dimanche 28 avril 2013

COMME CHRIST Andrew Murray (première partie)


Nouvelle Edition Numérique Yves PETRAKIAN 2011- Numérisation Vincent ROIG
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COMME CHRIST

1. Parce que nous demeurons en lui.
2. Lui-même nous y appelle.
3. Comme celui qui sert.
4. Notre Tête.
5. En souffrant injustement.
6. Crucifié avec lui.
7. Dans son abnégation.
8. Dans le sacrifice de lui-même.
9. En n'étant pas du monde.
10. Dans sa mission divine.

PREMIER JOUR COMME CHRIST  Parce que nous demeurons en lui.

« Celui qui dit qu'il demeure en lui, doit aussi marcher comme il a marché lui-même. » 1 Jean 2 : 6.

    Demeurer en Christ et marcher comme Christ: voilà les deux grâces qui nous sont présentées ici dans leur intime union. Le fruit d'une vie en Christ est une vie semblable à celle de Christ.
    La première de ces deux paroles : demeurer en Christ, ne nous est pas nouvelle. L'admirable parabole du cep et des sarments accompagnée de ce commandement : «Demeurez en moi, et moi je demeurerai en vous » (Jean 15 : 4), nous a souvent été une source d'instruction, et de force ; et quoique nous n'ayons que bien imparfaitement appris à demeurer en Christ, nous avons pourtant goûté déjà quelque chose de la joie donnée à toute âme qui peut dire : Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je demeure en toi ! Et Jésus aussi sait combien de fois s'adresse encore à lui cette prière : Seigneur, donne-moi de demeurer en toi complètement et sans interruption !
    Cette autre parole : marcher comme Christ n'a pas moins d'importance que la première. Elle nous est une promesse de la puissance merveilleuse que doit produire en nous le fait de demeurer en Christ. C'est là le fruit de notre entier abandon au Seigneur. Sa vie opère alors si puissamment en nous, que notre marcher c'est-à-dire l'expression extérieure de notre vie intérieur en devient semblable à la sienne. L'une et l'autre de ces vérités sont inséparablement liées. Toujours il faut commencer par demeurer en Christ pour pouvoir marcher comme lui, quoique marcher comme Lui soit le but qui nous engage à demeurer en lui et qui nous en fait pleinement sentir le besoin; alors seulement le Seigneur a toute liberté de nous accorder la plénitude de sa grâce, parce qu'il voit que l'âme est préparée à en user selon sa destination. Plus d'un croyant découvrira là pourquoi il n'a pas réussi à demeurer en Christ ; il comprendra que c'est parce que son but n'était pas de marcher comme Christ. Les paroles de Jean nous engagent à considérer ces deux vérités dans leur rapport vital et leur dépendance l'une de l'autre.
La première chose qu'elles nous enseignent est que celui qui cherche à demeurer en Christ doit nécessairement marcher comme Christ a marché lui-même.
   Chacun sait que le sarment porte un fruit de l’espèce du cep auquel il appartient. La vie du cep et celle du sarment sont si bien une même vie, que le produit de cette vie ne peut en différer. Quand le Seigneur Jésus nous a rachetés par son sang et qu'il nous a présentés au Père revêtus de sa justice, il ne nous a pas laissés à notre ancienne nature pour servir Dieu de notre mieux. Non, en lui réside la vie éternelle, la vie sainte et divine du ciel, et tous ceux qui demeurent en lui, reçoivent de lui cette même vie éternelle avec toute sa puissance sainte et divine. De là, rien de plus naturel que d'attendre de tout homme qui demeure en Christ et reçoit sa vie, qui marche aussi comme Christ a marché lui-même.
    Cette vie de Dieu dans notre âme n'agit pourtant pas comme une force aveugle qui nous ferait marcher comme Christ involontairement et à notre insu. Nous ne pouvons au contraire marcher avec Christ qu'en vertu de notre libre choix, qu’après l’avoir voulu, désiré et cherché. C'est pour cela que notre Père céleste nous a montré par la vie terrestre de Jésus ce que peut être ici-bas la vie du ciel quand elle est soumise aux conditions et aux circonstances terrestres de nôtre vie humaine. C'est pour cela aussi que notre Seigneur Jésus, en nous communiquant sa vie et en nous invitant à demeurer en lui, nous donne pour modèle sa propre vie sur la terre, et nous rappelle que c'est pour nous faire marcher comme lui qu'il nous communique cette vie nouvelle. « Comme moi, de même vous aussi ». Dans cette parole du Maître se résume toute sa vie terrestre ; elle en fait tout naturellement notre règle de conduite. Si nous demeurons en Jésus, nous ne pourrons pas agir autrement que Lui. « Comme Christ » nous donne donc en deux mots la règle de la vie du chrétien.
    Il doit penser, parler et agir comme Jésus l’a fait. Ce que Jésus a été, il doit l'être aussi. La seconde leçon à retirer des deux vérités qui font le sujet de notre étude, complète la première : Celui qui désire marcher comme Christ, doit demeurer en lui.
    Il importe de bien comprendre ceci pour pouvoir suivre l’exemple de Christ. Quelques croyants font de sérieux efforts pour y parvenir, mais ils ne comprennent pas qu’il est impossible de ressembler à Christ sans demeurer en Lui ; ils échouent donc dans leurs tentatives parce qu'ils cherchent à obéir sans en avoir la force, c'est-à-dire sans posséder la vie en Christ. Chez d'autres on trouve l'erreur opposée : connaissant leur propre faiblesse, ils déclarent qu’il est impossible de marcher comme Christ. Soit les uns, soit les autres doivent apprendre que pour marcher comme Christ, il faut demeurer en Lui et que celui qui demeure en Lui a le pouvoir de marcher comme Lui, non de lui-même, non par ses propres efforts, mais en Jésus dont « la force s'accomplit dans la faiblesse ». (2 Corinthiens. 12: 9)- C'est précisément quand je sens le mieux mon incapacité absolue et que j'accepte entièrement Jésus et sa vie, que sa puissance opère en moi et qu'alors je puis être dans ma vie bien au delà de ce que je serais par mes propres forces. Je vois alors que demeurer en Christ n'est pas seulement une grâce de courte durée ou qui ne me serait accordée que de temps en temps, mais que j'ai là une source abondante de vie, d'où je puis continuellement et sans interruption, tirer toute ma vie chrétienne. J'ose donc prendre réellement Christ pour mon modèle en toutes choses, puisque j'ai la certitude que cette communion de vie avec lui amènera toute ma conduite à ressembler à la sienne.
    Cher lecteur! Si Dieu nous fait la grâce, dans le cours de ces méditations, de bien saisir le sens de ce qu'il nous dit par ce texte, de bien comprendre ce qu'est une vie vraiment conforme à celle de Christ, nous nous trouverons plus d'une fois en présence de cimes et de profondeurs qui nous obligeront à nous écrier : comment ces choses peuvent-elles se faire ? Quand le Saint-Esprit nous aura révélé la céleste perfection de l'humanité de notre Seigneur, comme « étant l'image du Dieu invisible » (Colossiens. 1:15) et qu'il nous aura dit «Comme » oui « Comme lui-même a marché, vous devez aussi marcher », nous sentirons aussitôt a quelle distance nous sommes de lui. Nous serons même sur le point de désespérer et de nous écrier avec tant d'autres : Inutile d'essayer! Jamais je ne pourrai marcher comme Jésus! Mais alors voici ce qui sera notre force : « Celui qui demeure en lui doit et peut marcher comme il a marché lui-même ». La parole du Maître prenant un sens nouveau,
    « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure porte beaucoup de fruits ». (Jean 15 : 5), nous sera la promesse d'une force suffisante. Demeurez donc en lui, frère! Tout croyant est en Christ, mais chacun ne demeure pas en lui, ne s abandonne pas à lui volontairement, joyeusement, entièrement et avec pleine confiance. Vous savez ce que signifie « demeurer en Christ ». C'est consentir de toute notre âme à ce que Jésus soit notre vie, c’est compter sur Lui pour nous inspirer tout ce qui compose notre vie. C'est lui remettre absolument toutes choses pour que lui-même dirige et fasse toutes choses en nous. C’est le repos qui résulte de la pleine assurance qu'à chaque instant, il opère en nous tout ce que nous devons être, et qu'ainsi lui-même nous fait persévérer dans cet entier renoncement qui lui laisse la liberté d’accomplir en nous sa volonté. Que tous ceux donc qui veulent marcher avec Christ, reprennent courage à la pensée de ce qu'il est pour eux et de ce qu’Il fera en eux s’ils se confient en Lui. C'est lui qui est « le vrai Cep ». Aucun cep ne fit jamais pour ses sarments tout ce que Jésus veut faire pour nous. Nous n'avons pour cela qu'à consentir à être des sarments. Honorez-le donc de votre joyeuse confiance, considérez-le avec adoration comme « le vrai Cep » qui vous soutient par sa force toute-puissante et qui vous nourrit de sa plénitude infinie. Dès que votre foi regardera ainsi à Lui, plus de soupirs, plus de chutes, mais l'accent de là louange, mais l'action de grâces de la foi. Grâces à Dieu, celui qui demeure en lui, marche réellement comme il a marché lui-même. Grâces à Dieu, je demeure en lui, je marche donc comme il a marché ! Oui, grâces à Dieu, dans la vie du racheté ces deux choses sont inséparables : demeurer en Christ et marcher comme Christ.
    Tu sais, ô mon Sauveur, que souvent je t'ai dit : Je demeure en toi ! Et pourtant souvent encore je manque de la joie et de la force qui se trouvent en toi. Ta parole me rappelle aujourd'hui quelle en est la raison. Je cherchais à demeurer en toi pour ma propre jouissance, plutôt que pour ta gloire. Je n'avais pas encore bien saisi que le but de mon union avec toi devait être ma parfaite conformité avec toi, et que celui-là seulement, qui se consacre à obéir au Père et à le servir aussi complètement que tu l'as fait, peut recevoir pleinement tout ce que l'amour divin veut faire pour lui. J'en entrevois quelque chose à présent. La volonté de renoncer à moi-même pour vivre et pour travailler comme toi, doit précéder l'expérience de la puissance merveilleuse de ta vie en moi. Seigneur, je te rends grâces de me l'avoir fait découvrir. De tout mon cœur je voudrais répondre à ton appel et marcher en toutes choses comme tu as marché. Que l'unique désir de mon cœur soit de te suivre en tout ce que tu as été, en tout ce que tu as fait sur la terre. Seigneur ! celui qui veut sincèrement marcher comme tu as marché, recevra la grâce de demeurer en toi. O mon Dieu, me voici pour marcher comme Christ! C'est pour cela que je me consacre à toi, que je veux demeurer en Christ! Et pour le pouvoir, je me confie en toi avec la pleine assurance de la foi. Daigne perfectionner en moi ton oeuvre !
    Chaque fois que je méditerai sur le sens de ces mots : « marcher comme Christ », veuille ton Saint-Esprit me faire comprendre qu'aussitôt que je demeure en Christ, je possède par là même la force de marcher comme Christ. Amen.

DEUXIÈME JOUR COMME CHRIST Lui-même nous y appelle.

« Je vous ai donné un exemple, afin que vous fassiez comme je vous ai fait. » Jean 13 : 15.

