habitudes de prière:
prier pour les autres, et cette habitude bénie, il ne s’en est pas départi. Il
est capable de sauver jusqu’à la fin ceux qui s’approchent de Dieu par son
intermédiaire, car il vit toujours pour intercéder pour eux. Assis
maintenant à la droite du Père, dans la gloire, il prie pour chacun de ceux qui
se confient en lui.
La treizième
mention est bien connue. Elle est contenue dans le chapitre XVII de Jean.
Ce chapitre renferme les dernières paroles de Jésus au monde. Du chapitre XIII
à la fin du dix-septième, nous trouvons Jésus seul avec ses disciples.
Lorsqu’on lit cette prière avec attention, on découvre que Jésus s’appuie sur
la certitude que son oeuvre sur la terre est terminée (quoique la scène
principale soit encore à venir); désormais il va rentrer en la présence de Son Père
et être réinstallé à nouveau dans Sa gloire. Cette prière nous donne une idée
de la prière qu’il adresse maintenant pour nous, de sa prière en qualité
d’Intercesseur ou de Grand-Prêtre. Pendant trente ans, il a vécu une vie de
perfection; pendant trois ans et demi, il a parlé aux hommes de la part de
Dieu; depuis dix-neuf siècles, il est un Grand-Prêtre parlant à Dieu au nom de
l’humanité. Lorsqu’il reviendra, il sera Roi et gouvernera les hommes au nom de
Dieu.
Le quatorzième
texte nous amène dans les limites sacrées du jardin de Gethsémané, un des
endroits que Jésus affectionnait tout particulièrement pour prier. Cette scène
est relatée dans Matthieu XXVI, Marc XIV et Luc XXI
Approchons-nous
avec le plus profond respect de cet endroit, car c’est un lieu saint. La scène
se passe également le jeudi, mais un peu plus tard; cette journée avait été
extraordinairement remplie et pourtant elle devait être encore fertile en
incidents. Après l’entretien de la chambre haute et la prière si simple et si
magnifique que Jésus y prononça, le Maître conduit ses disciples hors de la
ville; ils passent le Cédron rapide et boueux et pénètrent dans le bosquet
d’oliviers qui le domine. Jésus ne devait pas dormir cette -nuit-là. Dans une
heure ou deux, les soldats romains et la populace juive, conduits par le
traître, allaient venir le chercher. Jésus entendait donc passer dans la
prière les instants qui lui restaient.
A cause
de ce besoin de sympathie qui apparaît si fort durant ces derniers mois, il
prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et se retire dans la partie la plus
sombre du jardin; et c’est là qu’eut lieu ce combat intérieur étrange et
terrible. Il semble que ce soit le renouvellement du conflit qu’il eut à subir {#Jn 12} lorsque les Grecs vinrent le
trouver; mais ce fut infiniment plus douloureux. Lui qui se savait sans tache,
il commençait maintenant à éprouver dans son esprit ce qu’il allait éprouver en
fait dans quelques heures, à savoir qu’il allait être fait péché pour nous.
Et cette effrayante vision s’empare de
lui avec
une force si terrible qu’il semble que son corps ne supportera pas l’effort de
cette agonie mentale. L’épreuve, qu’il subit réellement le jour suivant,
produisit une agonie telle que ses forces physiques l’abandonnèrent. En effet,
il ne mourut pas des souffrances physiques qu’il endura, si atroces
fussent-elles; mais son cœur se brisa sous l’effet de sa souffrance intérieure.
Il n’est pas possible à une âme pécheresse de juger avec quelle crainte et avec
quelle horreur l’âme pure de Jésus vit s’approcher le moment où il allait
entrer en contact avec le péché d’un monde entier.
Silencieusement,
pleins d’un saint respect, nous suivons cette forme solitaire à travers les
arbres; parfois il est à genoux; par moments, il se jette la face contre terre et
reste étendu sur le sol. Il priait, demandant que, si c’était possible, cette
heure pût passer loin de lui. Un fragment de cette prière parvient à nos
oreilles: «Abba, Père, toutes choses Te sont possibles. S’il est possible que
cette coupe s’éloigne de moi! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que Tu
veux.» Nous ne savons combien de temps il resta en prière, mais la tension de
son esprit était si grande qu’un ange lui apparut pour le fortifier. Ensuite,
«étant en agonie, il priait instamment, et la sueur devint comme des grumeaux
de sang, qui tombaient en terre.» Quand, enfin, il se relève, après ces
instants de lutte et de prière si intense, la victoire semble être remportée,
et quelque chose du calme d’autrefois réapparaît sur ses traits. Il se rend
vers les disciples endormis; soucieux de les préparer à l’épreuve suprême, il
leur recommande de prier; puis il retourne dans la solitude, toujours pour
prier; mais le changement qui s’opère dans sa prière nous révèle qu’il a
remporté la victoire intérieure: «Mon Père, s’il n’est pas possible que cette
coupe s’éloigne sans que je la boive, que Ta volonté soit faite!» La victoire
est complète; la crise est passée. Il s’abandonne à cette épreuve terrible qui,
seule, peut faire aboutir l’adorable plan de rédemption de Dieu pour un monde
qui, sans cela, périrait. De nouveau Jésus retourne vers ses pauvres disciples
si faibles; puis il regagne encore la solitude pour se fortifier davantage dans
la communion avec son Père. Voici maintenant les torches qui brillent dans les
ténèbres et qui lui disent: «L’heure est venue!» Le pas ferme, une paix
merveilleuse illuminant son visage, il va au-devant de ses ennemis.
C’est
ainsi qu’il surmonta la plus grande crise de sa vie de prière.
Vient
enfin la quinzième et dernière mention. Des sept paroles que Jésus
prononça sur la croix, trois sont des prières. Luc nous dit que, pendant que
les soldats enfonçaient les clous dans ses mains et ses pieds et pendant qu’ils
dressaient la croix, lui, le Christ, ne pensant même pas à lui, mais aux
autres, s’écria: «Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font.»
C’était à
l’heure du sacrifice du soir, à la fin de cette étrange période de ténèbres qui
jetèrent leur voile sur la nature entière, après un silence de trois heures, qu’il
jeta ce cri déchirant: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-Tu abandonné?» Un peu
plus tard, un cri triomphant montra que sa tâche était accomplie, et ses
dernières paroles furent une prière qu’il prononça dans la paix, avant de
rendre l’âme: «Je remets mon esprit entre Tes mains.»
Ainsi son
dernier souffle fut encore une prière.
CHAPITRE
V
Dernier
coup d’œil sur la vie de prière de Jésus
Pour
clore cette étude, je pense qu’il sera utile au lecteur d’avoir un tableau
d’ensemble de ces différents passages.
1. Heures
de prière de Jésus.
—Il
semble qu’il ait consacré habituellement les heures du matin à la méditation et
à la prière; c’est alors qu’il venait chercher la volonté de Son Père. Cette
idée est suggérée par #Mr 1:35 Esa 50:4-6; à rapprocher de #Jn 7:16
8:28 12:49.
Outre ces
heures régulières, il recherchait toutes les occasions de prier et priait
chaque fois qu’il en sentait particulièrement le besoin, jusque tard dans la
nuit quand tous dormaient. Trois fois il resta en prière toute la nuit. Remarquez
qu’il choisissait un moment tranquille, l’heure où les voix de la terre se
taisaient. Il passait aussi dans la prière les heures qui précédaient ou qui
suivaient des événements importants.
(Voir
mentions 1, 2, 3, 4, 5, 10 et 14).
2. Lieux
de prière.
—Celui
qui disait: «Entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père en secret»
n’avait lui-même pas de chambre où il pût se retirer pour prier. Sans foyer
pendant les trois ans et demi de ses courses incessantes, sa place favorite
était un lieu abandonné, le désert, les montagnes, un endroit solitaire. Il
aimait la nature. Le sommet de la colline qui dominait le village de Nazareth,
les coteaux qui s’étageaient au-dessus du lac de Galilée étaient des endroits
qu’il affectionnait particulièrement. Et remarquez que c’était toujours un lieu
tranquille, à l’abri des sons discordants de la terre.
3. Il
était toujours en prière.
—Son
esprit était sans cesse plongé dans la méditation. Il pouvait être seul au
milieu d’une foule. On a dit qu’il y a trois sortes de solitudes: celle due au
temps: les premières heures du matin ou toutes celles de la nuit; celle due au
lieu: un sommet, une forêt, une chambre close; et enfin la solitude d’esprit,
grâce à laquelle un homme, entouré d’une foule, peut se sentir seul et rester
plongé dans sa méditation. Jésus recherchait et trouvait ces trois solitudes,
pour parler avec son Père.
