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Yves PETRAKIAN
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(tiré
du livre LES SERMONS DE WESLEY -1- )
Romains
8,16 (1746)
«
L'Esprit lui-même rend témoignage avec notre esprit que nous sommes
enfants de Dieu ». (Romains 8 : 16.)
Que
d'hommes vains, ne comprenant ni ce qu'ils disent ni ce qu'ils
affirment, ont tordu de tout temps ce passage au grand
détriment de leur âme, si ce n'est à sa perdition ! Que
d'hommes ignorants ont pris la voix de leur imagination pour le
témoignage de l'Esprit de Dieu, et présumé d'être enfants de
Dieu tandis qu'ils faisaient les oeuvres du diable ! Ce sont là
proprement, et dans la pire signification du mot, des exaltés.
Mais qu'il est difficile de les convaincre de leur illusion, surtout
s'ils se sont abreuvés à longs traits de cet esprit d'erreur !
Alors tout ce qu'on peut faire pour les éclairer n'est autre
chose à leurs yeux que faire la guerre à Dieu, et cette véhémence,
cette impétuosité d'esprit qu'ils confondent avec le zèle
pour la foi, les met tellement en dehors de la portée des
moyens qu'on pourrait employer pour les faire rentrer en eux-mêmes,
que nous pouvons bien dire à leur égard : « Quant aux hommes,
cela est impossible ».
Faut-il
donc s'étonner, que tant de gens raisonnables, voyant les terribles
effets de cette illusion et voulant s'en tenir le plus
loin possible ; inclinent parfois vers un autre extrême, qu'ils
ne s'empressent guère de croire ceux qui disent avoir un
témoignage qui fut pour d'autres un sujet de si graves erreurs
? Faut-il s'étonner qu'ils soient bien près de noter comme exaltés
tous ceux qui emploient des termes dont on
a fait un si terrible abus ; et même qu'ils se demandent si
le témoignage dont il est ici question est le privilège
des chrétiens ordinaires, ou s'il n'est pas plutôt du nombre
de ces dons extraordinaires qu'ils supposent n'avoir appartenu qu'au
siècle apostolique ?
Mais
pourquoi nous jetterions-nous dans l'un ou l'autre de ces extrêmes ?
Ne pouvons-nous diriger notre course entre les deux et
nous tenir à juste distance de l'esprit d'erreur et d'exaltation,
sans nier le don de Dieu, ni abandonner le grand privilège de
ses enfants ? Oui, sans doute. Eh bien ! considérons donc, en
la présence et dans la crainte de Dieu : 1° En quoi consiste le
témoignage de notre esprit ; quel est le témoignage de
l'Esprit de Dieu ; et de quelle manière il nous donne l'assurance
d'être enfants de Dieu. 2° Comment ce double témoignage de notre
esprit et de l'Esprit de Dieu se sépare et peut être
clairement distingué de la présomption du coeur naturel et de
la tromperie du diable.
I
Voyons
d'abord ce que c'est que le témoignage de notre propre esprit. Mais
ici je ne puis qu'engager ceux pour qui le témoignage de
l'Esprit de Dieu s'absorbe dans le témoignage purement rationnel
de notre propre esprit à remarquer que l'apôtre, bien loin de
ne parler dans ce texte que du témoignage de notre esprit ;
n'en a peut-être point du tout parlé, le texte original pouvant
très bien s'entendre du Saint-Esprit seul. Car on peut très
bien traduire : l'Esprit lui-même ou le même Esprit rend
témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Mais je
n'insiste point là-dessus ; tant d'autres textes s'accordant
avec l'expérience de tous les vrais chrétiens, pour montrer que
chez tout croyant il y a, à la fois, ces deux témoignages,
celui du Saint-Esprit et celui de son propre esprit qui lui
disent qu'il est enfant de Dieu.
Quant
au témoignage de notre esprit, les passages qui l'établissent sont
nombreux ; ce sont ceux qui décrivent les caractères
des enfants de Dieu. Chacun peut les connaître et les comprendre.
