vendredi 20 mars 2015

(6) SERMONS CHOSIS (Spurgeon Charles)

Numérisation Yves PETRAKIAN
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CONSEILS AUX ÂMES ABATTUES

Oh ! qui me ferait être comme j'étais autrefois  (JOB, 29: 2).

        Le plus souvent le bon Berger conduit ses rachetés le long des eaux tranquilles, et les fait reposer dans les parcs herbeux ; cependant, il permet parfois qu'ils soient errants dans un désert où il n'y a point de chemin, et où ils ne trouvent aucune ville habitée. Ils sont affamés et altérés; leur âme défaille, et ils crient à l’Éternel dans leur détresse (Ps 107:4-6).
De même, il est beaucoup d'enfants de Dieu qui jouissent d'une joie à peu près constante ; pour eux véritablement les voies de la piété sont des voies agréables et ses sentiers ne sont que prospérité ; mais il en est d'autres, au contraire, qui ont à passer dans le feu et dans l'eau ; selon l'expression du Psalmiste, les hommes montent sur leurs têtes (Ps. 46: 12) ils sont en butte à toutes sortes d'épreuves.
      Le devoir de tout ministre de l’Évangile est de s'adresser tour à tour aux diverses classes de ses auditeurs. Il doit, tantôt avertir les forts, de peur qu'ils ne tombent dans la présomption ; et tantôt stimuler ceux qui dorment, de peur qu'ils ne dorment du sommeil de la mort. Il doit aussi consoler les âmes abattues, et c'est là, mes bien-aimés, ce que je désire faire en ce jour. Oui, je me sens pressé de consoler ceux d'entre vous qui passent par des temps de langueur et de découragement, ou, pour mieux dire, je voudrais leur adresser quelques exhortations, qui, moyennant la bénédiction de Dieu, pourront les aider, je l'espère, à sortir de la triste condition dans laquelle ils sont tombés, en sorte qu'ils ne seront plus réduits à s'écrier avec Job : Oh ! qui me ferait être comme j'étais autrefois ?
      Abordons de suite notre sujet. - En premier lieu, mes frères, nous étudierons LA MALADIE SPIRITUELLE dont mon texte me semble être l'expression ; nous rechercherons ensuite LA CAUSE ET LE REMÈDE de cette, maladie, et enfin, QUELQUES MOTS D'EXHORTATION adressés aux âmes qui se trouvent dans ce fâcheux état termineront ce discours.

I
        Et d'abord, fixons notre attention sur la MALADIE SPIRITUELLE que suppose la plainte amère contenue dans les paroles de mon texte. Combien de chrétiens qui regardent au passé avec regret, à l'avenir avec effroi, et au présent avec tristesse ! Il leur semble que le temps qui n'est plus a été le meilleur et le plus doux de leur carrière chrétienne, mais quant au moment actuel, il leur paraît enveloppé d'un voile sombre et mélancolique. Souvent, ils se prennent à souhaiter de pouvoir retourner de quelques mois, de quelques années en arrière, car alors ils vivaient près de Jésus, tandis que maintenant ils sentent qu'ils se sont éloignés de lui, ou qu'il leur a caché sa face ; en un mot, le langage de leur coeur revient à ceci : Oh ! qui nous ferait être comme nous étions autrefois ?
      De même que toute maladie, soit physique, soit morale, celle qui nous occupe ne présente pas toujours les mêmes caractères. Je vais essayer de décrire successivement quelques-unes de ses phases les plus ordinaires.
        Voici un homme qui a perdu l'assurance de son adoption. Entendez-le répétant dans l'amertume de son âme : Oh ! qui me ferait être comme j'étais autrefois ? Ecoutez son triste soliloque :
        « Ah ! pourquoi les jours passés ne peuvent-ils plus revenir ? s'écrie-t-il. Alors je n'avais aucun doute de mon salut. A celui qui m'aurait demandé raison de l'espérance qui était en moi, j'aurais répondu avec douceur et respect. Nulle crainte ne me troublait, nulle frayeur ne m'agitait. Je pouvais dire avec Paul : JE SAIS en qui j'ai cru, et avec Job : JE SAIS que mon Rédempteur est vivant. Je sentais que j'étais assis sur le rocher qui est Christ, et mon âme, pleine d'une joyeuse confiance, était toujours prête à chanter :

Si l’Éternel est ma retraite,
Qui pourrait me troubler encor ?
Pourquoi craindrais-je la tempête,
Quand je suis sûr d'entrer au port ?
Appuyé sur Emmanuel
Que me ferait l'homme mortel ?

        « Mais hélas ! que tout est changé ! autrefois mon ciel était sans ombres, aujourd'hui les nuages le couvrent ; autrefois, je voyais, en quelque sorte, mon nom écrit dans les cieux, aujourd'hui, je tremble d'y lire un jour ma condamnation,. Autrefois, je croyais me confier sincèrement en Christ, mais aujourd'hui je suis constamment assailli par l'affreuse pensée que j'étais un hypocrite qui trompait les autres et se séduisait lui-même. Il est vrai que j'essaie encore d'espérer au Seigneur, et si je ne puis plus me réjouir à la clarté de sa face, du moins je me réfugie à l'ombre de ses ailes. Je sens que hors de Christ il n'y point de salut, et que si je m'éloigne de lui c'en est fait de moi. Mais, ô misérable que je Suis ! qu'elles sont épaisses les ténèbres qui m'environnent ! Comme Paul au milieu de la tempête, que de jours sans soleil et de nuit, sans étoiles n'ai-je pas dû traverser ! J'ai perdu les arrhes de mon salut, le gage de mon adoption ; je ne possède plus le témoignage intérieur que je suis un enfant de Dieu en un mot, je crains de m'être fait illusion jusqu'à présent sur mon véritable état ; je crains d'avoir pris de simples impression charnelles pour l'oeuvre de la grâce, et attribué à Dieu le Saint-Esprit! ce qui n'était que le fruit de mon imagination. »
         Tel est, mes chers amis, un des cas les plus fréquents de la grande maladie spirituelle que nous étudions. En voici un second, également très ordinaire. Voyez ce chrétien qui demande à son tour : Oh ! qui me ferait être comme j'étais autrefois ? Il gémit, non pas comme l'autre parce qu'il a perdu le sentiment de son adoption, mais parce qu'il se laisse troubler par des soucis terrestres. « Où est- elle, se dit-il avec douleur, où est-elle cette paix délicieuse qui naguère encore remplissait mon âme ? Que sont-ils devenus ces jours bénis où peines et épreuves étaient pour moi moins que rien ? Je disais constamment en mon cœur :

J'accepte, ô Père, par avance,
Le lot que tu m'assigneras;
En toi, j'ai mis ma confiance ;
Fais de moi ce que tu voudras.

      Je sentais que sans murmures j'aurais pu faire au Seigneur le sacrifice de toutes choses, et que s'il m'eût enlevé ce que j'aimais le plus au monde, j'aurais dit avec Job : L'Éternel l'avait donné, l'Éternel l'a ôté ; que le nom de l'Éternel soit béni. L'avenir ne m'inspirait aucune inquiétude. Comme un enfant dans les bras de sa mère, je reposais tranquille sur le sein de mon Dieu. L’Éternel pourvoira, me disais-je. Je me déchargeais sur lui de tout ce qui me concernait ; j'allais chaque jour à mon travail, sans m'inquiéter du lendemain. J'étais semblable au passereau qui se réveille à l'aurore, ne sachant d'où lui viendra sa nourriture, mais qui n'en gazouille pas moins son hymne matinal à Celui qui nourrit les oiseaux de l'air. Sans crainte, je remettais entre les mains du Seigneur mes intérêts les plus chers: ma femme, mes enfants, ma vie même. Chaque matin, je priais ainsi : Seigneur, je ne crois point avoir de volonté propre ; toutefois, si j'en avais, je te dirais encore : Non point ce que je veux, mais ce que tu veux ! Ta volonté sera la mienne ; ton désir sera mon désir.
          - Mais, ô regret, ô douleur ! qui me fera être comme j'étais autrefois ? Qui me rendra ma confiance en Dieu, ma douce quiétude, ma sérénité d'esprit ? Maintenant, un rien me chagrine ; mes affaires temporelles, me troublent. La perte la plus minime suffit pour m'attrister, tandis qu'autrefois j'aurais supporté sans me plaindre, et même en bénissant Dieu, une perte a vingt fois plus considérable. Si le moindre nuage vient assombrir mon horizon, mon âme en est comme écrasée. Pareil à un enfant impatient et volontaire, je voudrais que tout marchât au gré de mes désirs. Je ne puis plus dire avec sincérité que je remets toutes choses à mon Père céleste : il y a un certain interdit que je me réserve.
           Enlacée autour de mon coeur, croît la plante vénéneuse appelée l'amour du moi; ses racines ont pénétré jusques aux muscles et aux nerfs de mon âme. Il y a quelque chose que je chéris plus que Dieu, quelque chose dont je refuserais de lui faire le sacrifice s'il me le demandait. Autrefois, quelque lourde qu'eût pu être ma croix, je n'aurais pas, comme aujourd'hui, plié sous le faix, car le Seigneur l'eût portée avec moi. Oh ! comment ai-je pu oublier la céleste science de se décharger de ses soucis sur l’Éternel; de déposer tout fardeau sur le rocher inébranlable des siècles ? Oh ! si je savais comme jadis répandre devant mon Dieu mes peines et mes tristesses ! Oh ! douce confiance en mon Sauveur qui me rendait si heureux, que ne donnerais-je pas pour te posséder encore !
        Tel autre chrétien déplore peut-être la tiédeur, qu'il apporte dans la maison de Dieu et le peu de jouissance que lui procurent les moyens d'édification. Ecoutez les plaintes qui s'exhalent de son coeur à ce sujet. « Autrefois, s'écrie-t-il, quand je montais dans la maison de Dieu, combien mon âme était joyeuse ! J'écoutais avec avidité le message du salut ; quand le serviteur de Christ parlait, je craignais de perdre une seule de ses paroles ; il me semblait qu'un ange s'adressait à moi du haut du ciel. Que de fois, en entendant parler de l'amour du Sauveur, des larmes brûlantes n'ont-elles pas sillonné mes joues ! Que de fois mes yeux n'ont-ils pas étincelé d'ardeur lorsqu'une parole de foi et d'espérance faisait vibrer mon âme tout entière ! Et les sabbats de mon Dieu, avec quel transport je saluais leur retour !

Jour du Seigneur,
J'ouvre mon coeur
A ta douce lumière !
m'écriais-je au matin du saint jour.