    C'est Jésus-Christ, le Rédempteur de notre âme, qui parle ainsi. Il venait de s'abaisser à faire le service d'un esclave, il venait de laver les pieds de ses disciples. Par là, dans sa charité, il avait rendu au corps le service voulu pour que chacun d'eux pût prendre place à la table du souper. Par là il avait aussi symbolisé son oeuvre de purification pour l'âme. Par là, il avait résumé, à la veille de les quitter, toute l’œuvre de sa vie, tout ce qu'avait été son ministère et pour le corps et pour l'âme. Puis en se remettant à table il leur dit : « Je vous ai donné un exemple, afin que vous fassiez comme je vous ai fait ». Tout ce qu'ils lui ont vu faire, tout ce qu'ils ont reçu de lui, devient ainsi la règle de leur vie : comme je vous ai fait, faites-le, vous aussi.
    Cette parole de notre adorable Sauveur s'adresse à nous. A chacun de ceux qui se savent lavés par Jésus, s'adresse ce même commandement, d'autant plus impressif et plus touchant qu'il est une des dernières paroles de celui qui allait mourir pour nous. Faites comme je vous ai fait. Jésus-Christ demande réellement à chacun de nous de l'imiter. Ce qu'il a fait pour nous, ce qu'il fait encore chaque jour pour nous, nous devons le faire aux autres. Son amour plein de support, de pardon et du désir de sauver les hommes est notre modèle, et chacun de nous doit être la fidèle image du Maître.
    Aussitôt nous éprouvons ce regret : Hélas! que j'ai peu vécu ainsi! Que j'ai même peu compris que je devais vivre ainsi ! Et pourtant Jésus est mon Seigneur et mon Dieu, il m'aime et je l'aime. Je ne puis donc admettre la pensée de vivre autrement qu'il ne l'attend de moi. Que puis-je faire, sinon ouvrir mon cœur à sa parole, et regarder à lui comme à mon modèle, jusqu'à ce que sa puissance divine m'amène à m'écrier : Seigneur, je veux, moi aussi, faire ce que tu as fait!
    La puissance de l'exemple dépend soit de l'attrait même de cet exemple, soit de l'influence individuelle de celui qui donne l'exemple. De quelle puissance est ici l'exemple de notre Seigneur !
    Et pourtant y a-t-il vraiment un si grand attrait dans l'exemple de notre Seigneur? Je le demande sérieusement, parce «qu'à en juger par la conduite d'un grand nombre de ses disciples, on pourrait croire que non. Oh ! veuille le Saint-Esprit nous ouvrir les yeux et nous faire voir toute la céleste beauté du Fils de Dieu!
    Nous savons qui est le Seigneur Jésus. Il est le Fils du Dieu de gloire, il est un avec le Père, soit par sa nature même, soit par sa gloire et sa perfection. Quand il était sur la terre, on pouvait dire de lui : « Nous vous annonçons la vie éternelle qui était avec le Père et qui s'est manifestée à nous ». (1 Jean 1:2). En lui, nous voyons Dieu. En lui, nous voyons comment Dieu agirait à notre place sur la terre. En lui, tout ce qui est beau, aimable et parfait dans le monde céleste nous est révélé dans l'exemple d'une vie terrestre. Si nous voulons savoir ce qui est noble et glorieux dans le ciel, si nous voulons voir ce qui est réellement divin, nous n'avons qu'à contempler Jésus, car dans tout ce qu'il fait se révèle la gloire de Dieu.
    Mais quel aveuglement chez les enfants de Dieu ! Pour plusieurs d'entre eux, cette beauté céleste n'a aucun attrait : « Il n'y a rien en lui à le voir qui le leur fasse désirer ». (Esa. 53 : 2).
    L'influence d'un roi de la terre et de sa cour se fait sentir dans tout son royaume. Tous ceux qui appartiennent à la noblesse et aux classes élevées s'empressent d'imiter l'exemple donné en si haut lieu, mais pour l'exemple du roi des cieux qui est venu habiter un corps de chair et nous enseigner à vivre ici-bas d'une vie divine, hélas, qu'il trouve peu d'imitateurs! Quand nous considérons Jésus, son obéissance à la volonté du Père, son abaissement jusqu'à se faire le serviteur de tous, son amour allant jusqu'au plus entier dévouement, jusqu'au, sacrifice de lui-même, nous voyons là ce que le ciel a de plus merveilleux, de plus glorieux à nous montrer. Dans le ciel même nous ne verrons rien de plus grand, de plus resplendissant. Un exemple aussi attrayant ne devrait-il pas nous engager à le suivre? N'y a-t-il pas là de quoi émouvoir à sainte jalousie tout ce qui a vie en nous, et nous faire accueillir avec joie cette parole de Jésus : « Je vous ai donné un exemple, afin que vous fassiez comme je vous ai fait ! »
    Ce n'est pas tout. La force de l'exemple ne dépend pas seulement de son excellence intrinsèque, mais aussi des rapports personnels qui s'établissent entre celui qui le donne et celui qui le reçoit. Jésus n'avait pas lavé les pieds à d'autres devant ses disciples. C'est après leur avoir lavé les pieds à eux-mêmes qu'il dit: « Comme je vous ai fait, vous devez aussi faire de même ». C'est donc la certitude d'être en relation directe avec Christ qui m'impose l'obligation de faire ce qu'il a fait.
    C'est l'expérience de ce que Jésus a fait pour moi qui me donne la force de faire de même aux autres. Jésus ne me demande pas de faire plus qu'il n'a fait pour moi, mais je ne dois pas faire moins non plus : « Comme je vous ai fait ». Il ne me demande pas de m'abaisser plus bas que lui comme serviteur, et pourtant il n'eût pas été étrange qu'il le demandât d'un pauvre ver comme moi ; mais non, il veut seulement que je sois et que je fasse précisément ce que lui, le roi, a été et a fait. Il s'est abaissé aussi bas que possible pour m'aimer et me bénir, et il a trouvé là son plus grand honneur, son plus grand bonheur. Maintenant il m'invite à prendre part à ce même honneur, à ce même bonheur, en aimant et en servant comme lui. En vérité, si je comprends bien de quel amour il m'enveloppe, et par quelle humiliation cet amour a dû passer pour m'atteindre, si je comprends quelle est la puissance de purification qui m'a lavé, rien ne saurait m'empêcher de m'écrier : Oui, mon Sauveur ! Ce que tu as fait pour moi, je veux le faire aussi! La céleste beauté de l'exemple donné, la divine beauté de celui qui donne l'exemple se réunissent ici pour donner à cet exemple un attrait irrésistible.
    N'oublions pas qu'il ne s'agit pas seulement ici du souvenir de ce que Jésus a fait une fois pour nous, mais que c'est l'expérience de ce qu'il est à présent même pour nous qui nous donnera la force d'agir comme lui. Ce n'est qu'en réalisant moi-même par le secours du Saint-Esprit ce que Jésus fait pour moi, et comment il le fait, et que c'est bien lui qui le fait, qu'il me devient possible de faire pour les; autres ce qu'il fait pour moi. « Que vous fassiez comme je vous ai fait ». 
    Quelle précieuse parole! Quelle glorieuse perspective ! Jésus veut manifester en moi le divin pouvoir de son amour pour que je puisse à mon tour le manifester à d'autres. Il me bénit pour que je puisse être en bénédiction à d'autres. Il m'aime pour que je puisse aimer les autres. Il se fait mon serviteur pour que je devienne le serviteur des autres. Il me sauve et me sanctifie, pour que je puisse en amener d'autres à être également sauvés et sanctifiés. Il se donne entièrement pour moi et à moi, pour que je puisse me donner entièrement aussi pour d'autres et à d'autres. Je n'ai qu'à faire pour les autres ce qu'il fait pour moi, rien de plus, et c'est précisément parce qu'il le fait en moi que je puis le faire aussi. Ce que je fais n'est donc pas autre chose que le reflet, que la manifestation de ce que je reçois de lui.
    Quelle grâce d'être appelé à suivre le Seigneur dans ce qui constitue sa plus grande gloire ! Quelle grâce que celle qui, en nous appelant à faire ces choses, nous donne en même temps le nécessaire pour les accomplir, puisque c'est Jésus qui opère avant tout en nous ce que nous devons être à notre tour pour les autres! De tout notre cœur ne répondrons-nous pas à son appel par un joyeux : Oui, Seigneur, ce que tu as fait pour moi, je veux aussi le faire pour d'autres. Dieu de grâce, que puis-je faire sinon te louer et t'adorer? Mon cœur ne peut suffire à saisir l'offre merveilleuse que tu me fais de me révéler tout ton amour, toute ta puissance, si je veux consentir à les faire passer de moi à d'autres. J'en suis écrasé, et si c'est avec crainte et tremblement, c'est pourtant aussi avec gratitude et adoration, avec joie et confiance que je voudrais accepter ton offre et te dire : Me voici. Montre-moi combien tu m'aimes et je le montrerai aux autres en les aimant de même.
    Mais pour que je le puisse, ô mon Dieu, accorde-moi par ton Saint-Esprit une plus ample connaissance de ton amour pour moi. Oui, que je puisse savoir combien tu m'aimes, savoir que tu prends plaisir à m'aimer et à faire en moi tout ce que je devrais faire. Accorde-le moi, Seigneur. Je saurai alors comment aimer les autres, et vivre pour les autres, ainsi que tu le fais pour moi.
    Accorde-moi encore, chaque fois que je me sens si peu d'amour pour mes semblables, de bien comprendre que ce n'est pas par le faible amour de mon misérable cœur que je puis accomplir ton commandement d'aimer comme toi, mais uniquement par ton amour venant en moi. Ne suis-je pas ton sarment, ô mon divin Cep? C'est donc la plénitude de ta vie et de ton amour qui doit se répandre en amour et en bénédiction sur ceux qui m'entourent. C'est ton Esprit qui me révèle ce que tu es pour moi, et qui me donne la force d'être pour les autres ce que je dois, être en ton nom.
    Voilà ce qui me permet de dire : Amen, Seigneur, ce que tu fais pour moi, je le ferai aussi. Oui, amen.

TROISIÈME JOUR COMME CHRIST Comme celui qui sert.

« Si donc je vous ai lavé les pieds, moi qui suis le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres. » Jean 13 : 14.

« Je suis au milieu de vous comme celui qui sert. » Luc 22 : 27.

    Hier nous nous sommes occupés du droit qu'a le Seigneur de demander et d'attendre de ses rachetés qu'ils suivent son exemple. Aujourd'hui nous allons chercher en quoi nous devons le suivre. « Vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres ». Voilà le texte dont il nous importe de bien saisir le sens. Il nous offre trois principaux sujets à méditer : le rôle de serviteur que prend ici Jésus ; la purification qui était le but de ce service ; l'amour qui en était le mobile.
    En premier lieu le rôle de serviteur. Tout est prêt pour le dernier souper, tout, jusqu'à l'eau pour laver, selon la coutume, les pieds des convives, mais il n'y a pas là d'esclave pour ce service.
    Chacun l'attend des autres ; aucun des douze ne songe à s'abaisser jusque là. Même à table, ils ne sont préoccupés que de savoir qui sera le plus grand dans le royaume qu'ils attendent. (Luc 22 : 26,27). Soudain Jésus se lève, pose sa robe, se ceint d'un linge et se met à leur laver les pieds.
    O merveille ! Les anges mêmes ne le voient-ils pas avec étonnement et adoration! Christ, lui, le Créateur et le Roi de l'univers, lui que des légions d'anges sont prêtes à servir au moindre signe, lui qui d'un mot affectueux aurait pu désigner l'un des douze pour ce service, il prend lui-même la place d'un esclave, et de ses mains il lave les pieds poudreux de ses disciples. Il le fait avec la pleine connaissance de sa gloire divine, car Jean dit : « Jésus, sachant que le Père lui avait remis toutes choses entre les mains, et qu'il était venu de Dieu, et qu'il s'en allait à Dieu, i1 se leva... » (Jean 13 : 3). Pour les mains entre lesquelles Dieu a remis toutes choses, il n'est rien de vulgaire ni de souillé. Ce n'est pas le travail le plus vil qui abaisse le travailleur, mais c'est le travailleur qui honore et relève le travail, revêtant de sa propre valeur le plus humble service ; aussi est-ce dans ce que nous appelons l'abaissement, selon nos vues humaines, que notre Seigneur trouve sa gloire divine, et qu'il met ainsi son Eglise sur la voie de toute vraie bénédiction. C'est précisément parce qu'il est le bien-aimé du Père qui lui a remis toutes choses, qu'il ne lui est pas difficile de s'abaisser aussi bas. En prenant ainsi la place de serviteur, Jésus proclame la loi du rang dans l'Eglise chrétienne. Plus un de ses membres veut être en faveur, plus il doit trouver sa joie à être le serviteur de tous. « Quiconque voudra être le premier entre vous, qu'il soit votre esclave ». (Mathieu. 20 : 27). « Que le plus grand d'entre vous soit votre serviteur ». (Mathieu 23 : 11).
    Un serviteur est sans cesse occupé de l'ouvrage et de l'intérêt de son maître ; il est toujours prêt à montrer à son maître qu'il ne cherche en toutes choses qu'à lui plaire, ou à lui être utile. Ainsi a vécu Jésus, « car le Fils de l'homme lui-même est venu, non pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie pour la rançon de plusieurs ». (Marc 10 : 45) « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert ». Et moi, disciple de Christ, c'est ainsi que je dois vivre aussi, ainsi que je dois être, au milieu des enfants de Dieu, le serviteur de tous. Si je veux être en bénédiction à d'autres, ce sera par mon empressement à les servir avec humilité et avec amour, sans égard à ma propre gloire, ni à mon propre intérêt, mais en cherchant à leur faire du bien. C'est en lavant les pieds des disciples que je dois suivre l'exemple de Christ, car un serviteur n'a pas honte d'être tenu pour un inférieur; sa place et son travail sont de servir les autres. Souvent, nous ne sommes pas en bénédiction aux autres, parce que nous nous adressons à eux comme leur étant supérieurs par les grâces et les dons que nous avons reçus. Si nous apprenions d'abord du Seigneur à apporter dans nos relations avec le prochain l'esprit de serviteur, quelle bénédiction ne serions-nous pas pour le monde ! Quand cet exemple sera suivi et tiendra la place qu'il doit tenir dans l'Eglise de Christ, on sentira bientôt la présence du Maître et sa puissance.
    Et à quel travail est appelé le disciple dans cet esprit d'humble service? Laver les pieds représente ici un double travail : l'un en vue de nettoyer et rafraîchir le corps, l'autre de purifier et sauver l'âme.   Ces deux buts ont toujours été réunis dans tout le cours de la vie terrestre de notre Seigneur. Les malades étaient guéris et l'Evangile était prêché aux pauvres. Pour le paralytique, comme pour beaucoup d'autres, la guérison du corps était la figure et la promesse de la vie de l'esprit.
    Le disciple de Jésus ne doit pas perdre de vue ceci quand il reçoit l'ordre de laver les pieds aux autres. Se souvenant que par la vie extérieure et matérielle il peut trouver accès à la vie intérieure et spirituelle, il fait du salut de l'âme le premier but de son ministère, mais il cherche aussi le chemin des cœurs par sa promptitude à rendre service dans les menus détails de la vie de chaque jour. Ce ne sera pas par des reproches et par des censures qu'il remplira l'office de serviteur, ce sera bien plutôt par sa bienveillance et son affection, par son empressement à aider et à rendre service, qu'il témoignera de ce que doit être le disciple de Jésus. Sa parole aura de la force alors, elle sera bien accueillie, et s'il rencontre chez autrui péché, perversité et opposition, loin d'en être découragé, il persévérera en pensant à toute la patience avec laquelle Jésus l'a supporté lui-même, et continue chaque jour à le laver et à le purifier. Il se sait au nombre des serviteurs destinés de Dieu à s'abaisser aussi bas que possible pour servir et sauver les hommes, même jusqu'à se mettre à leurs pieds s'il le faut.
    L'esprit qui doit animer cette vie d'amour et d'humble service ne peut venir que de Jésus seul. Jean dit de lui : «Comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'à la fin ». (Jean 13 : 1). Pour l'amour, rien n'est trop difficile. L'amour ne parle pas de sacrifice. Pour rendre heureux celui qu'il aime, l'amour est prêt à renoncer à tout. C'est l'amour qui a fait de Jésus un serviteur. C'est l'amour seul qui nous fera trouver tant de bonheur à être serviteur, qu'à tout prix nous voudrons continuer à servir notre Maître. Nous pourrons, comme Jésus, avoir à laver les pieds de quelque Judas qui nous paiera d'ingratitude et de trahison. Nous rencontrerons probablement plus d'un Pierre qui nous repoussera d'abord par son : « Jamais tu ne me laveras les pieds », et qui ensuite exhalera son mécontentement si nous ne pouvons complaire à l'impatience de son : « Non seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ». L'amour seul, un amour divin, inépuisable, peut donner la patience, le courage et la sagesse nécessaires pour le vaste service dont le Seigneur nous a donné l'exemple : « Vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres ».
    O mon âme, ton amour ne saurait atteindre si haut. C'est pourquoi, écoute celui qui te dit: « Demeurez dans mon amour ». (Jean 15 : 9).
    Apprenez de Jésus combien il vous aime, et que lui seul peut vous faire « demeurer dans son amour » .Vivez chaque jour comme le bien-aimé du Seigneur, faisant l'expérience que son amour vous purifie, vous sanctifie, vous soutient et vous bénit tout le long de la journée. Son amour se répandant ainsi en vous, débordera aussi de vous, et vous fera trouver votre plus grande joie à suivre son exemple en lavant les pieds aux autres. Ne vous plaignez pas trop du manque d'amour et d'humilité chez les autres, mais priez beaucoup le Seigneur de rendre les siens attentifs à leur véritable vocation, celle de suivre ses traces, afin que le monde voie que Christ est réellement leur modèle. Et si vous ne voyez pas de changement aussi vite que vous le voudriez chez ceux qui vous entourent, demandez d'autant plus au Seigneur que vous puissiez, vous au moins, témoigner de la joie qu'il y a à aimer et à servir comme Jésus, que vous puissiez montrer que c'est aussi là le moyen d'être, comme Jésus, en bénédiction aux autres.
    Mon Dieu ! Je m'abandonne à toi, te priant de me faire entrer dans cette heureuse vie de service. En toi, Seigneur, j'ai vu que l'esprit de serviteur est l'esprit qui vient du ciel et qui conduit au ciel. Que ton amour éternel demeure en moi, et ma vie sera, comme la tienne, l'accomplissement de ces mots : « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert ».
    O toi, Fils glorifié du Père, tu sais que ce n'est pas toujours ton Esprit qui nous anime, tu sais que cette vie de serviteur est le contraire de ce que le monde tient pour honorable, mais tu es venu nous donner d'autres notions là-dessus, tu es venu nous enseigner ce qu'on pense au ciel de la gloire d'être le dernier, et du bonheur qu'on peut trouver à servir. O toi, qui donnes, non seulement de nouvelles pensées, mais encore de nouveaux sentiments» donne-moi un cœur comme le tien, un cœur rempli du Saint-Esprit, un cœur qui puisse aimer comme toi.
    O Seigneur, ton Saint-Esprit demeure déjà en moi; mais le recevoir avec plénitude est l'héritage que tu m'as promis. Dans la joie que donne ton Saint-Esprit, je pourrai être ce que tu es. Je me consacre donc à une vie de service comme la tienne. Donne-moi le même esprit qui t'animait quand tu t'es abaissé au point de revêtir un corps d'homme, et sans égard à l'opinion du monde, de prendre la place de serviteur. Oui, Seigneur, que par ta grâce ce même esprit vienne m'animer, moi aussi. Amen.