Plusieurs
écrivains, tant anciens que modernes, les ont rassemblés et mis en
lumière. Pour plus d'instruction, on n'a qu'à suivre les
prédications de l’Évangile, méditer la Parole de Dieu
en particulier, et converser avec ceux qui ont la connaissance
des voies divines. Et par cette raison, par cette intelligence
que Dieu nous a donnée, et que la religion doit perfectionner au
lieu de l'éteindre (selon cette parole : « Soyez des enfants
quant à la malice, mais des hommes faits quant à
l'intelligence (1Corinthiens 14 : 20) ; par cette intelligence,
dis-je, chacun peut, en s'appliquant à lui-même ces
caractères, reconnaître s'il est où s'il n'est pas enfant de Dieu.
Ainsi, par exemple, sachant par la Parole infaillible que tous
ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont « enfants de
Dieu », s'il peut dire que l'Esprit de Dieu le conduit ainsi à
toutes sortes de dispositions et d’œuvres saintes, il
lui sera facile d'en conclure qu'il est enfant de Dieu.
C'est
à cela que se rapportent toutes ces déclarations si claires de
l'apôtre saint Jean dans sa première Épître : «
Par ceci nous savons que nous l'avons connu, si nous gardons
ses commandements (1Jean 2 : 3) ; « si quelqu'un garde sa
parole, l'amour de Dieu est véritablement parfait en lui, et
c'est par cela que nous savons que nous sommes en Lui (1Jean 2 : 5) »
« si vous savez qu'il est juste, sachez que quiconque fait ce
qui est juste est né de Lui (1Jean 2 : 29) ». « Quand nous aimons
nos frères, nous connaissons pas là que nous sommes passés de la
mort à la vie (1Jean 3 : 14) ». « C'est à cela que nous
connaissons que nous sommes de la vérité, et c'est par là que
nous assurerons nos cœurs devant Lui (1Jean 3 : 19)
;» c'est-à-dire quand nous nous aimons les uns les autres,
« non pas seulement de parole et de la langue, mais en effet et en
vérité ». « A ceci nous connaissons que nous demeurons en
Lui et qu'Il demeure en nous, c'est qu'Il nous a fait part de
son Esprit (1Jean 4 : 13) ; » « et nous connaissons qu'Il
demeure en nous, par l'Esprit qu'Il nous a donné (1Jean 3 : 24)
».
Il
est fort probable qu'il n'y eut jamais, depuis le commencement du
monde, d'enfants de Dieu plus avancés dans la grâce et
la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ, que l'apôtre saint
Jean, à l'époque où il écrivit, ces paroles, et les pères
en Christ à qui il écrivait. Il n'est pas moins évident que
cet apôtre, et ces hommes qui étaient comme les colonnes du temple
de Dieu, loin de dédaigner ces marques de leur régénération,
les appliquaient au contraire à leur âme pour la confirmation
de leur foi. Tout cela n'est pourtant qu'une évidence rationnelle,
le témoignage de notre esprit, de notre raison, de notre
intelligence ; c'est un raisonnement qui revient à dire : Ceux qui
ont ces marques sont enfants de Dieu ; or nous avons ces marques ;
donc nous sommes enfants de Dieu.
Mais
comment reconnaître si nous avons ces marques ? C'est encore une
question à résoudre. Comment reconnaître si nous
aimons Dieu et notre prochain, et si nous gardons ses commandements
? Remarquez bien que cette question signifie : comment pourrons-nous
le reconnaître nous-mêmes, et non comment les autres le
pourront-ils ? Je demanderai donc à mon tour à quiconque pose
cette question : comment pouvez-vous reconnaître que vous vivez, que
vous vous portez bien et ne souffrez pas ? N'en avez-vous pas la
conscience immédiate ? Eh bien ! c'est aussi par un sentiment
immédiat que vous saurez si votre âme est vivante à Dieu, si vous
êtes sauvés du tourment d'un esprit orgueilleux et colère, si
vous avez la paix d'un esprit humble et doux. Le même sentiment
ne manquera pas de vous apprendre si votre amour, votre joie, votre
plaisir est en Dieu, et c'est par là que vous saurez avec
certitude si vous aimez votre prochain comme vous-mêmes, si
vous avez une bienveillance de coeur pour tous les hommes, si vous
êtes pleins de patience et de douceur. Et quant à la marque
extérieure des enfants de Dieu, qui est, selon saint Jean,
l'observation des commandements de Dieu, vous savez sans doute
vous-mêmes, si, par la grâce de Dieu, elle vous appartient.