(Voir
mentions 8, 10, 11 et 15).
4. Il
priait dans les grandes crises de sa vie.
—Cinq
exemples nous en sont donnés: 1° Avant la terrible bataille que Satan lui livre
dans le désert; 2° avant de choisir les douze chefs qui poursuivraient son
oeuvre; 3° au moment où la Galilée se détache de lui; 4° avant son départ de la
Galilée pour la Judée et Jérusalem, et enfin 5° à Gethsémané, la plus grande
crise de toutes. (Voir mentions 1, 4, 5, 7 et 14).
5. Il
priait pour d’autres
—Il
priait pour d’autres par leur nom, et il continue de le faire. (Voir mention
18).
6. Il
priait avec d’autres.
—C’est
une habitude dont nous devrions nous inspirer davantage. Quelques minutes
consacrées à la prière avec des amis, des collègues, calment étonnamment
l’esprit, cimentent les amitiés, aplanissent les difficultés et facilitent la
solution des problèmes les plus ardus. (Voir mentions 7, 9, 12).
7. Les
plus grandes bénédictions de sa vie vinrent pendant la prière.
—Les
Evangiles nous fournissent six faits à ce sujet: Pendant qu’il priait, 1° le
Saint-Esprit descendit sur lui; 2° Il fut transfiguré; 3°, 4°, 5° par trois
fois une voix du Ciel se fit entendre pour l’approuver, et enfin, dans son
heure de plus grande détresse, un messager du Ciel vint pour le fortifier.
(Voir mentions 1, 7, 11 et 14).
Quelle
puissance la prière était pour Jésus! Non seulement c’était une habitude
régulière mais c’était sa ressource toutes les fois qu’il avait une décision
à prendre, importante ou non. Quand il était préoccupé, il priait; quand
le travail l’accablait, il priait. Quand il avait besoin de compagnie,
il la trouvait dans la prière. Il choisissait ses aides à genoux. Etait-il
tenté, il priait; critiqué, il priait. Etait-il fatigué de corps
ou d’esprit, il avait encore recours à son remède infaillible, la prière. Elle
lui donnait un pouvoir sans bornes et maintenait cette puissance intacte
durant toute son activité. Il n’y avait pas d’événement, de difficulté, de
nécessité, de tentation qu’il ne surmontât grâce à la prière, telle qu’il la
pratiquait.
Et nous,
qui avons ainsi suivi pas à pas sa vie de prière, ne voulons-nous pas méditer
ces passages à nouveau jusqu’à ce que nous respirions l’esprit de prière qui
s’en dégage et ne lui demanderons-nous pas, nous aussi, de nous enseigner jour
après jour comment prier? Et enfin n’essaierons-nous pas d’être seuls avec lui,
à heures régulières, pour lui donner l’occasion de nous enseigner et pour avoir
ainsi l’occasion de mettre en pratique son enseignement? Dieu veuille que tel
soit le désir de chacun de nous!
UNE
DÉLIVRANCE MIRACULEUSE {1}
Dieu
n’est jamais la cause d’aucune de nos déceptions. Il ne l’a jamais été; Il ne le
sera jamais; Il ne peut pas l’être. Cela ne veut pas dire que nous n’ayons
jamais de déceptions. Nous connaissons trop la vie pour nous faire des
illusions à ce sujet. Mais cela veut dire que nos déceptions ne viennent pas de
Dieu; au contraire, elles viennent malgré Lui. Et Il en souffre autant que
nous, plus peut-être. Dieu ne manque jamais à sa Parole; Il y est absolument
fidèle. La promesse d’un banquier est loin d’offrir autant de garanties, car
une banque peut faire faillite, mais Dieu pas. L’Ecriture ne peut être
anéantie. {#Jn
10:35} Jusqu’ici
rien n’a pu l’ébranler. Dieu veille attentivement sur sa Parole et n’en laisse
pas effacer un iota. {#Jer
1:12 Mt 5:18 24:35}
La vraie
prière est toujours efficace. Elle ne peut pas échouer, parce qu’elle s’appuie
sur Dieu et sur sa Parole. Je parle ici, notez-le bien, de la vraie prière,
car on emploie trop souvent le mot prière d’une façon superficielle et on lui
fait désigner bien des choses qui ne sont pas vraiment des prières.
La prière
est en elle-même une chose fort simple. C’est la demande de quelque chose dont
on a besoin, demande faite par un cœur sincère, s’appuyant sur les promesses de
la Parole de Dieu et se réclamant du sang de Jésus. {#Ap 12:11} C’est là une chose toute simple. Sa
puissance, pour autant qu’elle dépend de l’homme, réside dans sa simplicité
même. Cette prière-là ne demeure jamais sans réponse. Elle est toujours
exaucée; elle ne peut pas ne pas l’être. Le ciel et la terre passeraient avant
qu’une vraie prière reste sans effet.
On ne peut
guère se représenter qu’à la suite d’un événement extraordinaire et vraiment
invraisemblable, la Banque d’Angleterre soit obligée un jour de suspendre ses
paiements, ou que le gouvernement de Washington ne puisse plus faire face à ses
engagements. Et, pourtant, des catastrophes analogues se sont déjà produites.
Mais que Dieu permette qu’un de ses enfants, après avoir placé sa confiance en
Lui, soit déçu, cela est impossible, pour autant du moins que cela dépend de
Lui. Sa Parole est sûre et ne peut faillir.
Le jour
où se produiront les tremblements de terre prédits dans l’Apocalypse, les
chèques, les billets de banque, les actions garanties par l’Etat, les valeurs
«de toute sécurité» n’auront pas plus de valeur que le papier sur lequel ils
sont imprimés. Tandis que pas une lettre de ce vieux Livre qu’on nomme la Bible
ne sera atteinte, pas une parcelle de la puissance de Dieu ne sera amoindrie.
Il n’y aura pas de baisse dans ses trésors, ses actions seront plus haut que
jamais.
La vie de
tous les jours se charge d’illustrer cette vérité. Il arrive encore à notre
époque des histoires aussi frappantes que celle de la veuve de Sarepta dont la
provision de farine ne s’épuisait jamais. {#1Ro 17:8-16} En maint endroit ignoré de la terre,
Dieu montre sa fidélité à ceux qui ont à la fois assez de simplicité et assez
de force pour se confier en Lui et pour gravir l’âpre sentier de la foi.
J’ai
appris dernièrement un fait de ce genre; je veux le raconter ici, tout
simplement, tel qu’il m’a été révélé. Je ne le considère pas, d’ailleurs, comme
un fait exceptionnel; il me semble plutôt qu’il est conforme à la manière dont
Dieu agit à l’égard de ceux qui mettent leur confiance en Lui. {#Ge 22:16-18 Jn 2:24,25}
Bien des
fleurs cachent modestement leur beauté et leur suave parfum sous un épais
feuillage. Le muguet recherche les coins ombragés. Les fleurs les plus belles
ne se trouvent pas dans les vitrines des magasins; elles ne sont découvertes
que par ceux qui les cherchent dans la douce retraite des vallées ou dans la solitude
de la montagne. La vérité, elle aussi, est modeste et réservée. Et il y a, si
j’ose dire, une exquise modestie en Dieu. Il parle à l’humanité par le soleil
radieux, par le ciel étoile, par la pluie bienfaisante et la fraîche rosée.
Mais il ne se révèle vraiment qu’à ceux qui sortent de la foule et qui
s’approchent de Lui. C’est à ceux qui cherchent la communion du cœur avec Lui
et à ceux-là seuls qu’il fait connaître les profondeurs de son amour. {#Ps 25:14 Jn 15:15}
L’histoire
que je vais raconter est celle d’une femme qui menait une existence tranquille
dans un coin retiré du monde. Nous y verrons la pauvreté spirituelle du milieu
dans lequel elle vivait; le courage avec lequel elle s’efforça de remédier à
cette misère; la détresse par laquelle elle passa lorsque l’Adversaire
harcelait et torturait son âme; enfin, l’inébranlable fidélité de Dieu. Car
tout l’enseignement de ce simple récit est là: Dieu est fidèle. {#1Co 10:13} Il ne peut pas manquer à sa Parole.
La prière est toujours exaucée.
Je vous
rapporte cette histoire comme elle s’est présentée à moi, car je vois, dans les
circonstances mêmes à travers lesquelles elle m’est parvenue, une action
directe de Dieu. J’ai été conduit, nettement conduit à la découvrir. Cela fait
comme une introduction à mon récit.
Je me
trouvais à Stockholm, un soir d’hiver, parmi tout un cercle de chrétiens réunis
à table. Nous revenions d’une réunion et, pendant le repas, nous nous faisions
part de nos expériences touchant la bonté du Seigneur. Une dame de la société
en vint à raconter, en se faisant traduire, une expérience peu commune faite
par une de ses amies en Finlande.