QUATRIÈME JOUR COMME CHRIST Notre Tête.

« C'est aussi à quoi vous êtes appelés, puisque Christ lui-même a souffert pour vous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces... lui qui a porté nos péchés en son corps sur le bois, afin qu'étant morts au péché, nous vivions à la justice. » 1 Pierre 2 : 21, 24.

    Etre appelé à suivre l'exemple de Christ et à marcher sur ses traces ! C'est si grand, c'est si élevé, qu'il y a là toute raison de s'étonner et de s'écrier : Comment attendre d'hommes pécheurs qu'ils marchent comme le Fils de Dieu? Aussi la plupart s'écrient que c'est impossible, que c'est là un idéal admirable, mais hors d'atteinte.
    L'Ecriture parle autrement. Elle nous montre l'admirable union qui nous relie à .Christ et qui nous remplit de sa vie divine avec toute sa puissance d'action. Elle nous montre que par là même il est tout naturel d'attendre de nous que nous vivions comme Christ. Pour suivre l'exemple de Christ il faut donc avant tout réaliser l'union de Christ avec ses disciples.
    Et quelle est cette union? Dans notre texte, Pierre nous présente Christ comme notre Garant, notre Modèle et notre Tête.
    Christ est notre Garant. Christ a souffert pour nous, lorsqu'il « a porté nos péchés en son corps sur le bois ». Comme notre Garant, il a souffert et il est mort à notre place. En portant nos péchés, il nous a affranchis de la malédiction et de la domination du péché. Comme notre Garant, il a fait ce que nous ne pouvions pas faire, ce qu'à présent nous n'avons pas besoin de faire.
    Christ est aussi notre Modèle. Dans un sens son oeuvre est unique sans doute, et pourtant nous avons à le suivre dans cette oeuvre même, nous devons faire ce qu'il a fait, vivre et souffrir comme lui. Christ nous a laissé un exemple afin que nous suivions ses traces. Ses souffrances comme mon Garant m'appellent à des souffrances semblables, puisqu'il est aussi mon Modèle. Mais ceci est-il équitable? Lorsque Jésus a souffert comme Garant du pécheur, il avait en lui la puissance de sa nature divine, et comment peut-il attendre de moi, dans la faiblesse de la chair, que je souffre comme lui? N'y a-t-il pas un abîme béant entre ces deux choses que Pierre réunit si étroitement : la souffrance comme Garant et la souffrance comme Modèle? Non, l'oeuvre de Christ présente une troisième face qui jette un pont sur l'abîme, et qui nous rend possible de prendre le Garant pour notre Modèle, de vivre, de souffrir et de mourir comme lui.
    Christ est aussi notre Tête. Voilà ce qui relie le Garant au Modèle: Christ est le second Adam. Comme croyant, je suis spirituellement un avec lui, membre du corps dont il est la tête. (Ephésiens 1 : 23). Par cette unité en lui, il vit en moi et me fait avoir part à la vertu de son oeuvre accomplie, à la vertu de ses souffrances, de sa mort et de sa résurrection. C'est sur cette base-là qu'il nous est dit dans Romains 6, et ailleurs, que le chrétien est réellement mort au péché et vivant à Dieu. La vie même dont Christ vit, cette vie qui a passé par la mort et par la puissance de cette mort, devient la vie du croyant, et par ce fait il est mort et ressuscité avec Christ. C'est la même pensée qu'exprime Pierre, quand il dit : « qui a porté nos péchés en son corps sur le bois ». Il l'a fait, non seulement afin que nous soyons pardonnés par sa mort, mais afin « qu'étant morts au péché, nous vivions à la justice ». Comme nous avons part à la mort spirituelle du premier Adam, étant réellement morts à Dieu en lui, nous avons de même part au second' Adam, étant réellement morts au péché en lui, et ayant repris vie en lui pour être à Dieu. Christ n'est pas seulement le Garant qui a vécu et qui est mort pour nous, il n'est pas seulement le Modèle qui nous a montré comment nous devons vivre et mourir, il est encore notre Tête. En lui, nous sommes un; en sa mort, nous sommes morts, et sa vie est à présent nôtre vie. Voilà ce qui nous donne la force de marcher d'après le Modèle dans tout ce qu'a fait le Garant. Christ comme notre Tête est le lien qui rend inséparables la foi au Garant et la conformité au Modèle.
    Ces trois choses n'en font qu'une. Ces trois vérités ne peuvent se séparer l'une de l'autre. Et pourtant on les sépare trop souvent.
- Quelques-uns veulent suivre l'exemple de Christ sans foi en son expiation. Ils cherchent en eux-mêmes la force de vivre comme lui, et leurs efforts ne peuvent être que vains.
- D'autres saisissent bien l’œuvre du Garant, mais ils négligent le Modèle. Ils croient à la rédemption par le sang versé sur la croix, mais ils négligent de suivre les traces de celui qui a souffert la croix. La foi à l'expiation est bien la base de l'édifice, mais ce n'est pas tout. Leur christianisme est défectueux aussi, il manque de lumière sur la sanctification, parce qu'ils ne comprennent pas que la foi à l'expiation impose l'obligation de suivre l'exemple de Christ.
- D'autres croyants ont bien saisi ces deux vérités : Christ leur Garant, et Christ leur modèle ; et pourtant il leur manque encore quelque chose. Ils sentent bien le besoin de suivre Christ comme leur Modèle dans ce qu'il a fait comme leur Garant, mais ils manquent de force pour le faire. Ils ne comprennent pas comment on peut arriver à suivre cet exemple. Ce qu'il leur faut, c'est une vue claire de ce que l'Ecriture nous dit de Christ comme notre Tête.
    C'est parce que le Garant n'est pas séparé de moi, mais que je suis en lui, et qu'il est en moi, que je puis devenir comme lui. Sa vie même devient ma vie. Lui-même vient habiter en moi qu'il a racheté par son sang. Suivre ses traces est mon devoir, parce que cela m'est possible par l'union qui existe entre la Tête et les membres. Ce n'est que lorsque ceci sera bien compris, que l'exemple de Christ sera suivi, et qu'il aura la place qu'il doit avoir dans la vie chrétienne. Si Jésus lui-même veut, en me communiquant sa vie, agir en moi et rendre ainsi ma vie conforme à la sienne, mon devoir en devient simple et d'un accomplissement assuré. Je n'ai plus qu'à regarder à l'exemple donné par Jésus pour savoir ce que j'ai à faire, puis à demeurer en lui, et ouvrir mon cœur à l'action bénie de sa vie en moi. Aussi certainement qu'il a vaincu le péché et la condamnation pour moi, il vaincra de même la domination du péché en moi. Ce qu'il a commencé pour moi par sa mort, il le perfectionnera par sa vie en moi. C'est donc parce que mon Garant est aussi ma Tête, que l'exemple qu'il me donne comme mon Modèle doit être et sera la règle de ma vie.
    On cite souvent cette parole de saint Augustin : « Seigneur donne-moi ce que tu commandes, et commande alors ce que tu voudras ». Ce qu'il a dit trouve ici sa confirmation : Si le Seigneur, qui vit en moi, me donne ce qu'il demande de moi, il ne me demandera jamais rien de trop élevé pour moi. J'ai le courage alors de considérer son saint exemple en long et en large et de le recevoir comme la règle à suivre. Ce n'est plus seulement le commandement qui me dit ce que je dois être, c'est aussi la promesse de ce que je serai. Rien n'affaiblit plus la force de l'exemple de Christ que la pensée de ne pas pouvoir marcher comme lui. N'accueillez jamais cette pensée-là. C'est déjà sur cette terre que doit commencer la parfaite ressemblance avec Christ que nous obtiendrons plus tard au ciel. Dès ici-bas elle peut s'accentuer chaque jour et devenir plus visible à mesure que la vie suit son cours. Comme Christ, votre Tête, a accompli une fois pour toutes l’œuvre de votre salut, il accomplira peu à peu en vous avec sa même puissance cette oeuvre de renouvellement à son image.  
    Que ceci nous rende la croix doublement précieuse ! Jésus, notre Tête, a souffert comme notre Garant, afin de pouvoir, par son union avec nous, porter nos péchés à notre place. Jésus, notre Tête, a souffert comme notre Modèle, afin de pouvoir nous guider dans la voie, qui par notre union avec lui, nous conduit à la victoire et à la gloire. Le Christ qui a souffert est donc à la fois notre Tête, notre Garant et notre Modèle.
    Il en résulte que c'est précisément la voie de souffrance où Jésus a opéré notre union avec lui, qui nous conduit à la victoire et à la gloire. Le Christ qui a souffert est donc à la fois notre Tête, notre Garant et notre Modèle.
    Il en résulte que c'est précisément dans la voie de souffrance où Jésus a opéré notre expiation et notre rédemption, que nous devons suivre ses traces, et que nous ne réaliserons ce qu'est pour nous cette rédemption qu'à proportion de la part personnelle que nous prendrons à cette souffrance. « Christ a souffert pour nous, nous laissant un exemple ». Veuille le Saint-Esprit nous révéler ce que signifie cette parole.
    O mon Sauveur ! Comment te rendre grâce de l’œuvre que tu as accomplie comme mon Garant? Te mettant à ma place comme un coupable, tu as porté mes péchés en ton corps sur le bois, sur cette croix que j'avais méritée. Toi, tu l'as subie, tu t'es fait semblable à moi, afin que la croix fut pour moi bénédiction et vie.
    Et à présent tu m'appelles à être crucifié, afin d'être fait semblable à toi, et de trouver en toi la force de souffrir et de ne plus pécher. Toi, ma Tête, tu as été mon Garant, tu as souffert et tu es mort avec moi. Toi, ma Tête, tu es mon Modèle, afin que je puisse souffrir et mourir avec toi.
    O mon Sauveur! Je reconnais que j'ai trop peu compris ces choses. Ton oeuvre comme Garant tenait plus de place à mes yeux que ton oeuvre comme Modèle. J'étais heureux de savoir que tu avais souffert la croix pour moi, mais je ne pensais guère que je dusse, moi aussi, souffrir la croix comme toi et avec toi. J'attachais plus d'importance à l'expiation de la croix qu'à ma participation à la croix, plus d'importance à me savoir racheté qu'à être personnellement uni à toi
    Pardonne-le-moi, Seigneur ! et apprends-moi à trouver ma joie dans mon union avec toi, ma Tête, tout autant que dans ma confiance en toi comme Garant et comme Modèle. Et quand je me demande comment je puis suivre l'exemple que tu m'as donné, puisse ma foi devenir plus ferme et plus joyeuse à la pensée que si Jésus est mon modèle, c'est parce qu'il est aussi ma vie. Puisque je suis un avec lui, je dois et je puis être comme lui. Accorde-le-moi, Seigneur, dans ton amour! Amen.