Votre conscience vous dit, jour après jour, si vous ne mettez le nom
de Dieu sur vos lèvres, qu'avec sérieux et dévotion, avec crainte
et respect : si vous vous souvenez du jour de repos pour le
sanctifier ; si vous honorez votre père et votre mère ; si ce
que vous désirez que les hommes vous fassent vous le leur
faites aussi vous-mêmes ; si vous possédez votre corps en
sanctification et en honneur, et si, quoi que vous fassiez, même en
mangeant et en buvant, vous faites tout à la gloire de Dieu.
Tel
est donc proprement le témoignage de notre esprit : la conscience
d'être, par la grâce de Dieu, saints de coeur et saints
dans notre conduite. C'est la conscience d'avoir reçu par l'Esprit
et en l'Esprit d'adoption, les caractères que mentionne la
Parole de Dieu, comme appartenant à ses enfants : un coeur qui
aime Dieu et qui aime tous les hommes, se reposant avec une
confiance enfantine sur Dieu notre Père, ne désirant que Lui,
se déchargeant de toute inquiétude sur Lui, et entourant tout
enfant d'Adam d'une sérieuse et tendre affection ; c'est la
conscience d'être rendus intérieurement conformes, par
l'Esprit de Dieu, à l'image de son Fils, et de marcher devant Lui
dans la justice, la miséricorde et la vérité, en faisant les
choses qui Lui sont agréables.
Mais
qu'est-ce que cet autre témoignage, ce témoignage de l'Esprit de
Dieu qui vient se joindre à celui de notre esprit ?
Comment témoigne-t-il « avec notre esprit que nous sommes enfants
de Dieu ? » Il est difficile d'expliquer « les choses
profondes de Dieu » dans le langage des hommes. Il n'y a
réellement pas de mots qui puissent rendre parfaitement ce
qu'éprouvent les enfants de Dieu.
Mais
peut-être puis-je dire (et je prie toute âme enseignée de Dieu de
me corriger, s'il le faut, en adoucissant ou en rendant
plus fortes mes expressions) : le témoignage de l'Esprit est
une impression directe de l'Esprit de Dieu sur mon âme, par
laquelle il témoigne à mon esprit que je suis enfant de Dieu ;
que Jésus-Christ m'a aimé et s'est donné pour moi ; que tous mes
péchés sont effacés et que moi, oui moi-même, je suis
réconcilié avec Dieu.
Ce
témoignage de l'Esprit de Dieu doit nécessairement précéder celui
de notre esprit ; c'est dans la nature des choses, comme
une simple considération va le montrer. Avant de nous sentir saints
de coeur et de vie, avant que notre esprit puisse nous rendre
témoignage que nous sommes saints, il faut que nous le soyons
devenus au dedans et au dehors. Mais pour être saints il nous faut
aimer Dieu, puisque c'est là la racine de toute sainteté. Et
nous ne pouvons l'aimer que lorsque nous savons qu'Il nous aime.
Nous l'aimons parce qu'il nous a aimé le premier. Or c'est le
témoignage de l'Esprit qui seul peut nous faire connaître
l'amour de Dieu et nous assurer de son pardon. Puisque ce témoignage
du Saint-Esprit précède tout amour pour Dieu et toute sainteté, il
précède aussi
nécessairement
le témoignage de notre propre esprit.