Il
s’agissait d’une femme qui avait à payer une traite faussement surchargée, pour
des bois de charpente employés à la construction d’une petite chapelle. Elle
n’avait pas assez d’argent, et tous ses efforts pour se procurer la somme
nécessaire avaient échoué; la justice allait intervenir; tout à coup, pendant
qu’elle priait, la somme, contenue dans une petite boîte, se mit à augmenter et
devint suffisante pour payer la traite. Telle était l’histoire, en résumé. Elle
frappa vivement tous les auditeurs.
Un tel
fait, de nos jours, paraissait chose inouïe. Aussi les plus sérieux et les plus
avisés parmi nous ne craignirent-ils pas d’exprimer quelque doute. On doutait,
non pas que Dieu puisse faire une chose pareille, mais que l’histoire fût
exactement rapportée. On se demandait si, dans sa joie, cette femme ne se
serait pas trompée; si un ami ne lui serait pas venu en aide à son insu; si
elle avait l’habitude de tenir des comptes; si la boîte était bien fermée. Il
s’agissait sans doute d’une femme sincère, mais très impressionnable. C’est
ainsi que questions et remarques allaient leur train.
En
entendant ce récit, puis les commentaires, je me dis que, si l’histoire était
vraie—et l’amie qui nous la racontait et qui connaissait personnellement la
femme en question, en semblait absolument convaincue—on devait la garder
secrète jusqu’au jour où l’on aurait les moyens d’en vérifier l’exactitude,
mais que lorsqu’on pourrait en faire la preuve, il y aurait lieu de la publier,
et de la publier hautement. Depuis lors, ma femme et moi, nous nous mîmes à
présenter chaque jour la chose à Dieu, lui demandant, si le fait était exact,
de nous permettre de visiter un jour cet humble village de Finlande et de
m’accorder le privilège de prêcher dans la petite chapelle.
Plusieurs
mois s’écoulèrent; à la fin du même hiver, je reçus un appel de Finlande, mais
ne pus l’accepter, étant déjà engagé ailleurs pour la date qu’on me fixait. Un
peu plus tard, on me demanda, de façon pressante, de me rendre l’été en
Finlande, et cette fois j’eus la joie de pouvoir accepter. Mais c’était sur la
côte sud de la Finlande, à une longue distance—douze heures de trajet—du
village où la chose s’était passée. Cependant ma prière quotidienne permit à
Dieu d’accomplir son plan.
Peu de
temps après, me trouvant à Christiania pour des réunions, je fus invité à la
Conférence annuelle des Eglises libres de Finlande. Le nom de la localité où
elle devait se tenir m’était totalement inconnu. Aussi nous nous hâtâmes, ma
femme et moi, de nous rendre à un bureau de renseignements et de consulter une
carte. Nous vîmes avec une réelle émotion, que c’était tout au nord de la
Finlande et que nous devrions juste passer par le village que nous désirions
tant connaître.
Comme la
date de cette conférence suivait de près celle des réunions que je devais avoir
en Finlande, il nous sembla que nous étions dirigés par une main invisible, que
l’histoire devait être vraie et que Dieu désirait le faire connaître, à nous et
à d’autres. Mais je persistai à garder le secret absolu.
C’est
alors que je reçus une lettre de la personne qui avait fait cette remarquable
expérience et avec laquelle j’avais correspondu pendant l’hiver. Elle me disait
qu’elle était déléguée à cette conférence des Eglises libres et m’invitait à
prendre part à des conférences régionales qui devaient avoir lieu la semaine
d’après dans le village qu’elle habitait. Enfin je fus invité à des cours de
vacances d’une Université finlandaise, cours qui avaient lieu à deux heures de
ce même village.
Lieux et
dates, tout s’accordait à merveille. Mon émotion s’accrut. Je sentais qu’il y
avait là un plan de Dieu et que j’étais dans la main d’un Guide invisible. Il
allait me faire rencontrer cette femme, m’amener dans son village, dans sa
maison, et jusque dans la petite chapelle qui était comme un témoin et un
monument de cette merveilleuse délivrance. J’avais demandé à Dieu que, si ce
voyage en Finlande et en Norvège était conforme à sa volonté, il le montrât en
en réglant lui-même le cours.
Or, aucun
itinéraire n’avait jamais été aussi satisfaisant que celui-là. Tout y
concordait à merveille, l’heure des trains et l’heure des réunions, comme si
tout avait été arrangé d’avance. En trois semaines, je pus ainsi assister à
cinq congrès annuels, réunissant des chrétiens de toutes les parties de la
Finlande et des auditoires très différents. J’appris dans la suite que l’amie à
laquelle la chose était arrivée avait, de son côté, demandé à Dieu de faire
connaître au loin la délivrance qu’il lui avait accordée, afin que sa fidélité
fût glorifiée. Puis, lorsqu’elle apprit que je venais en Finlande, elle pria
pour que les portes me fussent largement ouvertes, mais évita de faire quoi que
ce soit elle-même, pour que la volonté de Dieu et sa puissance en fussent plus
manifestes. On voit que nos prières furent admirablement exaucées.
Nous
avions également demandé à Dieu de nous faire trouver un bon interprète. En
effet, je ne pouvais arriver à une claire intelligence de l’événement que si
j’avais, pour me l’expliquer, une personne parlant à la perfection l’anglais et
le suédois. Or, c’était très difficile. D’abord, parce que les bons interprètes
sont très rares; ensuite, parce que les habitants de cette région ne parlent
que le finnois, qui est la langue des sept huitièmes des Finlandais environ. Il
fallait donc trouver un interprète capable de parler couramment le finnois et
l’anglais pour nos réunions et, de plus, pour notre histoire, le suédois,
langue maternelle de la personne que nous allions visiter.
Tout
s’arrangea de telle sorte que la réponse à nos prières n’aurait pas pu être
plus satisfaisante. L’une des personnes qui m’avait traduit à la Conférence de
l’Eglise libre se trouvait être en relations avec notre amie. C’était une
maîtresse d’école de la capitale de la Finlande, et elle réunissait à un rare
degré les qualités intellectuelles et spirituelles qu’il faut pour bien
traduire. Le finnois était sa langue maternelle; elle avait appris le suédois
dans son enfance et parlait l’anglais avec toute la facilité désirable. J’ai
appris dans la suite qu’elle était bien connue pour ses aptitudes à
l’enseignement, son habileté à traduire, son sérieux comme chrétienne. Quoique
j’aie eu d’excellents interprètes, je n’ai jamais été traduit avec autant de
ferveur, d’amour et d’intelligence. Cette dame était en vacances et eut
l’amabilité de mettre à ma disposition le temps dont elle disposait. J’ai un
peu anticipé sur les événements, afin de mettre en pleine lumière la façon dont
Dieu m’a guidé dans toute cette affaire.
C’est
avec une singulière émotion et un profond sentiment de la présence de Dieu que
nous nous rendîmes en Finlande, aux différents endroits où nous étions
attendus. Jamais je n’oublierai ces trois semaines passées en Finlande. Si
jamais je me suis senti au pouvoir de la volonté de Dieu, c’est pendant ces
jours-là. Il se dégageait des réunions une calme et irrésistible puissance.
C’était comme un courant qui m’entraînait, et pour avoir de la puissance, je
n’avais qu’à rester dans le courant.
Nous
trouvâmes donc notre amie, et nous nous rendîmes ensuite dans son village situé
dans l’intérieur du pays, à deux heures de chemin de fer de la côte de la mer
Baltique; nous arrivâmes enfin dans sa modeste demeure et jusque dans la petite
chapelle dont l’histoire nous parlait en termes si admirables de la fidélité de
Dieu.
L’endroit
qu’elle habite n’est pas à proprement parler un village, c’est un embranchement
important de lignes de chemin de fer se rendant en Russie. Nous avions environ
deux jours devant nous avant les réunions suivantes, pour nous entretenir avec
notre nouvelle amie et pour entendre son histoire
C’est une
directrice des postes, une femme d’âge moyen, d’apparence modeste, dont le
visage bon et patient racontait toute une vie de pénible labeur et de
dévouement. Son frère était un ministre de la vieille Eglise nationale, à Abo,
la vieille cité épiscopale du centre de la Finlande. Elle y avait passé son
enfance et sa jeunesse; le père de sa mère était médecin. Elle-même était
depuis plus de vingt ans dans les postes, et elle avait dû passer un sérieux
examen pour y entrer.
