Numérisation Yves PETRAKIAN
(première partie)
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(première partie)
1
Les préjugés sur le réveil
2
Aimer pour servir
3
Foi et courage
4 La
récompense de la foi
5
L'enthousiasme
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Chapitre 1
LES PRÉJUGÉS sur les réveils
L'évangéliste saint Jean nous raconte
que, devant la tombe de Lazare, le Seigneur Jésus dit à ses disciples : «
Enlevez la pierre. » Il voulait leur faire prendre une part active à la
résurrection qu'il allait opérer. Cependant, il n'aurait eu qu'un mot à dire
pour faire disparaître la pierre. S'il lui avait ordonné de s'écarter, elle
aurait obéi à sa voix, comme le fit Lazare quand Jésus le rappela à la vie.
Mais le Seigneur voulait apprendre à ses enfants qu'il leur revient une part de
travail dans la résurrection de ceux qui sont morts spirituellement. Les
disciples n'eurent pas seulement à enlever la pierre; après que Jésus-Christ eut
ressuscité Lazare, ils eurent à le délier afin qu'il pût marcher.
Dieu pourrait facilement convertir les
hommes sans nous ; mais ce n'est pas ainsi qu'il agit ordinairement, et je
doute qu'il y ait sur la terre un seul homme qui ait été converti sans le
concours plus ou moins direct de quelque instrument humain.
La pierre dont je désire parler
aujourd'hui, et qui doit être enlevée avant que l’œuvre de Dieu puisse se
faire, s'appelle les préjugés. Beaucoup de personnes ont un grand préjugé
contre les réveils religieux ; le mot seul leur est antipathique.
Malheureusement, ce sentiment ne se rencontre pas seulement chez les gens du
monde ; un grand nombre de chrétiens ont autant de répugnance pour le nom que
pour la chose.
Que veut dire ce mot de réveil ? Il
veut dire simplement le passage des ténèbres à la lumière; la découverte, la
mise au jour, de quelque trésor caché. Nous sommes tous d'avis, je crois, que
nous vivons dans un temps de grande disette spirituelle. Je doute fort que
parmi les familles représentées aujourd'hui dans cette salle, il y en ait une
seule qui ne compte au moins un membre qu'elle voudrait voir entrer dans le
troupeau de Dieu, et accepter le salut.
Dans le commerce et l'industrie,
on désire un réveil. De tous côtés, en Europe comme de, l'autre côté de
l'Atlantique, j'entends dire qu'il y a un calme plat dans les affaires. On
désire beaucoup qu'il y ait bientôt un réveil. En politique, aussi, on aime les
réveils de l'opinion publique. Dans toutes les branches de l'activité humaine,
partout où les hommes ont des intérêts, on désire les réveils.
Si ce désir est légitime, - et je ne
prétends pas qu'il ne soit parfaitement légitime à sa place, - pourquoi les
enfants de Dieu ne désireraient-ils pas, ne demanderaient-ils pas à présent un
réveil de piété dans le monde? N'avons-nous pas besoin d'un réveil de droiture,
de vérité, de sincérité, de tempérance? N'y a-t-il pas beaucoup d'hommes qui
s'écartent de l'Eglise de Dieu pour fréquenter le cabaret? Nos fils ne
s'éloignent-ils pas par centaines et par milliers, de telle sorte que souvent,
le dimanche, nos églises restent vides tandis que les cabarets se remplissent.
Je suis sûr que les marchands de vin
sont très contents quand il y a un réveil dans leurs affaires. Ils ne sont pas
fâchés de vendre plus de vins et de liqueurs. Eh bien! Est-ce que tout vrai
chrétien ne devrait pas désirer que les hommes qui sont en danger de périr
éternellement fussent sauvés et rachetés ?
Beaucoup de personnes ont l'air de
croire que les réveils sont une invention moderne, - qu'ils ne sont connus que
depuis quelques années. C'est une erreur. Les réveils ne sont pas une
nouveauté. S'ils n'ont pas pour eux l'autorité de l'Écriture Sainte, alors
j'avoue que je ne comprends pas ma Bible.
Pendant
les premiers deux mille ans de l'histoire du monde, il n'y a pas eu de réveil,
à notre connaissance. S'il y en avait eu, il est probable que le déluge
n'aurait pas été nécessaire. Le premier véritable réveil dont il soit fait
mention dans l'Ancien Testament, eut lieu quand Moïse alla en Egypte pour faire
sortir ses frères de la maison de servitude. Il dut y avoir une grande émotion
dans la terre de Goscen quand Moïse y arriva. On fit alors beaucoup de choses
qu'on n'avait pas l'habitude de faire.
Lorsque trois millions d'Hébreux
furent protégés contre l'ange exterminateur par le sang de l'agneau pascal,
qu'était-ce autre chose qu'un réveil de l’œuvre de Dieu parmi son peuple ?
Sous Josué, il y eut un
grand réveil ; et encore sous les Juges. Dans ces temps anciens, Dieu
réveillait souvent le peuple d'Israël. Samuel convoqua le peuple à Mizpah et
lui ordonna de détruire ses idoles. Alors les Israélites sortirent et battirent
les Philistins qui ne revinrent plus pendant la vie de Samuel. Qui sait, dit le
Dr Bonar, si David et Jonathan ne furent pas convertis pendant ce réveil du
temps de Samuel ?
N'est-ce pas aussi un réveil qui
signala les jours d'Elie ? Le peuple s'était de nouveau adonné à l'idolâtrie,
et le prophète l'avait convoqué sur le mont Carmel. Pendant que la multitude
était assemblée sur la montagne, Dieu répondit par le feu ; alors le peuple se
prosterna la face contre terre, en s'écriant : « C'est l'Éternel qui est Dieu !
C'est l'Éternel qui est Dieu! » La nation tout entière retournait à son Dieu.
Il se trouva, probablement, bien des gens pour critiquer cet élan de repentir
et pour dire qu'il n'aurait pas de suites durables. C'est ce qu'on n'a cessé de
répéter depuis 4000 ans, c'est ce qu'on répète encore aujourd'hui. Je crois
entendre quelque témoin de la scène du Carmel dire en hochant la tête, tout
comme les sages d'aujourd'hui: « Cet enthousiasme s'éteindra bientôt. »
Si nous arrivons aux jours du Nouveau Testament,
nous trouvons le grand réveil provoqué par la prédication de Jean-Baptiste. Y
a-t-il jamais eu un homme, excepté le Sauveur lui-même, qui ait accompli tant
de choses en si peu de temps? Cette prédication fut comme un souffle de
printemps après un long et triste hiver. Depuis quatre cents ans, aucun
prophète n'avait paru en Israël, et les ténèbres enveloppaient la nation. La
venue de Jean fut comme l'apparition d'un brillant météore annonçant le lever
du jour. Ce n'était ni dans le temple de Jérusalem, ni dans aucune synagogue,
qu'il faisait entendre ses appels, mais sur les bords du Jourdain. Hommes,
femmes, enfants accouraient en foule pour l'entendre. Il est relativement
facile de réunir un auditoire dans une grande ville, mais ceci se passait dans
le désert. Une grande agitation régnait évidemment dans les esprits. Presque
toute la population sortait des villes et des villages pour entendre la
prédication de Jean.
C'est étonnant comme on redoute toute
espèce d'agitation religieuse. Il y a quelques années, on me demanda d'aller
prêcher sur le champ de courses de Derby. J'ai vu là, en un seul jour, plus
d'agitation que je n'en avais vu pendant toute ma vie dans toutes les
assemblées religieuses auxquelles j'avais assisté: Et pourtant, personne ne se
plaignait qu'il y eût trop d'agitation.
Voyez ce qui s'est passé à la
Pentecôte. Les apôtres annoncèrent l'Evangile, et vous savez quel en fut le
résultat. Les gens du monde dirent sans doute que cette grande ferveur ne
tarderait pas à s'éteindre. Malgré le martyre de saint Etienne et de saint
Jacques, de nouveaux défenseurs surgirent de tous côtés. Saul de Tarse, l'un
des persécuteurs d'Etienne, reprit lui-même l’œuvre qu'il avait cherché à
anéantir, et cette oeuvre progresse encore.
Je connais beaucoup d'hommes qui font
profession d'être chrétiens et qui passent leur temps à tout critiquer. Ils
trouvent à redire au chant, à la prédication; les prières étaient trop longues
ou trop courtes, le chapitre de la Bible n'était pas bien choisi. Le prédicateur
n'échappe pas à ces critiques. «Je n'aime pas son genre,» dit-on. Si vous
doutez de ce que je dis, écoutez les conversations au sortir de ces réunions ou
de toute autre assemblée religieuse :
- «
Que pensez-vous du prédicateur?» demandera l'un.