Lorsque
l'Esprit de Dieu dit à notre âme : Dieu t'a aimé et il a donné
son Fils en propitiation pour tes péchés ; le Fils de
Dieu t'a aimé et il t'a lavé de tes péchés par son sang ; —
alors, et alors seulement, « nous aimons Dieu parce qu'Il nous
a aimés le premier », et nous aimons aussi nos frères à
cause de Lui. Et s'il en est ainsi, nous ne pouvons pas l'ignorer ;
nous « connaissons les choses qui nous sont gratuitement
données de Dieu ». Nous savons que nous aimons Dieu et que nous
gardons ses commandements, et c'est aussi « par là que nous
savons que nous sommes de Dieu ». C'est là le témoignage de
notre esprit, qui, aussi longtemps que nous continuons à aimer Dieu
et à garder ses commandements, continue à nous assurer,
d'accord avec. le Saint-Esprit, que nous sommes enfants de Dieu.
Qu'on
n'aille pas croire pourtant que je veuille distinguer ces deux
témoignages au point d'exclure l'opération de l'Esprit
de Dieu même du témoignage de notre propre esprit. Non, ce n'est
point ma pensée. C'est Lui qui non seulement produit en nous
tout ce qui est bon, mais qui met en lumière sa propre oeuvre
et fait connaître clairement ce qu'Il a accompli en nous. Car,
d'après saint Paul, l'un des grands buts pour lesquels nous
recevons l'Esprit, c'est afin que « nous connaissions les choses
qui nous sont gratuitement données de Dieu », c'est pour qu'Il
fortifie le témoignage que notre conscience rend et à notre
simplicité et à notre sincérité devant Dieu, et pour qu'il nous
donne de reconnaître à la faveur d'une plus parfaite lumière,
que nous faisons maintenant les choses qui sont agréables au
Seigneur.
Si
l'on demandait encore : Comment l'Esprit de Dieu rend-il témoignage
avec notre esprit que nous sommes les enfants de Dieu, de
manière à exclure tout doute, et à mettre bien au jour la réalité
de notre adoption ? La réponse est claire d'après les
remarques qui précèdent. Et d'abord, quant au témoignage de
notre esprit, il est aussi facile à l'âme de savoir quand elle aime
Dieu, quand elle prend son plaisir en Lui, que de savoir quand
elle aime un objet terrestre quelconque, et y trouve son
bonheur. Et si elle aime et est dans la joie, elle ne peut pas plus
en douter que de sa propre existence. Si donc il est exact de
dire Celui qui maintenant aime Dieu d'un amour obéissant, qui
se réjouit en Lui d'une humble et sainte joie, est enfant de
Dieu ; or j'ai cet amour et cette joie, donc je suis enfant de
Dieu, — si c'est là un raisonnement solide, il n'est pas possible,
dans le cas supposé, qu'un chrétien doute d'être enfant de
Dieu. Pour lui, la première proposition est aussi certaine
qu'il est certain que la Bible est de Dieu, et quant à son amour
pour Dieu, il en a en lui-même une preuve qui va jusqu'à
l'évidence. Ainsi le témoignage de notre propre esprit nous
est manifesté avec une si intime certitude, qu'il met la
réalité de notre adoption au-dessus de tout doute raisonnable.
Quant
à la manière dont le témoignage divin se manifeste au coeur, je ne
prends point sur moi de l'expliquer. C'est une
connaissance « trop haute pour moi, et si élevée que je n'y
saurais atteindre ».
Le
vent souffle où il veut ; j'en entends le son, mais je ne sais ni
d'où il vient ni où il va. Comme l'esprit d'un homme
connaît seul ce qui est en lui, ainsi l'Esprit de Dieu connaît seul
les choses qui sont de Dieu. Mais quant au fait nous le
connaissons ; nous savons que l'Esprit de Dieu donne au croyant
un tel témoignage de son adoption que, pendant qu'il le possède, il
ne peut pas plus douter qu'il est enfant de Dieu, qu'il ne peut
douter que le soleil brille, quand il reçoit en plein ses rayons.
II
Mais
comment ce témoignage réuni de l'Esprit de Dieu et de notre esprit
peut-il être clairement et solidement distingué de la
présomption de l'esprit naturel et de la tromperie du diable ? C'est
ce qu'il nous reste maintenant à examiner. Et il est bien
urgent, pour tous ceux qui désirent le salut de Dieu, de
méditer ce sujet avec la plus sérieuse attention, afin de ne pas
séduire leur propre âme.