Cela a
plus d’importance que chez nous, car, dans ces régions reculées de la Finlande,
la poste est en réalité une sorte de banque d’Etat, et la plupart des
transactions, au lieu de se faire par chèques, se font par mandats. En outre,
le développement du trafic par voie ferrée avait augmenté l’importance de son
bureau, et elle avait toujours trois, parfois quatre ou cinq employés. J’ai pu
constater que, pendant le trimestre écoulé, il lui avait passé entre les mains,
rien que comme valeurs recommandées, une somme d’environ un million de marks
finnois {2}, ce qui représente pour l’année
entière à peu près quatre millions de francs. Je ne parle pas des sommes non
recommandées, dont on ne peut savoir la valeur, mais cela suffit pour montrer
l’importance de son bureau et la responsabilités qui lui incombait.
Ses
livres étaient parfaitement tenus, aussi bien tenus que ceux que j’ai pu voir
lorsque j’étais moi-même dans une banque. Cela anéantissait les objections que
j’avais entendu faire à Stockholm: cette femme était habituée, depuis de
longues années, à tenir une importante comptabilité. L’exactitude absolue dans les
affaires d’argent était devenue comme inhérente à sa nature.
Par
quelques questions, je me rendis compte des besoins qui avaient conduit à la
construction de cette chapelle. Il y a en Finlande une Eglise nationale,
l’Eglise luthérienne, qui est en somme la seule Eglise du pays, l’Eglise libre
étant d’origine relativement récente et n’ayant pas encore d’existence légale.
Le territoire est divisé en paroisses, la plupart très étendues. En cet
endroit, la paroisse, très grande, n’avait qu’une seule église pour une
population de quatre mille habitants et un territoire de vingt-huit kilomètres
de long. Cette église se trouvait à quatre kilomètres du village, et les
églises les plus rapprochées après elle se trouvaient à six, seize et dix-neuf
kilomètres. Grâce à l’initiative de notre amie, des réunions avaient été
organisées dans des salles d’école et dans des maisons particulières, et il en
était résulté de nombreuses conversions et beaucoup de bénédictions; aussi le
besoin d’une petite chapelle se faisait-il grandement sentir. L’histoire de sa
construction est très intéressante, mais je dois en venir de suite à celle de
l’argent.
Durant la
construction de la chapelle, arriva tout à coup une traite en paiement de bois
qui avait été commandé et livré pour la charpente. Seulement, la somme était
plus grande que le prix convenu: 751 francs au lieu de 616. De plus, la traite
était accompagnée d’une lettre peu courtoise exigeant un paiement immédiat et
menaçant de poursuites judiciaires. Cela, contrairement aux usages commerciaux
du pays qui accordent de longs crédits. Ainsi la somme était malhonnêtement
augmentée; le délai usuel n’était pas accordé, et on menaçait d’une action
judiciaire. C’était un événement aussi imprévu que désagréable.
Notre
amie était bien embarrassée par cette augmentation inattendue de la dette. Une
différence de plus de 130 francs était sérieuse, vu les fonds limités dont on
disposait et la difficulté qu’il y avait à trouver de l’argent pour
l’entreprise. Elle pouvait refuser de payer et aller en justice; mais c’étaient
des complications sans fin et de nouvelles dépenses, et d’ailleurs, notre amie
ne pouvait, en bonne conscience, engager la cause de Dieu dans un procès. Les
paroles de Jésus: «Si quelqu’un veut plaider avec toi pour t’enlever ta tunique,
abandonne-lui aussi ton manteau» {#Mt 5:40} lui revenaient sans cesse en mémoire. Enfin, elle résolut de
payer la somme entière si elle y était contrainte, mais non sans protester
énergiquement contre cette injustice. Elle devait, par la suite, être
grandement fortifiée dans ses prières par le sentiment qu’elle avait agi d’une
manière conforme aux enseignements du Maître.
Les fonds
pour la construction de la chapelle venaient uniquement de dons volontaires
offerts par les fidèles. Ceux-ci étant très pauvres, les ressources étaient des
plus limitées. Toute la responsabilité reposait sur notre amie qui avait,
d’autre part, rencontré beaucoup d’opposition du côté des membres de l’Eglise
nationale. Elle connut des jours de profonde détresse.
Mais elle
cria à Dieu, et une paix profonde finit par envahir son âme et semblait planer
sur elle. Elle commença alors à prier pour cet argent. Cela se passait en mai
1908, et si l’affaire allait en justice, elle avait jusqu’en octobre pour
payer.
Ce fut
pour elle un temps inoubliable d’efforts incessants, de continuelles
déceptions, de prière constante, de détresse intérieure, et, alternant avec
tout cela, de paix et de calme. Tous ses efforts pour obtenir de l’argent, sous
forme de dons ou sous forme de prêt, restaient vains. Elle semblait se heurter
à un mur. Elle rencontrait partout critiques, reproches et railleries, mais
guère d’argent. Son
embarras
fut bientôt connu et commenté par la petite communauté, surtout par ceux qui
s’étaient opposés à la construction de la chapelle et qui annonçaient
maintenant qu’il faudrait la vendre pour payer la dette.
Mais elle
ne cessait pas de prier. Selon son expression, «la lampe de la prière brillait
jour et nuit.» Son angoisse était grande. Le dernier délai approchait; il fallait
agir. L’encaisseur était bien disposé, mais naturellement il devait faire son
devoir. Un dernier effort, un voyage à une ville voisine demeura de même sans
résultat. L’ami qu’elle voulait voir était absent, et sa femme exprima l’avis
qu’elle n’aurait pas dû commencer à bâtir avant d’avoir les fonds nécessaires.
Elle reprit son train, plus embarrassée que jamais, et pourtant elle avait
toujours cet étrange sentiment de paix qui ne la quittait pas.
Elle
était si émue en nous faisant ce récit qu’elle dut s’interrompre un moment,
pour reprendre possession d’elle-même, elle toujours si calme. Et nous étions,
de notre côté, saisis d’une vive émotion en face de cette âme humaine qui nous
révélait le secret de sa vie intérieure et l’intensité de ses luttes.
Dans le
train, au milieu du bruit, assise à côté de gens indifférents à ses
préoccupations, elle eut conscience de la présence de Jésus. Elle se sentit
pressée de prier et le fit avec plus de ferveur que jamais. Dans son angoisse
extrême, elle s’en remit entièrement à Dieu. Alors lui revint une pensée
qu’elle avait déjà eue lors de la construction de la chapelle, mais qui prenait
maintenant une portée toute nouvelle. Elle songeait au temps où les pains et
les poissons avaient été multipliés dans le désert, et se sentait poussée à
prier Dieu de bénir de même la somme insuffisante dont elle disposait et de la
rendre assez grande pour acquitter sa dette.
De retour
chez elle, elle alla chercher la petite boîte où elle mettait l’argent pour la
construction de la petite chapelle. La somme, qu’elle avait comptée avant son
départ, n’était que de trois cent cinquante francs. Elle apporta la boîte dans
la chambre où elle se tenait. Elle avait à la main quatre-vingt dix francs qui
lui appartenaient. Elle les ajouta à l’argent du Seigneur et posa le tout sur
la table.
Il était
midi. Le bureau de poste, attenant à l’appartement, était fermé. Elle était
absolument seule. Elle se jeta à genoux, joignit les mains au-dessus de la
table où était la somme et pria Dieu de réaliser le désir qu’il avait lui-même
mis dans son cœur. Dans sa foi naïve, elle disait: «Seigneur Jésus; bénis ton
argent, comme tu as béni les pains dans le désert. J’y ajoute ma part
aussi, je la mets avec la tienne, fais que cet argent suffise pour payer la
dette.» Et elle demeura ainsi quelque temps en prière.
Alors
elle compta cent francs, dont elle fit une pile à part; puis elle fit de même
une seconde, une troisième fois, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il y eût sept
piles de cent francs et une plus petite de cinquante et un. Elle constata qu’il
y avait beaucoup de pièces d’or, alors qu’elles étaient auparavant en petite
proportion dans la boîte. Et cela lui rappela les paroles de #Esa 60:17.
{3} Avec un profond sentiment de
gratitude, elle se jeta à genoux pour remercier le Seigneur, puis elle se
releva et recompta soigneusement la somme. Elle étendit de nouveau les mains
sur elle, et demanda à Jésus, dont elle sentait la présence, que la somme pût
rester jusqu’au moment de payer.
Nous
l’avons vue sortir cette boîte d’un tiroir pour nous la montrer. Personne, à la
vue du gros trousseau de clefs qu’elle avait toujours sur elle, et du soin avec
lequel elle ouvrait et refermait les tiroirs contenant ses papiers et ses
registres, n’aurait pu mettre en doute que cette petite boîte de bois avait été
soigneusement enfermée et absolument hors d’atteinte. Elle se rendit chez
l’encaisseur et lui dit qu’il pouvait passer chez elle, qu’elle avait l’argent.