- «
Eh bien! j'avoue que j'ai été désappointé. Je n'aime pas son genre. Ses gestes manquent d'à propos. »
- Un
autre dira. « Son raisonnement n'était pas assez serré; moi, j'aime la logique.
»
- Un
troisième: « Je trouve qu'il n'a pas assez parlé de la repentance. »
Je vous ferai observer que si un
prédicateur ne fait pas dans chacun de ses sermons un exposé complet de la
doctrine chrétienne, il s'élèvera des plaintes contre lui. Les uns diront: « Il
a beaucoup trop insisté sur la repentance; et n'a pas assez parlé de la grâce
;» tandis que d'autres diront : «
Il n'a parlé que de la grâce, et pas assez de la repentance ; » ou bien encore: « Il a beaucoup parlé de la justification, mais il n'a rien dit de la
sanctification. » De sorte que si le prédicateur ne traite pas dans le même
sermon toutes les doctrines contenues dans la Bible, depuis la Genèse jusqu'à
l'Apocalypse, il s'expose aux critiques et au blâme. - « Ce qu'il y a de sûr,
dira l'un de ces auditeurs, c'est qu'il ne m'a pas ému du tout. » Un autre, au
contraire, dira : « Il ne fait appel qu'à la sensibilité ; j'aime qu'on
s'adresse à mon intelligence. » Ou bien : « Il s'adresse trop à la volonté, et
ne donne pas assez d'importance à la doctrine de l'élection. » Ou bien encore :
- « Il n'y a pas de force dans son enseignement ; il n'insiste pas assez sur le
dogme. » Ou encore « Il n'est pas éloquent. » Et ainsi de suite.
Vous trouverez des centaines de
critiques de ce genre parmi les chrétiens de profession ; mais toutes ces
observations n'amèneront pas une seule âme à Christ. Je n'ai pas encore prêché
un seul sermon que je ne pusse moi-même critiquer d'un bout à l'autre. Je sens
que Jésus-Christ devrait avoir un représentant bien plus digne de lui; mais
j'ai vécu assez longtemps pour savoir qu'il n'y a rien de parfait en ce monde.
Si, pour vous convertir, vous attendez d'avoir trouvé un prédicateur parfait ou
des réunions religieuses idéales, je crains bien que vous ne soyez obligés
d'attendre jusqu'au millénium. Ce qu'il nous faut, c'est de tenir les yeux
fixés sur le Sauveur. Renonçons à notre esprit de critique. Quand j'entends
faire des remarques comme celles que j'ai citées, je dis à ces critiques :
«Venez faire mieux vous-mêmes. Montez dans cette chaire, et montrez-nous ce que
vous savez faire. » Mes amis, il est si facile de trouver à redire. Il ne faut
pour cela ni beaucoup de tête, ni beaucoup de cœur.
Il y a quelques années, le pasteur
d'une petite Eglise dans un village d'Amérique tomba dans un grand
découragement. A force de broyer du noir, il prit l'habitude de murmurer et de
se plaindre de tout. Il se plaignait même de ses collègues, s'imaginant qu'ils
manquaient d'égards pour lui. Un de ses amis vint passer quelque temps chez lui
afin de lui prêter son concours pour des services spéciaux.
Le Dimanche matin, à l'issue du
service, les deux pasteurs se trouvant seuls, celui qui était si malheureux dit
à son confrère : « Vous ne pouvez pas vous figurer tout ce que j'ai à souffrir,
surtout de la part de mes collègues ; ils me traitent vraiment bien mal. » Son
ami répondit en lui posant quelques questions.
- «
Vous ont-ils jamais craché au visage?»
- «
Non, ils n'en sont pas encore venus là. »
- «
Vous ont-ils jamais frappé ? »
-
«Non. »
- «
Vous ont-ils jamais couronné d'épines? »
A cette dernière question, il courba
la tête en silence. Son ami poursuivit: « Votre Maître et le mien fut traité
ainsi ; tous ses disciples s'enfuirent, et l'abandonnèrent aux mains des
méchants. Pourtant, il n'ouvrit
point la bouche. » L'effet de cette conversation fut remarquable. Les deux
ministres s'agenouillèrent, et implorèrent avec ferveur une nouvelle mesure de
l'esprit qui était en Jésus-Christ.
Pendant les réunions qui suivirent, un
grand changement se fit chez le pasteur du village. Il travailla, il pria avec
son ami, et beaucoup d'âmes furent amenées à Christ. Quelques semaines plus
tard, un des diacres de l'Église écrivait au pasteur étranger :
«
Votre visite, vos conversations avec notre pasteur, ont exercé une merveilleuse
influence sur lui. Jamais nous ne l'entendons se plaindre, et il travaille avec
zèle et entrain. »
Une autre accusation que j'entends
porter contre les réveils, c'est qu'ils s'écartent de l'ordre régulier des
choses. C'est évident, mais cela ne suffit pas pour prouver qu'ils soient
mauvais. Eldad et Médad, quand ils se mirent à prophétiser dans le désert,
s'écartaient aussi de l'ordre habituel. Josué voulait que Moïse les reprit,
mais au lieu de les blâmer, que dit celui-ci? « Plût à Dieu que tout le peuple de
l'Éternel fût prophète ! » Elie et Elisée ne faisaient pas partie de l'école
régulière des prophètes, et pourtant ils exercèrent une puissante influence sur
leurs contemporains. Jean-Baptiste ne reçut pas non plus une éducation
régulière. Ce fut dans le désert et la solitude qu'il apprit la théologie. Et
Jésus-Christ lui-même, ne s'écartait-il pas de l'ordre régulier ? Quand
Philippe dit à Nathanaël qu'il avait trouvé le Messie, Nathanaël répondit : «
Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? »
Quand nous lisons l'histoire des
derniers siècles, nous voyons que Dieu s'est souvent servi d'hommes qui
sortaient de la routine, pour ainsi dire. Martin Luther eut à faire beaucoup de
choses extraordinaires avant de pouvoir accomplir la grande Réforme du XVIe
siècle. - Et aujourd'hui il y a dans le monde environ soixante millions
d'hommes qui adhèrent à la foi évangélique. Wesley et Whitefield, en
Angleterre, se sont aussi écartés de l'ordre établi, et pourtant ils ont
accompli de grandes choses.
Mes amis, toutes les fois que Dieu
agit, il faut s'attendre à voir des choses qui ne s'accordent pas avec les
idées reçues. J'avoue que cela me paraît fort heureux. Il y a un grand nombre
d'hommes que l'on ne peut pas atteindre, semble-t-il, par les moyens ordinaires,
et qui viendront à des réunions du genre de celles-ci. Vous avez des églises et
des chapelles, il est vrai, mais nous voulons faire un effort pour atteindre
ces masses nombreuses qui refusent d'y entrer. Les uns viendront à ces
réunions, uniquement parce qu'elles ne doivent durer que peu de jours. Dans ce
cas, on fera bien de se hâter, sinon il ne sera plus temps. Les autres viennent
par pure curiosité, pour savoir comment les choses se passent ; et souvent, dès
la première réunion, ils sont touchés par quelque parole, quelque chant. Ils
entendent, au moins, la bonne nouvelle du salut, et peut-être deviendront ils
de vrais chrétiens, des membres utiles de la société.
Vous entendrez dire quelquefois : «
Nous avons nos églises et nos chapelles ; si l'on ne veut pas y entrer, nous
n'y pouvons rien. » Ce n'est pas là l'Esprit de notre Maître. Quand la guerre
civile éclata en Amérique, les Etats-Unis n'avaient qu'une très petite armée.
Le gouvernement fit appel aux volontaires.
Des centaines de milliers d'hommes
répondirent à cet appel, et allèrent grossir les rangs de l'armée régulière. Il
y avait de la besogne pour tout le monde. Ces volontaires n'étaient pas aussi
instruits, pas aussi
bien exercés que les soldats plus anciens, mais on utilisa les troupes
irrégulières aussi bien que les troupes régulières. Ces volontaires devinrent
d'excellents soldats, et rendirent de grands services à leur patrie. Si nous
voulons atteindre les masses, il faut avoir recours aux corps francs, aussi
bien qu'aux troupes de ligne.