Une
erreur sur ce point a généralement les plus fatales conséquences,
surtout parce que ceux qui s'abusent ne découvrent guère
leur illusion que lorsqu'il est trop tard pour y remédier. Et
d'abord comment distinguer ce témoignage de la présomption du coeur
naturel ? Il est certain qu'une âme qui ne fut jamais sous la
conviction de son péché, est toujours prête à se flatter et
à avoir d'elle-même, surtout pour les choses spirituelles, une
plus haute opinion qu'elle ne devrait.
Faut-il
donc s'étonner que celui qui est enflé de son sens charnel,
entendant parler de ce privilège des vrais chrétiens
parmi lesquels il ne manque pas de se ranger, parvienne bientôt à
se persuader que déjà il le possède ? Le fait est commun à
l'heure qu'il est, et les exemples en ont toujours abondé dans
le monde. Comment distinguer le vrai témoignage d'avec cette fatale
présomption ?
Je
réponds que les Écritures multiplient les signes caractéristiques
auxquels on peut les distinguer ; elles décrivent de la
manière la plus claire, les circonstances qui précèdent, qui
accompagnent et qui suivent le vrai et authentique témoignage
de l'Esprit de Dieu et de l'esprit du croyant.
Quiconque
voudra remarquer et peser avec soin ces circonstances ne sera pas
dans le cas de prendre les ténèbres pour la lumière.
Elles lui montreront tontes une si immense différence entre le vrai
et le prétendu témoignage de l'Esprit, qu'il n'y aura pour lui ni
danger ni même, en quelque sorte, possibilité de les
confondre.
Celui
qui présume vainement d'avoir le don de Dieu pourra, s'il le veut,
connaître avec certitude par ces signes, qu'il a été
livré jusqu'ici, « à une erreur efficace », et qu'il a cru au
mensonge. Car l'Écriture nous présente comme précédant,
accompagnant et suivant ce don, des marques qu'avec tant soit
peu de réflexion il reconnaîtrait n'avoir jamais été dans son
âme. Ainsi l'Écriture décrit la repentance ou conviction de
péché, comme précédant invariablement ce témoignage de pardon.
«Repentez
vous, car le royaume des cieux est proche (Matthieu 3 : 2)»
«repentez-vous et croyez à l'Évangile (Marc 1 : 15) ;
» « repentez vous, et que chacun de vous soit baptisé pour obtenir
la rémission des péchés (Actes 2 : 38) ; » « repentez-vous
et vous convertissez, afin que vos péchés soient effacés
(Actes 3 : 49) ; » et l'Église anglicane, d'accord avec ces
paroles, met aussi toujours la repentance avant le pardon et le
témoignage du pardon. « Il pardonne et absout tous ceux qui
se repentent et croient sincèrement à l'Évangile ». « Le
Tout-Puissant promet le pardon des péchés à tous ceux qui,
avec la repentance du coeur et la vraie foi, se tournent vers Lui ».
Mais celui qui s'abuse est étranger même à la repentance ; il
ne sait ce qu'est un coeur contrit et brisé; le souvenir de ses
péchés ne lui a jamais été douloureux, et s'il a répété avec
la liturgie que « le fardeau de ses transgressions lui est
insupportable », il l'a toujours fait sans sincérité ; c'était
une politesse qu'il faisait à Dieu. Or ne fût-ce que pour le
défaut de cette première oeuvre de Dieu, de la repentance, il
n'a que trop lieu de craindre de n'avoir saisi jusque-là qu'une
vaine ombre, et de n'avoir encore jamais connu le vrai privilège
des enfants de Dieu.
De
plus, l'Écriture décrit la nouvelle naissance qui doit
nécessairement précéder le témoignage qu'on est
enfant de Dieu, comme un grand et puissant changement — comme « un
passage des ténèbres à la lumière », « de la puissance de
Satan à Dieu », «de la mort à, la vie », comme «
une résurrection d'entre les morts ». C'est ainsi que l'Apôtre
écrit aux Ephésiens : « Vous étiez morts dans vos fautes et
dans vos péchés... mais lorsque nous étions morts dans nos fautes,
Dieu nous a vivifiés ensemble avec Christ ; et il nous a
ressuscités ensemble et nous a faits asseoir ensemble dans les
lieux célestes, en Jésus-Christ (Ephésiens 2. 1,5,6) Mais
l'homme dont nous parlons connaît-il un tel changement ?