      Puis, lorsque de saints cantiques faisaient retentir les parvis du Seigneur, quelle voix était plus joyeuse que la mienne ? Le coeur content, l'âme restaurée, je quittais le sanctuaire pour aller raconter à mes amis, à mes voisins les glorieuses vérités que je venais d'entendre. Et dans la semaine également, combien j'aimais à m'occuper des choses de Dieu ! Pas une assemblée d'édification qui ne me trouvât à ma place. Je priais véritablement en esprit toutes les prières qui étaient prononcées ; j'écoutais avec bonheur tous les discours, pourvu qu'ils fussent selon l’Évangile ; et mon âme, assise pour ainsi dire à un banquet somptueux, était rassasiée. comme de moelle et de graisse. Si je lisais l'Ecriture, elle me semblait toujours brillante de clarté ; on eût dit qu'un rayon de la gloire divine illuminait pour moi ses pages sacrées. Si je ployais le genou devant Dieu, mon âme se répandait aussitôt en ardentes supplications ; je prenais plaisir à ce saint exercice, et les heures que je passais à genoux étaient les plus douces de mes journées : j'aimais mon Dieu et mon Dieu m'aimait.
       - Mais, hélas ! ce saint zèle, cette ferveur d'esprit, je ne les possède plus. Je vais toujours à la maison de Dieu; j'y entends la même voix; le même serviteur de Christ, que j'aime si cordialement, m'adresse encore les plus touchants appels ; mais je n'ai plus de larmes à verser ; mon cœur s'est endurci ; les douces émotions que je goûtais naguère deviennent de plus en plus rares. Je me rends au culte divin, à peu près comme un écolier se rend à son école : j'y vais sans plaisir, sans amour, parce qu'il faut y aller, et j'en sors l'âme aussi sèche qu'en entrant. Lorsque je cherche à m'entretenir en secret avec mon Père céleste, il semble en vérité que les roues de mon char aient été enlevées, tant il se meut pesamment ; et lorsque j'essaie de chanter les louanges de Dieu, je me trouve sans élan et sans ferveur. Oh ! qui me ferait être comme j'étais autrefois, comme j'étais en ces jours où Dieu faisait luire sa lampe sur ma tête ? »
         Je dois le dire, mes chers amis, je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup parmi vous qui puissent s'associer pleinement à un tel langage. En général, je le sais, vous aimez à venir dans la maison de Dieu ; et, pour ma part, je rends grâces à mon Maître de ce qu'il me permet de prêcher l’Évangile à des auditeurs; qui paraissent le goûter et le sentir, à des chrétiens dont les yeux ne restent pas toujours secs en l'entendant annoncer, et dont le coeur sait parfois bouillonner d'un saint enthousiasme. Mais sans être parvenus au triste état que je viens de décrire, vous pouvez cependant en connaître quelque chose ; peut-être la Parole ne vous semble-t-elle plus aussi douce, aussi savoureuse qu'autrefois ; et alors, j'en suis assuré, les plaintes que je viens d'exprimer éveillent quelque écho dans votre coeur.
         Mais passons à un quatrième cas. Il est des chrétiens qui se lamentent amèrement parce que leur conscience n'est plus aussi délicate que par le passé. Ils disent avec tristesse : « Dans les premiers temps qui suivirent notre conversion, c'est à peine si nous osions faire un pas, tant nous craignions de nous fourvoyer. Nous éprouvions avec soin toutes choses ; nous évitions jusqu'à l'apparence du mal. Dès que nous apercevions sur notre route la moindre trace du Serpent ancien, nous nous détournions avec épouvante.
       Le monde se moquait de nous ; il nous appelait des puritains. Nous étions constamment sur nos gardes ; nous avions peur d'ouvrir la bouche, et nos scrupules allaient si loin que nous condamnions certaines choses qui, en réalité, étaient innocentes. Notre conscience ressemblait à la sensitive: si la main du péché s'en approchait, aussitôt elle se reployait sur elle même. Notre âme était comme couverte de meurtrissures, en sorte que le plus léger attouchement lui arrachait des cris. Offenser Dieu, nous paraissait être le malheur suprême ; si quelqu'un prononçait une imprécation en notre présence, nous tremblions d'effroi si nous voyions un homme violer le sabbat, nous étions éperdus.
        La moindre tentation nous indignait ; il nous semblait entendre la voix du démon lui-même, et pleins d'une sainte colère, nous nous écriions : Arrière, de moi, Satan ! » Le péché, sous toutes ses formes, nous faisait horreur : nous le fuyions comme un serpent ; nous le craignions comme du poison... Mais où est-elle maintenant cette conscience si sensible et si tendre ? Qu'est devenue sa délicatesse d'autrefois ? Nous n'avons pas, il est vrai, abandonne les sentiers du Seigneur ni oublié sa loi ; nous n'avons point extérieurement déshonoré notre sainte profession, et Dieu seul connaît nos iniquités; toutefois, nous l'avouons avec confusion, notre conscience n'est plus ce qu'elle a été. Hier encore elle tonnait contre le péché ; aujourd'hui elle garde le silence.
         O conscience, conscience ! nous t'avons abreuvée de soporifiques, et maintenant tu dors, tandis que tu devrais nous avertir. Sentinelle du Seigneur, ta voix pénétrante savait naguère se faire entendre jusqu'au plus profond de notre être ; mais maintenant tu es assoupie, et nous succombons à la tentation. Jusqu'à présent, nous n'avons péché que dans de petites choses mais de même que le balancement d'un brin d'herbe indique de quel côté souffle le vent, de même ces petites infidélités ne prouvent que trop dans quelle funeste voie notre âme est engagée. Oh ! qui nous délivrera de cette conscience si épaisse, si dure, si calleuse, de cette conscience que les flèches de la loi ne peuvent plus transpercer ? Oh ! qui nous fera être comme nous étions autrefois ? »
           Enfin, mes bien-aimés, il est peut-être quelques-uns, d'entre nous qui gémissent, et non sans raison, parce qu'ils n'ont pas autant de zèle pour la gloire de Dieu et pour le salut des âmes qu'ils en avaient jadis. Il y a quelque temps, si nous voyions une âme cheminer vers la perdition, nos yeux se remplissaient de larmes.
        Si nous voyions un de nos semblables prêt à commettre un péché, nous nous élancions vers lui, le suppliant de renoncer à son coupable dessein. Jamais nous ne sortions sans donner à l'un quelque traité religieux, à l'autre quelques bons avis ; il nous semblait que nous devions toujours parler du Seigneur Jésus.
            Si une occasion de faire du bien se présentait, nous étions toujours les premiers à la saisir. Notre vœu le plus cher était de sauver quelques âmes, et si profond, si ardent était notre amour pour les pécheurs que volontiers nous eussions consenti à être moqués, hués, abreuvés d'outrages, persécutés par le monde entier, exposés même à la mort cause de Christ, si à ce peu nous eussions pu arracher un seul de nos frères à la perdition éternelle. Notre âme brûlait d'un désir intense d'amener des âmes à Christ, et nous estimions que c'était là le seul but en vue duquel il valait la peine de vivre.
            - Mais, hélas ! quel souffle glacial est venu flétrir ce généreux élan ? Aujourd'hui, les âmes peuvent être damnées, et nous ne pleurons point ; les pécheurs peuvent être précipités dans l'étang ardent de feu et de soufre, et nous demeurons impassibles ; des milliers de créatures immortelles peuvent être moissonnées chaque jour et tomber dans l'abîme du tourment, et cela ne nous touche point ! Nous exhortons bien encore notre prochain à fuir la colère à venir, mais nos yeux restent secs ; nous prions pour lui, mais sans que nos cœurs prennent part à nos prières ; nous lui parlons de sondanger, mais sans avoir l'air de prendre ce danger au sérieux. Nous passons à côté des repaires du vice et de l'infamie : sans doute nous voudrions que ceux qui y habitent fussent meilleurs, mais c'est là tout. On dirait que la compassion même est éteinte dans nos coeurs.
         Il fut un temps où l'enfer était pour nous une réalité si vivante, qu'il nous semblait sans cesse entendre les hurlements et les lamentations des réprouvés, en sorte que le cri constant de notre âme était celui-ci : « O Dieu ; aide-moi à sauver mon prochain ! »
        Mais maintenant nous prenons les choses plus froidement : nous avons peu d'amour pour les hommes, peu de zèle pour la gloire de Dieu, peu d'énergie pour son service..... Oh ! mes bien- aimés, si tel est votre état spirituel ; si, comme votre indigne pasteur, vous pouvez vous associer dans une certaine mesure à ces tristes aveux, assurément, du fond de votre coeur humilié s'élève en cet instant même cette plainte amère : Qui nous fera être comme nous étions autrefois ?