Je connais une école du Dimanche, aux
Etats-Unis, qui était tombée dans la plus complète routine. Il arriva que le
directeur s'étant retiré, il fut remplacé par un homme beaucoup plus jeune
Celui-ci eut envie de changer les bancs de place, mais un des plus anciens
membres du comité lui dit que les bancs étaient arrangés de cette façon depuis
un grand nombre d'années, et qu'il ne fallait pas y toucher. Il y a encore
beaucoup de cet esprit parmi nous. Il me semble, pour ma part, que si un système
ne réussit pas, il faut y renoncer, et en essayer un autre. Si les hommes ne
veulent pas avoir recours aux moyens de grâce ordinaires, tâchons de les
atteindre autrement, et de les amener à Dieu.
Ne critiquons pas tout ce qui se fait
de nouveau par cela seul que cela ne s'est pas encore fait, ou que nous
aimerions mieux que cela se fît autrement. Je suis las d'entendre les gens se
plaindre perpétuellement. Ne les écoutons pas, et marchons en avant pour
accomplir l’œuvre que Dieu nous a
donnée
à faire. On porte contre les réveils une autre accusation, plus grave encore
que celle-ci.
L’œuvre ne durera pas, dit-on. A cela
je réponds que cette objection a dû être faite dès le jour de la Pentecôte.
Quand Etienne fut lapidé, quand Jacques, le frère du Seigneur, fut décapité,
quand tous les apôtres furent mis à mort, on dut certainement dire que la
Pentecôte avait été un immense échec. Avait-elle vraiment été un échec? Les
fruits de ce réveil ne subsistent-ils pas encore aujourd'hui?
Aux yeux du monde, la mission de
Jean-Baptiste dut paraître un échec le jour où il fut décapité par ordre du roi
Hérode. Mais aux yeux de Dieu, sa mission n'avait pas été inutile. L'Église de
nos jours subit encore l'influence du prophète du désert. En voyant Jésus
mourir sur la croix, le monde a pu croire qu'il avait échoué dans son oeuvre ;
mais aux yeux de Dieu, il n'en était pas ainsi. La colère des hommes fit
éclater la gloire et la bonté de Dieu.
J'éprouve peu de sympathie pour les
pasteurs qui, lorsque Dieu ranime les Eglises, se mettent à prêcher contre les
réveils. Il n'existe pourtant pas, dans toute la chrétienté, une seule Eglise
qui ne soit sortie d'un réveil. L'Église catholique, l'Église épiscopale
d'Angleterre se disent, l'une et l'autre, d'origine apostolique ; dans ce cas,
elles sont issues du réveil de la Pentecôte. L'Église méthodiste est issue des
réveils qui ont eu lieu sous John Wesley et George Whitefield. L'Église
luthérienne ne doit-elle pas son existence au grand réveil qui ébranla l'Allemagne
au temps de Luther? L'Écosse ne fut-elle pas tirée de son engourdissement par
la prédication de John Knox? Et l'origine des quakers ne remonte-t-elle pas à
l’œuvre que Dieu a accomplie par le moyen de George Fox? Malgré cela, on prend
peur dès qu'il se fait quelque tentative pour sortir de la routine. Demandons à
Dieu de susciter beaucoup d'hommes capables de réveiller aujourd'hui son
Eglise. Je crois qu'il en est besoin.
Dans un des endroits que nous avons
visités, il y avait une Eglise tout à fait opposée aux réveils. On fit
comprendre au pasteur que s'il prenait part au mouvement, il s'aliénerait une
partie de sa congrégation. Il consulta les archives de l'Église, et vit que les
quatre cinquièmes de ses membres avaient été convertis pendant des réveils,
entre autres le directeur de l'École du Dimanche, tout le conseil de l'Église,
et presque tous les membres actifs. Le Dimanche suivant, le pasteur monta en
chaire et prêcha un sermon sur les réveils, en ayant soin de rappeler ce qui
s'était passé autrefois. Il arrive souvent que des personnes qui s'opposent
maintenant aux réveils ont elles-mêmes été converties dans un temps de réveil.
Il y a quelque temps, un pasteur
éminent prêcha un sermon contre ces réveils ; il n'y croyait pas, disait-il. Quelques-uns
des membres de son Eglise consultèrent les archives pour voir combien de
membres avaient été admis dans l'Église sur la profession de leur foi, pendant
les douze dernières années ; il n'y en avait pas un seul. Et pourtant le
pasteur parlait contre les réveils !
Mon expérience m'a appris que les
chrétiens qui ont été convertis en un temps de grande ferveur religieuse sont
même plus forts, plus fermes que ceux qui sont entrés dans l'Église en des
temps ordinaires. Les jeunes convertis s'entr'aident mutuellement, et plus ils
sont nombreux, plus leurs débuts dans la vie chrétienne sont sérieux.
On prétend que tous les convertis ne
persévèrent pas. Hélas ! tous ceux qui écoutèrent la prédication de
Jésus-Christ ne persévérèrent pas non plus. « Plusieurs de ses disciples se
retirèrent et n'allèrent plus avec lui. »
Saint Paul était dans la douleur de
voir que plusieurs de ceux qui avaient fait profession de croire se
conduisaient comme des ennemis de la croix de Christ. Le Maître nous enseigne
dans la parabole du Semeur qu'il y a différentes espèces d'auditeurs ; il les
représente par le bord du chemin, par le terrain pierreux, par les épines et
par la bonne terre. Ces différentes catégories d'auditeurs se retrouveront
jusqu'à la fin des siècles. J'ai dans mon jardin un pommier qui se couvre de
fleurs tous les printemps. Si toutes ces fleurs se transformaient en fruits,
l'arbre se romprait. Les neuf dixièmes des fleurs, environ, tomberont à terre,
et pourtant j'ai une belle récolte de pommes.
De même, beaucoup de ceux qui font
profession de croire à l'Évangile retournent au monde. Ce sont peut-être ceux
qui avaient donné les plus belles promesses qui se lassent le plus vite ;
tandis que ceux dont on avait espéré moins, deviennent les chrétiens les plus
sérieux et les plus fermes. Tout ce que nous avons à faire maintenant, c'est de
jeter la semence. C'est à Dieu à préparer le terrain et à donner
l'accroissement. J'ai souvent dit que si j'avais été chargé de convaincre les
hommes de péché, j'aurais renoncé à la tâche depuis longtemps. C'est là l’œuvre
du Saint-Esprit. Ce que nous avons à faire, c'est de répandre la bonne semence
de la Parole de Dieu, avec la confiance que Dieu la bénira pour le salut des
âmes.
Il est évident que nous ne devons pas
compter beaucoup sur le concours de ceux qui parlent sans cesse contre les
réveils. Je crois que beaucoup de nouveaux convertis sont refroidis par ceux
qui condamnent ces efforts spéciaux. Si nous en voyons quelquefois retourner au
monde, ce n'est pas toujours de leur faute.
Dans une ville des États-Unis où je
prêchais récemment, un ministre me dit . « J'espère que nous aurons de
meilleurs résultats que lors du mouvement religieux qui s'est fait ici il y a
cinq ans. A cette époque-là, une centaine de nouveaux convertis se sont joints
à mon Eglise, et aujourd'hui, à une ou deux exceptions près, je ne sais ce
qu'ils sont devenus.» C'était fort décourageant. J'en parlai à un autre pasteur
de la même ville, disant que j'aimerais beaucoup mieux renoncer à
l'évangélisation et me remettre aux affaires si les résultats ne devaient pas
être plus durables. Il me répondit : « Moi aussi, j'ai reçu dans mon Eglise une
centaine de nouveaux convertis, mais il en reste encore quatre-vingt-dix-huit.
Je les ai suivis et observés depuis
cinq ans, et deux seulement nous ont quittés.» Il me demanda ensuite si son
collègue m'avait raconté ce qui s'était passé dans son troupeau après la
réception de ces nouveaux membres. Quelques-uns d'entre eux s'étaient figuré qu'il
fallait tout réorganiser ; il y eut des divisions entre eux, et peu à peu, ils
quittèrent l'Église où ils venaient d'entrer. Soyez sûrs que quiconque se
mettra de tout cœur à l’œuvre ne manquera pas d'encouragement.