Il ne sait rien de tout ceci. Nous lui parlons une langue inconnue.
Il assure avoir toujours été chrétien. Il ne sait pas quand
il aurait eu besoin de changer ainsi. Ce fait même, s'il se permet
un peu de réflexion, lui montrera qu'il n'est pas né de l'Esprit ;
qu'il n'a point encore connu Dieu ; mais qu'il a pris la voix de
la nature pour la voix de Dieu.
Mais
laissons en suspens la question qui se rapporte à ce qu'il a pu
éprouver ou ne pas éprouver dans le passé ; il y a
dans le présent des marques auxquelles on distingue aisément un
enfant de. Dieu d'une âme qui s'abuse présomptueusement. L'Écriture décrit
cette joie en Dieu qui accompagne le témoignage de son Esprit,
comme une joie humble, comme une joie qui abaisse jusque dans
la poussière, qui porte le pécheur reçu en grâce à s'écrier
: « Je suis un homme vil » ; « que suis-je, et quelle est la
maison de mon père ? » « Maintenant mon oeil t'a vu et je me
condamne et me repens sur la poudre et la cendre ». - Or, où
se trouve l'humilité, se trouve la débonnaireté, la patience,
la douceur, le long support ; un esprit conciliant, une
délicatesse, une tendresse, une bonté d'âme qu'aucune
expression ne peut rendre. Mais ces fruits accompagnent-ils ce
prétendu témoignage de l'Esprit que s'attribue la présomption
? Bien au contraire, plus le présomptueux se persuade d'avoir la
faveur de Dieu, plus il est vain, plus il s'élève, plus il est
hautain et arrogant dans toutes ses manières. Et en proportion
de l'évidence qu'il croit posséder de son adoption, il est plus
tyrannique pour ses alentours, plus incapable de supporter une
répréhension, plus impatient de la contradiction. Au lieu
d'être plus débonnaire, plus doux, plus docile, plus prompt à
écouter et plus lent à parler, il est plus lent à écouter,
plus prompt à parler, plus dédaigneux de toute instruction, plus
violent, plus véhément dans son caractère, plus empressé dans sa
conversation. Peut-être même remarque-t-on souvent une sorte
de férocité dans son air, dans son langage et dans toute
sa conduite, comme s'il allait se mettre à la place de Dieu et
consumer lui-même les adversaires.
Enfin
l'Écriture enseigne que l'amour de Dieu consiste à garder ses
commandements (Jean 5 : 3), L'obéissance est la preuve
certaine de cet amour. Le Seigneur dit lui-même : « Celui qui garde
mes commandements, c'est celui-là qui m'aime (Jean 14 : 21) ».
L'amour se plaît à obéir, à faire en tout point ce qui est
agréable à l'être bien-aimé. Celui qui aime Dieu s'empresse de
faire sa volonté sur la terre, comme elle est faite dans le
ciel. Mais est-ce là le caractère de celui qui se
persuade présomptueusement d'aimer Dieu ? Ah ! il l'aime, mais
d'un amour qui lui donne toute liberté de désobéir et de
violer ces commandements au lieu de le pousser à les garder.
Peut-être, lorsqu'il était sous la crainte de sa colère,
travaillait-il à faire sa volonté. Mais maintenant qu'il se
regarde comme n'étant plus sous la loi, il ne se croit plus
tenu de l'observer. Il est donc moins zélé pour les bonnes
oeuvres, moins soigneux d'éviter le mal, moins observateur de son
coeur, moins attentif à tenir en bride sa langue. Il a moins
d'ardeur à se renoncer lui-même et à se charger chaque jour de sa
croix. En un mot, toute l'apparence de sa vie est changée, depuis
qu'il s'est imaginé être en liberté ; on ne le voit plus «
s'exercer à la piété », «combattre non pas seulement contre la
chair et le sang, mais contre les principautés et les
puissances », « endurer les travaux », « s'efforcer d'entrer
par la porte étroite ». Non, il a trouvé un chemin plus commode
pour aller au ciel, un chemin large, uni, semé de fleurs, où
il peut dire à son âme : « Mon âme, repose-toi, mange, bois et te
réjouis ». Il est évident, d'après cela, qu'il n'a pas vraiment
le témoignage de son propre esprit. Il ne saurait avoir la
conscience de posséder ce qu'il ne possède pas, l'humilité, la
douceur, l'obéissance.