II
      Mais nous nous sommes assez longtemps arrêtés à la maladie spirituelle si bien décrite par les paroles de notre texte ; recherchons-en maintenant LA CAUSE ET LE REMÈDE.
       Le plus souvent ce fâcheux état de choses est le résultat du relâchement dans la prière ; et quant au remède, il est facile de comprendre qu'il est l'inverse de la cause. - Voyons, mon frère, qui es toujours à te plaindre de l'alanguissement de ta piété, essayons de descendre à la racine du mal. Si tu n'es plus comme tu étais autrefois, ne serait-ce pas tout simplement parce que tu as négligé la prière ? Rien ne débilite l'âme comme le manque de prière.
        On l'a observé avec raison : « Un cabinet négligé est le berceau de toute sorte de mal.» On peut dire que le cabinet du chrétien est pour lui la source, soit de beaucoup de bien, soit de beaucoup de mal : de bien, s'il le fréquente assidûment ; de mal, s'il le néglige. Nul ne peut croître dans la grâce, s'il est paresseux à s'approcher de Dieu. Quelque avancé que soit un chrétien, s'il ne priait pas, il aurait bientôt cessé de vivre. L'enfant de Dieu a besoin d'être constamment sustenté ; si bien nourri qu'il puisse être aujourd'hui, il ne saurait subsister demain, si ses provisions ne sont renouvelées : or, ce renouvellement incessant de grâces, c'est par la prière seule qu'il peut l'obtenir. Quand même une âme posséderait la force spirituelle de cinquante chrétiens d'élite, si elle cessait de prier, elle ne pourrait que périr.
      - Mon frère, examine-toi donc à cet égard ; et si en regardant en arrière, tu étais contraint à te dire : « Il fut un temps où mes prières étaient plus régulières, plus senties, plus nombreuses qu'aujourd'hui ; maintenant elles sont faibles, languissantes, sans sincérité et sans onction » ; - si, dis-je, ta conscience t'obligeait à faire cet aveu, oh ! mon bien-aimé, ne t'étonne plus du malaise de ton âme ; ne cherche pas ailleurs l'explication de ce marasme spirituel dont tu te sens atteint.
         Le relâchement dans la prière : voilà la cause du mal. - « Mais où en est le remède ? » diras-tu. Eh ! c'est tout simple, chère âme : prie davantage. Si peu de prières t'ont réduite à l'état d'abaissement dans lequel tu te trouves, beaucoup de prières te relèveront. C'est le manque de prière qui t'a appauvrie ; c'est l'abondance de prière qui t'enrichira. Où il n'y a point boeuf, la grange est vide, a dit Salomon (Pro 14: 41) ; et même que sans labourage l'homme n'aurait point de pain, de même sans la prière l'âme croyant serait affamée: Voulons-nous donc prospérer sous le rapport spirituel ? soyons plus persévérants dans la prière. Oh ! mes chers amis la pierre de la muraille ne pourrait-elle pas crier contre nous, et la paroi nous condamner (Hab 2:11) ? La poussière de notre cabinet ne s'élève-t-elle pas en témoignage devant Dieu, nous accusant de négligence dans nos dévotions particulières?
         Voilà pourquoi nous ne sommes plus tels que nous étions autrefois. Ce qu'est pour une machine à vapeur le feu qui entretient son mouvement, la prière alimentée par le Saint-Esprit l'est pour le chrétien. La prière est le véhicule que Dieu a choisi pour faire part de ses grâces à ses enfants, et bien insensé est celui qui néglige. Mes frères, permettez-moi d'insister sur ce point, car il est de la plus haute importance. Si vous reconnaissez qu'en négligeant de vous approcher de Dieu vous placez votre âme dans la situation la plus périlleuse, votre devoir est tout tracé: vaquez à la prière avec plus de soin que jamais. Un commerçant gémit parce que son négoce n'est plus aussi florissant qu'autrefois ; or, il avait coutume d'envoyer au loin des navires qui lui revenaient chargés d'or ; mais depuis longtemps pas un seul n'a mis à la voile : a-t-il donc le droit de se plaindre de ce qu'il ne reçoit plus de précieux chargements.
          De même, lorsqu'un homme prie, il envoie vers le ciel un navire qui lui revient chargé des plus riches trésors, mais si, au lieu de cela, il laisse son navire amarré, dans le port, est-il étonnant qu'il s'appauvrisse de jour en jour ?
          Mais le fâcheux état spirituel qui nous occupe peut avoir d'autres causes. Si vous êtes réduits à vous écrier : Oh ! qui me ferait être comme j'étais autrefois ? peut-être est-ce moins votre faute que la faute de vos conducteurs spirituels. Oui, mes chers amis, il n'est pas impossible qu'une âme devienne très gravement malade, par suite de la mauvaise nourriture que lui donne son pasteur. Peut-on s'attendre, en effet, à ce qu'ils croissent dans la grâce ces chrétiens qui ne sont jamais arrosés par les ruisseaux qui réjouissent la cité de notre Dieu ? Comment pourraient-ils se fortifier dans le Seigneur Jésus, ceux qui ne sont pas nourris du lait spirituel et pur de la Parole ? Recherchez donc, avec le plus grand soin, les instructions d'un ministre fidèle. Je connais des chrétiens qui jamais ne sortent de leur lieu de culte sans se lamenter sur le peu d'édification qu'ils y trouvent ; et pourtant (étrange contradiction !) ils y retournent régulièrement dimanche après dimanche. En vérité, je ne sais comment qualifier une telle conduite, et bien loin d'exciter ma compassion ou ma sympathie, j'estime que ces chrétiens méritent qu'on aille à eux avec la verge. Lorsqu'il peut choisir, tout fidèle est tenu d'aller là où il trouve la nourriture qui correspond le mieux aux besoins de son âme. Sans doute, il ne doit pas changer de lieu de culte à la légère ; mais si une longue expérience l'a convaincu que la prédication qu'il entend habituellement ne lui tourne pas à profit, au lieu de perdre son temps en vaines doléances, il est de son devoir d'aller ailleurs. Souvent un pasteur infidèle affame, pour ainsi dire, son troupeau ; il réduit les brebis du Seigneur à l'état de squelettes ambulants, en sorte qu'on peut compter tous leurs os. C'est là, mes frères une seconde cause qui peut amener les âmes à s'écrier-: Oh ! qui nous ferait être comme nous étions autrefois
        Mais il y en a une troisième que j'ai hâte de vous signaler, car je crois qu'elle vous concerne plus que la précédente. Votre état de dépérissement spirituel peut provenir, non de la qualité de votre nourriture, mais de la quantité insuffisante que vous en prenez. Je m'explique.
         Voici un homme, un simple ouvrier, je suppose, qui autrefois se rendait régulièrement deux fois chaque dimanche à la maison de Dieu. Le lundi soir, quoique pressé de travail, il trouvait néanmoins le temps d'ôter à la hâte son tablier de cuir et de courir à la réunion de prière : peut-être y arrivait- il un peu tard, mais il y entendait toujours quelques bonnes paroles. Le jeudi soir encore, il s'efforçait de se rendre dans le sanctuaire pour écouter les exhortations d'un ministre de l’Évangile, et afin de regagner les heures passées à ces divers exercices religieux, il se couchait tard, se levait matin et travaillait avec une infatigable ardeur. Mais un jour, voilà que cet homme pense en lui- même : « Je suis surchargé d'ouvrage ; la vie que je mène est par trop fatigante ; je ne puis plus sortir aussi souvent ; d'ailleurs, les courses sont si longues ! » Alors il renonce d'abord à telle réunion, puis à telle autre, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'enfin s'apercevant que la vie de somme décline d'une manière sensible, il s'écrie tout éperdu :
            Oh ! qui me ferait être comme j'étais autrefois ? Eh ! ne devais-tu pas t'attendre à ce qui t'arrive, mon frère ? tu prends moins d'aliments que par le passé : n'est-il pas tout simple que tu t'affaiblisses ? Comme le petit enfant, le chrétien a besoin de manger souvent et peu à la fois. Pour ma part, je n'hésite pas à le dire, je crois que lorsqu'une âme abandonne les services religieux de la semaine: - (si ce n'est pour cause d'empêchement absolu), - c'en est fait pour cette âme de la vie religieuse. « Tant que l'on n'adore Dieu que le dimanche, disait Whitefield, une piété pratique ne saurait exister. » Les services de la semaine sont souvent les meilleurs. Si dans les jours de sabbat Dieu abreuve ses enfants à des ruisseaux de lait, on peut dire que souvent il semble réserver la crème pour les autres jours. Lors donc qu'un chrétien se tient volontairement éloigné des moyens de grâce les plus propres à fortifier son âme, n'est-ce pas à lui-même qu'il doit s'en prendre s'il est réduit à s'écrier : Oh ! qui me ferait être comme j'étais autrefois ?
        - Je ne vous blâme pas, mes bien-aimés, je désire seulement réveiller par mes avertissements les sentiments purs que vous avez (2Pi 3:2). Je vous parle en toute simplicité comme en toute franchise, et j'ai toujours l'intention d'en agir ainsi. Oh ! chrétiens, soyez fidèles à votre drapeau ! Ne le perdez pas un seul instant de vue, et vous remporterez la victoire. Mais si le plus léger indice de défection se manifeste dans vos rangs, n'est-il pas du devoir de votre pasteur de vous avertir, de peur que vous ne veniez à déchoir de vôtre fermeté ?
       L'idolâtrie : telle est une autre cause très ordinaire du déclin de la piété. Il est des chrétiens qui se laissent aller insensiblement à retirer leur coeur à Dieu pour le donner à quelque objet terrestre, et qui s'affectionnent aux choses qui sont d'ici-bas plus qu'à celles qui sont d'en haut. Ah ! mes amis, il est difficile d'aimer le monde et d'aimer Christ ; je dis plus : c'est impossible. Mais d'un autre côté, il est difficile, j'en conviens, de ne pas aimer la créature , il est difficile de ne pas s'attacher à la terre ; j'allais presque dire : c'est impossible. Et par le fait, c'est impossible pour l'homme laissé à ses propres forces ; Dieu seul peut nous apprendre à préférer l'invisible au visible, le spirituel au matériel ; Dieu seul peut nous rendre capables de lui donner noscœur sans réserve et sans partage. Mais notez bien ceci, mes frères : toutes les fois que cédant à notre penchant à l'idolâtrie nous nous ferons un veau d'or et nous nous prosternerons devant lui, tôt ou tard ce veau d'or sera réduit en poudre et mêlé, pour ainsi dire, à l'eau que mous boirons, en sorte que nous pourrons dire avec le Psalmiste : Tu m'as abreuvé d'absinthe. Jamais chrétien ne s'est façonné une idole sans qu'elle ne se soit écroulée sur lui et ne l'ait grièvement blessé dans sa chute ; jamais l'âme n'a essayé d'étancher sa soif aux citernes crevassées du monde sans qu'elle n'ait trouvé, au lieu des ondes pures qu'elle cherchait, des reptiles immondes, et des eaux croupissantes. Le Seigneur veut que ses enfants vivent de lui, et de lui seul : que s'ils cherchent ailleurs leur vie, il prend soin de leur faire boire des eaux de Mara, de verser de l'amertume dans leur âme, afin de les ramener vers le Rocher d'où jaillissent les seules eaux vivifiantes.
      Oh ! mes bien-aimés, prenons donc garde que nos coeurs soient tout à Christ, entièrement à Christ, uniquement à Christ. S'il en est ainsi, nous jouirons certainement d'une paix constante, et notre âme ne sera pas contrainte à s'écrier : Qui me ferait être comme j'étais autrefois ?
         Il semble presque superflu de vous indiquer, d'autres causes qui peuvent déterminer la maladie spirituelle dont nous parlons ; toutefois, nous vous en signalerons une dernière, qui est peut-être la plus commune de toutes.
        Souvent notre piété n'est plus ce qu'elle a été, parce que nous avons nourri au-dedans de nous des sentiments d'orgueil et de propre justice. Ah ! mes amis, sachez-le : aussi longtemps que vous serez sur la terre, vous ne parviendrez point à vous débarrasser complètement de ce vieux levain de propre justice. Le démon nous est représenté par l'Ecriture sous l'emblème d'un serpent, parce qu'un serpent se glisse partout, jusque dans le moindre interstice. De même, la propre justice peut être comparée à un serpent, car elle s'insinue jusque dans les moindres de nos actions. - Si vous vous efforcez de servir Dieu « Excellent chrétien ! vous dit le diable ; comme tu sers Dieu fidèlement ! tu dépenses ta vie à prêcher l’Évangile ; tu es un noble coeur. »
        - Si, dans une réunion de prières, le Seigneur ;vous donne de répandre votre âme devant lui avec liberté et avec quelque ferveur, aussitôt Satan vous caresse avec complaisance: : « Comme tu as bien prié ! s'écrie-t-il ; certainement les frères t'aimeront ; tes progrès dans la grâce sont vraiment remarquables, ! »
         - Si une tentation se présente et que vous soyez rendu capable d'y résister : « Ah ! s'écrie-t-il encore, tu es un vaillant soldat de la croix ! Regarde l'ennemi que tu as terrassé ; une brillante couronne t'attend au bout de la carrière ; tu te comportes en véritable héros. » - Vous vous confiez implicitement au Seigneur, vous acceptez toutes ses promesses ; Satan murmure alors à votre oreille : « Combien ta foi est ferme ! rien ne peut l'ébranler ; quelle différence entre toi et tel ou tel de tes frères ! Sa foi n'est pas la moitié aussi forte que la tienne. » Sur quoi vous allez, tout gonflé d'importance, tancer vertement votre frère qui est faible ; vous lui reprochez de n'être pas de votre taille ; et pendant ce temps, le démon continue ses perfides insinuations, ne se lassant pas d'admirer votre force, votre fidélité, votre confiance en Dieu, et vous affirmant que vous n'avez point la moindre parcelle de justice propre.
       Votre pasteur s'adresse aux Pharisiens de son troupeau ; mais qu'avez-vous de commun avec les Pharisiens ? Vous vous croyez complètement inaccessible à l'orgueil, tandis qu'en réalité il n'est pas d'être qui soit plus orgueilleux que vous. Ah ! mes bien-aimés ! c'est justement lorsque nous nous estimons humbles, que nous sommes enflés d'orgueil, et lorsque nous gémissons le plus sur notre orgueil, c'est alors que nous sommes le plus humbles. En général, notre appréciation de nous-mêmes est le contre-pied de la vérité.
         Quand le chrétien se croit le plus mauvais, il est souvent le meilleur, et quand il se croit le meilleur, il est souvent le plus mauvais. Si donc vous reconnaissez avec douleur que vous n'êtes plus tels que vous étiez autrefois, examinez si des sentiments de propre justice ne se sont point glissés dans votre âme. Peut-être le flambeau de votre vie spirituelle est-il obscurci par l'orgueil : débarrassez-le donc de cet orgueil, et il brillera comme auparavant. Tu volais trop haut, mon frère ; c'est pourquoi il convient que tu sois humilié pour un temps, afin que comme un pécheur coupable et perdu tu ailles de nouveau t'abattre aux pieds de ton Sauveur. Alors, n'en doute pas, tu n'auras plus à t'écrier : Oh ! qui me ferait être comme, j'étais autrefois ?

III
      Et maintenant, je termine par QUELQUES MOTS D'EXHORTATION. En premier lieu, mes chers amis, je me sens pressé de vous exhorter à prendre, courage. L'un de vous se dit peut-être en ce moment même : « Oh ! c'en est fait ; jamais je ne recouvrerai le bonheur que j'ai perdu ; le Seigneur m'a caché la clarté de sa face. J'ai contristé son Esprit, et il s'est éloigné ; je me suis joué de ses avertissements, et il m'a abandonné ; j'ai délaissé les sentiers de la justice, et maintenant je suis comme emprisonné dans une cage de fer dont il m'est impossible de sortir. » Il est vrai, pauvre âme, tu ne saurais par toi-même recouvrer la liberté ; tes faibles forces ne parviendront jamais à briser ou à limer les barreaux derrière lesquels tu languis. Toutefois, je le répète, prends courage. D'autres sont sortis avant toi de la sombre prison du découragement et du désespoir. Sais-tu ce que tu dois faire, mon bien-aimé ? Crie à ton bon Maître demande-lui de venir te délivrer ; et quand même il semblerait pendant longtemps fermer l'oreille à tes cris de détresse, il t'entendra à la fin, n'en doute pas; en sorte qu'avec Jonas tu pourras bientôt entonner ce chant de délivrance :
J'ai crié à l'Éternel à cause de ma détresse, et il m'a exaucé ;
je me suis écrié du ventre du sépulcre, et tu m'as entendu ! (Jonas 2:3)

Reviens, reviens, ô pécheur égaré !
Entends la voix du Seigneur qui t'appelle ;
Vers lui déjà n'es-tu pas attiré
Par les cordeaux de son amour fidèle ?