Il ne pouvait pas le croire, connaissant sa détresse, et lui demanda comment
elle s’était procuré la somme. Elle répondit tout simplement: «Le Seigneur l’a
envoyée.» Deux jours plus tard, il la prévint qu’il passerait le lendemain pour
encaisser le montant de la traite.
Ce
jour-là, dès qu’elle eut fini son travail à la poste, et se retrouva seule,
elle alla chercher la boîte et en vida de nouveau le contenu. Cette fois, elle
se sentit poussée à commencer par mettre à part les quatre-vingt-dix francs qui
lui appartenaient. Elle obéit à cette impulsion; puis elle étendit de nouveau les
mains au-dessus de l’argent, elle pria et bénit Dieu, et lorsqu’elle compta,
elle fut en présence d’une nouvelle preuve de la puissance de Dieu: la somme de
sept cent cinquante et un francs était intacte, et à côté se trouvait son petit
avoir, si péniblement amassé.
Le cœur
trop plein de reconnaissance pour pouvoir parler, elle tomba à genoux, dans
l’adoration. Elle comprit mieux alors ce qu’avait fait le Seigneur; elle avait
donné sans compter ses propres économies, mais Dieu les lui rendait. Il voulait
parfaire la somme sans les prendre. Elle Le pria encore de conserver la somme
jusqu’au moment de payer.
Enfin
l’encaisseur vint. Lorsqu’elle lui raconta l’histoire, il en fut fortement
impressionné. Puis, comme elle avait fait les autres fois, elle versa l’argent
sur la table, pria tranquillement et bénit Dieu, puis compta la somme et paya.
Elle avait mis de côté son propre argent, et pourtant, après qu’elle eut payé,
il restait quelques pièces d’argent. Elle avait demandé souvent à Dieu que sa petite
boîte pût n’être jamais complètement vide, et Il s’était souvenu de cette
prière. L’huissier en fut profondément ému et y ajouta une pièce de cinq
francs, en disant: «Je désire ajouter mon offrande à ce merveilleux argent.»
C’est
ainsi que la dette fut payée, et que notre amie entra en possession d’une
quittance régulière. Elle écrivit alors une lettre qui devait être envoyée en
même temps que l’argent au marchand de bois. Elle lui disait que la traite
était inexacte, comme il le savait d’ailleurs, qu’elle’ la payait, néanmoins,
en protestant énergiquement, pour mettre en pratique le précepte d’amour du
Sauveur: «Si quelqu’un veut plaider contre toi pour t’enlever ta tunique,
laisse-lui encore le manteau.» {#Mt 5:40} Ainsi, tout en payant, elle rendait son témoignage.
Récapitulons
l’histoire.
Notre
amie avait trois cent cinquante francs dans une petite boîte qu’elle tenait
sous clef. Elie y ajouta quatre-vingt-dix francs lui appartenant, ce qui fit en
tout quatre cent quarante francs. Cette somme arriva au total de sept cent
cinquante et un francs; elle s’accrut donc de trois cent onze francs.
Une
seconde fois, elle fut augmentée de quatre-vingt dix francs, soit en tout une
augmentation de quatre cent un francs, sans compter la petite somme qui resta
dans la boîte après le paiement.
Cette
augmentation a été produite par l’action de la prière seule, sans aucun secours
humain, quoique tout ait été mis en oeuvre pour obtenir ce secours humain.
Cette femme ne pria ainsi que parce qu’elle s’y sentait poussée intérieurement.
L’intervention divine ne se produisit qu’après cinq mois de longs et rudes
combats intérieurs, de continuelles prières, de cruelles épreuves; enfin, après
le sacrifice complet d’économies péniblement réalisées. Ce sacrifice n’était
d’ailleurs, comme je l’appris par la suite, qu’un incident dans la vie de
continuels renoncements que menait cette femme depuis que la chapelle était en
construction.
C’est un
miracle analogue à celui qui se produisit pendant des mois pour la veuve de
Sarepta. {#1Ro 17:8-16}
Il est identique à
celui qui arriva à la veuve d’un prophète dont les fils allaient être vendus comme
esclaves pour payer ses dettes; {#2Ro 4:1-7} identique aussi à la multiplication des pains dans un temps
de famine. {#2Ro
4:42-44} Il ne
diffère qu’en degré des multiplications des pains et des poissons par
lesquelles le Seigneur, à deux reprises, nourrit les multitudes et dans
lesquelles il y eut aussi un reste important de pain et de poisson, qui fut
soigneusement recueilli et servit à nourrir d’autres affamés {#Mt 14:13-21; 15:32-39et
parallèles.}. Enfin
on peut le placer dans le même groupe de miracles que les deux pêches
miraculeuses {#Lu
5:4-11 Jn 21:1-14} dont nous parlent les Evangiles et qui furent dues à la présence du
Maître.
Je dois
avouer que l’interprète, ma femme et moi, nous ne fûmes pas toujours maîtres de
nos larmes, lorsque, réunis autour de notre amie, nous écoutions son récit.
Elle consultait son journal intime, très soigneusement tenu, pour faire revivre
devant nous ces jours mémorables. Et nous avons revécu avec elle son angoisse
et sa joie, nous arrêtant avec elle lorsque l’émotion l’empêchait de continuer,
puis l’écoutant attentivement, lui posant des questions et bénissant dans nos cœurs
ce Sauveur, cet Ami, ce Maître si fidèle.
L’enseignement
qui se dégage de cette émouvante histoire est fort simple. Je demande
instamment à mes éditeurs de ne jamais séparer les lignes qui suivent du récit
lui-même.
Je ne
conclus pas de ce miracle que nous devions demander à Dieu d’augmenter notre
argent de cette manière. Je ne conclus même pas que nous puissions le faire, Si
jamais le Seigneur conduit quelqu’un de ses enfants à présenter une prière
analogue et à faire de semblables expériences, ce chrétien saura reconnaître la
main de Dieu, sans avoir à s’appuyer sur ce qui est arrivé à d’autres.
Il est
possible qu’une semblable intervention ne se produise pas de toute une
génération, ou même de plusieurs générations. Je n’ai jamais entendu parler
jusqu’ici d’un fait du même genre, quoique je sois très attentif, depuis des
années, à enregistrer les preuves de l’action de Dieu à notre époque.
C’est là
une délivrance particulière, accordée dans une crise spéciale.
L’enseignement
que nous apporte ce récit est le suivant: Dieu ne trompe jamais notre
confiance. Il ne déçoit jamais personne. Sa Parole ne peut faillir. La vraie
prière, inspirée par le Saint-Esprit, pénétrée de l’esprit de sacrifice, est
toujours exaucée et ne peut pas ne pas l’être. Dans une crise où les hommes
refusent d’aider, Dieu accomplit un acte créateur, plutôt que de laisser
faillir sa Parole, ou de permettre que l’un de ses enfants ne vienne à être
déçu dans sa confiance en Lui. Dieu peut seul savoir quand des circonstances
pareilles se produisent. Son Esprit dirige nos prières. Voilà la pierre de
touche de la vraie prière.
Quelqu’un
pourrait ne voir dans notre histoire qu’un moyen commode de sortir des embarras
d’argent. Mais il se pourrait qu’un pareil fait ne se reproduise pas, même dans
un cas de grande détresse. Il y a lieu de noter, en particulier, qu’au moment
où nous écrivons ces lignes, la petite chapelle n’est pas encore complètement
payée. C’est même une grosse préoccupation et un continuel sujet de prière pour
notre amie de Finlande. Il reste encore plus de quatre mille francs à payer, ce
qui est une grosse somme, vu l’indigence de cette population pourtant
généreuse.
Cependant
notre amie n’a pas eu l’idée de demander à Dieu de renouveler le miracle dont
elle a été l’objet. Cette prière ne lui a pas encore été mise au cœur; elle ne
sait pas d’où lui viendra l’argent, mais elle continue à prier avec confiance.
J’y vois
un second enseignement: la vraie prière est mise dans nos cœurs par le
Saint-Esprit. Lorsque nos cœurs soupirent après Dieu, lorsqu’ils intercèdent pour
des bien-aimés ou pour un besoin spécial, ces prières ne sont qu’un écho. Ces
sentiments sont d’abord dans le cœur de Dieu, et ils y sont avec plus
d’intensité que dans le nôtre. Ils ne font que passer, comme un écho, de son
âme dans la nôtre. Il désire ardemment que nous soyons dans une telle communion
spirituelle avec Lui, que notre cœur batte à l’unisson du sien.