L'Esprit de vérité
ne peut non plus confirmer un mensonge, ni lui rendre
témoignage qu'il est enfant de Dieu, pendant qu'il est
manifestement enfant du diable. Ouvre les yeux, ô toi pauvre
pécheur qui te séduis toi-même ! — toi qui t'assures d'être
enfant de Dieu, toi qui dis : J'ai le
témoignage en moi-même et je puis défier tous mes ennemis ! Tu as
été pesé à la balance, à la balance du sanctuaire,
et tu as été trouvé léger. Ton âme, mise au creuset de la
parole du Seigneur, s'est trouvée un argent réprouvé. Tu n'es pas
humble de coeur, tu es donc étranger jusqu'à ce jour à
l'Esprit de Jésus. Tu n'es pas doux et débonnaire, ta joie est donc
vaine ; ce n'est pas la joie du Seigneur. Tu ne gardes pas ses
commandements, donc tu ne l'aimes point et tu n'as point été
fait participant Saint-Esprit ! Si donc les oracles de Dieu sont
certains, il est certain que son esprit ne rend pas témoignage
avec ton esprit que tu es enfant de Dieu.
Oh
! demande avec de grands cris que les écailles tombent de tes
yeux ; que tu puisses te connaître tel que tu es connu ; que tu
reçoives la sentence de mort en toi-même, jusqu'à ce que la voix
qui ressuscite les morts se fasse entendre à ton âme, disant :
« Aie bon courage ; tes péchés te sont pardonnés, ta foi t'a
sauvé ! »
Mais,
direz-vous, comment celui qui a, vraiment le témoignage en lui-même
le distinguera-t-il de la présomption ? Et comment
distinguez-vous la lumière des ténèbres ? la clarté d'une étoile
ou d'un pâle flambeau, de l'éclat du soleil en plein midi ?
N'y a-t-il pas entre ces deux une différence inhérente,
visible, essentielle ? Et n'apercevez-vous pas immédiatement cette
différence, pourvu que vos sens soient en bon état.
De
même, il y a une différence inhérente, essentielle, entre la
lumière spirituelle et les ténèbres spirituelles,
entre la clarté dont le soleil de justice inonde nos cœurs, et
les pâles lueurs qui proviennent des étincelles que nous
avons nous-mêmes allumées, et pourvu que nos sens spirituels soient
en bon état, nous apercevons également bientôt cette différence.
Mais
si l'on insiste, et si l'on demande une explication plus exacte et
plus philosophique de la manière dont s'observe cette
différence, et des critères ou signes intrinsèques auxquels on
distingue la voix de Dieu, c'est faire une demande qui dépasse
les limites de la capacité même de celui qui possède la
connaissance la plus profonde de Dieu. Si, lorsque Paul eut rendu
compte de sa conversion devant Agrippa, le sage Romain lui eût
dit : « Tu as entendu la voix du Fils de Dieu ? Mais comment
sais-tu que c'est réellement sa voix ? Quels sont les critères, les
signes intrinsèques de la voix de Dieu ? Explique-moi la
manière de la distinguer d'une voix humaine ou angélique ? »
Pensez-vous que l'apôtre lui-même eût essayé de résoudre
une question si vaine ? Et pourtant on ne peut douter que du
moment qu'il entendit cette voix, il ne sût que c'était la voix de
Dieu. Mais comment le sut-il? C'est peut-être ce que ni homme
ni ange ne pourrait expliquer.