CINQUIÈME JOUR COMME CHRIST En souffrant injustement.

« Car cela est agréable à Dieu, lorsque quelqu'un, par un motif de conscience, endure de mauvais traitements en souffrant injustement. Autrement quelle gloire serait-ce pour vous, si, étant battus pour avoir mal fait, vous l'enduriez? Mais si, en faisant bien, vous êtes maltraités, et que vous le souffriez patiemment, c'est à cela que Dieu prend plaisir. » 1 Pierre 2 : 19, 20.

    C'est à propos de choses tout ordinaires que Pierre prononce ces paroles importantes, nous présentant Christ comme notre Garant et notre Modèle. Il écrit à des serviteurs qui dans ce temps-là étaient pour la plupart des esclaves. Il les exhorte à être « soumis à leurs maîtres avec toute sorte de crainte, non seulement à ceux qui sont bons et équitables, mais aussi à ceux qui sont fâcheux, car, dit-il, si quelqu'un fait mal et en est puni, quelle gloire lui serait-ce de le supporter patiemment? » Non, mais si quelqu'un fait bien, et en souffre et le supporte patiemment, voilà ce qui est agréable à Dieu. Supporter ainsi l'injustice, c'est faire comme Christ. En portant nos péchés à notre place, Christ a souffert injustement ; d'après son exemple, nous devons être prêts aussi à souffrir injustement.
    Il n'est guère de chose qui nous soit plus dure et plus difficile à supporter que de souffrir injustement de la part de nos semblables. Il y a là non seulement préjudice et douleur, mais encore un sentiment d'humiliation et d'injustice qui réveille la conscience de nos droits. Dans ce qui nous arrive par l'entremise des hommes, il n'est pas toujours facile de discerner la volonté de Dieu et de nous dire aussitôt qu'il permet cette épreuve pour voir si nous avons réellement pris Christ pour notre modèle. Étudions ce modèle ; il nous apprendra ce qui lui donnait la force de supporter patiemment l'injustice.
    Christ voyait dans la souffrance la volonté de Dieu. Il avait trouvé dans l'Ecriture que le serviteur de Dieu doit souffrir. Cette pensée lui était devenue familière, en sorte qu'à l'arrivée de la souffrance, il n'en fut pas surpris. Il l'attendait, il savait qu'elle devait contribuer à sa perfection. Il n'eut donc pas l'idée de chercher comment il pourrait s'en délivrer mais plutôt comment il pourrait glorifier Dieu par là-même. Ceci le rendit capable de supporter tranquillement la plus grande injustice. Il voyait là la main de Dieu.
    Chrétien! Auriez-vous la force de souffrir injustement dans le même esprit que Christ? Accoutumez-vous à reconnaître la main de Dieu dans tout ce qui vous arrive. Ce que Jésus vous enseigne là est plus important que vous ne le pensez. Qu'il s'agisse de quelque injustice dans des choses graves, ou de quelque petite offense du courant de chaque jour, avant d'arrêter votre pensée sur la personne qui en est l'occasion, recueillez-vous et rappelez-vous ceci: Dieu permet cette épreuve sur ma route pour voir si je le glorifierai par là. Cette épreuve, grande ou petite, me vient de Dieu, elle est sa volonté à mon égard. Avant tout puissé-je y voir la volonté de Dieu et m'y soumettre. Alors, dans la tranquillité d'âme que donne ce regard en haut, je recevrai aussi la sagesse nécessaire pour me conduire en cette circonstance. Quand on regarde, non plus à l'homme, mais à Dieu, souffrir injustement n'est pas si difficile qu'il semble d'abord.
    Christ aussi croyait que Dieu prendrait soin de ses droits et de son honneur. Nous avons en nous un sentiment inné de justice qui vient de Dieu; mais l'homme qui vit encore selon le monde visible veut avoir son honneur vengé dès ici-bas, tandis que celui qui vit déjà dans le monde éternel et « comme voyant celui qui est invisible » (Héb. 11 : 27), se contente de laisser à Dieu le soin de venger son honneur et ses droits ; il les sait en sûreté dans la main de Dieu. Ainsi faisait notre Seigneur Jésus. Pierre nous dit « qu'il s'en remettait à celui qui juge justement » (1 Pierre 2 : 23). C'était une chose entendue entre le Père et le Fils que le Fils n'avait pas à prendre soin de son honneur à lui, mais seulement de celui du Père, et que le Père pourvoirait à la gloire du Fils. Qu'en ceci le chrétien suive l'exemple de Christ et il en retirera beaucoup de paix et de repos d'esprit.
    Placez sous la garde de Dieu vos droits et votre honneur ; recevez chaque offense avec la ferme confiance que Dieu veille sur vous et prend soin de vous, « vous en remettant à celui qui juge justement ».
    En outre, Christ croyait à la puissance de l'amour qui sait souffrir. Nous reconnaissons tous qu'il n'est pas de plus grande puissance que celle de l'amour. C'est par là que Christ a vaincu l'inimitié du monde. Toute autre victoire n'obtient qu'une soumission forcée, l'amour seul opère la véritable victoire qui change l'ennemi en ami. Nous admettons tous cette vérité en théorie, mais nous reculons devant l'application, tandis que Christ l'a mise en pratique. Lui aussi a voulu se venger, mais il l'a fait avec amour, amenant à ses pieds ses ennemis devenus ses amis. Il a cru que, par le silence, la soumission, la souffrance et le support des offenses, il gagnerait sa cause, parce que c'est ainsi que l'amour obtient la victoire.
    Et voilà ce qu'il veut aussi de nous. Notre nature pécheresse aime mieux compter sur sa propre force et son droit que sur le pouvoir divin de l'amour, mais celui qui veut ressembler à Christ doit le suivre là aussi et surmonter le mal par le bien. Plus il sera traité injustement par un autre, plus il se sentira appelé à l’aimer. Et même, s'il faut pour la sécurité publique que la justice punisse l'offenseur, il prendra garde à ce qu'il ne s'y mêle de sa part aucun ressentiment personnel, mais en tout ce qui le concerne il pardonnera, il aimera.
    Ah! que tout serait différent dans le monde chrétien et dans nos Eglises, si l'exemple de Christ était suivi ! Que tout serait différent si chacun de ceux qui « reçoivent des outragea n'en rendaient point », si chacun de ceux qui sont «maltraités ne faisaient point de menaces, mais s'en remettaient à celui qui juge justement ». Frères chrétiens, voilà littéralement ce que le Père demande de nous.
    Lisons et relisons les paroles de Pierre jusqu'à ce que notre âme soit pénétrée de cette pensée : «Si en faisant bien vous êtes maltraités et que vous le souffriez patiemment, c'est à cela que Dieu prend plaisir ».
    Dans la vie chrétienne, comme on la comprend ordinairement, où chacun cherche à remplir par ses propres efforts sa vocation de racheté, il est impossible de parvenir à une semblable conformité à l'image du Seigneur ; mais dans la vie de celui qui renonce à soi-même pour s'abandonner au Seigneur, qui remet tout entre ses mains avec la confiance qu'il fera tout, renaît l'espérance de pouvoir ressembler à Christ en ceci aussi. Pour lui le commandement de souffrir comme Christ se lie étroitement à ces mots : « Christ a porté nos péchés en son corps sur le bois, afin qu'étant morts au péché, nous vivions à la justice ». (1 Pierre 2 : 24).
    Frère chrétien, ne voudrais-tu pas ressembler à Jésus et faire, en supportant les offenses, ce que lui-même eût fait à ta place? N'est-elle pas belle la perspective d'être en toutes choses, même en ceci, conforme à Jésus? Avec tes propres forces, c'est impossible, mais avec sa force à lui, c'est possible. Abandonne-toi donc à lui jour après jour pour qu'il opère en toi tout ce qu'il veut que tu sois. Crois qu'il vit dans les cieux pour être la vie et la force de chacun de ceux qui cherchent à marcher sur ses traces. Renonce à toi-même pour devenir un avec le Christ crucifié, si tu veux savoir ce que c'est d'être mort au péché et de vivre à la justice. Alors tu éprouveras avec joie quelle puissance résulte de la mort de Jésus, non seulement pour effacer le péché, mais encore pour en briser les liens; alors tu participeras aussi à sa vie de résurrection qui te fera « vivre à la justice », et tu trouveras tout autant de bonheur à suivre les traces du Sauveur dans la souffrance que tu en as trouvé à te confier pleinement et uniquement en sa passion pour ton expiation et ta rédemption. Alors Christ te sera aussi précieux comme Modèle qu'il te l'a été comme Garant. C'est parce qu'il a pris sur lui ton châtiment en souffrant pour toi, que tu souffriras, toi aussi, volontiers pour lui. Souffrir injustement deviendra ainsi pour toi une participation honorable à ses souffrances, le sceau de la conformité à sa sainte ressemblance, le fruit béni de la véritable vie de foi.
    O Seigneur, mon Dieu, je viens d'entendre ce que dit ta Parole : « Lorsque quelqu'un, par un motif de conscience, endure de mauvais traitements en souffrant injustement, cela est agréable à Dieu ». Voilà donc, Seigneur, le sacrifice qui t’est agréable, l’œuvre que ta grâce seule peut faire en nous. 
    C'est là le fruit des souffrances de ton Fils bien-aimé, le fruit de l'exemple qu'il a laissé et de la force qu'il donne parce qu'il a détruit la domination du péché.
    O mon Père, enseigne-moi, enseigne à tous tes enfants, à rechercher une entière conformité avec ton Fils dans ce trait de son image. Seigneur, je veux une fois pour toutes te confier la garde de mes droits et de mon honneur, et ne plus m'en charger moi-même. Tu sauras parfaitement en prendre soin. Et quant à moi, que ma seule préoccupation soit désormais l'honneur et les droits de mon Dieu.
    Je te demande surtout de me remplir de foi en la puissance victorieuse de l'amour qui sait souffrir. Fais-moi saisir pleinement que l'Agneau de Dieu qui a souffert pour nous, nous enseigne par là-même que la patience, le silence et le support ont plus de prix aux yeux de Dieu et plus d'influence sur les hommes que la force et le droit. O mon Père, je dois marcher et je voudrais marcher sur les traces de Jésus, mon Sauveur. Que ton Saint-Esprit, que ta lumière, ton amour et ta présence me guident et me fortifient. Amen.
(Voir la note 2me).

SIXIÈME JOUR COMME CHRIST  Crucifié avec lui.

« Je suis crucifié avec Christ, et je vis, non plus moi-même, mais Christ vit en moi. Dieu me garde de me glorifier en autre chose qu'en la croix de notre Seigneur Jésus-Christ par laquelle le monde est crucifié à mon égard, et moi je suis crucifié au monde. » Galates 2 : 20 ; 6 : 14.