Lorsque,
jour après jour, penchés en sa présence sur les pages de sa Parole inspirée,
nous Le laissons parler à notre âme, Il nous attire à Lui, Il élève notre
jugement, Il forme notre intelligence, Il nous discipline pour son service, Il
nous apprend ce qu’il faut demander, comment il faut le demander, et surtout
avec quelle persévérance il faut le demander.
Notre
amie dut passer pendant cinq mois par l’école de la prière avant que Dieu lui
mît au cœur la requête qu’il attendait d’elle. Jusqu’à ce moment-là, elle
n’était pas prête. Si elle l’avait présentée plus tôt, de son propre mouvement,
elle n’aurait obtenu aucun résultat. La vraie prière n’est pas le produit d’une
déduction logique venant de l’étude des promesses de la Parole de Dieu, c’est
quelque chose d’infiniment plus profond et pourtant de très simple. On
l’apprend à genoux, dans la communion du Saint-Esprit.
C’est
avec autant d’émotion que d’intérêt que nous descendîmes le chemin poudreux qui
conduisait à la petite chapelle. C’est une construction des plus modestes, mais
bien comprise et aménagée de façon très pratique. La salie principale
communique avec une salle plus petite et avec une pièce pouvant servir de
chambre à coucher et de cuisine. En haut est ce qu’on appelle la «chambre du prophète»,
à la fois cabinet de travail et chambre à coucher pour le prédicateur de
passage, quand ils ont le bonheur d’en posséder un.
Le dimanche,
à dix heures, il y a une Ecole du Dimanche en finnois; à midi, un culte, dont
notre amie se charge quand il n’y a pas de pasteur: enfin, à quatre heures de
l’après-midi, une Ecole du Dimanche en suédois. La concierge est une femme
pratique: elle habite la pièce du bas et s’occupe de tout le service; elle est
convertie et dirige l’Ecole du dimanche finnoise.
La
chapelle, lorsqu’elle est bien remplie, peut contenir environ deux cents
auditeurs. Mais nous en avons eu beaucoup plus pendant nos quelques jours de
réunions; tout l’espace libre était occupé, et sur l’estrade, orateur et
interprète n’avaient que juste la place de se mouvoir. L’on voyait même à chaque
fenêtre un groupe d’auditeurs attentifs, écoutant du dehors. Quoi d’étonnant à
ce que, dans un bâtiment comme celui-là, l’Esprit de Dieu agît sur les coeurs
avec une puissance persuasive? Il semblait que les cieux étaient ouverts et que
les brises du Ciel soufflaient doucement sur la terre. Des cœurs fermés
s’ouvrirent à ce contact, et d’autres à demi-ouverts s’épanouirent complètement
à la vie divine.
Tout en
causant avec notre amie dans la petite chapelle, en la questionnant, en
réfléchissant, il m’apparut de plus en plus nettement que cette histoire
n’était qu’un chapitre d’une longue histoire. Ce miracle est le point culminant
de toute une vie. L’histoire qui le précède parle de longues années de luttes,
de fidélité; de patience au milieu de difficultés de toute sorte; elle parle de
plans constamment renversés, comme si des esprits ou des forces invisibles
étaient ligués contre eux; elle parle de persévérance dans la prière et dans la
lutte, persévérance toujours un peu plus prolongée que la résistance de
la force ennemie; elle parle par-dessus tout de la continuelle présence de
l’Ami invisible.
C’est là
le facteur essentiel, le secret de la victoire. La persévérance l’a emporté, et
elle l’a emporté parce qu’elle se prolongeait toujours un peu plus que la
résistance.
En
écoutant ce récit, les paroles du Maître: «Il faut toujours prier et ne point
se lasser» {#Lu
18:1-8} me
revenaient à la mémoire. La prière est l’arme essentielle contre les soucis du
monde et pour le service de Dieu. Les grands dangers qui la menacent sont la
lassitude et le découragement. Il semble qu’une puissance invisible essaie de
nous abattre, d’épuiser notre vigueur physique et notre persévérance. Une
persévérance ferme, inlassable, inaccessible au découragement, mais n’ayant
rien de commun avec l’entêtement, voilà ce qu’il faut à notre prière.
Gardons-nous, en effet, de confondre la persévérance avec l’entêtement, qui n’a
rien d’intelligent ni de raisonnable. {#Ps 32:9} On peut être assez fort pour résister, mais pas assez pour
résister avec bonne grâce, pas assez pour céder sur les points secondaires. La
force de persévérance qui vient du Saint-Esprit sait examiner, interroger, changer
au besoin ses plans pour mieux affronter l’obstacle; elle sait déployer un
calme, une égalité d’humeur, un aimable bon sens, qui n’ont aucun rapport avec
l’entêtement. Cette persévérance, qui seule triomphe, ne peut venir que de
l’Esprit. Lui seul là donne, et il ne peut la donner qu’à ceux qui se mettent
sérieusement, jour après jour, à son école. C’est ce que le Maître veut dire
par l’expression «Ne vous relâchez point.» Cette persévérance vaillante et
joyeuse {#Lu
11:8-9} est
l’un des caractères essentiels de la prière qui transforme le monde; un autre
caractère est la précision. {#Mat 18:19 Mr 11:24}
Telles
sont les réflexions que m’inspirait l’expérience de notre amie.
Au début,
elle n’avait trouvé à acheter aucun terrain convenable pour construire la
chapelle. Peu à peu les choses changèrent. Le propriétaire de l’emplacement que
l’on désirait vint de l’étranger visiter ses propriétés; on put lui parler
directement, et finalement un beau terrain fut légalement acquis. Mais ce
n’avait pas été sans longues luttes; il avait fallu vaincre, pas à pas, une
âpre opposition; elle durait toujours, mais l’Ami invisible était là avec sa
force et son appui.
Ensuite,
lorsqu’il s’agit de bâtir, il sembla impossible de se procurer le bois
nécessaire. Toutes les réserves de la saison étaient épuisées. Mais l’Ami
fidèle permit à notre amie de conserver l’espérance au milieu des circonstances
les plus désespérées. {#Ro
4:17-21} Elle
ne fut pas déçue. Un lot de poutres inattendu arriva par la rivière; il y eut
une baisse de prix sur diverses marchandises; des ouvriers
inconvertis
vinrent offrir leurs services; on put engager le meilleur entrepreneur. A
mesure que les difficultés surgissaient, elles étaient aplanies, et notre amie
avançait ainsi, pas à pas, de délivrance en délivrance. A la fin, à mesure que
la flèche de la chapelle s’élevait, sa foi atteignit, elle aussi, son point culminant.
Le miracle que nous avons raconté n’est que la dernière pierre d’un édifice; il
est soutenu par des années de luttes, de crises de prière et d’inébranlable
fidélité de la part de Dieu.
Je l’ai
rapporté pour rendre gloire à Dieu et pour que les hommes aient en Lui une
confiance plus absolue et plus simple.
{1} The Finnish gold story, tiré
de The quiet lime, par S.-D. Gordon.)
{2} Le mark finnois vaut exactement 1
franc et ne doit pas être confondu avec le mark allemand, qui vaut 1 fr. 25.
{3} Au lieu de l’airain, je ferai venir
de l’or.
RECUEILLEMENT
ET PRIÈRE
Notre
génération est, plus qu’aucune autre, agitée, haletante, fiévreuse. Tout
travaille à nous distraire, à nous dissiper, à nous rendre superficiels: la
multiplicité des découvertes, les nouvelles du monde entier, et même les
oeuvres religieuses et sociales.
Et
pourtant l’expérience nous montre, et la Parole de Dieu nous dit que rien de
grand, de fécond, de durable ne s’est jamais accompli ici-bas sans
recueillement. La réflexion a toujours précédé l’action.
Les
individualités puissantes, les hommes aux convictions fortes et lumineuses se
sont formés dans la solitude. Les Moïse, les Elie, les Jean-Baptiste, les Paul,
les Luther, les Calvin, les Wesley ont été des hommes puissants parce qu’ils
avaient commencé par se recueillir en présence de Dieu. C’est là le secret de
toute vie féconde. Pour apprendre à nous connaître, pour nous voir tels que
nous sommes, pour cesser de nous séduire par de faux raisonnements, pour arriver
à cette sincérité absolue qui permet à l’esprit de Dieu de nous juger, de nous
dépouiller, de nous vider, il faut absolument que nous ayons des heures de
solitude. «Toi, quand tu pries, entre dans ton cabinet».
La
solitude, toutefois, peut n’être qu’apparente. On peut s’isoler sans se
recueillir, parce que le cœur est rempli de préoccupations mondaines. C’est
pourquoi, après avoir dit: «Entre dans ton cabinet», le Seigneur ajoute: «ferme
ta porte».
