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A373 Celui qui veut marcher avec Dieu doit apprendre à marcher seul. Article de Aiden Wilson Tozer
Traduit de "The Best of A.W. Tozer" - Baker Book House, Grand Rapids, Michigan 49506 (USA).
La plupart des grandes âmes de ce monde ont été solitaires. La solitude semble être le prix que le saint doive payer pour sa sainteté. Ce texte semble aussi décrire l'expérience personnelle de son auteur.
A l'aube du monde, ou, plutôt, à l'époque de ces étranges ténèbres qui sont venues sur la terre après l'aube de la création de l'homme, Enoch marchait avec Dieu, et il ne fut plus, parce que Dieu le prit. Bien que cela ne soit pas écrit aussi clairement, il est très probable qu'Enoch suivit un chemin complètement séparé de celui de ses contemporains.
Noé fut un autre solitaire qui, parmi tous les hommes
antédiluviens, trouva grâce devant le Seigneur. Tout semble montrer
qu'il vécut une vie solitaire, au milieu même de son propre peuple.
Abraham bénéficiait de la compagnie de Sarah et de
Lot. Il possédait aussi de très nombreux serviteurs et bergers. Mais
tous ceux qui lisent son histoire, ainsi que les commentaires qu'en
firent les apôtres, ne peuvent aussitôt manquer de remarquer qu'il fut
"un homme dont l'âme était comme une étoile, et qui demeurait à part."
Pour autant que nous le sachions, Dieu lui a toujours
parlé alors qu'il était loin de toute compagnie humaine. Face contre
terre, il communiait avec son Dieu. Une dignité humaine innée lui
interdisait d'adopter cette posture en présence des autres.
Combien solennelle et douce fut cette scène nocturne,
la nuit où il fit un sacrifice, et où il vit des flammes de feu se
déplacer au milieu des offrandes partagées !
Là, seul au milieu de l'horreur de ces profondes
ténèbres, il entendit la voix de Dieu, et sut qu'il était un homme
marqué par la faveur divine.
Moïse aussi fut un homme à part. Alors qu'il était
encore attaché à la cour de Pharaon, il entreprenait de longues marches
solitaires. C'est au cours de l'une de ces marches, loin des foules,
qu'il aperçut un Hébreu et un Égyptien se battre, et qu'il vint au
secours de son compatriote.
Cela entraîna sa fuite hors d’Égypte, et il demeura
dans le désert, dans une réclusion presque totale. Là, alors qu'il
gardait seul ses brebis, il vit le miracle du buisson ardent.
Plus tard, au sommet du Sinaï, il se tapit,
solitaire, rempli d'une fascination respectueuse, pour contempler la
Présence divine, partiellement manifestée au milieu des nuées et des
flammes.
Les prophètes des époques antérieures au
Christianisme furent très différents les uns des autres. Mais ils
avaient en commun un signe distinctif : leur solitude forcée.
Ils aimaient leur peuple et glorifiaient la religion
de leurs pères, mais leur loyauté au Dieu d'Abraham, d'Isaac et de
Jacob, ainsi que leur zèle pour la nation d'Israël, les ont éloignés des
foules, pour passer par de longues périodes d'abattement.
"Je suis devenu un étranger pour mes frères, un
inconnu pour les fils de ma mère" (Psaume 69 : 8), s'est exclamé l'un
d'eux, qui s'exprimait sans le savoir pour tous les autres.
Mais le plus révélateur fut la vie de Celui dont
Moïse et tous les prophètes ont parlé. Il a suivi Sa route solitaire
vers la croix. Sa profonde solitude ne fut jamais comblée par la
présence des multitudes.
Il est minuit, et sur le mont des oliviers,
S'éteint la clarté de l'étoile tardive.
Il est minuit ; isolé au fond du jardin,
Notre Sauveur souffrant lutte et prie, solitaire.
Il est minuit ; loin de la présence de tous,
Notre Sauveur combat, angoissé, isolé ;
Ses disciples eux-mêmes, et tous ceux qu'Il aimait,
N'ont pas vu le chagrin et les pleurs de leur Maître.
William B. Tappan
Il est mort seul dans les ténèbres, caché de la vue des mortels. Personne n'était là quand Il est sorti triomphant du tombeau, quoique beaucoup le virent par la suite et rendirent témoignage de ce qu'ils avaient vu.