Il est très facile de critiquer une
oeuvre comme celle-ci ; mais, généralement, ceux qui critiquent le plus, non
seulement ne font rien du tout eux-mêmes, mais ne savent pas de quoi ils
parlent. Il faut convenir qu'il n'est pas juste de condamner une oeuvre que
nous ne nous sommes pas donné la peine d'examiner et de connaître
personnellement. Si, au lieu de rester tranquillement à leurs places et de
regarder autour d'eux, nos critiques voulaient se donner la peine d'entrer en
rapport avec ceux qui fréquentent nos réunions et leur parler de leurs âmes,
ils sauraient bientôt si l’œuvre est sérieuse ou non.
On m'a raconté l'histoire d'un
officier qui revenait des Indes. Pendant un dîner où il se trouvait chez un de
ses amis, on lui fit quelques questions sur les missions, et il répondit qu'il
n'avait pas vu un seul indigène converti pendant tout le temps qu'il avait
passé aux Indes. Un missionnaire, qui se trouvait parmi les convives, ne releva
pas directement cette assertion; il se contenta de demander au sceptique
Anglais s'il avait jamais vu des tigres dans les Indes. L'officier se frotta
les mains comme si cette question évoquait des souvenirs charmants « Des tigres
! s'écria-t-il. Je crois bien que j'en ai vu ; j'en ai tué un bon nombre. » - «
Eh bien, répondit le missionnaire, j'ai passé bien des années aux Indes, et je
n'ai jamais vu de tigres. » Pendant que l'un des deux voyageurs avait cherché
des tigres, l'autre avait cherché des convertis, et chacun avait trouvé ce
qu'il cherchait.
Si nous nous mettons à la recherche de
ceux qui ont réellement accepté l'Évangile, nous en trouverons ; c'est hors de
doute. Mais il est non moins certain que dans presque tous les cas, ceux qui
parlent contre les réveils n'en savent absolument rien par expérience. Vous
imaginez vous que les nouveaux convertis vont aller frapper à votre porte pour
vous annoncer le changement qui s'est fait dans leur vie ? Si vous voulez
savoir la vérité, allez chez eux, et entrez en conversation avec eux.
J'espère que personne n'aura peur des
entretiens particuliers qui suivent ces réunions. Je connais des gens qui y
sont très opposés, mais je maintiens que c'est une excellente chose, tout à
fait sensée.
Quand un écolier ne peut pas résoudre
un problème d'algèbre, par exemple, il cherche quelqu'un qui connaisse
l'algèbre, et le prie de lui aider. - Or, le problème qui se pose maintenant
devant nous, c'est le problème de la vie éternelle, et il faut qu'il soit
résolu par chacun de nous. Pourquoi ne demanderions-nous pas à ceux qui ont
plus d'expérience que nous de nous aider de leurs conseils
? Si nous
nous trouvons en présence de quelque difficulté qui nous paraisse
insurmontable, il est probable que nous rencontrerons quelque personne vraiment
pieuse qui aura éprouvé la même difficulté il y a vingt ans; elle sera heureuse
de nous aider, et de nous dire comment elle est venue à bout de la vaincre. Ne
craignez donc pas de lui demander conseil.
Parmi toutes les personnes qui
composent cette assemblée ou qui assisteront à nos réunions, il n'y en a pas
une seule, j'en suis sûr, qui ne puisse trouver dans la Parole de Dieu la
réponse aux questions qui la troublent. Mais si vous ne nous communiquez pas
vos pensées et vos difficultés, comment pourrons-nous vous être utiles? Je
pourrais parler du haut de cette chaire pendant trente jours consécutifs et ne
pas toucher le point spécial qui vous préoccupe, tandis que vingt minutes de
conversation particulière pourraient suffire pour dissiper tous vos doutes et
toutes vos difficultés.
J'ai revu dernièrement une dame qui
avait eu beaucoup d'entretiens particuliers, il y a neuf ans, avec des
personnes qui fréquentaient nos réunions. Elle m'a dit qu'elle était encore en
relation avec toutes ces personnes, au nombre d'environ trente-cinq, et qu'elle
avait tout lieu de croire qu'elles étaient sincèrement chrétiennes. Elle leur
avait écrit des lettres, elle leur avait envoyé de petits souvenirs à Noël, et
autant qu'elle pouvait en juger, aucune d'elles ne s'était écartée du bon chemin.
Elle s'est mêlée à leur vie, elle a pris part à tout ce qui les touchait, et
elle leur a été en bénédiction.
Si nous avions un millier de
collaborateurs de ce genre, nous ne tarderions pas, avec l'aide de Dieu, à voir
des merveilles et des prodiges. Il n'y a pas de catégorie d'êtres humains,
quelque dégradés et quelque coupables qu'ils soient qu'on ne puisse atteindre,
pourvu qu'on veuille s'en donner la peine.
Bien des chrétiens sont assoupis ; il
faut les réveiller, afin qu'ils prennent à cœur les intérêts éternels de ceux
qui vivent dans l'insouciance et le péché. Mettons de côté nos préjugés. Si le
Seigneur est à l’œuvre, qu'importe si la manière dont l’œuvre se fait est en
accord ou non avec nos idées préconçues ou avec les anciens usages.
Qu'un seul cri s'élève de tous nos
cœurs pour demander à Dieu de faire revivre son oeuvre au milieu de nous ! Que cette
oeuvre de réveil commence tout d'abord pour nous, qui nous réclamons du nom de
notre Sauveur. Ecartons tous les obstacles qui pourraient venir de nous-mêmes.
Alors, avec le secours de l'Esprit de Dieu, nous pourrons atteindre ces
milliers de gens qui ne mettent jamais le pied dans aucune église, et des
multitudes d'âmes entreront dans le royaume de Dieu.
Chapitre 2
AIMER POUR SERVIR
Je désire attirer votre attention sur
le treizième chapitre de la première Epitre de saint Paul aux Corinthiens, en
remplaçant le mot de charité, par celui d'amour; « Quand même je parlerais
toutes les langues des hommes, et même des anges, si je n'ai point l'amour, je
ne suis que comme l'airain qui résonne, ou comme une cymbale qui retentit. Et
quand même j'aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères
de la science de toutes choses; et quand même j'aurais toute la foi, jusqu'à
transporter les montagnes, si je n'ai point l'amour; je ne suis rien. Et quand
même je distribuerais tout mon bien pour la nourriture des pauvres et que même
je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n'ai point l'amour, cela ne me
sert de rien. »
C'est une grande chose que d'être un
prophète comme Daniel, ou Esaïe, ou Elie, ou Elisée mais saint Paul nous
apprend ici que l'esprit d'amour est une chose plus grande encore que l'esprit
de prophétie. Marie de Béthanie, qui savait si bien aimer, était supérieure à
ces grands prophètes. «L'amour est patient, il est plein de bonté; l'amour
n'est point envieux; l'amour n'est point insolent; il ne s'enfle point
d'orgueil ; il n'est point malhonnête; il ne cherche point son intérêt ; il ne
s'aigrit point ; il ne soupçonne point le mal ; il ne se réjouit point de
l'injustice, mais il se réjouit de la vérité ; il excuse tout, il croit tout,
il espère tout, il supporte tout. L'amour ne périt jamais. Pour ce qui est des
prophéties, elles seront abolies, et le don des langues cessera, et la
connaissance sera anéantie. Maintenant donc, ces trois choses demeurent : la
foi, l'espérance et l'amour ; mais la plus grande, c'est l'amour. »
L'ennemi s'était introduit dans la
petite Eglise fondée à Corinthe par l'apôtre Paul, et il y avait des divisions
parmi les disciples. L'un disait: « Pour moi, je suis d'Apollos ; » - un autre
disait: « Pour moi, je suis de Céphas ; » et un troisième : « Pour moi, je suis
de Paul. » - Paul vit tout de suite que ces divisions, que ce manque d'amour
des enfants de Dieu les uns pour les autres auraient des conséquences
désastreuses pour l'Église, et alors il écrivit cette lettre. Je suis convaincu
que si tous les vrais croyants pouvaient se pénétrer de l'esprit de ce chapitre
et le mettre en pratique pendant un an, l'Église de Dieu verrait se doubler le
nombre de ses enfants. L'un des plus grands obstacles au développement de
l’œuvre de Dieu aujourd'hui est bien certainement ce manque d'amour parmi les
disciples de Jésus-Christ.