    Se charger de la croix. Voilà le mot de ralliement donné par Christ à ses disciples. Dans trois occasions différentes, ces paroles sont répétées : « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à soi-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive ». (Mathieu 10 : 38 et 16 : 24 ; Luc 14 : 27).
    Pendant que le Seigneur était encore sur le chemin de la croix, cette expression « se charger de sa croix » était la plus propre à bien rendre la conformité avec Christ à laquelle est appelé son disciple. Mais à présent que Christ a été crucifié, le Saint-Esprit emploie d'autres termes pour nous parler avec plus de force de notre entière conformité avec Christ ([1]). Il nous dit que le croyant est crucifié avec Christ. La croix est le signe distinctif du chrétien, aussi bien que de Christ. Le Christ crucifié et le chrétien crucifié s'appartiennent mutuellement. Le principal trait de ressemblance avec Christ consiste à être crucifié avec lui. Aussi quiconque veut lui ressembler doit avant tout chercher à comprendre le mystère de cette union avec Christ sur la croix. Au premier moment, ce mot « crucifié avec Christ » effraye le chrétien qui cherche à ressembler à Jésus. Il recule à la pensée de la croix, à la pensée des souffrances et de la mort .qui s'y rattachent, mais à mesure que sa vie spirituelle s'éclaire, cette parole fait toujours plus son espérance et sa joie, et il se glorifie de la croix, parce qu'elle le fait participer à la mort et à la victoire qui ont déjà été accomplies et qui l'affranchissent de la domination de la chair et du monde. Pour comprendre ces choses, il faut étudier avec soin ce que nous en dit l'Ecriture. « Je suis crucifié avec Christ », dit Paul « et je vis, non plus moi-même, mais Christ vit en moi ». Par la foi en Christ nous sommes amenés à participer à la vie de Christ, et cette vie-là a passé par la mort de la croix. Elle possède la puissance divine que lui a acquise la mort de la croix. Quand donc je reçois en moi la vie de Christ, je reçois par là-même toute la puissance qui résulte de sa mort sur la croix, puissance qui agit constamment en moi. J'ai été crucifié avec Christ, et pourtant je vis, mais ce n'est plus moi, c'est Christ en moi ; ma vie est celle de Christ crucifié, celle qu'il a obtenue par la croix. Le fait d'avoir été crucifié est au nombre des choses passées et accomplies. « Sachant que notre vieil homme a été crucifié avec lui ». (Rom. 6:6). « Ceux qui sont à Christ ont crucifié la chair ». (Galates 5 : 34). « Dieu me garde de me glorifier en autre chose qu'en la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, par laquelle le monde est crucifié à mon égard et moi au monde ». (Galates 6 : 14). Tous ces textes parlent de quelque chose qui a été fait en Christ, et dont je suis participant par la foi.
    Il est très important de comprendre cette vérité et de la proclamer hautement. J'ai été crucifié avec Christ. J'ai crucifié ma chair. J'apprends ainsi à quel point je participe à l’œuvre accomplie par Christ, car si je suis crucifié et mort avec lui, j'ai part aussi à sa vie et à sa victoire. J'apprends ainsi à laisser mortifier mon vieil homme par la vertu de cette croix.
    Il me reste encore beaucoup à faire, mais non à me crucifier, puisque j'ai déjà été crucifié, « Mon vieil homme, dit l'Ecriture, a été crucifié ». (Rom. 6 : 6). Je n'ai donc plus qu'à le tenir pour crucifié, et le traiter comme tel sans lui permettre de descendre de la croix. Il faut que je maintienne ma position de crucifié, que « ma chair » reste sur la croix. Pour réaliser la force de ce que nous disons là, il y a encore une importante distinction à faire : le vieil Adam en moi a bien été crucifié, mais il n'est pas encore mort. Quand je me suis donné à mon Sauveur crucifié, péché, chair et tout, il m'a reçu tout entier. Tout mon être avec sa vieille nature fut alors réuni à lui sur la croix, mais là se fit une séparation. Par ma réunion à Christ j'ai été libéré de la vie de la chair, je suis mort avec lui et l'essence intime de mon être a reçu une vie nouvelle : Christ vit en moi; mais la chair que j'habite encore, ce vieil homme crucifié avec lui, bien que condamné à mort, n'est pas encore mort. Et maintenant, par mon union avec Christ et par sa force en moi, je dois avoir l’œil à ce que ma vieille nature reste clouée à la croix jusqu'au moment où elle sera entièrement détruite. Tous ses instincts, tous ses désirs crient ensemble : Descends de la croix. « Sauve-toi toi-même et nous aussi ! » (Luc 23 : 89). Mais mon devoir, à moi, est de me glorifier en la croix, de maintenir de tout mon cœur la prééminence de la croix, d'apposer mon sceau à la sentence prononcée contre la chair, de tenir le péché pour crucifié, et ainsi de ne lui permettre aucune domination. C'est là ce qu'entend l'Ecriture quand elle dit : « Si par l'Esprit vous mortifiez les oeuvres du corps, vous vivrez ». (Romains 8 : 18). «Faites donc mourir ce qui compose en vous l'homme terrestre ». (Col. 8:5). Par là je reconnais que « le bien n'habite point en moi, dans ma chair » (Romains 7 : 18), par là je reconnais que Christ, le Crucifié, est mon Seigneur; je me souviens que j'ai été crucifié, que je suis mort en lui, et que ma chair a été à jamais livrée à la mort de la croix. C'est ainsi que je vis comme Christ, crucifié avec lui.
    Pour se rendre pleinement compte du sens et de la portée de cette participation à la croix de notre Seigneur, voici ce que doivent bien saisir ceux qui veulent suivre Christ : qu'ils sachent, avant tout, que par la foi, ils sont unis au Christ crucifié. C'est à leur conversion qu'a commencé cette union, mais alors ils ne l'ont pas bien comprise ; et combien de chrétiens restent toute leur vie dans l'ignorance à cet égard, faute de développement spirituel. Mon frère, demandez que le Saint-Esprit vous révèle votre union avec le Crucifié et vous éclaire sur le sens de ces mots : « J'ai été crucifié avec Christ ». « Je me glorifie en la croix de Christ par laquelle le monde est crucifié à mon égard et moi au monde ». Saisissez-vous de ces paroles de l'Ecriture, cherchant par la prière et la méditation à vous les approprier entièrement. D'un cœur avide de recevoir, demandez que le Saint-Esprit les fasse vivre en vous. A la lumière de Dieu, comprenez ce que vous êtes bien réellement : « crucifié avec Christ ».
    Quand vous serez au clair sur ce premier point, vous recevrez par là-même la grâce et la force de vivre comme quelqu'un qui a été crucifié et en qui Christ vit. Vous pourrez alors, tenir la chair et le monde pour cloués à la croix, et les traiter comme tels. Votre vieille nature cherche sans cesse à vous faire croire que c'est trop prétendre d'exiger de vous que vous viviez toujours de cette vie de crucifié, mais vous le pouvez par votre union avec Christ. C'est en lui et en sa croix que saint Paul peut dire : « J'ai été crucifié au monde ». En Jésus cette crucifixion est un fait accompli; en Jésus vous avez passé par la mort, en lui vous avez été rendu vivant. Christ vit en vous. Que cette participation à la croix de Christ s'implante toujours mieux en vous, car elle vous fera participer toujours mieux à sa vie et à son amour. Etre crucifié avec Christ, c'est être affranchi de la domination du péché, c'est être racheté et vainqueur. Souvenez-vous que le Saint-Esprit est spécialement chargé de glorifier Christ en vous, de vous révéler et de vous approprier tout ce qu'il y a en Christ pour vous. Ne vous contentez pas, comme tant d'autres, de ne voir dans la croix que
l'expiation.
    La gloire de la croix est non seulement d'avoir été pour Jésus l'entrée dans la vie du ciel, mais d'être continuellement pour nous le moyen de vaincre le péché et d'entretenir en nous la vie divine. Apprenez de votre Sauveur à saisir tout ce que la croix vous donne là. La foi en la puissance victorieuse de la croix fera mourir de jour en jour « les désirs de la chair » ; elle vous fera trouver votre bonheur, dans la mort continuelle du moi, car vous regarderez la croix, non plus comme si vous étiez encore sur le chemin qui mène à la crucifixion, avec la perspective d'une mort douloureuse, mais comme ayant déjà subi la mort de la croix en Christ et comme vivant en Christ. La croix vous sera ainsi le moyen béni par lequel « le corps du péché est détruit » (Romains 6 :6), le drapeau sous lequel il faut s'enrôler pour obtenir pleine victoire sur le péché et sur le monde.
    Enfin, souvenez-vous de ce qui est ici l'essentiel. Souvenez-vous que c'est Jésus lui-même, votre Sauveur, qui vous rendra capable d'être semblable à lui en toutes choses. Sa douce communion, son tendre amour, sa divine puissance font de la participation à sa croix et de la vie de crucifixion une vie de joyeuse résurrection, de bénédiction et de victoire sur le péché. En lui vous pouvez chanter cet hymne de victoire : « Dieu me garde de me glorifier en autre chose qu'en la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, par laquelle le monde est crucifié à mon égard, et moi je suis crucifié au monde !»
    O mon Sauveur, je te demande humblement de me révéler la gloire que recèle pour moi ta croix lorsque je m'y place avec toi. La croix, c'était là ma place, lieu de mort et de malédiction ; et toi, tu t'es fait homme comme nous, et tu as été crucifié avec nous. A présent la croix est la place dont tu fais un lieu de bénédiction et de vie; et tu m'appelles à devenir comme toi, crucifié avec toi, pour que je sache par ma propre expérience que la croix m'a entièrement affranchi du péché. Seigneur, fais-moi connaître toute la puissance de la croix. Depuis longtemps je connais sa vertu efficace pour racheter de la malédiction. Mais qu'il y a longtemps aussi que, racheté, je lutte en vain contre le péché, pour obéir au Père comme toi tu lui as obéi. Il m'était impossible de me soustraire à la domination du péché. A présent je vois que nul ne le peut, à moins de s'abandonner à la direction du Saint-Esprit en la communion de ta croix. Alors tu fais voir à ton disciple que la croix a mis fin à la domination du péché et l'en a affranchi. Alors toi, le Crucifié, tu viens vivre en lui, lui communiquer ton esprit de volontaire sacrifice, expulser et vaincre le péché.
    O mon Dieu ! Fais-moi mieux comprendre ces choses. C'est avec la confiance que tu le feras, que je puis dire : «J'ai été crucifié avec Christ ». Toi, qui m'as aimé jusqu'à mourir pour moi, ce n'est pas ta croix, c'est toi-même, toi, le Crucifié, que je cherche et en qui j'espère. Prends-moi, garde-moi, enseigne-moi d'instant en instant que tout ce qui compose mon vieil homme, mon moi terrestre, est condamné, mérite la croix et a été crucifié ; enseigne-moi d'instant en instant qu'en toi j'ai tout ce qui m'est nécessaire pour vivre d'une vie sainte et bénie. Amen. [1] On perd de vue le véritable sens de ce commandement, quand on ne voit là que les croix ou épreuves de la vie. La croix signifie la mort. Se charger de sa croix c'est mourir, et c'est surtout dans la prospérité qu'on en a besoin. Se charger de la croix et suivre Christ, c'est vivre chaque jour en abandonnant à la mort toute volonté et toute vie propres.
(Voir la note 3e).

SEPTIEME JOUR COMME CHRIST Dans son abnégation.

« Nous devons donc, nous qui sommes plus forts, supporter les infirmités des faibles, et non pas chercher notre propre satisfaction. Que chacun de nous donc ait de la condescendance pour son prochain, et cela pour le bien et pour l'édification ; car aussi Christ n'a point cherché sa propre satisfaction ; mais selon qu'il est écrit : Les outrages de ceux qui t'ont outragé sont tombés sur moi. C'est pourquoi recevez-vous les uns les autres avec bonté, comme Christ nous a reçus pour la gloire de Dieu. » Romains 15 : 1-3, 7.

« Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce a soi-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive. » Mathieu 16 : 24.