      En second lieu, mes amis, je désire vous exhorter à faire tous vos efforts pour progresser continuellement dans la vie spirituelle. O chrétiens, mes frères et mes sœurs en Jésus-Christ ! combien en est-il parmi vous dont toute l'ambition consiste à se soustraire à la colère à venir ! Combien en est-il qui disent : « Pourvu que je sois sauvé, peu m'importe que ce soit comme, au travers du feu ; pourvu que l'entrée du ciel ne me soit pas refusée, peu m'importe si je suis à la dernière place ! » Et ceux qui parlent ainsi se conduisent en conséquence, c'est-à-dire qu'ils sont aussi peu chrétiens que possible. De la piété, ils en veulent bien ; mais avec modération. Or, qu'est- ce que la modération en matière de piété ? C'est un mensonge, c'est une dérision, et rien de plus ! Une femme demande-t-elle à son mari de l'aimer avec modération ?
        Un père se contente-t-il que son fils soit modérément obéissant ? Une probité modérée vous satisferait-elle chez vos serviteurs ? Evidemment non. Que parlez-vous donc d'une piété modérée?
      Etre modérément religieux, ce n'est autre chose qu'être irréligieux. Posséder une religion qui ne pénètre pas jusqu'au fond du coeur et qui n'exerce point d'influence sur la vie, c'est, par le fait, n'avoir aucune religion.
        Ah! mes chers auditeurs, vous le dirai-je ? je tremble souvent à la pensée que parmi vous il en est un grand nombre qui n'ont que l'apparence de la piété. Malheur à vous, sépulcres blanchis, qui vous contentez de paraître beaux au dehors sans considérer qu'au dedans vous n'êtes que souillure et corruption ! Malheur à vous, Pharisiens formalistes, qui nettoyez le dehors de la coupe et du plat et qui vous persuadez avoir assez fait, parce que ni l'Eglise ni le monde ne peuvent élever contre vous aucune accusation grave ! Prenez garde ! prenez garde ! le jour viendra où le Juge suprême examinera l'intérieur du plat et de la coupe, et s'il les trouve pleins d'injustice et de méchanceté, il les mettra en pièces et en jettera les débris dans l'abîme du tourment.
      Pauvres formalistes ! votre prétendue piété ressemble aux ailes de cire d'un personnage de la fable : elle peut fort bien vous suffire pour voler ici-bas, mais lorsqu'il vous faudra prendre votre essor vers les régions supérieures, le puissant, soleil de Jésus la fondra en un instant, et vous tomberez pour jamais dans le gouffre de la perdition ! Oh ! soi-disant chrétiens, si habilement dorés, ornés et vernissés, que ferez-vous lorsque au dernier jour vous serez reconnus pour être du vil métal ? Quand la paille, le foin et le chaume auront été consumés, que deviendrez-vous, je vous le demande, si votre christianisme est de mauvais aloi, s'il n'a pas été frappé au coin du Très-Haut ? Comment pourrez-vous passer par le creuset au grand et illustre jour du Seigneur, si vous n'êtes pas de l'or fin ?.....          Mais, j'en ai la confiance, il est des âmes dans cet auditoire qui n'ont rien à craindre de cette solennelle épreuve ; elles sont nées de Dieu, par conséquent le feu ne saurait les consumer. Toutefois, mes bien-aimés - (et ici je ne parle qu'aux véritables croyants), - jugez vous-mêmes si je suis injuste à l'égard des chrétiens de nos jours, en disant qu'en général nous nous contentons trop aisément de savoir que nous sommes enfants de Dieu, et que nous n'aspirons point assez à croître en stature et en force. Nous ressemblons à des nains, à de pauvres enfants rachitiques et souffreteux. Au lieu de marcher courageusement en avant, nous sommes toujours à gémir et à répéter sur tous les tons : Qui nous ferait être comme nous étions autrefois ?
       C'est là un symptôme de rachitisme. Si nous voulons faire de grandes choses dans le monde, nous ne devons pas souvent pousser ce cri. Il faut bien plutôt que nous soyons toujours prêts à chanter:

Ma langue, égaie-toi ;
réjouis-toi, mon coeur ;
Entonne un chant d'amour,
Jésus est ton Sauveur

      et que, pleins de joie, nous puissions dire avec saint Paul : Je sais en qui j'ai cru. Chrétiens, voulez- vous être utiles ? voulez-vous honorer votre Maître ? Désirez-vous obtenir dans le ciel une brillante couronne, afin d'en faire hommage à votre Sauveur ? S'il en est ainsi (et peut-il ne pas en être ainsi ?) veillez avec le plus grand soin à la santé de votre âme ; ne la laissez pas végéter et languir. Que l'homme intérieur qui est en vous n'ait pas simplement le souffle de la vie, mais qu'il se développe de jour en jour et devienne semblable à un arbre planté prés des eaux courantes, qui porte son fruit en sa saison et dont le feuillage ne se flétrit point.
       Quoi ! mes bien-aimés, vous vous contenteriez d'une couronne sans ornement quand vous savez que si vous amenez des âmes à Christ vous luirez comme des étoiles dans la splendeur de l'étendue (Daniel 12:3) ? Vous voudriez vous asseoir au banquet des noces, revêtu, il est vrai, de la robe de Christ, mais sans que Dieu vous ait donné un seul joyau comme récompense de vos services ici-bas ? Ah ! non, j'en suis certain. Vous désirez, au contraire, n'est-il pas vrai ? que l'entrée du royaume éternel vous soit abondamment, accordée ; vous voulez jouir de la plénitude des grâces du Seigneur.
       A l'oeuvre donc, mes bien-aimés ; à l'œuvre avec ardeur et courage ! A celui qui aura fait valoir cinq talents, cinq villes seront données; et que personne ne se contente de posséder un seul talent, mais qu'il le place à intérêt ; car on donnera à quiconque a déjà, et il aura encore davantage ; mais pour celui qui n'a pas, on lui ôtera même ce qu'il a.
       Mais; je le sais, pour beaucoup de ceux qui m'écoutent en ce moment, ce que je viens de dire est dépourvu de tout intérêt. Peut-être pensent-ils eux aussi : « Qui nous ferait être comme. nous étions autrefois ? » mais dans leur bouche cette plainte a un sens tout autre que dans la bouche du chrétien. « Hélas ! dit le pécheur avec amertume, que ne suis-je encore ce que j'étais il y a quelques années ! car alors j'étais plein d'entrain et d'insouciance ; je menais joyeuse vie. Nul mieux que moi ne savait vider la coupe des festins ; nul ne se laissait emporter plus gaiement par le tourbillon des plaisirs et de la folie. Mais ce que je faisais alors; je ne puis plus le faire. J'ai usé ma santé, j'ai dépensé mon énergie, j'ai perdu ma fortune. Je suis malade de corps et faible d'esprit. Qui me ferait être comme j'étais autrefois ? »
       Ah ! pauvre pécheur, tu as lieu, en effet, de regretter le passé ; mais attends seulement quelques mois, et le présent, qui maintenant te semble si sombre, sera à son tour l'objet de tes amers regrets. Et plus tu avanceras dans la vie, sache-le, plus tu souhaiteras de retourner en arrière ; car le chemin de l'enfer descend, - descend, - descend toujours, - et le malheureux engagé sur cette pente, fatale se consume continuellement en impuissants désirs de revenir sur ses pas. Oh ! oui, tu auras encore à t'écrier : « Qui me ferait être comme j'étais autrefois ? »
         Tu penseras aux jours heureux où la prière de ta mère te bénissait, où la voix de ton père t'avertissait, où tu allais prendre place sur les bancs d'une école du dimanche, où, assis sur les genoux de ta mère, tu l'écoutais te parlant du Sauveur. Et ces réminiscences d'un heureux passé seront d'autant plus poignantes que ce passé sera plus éloigné de toi. –
Ah ! mes chers auditeurs, il y en a beaucoup parmi vous qui ont bien besoin de rebrousser chemin. Pensez au nombre de vos égarements ; voyez jusqu'où vous êtes tombés..... Mais qu'ai-je dit ? Non, pécheur, tu n'as que faire de rebrousser chemin ! Au lieu de regarder aux choses qui sont derrière toi, regarde à celles qui sont devant; et au lieu de t'écrier : Qui me ferait être comme j'étais autrefois ? dis en sincérité de coeur : « Que ne suis-je un nouvel homme en Jésus-Christ » Il ne te servirait de rien, crois-le, de recommencer la vie tel que tu es : tu serais bientôt aussi mauvais que tu l'es en ce moment. 
          Mais si Dieu daignait faire de toi un homme nouveau, oh ! alors; pauvre mortel, qui que tu sois, quelque bas que tu sois tombé, tu vivrais véritablement en nouveauté de vie. Un chrétien est tout aussi réellement un nouvel homme que s'il n'avait pas vécu avant sa conversion. La vieille créature est détrônée ; il est une nouvelle créature, née de nouveau et entrant dans une nouvelle existence. Pauvre âme ! Dieu peut accomplir en toi cette merveilleuse transformation. Dieu le Saint-Esprit peut faire de toi un nouvel édifice, et cela sans employer une seule des pierres qui entraient dans la structure de l'ancien. Il peut te donner un nouveau coeur, un nouvel esprit, de nouveaux plaisirs, un nouveau bonheur, de nouvelles perspectives, et enfin un ciel nouveau. « Ah ! me dis-tu peut-être; je sens que j'ai besoin de toutes ces choses, mais est-il bien vrai que je puisse les obtenir ? » Juge toi-même, mon frère, si tu le peux, par cette simple déclaration de l’Évangile : C'est une chose certaine et digne d'être reçue avec une entière confiance que Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs. Il n'est pas dit, remarque-le, que ce soit là une chose digne seulement de quelque confiance, mais d'une entière confiance, de toute la confiance dont tu es capable. Si donc tu dis en cet instant même : « Jésus est venu pour sauver les pécheurs; je le crois, je le sais ». tu n'as rien à craindre ; le salut est à toi.
        - Mais Jésus voudra-t-il bien me recevoir; moi, si vil et si indigne ? » demandes-tu peut-être. Je te répondrai par une parole de mon Sauveur lui-même : Je ne mettrai point dehors celui qui viendra à moi. - « Mais je n'ose aller à lui ! » objectes-tu encore. Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive, est-il écrit. As-tu soif ? soupires-tu après le pardon ? sens-tu le besoin que tu as d'un Sauveur ? as-tu soif, te dis-je ? S'il en est ainsi, ô mon frère, voici ce que te dit Dieu. le Saint-Esprit : Que celui qui voudras de l'eau vive en prenne gratuitement ! Ecoutez tous une bonne nouvelle ! C'est pour sauver que Jésus-Christ est mort ; Qui croit au Fils a la vie éternelle ; Notre salut est un don du Dieu fort ! Que Dieu vous accorde à tous la grâce d'accepter ce salut pour l'amour de son nom !


mercredi 18 mars 2015

(5) SERMONS CHOISIS (Spurgeon Charles)

Numérisation Yves PETRAKIAN
Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement
Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com



LE PÉCHÉ DE L'INCRÉDULITÉ

Un capitaine, sur la main duquel le roi s'appuyait, répondit à l'homme de Dieu : Quand même l’Éternel ferait des ouvertures aux cieux, cela arriverait-il ? - Et Elisée dit : Voilà, tu le verras de tes yeux, mais tu n'en mangeras point (2 Ro 8:2)