Certaines choses sont trop sacrées pour qu'aucun œil
puisse les regarder, si ce n'est l'œil de Dieu. La curiosité, les
clameurs, les efforts sincères mais maladroits de ceux qui veulent aider
ne peuvent qu'obliger à se contenir l'âme qui s'attend à Dieu, et
gêner, sinon rendre impossible, la communication du message secret
révélé par Dieu au cœur plongé dans l'adoration.
Nous réagissons parfois comme mus par un réflexe
religieux, et nous continuons à répéter les mêmes phrases et les mêmes
mots, même s'ils sont impuissants à exprimer nos sentiments réels et à
traduire l'authenticité d'une expérience personnelle. Nous vivons en ce
moment même à une époque semblable. Poussé par une certaine loyauté
conventionnelle, quelqu'un, en entendant pour la première fois cette
vérité inhabituelle, pourrait dire sur un ton vif : "Oh, je ne suis
jamais seul ! Christ a dit : "Je ne te quitterai jamais, et ne
t'abandonnerai jamais," et aussi : "Voici, je suis avec vous tous les
jours." Comment pourrais-je être seul, puisque Jésus est avec moi ?"
Je ne veux pas douter de la sincérité d'un tel
Chrétien, mais ce témoignage, donné comme une vérité toute faite, est
trop beau pour être vrai. Il est évident que c'est ce que cette personne
souhaite être vrai pour elle. Mais ce n'est pas une vérité personnelle forgée par l'expérience.
Ce joyeux refus de reconnaître la solitude prouve
seulement qu'il s'agit de quelqu'un qui n'a jamais vraiment marché avec
Dieu sans le secours et l'encouragement apportés par la société. Le
sentiment de communion que l'on attribue souvent à tort à la présence de
Christ peut facilement être produit par la présence de gens qui nous
entourent de leur amitié.
Rappelez-vous toujours ceci : on ne porte jamais sa
croix à plusieurs ! Même quand nous sommes entourés d'une grande foule,
notre croix nous est personnelle. Le simple fait de la porter fait déjà
de nous un être à part. La société s'est déjà tournée contre nous.
Sinon, nous n'aurions pas de croix à porter ! Personne ne veut être
l'ami de quelqu'un qui porte une croix. "Ils l'abandonnèrent tous, et
s'enfuirent."
La douleur provoquée par la solitude provient de la
constitution de notre nature. Dieu nous a faits les uns pour les autres.
Le désir d'une compagnie humaine est entièrement naturel et normal. La
solitude du Chrétien vient du fait qu'il marche avec Dieu dans un monde
impie. Cette marche doit même le couper de la communion de beaucoup de
bons Chrétiens, comme de la communion d'un monde non régénéré. Le saint
solitaire, par l'instinct que lui a donné Dieu, aspire ardemment à la
communion avec ses semblables, avec ceux qui peuvent comprendre ses
désirs, ses aspirations, et son besoin vital de l'amour de Christ. Mais
il est obligé de marcher seul, car il y a si peu d'êtres, dans son
cercle d'amis proches, qui partagent ses expériences intimes ! Les
aspirations insatisfaites des prophètes, et leur désir d'être compris
par leurs semblables, les ont poussés à donner libre cours à leurs
complaintes. Notre Seigneur aussi a connu les mêmes souffrances.
Un homme qui a pénétré dans la Présence divine, par
une véritable expérience intérieure, ne rencontrera pas beaucoup de
personnes qui le comprendront. Bien entendu, il ne manquera pas d'une
certaine communion sociale, quand il se mêlera à ses frères, dans les
activités habituelles de l'église. Mais il aura du mal à trouver une
vraie communion fraternelle. Toutefois, il ne doit pas s'attendre à
autre chose. Après tout, il est un étranger et un voyageur. Le voyage
qu'il a entrepris se fait avec son cœur et non avec ses pieds. Il marche
avec Dieu dans le jardin de sa propre âme. Qui, sinon Dieu, peut y
marcher avec lui ? Il a un esprit différent de celui des multitudes qui
fréquentent les parvis de la maison du Seigneur. Il a vu ce dont les
autres ont seulement entendu parler. Il marche au milieu d'eux un peu
comme Zacharie marchait au milieu du peuple, en revenant de l'autel des
parfums, et que les gens disaient : "Il a eu une vision !"