    Christ lui-même n'a pas « cherché sa propre satisfaction ». Il a supporté avec patience les reproches par lesquels les hommes ont déshonoré Dieu; il l'a fait afin de sauver les hommes et de glorifier Dieu. C'est là ce qui nous donne la clef de sa vie, soit à l'égard de Dieu, soit à l'égard de l'homme. C'est là aussi ce qui doit être notre règle de conduite. «Nous qui sommes plus forts, nous ne devons pas chercher notre propre satisfaction ».
    Renoncer à soi-même est tout le contraire de chercher sa propre satisfaction. Quand Pierre renia Christ, il dit : « Je ne connais point cet homme-là », je n'ai rien à faire avec lui, ni avec ce qui le concerne; je ne veux pas qu'on me croie son ami. Le vrai chrétien renie de même son vieil homme : Je ne connais pas ce vieil homme; je ne veux rien avoir de commun avec lui, ni avec ce qui le concerne. Et s'il encourt quelque blâme, s'il est en butte à quelque offense, à quelque procédé pénible à son ancienne nature, il se borne à dire : Faites ce que vous voudrez du vieil Adam ; je n'en ai nul souci. Par la croix de Christ, je suis crucifié au monde, à la chair, à moi-même, et je suis étranger à ce qui touche le vieil homme. Je ne suis pas son ami. Je désavoue toute réclamation, toute exigence de sa part, je ne le connais pas.
    Le chrétien qui n'en est encore qu'à se savoir sauvé de la condamnation et de la malédiction, ne peut pas comprendre ceci, il lui semble impossible de « renoncer à soi-même », et bien qu'il essaye parfois de le faire, sa vie consiste en majeure partie à chercher « sa propre satisfaction ». Mais le chrétien qui voit en Christ son modèle ne peut plus s'en tenir là. Il a renoncé à lui-même pour chercher dans la croix de Christ une parfaite intimité avec le Seigneur. Le Saint-Esprit lui a appris à dire : « J'ai été crucifié avec Christ », et par là je suis mort au péché et à moi-même. Etroitement uni à Christ, il voit son vieil homme crucifié comme un malfaiteur condamné, et il a honte de l'avouer pour son ami. Il est déterminé à ne plus chercher la satisfaction de son ancienne nature, mais à la renier, et il a reçu la force de le faire. Depuis que le Christ crucifié est sa vie, renoncer à lui-même est devenu la règle de sa vie.
    Ce renoncement s'étend à tout. Il en était ainsi du Seigneur Jésus, et il en est de même de chacun de ceux qui veulent réellement le suivre. Ce renoncement comprend non seulement le péché et toute contravention à la loi de Dieu, mais il va plus loin encore, il s'étend jusqu'aux choses qui sont en apparence licites ou indifférentes. Pour celui qui a renoncé à lui-même, la volonté et la gloire de Dieu, ainsi que le salut des âmes, l'emportent toujours sur tout plaisir, sur tout intérêt personnel.
    Pour pouvoir user de « condescendance pour le prochain », il faut commencer par user de renoncement à soi-même. Le jeûne de celui qui a dit : « L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu », et qui ne voulut pas manger avant que le Père lui envoyât la nourriture, et que l'ouvrage du Père fût achevé, offre au croyant un bel exemple de tempérance dans le manger et le boire. La pauvreté de celui qui n'avait pas un lieu où reposer sa tête, lui apprend à user de la possession et de la jouissance des choses terrestres comme ne possédant pas ; et par la passion de celui qui a porté tous nos péchés en son corps sur le bois, il apprend à supporter patiemment toute souffrance. Son corps, comme temple du Saint-Esprit, est prêt à « porter partout la mort du Seigneur Jésus ». (2 Cor. 4 : 10). Avec Paul « il traite durement son corps et le tient assujetti ». (1 Cor. 9 : 27). Il met un frein à ses désirs, et selon l'exemple de renoncement donné par Jésus, « il ne cherche pas sa propre satisfaction ».
    Le renoncement est la sauvegarde aussi de l'intelligence et de l'esprit. Le croyant soumet aux enseignements de la parole de Dieu et de l'Esprit de Dieu sa propre sagesse, son propre jugement et toutes ses pensées. Vis-à-vis de l'homme, il se montre prêt à renoncer à ses propres vues pour écouter et s'instruire avec douceur et humilité, et même quand il sait avoir raison, c'est avec douceur encore, avec humilité qu'il émet son opinion, cherchant à découvrir et à reconnaître ce qu'il y a de bon chez les autres.
    Le renoncement a en outre une grande influence sur le cœur. C'est sous son contrôle que doivent se placer les affections, les désirs et la volonté aussi, cette puissance souveraine de l'âme. Chez le disciple de Christ, la propre satisfaction ne doit pas tenir plus de place qu'elle n'en tenait dans la vie de Christ. Le renoncement est la règle de sa vie.
    Ce renoncement n'est pas difficile au croyant réellement donné à Christ. Pour celui qui, d'un cœur partagé, veut se contraindre à une vie de renoncement, oui, c'est difficile, mais non pas pour celui qui s'est donné sans réserve et qui a saisi de tout son cœur que la croix détruit la domination du péché et du moi. Les bénédictions qu'il recueille de son renoncement lui sont une ample compensation du sacrifice plus apparent que réel auquel il s'est soumis. A peine ose-t-il parler encore de renoncement, tant il trouve de bonheur à être rendu conforme à l'image de Jésus.
    Aux yeux de Dieu, le renoncement ne tire pas sa valeur, ainsi qu'on se le figure parfois, du degré de peine qu'il cause. Non, car la peine qu'on en éprouve vient en grande partie d'un reste de répugnance à renoncer à soi-même. Sa plus grande valeur aux yeux de Dieu vient au contraire d'un acquiescement facile et même joyeux qui ne regarde pas comme un sacrifice ce qui est fait pour Jésus, et qui s'étonne plutôt d'entendre les autres le qualifier de renoncement. Ili fut un temps où les hommes croyaient devoir fuir au désert et se retirer dans des couvents pour renoncer à eux-mêmes. Le Seigneur Jésus nous a montré que c'est dans nos rapports ordinaires avec les hommes que doit s'exercer le renoncement. Aussi Paul dit ici que « nous devons ne pas chercher notre propre satisfaction, et cela pour le bien et l'édification de notre prochain, car Christ n'a pas cherché sa propre satisfaction. C'est pourquoi recevez-vous les uns les autres avec bonté comme Christ nous a reçus ». 
    Le renoncement de notre Seigneur : voilà, ni plus ni moins, l'exemple à suivre. Ce qu'il fut, nous devons l'être. Ce qu'il fit, nous devons le faire. Quelle vie glorieuse sera celle de l'Eglise de Christ quand cette règle-là prévaudra : chacun ne vivant plus que pour rendre les autres heureux ; chacun renonçant à lui-même, ne se cherchant plus lui-même, estimant les autres meilleurs que lui-même! Alors plus de susceptibilité prompte à s'offenser, plus d'amour-propre blessé au moindre manque d'égards. Comme disciple de Christ, chacun cherchera à supporter les faibles et à avoir de la condescendance pour son prochain.
    « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à soi-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive ». Cette parole de Jésus non seulement nous appelle à renoncer à nous-mêmes, mais nous indique en outre le moyen de le pouvoir. Celui qui ne se borne pas à vouloir atteindre le ciel par Christ, mais qui veut aussi marcher sur ses traces pour lui plaire, le suivra.
    Dans ce cœur là Jésus prend aussitôt la place qu'occupait le moi. Jésus seul devient alors le centre et le but de sa vie. La reddition sans réserve de celui qui suit Jésus est couronnée de l'insigne bénédiction de voir Christ devenir lui-même sa vie par son Esprit. L'esprit de Christ, son esprit de renoncement et d'amour lui est envoyé, et c'est alors avec joie qu'il renonce à lui-même, puisqu'il trouve là un moyen d'intime communion avec Dieu.
    Le renoncement n'est plus alors une oeuvre qu'il accomplit dans le but d'atteindre à la perfection par lui-même ; il n'est plus seulement une victoire négative sur lui-même, un moyen de tenir en respect son moi. Depuis qu'il a formellement rompu avec le moi, Christ a pris en lui la place du moi, et l'amour de Christ, sa douceur et sa bonté se répandent de lui sur les autres. Nul commandement alors ne lui paraît plus béni, plus naturel que celui-ci : « Nous devons ne pas chercher notre propre satisfaction, car aussi Christ n'a pas cherché sa propre satisfaction... Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à soi-même et qu'il me suive ».
    Bien-aimé Sauveur, je te remercie de ce nouvel appel à te suivre et à ne pas chercher ma propre satisfaction, puisque toi-même tu ne l'as pas cherchée. Je te remercie de ce qu'à présent, je n'ai plus peur comme naguère, d'entendre ce que tu me dis là. Tes commandements ne me sont plus pénibles. Ton joug est aisé, et ton fardeau léger. Ce que je vois de ta vie terrestre et de l'exemple qu'elle me donne à suivre, m'est un gage certain de ce que je recevrai en moi de ta vie actuelle et céleste. C'est là ce que je n'avais pas encore compris. Longtemps après avoir reconnu en toi mon Sauveur, je n'osais pas admettre la pensée de renoncer à moi-même. Mais pour celui qui a appris ce que c'est que de se charger de sa croix, d'être crucifié avec toi et de laisser son vieil homme cloué sur la croix, il n'est plus si terrible de renoncer à soi-même. Depuis que j'ai compris que tu es toi-même ma vie, depuis que je sais que tu te charges entièrement de la vie qu'on te confie entièrement, « produisant en nous le vouloir et le faire », je ne crains plus que tu me laisses manquer de l'amour et de la sagesse nécessaires pour pouvoir suivre joyeusement tes traces dans la voie du renoncement.
    Seigneur, tes disciples sont indignes d'une telle grâce, mais puisque tu as bien voulu nous l'accorder, tout notre bonheur sera de ne plus chercher notre propre satisfaction, mais d'avoir chacun, de la condescendance pour son prochain, comme tu nous en as donné l'exemple. Veuille ton Saint-Esprit le réaliser avec puissance en nous! Amen.

HUITIÈME JOUR COMME CHRIST Dans le sacrifice de lui-même.

« Marchez dans la charité de même que Christ qui nous a aimés et qui s'est offert lui-même à Dieu pour nous comme une oblation et une victime d'agréable odeur. » Ephésiens 5 : 2.
« Nous avons connu ce que c'est que la charité en ce que Jésus-Christ a mis sa vie pour nous ; nous devons donc aussi mettre notre vie pour nos frères. » 1 Jean 3 : 16.