      Un sage peut sauver une ville entière ; un juste peut délivrer des multitudes. Les croyants sont le sel de la terre : grâce à leur présence au milieu des méchants, ceux-ci sont épargnés. Si les enfants de Dieu n'agissaient comme un préservatif sur les masses, la race humaine ne subsisterait plus. Dans la ville de Samarie, où nous transporte notre texte, il se trouvait un juste : c'était Élisée, homme de Dieu. La piété avait complètement disparu de la cour. Le roi Joram était un pécheur plongé dans les vices les plus noirs ; ses Iniquités étaient criantes et infâmes. Il suivait le train d'Achab son père et servait publiquement les faux dieux. Comme leur monarque, les habitants de Samarie avaient été infidèles. Ils avaient abandonné Jéhovah, et mis en oubli le saint d'Israël. L'antique devise de Jacob L’Éternel ton Dieu est le seul Éternel (Deut 6:4), n'était plus pour eux qu'une lettre morte, et ils ployaient, un genou idolâtre devant les divinités abominables des païens. C'est pourquoi le Dieu des armées livra Israël aux mains de ses oppresseurs ; il permit que Samarie fût investie par une armée étrangère, en même temps que désolée par la plus affreuse famine, en sorte que les malédictions prononcées sur la montagne d'Hébal s'accomplirent à la lettre et que l'on vit bientôt dans les murs de Samarie la femme la plus tendre et la plus délicate, qui n'aurait point essayé de mettre la plante de son pied sur la terre par délicatesse et par mollesse, regarder d'un œil d'envie, ses propres enfants, et, rendue féroce par la faim, dévorer le fruit de ses entrailles (Comp. Deut 28:56-58 à 2Ro 6:24-29).
     Toutefois, dans cette épouvantable conjoncture, le prophète du Très-Haut devint un instrument de salut pour la coupable cité. Il fut le sel que Dieu employa pour conserver Samarie ; il fut le libérateur de tout un peuple assiégé. A cause d’Élisée, en effet, et par son organe, Dieu promit solennellement que, dès le lendemain, les vivres, qu'on ne pouvait plus obtenir au poids de l'or, seraient vendus à vil prix aux portes mêmes de la ville. Représentez-vous, mes amis, la joie de la multitude en entendant cette prédiction sortir de la bouche du saint homme. Chacun reconnaissait en lui un prophète de l’Éternel ; ses lettres de créance étaient marquées du sceau divin ; tout ce qu'il avait prédit auparavant s'était réalisé : aussi ne pouvait-on douter que dans cette occasion encore il ne parlât au nom de Jéhovah. Sûrement les yeux du monarque durent étinceler de joie et la foule affamée dût bondir d'allégresse, à la perspective d'une si prochaine délivrance. « Dès demain, durent-ils s'écrier tous ensemble, dès demain notre faim sera assouvie ! dès demain nous serons abondamment rassasiés ! »
       Mais au milieu du bonheur général, une voix fit entendre des paroles d'incrédulité. Cette voix était celle du capitaine sur qui le roi s'appuyait. Il ne nous est pas dit, remarquons-le en passant, qu'un seul homme du commun peuple accueillit la prédiction d'Elisée avec méfiance ; mais un haut personnage osa le faire. C'est une chose étrange, mes chers auditeurs, mais c'est un fait incontestable, que Dieu choisit rarement les grands de ce monde ; il semble, en vérité, que l'élévation et la foi en Christ ne puissent que difficilement s'accorder. - « Impossible ! » s'écria l'officier de la cour ; et à l'incrédulité unissant l'ironie, il ajouta : « Quand même l’Éternel ferait des ouvertures aux cieux, cela arriverait-il ? » Voici donc quel fut son péché : il ne crut point à la déclaration du prophète, bien que les miracles précédemment opérés par celui-ci témoignassent de la manière la plus éclatante qu'il était l'envoyé de Dieu.
       Sans doute, le capitaine de Samarie avait assisté à la merveilleuse déroute de Moab ; sans doute aussi on lui avait rapporté comment Élisée avait découvert les secrets de Ben-Hadad ; comment il avait frappé d'éblouissement les soldats envoyés pour le prendre ; comment il les avait menés à leur insu jusque dans les murs de Samarie. on ne peut supposer non plus que la résurrection du fils de la Sunamite, ou l'histoire de cette veuve, dont l'huile, miraculeusement augmentée par l'homme de Dieu, avait suffi pour payer la dette, ne fussent parvenus à sa connaissance; et quant à la guérison, de Naaman, elle avait certainement dû faire le sujet de tous les entretiens de la cour (2Ro 3, 2Ro 4, 2Ro 5, 2Ro 6)). Et cependant, en présence d'une telle accumulation d'évidence, en face de ces preuves irrécusables de la mission divine du prophète, le capitaine n'ajouta point foi à sa parole : bien plus, il la tourna en ridicule. Ce fut alors que le Seigneur, par la bouche de celui-là même qui venait de proclamer la délivrance, lui fit entendre son arrêt de condamnation : Tu. le verras de tes yeux, mais tu n'en mangeras point. Et la Providence, qui prend toujours soin d'accomplir la prophétie, aussi fidèlement que le papier reproduit les caractères qu'on y imprime, - la Providence, disons-nous, fit mourir cet homme. Foulé aux pieds dans les rues de Samarie, il périt aux portes de la ville, ayant contemplé de ses propres yeux l'abondance promise, mais n'en ayant point profité. Les circonstances qui occasionnèrent cette mort tragique nous sont inconnues : peut-être les manières hautaines et insultantes du malheureux exaspérèrent-elles le peuple ; peut-être voulut-il essayer d'arrêter la foule avide qui se précipitait vers les portes ; peut-être aussi fut-t-il renversé par un simple accident (comme on s'exprime dans le monde) ; quoi qu'il en soit, une chose demeure certaine c'est qu'il vécut assez pour voir la prophétie justifiée par l'événement, mais non point assez pour jouir des bienfaits annoncés par cette prophétie.
       Je me propose, mes chers auditeurs, d'appeler aujourd'hui votre attention sur deux points principaux : SUR LE PECHE dont le seigneur d'Israël se rendit coupable, et sur le CHÂTIMENT que ce péché lui attira.
        Il se peut qu'en traitant mon sujet, je ne ferai plus que rarement allusion à l'homme dont je viens de vous rappeler la saisissante histoire ; néanmoins, j'espère que son cas particulier m'aidera à mieux faire ressortir les vérités générales que je vais vous présenter.


I 
       Et d'abord, disons encore une fois que LE PÉCHÉ de cet homme fut l'incrédulité. Il n'ajouta point foi à la parole de Dieu ; il douta, soit de la véracité, soit de la puissance du Très-Haut : en d'autres termes, il crut, ou bien que le Seigneur ne tiendrait pas sa promesse, ou bien que la chose promise était en dehors des limites du possible.
        Rien n'est complexe comme l'incrédulité ; elle a plus de phases que la lune et plus de nuances que le caméléon. Suivant une croyance populaire, le diable se montrerait tantôt sous une forme et tantôt sous une autre. Ce qui est faux quant à Satan en personne, est parfaitement vrai quant à l'incrédulité, cette fille aînée de Satan. On peut dire d'elle en toute vérité que son nom est Légion, car ses formes sont plusieurs. - Tantôt l'incrédulité m'apparaît déguisée en ange de lumière ; elle se couvre du nom d'humilité et parle à peu près en ces termes : « Dieu me garde de la présomption ! Dieu me garde d'affirmer que le Seigneur me pardonne ; je suis un trop grand pécheur pour oser compter sur sa grâce. » Souvent les chrétiens eux-mêmes se laissent prendre à cette ruse de Satan, et bénissent Dieu de voir une âme animée de si bons sentiments ; mais pour ma part, bien loin de bénir Dieu, je gémis au sujet de cette âme ; car sous ce manteau emprunté, je reconnais le démon du doute.
      D'autres fois, l'incrédulité met en question la fidélité de Dieu : « Il est vrai que le Seigneur m'a aimé, se dit-on ; mais qui sait s'il ne me rejettera pas dans la suite ? Il est vrai que hier il m'a secouru, et je me place encore à l'ombre de ses ailes ; mais qui sait si demain il ne m'abandonnera pas ? qui sait s'il se souviendra toujours de son alliance et n'oubliera point d'avoir compassion ? » - D'autres fois encore, l'incrédulité inspire des doutes sur la puissance de Dieu. On rencontre chaque jour sur sa route de nouvelles entraves, on est enlacé dans un filet de difficultés, et on pense dans son coeur : « Sûrement le Seigneur ne saurait nous délivrer. » On cherche alors à se débarrasser soi- même de son fardeau et parce qu'on ne peut y parvenir, on s'imagine que le bras de Dieu est aussi court que le nôtre et que sa force est aussi faible que la force humaine.
    Mais si ces diverses formes d'incrédulité sont dangereuses au plus haut degré, puisqu'elles retiennent tant d'âmes loin de Jésus, et qu'elles les portent à douter de sa puissance ou de son amour, que dire de cette incrédulité hideuse, avouée, révoltante entre toutes, qui, marchant le front haut et sous ses véritables couleurs, blasphème contre Dieu et nie effrontément son existence? Le déisme, le scepticisme et l'athéisme: tels sont les fruits arrivés à maturité de l'arbre empoisonné du doute ; telles sont les plus terribles éruptions du volcan de l'incrédulité. Oui, l'on peut dire véritablement qu'elle a atteint sa parfaite stature, qu'elle est parvenue à son apogée, cette incrédulité qui, jetant tout masque et mettant de côté tout déguisement, parcourt insolemment la terre en poussant ce cri de révolte : Il n'y a point de Dieu ! qui levant le bras contre Jéhovah, essaie d'ébranler le trône de la divinité, et dans son inconcevable folie semble n'aspirer à rien moins qu'à faire la loi :à Dieu lui- même. Toutefois, mes amis, remarquez-le bien, que l'incrédulité se manifeste sous des formes plus ou moins grossières, plus ou moins adoucies, sa nature n'en demeure pas moins la même: la sève est une, quoique les branches soient variées à l'infini.
        Il est dans le monde certaines gens bien étranges, pour dire le moins, qui soutiennent que l'incrédulité n'est pas un péché. Et ce qu'il y a de plus inexplicable, c'est que des personnes, dont les croyances religieuses sont d'ailleurs fort saines, tombent dans cette erreur. Je connais un jeune homme qui entra un jour dans une réunion d'amis et de ministres de l’Évangile, au moment où l'on discutait très sérieusement cette question : « Est-ce un péché de la part de l'homme que de ne pas croire à l’Évangile ? » Étonné au plus haut degré, le jeune homme prit la parole et dit: « Messieurs, suis-je oui ou non en présence de chrétiens ? Croyez-vous à la Bible ou n'y croyez-vous pas ?