Soyons
plus rigoureux encore : Dieu dit maintenant à une âme : « Tes
péchés te sont pardonnés » ; Il veut sans doute que
cette âme reconnaisse sa voix, autrement il parlerait en vain. Et il
peut faire qu'elle la reconnaisse, car il n'a qu'à vouloir, et
ce qu'il veut s'accomplit. Et c'est ce qui a lieu. Cette âme
est absolument assurée que cette voix est la voix de Dieu.
Néanmoins, celui qui a ce témoignage en lui-même ne peut
l'expliquer à qui ne l'a pas ; et il ne faut pas même s'attendre à
ce qu'il le puisse. S'il existait quelque moyen ordinaire,
quelque méthode naturelle, pour expliquer les choses de Dieu à
qui ne les éprouve point, il s'ensuivrait que l'homme naturel
pourrait discerner et connaître les choses de l'Esprit de Dieu,
ce qui est directement contraire à cette déclaration de saint
Paul, « qu'il ne peut les connaître, parce qu'elles se discernent
spirituellement », c'est-à-dire par des sens spirituels que
n'a pas l'homme naturel.
«
Mais comment connaître si mes sens spirituels sont en bon état ? »
Cette question aussi est d'une immense importance ; car
si l'on se trompe à cet égard, on peut se jeter dans des illusions
sans fin.
—
Et
qui me dit que ce n'est pas là mon cas et que je connais bien la
voix du Saint-Esprit ? — Ce qui vous le dit, c'est
précisément le témoignage de votre esprit ; c'est « la, réponse
d'une bonne conscience devant Dieu ». C'est par les fruits
qu'il a produits dans votre esprit que vous connaîtrez le
témoignage de l'Esprit de Dieu ; c'est par là que vous saurez que
vous ne vous faites aucune illusion et que vous ne vous abusez
point vous-mêmes. Les fruits immédiats du Saint-Esprit dans
un coeur où il règne, sont l'amour, la joie, la paix, les
entrailles de miséricorde, l'humilité d'esprit, la débonnaireté,
la douceur, le support. Et, au dehors, ils consistent à faire du
bien à tous, à ne faire de mal à personne, à marcher dans la
lumière, à rendre une obéissance empressée et constante à tous
les commandements de Dieu.
Ces
mêmes fruits vous feront distinguer cette voix de Dieu de toute
séduction du diable. Cet esprit orgueilleux ne saurait
te rendre humble devant Dieu. Il ne peut ni ne veut toucher ton coeur
ni en fondre la dureté et la glace, d'abord par la repentance,
et ensuite par l'amour filial. L'ennemi de Dieu et des hommes te
disposerait-il à aimer les hommes ou à te revêtir de débonnaireté,
de douceur, de patience, de tempérance et de toute l'armure de
Dieu ? Il n'est pas divisé contre lui-même ; il n'est pas le
destructeur du péché qui est son oeuvre. Non, il n'y a que le Fils
de Dieu qui vienne « détruire les oeuvres du diable ». Autant
il est certain que la sainteté est de Dieu et que le péché
est du diable, autant il est certain que le témoignage que tu as en
toi, n'est point du diable, mais de Dieu.
Tu
peux donc bien t'écrier : « Grâces soient rendues à Dieu pour son
don ineffable ! » Grâces soient à Dieu qui me donne de
savoir en qui j'ai cru ; qui a envoyé dans mon coeur l'Esprit de son
Fils, criant Abba, Père ! et rendant en ce moment même
témoignage avec mon esprit que je suis enfant de Dieu ! — Et
que ta vie, aussi bien que tes lèvres, publie sa louange. Il t'a «
scellé » pour Lui-même ; « glorifie-Le donc dans ton corps
et dans ton esprit qui Lui appartiennent ». Bien-aimé, si tu as
dans ton âme cette espérance en Lui, purifie-toi toi-même, comme
Lui aussi est pur. « Contemple » l'amour que le Père
t'a témoigné en t'appelant enfant de Dieu, et en même temps «
purifie-toi de toute souillure de la chair et de l'esprit, achevant
la sanctification dans la crainte de Dieu », et que toutes tes
pensées, tes paroles et tes oeuvres soient un sacrifice spirituel
saint et agréable à Dieu, par Jésus-Christ !