   Quel rapport y a-t-il entre le sacrifice de soi et le renoncement à soi? Le premier est la source du second. Le renoncement témoigne d'un sacrifice antérieur; il le confirme, il en prépare le renouvellement. C'est ce que nous montre la vie de notre Seigneur Jésus. Son incarnation fut le sacrifice de soi-même, sa vie de renoncement en fut la conséquence, et par là il fut amené au grand sacrifice de sa mort sur la croix. Il en est de même du chrétien. Sa conversion est en quelque mesure le sacrifice de soi-même, quoique bien imparfait, vu son ignorance et sa faiblesse. De ce premier acte naît pour lui l'obligation du renoncement quotidien.
    Ses efforts à le réaliser lui prouvent sa faiblesse, et l'amènent à un nouveau sacrifice plus complet dans lequel seulement il trouve la force de pratiquer le renoncement habituel. L'esprit de sacrifice est l'essence même de l'amour. L'amour trouve son bonheur à s'oublier pour autrui, à tout sacrifier pour autrui, à s'identifier avec ceux qu'il aime et à partager avec eux toutes ses joies.
    Qui sait si au nombre des mystères que nous révélera l'éternité, nous ne verrons pas que le péché fut permis sur la terre, parce que sans cela l'amour de Dieu n'aurait pas eu lieu de se manifester si pleinement? Le suprême degré de l'amour de Dieu se révèle dans le sacrifice de Christ, et la plus grande gloire du chrétien est de suivre jusque-là son Dieu. Sans un entier sacrifice de soi-même, impossible d'accomplir « le nouveau commandement », celui de l'amour. (Jean 13 : 34). Sans un entier sacrifice de soi-même, impossible d'aimer comme Jésus a aimé. « Soyez les imitateurs de Dieu », dit l'apôtre, et « marchez dans la charité, de même que Christ qui nous a aimés et qui s'est offert lui-même à Dieu pour nous comme une oblation et une victime d'agréable odeur ». Que tout dans votre vie se fasse, d'après l'exemple de Christ, avec amour. C'est cet amour qui a rendu son sacrifice agréable à Dieu, et puisque cet amour s'est manifesté par le sacrifice de lui-même, que votre amour aussi soit conforme au sien par le sacrifice répété de vous-même pour le bien des autres; c'est là ce qui le rendra agréable à Dieu. « Nous devons mettre notre vie pour nos frères ».
    C'est jusque dans les menus détails de notre intérieur, jusque dans nos rapports entre mari et femme, entre maître et serviteur, que le sacrifice de Christ doit être la règle de notre conduite de chaque jour. « De même vous, maris, aimez vos femmes comme Christ aussi a aimé l'Eglise et s'est livré lui-même pour elle ». (Ephésiens 5 : 25).
    Remarquez surtout ces mots : «Christ s'est offert lui-même à Dieu pour nous comme une oblation». Nous voyons là que son sacrifice a deux faces, l'une pour Dieu, l'autre pour l'homme. C'est pour nous, mais c'est à Dieu qu'il s'est offert en sacrifice. Dans le sacrifice de nous-mêmes ces deux faces doivent toujours se retrouver aussi, quoique tantôt l'une, tantôt l'autre soit plus en évidence.
    Ce n'est qu'après nous être offerts en sacrifice à Dieu que nous pouvons aussi renoncer entièrement à nous-mêmes. Le Saint-Esprit révèle alors au croyant les droits que Dieu a sur lui. Il nous enseigne que nous ne nous appartenons pas à nous-mêmes, mais que nous sommes à Dieu.
    Alors seulement, nous apprenons à quel degré nous sommes sa propriété absolue, achetés et payés à prix de sang, à quel degré il nous a aimés de son amour infini, et quel bonheur il y a à se donner, à s'abandonner à lui. Voilà ce qui amène le croyant à s'offrir aussi en sacrifice fait par le feu ». (Lévitique 1:9). Il se place sur l'autel de consécration et trouve sa plus grande joie à être « une oblation d'agréable odeur » à son Dieu, à être consacré à Dieu et accepté de Dieu. Son plus vif désir est alors de savoir comment Dieu l'appelle à lui prouver, par sa vie de chaque jour, la réalité de cet entier sacrifice de lui-même.
    Dieu lui montre l'exemple de Christ. Il était « d'agréable odeur » à Dieu quand il s'est offert en sacrifice pour nous. A tout chrétien qui se consacre entièrement au service de Dieu, Dieu réserve le même honneur qu'il a conféré à son Fils, il se sert de lui comme d'un moyen de bénédiction pour les autres. C'est pour cela que Jean dit : « Celui qui n'aime point son frère qu'il voit, comment peut-il aimer Dieu qu'il ne voit pas? » (1 Jean 4 : 20). Le sacrifice de vous-même par lequel vous vous êtes consacré au service de Dieu, vous oblige à servir aussi vos semblables ; le même acte qui vous donne entièrement à Dieu, vous donne entièrement à eux.
    C'est donc précisément cette entière consécration à Dieu qui rend capable de se sacrifier pour les autres et qui en fait même une joie. C'est quand ma foi s'est appropriée cette promesse : « En tant que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, vous me les avez faites », que je puis concilier ces deux faces du sacrifice : sacrifice à Dieu et sacrifice pour les hommes.
    Alors mes rapports avec mes semblables, au lieu d'être, comme on s'en plaint souvent, un obstacle à ma communion non interrompue avec Dieu, deviennent l'occasion même de m'offrir incessamment à lui. Quel appel ! « Marcher dans la charité de même que Christ nous a aimés, et s'est offert lui-même à Dieu pour nous, comme une oblation et une victime d'agréable odeur ». Ce n'est qu'ainsi que l'Eglise peut remplir son mandat, et prouver au monde qu'elle a été mise à part pour continuer  l’œuvre de Christ, son oeuvre de sacrifice et d'amour, pour « achever de souffrir le reste des afflictions de Christ ». (Colossiens 1 : 24)
    Mais Dieu attend-il réellement de nous que nous renoncions si complètement à nous-mêmes pour les autres? N'est-ce pas trop demander? Peut-on se sacrifier si entièrement? Chrétien! Dieu l'attend de vous. Il ne faut pas moins pour devenir conforme à l'image de son Fils, ce à quoi il vous a destiné dès l'éternité. C'est là la voie qu'a suivie Jésus pour entrer dans la gloire et la félicité, et le disciple ne peut en suivre d'autre pour entrer dans la joie de son Seigneur. C'est bien réellement à devenir comme Jésus dans son amour et son abnégation que nous sommes appelés : « Marchez dans la charité de même que Christ qui nous a aimés ».
    Il est essentiel pour le croyant de reconnaître cette vérité, car l'état de faiblesse de l'Eglise vient en grande partie de ce que les serviteurs de Dieu la comprennent généralement si peu.
    En ceci l'Eglise a besoin d'une nouvelle réformation. Lors de la grande réformation, il y a trois siècles, la puissance de la mort et de la justice de Christ pour effacer les péchés fut remise en lumière pour la joie et la consolation des âmes angoissées ; mais il nous faut à présent une seconde réformation pour déployer le drapeau de Christ comme exemple et règle à suivre, pour rétablir cette vérité trop oubliée : la puissance de la résurrection de Christ nous rend participants de la vie de notre Seigneur, nous rend ainsi conformes à lui. Les chrétiens ne doivent pas s'en tenir à croire à leur union avec Christ seulement pour leur salut et leur réconciliation, mais ils doivent croire à leur union parfaite avec Christ, leur Tête, leur Modèle et leur Vie. Ils doivent réellement représenter Christ sur la terre et faire voir autour d'eux par la vie des membres ce qu'a été la vie de la Tête, quand Jésus était dans la chair. Demandons au Seigneur que partout les enfants de Dieu apprennent à voir ce que réclame d'eux leur sainte vocation.
    Et vous tous qui déjà désirez réaliser ces choses, ne craignez pas de vous donner à Dieu, par un sacrifice semblable à celui de Christ. A votre conversion, vous vous êtes déjà donnés à Dieu et dès lors vous vous êtes plus d'une fois donnés et consacrés de nouveau à lui, mais l'expérience vous a montré tout ce qui vous manque encore. Peut-être n'avez-vous jamais compris à quel degré votre sacrifice devait et pouvait être entier et complet. Eh bien, venez et voyez en Christ votre Modèle, voyez dans son sacrifice sur la croix ce que votre Père attend de vous. Voyez en Christ qui est votre Tête et votre Vie, ce qu'il veut faire de vous. Croyez en lui. Croyez que ce qu'il a accompli sur la terre par sa vie et par sa mort comme votre Modèle, il veut à présent l'accomplir en vous aussi du haut du ciel. Offrez-vous au Père en Christ, voulant être aussi entièrement, aussi complètement que lui une oblation d'agréable odeur. Comptez sur Christ pour le réaliser en vous, et pour vous maintenir dans cette voie. Que vos rapports avec Dieu soient clairs et précis; soyez-lui, comme Christ, entièrement consacrés. Alors il ne vous sera plus impossible de « marcher dans la charité de même que Christ qui nous a aimés ». Alors tous vos rapports avec vos frères et avec le monde vous seront l'occasion de prouver à Dieu que vous vous êtes bien complètement donnés à lui en oblation d'agréable odeur.
    O mon Dieu! Qui suis-je que tu m'aies choisi, moi, pour me rendre conforme à l'image de ton Fils dans son amour et son sacrifice ! Il nous a révélé sa perfection et sa gloire divines en n'aimant point sa propre vie, mais en se donnant pour nous en sa mort, et c'est par là que je puis lui ressembler. En marchant dans la charité, je puis montrer que moi aussi, je me suis donné tout entier à Dieu.
    O mon Père ! ce que tu demandes de moi, je le veux aussi. Avec solennité je te confirme ma consécration, non pas en me confiant en ma propre force, mais avec foi en la force de Celui qui s'est donné pour moi. C'est parce que Christ, mon Modèle, est aussi ma vie, que j'ose te dire : Mon Père, en Christ, comme Christ, je m'offre à toi en sacrifice.
    O mon Père! Enseigne-moi comment tu veux que je manifeste ton amour au monde. Tu veux le faire en me remplissant de ton amour. Mon Père, fais-moi « marcher dans la charité de même que Christ qui nous a aimés ». Que ton Saint-Esprit me vivifie chaque jour et me rende capable d'aimer en toutes circonstances chacun de ceux que je rencontrerai, capable d'aimer d'un amour qui ne vient pas de moi, mais de toi. Amen.

NEUVIÈME JOUR COMME CHRIST En n'étant pas du monde.

« Eux sont dans le monde,... et le monde les a haïs, parce qu'ils ne sont pas du monde, comme je ne suis pas du monde. Ils ne sont pas du monde comme je ne suis pas du monde. »
 Jean 17 : 11,14, 16.

« Afin que nous soyons dans ce monde tel qu'il est lui-même ! » 1 Jean 4 : 17.

    Si Jésus n'était pas du monde, pourquoi était-il dans le monde? S'il n'y avait aucune sympathie entre lui et le monde, pourquoi y vivait-il, au lieu de rester dans ce monde suprême, saint et béni auquel il appartenait? C'est parce que le Père l’a envoyé dans le monde. Ces mots : « dans le monde», « pas du monde » nous révèlent tout le secret de son oeuvre comme Sauveur, et de sa gloire comme Dieu-homme. « Dans le monde » : Revêtu de la nature humaine, parce que Dieu voulait montrer ainsi que cette nature humaine lui appartenait, à lui, qu’elle n'appartenait pas au « prince de ce monde », et qu'elle était capable de recevoir la vie divine, de parvenir par là à la plus haute gloire. « Dans le monde » : Mêlé aux hommes, en relation avec eux pour se faire voir et connaître d'eux et pour les ramener par là au Père.
    « Dans le monde » : En lutte avec les puissances qui gouvernent le monde, pour apprendre l'obéissance, pour perfectionner et sanctifier ainsi la nature humaine.
    « Pas du monde » : Mais du ciel, manifestant la vie qui se trouve en Dieu et que l'homme avait perdue, pour la rapprocher de l'homme, pour la lui faire contempler et désirer.
    « Pas du monde » : Témoignant contre le péché et contre tout ce qui sépare l'homme de Dieu, pour montrer à l'homme qu'il est incapable de se faire une juste idée de Dieu et de lui plaire.
    « Pas du monde » : Fondant sur la terre un royaume d'origine toute divine, tout à fait indépendant de tout ce que le monde tient pour désirable ou nécessaire, avec des principes et des règles tout autres que ceux qui ont cours dans le monde.
    « Pas du monde » : Afin de racheter tous ceux qui lui appartiennent, et de les amener dans le royaume nouveau et céleste qu'il leur a révélé.
    « Dans le monde ». « Pas du monde ». Voilà ce qu'est Jésus, ce qu'est son oeuvre : pas du monde quant à sa puissance et sa sainteté divines qui doivent juger le monde et le vaincre ; et pourtant dans le monde quant à son humanité et son amour qui cherchent à sauver tout ce qui peut être sauvé. La plus complète séparation d'avec le monde jointe aux plus intimes rapports avec ceux qui sont dans le monde, voilà les deux extrêmes qui se réunissent et se concilient en Jésus.
    La vie du chrétien doit aussi mettre d'accord ces deux extrêmes, quelque contradictoires qu'ils puissent paraître. Il faut que chez le croyant, la vie divine se fasse jour au travers de l'enveloppe terrestre. S'en tenir à l'une de ces vérités seulement n'est pas très difficile. « Pas du monde » fut dès les âges les plus reculés la devise de tous ceux qui croyaient devoir, pour servir Dieu, fuir au désert, ou se retirer dans des couvents, et de nos jours encore, elle rallie ceux qui croient devoir montrer la sincérité de leur piété en jugeant sévèrement tout ce qui est dans le monde. Il y a bien chez eux séparation d'avec le péché, mais il n'y a plus de rapports avec les pécheurs qui ne se sentent pas entourés par eux de la divine charité de Jésus. C'est limiter la religion à un seul point de vue, c'est en faire par conséquent une religion défectueuse.
    D'autres s'en tiennent aux mots : « Dans le monde », se réclamant de cette parole de l'apôtre : «Autrement il vous faudrait sortir du monde ». (I Cor. 5 : 10). Ils veulent montrer que la religion n'empêche pas d'être sociable et de jouir de tout, car ils se figurent que par là ils engageront le monde à servir Dieu. Souvent ils ont en effet réussi à rendre le monde très religieux, mais à quel prix? La religion se faisait alors très mondaine.
    Le vrai disciple doit réunir ces deux vérités. S'il ne montre pas clairement qu'il n'est pas du monde, s'il ne témoigne pas du bonheur qui résulte de la vie qui vient de Dieu, comment pourra-t-il convaincre le monde de péché, comment lui prouver qu'il existe une vie d'un niveau plus élevé, comment l'engager à désirer ce qu'il ne possède pas encore? Il faut que son sérieux, sa sainteté et sa séparation d'avec l'esprit du monde le caractérisent, lui et sa vie. Il faut que son esprit sanctifié, un esprit nouveau, céleste, tout contraire à celui du monde, prouve à tous qu'il appartient à un royaume qui n'est pas de ce monde.
    Et pourtant il doit vivre « dans le monde ». Dieu l'a placé là, au milieu de ceux qui sont du monde pour gagner leur cœur, pour avoir de l'influence sur eux, pour leur communiquer l'Esprit qui est en lui, et c'est à remplir cette mission qu'il doit chercher à employer sa vie. Il ne saurait y réussir par les moyens qu'indique la sagesse du monde, par des concessions, par des déviations ou des atténuations des grandes vérités religieuses. Non, il ne pourra être en bénédiction au monde qu'en suivant les traces de celui qui seul peut enseigner à vivre dans le monde sans être du monde, qu'en réalisant une vie de service et d'abnégation par laquelle il confessera ouvertement que la gloire de Dieu est le but de son existence, et par laquelle, étant plein du « Saint-Esprit » il réchauffera les hommes au contact de l'amour divin.
    Oh! qui nous fera trouver le secret divin de réunir chaque jour dans notre vie ces deux choses si difficiles à concilier : dans le monde, et pas du monde? C'est Jésus qui nous le révèle, lui qui a dit « Ils ne sont pas du monde comme je ne suis pas du monde ». Ce comme a plus de portée et de puissance que nous ne le pensons. Si nous laissons le Saint-Esprit nous expliquer le sens de ce mot, nous comprendrons ce que c'est que de vivre dans ce monde comme Jésus y a vécu.
    C'est de notre union avec Christ que ce comme tire toute sa force. C'est elle qui nous enseignera que plus on est loin « d'être du monde », mieux on est préparé à « être dans le monde ».   
    Plus l'Eglise sera affranchie de l'esprit et des principes du monde, plus aussi elle aura d'influence sur lui. La vie du monde cherche sa propre satisfaction et sa propre gloire. La vie du ciel est sainte, elle vit d'amour et de renoncement à soi-même.
    Un grand nombre de chrétiens qui cherchent à se séparer du monde ne possèdent que peu de vie spirituelle, parce qu'ils conservent encore trop de l'esprit égoïste du monde, cherchant avant tout leur propre amélioration, et leur propre bonheur. Jésus-Christ n'était pas du monde, il n'avait rien de l'esprit du monde; c'est pourquoi il pouvait aimer les pécheurs, les gagner et les sauver. Le croyant non plus ne doit pas être du monde plus que Christ ne l'a été, car le Seigneur lui dit : « pas du monde, comme je ne suis pas du monde ». Par sa nouvelle nature le croyant est « né de Dieu », il a reçu en lui la vie et l'amour de Dieu, et c'est cette vie surnaturelle qui le rend capable d'être dans le monde sans être du monde. Tout disciple qui tire sa vie de Christ en fera l'expérience. Il peut se dire : comme Christ je ne suis pas du monde, parce que je suis en Christ.
    Il sait que c'est seulement par son union avec Christ qu'il peut rester séparé du monde, et que ce n'est qu'autant que Christ vit en lui qu'il peut jouir de la vie qui vient de Dieu. Il sait que pour répondre à sa vocation, il doit se retirer du monde comme étant crucifié au monde, et que néanmoins il doit vivre dans le monde, afin d'y être en bénédiction aux autres par la vie qu'il reçoit de Christ. Tout en marchant sur la terre, il vit dans le ciel.
    Chrétiens, voyez là la vraie manière d'imiter Jésus-Christ. « C'est pourquoi sortez du milieu d'eux et vous en séparez, dit le Seigneur ». Et alors s'accomplit cette promesse : « J'habiterai au milieu d'eux et j'y marcherai ». (2 Corinthiens 6 : 17, 16). Alors Christ pourra vous envoyer dans le monde, comme le Père l'y a envoyé pour occuper dans le monde la place où votre Père vous commande de le glorifier et de faire connaître son amour.
    « Pas du monde » : Ce n'est pas seulement se séparer du monde et témoigner contre lui, mais c'est encore faire connaître l'esprit, l'amour et la puissance de l'autre monde, du ciel, auquel nous appartenons, c'est amener le monde terrestre à avoir part aux bénédictions du monde céleste.
    O toi, Souverain Sacrificateur ! Toi, qui revêtu de ton pouvoir sacerdotal as prié le Père pour nous qui ne sommes, pas plus que toi, du monde, quoique devant encore l'habiter, puisse ton intercession manifester en notre faveur sa souveraine efficace !
    Le monde a souvent accès dans notre cœur. Son égoïsme nous domine trop encore. A cause de notre incrédulité, la nouvelle nature n'a pas toujours plein pouvoir. Seigneur, nous te supplions, en vertu de ton intercession toute-puissante, de réaliser en nous ces mots : « Pas du monde, comme je ne suis pas du monde », car notre seule force contre le monde est d'être comme toi.
    Seigneur, nous ne pouvons être comme toi qu'en étant un avec toi. Nous ne pouvons marcher avec toi qu'en demeurant en toi. O Seigneur, nous renonçons à nous-mêmes pour demeurer en toi seul. Tu prends possession d'une vie qui se donne entièrement à toi. Que ton Saint-Esprit, qui habite en nous, nous unisse si étroitement à toi, que nous puissions toujours vivre comme n'étant pas du monde. Et qu'en outre ton Saint-Esprit nous initie si bien à ton oeuvre, en nous invitant à travailler comme toi dans le monde, que nous puissions être avec joie et en toute humilité un exemple du bonheur dont jouissent ceux qui ne sont pas du monde. Que notre séparation du monde se reconnaisse à notre amour et à notre empressement à nous sacrifier, comme toi, pour ceux qui sont encore du monde. Amen.