       - « Il va sans dire que nous sommes chrétiens », répondirent tout d'une voix les assistants. - « Alors, reprit le jeune homme, pourquoi ces, discussions ? L'Ecriture ne dit-elle pas expressément que le monde sera convaincu de péché, parce qu'il n'aura pas cru en Christ ?' Et ne dénonce-t-elle pas la condamnation à tout pécheur qui refuse de croire au Fils de Dieu ? »
        Ce raisonnement, mes frères, ne vous paraît-il pas aussi simple que concluant ? Quant à moi, je l'avoue, je ne puis comprendre que des hommes qui prétendent avoir du respect pour la Parole inspirée n'acceptent pas implicitement ce qu'elle enseigne. Je ne puis comprendre que sous prétexte de faire accorder la vérité avec je ne sais quelles données de la raison humaine, on ait la hardiesse de s'inscrire en faux contre les déclarations divines. La vérité est une forte tour qui n'a pas besoin d'être étayée par l'erreur. La Parole de Dieu saura bien rester debout, malgré les attaques de ses ennemis et sans les sophismes de ses prétendus amis. Puis donc que l'Ecriture déclare en propres termes que voici la cause de la condamnation : C'est que la lumière est venue dans: le monde et que les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière ; puisque j'y lis des paroles telles que celles-ci : Celui qui ne croit point est déjà condamné, parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu ; je ne. crains pas d'affirmer de la manière la plus positive, avec la Parole de mon Maître, que l'incrédulité est un péché
          Et de bonne foi, est-il besoin de longs arguments pour démontrer cette vérité ? Ne se prouve-t-elle pas d'elle-même à tout esprit rationnel et sans préventions ? Quoi ! n'est-ce point une chose énorme, qu'une créature ose mettre en doute la Parole de Celui qui la forma ? N'est-ce point un crime et une insulte à la Divinité, que moi, misérable atome, grain de poussière perdu dans l'immensité, je donne le démenti au Tout-Puissant ? N'est-ce point le comble de l'arrogance et de l'orgueil, qu'un enfant d'Adam dise en son coeur : « Dieu ! je doute de ta grâce, je doute de ton amour, je doute de ta puissance ! » 
        Oh ! mes chers auditeurs, croyez-moi ; quand même il vous serait possible d'amalgamer, pour ainsi dire, les plus honteux forfaits quand même vous prendriez le meurtre, le blasphème, la convoitise, l'adultère, la fornication, en un mot, tout ce qu'il y a de plus vil, de plus immonde, de plus révoltant sur la terre, et que de tous ces crimes réunis vous puissiez ne faire qu'un seul crime monstrueux, - cette masse hideuse de corruption et de souillure le céderait encore au péché de l'incrédulité. Sans contredit, c'est le péché-roi; c'est la quintessence de tout ce qui est mal, le principe et le venin de tout vice, la lie de toute méchanceté, le chef-d'œuvre de Satan.
      Mais pour mieux vous faire comprendre l'excessive malignité de ce péché, permettez moi d'entrer dans quelques développements.
       Et d'abord, observez que l'incrédulité peut être appelée, à juste titre, la mère de tous les autres péchés. En effet, il n'est pas de crime qu'elle ne puisse enfanter. C'est à elle que doit être imputée en grande partie la chute de nos premiers parents. Quoi ! demande le Tentateur à Eve, Dieu aurait- il dit : Vous ne mangerez point de tout arbre du jardin ? Il insinue habilement un doute dans son âme. « Est-il bien certain qu'une telle défense vous ait été faite ? » semble-t-il lui dire. L' incrédulité fut comme la partie la plus affilée de la lame meurtrière que Satan introduisit dans le cœur d’Ève ; ce fut elle qui ouvrit passage à la curiosité, à la convoitise et à toutes sortes de mauvaises pensées. Et depuis le jour à jamais lamentable où le péché entra dans le monde, et par le péché la mort, qui pourrait dire les iniquités sans nombre auxquelles l'incrédulité a donné naissance ? Tout incrédule est capable de commettre le plus noir des crimes qui ait jamais souillé la terre. L'incrédulité, mes frères ? C'est elle qui endurcit le coeur de Pharaon, - elle qui déchaîna la langue blasphématrice de Rabsçaké, - elle qui devint déicide et crucifia le Roi de gloire ! 
      Et n'est-ce pas l'incrédulité qui chaque jour encore aiguise le couteau du suicide, prépare la coupe empoisonnée, conduit à la potence des milliers de criminels, et fait descendre dans une tombe ignominieuse le pécheur audacieux qui s'élance à la rencontre de son Juge, les mains encore teintes de sang ? Dites-moi qu'un homme est incrédule ; assurez-moi qu'il méprise la Parole de Dieu, qu'il n'ajoute foi ni à ses promesses ni à ses menaces ; et ces prémisses posées, je ne craindrai pas de conclure qu'à moins qu'une puissance préventive extraordinaire ne soit exercée sur cet homme, il se rendra coupable un jour ou l'autre des excès les plus honteux. L'incrédulité est le Béelzébub des péchés ; comme le prince des démons, elle ne, marche jamais seule, mais quand elle pénètre dans un coeur, elle y entraîne toujours à sa suite un long cortège de mauvais esprits. En elle sont renfermés le germe de tous les vices, la semence de toute iniquité ; en un mot, il n'est rien d'odieux, de vil, de dégradant au monde, qui ne soit comme sous-entendu dans ce seul mot : L'INCRÉDULITÉ.
      Et c'est ici le lieu de dire que l'incrédulité qui se glisse par moments dans le coeur de l'enfant de Dieu, est absolument de la même nature que celle de l'inconverti. Sans doute, ses conséquences finales seront bien différentes, car l'incrédulité du chrétien lui sera pardonnée... que dis-je ? elle lui est déjà pardonnée ! elle a été mise, avec toutes ses transgressions, sur la tête de Celui dont le bouc émissaire était le type ; par conséquent, elle a été expiée et effacée à tout jamais. Néanmoins, je le répète, quant à sa nature, elle ne diffère en rien de toute autre incrédulité. Je dis plus : s'il peut exister un péché plus odieux encore que l'incrédulité du mondain, assurément ce doit être l'incrédulité de l'enfant de Dieu. Qu'un racheté doute de la Parole de son Maître, que celui qui a reçu des témoignages sans nombre de son amour, des gages réitérés de sa miséricorde, éprouve de la défiance envers son Père céleste, oh ! n'est-ce pas là, je le demande, une iniquité à nulle autre pareille ? -Et chez le chrétien non moins que chez le mondain, le manque de foi est la racine de toute sorte de mal. Lorsque je serai parfait dans la foi, je serai parfait à tout autre égard. J'obéirais toujours aux préceptes de Dieu si je croyais toujours à ses promesses. Je pèche, parce que ma foi est faible. Que je sois pauvre, accablé de soucis, dénué de tout, si je puis avec confiance élever mes mains en haut et dire : L’Éternel pourvoira, on ne me verra jamais recourir à des moyens iniques pour améliorer ma position ; mais si, au contraire, je n'ajoute point foi aux promesses divines, qu'arrivera-t-il ? Peut-être déroberai-je, ou commettrai-je une action déloyale pour échapper aux poursuites de mes créanciers, ou me plongerai-je dans des habitudes d'intempérance pour noyer mes anxiétés. Otez-moi la, foi, et mon être moral n'a plus de frein : or, comment maîtriser sans frein ni mors un coursier indocile ? Tel que la fable nous représente le char du soleil conduit par Phaéton, tels serions-nous sans la foi : errant à l'aventure et courant droit à notre perte. Il est donc vrai de dire que l'incrédulité est la mère de tous les vices ; c'est le péché par excellence, car il porte dans son sein tous les autres.
          Mais ce n'est pas tout. Non seulement l'incrédulité enfante le péché, mais encore elle le nourrit et l'entretient. - Vous êtes-vous jamais demandé, mes chers auditeurs, comment il se fait que les hommes continuent à vivre selon que leur coeur les mène, tout en entendant gronder à leurs oreilles les tonnerres de Sinaï ? Comment se fait-il, par exemple, que lorsqu'un Boanerges (C'est-à- dire fils du tonnerre, Marc 3:17), soutenu par la grâce de Dieu, élève la voix et crie du haut de la chaire de vérité : Maudit est quiconque ne persévère pas dans toutes les choses qui sont écrites ait livre de la loi pour les faire (Gal 3:10 Deut 27:26) ; comment, dis-je, se fait-il que le pécheur écoute sans trembler les terribles menaces de la justice divine, qu'il reste dans son endurcissement et ne change rien à ses mauvaises voies ? Je vais vous le dire, mes amis ; c'est tout simplement parce que l'incrédulité est au fond de son coeur ; c'est elle qui empêche les menaces de Dieu d'avoir aucune prise sur son âme. Lorsque, nos sapeurs et nos mineurs étaient à l'oeuvre devant Sébastopol, ils n'auraient pu, vous le comprenez tous, travailler à découvert en face des remparts de la ville ; aussi, que faisaient-ils ? Ils avaient soin tout d'abord d'élever des retranchements derrière lesquels ils pouvaient défier le feu de l'ennemi et poursuivre sans danger leurs travaux souterrains. Il en est de même de l'inconverti. Son retranchement, à lui, c'est l'incrédulité. Satan lui donne cet abri, afin que les traits de la loi n'atteignent point sa conscience. Ah ! pécheur, qui aujourd'hui t'enveloppes dans une superbe Indifférence, si jamais le Saint-Esprit daigne renverser ton incrédulité, s'il s'adresse enfin à toi avec une démonstration d'esprit et de puissance, avec quelle force la Parole de Dieu saisira alors ton âme ! Du jour où les hommes seraient fermement persuadés que la loi est sainte et que le commandement est saint, juste et bon, qui pourrait assigner des bornes à la puissance de l'Ecriture sur leurs cœurs ? Ils se croiraient constamment suspendus au-dessus de l'enfer, ils prendraient au sérieux les menaces divines. Alors il n'y aurait plus dans la maison de prière, ni indifférents, ni dormeurs, ni auditeurs inattentifs ; alors, après avoir écouté la Parole, on n'oublierait pas aussitôt quel on est. Oui, je dis ceci avec une pleine conviction, sans l'incrédulité, pas un seul de traits lancés par les redoutables batteries de la loi ne manquerait son but, et grand serait le nombre de ceux qui seraient tués par l’Éternel ! (Esa 66:16)
      De même, comment se fait-il que les hommes puissent entendre les douces, les touchantes invitations de la croix du Calvaire, sans venir à Christ ? Comment se fait-il que lorsque les prédicateurs de l'Evangile essaient de vous retracer les souffrances inexprimables de Jésus, lorsqu'ils vous parlent de sa passion et de son agonie, et qu'ils terminent par vous dire à tous de la part de Dieu : Il y a encore de la place ; venez, car tout est prêt, - dites, mes chers auditeurs, comment se fait-il, que vos cœurs ne soient pas brisés au-dedans de vous ? Pourquoi ne vous écriez-vous pas en vous frappant la poitrine :