Quand nous aimons quelqu'un, nous ne
cherchons pas sans cesse à attirer l'attention sur ses défauts. On a dit avec
raison : Il ne manque pas de traités sur l'éloquence ; mais, chose curieuse, il
n'en est pas un seul qui indique le véritable secret de toute vraie éloquence;
ce secret, c'est l'amour. Pour atteindre les hommes, il faut les aimer
beaucoup. Quel que soit leur degré de culpabilité, ou d'indifférence, ou
d'ingratitude; quelque bas qu'ils soient tombés, il faut surtout et avant tout
les aimer. L'amour, c'est la sève de l'Évangile, c'est le secret de toute
prédication forte et vivante, c'est l'inspiration la plus puissante de
l'éloquence. Le but de toute prédication est de ramener à Dieu les cœurs des
hommes, et l'amour seul sait découvrir les sentiers mystérieux qui conduisent
au cœur. Si, donc, vous ne possédez pas un fervent amour et une profonde
compassion pour l'humanité, soyez sûr que nous n'avez pas reçu le don de
l'éloquence chrétienne. Vous ne réussirez pas à gagner des âmes, vous
n'acquerrez jamais cette domination, excellente entre toutes, la domination
qu'on exerce sur le cœur de l'homme. Un proverbe arabe dit: « L'épée fait
courber le cou; mais le cœur seul fait courber le cœur. » On ne résiste pas à
l'amour.
Ecoutez ces paroles: « L'amour est
patient ; il est plein de bonté ; l'amour n'est point envieux.» Que de fois
n'arrive-t-il pas que si l'un de nos frères nous éclipse, nous éprouvons de
l'envie au fond de notre cœur. Il faut beaucoup de grâce divine pour détruire
ce sentiment-là. « L'amour n'est point insolent; il ne s'enfle point d'orgueil.
» Les chrétiens ont peu d'ennemis plus redoutables que cet esprit de rivalité
gui demande sans cesse : « Lequel sera le plus grand? »
Il y a quelques années, j'ai lu un
livre qui m'a fait beaucoup de bien. Il était intitulé « L'éducation des Douze.
» L'auteur disait que Jésus avait passé la plus grande partie de son temps,
pendant les trois ans et demi de son ministère, à former douze hommes.
L'éducation qu'il leur donna était bien différente de celle qu'on donne
aujourd'hui dans nos collèges et dans nos écoles. Tandis que le monde encourage
l'ambition, Jésus enseigne à ses disciples l'humilité. Il les exhorte à se
prévenir les uns les autres par honneur; à n'être point enflés d'orgueil, à
n'être point envieux, mais plutôt, à être doux et humbles de cœur.
Un peintre de l'antiquité, ayant été
chargé de faire un portrait très ressemblant d'Alexandre le Grand, se trouva
dans un grave embarras. Pendant une de ses guerres, Alexandre avait reçu au
front un coup d'épée, et en avait conservé une longue cicatrice. L'artiste se
dit: Si je représente la cicatrice, j'offenserai les admirateurs du monarque ;
et si je l'omets, la ressemblance ne sera pas exacte. Que faut-il faire? Il
imagina un heureux expédient , et représenta le grand roi, le front appuyé dans
sa main, cachant ainsi la cicatrice.
Ne pourrions-nous pas nous représenter
de même les uns les autres, en posant la main de la charité sur la cicatrice,
au lieu d'en faire ressortir toute la profondeur ? Les païens mêmes peuvent
donner aux chrétiens une leçon de charité, de bonté et d'amour.
Ce désir d'occuper le premier rang a
failli perdre l'Eglise plus d'une fois pendant le cours de son histoire. Si
l'Eglise n'avait pas été d'origine divine, elle serait tombée en ruines depuis
longtemps. De nos jours encore, on pourrait citer à peine un seul mouvement de
réforme qui n'ait couru le danger d'être entravé ou anéanti par ce misérable
esprit d'ambition et de personnalité. Que Dieu nous aide à détruire cet esprit,
à jeter loin de nous notre vanité et notre orgueil, et à accepter Christ pour
notre Maître, afin qu'il nous montre dans quel esprit il faut travailler pour
lui.
Une des choses qui durent le plus
attrister la vie de Jésus, ce fut la manifestation de cet esprit parmi ses
disciples, même pendant les dernières heures de son séjour au milieu d'eux, et
jusqu'au moment où il fut emmené pour être crucifié. Nous lisons dans
l'Évangile de saint Luc : « Jésus dit à ses apôtres: Voici la main de celui qui
me trahit est à table avec moi. Pour ce qui est du Fils de l'homme, il s'en va,
selon qu'il a été déterminé; mais malheur à cet l'homme par qui il est trahi!
Alors ils commencèrent à se demander les uns aux autres qui était celui d'entre
eux qui ferait cela. Il arriva aussi une contestation entre eux, pour savoir
lequel d'entre eux devait être regardé comme le plus grand.
« Mais il leur dit: Les rois des
nations les maîtrisent, et ceux qui usent d'autorité sur elles sont nommés
bienfaiteurs. Il n'en doit pas être de même entre vous; mais que celui qui est
le plus grand parmi vous soit comme le moindre, et celui qui gouverne comme
celui qui sert ; car qui est le plus grand, celui qui est à table, ou celui qui
sert? N'est-ce pas celui qui est à table? Et cependant je suis au milieu de
vous comme celui qui sert. »
Même en un moment aussi solennel,
pendant cette nuit mémorable où le Seigneur venait d'instituer la Sainte-Cène
avec ses disciples, après avoir mangé la pâque avec eux, et où il s'avançait
vers la croix, - même alors, cette pensée remplit leurs cœurs : Lequel sera le
plus grand?
Il existe une charmante tradition sur
la fondation du temple de Salomon. Le terrain sur lequel il fut construit
appartenait en commun à deux frères, dont l'un avait des enfants, et l'autre
n'en avait pas. Ils y avaient semé du blé. Le lendemain de la moisson, deux
meules ayant été élevées, l'aîné des deux frères dit à sa femme : « Mon jeune
frère n'a pas la force de supporter la fatigue et la chaleur du jour, je vais
prendre une partie de mes gerbes et les ajouter à sa meule sans qu'il le sache.
» Le frère cadet, animé de sentiments semblables, se dit en lui-même : « Mon
frère a des enfants, et moi je n'en ai pas. Je vais prendre une partie de mes
gerbes et les ajouter à sa meule.
Quel ne fut pas leur étonnement le
lendemain, en trouvant leurs meules respectives aussi grandes que la veille. La
même aventure se renouvela plusieurs nuits de suite. Chacun d'eux résolut enfin
de veiller toute la nuit afin d'éclaircir le mystère. C'est ce qu'ils firent,
et la nuit suivante, ils se rencontrèrent à mi-chemin entre leurs deux meules,
les bras chargés de gerbes. Ce fut sur un terrain sanctifié par un tel souvenir
que s'éleva le magnifique temple de Salomon, la merveille et l'admiration du
monde. Hélas ! de nos jours, combien de frères seraient disposés à dérober
toute la meule de leur frère plutôt qu'à y ajouter une seule gerbe !
Si nous voulons apprendre à gagner les
âmes, si nous voulons être utiles au service de notre Maître, il faut nous
débarrasser de ce maudit esprit de rivalité et d'amour-propre. C'est là le fond
de la pensée de saint Paul dans ce passage de son épître aux Corinthiens. Il
leur dit qu'on a beau avoir beaucoup de foi et de zèle, et distribuer beaucoup
d'aumônes, si l'on n'a pas d'amour, on est comme l'airain qui résonne ou une
cymbale qui retentit. Si ce n'est pas l'amour qui inspire et remplit tous nos
discours, nous ferions tout autant de bien aux âmes en sonnant de la trompette
du haut de la chaire qu'en prêchant des sermons. On peut annoncer la vérité ;
on peut enseigner la doctrine évangélique dans toute sa pureté ; si le cœur
n'est pas rempli d'amour pour ceux auxquels on s'adresse, si on prêche par
métier, l'apôtre le déclare, on n'est qu'une cymbale retentissante.
Ce qu'il nous faut, ce n'est pas tant
de travailler davantage que de travailler pour un meilleur motif. Dieu tient
compte du mobile qui nous fait agir, bien plus que de notre activité
extérieure. Le seul arbre sur la terre qui puisse produire des fruits agréables
à Dieu c'est l'arbre de l'amour.