DIXIÈME JOUR COMME CHRIST Dans sa mission divine.

« Comme tu m'as envoyé dans le monde, je les ai aussi envoyés dans le monde. » 
Jean 17; 18.

« Comme mon Père m'a envoyé, je vous envoie aussi de même. » Jean 20 : 21.

    Notre Seigneur Jésus se rendait compte que son Père lui avait donné une mission à remplir ici-bas. Souvent il disait: « Le Père m'a envoyé ». Il savait ce qu'était cette mission. Il savait que le Père l’avait choisi, l'avait envoyé dans le monde pour accomplir cette mission, et il savait aussi que le Père lui donnerait tout ce dont il aurait besoin pour l'accomplir. La conviction d'avoir été envoyé par le Père était le grand mobile de tout ce qu'il faisait.
    Dans les affaires de ce monde, il importe qu'un ambassadeur sache clairement quelle est la mission dont il est chargé, et qu'il sache aussi qu'il n'a autre chose à faire qu'à la bien remplir, en s’y adonnant tout entier. Il importe aussi que le chrétien se rende compte qu'il a une mission à remplir sur cette terre, qu'il sache ce qu'elle est et comment il peut l'accomplir.
    Notre mission divine est une des plus belles parties de notre conformité avec Jésus. Lui-même dit clairement dans un des moments les plus solennels de sa vie que, « comme le Père l'a envoyé », il envoie de même ses disciples. C'est dans sa prière sacerdotale qu'il parle ainsi à son Père, lui demandant pour eux qu'ils soient gardés et sanctifiés. Après sa résurrection, il le dit aussi à ses disciples, leur promettant à cet effet l'envoi du Saint-Esprit. Rien ne nous fera mieux comprendre et remplir notre mission ici-bas que sa correspondance, son identité avec la mission de Christ.
    Notre mission est semblable à la sienne par le but qu'elle se propose. Pourquoi le Père a-t-il envoyé son Fils? Pour faire connaître son amour envers les pécheurs et sa volonté de les sauver. Non seulement les paroles de Jésus, mais sa personne même, mais toute sa conduite et toute sa vie témoignaient de l'amour du Père. Il devait représenter en sa personne le Père invisible qui est au ciel, afin que sur la terre les hommes apprissent ce que signifie: « Comme le Père ».
    Après avoir accompli sa mission, le Seigneur monta au ciel, devenant, comme le Père, invisible au monde. Et maintenant il a transmis sa mission à ses disciples après leur avoir montré comment il fallait l'accomplir. Ils doivent le représenter, lui l'Invisible, afin qu'en voyant ce qu'ils sont, les hommes de la terre puissent juger de ce qu'il est lui-même. Tout chrétien doit donc être la vivante image de Jésus, il doit montrer en sa personne et par sa conduite le même amour pour les pécheurs, le même désir de les sauver, afin que par eux le monde puisse savoir ce que signifie ; «Comme Christ ». O mon âme, prends le temps nécessaire pour réaliser cette vérité. Notre mission a le même but que celle de Christ, le but de faire connaître le saint amour de Dieu revêtu de notre enveloppe terrestre.
    Notre mission a la même origine aussi que celle de Christ. C'est l'amour du Père qui a choisi Christ pour cette oeuvre, et qui l'a trouvé digne d'un tel honneur, d'une telle confiance. Nous aussi, nous sommes choisis par Christ pour cette oeuvre. Tout racheté sait bien que ce n'est pas lui qui a été chercher le Seigneur, mais que c'est le Seigneur qui a été le chercher. En allant le chercher, et en l'attirant a lui, le Seigneur avait expressément en vue cette mission divine, « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis, afin que vous alliez et que vous portiez du fruit ». {Jean 15 : 16).
    Croyant, qui que tu sois, et où que tu sois, le Seigneur, qui te connaît, toi et ceux qui t'entourent, a besoin de toi; il t'a choisi pour le représenter dans le cercle où tu te meus. Que ton cœur s'applique à lui obéir. Jésus a mis son cœur à te sauver, afin que tu reflètes et que tu fasses voir autour de toi l'image même de sa gloire invisible. Oh ! souviens-toi que ta mission divine émane de l'amour éternel de Jésus comme la mission de Jésus émanait de l'amour du Père. Souviens-toi que, par là, ta mission est en toute vérité semblable à la tienne.
    Notre mission est encore semblable à celle de Christ quant aux subsides qui nous sont accordés pour la remplir. Tout ambassadeur s'attend à être pourvu du nécessaire pour sa mission. « Celui qui m'a envoyé est avec moi, et le Père ne m'a point laissé seul ». (Jean 8 : 29). Ceci nous apprend qu'en envoyant son Fils, le Père était toujours avec lui, qu'il était partout sa force et son appui. Il en est de même quant à l'Eglise de Christ et sa mission. Une promesse accompagne l'ordre donné : « Allez et instruisez toutes les nations... Voici, je suis toujours avec vous ». (Mathieu 28 : 19, 20). Le chrétien ne doit jamais se retirer en arrière sous prétexte d'incapacité, car le Seigneur ne demande jamais rien qu'il ne donne le pouvoir d'accomplir. Tout croyant peut donc être certain que, comme le Père avait donné son Esprit-Saint au Fils pour le rendre capable de son travail, de même le Seigneur Jésus donnera aussi aux siens tout ce dont ils ont besoin. Le croyant recevra d'En haut la grâce d'être un fidèle représentant de Christ ici-bas, d'offrir dans sa vie un reflet de l'exemple laissé par Christ et d'être ainsi un foyer de vie, d'amour et de bénédiction pour ceux qui l'entourent. Quiconque entreprend sa mission divine avec cœur et avec foi ne tardera pas à éprouver que, réellement, celui qui envoie se charge aussi de pourvoir du nécessaire ceux qui sont envoyés. Jésus fait ainsi pour nous ce que Dieu a fait pour lui.
    Notre mission est semblable en outre à celle de Christ par la consécration qu'elle exige» Le Seigneur Jésus s'est adonné sans réserve à poursuivre son oeuvre. C'était l’unique but de sa vie : «Pendant qu'il est jour, il me faut faire les oeuvres de celui qui m'a envoyé. La nuit vient dans laquelle personne ne peut travailler ». (Jean 9 : 4). La mission du Père était la seule raison de sa vie terrestre. Il ne vivait ici-bas que pour révéler à l'humanité l'excellence et la gloire de Dieu le Père.
    De même pour nous. La mission que Christ nous confie ici-bas est la seule raison de notre présence sur la terre, sans cela il nous retirerait de ce monde. La plupart des croyants ne s'en rendent pas compte. Leur devoir se bornes, selon eux, à travailler quelque peu pour Christ au milieu d'autres choses à faire, et encore n'en trouvent-ils que difficilement le temps et la force. Et pourtant chacun devrait se dire : Accomplir la mission de Christ est la seule raison de ma vie ici-bas.
    Ce n'est qu'en m'y consacrant sans réserve, comme l’a fait mon Seigneur et mon Maître, que ma vie pourra lui être agréable. Cette mission divine est si vaste et si belle que nous ne pouvons pas l'accomplir sans nous y consacrer entièrement. Impossible sans cela de recevoir les forces nécessaires pour nous en acquitter, impossible aussi de compter sur le secours du Seigneur, sur l'accomplissement de ses promesses. Est-ce bien ainsi que je suis préparé pour cette mission? Si je le suis, je possède la clef qui va ouvrir à mon expérience tous les trésors de gloire contenus dans ces mots : « Comme mon Père m'a envoyé, je vous envoie aussi de même ». O frères, consacrons notre vie à cette mission ; n'est-elle pas digne de la remplir tout entière ?
    Seigneur Jésus, tu es descendu du ciel pour nous faire connaître ce qu'est la vie du ciel. Tu as pu le faire parce que tu étais du ciel. Tu as apporté sur la terre l'image et l'esprit de la vie du ciel ; c'est pourquoi tu as pu nous montrer aussi glorieusement ce qui constitue la vraie gloire du ciel, la volonté et l'amour du Père invisible. Seigneur, tu es toi-même à présent l'Invisible dans le ciel, et tu nous envoies, nous, pour te représenter dans ta gloire divine de Sauveur. Tu demandes que, nous aussi, nous aimions les hommes, afin que, d'après ce que nous serons avec eux, ils puissent se faire quelque idée de la manière dont tu les aimes, toi, dans le ciel.
    O notre Sauveur, notre âme te bénit de ce que tu ne demandes pas plus que tu ne donnes. Toi qui es la vie du ciel, tu promets de faire vivre de ta vie tes disciples, tu vis en eux, béni soit ton saint nom! C'est de toi qu'ils reçoivent le Saint-Esprit pour être en eux « un souffle de vie ». C'est lui qui est la vie divine de l'âme, et quiconque accepte la direction de l'Esprit pourra accomplir sa mission. Par la joie et la puissance que confère le Saint-Esprit, nous pourrons être ta vivante image, et faire connaître à tous ce qu'est ta ressemblance.
    Seigneur, enseigne-moi, enseigne-nous, à nous tous, que nous ne sommes pas du monde, comme toi tu n'étais pas du monde, et que c'est pour cela que tu nous envoies dans le monde, comme tu avais été envoyé par ton Père, afin que nous prouvions par notre vie que nous appartenons à ce monde d'amour, de pureté et de félicité auquel ici-bas tu appartenais toi-même. Amen.

[2] On ne perdra pas sa peine en cherchant et comparant entre eux les textes suivants  Jean V, 24,30, 37, 38; VI, 38, 39, 40, 44 ; VII, 16, 28, 29, 33 ; VIII, 16, 18, 26, 29, 42 ; XI, 42 ; XII, 44, 45, 49 ; XIII, 20 ; XIV, 24 ; XV, 21 ; XVI, 25 ; XVII, 8, 18. 21, 33, s5 ; XX, 21.

    Christ voulait que les hommes sussent bien qu'il n'agissait pas par lui-même, mais par celui qui l'avait envoyé. La conscience d'avoir une mission à remplir ne le quittait pas un instant.
(fin de la première partie)

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