C’est que
la voix de Dieu a besoin de silence pour se faire entendre. Si le cœur est
rempli de convoitises charnelles, si le bruit des passions mondaines s’y fait
entendre, Dieu se tait. L’arche de Dieu et Dagon, Jésus-Christ et Satan ne
peuvent habiter ensemble. Pour rencontrer Dieu dans le sanctuaire de notre âme
et nous entretenir avec Lui, il faut en chasser le Diable.
Ferme la
porte de ton cœur à l’incrédulité, aux pensées mondaines, aux soucis; mets
dehors ta sagesse propre, ta volonté propre, tes ambitions charnelles.
Détourne-toi du monde et tourne-toi vers ton Père.
Ces
heures de recueillement sont infiniment sérieuses. C’est là que se remportent
les victoires ou que se font les chutes; c’est là qu’un Jacob devient Israël et
qu’un Balaam se perd; c’est là que les Abraham sont appelés à immoler leur
Isaac; c’est là que Dieu forge ses instruments d’élite.
Et à
mesure que le monde s’éloigne et que l’âme, penchée sur les pages divines, se
sépare de tout ce qui la souille, Dieu s’approche.
Le cœur,
en effet, ne peut rester vide. S’éloigner du monde, c’est s’approcher de Dieu.
«Comme une biche altérée soupire après des courants d’eau, ainsi mon âme
soupire après toi, ô Dieu! Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant.» L’âme se
retrouve et se reconnaît; elle n’est pas sourde, ni muette; elle entend la voix
divine et elle y répond; elle apprend à se connaître et à connaître Dieu. Un dialogue
sublime a lieu entre le Père céleste et son enfant; Dieu se révèle et se
communique. Des vérités cent fois entendues froidement deviennent esprit et vie
en nous. Dans ces entretiens bénis, des impressions qui jadis n’avaient fait
que nous effleurer, des vérités qui étaient restées mortes en nous, nous sont
rappelées par le Saint-Esprit et rendues vivantes. Toute la volonté de Dieu
nous est révélée à la lumière de son amour. Ses compassions et notre misère, sa
miséricorde et notre égoïsme, sa puissance et notre faiblesse, sa sagesse et
notre folie, sa grandeur et notre petitesse, notre origine, notre vocation,
notre destinée, le don de Dieu en Jésus-Christ, tout cela nous humilie, nous
subjugue et nous remplit de reconnaissance.
Et quand
ces tête-à-tête se prolongent avec notre conscience et Dieu, qui nous instruit
par sa Parole et son Esprit, nous sommes amenés à toujours plus rechercher nos
voies et à les sonder. Que de découvertes pénibles! Que de racines d’amertume,
que de restes d’orgueil, d’égoïsme, de volonté propre, de timidité nous sont
révélés! Nous commençons seulement à nous prendre en dégoût, à haïr notre vie
propre. Nous avions cru être consacrés au Seigneur, et voici, nous découvrons
que dans mille circonstances, c’est notre volonté que nous avons faite, ce sont
nos décisions que nous avons prises, ce sont nos paroles que nous avons
prononcées, c’est l’esprit du monde qui nous a inspirés.
Et la
stérilité de nos oeuvres nous est révélée. Il n’y avait pas entre le Seigneur
et nous une communion profonde et permanente; notre foi était plus une conviction
de l’intelligence qu’une confiance, qu’un abandon de nous-mêmes à Lui. Ce
n’était pas Lui qui portait des fruits par notre moyen. Nous avions oublié que,
hors de Lui nous ne pouvions rien faire, que Lui seul doit être l’inspirateur
de toutes nos pensées, de tous nos actes, que son Esprit doit être le mobile de
toute notre vie. Notre stérilité nous étonnait; maintenant nous en découvrons
la source.
Et la
stérilité de nos prières, que de fois ne nous a-t-elle pas angoissés,
tourmentés, découragés. Jésus a dit: «Demandez et vous recevrez»; or, nous
demandions et nous ne recevions pas. Et voici, dans le silence du
recueillement, l’Esprit de Dieu nous révèle la duplicité de notre cœur. Les
lèvres formulaient certaines demandes, tandis que le cœur soupirait après d’autres
biens. Entre nos prières et nos sentiments, entre nos prières et notre vie, il
y avait contradiction. Nous disions à Dieu: «Donne-moi, pardonne-moi», et nous
ne donnions pas, et nous ne pardonnions pas. Nous lui demandions son
Saint-Esprit,
c’est-à-dire l’humilité, le renoncement, la générosité, le zèle, la fidélité,
l’amour, et nous gardions de l’orgueil, de l’avarice, de l’égoïsme, de la
paresse à nous dépenser pour autrui. Nous manquions donc de conscience dans nos
prières; elles n’étaient pas suffisamment sérieuses: elles consistaient le
Saint-Esprit parce qu’elles renfermaient du mensonge.
Oh!
révélations bénies, continuez votre oeuvre de lumière et de purification!
Pénétrez dans tous les recoins de notre âme jusqu’à ce que tout en nous soit
esprit et vie.
Maintenant
l’enfant; de Dieu peut prier. Dans la solitude du cabinet, il a contemplé
l’aveuglement et la surdité de l’Eglise. Ses yeux, à lui ont été ouverts. La
vision d’une humanité certainement coupable, mais aussi victime d’une Eglise
trop sourde et trop aveugle, le hante. Ses oreilles entendent des cris de
détresse ses yeux contemplent partout la souffrance, le péché, des enfers
corrupteurs. En regardant notre monde comme Jésus le regardait, en voyant les
hommes assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort comme saint Paul et le
Christ, il éprouve une grande tristesse et il a dans le cœur un chagrin
continuel. Comme le voyant de Patmos, il est hanté par de douloureux problèmes jusqu’à
ce que le plan d’amour de Dieu lui ait été dévoilé et qu’il entende la voix de
Jésus lui dire: «Prie ton Père là dans le secret, et ton Père, qui te voit dans
le secret, te le rendra publiquement.» L’histoire de l’Eglise est une
merveilleuse illustration de cette vérité. Les dix jours de retraite dans la chambre
haute ont produit la Pentecôte avec ses 3.000 convertis; les prières
incessantes de l’Eglise ont arraché Pierre à sa prison et à la mort; les
prières constantes de Paul ont enfanté une légion de croyants. Suivez les
évangélistes des premiers siècles ou les missionnaires du moyen âge, étudiez la
vie intime des grands remueurs de consciences, suivez dans leurs retraites les
croyants qui ont porté des fruits qui demeurent, songez aux grands réveils de
l’Eglise, et vous verrez que, partout et toujours, les effusions du
Saint-Esprit ont été la récompense publique de ceux qui avaient lutté avec Dieu
dans le secret.
Essayez
par la pensée, de supprimer nos hautes montagnes couvertes de glaciers et de neiges
éternelles. A quoi servent-elles? N’est-ce pas du terrain perdu? dites-vous
peut-être. Ne vaudrait-il pas mieux voir à leur place de magnifiques vignobles
ou de beaux champs de blé?
Malheureux!
l’ignorance vous fait déraisonner. Si votre vœu se réalisait, notre monde ne
serait bientôt plus qu’un désert. Savez-vous d’où viennent les fleuves qui fertilisent
nos campagnes et qui alimentent nos industries? Ils jaillissent de ces
montagnes, qui vous paraissent inutiles. C’est là qu’ils ont leurs sources.
De même,
interrogeons les hommes de foi et de dévouement, demandons-leur quelle est la
source de leur vie féconde, comment sont nés en eux ces fleuves d’eau vive qui
arroseront éternellement le monde. Ils nous diront qu’à genoux devant Dieu, ils
ont appris à connaître la communion des souffrances de Christ. Ils ont entendu
les blasphèmes, les sanglots, les cris de détresse de l’humanité païenne et
civilisée; ils ont vu les existences qui se perdent dans le péché et la
souffrance, les bastilles qui doivent disparaître. Puis leurs regards se sont
tournés vers Celui qui fait surabonder la grâce là où le péché abonde. Dans sa
communion, ils ont trouvé le secret de la prière victorieuse et de l’action
efficace.
ENCORE
LE RECUEILLEMENT
Il n’y a
pas d’inimitié avec Jésus-Christ et de foi vivante sans recueillement. «Si
nous sommes stériles, c’est plutôt faute de repos que de travail», a dit le
père Gratry. Il faut ajouter que Gratry appelait repos l’activité intérieure,
le recueillement. Notre faiblesse vient donc de notre dissipation. Avant de
pouvoir parler aux hommes avec puissance, il faut avoir pris le temps d’écouter
Dieu.