En écrivant à son disciple Tite, saint
Paul dit : «Enseigne les choses qui conviennent à la saine doctrine : que les
vieillards soient sobres, graves, prudents, purs dans la foi, dans la charité
(ou dans l'amour), dans la patience.» A quoi servirait-il d'enseigner une saine
doctrine, si l'on négligeait l'amour et la patience ? De quelle valeur nos
prières peuvent-elles être si elles ne sont pas inspirées par l'amour ? On
s'étonne parfois de voir tant de prédications irréprochables rester sans
résultats. Ne croyez-vous pas que cela tienne à ce qu'on prêche si souvent par
métier? Les paroles brillent comme le givre au soleil, mais ne réchauffent pas
davantage. Elles n'ont pas une seule étincelle d'amour. - S'il en est ainsi,
vous n'aurez que très peu de force. Quand même vous multiplieriez vos réunions
d'appel, vos réunions de prières, vos réunions d'actions de grâces, si l'amour
ne les inspire pas, vous parlerez en vain. Dieu lui-même vous dit que vous êtes
semblables à l'airain qui résonne et aux cymbales qui retentissent.
On peut être très bon médecin sans aimer
ses malades. On peut être très bon avocat sans aimer ses clients. Un négociant
peut faire d'excellentes affaires sans se soucier le moins du monde de ses
pratiques. Un savant peut nous expliquer les merveilles de la science ou de la
théologie sans éprouver le moindre amour pour nous; mais sans amour, il est
impossible de travailler sérieusement pour Dieu et de gagner les âmes. On peut
passer au yeux du monde pour être un grand prédicateur, on peut attirer la
foule par de brillants discours ; si un sincère amour pour Dieu et pour les
âmes n'est pas la force motrice de toute cette éloquence, elle s'évanouira
comme une vapeur et comme la rosée du matin.
On raconte que toutes les fois que les
Athéniens entendaient Démosthène, ils étaient émus au point de se sentir prêts
à partir pour combattre Philippe de Macédoine. Ils entendaient aussi avec
plaisir un autre orateur qui les charmait par son éloquence ; mais à peine le
discours était-il fini, que le charme se rompait, les belles paroles avaient
été creuses. Il ne suffit donc pas de prononcer de brillants discours qui
peuvent entraîner la multitude au moment même; s'ils ne reposent pas sur un
sentiment profond, leur influence ne sera pas durable. Ce qui faisait la force
de Démosthène, c'était son amour pour sa patrie, et cet amour, il le
communiquait à tout le peuple.
Lorsque nous aimerons davantage, il
nous sera facile de travailler pour le Seigneur. Rien ne nous paraîtra trop
insignifiant. Dieu ne bénit point les travaux les plus importants si l'amour
est étranger ; mais il prend plaisir aux petites choses faites par amour. Un
verre d'eau froide donné à l'un de ses enfants par amour pour lui, a plus de
valeur à ses yeux que la conquête d'un royaume, inspirée par l'ambition et la
vaine gloire.
Je suis fatigué d'entendre toujours
répéter le mot de devoir comme si c'était l'unique mobile du chrétien. De tous
côtés, j'entends dire: Je fais ceci, ou cela, parce que c'est mon devoir.
L'expérience m'a prouvé que les chrétiens qui parlent ainsi sont ceux qui
réussissent le moins bien dans leur travail. N'avons-nous pas un mobile plus
puissant que le simple devoir? Ne pouvons-nous pas nous mettre au service de
Christ parce que nous l'aimons ? Quand c'est l'amour qui nous pousse, le
travail nous paraît toujours facile. Une mère n'a pas de peine à soigner son
enfant malade. Elle ne regarde pas cela comme une corvée. Saint Paul ne nous
parle jamais de la peine que le service de son maître lui a coûtée. Il était
pressé de travailler parce qu'il aimait son Sauveur et qu'il se sentait aimé
par lui. Lutter, souffrir même pour son Maître bien-aimé, c'était une joie pour
lui.
Vous me répondez peut-être que j'ai
tort de parler contre le devoir; beaucoup de choses ne se feraient jamais sans
le sentiment du devoir. C'est vrai, mais je voudrais vous faire sentir que ce
n'est pas un mobile suffisant, et que vous pouvez en avoir un autre bien plus
puissant.
Je vais bientôt retourner dans ma
patrie, de l'autre côté de l'Atlantique. Je pense en ce moment à une mère aux
cheveux blancs qui habite, sur les bords du Connecticut, la même petite ville
depuis quatre-vingts ans. Supposons que je lui apporte un présent à mon retour,
et qu'en le lui donnant, je dise : « Vous avez été si bonne pour moi autrefois
que j'ai cru de mon devoir de vous apporter un cadeau. » Que penserait-elle de
moi si je lui parlais ainsi ? Mais si au contraire je le lui apporte comme un
témoignage de mon grand amour pour elle, quel prix n'attachera-t-elle pas à mon
souvenir! De même, Dieu désire que ses enfants ne le servent pas seulement par
devoir. Il n'aime pas que ce soit une chose pénible pour nous de faire sa
volonté.
Voyez les soldats. S'ils ne se battent
que parce qu'ils y sont forcés, ils ne remporteront pas beaucoup de victoires.
Si, au contraire, ils se battent par amour pour leur pays et pour leurs chefs,
rien ne pourra leur résister. Si ce n'est pas l'amour qui vous pousse à
travailler pour Christ, ne vous attendez pas à être béni dans votre oeuvre.
Napoléon essaya de fonder un empire
par la force des armes. Alexandre le Grand, César, d'autres conquérants encore,
l'avaient essayé avant lui, mais tous, ils ont échoué. Jésus-Christ a fondé son
royaume sur l'amour, et ce royaume durera éternellement.
Quand nous aurons appris à aimer
véritablement, tous les mobiles égoïstes et bas disparaîtront, et notre ouvrage
pourra supporter l'épreuve du feu.
Je voudrais vous rappeler encore une
chose. L'amour ne songe jamais à ce qu'il recevra en retour de ce qu'il donne.
Vous avez tous lu dans l'Evangile selon saint Mathieu la parabole du père de
famille qui avait loué des ouvriers pour travailler dans sa vigne. Après en
avoir loué plusieurs dès le matin, il en trouva d'autres à différentes heures
du jour, et les envoya aussi à sa vigne. Quand le soir fut venu, ceux qui
avaient travaillé depuis le matin s'attendaient à recevoir un salaire plus
élevé que les autres; aussi se mirent-ils à murmurer et à se plaindre
lorsqu'ils virent qu'ils recevaient tous la même chose. Mais quelle fut la réponse
du père de famille : « Mon ami, je ne te fais point de tort ; n'as-tu pas
accordé avec moi à un denier par jour? Prends ce qui est à toi et t'en va. Je
veux donner à ce dernier autant qu'à toi.
Ne m'est-il pas permis de faire ce que
je veux de ce qui est à moi? Ton oeil est-il mauvais de ce que je suis bon ?
Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers.»
J'ai presque toujours vu que les chrétiens qui se demandent sans cesse quelle
bénédiction le Seigneur leur donnera en récompense de leur travail ne sont
jamais contents. L'amour vrai travaille de tout son cœur sans poser de
conditions. Ne marchandons pas avec le Seigneur, mais soyons heureux de faire
tout ce qu'il nous demande.
Je suis certain que si nous nous
mettons à l’œuvre avec un cœur plein d'amour pour ceux que nous désirons
atteindre, nous verrons toutes les barrières s'abaisser devant nous. L'amour
fait naître l'amour, de même que la haine fait naître la haine. L'amour est la
clef du cœur humain. Quelqu'un a dit: « La lumière est faite pour
l'intelligence, et l'amour est fait pour le cœur. » Commencez par gagner l'affection
de ceux que vous cherchez à atteindre; il vous sera facile ensuite de les
amener à Christ.
Je vois des enfants parmi ceux qui
m'écoutent. Permettez-moi de leur raconter une histoire. Il y avait une fois un
petit garçon qui demeurait sur la lisière d'un bois. Un jour, se croyant seul,
il s'amusait à chanter quand il lui sembla entendre la voix d'un autre enfant
assez près de lui. - « Hé ! là-bas ! » s'écria-t-il. - «Hé ! là-bas ! »
répondit la voix. Il ne savait pas que c'était l'écho de sa voix, et se mit à
crier: « Tu es un méchant garçon ! » Naturellement, la voix répondit: « Tu es
un méchant garçon.» Après quelques autres paroles du même genre, il rentra à la
maison, et dit à sa mère qu'il y avait un vilain enfant dans le bois. La mère,
qui comprit ce dont il s'agissait, lui dit: « Oh ! non, il n'est pas méchant.