L'homme véritablement spirituel est en réalité une
bizarrerie. Il ne vit pas pour lui-même, mais s'occupe des intérêts d'un
Autre. Il cherche à persuader les gens de tout donner à son Seigneur,
et ne réclame rien pour lui-même. Il trouve son délice à ne pas être
honoré, mais à voir son Sauveur glorifié aux yeux des hommes. Sa joie
consiste à voir son Seigneur exalté, et lui-même négligé. Il rencontre
peu de gens désirant parler de ce qui est le suprême objet de son
intérêt. Il reste donc souvent silencieux et préoccupé, au milieu du
brouhaha des bavardages religieux. A cause de cela, il a gagné la
réputation d'être ennuyeux et exagérément sérieux. On l'évite donc, et
le fossé se creuse entre lui et le reste de la société. Il cherche des
amis dont les vêtements pourraient exhaler l'odeur de la myrrhe, de
l'aloès et de l'acacia venant des palais d'ivoire, mais il en trouve
peu, s'il en trouve. Comme la Marie d'autrefois, il garde ces choses
dans son cœur.
C'est cette solitude même qui le pousse dans la
présence de Dieu. "Car mon père et ma mère m'abandonnent, mais l’Éternel
me recueillera" (Psaume 27 : 10). Son incapacité à trouver une amitié
humaine le pousse à chercher en Dieu ce qu'il ne peut trouver nulle part
ailleurs. Dans sa solitude intérieure, il apprend ce qu'il ne pourrait
jamais apprendre au milieu de la foule : que Christ est tout en tous,
qu'Il a été fait pour nous sagesse, justice, sanctification et
rédemption, et qu'en Lui nous possédons le Bien suprême de la vie.
Je dois encore dire deux choses. La première, c'est
que l'homme solitaire dont nous parlons n'est pas un homme hautain, ni
quelqu'un qui se croit plus saint que les autres. Il n'est pas ce saint
austère férocement satirisé dans la littérature populaire. Il est porté à
penser qu'il est le dernier de tous les hommes, et se rend seul
responsable de sa solitude même. Il veut partager ses sentiments avec
les autres, et reste prêt à ouvrir son cœur à toute âme qui partagerait
ses aspirations, et qui serait prête à le comprendre. Mais le climat
spirituel qui l'entoure n'encourage pas ces partages. Il reste donc dans
le silence et raconte ses chagrins à Dieu seul.
La seconde chose, c'est que le saint solitaire n'est
pas un homme replié sur lui-même, qui se serait endurci contre les
souffrances des hommes, et qui passerait ses journées à contempler le
ciel. C'est même tout le contraire. Sa solitude le prédispose à
sympathiser avec ceux qui ont le cœur brisé, ceux qui sont tombés, et
ceux qui ont été blessés par le péché. Parce qu'il est détaché du monde,
il est d'autant plus apte à aider ceux qui sont dans le monde. Maître
Eckhart enseignait à ses disciples que s'ils étaient enlevés au
troisième ciel, alors qu'ils étaient en prière, et qu'ils se
rappelaient, juste à ce moment précis, qu'une pauvre veuve avait besoin
de manger, ils devaient interrompre aussitôt leur prière pour aller
prendre soin de cette veuve. Il ajoutait : "Dieu ne permettra pas que
vous subissiez la moindre perte spirituelle en faisant cela ! Vous
pourrez reprendre plus tard votre prière, et le Seigneur vous rejoindra
au point où vous étiez auparavant !" Cet enseignement est typique des
grands mystiques et des maîtres de la vie intérieure, depuis Paul
jusqu'à nos jours.
La faiblesse de tant de Chrétiens modernes est due au
fait qu'ils se sentent trop à l'aise dans ce monde. Dans leurs efforts
pour "s'ajuster" paisiblement à une société non régénérée, ils ont perdu
leur caractère de pèlerin. Ils sont devenus une partie essentielle de
ce même ordre moral qu'ils avaient la mission de combattre. Le monde les
reconnaît et les accepte pour ce qu'ils sont. Et c'est la chose la plus
triste que l'on puisse dire en ce qui les concerne. Ils ne sont pas
solitaires. Mais ils ne sont pas non plus saints !
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