Toutes
les erreurs, les préjugés, les traditions, les mensonges que nous gardons dans
nos habitudes, dans nos vies, dans nos Eglises ont leur source dans l’absence
de recueillement.
C’est
encore à la même cause qu’il faut attribuer le vague des convictions, la peur
de l’étroitesse, le manque de connaissances bibliques, les grands mots et les
grandes phrases sans signification précise. On est assez fort pour détruire; on
ne l’est pas assez pour édifier. Les vastes horizons, les lumineuses visions
des prophètes et des apôtres n’ont guère été contemplés; le plan de Dieu n’a
pas été compris. De là, l’absence de pensées fortes.
«Hors de
moi, vous ne pouvez rien faire» {s} dit Jésus. Nous ne pouvons rien sans lui; Il ne peut rien sans nous.
Hors de nous, sans s’incarner dans nos vies, Il est rendu absolument
impuissant. Le monde, qui vivrait de sa présence, meurt de son absence. «Le mal
social et tous les autres maux ne sont que les résultats de l’absence de Dieu,
manifesté en chair», a dit W. Stead. La vie de Dieu est descendue sur la terre.
«La vie a été manifestée et nous l’avons vue», dit Jean. «La parole a été faite
chair, elle a habité parmi nous», elle a été et elle est le Pain de vie qui nourrit
les âmes repentantes et croyantes. Nous vivons lorsque nous contemplons avec
foi la vie sainte du Sauveur et sa mort expiatoire. Et nous donnons
Jésus-Christ à manger au monde quand nous, les membres du corps de Christ, nous
sommes la lumière du monde, le sel de la terre, en laissant le Sauveur
s’incarner dans nos vies. Car le monde vit de la foi, de la patience, de la
charité, de l’intercession des chrétiens, c’est-à-dire de Jésus vivant dans ses
rachetés. Dans l’exacte mesure où nous incarnons le Christ, nous sommes des
paroles vivantes de Dieu, nous éclairons et réveillons les consciences, nous
touchons les cœurs, nous agissons sur les volontés. Ce qui laisse le ciel sourd
à nos prières et le monde indifférent, c’est l’absence de Dieu dans nos vies.
Ne
cherchons pas ailleurs la cause de l’état de corruption du monde. Que
deviendrait l’Océan si ses eaux, perdant leur puissante saveur, devenaient
fades et insipides? Il se corromprait et empesterait l’humanité. Et que
deviendra la société humaine si l’Eglise ne devient pas plus réellement le sel
de la terre, la lumière du monde? Si nous prenons la parole de Dieu au rabais,
comment le monde la prendrait-il au sérieux? Avant de nous affliger du peu de
fruits qu’elle porte chez les mondains, affligeons-nous du peu de fruits
qu’elle porte en nous. Sondons nos cœurs, examinons nos mobiles, descendons au
fond de notre âme, visitons-en tous les recoins avec sincérité, à la lumière de
la parole de Dieu et du Saint-Esprit. Demandons-nous si nous voulons
réellement, sincèrement mourir à nous-mêmes, à toute réputation, à toute
recherche de la gloire qui vient des hommes, à nos pensées propres.
Si nous
sommes purs de cœur devant Dieu, cet examen nous amènera sans doute à opérer
bien des réformes dans nos vies.
A l’heure
actuelle, en pensant au monde perdu, mille questions angoissantes nous
oppressent. Le danger est d’essayer de les résoudre avec notre sagesse. Les
réponses à nos douloureux pourquoi se trouvent dans le cœur de Dieu.
C’est là qu’il faut aller les chercher. Il faut que nous pensions ses pensées,
que nous voulions sa volonté, que nous disions ses paroles, que nous fassions
son œuvre par le Saint-Esprit. «Je ne puis rien faire de moi-même», dit le
Sauveur.
C’est à
genoux, dans le recueillement, en face de la parole sainte sérieusement
consultée, seul à seul avec Dieu, que nous pouvons rentrer en nous-mêmes et
arriver à une sincérité absolue, à une situation vraie vis-à-vis de nous, du
monde et de Dieu. Là seulement Dieu peut nous montrer et nous faire sentir le
néant des choses d’en bas, la valeur des âmes, le prix de la grâce, l’immensité
de son amour, l’horreur du péché. Là, il nous humilie. Là nous sommes amenés à
nous interroger: Est-ce que j’expérimente la vérité des promesses divines?
Est-ce que j’obéis à tous les ordres de Dieu? Cet évangile de la régénération,
de la liberté, de la sainteté, de la perfection, l’ai-je pris au sérieux?
Quand
nous avons des oreilles pour entendre ce que Dieu nous dit, nous avons des cœurs
et des bouches pour prier. Et la prière humble, intense, persévérante nous donne
une ouïe toujours plus fine, elle brise nos chaînes, elle nous apporte la
lumière, elle nous sépare du monde pour nous unir à Dieu,
elle est
notre réponse à la volonté révélée de Dieu, elle nous apprend à recueillir les
cris de détresse de la terre comme les paroles de miséricorde du ciel.
Et alors,
dans cet intense recueillement aux pieds du Seigneur, nous avons de saintes
visions. Tout d’abord la révélation de ce que nous sommes, de notre passé coupable,
de tout ce qui n’a pas été jugé et abandonné, de tout ce qui reste en nous de
charnel. A cette vue, nous nous prenons toujours plus en dégoût et nous
appelons dans notre âme les puissances divines.
Nous
avons aussi une révélation de la gloire de Dieu. Le Saint-Esprit nous révèle le
caractère de Dieu en illuminant pour nous la croix de Jésus-Christ.
Nous
avons encore une révélation de l’état du monde. Dieu nous montre notre pauvre
humanité plongée dans les ténèbres et la souffrance, il nous donne les yeux de
Christ pour sonder toutes les plaies et son cœur pour les sentir; il met en
nous d’immenses compassions. Souvenons-nous de Moïse, de Daniel et de Paul.
Comme ils se solidarisaient avec leur peuple coupable, prenant sur eux ses
péchés, les confessant, s’en repentant, s’unissant à leur nation pécheresse par
un lien d’une puissance indestructible.
Sommes-nous
incapables de posséder un pareil amour et d’éprouver une telle douleur?
Prosterné devant Dieu, Paul ne peut prendre son parti de posséder Jésus-Christ
et d’en voir sa nation privée. Il souffre, il pleure, il prie. Et quelles
souffrances, quelles larmes, quelles prières! Il contemple la situation de son
peuple et du monde, et, en face de tant d’existences qui se perdent, tant de
souillures qui ravagent l’âme humaine, tant de folies et de souffrances, tant d’aveuglement
et de ruines, ses larmes coulent brûlantes et son cœur se brise. Il connaît la
communion des souffrances de Christ. S’il n’était rempli d’espérance, il
mourrait de douleur. Mais Paul sait que s’il y a sur la terre une abondance d’iniquités,
de souffrances, d’esprit d’égarement, il y a dans le ciel une surabondance de
pardon et de vie capable de détruire tous les maux d’ici-bas.
Pour
devenir des témoins et des intercesseurs puissants, il nous faut cette double
vision: la vision de l’œuvre de Satan détruisant santé, bonheur, pureté, cœur,
conscience, intelligence, espérance, ne laissant que des ruines, puis la vision
de l’œuvre du Christ, de tout ce qu’il peut et veut recréer dans les créatures
humaines en se servant de nous comme d’instruments. Et c’est dans le
recueillement que nous l’aurons. Si nous voulons entrer et demeurer dans le
sanctuaire de la présence de Dieu, recueillis à ses pieds, il nous dépouillera
de toute impureté et de toute inintelligence, il nous rendra semblables à
Jésus-Christ. Alors nos vies sanctifiées raconteront la gloire de Dieu.
Il va
sans dire que tout cela ne se réalisera pas en un jour. Dieu ne fait rien
magiquement. C’est en contemplant la gloire du Seigneur que nous sommes
transformés de gloire en gloire. D’une révélation obtenue dans le silence du
recueillement naît dans notre âme une prière plus pure, et de cette nouvelle
prière une révélation plus haute et des grâces nouvelles. Prosternés devant
Dieu, la lumière et la vie grandissent sans cesse dans notre âme, Dieu peut
nous associer à son oeuvre, mettre entre nos mains les rênes du gouvernement du
monde, réaliser ses promesses, exercer par nous la toute puissance au ciel et
sur la terre.
Que
l’Eglise écoute ainsi Dieu dans un intense recueillement, et elle sera le canal
béni par le moyen duquel toutes les richesses du ciel descendront sur la terre.
Nouvelle
édition numérique Yves PETRAKIAN 2011 – France
Copie
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