O Christ, ta charité profonde
Touche, pénètre notre coeur ;
Tu meurs pour les péchés du monde,
Toi seul es notre Dieu Sauveur ?

        Et pourtant il me semble que la scène du Calvaire est assez émouvante pour attendrir le marbre le plus dur ! Il me semble que le lugubre drame de Golgotha ferait pleurer les pierres mêmes, et devrait arracher des larmes de pénitence et d'amour au misérable le plus endurci ! mais voici : nous vous disons et nous vous redisons ces choses ; et où sont-ils ceux qui s'en affligent ? où sont-ils ceux qui pleurent ?... O humiliante insensibilité du coeur de l'homme ! les rocs eux-mêmes se fendirent en voyant mourir Jésus; et vous, qui chaque jour le contemplez, pour ainsi dire, crucifié de nouveau sous vos yeux, vous assistez. à ce spectacle avec autant d'insouciance que s'il ne vous concernait en rien ! Oh ! vous tous passants, regardez et voyez ; Cela ne vous touche-t-il point que Jésus soit mort ? - « Non, cela ne nous touche point », semblez-vous répondre pour la plupart. Pourquoi en est-il ainsi, mes amis ? Ah ! c'est parce qu'entre vous et la croix de mon Sauveur, il y a des pensées d'incrédulité. Si le voile épais du doute ne vous dérobait pas la figure divine de Jésus, ses regards d'amour fondraient la glace de vos cœurs. Mais l'incrédulité neutralise, en quelque; sorte, la puissance de l’Évangile ; elle l'empêche d'agir sur l'âme ; et ce n'est que lorsque le Saint-Esprit a chassé cette incrédulité, ce n'est que lorsqu'il a porté un coup mortel au scepticisme naturel au coeur humain, que le pécheur peut s'approcher de Jésus et mettre en lui sa confiance.
        Une troisième considération bien propre à nous faire comprendre combien l'incrédulité, est odieuse, c'est qu'elle rend incapable de toute bonne œuvre. Ces paroles de l'Apôtre : Tout ce que l'on ne fait pas avec foi est un péché (Ro 14:23), sont vraies dans plus d'un sens. A Dieu ne plaise que je déprécie jamais la moralité ! à Dieu ne plaise que je parle jamais de la probité, de la tempérance ou de toute autre vertu humaine, autrement qu'avec éloges et respect ! Mais après avoir rendu à ces choses un légitime hommage, savez-vous ce que j'ajouterai ? Le voici. Toutes les vertus purement humaines, vous dirai-je, sont semblables à ces petits coquillages qui servent de monnaie dans certaines parties de l'Indoustan. Ils ont cours parmi les Indiens, mais en Europe ils sont sans valeur. 
        De même, les vertus humaines peuvent passer comme monnaie courante ici-bas, mais là-haut elles n'ont pas cours. Si vous n'avez quelque chose de plus excellent que votre propre excellence, vous n'entrerez jamais au ciel. Sans doute, si je devais passer ma vie au milieu des peuplades indiennes dont je viens de parler, je m'accommoderais fort bien des coquillages ; mais si je dois me trouver un jour en pays civilisé, une autre monnaie m'est nécessaire. Ainsi, la probité, la tempérance et autres choses semblables sont très bonnes pour la terre, et plus vous les posséderez, mieux cela vaudra. 
       Toutes les choses qui sont justes, pures, aimables et de bonne réputation, je vous exhorte, mes frères, à les rechercher et à les pratiquer ; mais en même temps, je vous le déclare, il vous faut plus que cela pour entrer au ciel. Sans la foi, toutes ces choses réunies ne sont d'aucun prix devant Dieu. Les vertus, sans la foi, sont des péchés, blanchis au dehors, et rien de plus. L'obéissance sans la foi - (en admettant qu'elle fût possible) - ne serait qu'une désobéissance déguisée. L'incrédulité annule tout bien. C'est le mouche qui gâte le parfum (Ecc 10:1), C'est l'herbe vénéneuse qui empoisonne le pot (2Ro 4:38-41). Possédât-on tout ensemble la pureté la plus aimable, la philanthropie la plus généreuse, la sympathie la plus désintéressée, le génie le plus noble, le patriotisme le plus dévoué, l'intégrité la plus consciencieuse, si l'on n'a pas la foi, on n'a rien. Sans la foi, dit l'Apôtre,. il est impossible de plaire à Dieu.
      Et cette impuissance pour le bien, inséparable de l'incrédulité, se retrouve chez le chrétien lui-même, pour peu que sa foi défaille. - Permettez-moi, mes frères, de vous raconter  une simple histoire, un fait rapporté dans l’Évangile. Un certain homme avait un fils possédé d'un malin esprit. Jésus était sur le mont Thabor, au milieu des gloires de la transfiguration. Ne pouvant arriver jusqu'au Maître, le malheureux père conduit son fils aux disciples. Le premier mouvement de ceux- ci est de s'écrier :
       « Oui. nous chasseront le démon ! » et aussitôt ils imposent les mains au jeune homme. Mais soudain un doute surgit dans leur esprit. « Se peut-il bien que nous réussissions ? » se demandent-ils les uns aux autres avec inquiétude. Bientôt le possédé commence à écumer ; il grince des dents, il se roule par terre, il se débat dans d'effroyables convulsions. Evidemment, l'esprit malin est toujours là. En vain les disciples redoublent-ils d'efforts : semblable à un lion dans sa caverne, le démon semble les défier. « Esprit impur ! sors de cet homme ! » crient-ils avec une nouvelle énergie ; mais il ne sort point. « Esprit de ténèbres ! retourne en ton lieu ! répètent-ils ; mais il n'obéit point. Les lèvres incrédules des disciples ne peuvent troubler le Malin, qui a bon droit aurait pu leur dire : « Je connais la foi et je connais Jésus, mais je ne sais d'où vous êtes. » Si les disciples avaient eu de la foi seulement comme un grain de moutarde, ils auraient pu chasser le démon ; mais leur foi s'était évanouie ; c'est pourquoi ils furent impuissants. - Voyez encore ce qui arriva à l'apôtre Pierre. Pierre crut à la parole de Jésus, et il marcha sur les flots. Marche admirable, et que pour ma part je suis souvent tenté d'envier à l'apôtre ! Si sa foi n'eût pas faibli, qui peut dire jusqu'où Pierre serait allé ? Avec la foi pour le soutenir, il eût pu traverser l'Atlantique, et atteindre le Nouveau Monde ! Mais voici, au bout d'un moment, Pierre aperçoit une vague menaçante qui vient droit sur lui, et il se demande avec effroi : « Ne va-t-elle pas m'engloutir ? » Puis, il pense : « Quelle présomption n'a pas été la mienne d'oser m'aventurer ainsi sur les flots ? » Aussitôt, Pierre s'enfonce. La foi était la ceinture qui le maintenait au-dessus de l'eau ; c'était son charme, c'était son talisman. Avec elle, son pas est ferme ; sans elle, il perd pied. Il en sera toujours de même pour chacun de nous mes bien-aimés. Tous, tant que nous sommes, nous avons à marcher sur les flots. Qu'est-ce, en effet, que votre vie ou la mienne, sinon une marche constante au milieu des vagues furieuses ? Voulez-vous donc rester debout au sein de la mer en tourmente ? Ayez la foi en Dieu. Du moment où vous cesserez de croire, les eaux de l'affliction entreront dans votre âme, et vous enfoncerez. Et pourquoi donc doutez-vous encore, ô gens de peu de foi ?
        La foi développe toute bonne pensée, tout bon sentiment ; l'incrédulité, au contraire, les tue. Que de milliers de prières n'a-t-elle pas étouffées dès leur naissance ! Que de saintes aspirations n'a-t- elle pas frappées de mort, avant même qu'elles eussent vu le jour ! Que d'accents de louange, qui seraient allés grossir les chœurs célestes, ont été refoulés par le souffle impie du doute ! Que de nobles entreprises, conçues dans le coeur, ont tristement avorté par suite de l'incrédulité ! Tel homme serait peut-être un missionnaire dévoué, tel autre, un hardi prédicateur de l’Évangile, si l'incrédulité n'était venue glacer leur généreux élan. Rendez un géant spirituel incrédule : aussitôt il devient un nain. La foi est pour le chrétien ce qu'était pour Samson sa chevelure : enlevez-la-lui, et vous pourrez lui crever les yeux et le réduire à une complète impuissance.
       Observons encore, mes chers auditeurs, que le péché de l'incrédulité doit être d'une nature particulièrement odieuse, puisque de tout temps le Seigneur l'a sévèrement puni. Pour nous convaincre de ce fait, ouvrons l'Écriture ! - Je vois un monde tout rayonnant de beauté et de splendeur ses montagnes rient au soleil, et ses vallons se baignent dans une atmosphère d'or. Des vierges dansent sous les ombrages ; des jeunes gens chantent en chœur. O ravissante vision !.... 
         Mais soudain un vieillard à l'aspect grave et vénérable apparaît sur la scène. Il lève sa main et crie : « Bientôt un déluge va fondre sur la terre les fontaines du grand abîme se rompront, les eaux couvriront toutes choses. Voyez cette arche : pendant 120 années j'ai travaillé de mes propres mains à la construire. Hâtez-vous, cherchez-y un refuge, et vous serez sauvés ! » - « Ah !, vieillard morose et crédule, qu'y a-t-il entre nous et toi ? lui répondent des voix railleuses. Laisse-nous jouir en paix de la vie. Il sera temps de penser au déluge quand le déluge sera venu. Mais il ne viendra pas, nous le savons ; à d'autres tes vaines prédictions ! » Et la foule insouciante reprend ses chants et ses danses..... - Mais écoutez... Incrédules ! entendez,vous ce bruit sourd et étrange ? Les entrailles de la terre commencent à s'émouvoir ; ses vastes flancs sont déchirés par de terribles convulsions intérieures. Cédant enfin à une tension énorme, les voilà qui éclatent, et des amas d'eaux, qui depuis le jour où Dieu les avait recelés dans le sein du globe, n'avaient point paru au dehors, s'échappent de toutes parts en torrents impétueux. Et la voûte du ciel ! elle est fendue en deux. Il pleut, non des gouttes d'eau, mais des nuages tout entiers. Une cataracte, bien autrement puissante que celle de Niagara, se précipite du firmament avec une épouvantable clameur. Les deux abîmes - l'abîme de dessous et l'abîme de dessus - s'entre rencontrent et se donnent la main. Où êtes-vous maintenant, ô incrédules ? Je regarde, je cherche ; et je ne vois plus qu'un homme -qu'un seul - debout sur une pointe de rocher, qui s'élève solitaire au-dessus des eaux. Longtemps sa femme s'est tenue cramponnée à son corps ; mais, vains efforts ! elle vient d'être entraînée. Lui- même perd bientôt pied. L'eau atteint sa poitrine. Entendez son dernier cri ! il succombe, il se noie, il est emporté par le courant... Alors Noé regardant de l'arche, ne voit rien, plus rien. Partout le vide, partout le chaos, partout le néant ! Les monstres marins gîtent et s'ébattent dans les palais des rois. Tout est renversé, submergé, englouti. Quelle est donc la cause de cette épouvantable catastrophe ? Mes frères, vous l'avez dit : c'est !l'incrédulité ! Par la foi, Noé fut sauvé. Par l'incrédulité, le monde périt.
        Ouvrons encore l'Ecriture. Voici deux grands serviteurs de Dieu, Moïse et Aaron. Ils ont reçu mission d'introduire le peuple d'Israël dans la terre de Canaan, mais, chose étrange, ils n'y entrent point eux-mêmes. D'où vient' cela ? La Parole de Dieu va nous le dire. Ils n'honorèrent point l’Éternel devant le peuple aux eaux de contestation ; ils frappèrent le rocher avec un geste d'impatience ; en un mot, ils furent incrédules ; et le Seigneur les condamna à mourir sans entrer dans la terre promise - dans ce bon pays, après lequel ils avaient tant soupiré, et pour lequel ils avaient tant souffert (No 20:1-13) !
        Un autre exemple. Laissez-moi vous conduire, mes frères, dans, ces contrées sauvages et désolées que parcoururent Moïse et Aaron. Comme le Bédouin nomade, devenons les fils du désert. Voyageurs fatigués, errons dans les sables brûlants de l'Arabie. Là gît un squelette blanchi par le soleil ; ici, j'en vois un second ; plus loin, un troisième ; plus loin encore, d'autres en grand nombre. Que sont ces ossements desséchés ? D'où viennent tant de restes humains ? Qui m'expliquera leur présence en ce lieu ? Sûrement, le vent du désert ou le fer de l'ennemi a fait périr ici en une seule nuit une imposante armée. - Non, ces os sont les os d'Israël ; ces restes sont ceux des antiques tribus de Jacob. Elles ne purent entrer dans le pays de la promesse à cause de peur incrédulité. Elles n'eurent point confiance en Dieu. Les espions ayant déclaré que la conquête de Canaan était impossible, le peuple les crut plutôt que Jéhovah (No 13).
          Voilà pourquoi les corps morts de cette génération tombèrent dans ces solitudes. Ce ne furent pas les descendants de Hanak qui détruisirent Israël ; le souffle embrasé du désert ne consuma point ces gens d'élite et les. eaux du Jourdain ne mirent point obstacle à leur entrée d'ans Canaan ; ni les Héviens ni les Jébusiens ne les exterminèrent : l'incrédulité seule fut la cause de leur perte. Oh ! malheureux Israël ! après quarante années de pénible marche dans le désert, te voir exclu de la terre promise, en punition de ton incrédulité !
         Et si je ne craignais de multiplier outre mesure les exemples, que de faits du même genre la Bible ne me fournirait-elle pas ! Voyez Zacharie, le père du Précurseur : il douta, vous le savez, et aussitôt l'ange le frappa de mutisme; sa langue fut liée, à cause de son manque de foi. - Mais voulez-vous, mes chers amis, contempler, sous leurs plus sombres couleurs, les terribles suites de l'incrédulité ; voulez-vous savoir de quelle manière le Seigneur châtie une nation qui ne croit point ? venez assister avec moi au siège de Jérusalem, à cet épouvantable massacre, sans pareil dans les fastes de l'histoire ! Voyez les Romains rasant les murailles de la sainte Cité ; voyez-les faisant passer au fil de l'épée ou vendant comme esclaves sur les marchés publics tous les habitants qu'ils trouvent dans la ville. Relisez l'histoire émouvante de la destruction de Jérusalem, accomplie par Titus. Arrêtez-vous au récit tragique de la mort de ces Juifs désespérés, qui, plutôt que de tomber à la merci des Romains, se poignardèrent les uns les autres ! Mais qu'avons-nous besoin de regarder au passé ? Les jugements de Dieu ne pèsent-ils pas encore sur son peuple ? Aujourd'hui encore Israël n'est-il pas dispersé sur la surface de la terre, errant, exilé, sans nationalité et sans patrie ? Il a été retranché, comme un sarment est retranché d'un cep. Et savez-vous pourquoi ? C'est en punition de son incrédulité. Là, et pas ailleurs, est la cause des calamités inouïes qui ont fondu sur ce peuple. Aussi, chaque fois que vous rencontrerez un Juif, au regard sombre et triste ; chaque fois que vous le verrez, lui, fils d'une terre lointaine, foulant, comme un proscrit, un sol étranger, rentrez en vous-mêmes et vous dites : « C'est l'incrédulité, ô Israël, qui t'a fait devenir le meurtrier de Christ ; c'est elle qui t'a dispersé parmi les nations ; et ce n'est que la foi - la foi au Nazaréen crucifié - qui pourra te faire rentrer dans ta patrie et lui rendre son antique splendeur. »
       Oh ! oui, Dieu hait l'incrédulité d'une haine toute particulière. Comme Caïn, il l'a marquée au front du signe de sa colère. Il l'a frappée de rudes coups dans le passé, et il l'écrasera complètement à la fin. L'incrédulité déshonore le Seigneur. Tout autre crime ne touche, pour ainsi dire, qu'à son territoire, mais celui-ci ose attaquer sa divinité même ; il s'inscrit en faux contre sa véracité, nie sa miséricorde, insulte à ses attributs, dénature son caractère. C'est pourquoi, je le répète; il n'est aucun péché aussi abominable aux yeux de Dieu que le péché de l'incrédulité, sous quelque forme qu'il se produise.
       Enfin, pour clore cette partie de mon sujet, je vous ferai remarquer, mes amis, que l'incrédulité est un péché irrémissible. L’Évangile nous parle d'un péché pour lequel Christ n'est point mort : c'est le péché contre le Saint-Esprit ; mais il en existe un autre dont Jésus n'a jamais fait l'expiation : c'est celui de l'incrédulité. Nommez-moi l'un après l'autre tous les crimes qui figurent dans le catalogue du mal, et je vous citerai des personnes à qui ces crimes ont été pardonnés ; mais .demandez-moi si un homme qui meurt incrédule. peut être sauvé, je vous répondrai sans hésiter : « Non, il n'y a point de pardon, il n'y a point de salut possible pour cet homme ! » Sans doute, l'incrédulité de l'enfant de Dieu a été expiée, parce qu'elle n'est que temporaire ; mais pour ce qui est de l'incrédulité finale, de l'incrédulité dont on ne se repent point, jamais, je le répète, il n'a été fait d'expiation pour elle. Examinez la Bible d'un bout à l'autre ; partout vous trouverez que l'homme qui meurt sans avoir la foi n'a rien à attendre que la condamnation éternelle. Il est en dehors de la grâce divine. Se fût-il rendu coupable de tout autre péché, s'il avait possédé la foi, il eût été sauvé ; mais il ne la possédait point : par conséquent, il est condamné..... Démons, il vous appartient ! Esprits infernaux précipitez-le dans l'abîme ! Il n'a point cru, et c'est pour des hôtes tels que lui que l'enfer a été préparé. L'enfer est le lot des incrédules ; c'est leur héritage, leur patrimoine, la prison qui de tout temps leur a été destinée. Les chaînes éternelles sont marquées à leur nom, et ils reconnaîtront à tout jamais la vérité de cette parole de Christ : Celui qui ne croit point sera condamné !