Parle-lui gentiment, et tu verras s'il ne te répond pas de même.» Le petit
garçon retourna dans le bois et cria: « Hé ! là-bas. » - « Hé ! là-bas. » - Tu
es un bon garçon. » - Inutile de dire que la voix répondit : « Tu es un bon
garçon.» - « Je t'aime bien. » Et la voix, toujours fidèle, répondit : « Je
t'aime bien. »
Je vous vois sourire ; et pourtant
cette petite histoire vous donne le mot de l'énigme. Plusieurs d'entre vous,
peut-être, sont convaincus qu'ils ont des voisins fort désagréables et qu'il
est impossible d'avoir de bons rapports avec eux ; il est bien possible que les
torts soient tout autant de votre côté que du leur.
Si vous aimez ceux qui vivent près de
vous, ils vous aimeront aussi. Comme je le disais tout à l'heure : l'amour est
la clef qui ouvre tous les cœurs. Il n'y a pas au monde un seul être humain
tombé si bas qu'on ne puisse l'atteindre avec de l'amour, de la douceur et de
la bonté. Il faudra peut-être des années pour en venir à bout, mais la chose
est possible. L'amour ne peut pas rester inactif.
On a dit avec raison : « On peut
dissimuler sa fortune, enfouir ses talents ; il y a une chose qu'on ne peut ni
dissimuler ni enfouir, c'est l'amour. » Il ne se nourrit pas de lui-même, il
lui faut un aliment. Il y a quelques années, la fièvre jaune éclata dans l'une
des villes de nos Etats du Sud. Les décès étaient si
nombreux que les autorités de la ville ordonnèrent qu'on enterrât les morts
rapidement, sans prendre le temps de faire de funérailles. Une charrette allait
de maison en maison prendre les morts et les porter au cimetière. Une famille
étrangère était venue depuis peu s'établir dans cette ville. Le père fut
bientôt atteint par l'épidémie, et mourut. Les voisins avaient peur de la
contagion, et personne n'osa aller dans la maison des pauvres affligés. La mère
ne tarda pas à être frappée à son tour. Avant de mourir, elle appela son petit
garçon et lui dit : « Je vais bientôt partir ; mais quand je serai morte, le
Seigneur Jésus viendra prendre soin de toi. » Elle n'avait personne sur la
terre à qui confier son fils. Peu de temps après, elle mourut, en effet, et son
corps fut porté au cimetière. Le petit garçon suivit la charrette jusqu'au bord
de la tombe, et vit la place où l'on déposa le corps de sa mère, puis il
retourna à la maison.
Mais il se sentit bien seul, et quand
il commença à faire nuit, il eut peur et ne voulut plus rester dans la maison.
Il alla s'asseoir sur le seuil de la porte et se mit à pleurer. Enfin il
retourna au cimetière, il se coucha
sur la tombe de sa mère et s'endormit en pleurant.
Le
lendemain matin, un monsieur qui traversait le cimetière vit l'enfant qui
pleurait. « Que fais-tu là, mon enfant? » lui dit-il. « J'attends le Seigneur
Jésus. » Le monsieur désira savoir ce que l'enfant voulait
dire, et se fit raconter son histoire. Il en fut ému, et dit au petit garçon :
« Eh bien, mon enfant, c'est moi que le Seigneur Jésus a envoyé pour prendre
soin de toi. » L'enfant leva les yeux vers lui, et répondit
: «Vous avez été bien longtemps à venir.»
Qui oserait prétendre que si nous
aimions véritablement notre Maître, nous ne réussirions pas à atteindre les
masses, qui semblent maintenant hors de notre portée ? Il n'y a pas d'ivrogne,
il n'y a pas de
créature coupable, il n'y a pas d'athée à qui nous ne puissions faire du bien.
Les athées ne peuvent pas
résister à la puissance de l'amour. C'est lui, et non le raisonnement, qui
renversera l'athéisme ainsi que tous les autres faux systèmes. C'est l'amour de
Christ qui brisera le cœur le plus endurci.
Je suis sûr d'une chose : quand ces
cœurs endurcis qui rejettent maintenant le Sauveur seront parfaitement
convaincus que notre amour pour eux est l'unique mobile de nos efforts, leur
dureté commencera à s'adoucir, leur volonté rebelle commencera à céder. Cette
clef de l'amour les ouvrira.
Avec l'aide de Dieu, nous pourrons les
faire sortir des ténèbres de ce monde et les amener à la lumière de l'Evangile.
Jésus-Christ a donné à ses disciples un signe de ralliement. Les membres d'une
même association portent, tantôt un ruban bleu, tantôt un ruban rouge pour se reconnaître
les uns les autres; le signe que Jésus-Christ a donné à ses disciples, c'est
l'amour: «C'est à ce signe que tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si
vous avez de l'amour les uns pour les autres. » De l'amour, pas seulement pour
les chrétiens, mais pour ceux qui sont tombés. Le bon Samaritain eut de l'amour
pour le pauvre voyageur qui était tombé entre les mains des voleurs. Si nous
savions aimer comme lui, le monde découvrirait bien vite que nous sommes les
disciples du Seigneur Jésus-Christ. Ce genre d'argument aurait plus de
puissance que tout autre pour vaincre l'incrédulité et la révolte.
Ce que je viens de dire me rappelle ce
que j'ai vu cet hiver à Londres dans une des familles où j'ai reçu
l'hospitalité. Une des jeunes filles de cette famille sentait qu'elle ne
travaillait pas pour Christ autant qu'elle l'aurait voulu, et elle eut l'idée
de faire un groupe dans une école du Dimanche. Elle a réuni maintenant une
vingtaine de jeunes garçons de treize à seize ans, l'âge le plus difficile.
Cette jeune fille chrétienne s'est dit qu'elle commencerait par se faire aimer
de tous ces jeunes garçons afin de les amener ensuite au Sauveur. Il est
touchant de voir comme elle a su gagner leurs jeunes cœurs, et je crois qu'elle
les amènera tous à une vie pure et sainte.
Si nous sommes prêts à travailler dans
ce même esprit, nous sauverons la jeunesse de notre pays; au lieu de remplir
nos prisons et nos refuges, nos jeunes gens et nos jeunes filles deviendront
des membres utiles de l'Eglise de Dieu, et seront une bénédiction pour la
société.
Un de mes amis en Amérique a fondé une
grande école du dimanche. Il pensait que les enfants qui reçoivent de mauvais
exemples chez eux n'ont pas d'autre chance, de devenir meilleurs que de suivre
l'école du dimanche; aussi prit-il la résolution de ne jamais renvoyer un élève
si ce n’est à la dernière extrémité.
Parmi les enfants qui suivaient cette
école, il se trouva un jeune garçon dont personne ne pouvait venir à bout. Tous
les moniteurs à qui il était confié venaient l'un après l'autre trouver le
directeur et lui dire : « Retirez cet enfant de mon groupe ; il fait du mal aux
autres ; il dit de vilaines choses, et il détruit tout le bien que je pourrais
faire. » Enfin mon ami crut qu'il serait obligé de prononcer publiquement
l'expulsion de cet enfant insubordonné, et dans la réunion des moniteurs, il
annonça son intention. Une jeune fille qui ne l'avait pas encore eu dans son
groupe, demanda alors la permission d'en faire l'essai :
« Je
ferai tout ce que je pourrai, dit-elle, pour me faire aimer de lui. » - Le
Directeur était convaincu qu'elle perdrait bientôt patience; néanmoins il mit
l'enfant dans son groupe, selon son désir. Le petit garçon ne tarda pas à
enfreindre les règlements, et la jeune fille fut obligée de le punir. Il en fut
tellement irrité, qu'il se mit en colère, et lui cracha au visage. Elle prit
tranquillement son mouchoir et s'essuya la figure. Après l'école, elle lui
demanda de l'accompagner jusque chez elle.
« Non, répondit-il, je ne veux plus
vous parler, et je ne reviendrai plus jamais dans cette affreuse école.» Elle
lui demanda, alors, s'il voulait bien qu'elle le reconduisit chez lui. Il
refusa encore. « Eh bien ! lui dit-elle, je suis très fâchée que vous partiez,
mais si vous voulez passer chez moi mardi matin, vous trouverez un petit paquet
à votre adresse. Je n'y serai pas moi-même, mais le domestique vous le remettra
de ma part. » L'enfant répondit grossièrement « Je n'ai pas besoin de votre
paquet : vous pouvez le garder. » Cependant la jeune fille était convaincue
qu'il viendrait le chercher.