II
     Ceci nous conduit naturellement à aborder la seconde partie de notre sujet. Nous venons d'appeler votre attention sur la nature et sur quelques-uns des principaux caractères du péché dont le capitaine de Samarie se rendit coupable ; il nous reste à constater quel fut Son CHÂTIMENT. « Tu le verras de tes yeux, mais tu n'en mangeras point » : telle fut la sentence qu’Élisée prononça contre lui de la part du Seigneur.
         Ecoutez cette sentence, ô incrédules, car, si vous ne vous convertissez, elle sera aussi la vôtre ! Oui, vous aussi, vous verrez de vos yeux, mais vous ne mangerez point. - Et ceci peut même s'appliquer, en certaines, circonstances, aux enfants de Dieu. Lorsque leur foi est languissante, ils contemplent les merveilles de la grâce divine, mais ils ne peuvent s'en nourrir. Ainsi, par exemple, l'on peut dire qu'en cette terre d'Egypte, il y a maintenant du blé en. abondance ; néanmoins, il est beaucoup de chrétiens qui le dimanche, en entrant dans la maison de Dieu, se disent avec tristesse : « Je ne sais en vérité si: le Seigneur sera avec moi aujourd'hui. » D'autres encore, en entendant le prédicateur, pensent en eux-mêmes : « Certainement l’Évangile est fidèlement annoncé, mais je ne sais s'il pénétrera  dans les cœurs. » Ces chrétiens sont toujours à douter et à craindre, à craindre et à douter. Aussi demandez-leur, en sortant du culte divin, si leurs âmes ont trouvé la nourriture qu'il leur fallait : - « Non vous répondront-ils en soupirant ; il n'y avait rien qui nous convint. » Eh ! c'est tout simple, mon frère. Tu as vu de tes yeux le pain de vie, mais tu n'as pu le manger, parce que tu n'avais point de foi. Si tu avais apporté dans la maison de Dieu un coeur simple et confiant, tu aurais fait un bon repas. - Je connais des chrétiens qui sont devenus si extrêmement délicats et raffinés, que si la viande spirituelle qu'on leur présente (passez-moi l'expression) n'est pas découpée à leur fantaisie, ou servie avec la plus grande recherche, ils n'en veulent point. Que ne se passent-ils alors de toute nourriture ? Et, qu'ils y prennent garde, c'est ce qu'ils devront faire très probablement, s'ils continuent à se montrer aussi difficiles. Ou bien les herbes amères de l'affliction stimuleront leur appétit blasé, ou bien Dieu les obligera à jeûner pendant quelque temps : après quoi, ils s'estimeront trop heureux de recevoir la nourriture la plus ordinaire et la plus simplement servie. Or, où chercher la cause secrète de cet esprit mécontent et critique qui empêche ainsi les enfants de Dieu de profiter de la prédication de l'Evangile, si ce n'est dans l'incrédulité ? Si vous croyiez, mes bien-aimés, n'entendissiez-vous qu'une seule promesse de Dieu, cela vous suffirait. Ne vous adressât-on qu'une bonne parole du haut de la chaire, vos âmes en seraient restaurées, car ce n'est pas ce que nous entendons, mais bien ce que nous nous approprions par une foi réelle et vivante qui profite à notre âme.
         Mais c'est surtout aux inconvertis que s'applique cette terrible menace : Tu le verras de tes yeux, mais tu n'en mangeras point. En effet, les enfants du siècle voient s'accomplir sous leurs yeux les oeuvres magnifiques du Seigneur, tout en y restant complètement étrangers. Aujourd'hui même une grande multitude est venue dans ce lieu de culte pour entendre la prédication de la Parole, mais combien, hélas ! qui s'en retourneront l'âme aussi vide qu'en entrant! L'homme ne peut pas plus nourrir son âme au moyen de ses oreilles que son corps au moyen de ses yeux. Et pourtant le plus grand nombre de nos auditeurs viennent dans la maison de Dieu par pure curiosité. « Allons entendre ce discoureur, disent-ils ; allons voir ce roseau agité du vent. » Aussi, ils viennent et reviennent ; ils voient, ils voient, ils voient encore, mais ne reçoivent aucun bien. Autour d'eux, il y a peut-être des personnes qui se convertissent. Ici, une âme est appelée par la grâce souveraine de Dieu ; là, un pauvre pécheur fond en larmes dans le sentiment de su culpabilité ; plus loin, un coeur contrit implore la grâce divine, et ailleurs une voix répète la prière du péager : O Dieu, sois apaisé envers moi qui suis pécheur. Mais quant à eux, rien ne les touche : ils restent froids et impassibles. C'est ainsi qu'au moment où je vous parle une belle oeuvre se poursuit dans ce troupeau; mais le plus grand nombre d'entre vous n'en savent rien, ne s'y intéressent pas, car aucune oeuvre ne se fait dans leurs propres cœurs. Et comment en serait-il autrement, mes amis ? Vous jugez cette oeuvre impossible ; vous doutez de la puissance de Dieu ; vous ne croyez point â son action régénératrice ; en d'autres termes, vous êtes incrédules. De là vient que dans ces temps de glorieux réveil et d'effusion de la grâce, le Seigneur, qui n'a jamais promis d'agir en faveur de ceux qui ne l'honorent point, permet que vos âmes demeurent sans repentance, sans vie et sans salut : vous voyez de vos yeux, mais vous ne mangez point.
        Mais ce n'est pas tout, ô pécheurs ! Le plus terrible accomplissement de cette sentence est encore à venir. On dit que l'illustre prédicateur Whitefield levait parfois ses deux mains vers le ciel, en criant de toutes ses forces, - et comme je voudrais qu'il me fût donné de crier en cet instant même : «LA COLÈRE A VENIR ! LA COLÈRE A VENIR ! » Qu'est-ce, en effet, que la colère du temps présent comparée à celle qui fondra sur vous ci-après ? Oh ! c'est alors véritablement que vous verrez de vos yeux, mais que vous ne mangerez point !...
         Il me semble que le grand jour du jugement est arrivé. Le temps n'est plus ; j'ai entendu vibrer son glas funèbre ; sa dernière heure a sonné ; l'éternité a pris sa place. La mer est en ébullition ; ses vagues étincellent d'un éclat surnaturel. Je voix un arc-en-ciel, une nuée, qui traverse l'espace. Sur cette nuée est un trône, et sur ce trône est assis quelqu'un semblable au Fils de l'Homme. Oui, c'est lui, je le reconnais ! Dans sa main, il tient la balance de la justice divine : devant lui sont les livres : - le livre de vie, le livre de mort, le livre de mémoire. Je vois sa splendeur, et je m'en réjouis; je contemple la pompe de son avènement, et je tressaille d'allégresse de ce qu'il est enfin venu pour être admiré de tous ses saints. Mais j'aperçois, dans le fond du tableau, une foule d'infortunés, tremblants, éperdus, saisis d'horreur. Ils courbent leurs fronts jusque dans la poussière ; ils essaient de se dérober à tous les regards. « Rochers, tombez sur nous ! s'écrient-ils ; montagnes, cachez- nous de devant sa face !
          - Sa face ? Quelle est donc cette face qui vous cause tant d'effroi ? - « C'est la face de Jésus, de celui qui a été mort, et qui maintenant revient pour juger le monde. , Mais c'est en vain, ô pécheurs, que vous cherchez à fuir la présence du fils de l'Homme ; il faut que vous contempliez Celui que vous avez percé. Vous ne vous assoirez point à la droite du Seigneur, vêtus de robes éclatantes, mais vous serez témoins de sa gloire ; et lorsque le cortège: triomphal de Jésus paraîtra sur les nuées du ciel, vous ne pourrez vous y joindre, mais vous le verrez de vos yeux... Oh ! je crois le voir en cet instant même, le puissant Rédempteur, remontant vers le ciel, sur son char de victoire ! Entendez-vous ce bruit éclatant ? Ce sont les pas de ses ardents coursiers qui résonnent sur les collines éternelles. Un cortège vêtu de blanc vient après lui, et aux roues de son char sont liés Satan, la mort et l'enfer. Voyez comme ses rachetés frappent des mains ; entendez leurs cris de joie. Tu es monté en haut, disent-ils ; tu as mené captifs les prisonniers (Psa 58:18). Admirez la splendeur de leur apparence; observez les couronnes qui ceignent leurs fronts ; voyez leurs robes d'une blancheur de neige ; considérez la béatitude qui respire sur leurs traits. Ecoutez ! ils entonnent un chant sublime : Alléluia : le Seigneur Dieu tout-puissant est entré dans son règne ! (Apo 19:6). Et la voix de l'Eternel leur répond : Je me réjouirai à cause de toi d'une grande joie ; je me réjouirai à cause de toi avec un chant de triomphe, car je t'aï épousée pour moi à toujours ! (Sop 3:17 Os 2:19.) - Et où êtes-vous pendant ce temps, ô incrédules ? Voilà la multitude des rachetés : mais où êtes-vous ? Hélas ! vous voyez de vos yeux, mais vous ne pouvez manger. Le banquet des noces est prêt ; le fruit de la vigne est versé ; les convives prennent place à la table du Roi ; mais vous, malheureux et affamés, vous ne pouvez goûter au festin éternel. Oh ! il me semble que je vous vois, tordant vos mains de désespoir ! Si du moins il vous était possible de vous nourrir, comme les chiens, des miettes qui tombent sous la table du Maître : mais non, cela même vous est interdit !
        Une pensée encore, et je termine. Pécheur impénitent, je t'aperçois attaché à un roc dans les profondeurs de l'enfer, l'âme déchirée par le cruel vautour du remords. Tu élèves les yeux et tu reconnais Lazare, couché dans le sein d'Abraham. « Est-ce bien possible ? t'écries-tu. Quoi ? ce mendiant qui était couché: sur mon fumier, ce misérable dont les chiens venaient lécher les ulcères, le voilà dans le ciel, tandis que moi je suis dans les tourments ! Quoi ? ce Lazare qui ne possédait rien pendant sa vie, est maintenant dans la gloire, tandis que moi, riche dans le temps, suis en enfer pour l'éternité !..... Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare afin qu'il trempe doris l'eau le bout de soir doigt, pour me rafraîchir la langue. » Mais ta requête est vaine. ô pécheur ! et s'il peut y avoir en enfer une souffrance plus aiguë que toute autre, ce sera celle que tu éprouveras en voyant les saints jouir d'une félicité à laquelle tu ne pourras jamais avoir part. Oh ! jeune homme, regarde : voilà ta mère dans, le ciel, tandis que tu es jeté dehors ! voilà ton frère, - celui qui dormit dans le même berceau que toi, qui joua autour du même foyer, - voilà, dis-je, ton propre frère élevé dans la gloire, tandis que tu es abaissé jusque dans l'abîme ! Mari, voilà ta femme dans le séjour des bienheureux, et toi, tu es au nombre des damnés ! Père, voilà ton enfant debout devant le trône, et toi, maudit de Dieu et maudit des hommes, tu es dans le feu éternel ! Oh ! qui pourrait dire ce qui se passera dans le coeur du damné, lorsqu'il verra ses parents, ses amis, rassasiés de délices ineffables, et qu'il sentira que lui-même en est privé pour l'éternité ! Tu le verras de tes yeux, MAIS TU N'EN MANGERAS POINT !.....
       Et maintenant, je vous en conjure, mes chers auditeurs, - par la mort de Christ, - par son agonie et sa sueur sanglante, - par sa croix et par sa passion - par tout ce qu'il y a de plus sacré sur la terre, de plus saint dans le ciel, de plus solennel dans le temps et dans l'éternité, - par les horreurs indicibles de l'enfer, - par les joies inexprimables du paradis, - je vous en conjure, prenez ces choses au sérieux et souvenez-vous que, si votre âme est perdue, ce sera l'incrédulité qui aura été sa perte. Oui, si vous périssez, ce sera parce que vous aurez refusé de croire en Jésus-Christ, et la goutte la plus amère de votre douleur sera la pensée que vous n'aurez point voulu vous confier en ce Sauveur charitable qui dit à tous par sa Parole : Je ne mettrai point dehors celui qui viendra à moi I