En effet, quand vint le mardi matin,
le petit garçon était tout à fait remis de son accès de colère. Il se rendit à
la maison de la jeune fille, et dès qu'il eut sonné, un domestique lui apporta
le paquet. Lorsqu'il l'ouvrit, il y trouva une petite jaquette, une cravate, et
ce qui valait encore mieux, une lettre écrite par sa monitrice. Elle lui disait
dans cette lettre, combien elle avait prié pour lui, soir et matin, depuis
qu'il était dans son groupe. Maintenant qu'il allait la quitter, elle lui
demandait de se rappeler que, tant qu'elle vivrait, elle ne cesserait pas de
prier pour lui et qu'elle espérait qu'il deviendrait un homme de bien.
Le lendemain matin de bonne heure, le
petit garçon sonnait de nouveau à la porte de la jeune fille. On le fit entrer
dans le salon, et quand sa monitrice vint le rejoindre, elle le trouva en
sanglots. Elle lui demanda avec bonté la cause de son chagrin. « Oh ! répondit-il,
je n'ai pas été heureux un seul instant depuis que j'ai reçu votre lettre. Vous
avez été si bonne pour moi, et j'ai été si méchant. Je vous en prie, pardonnez
moi. »
En finissant ce récit, mon ami, le
directeur de l'école, ajouta: « Il y a environ dix-huit cents enfants dans
l'école, et il n'y a pas de meilleur élève que ce garçon-là. »
Pourquoi ne suivrions-nous pas
l'exemple de cette jeune fille ? Ah ! que chacun de nous se consacre
aujourd'hui, tout de nouveau, à Dieu et à son service.
Chapitre 3
FOI ET COURAGE
Dans tout ce que nous cherchons à
faire pour Dieu, c'est la foi qui doit donner le ton. Je n'ai encore jamais
rencontré une seule personne qui n'eût pas été exaucée dans ses prières quand
elle était pleine de foi, et que cette foi reposait sur des bases solides. Il
va sans dire que notre foi ne peut s'appuyer que sur les promesses et les
déclarations de l'Ecriture Sainte. Aussi , quand nous nous réunissons pour
appeler la bénédiction de Dieu sur nos amis et sur cette ville, sommes-nous
bien certains d'être exaucés.
Si l'incrédulité est un obstacle
redoutable pour l'homme inconverti, elle ne l'est pas moins pour le chrétien.
Elle le privera de bénédiction, tout autant qu'aux jours de Jésus-Christ. L'un
des évangélistes nous dit que, dans une certaine ville, le Seigneur ne fit que
peu de miracles, à cause de l'incrédulité de ceux qui l'entouraient. S'il en
était ainsi pour Jésus, comment pouvons-nous nous attendre à accomplir de
grandes choses, quand les enfants de Dieu manquent de foi ? J'affirme que les enfants
de Dieu sont seuls capables d'entraver l’œuvre de Dieu. Les incrédules, les
athées, les sceptiques ne peuvent y parvenir. Partout où une étroite union, une
forte foi et une ferme espérance se rencontrent chez les chrétiens, il se fait
de grandes choses.
Nous lisons dans l'épître aux Hébreux
« qu'il est impossible d'être agréable à Dieu sans la foi ; car il faut que
celui qui s'approche de Dieu croie que Dieu est, et qu'il est le rémunérateur
de ceux qui le cherchent. » Ces paroles s'adressent à nous autres chrétiens
tout autant qu'à ceux qui cherchent Dieu pour la première fois. Nous sommes
réunis aujourd'hui pour demander à Dieu de bénir ceux que nous aimons, et de
nous donner une vie nouvelle, afin que nous puissions atteindre les masses qui
sont encore en dehors de l'Evangile. Nous venons de l'entendre, Dieu est le
rémunérateur de ceux qui le cherchent. Cherchons-le donc, en cet instant même.
Ayons une grande foi, et que notre espérance soit en Dieu.
Quand j'étais enfant, lorsque le
soleil du printemps avait fait fondre les neiges sur les collines de la
Nouvelle-Angleterre où je demeurais, j'aimais à prendre une lentille de
cristal, et à y concentrer les rayons du soleil. Puis je m'amusais à les
diriger sur du bois, pour l'allumer. La foi est le cristal qui fait descendre
le feu du ciel. C'est la foi d'Elie qui attira ce feu sur l'holocauste que le
prophète avait préparé d'après l'ordre de Dieu, sur le mont Carmel. Nous
possédons aujourd'hui le même Dieu et la même foi. Il y a des personnes qui
prétendent que la foi chrétienne a vieilli, que la Bible est usée. Mais le
Seigneur va donner une vigueur nouvelle à ses enfants, et nous remuerons le
monde pourvu que notre foi soit simple et inébranlable.
Dans le onzième chapitre de l'épître
aux Hébreux, l'auteur cite les uns après les autres tous les héros fameux de
l'histoire d'Israël; tous, ils avaient été des hommes de foi, et avaient laissé
le monde meilleur qu'il ne l'avaient trouvé. Ecoutez cette description des
grandes choses qu'ils avaient accomplies : « C'est par la foi qu'ils ont
conquis des royaumes, ont exercé la justice, ont obtenu l'effet des promesses,
ont fermé la gueule des lions, ont éteint la force du feu, ont échappé au
tranchant des épées, ont été guéris de leurs maladies, ont été vaillants dans
la guerre, ont mis en fuite les armées des étrangers. Des femmes ont recouvré
par la résurrection leurs enfants morts ; d'autres ont été cruellement
tourmentés, refusant d'être délivrés, afin d'obtenir une meilleure résurrection
; d'autres ont été éprouvés par les moqueries et les fouets; d'autres par les
liens et par la prison; ils ont été lapidés, ils ont été sciés, ils ont été mis
à l'épreuve, ils sont morts par le tranchant de l'épée, ils ont été errants çà
et là, vêtus de peaux de brebis et de peaux de chèvre, dénués de tout,
affligés, maltraités, - eux dont le monde n'était pas digne, - ils ont erré
dans les déserts et dans les montagnes, dans les cavernes et les antres de la
terre. Et tous ceux là, ayant obtenu un bon témoignage par leur foi, n'ont
point reçu ce qui leur avait été promis; Dieu ayant pourvu quelque chose de
meilleur pour nous, afin qu'ils ne parvinssent pas à la perfection sans nous. »
Aucun enfant de Dieu, assurément, ne
peut lire ces paroles sans émotion. Il est dit que «des femmes ont recouvré par
la résurrection leurs enfants morts. » Parmi ceux qui m'écoutent, il y a
beaucoup de mères dont les enfants se sont égarés, et sont devenus les esclaves
du vice et des mauvaises passions. Vous êtes profondément découragées à leur
sujet; mais si vous avez foi en Dieu, ils peuvent vous être rendus par une
espèce de résurrection.. Les enfants prodigues peuvent rentrer à la maison
paternelle; les ivrognes et les femmes de mauvaise vie peuvent être sauvés.
Dans toute cette grande ville, il n'y a pas un seul être humain, homme ou
femme, quelque bas qu'il soit tombé, qu'on ne puisse atteindre.
De nos jours, nous devrions avoir
beaucoup plus de foi qu'Abel, Enoch ou Abraham . Ils vivaient si longtemps avant
Jésus-Christ. Nous parlons de la foi des patriarches et des prophètes, mais ils
ne voyaient qu'une faible lueur, tandis que nous contemplons la lumière
resplendissante qui rayonne du Calvaire et du tombeau vide de Jésus-Christ.
Quand nous retardons en arrière, et que nous pensons à tout ce qu'a fait
Jésus-Christ; quand nous pensons à son sang répandu pour le salut du monde,
nous devrions nous mettre à l’œuvre, forts de sa force, et lui conquérir tous
les cœurs. Notre Dieu peut faire des choses grandes et merveilleuses.
Vous vous rappelez que le centenier
romain fit prier Jésus, de venir guérir son serviteur. Quand le Seigneur
s'approcha, le centenier lui fit dire de ne pas prendre la peine d'entrer dans
sa maison ; tout ce qu'il lui demandait était de dire une parole, afin que le
serviteur fût guéri.
L'évangéliste ajoute que lorsque Jésus
reçut le message du soldat romain, il admira sa foi. Chers amis, croyons
aujourd'hui que Dieu va faire de grandes choses au milieu de nous.
Caleb et Josué étaient des hommes de
foi. Ils furent plus utiles aux enfants d'Israël que le camp tout entier,
composé d'incrédules, et que les dix autres espions. Moïse avait envoyé douze
espions pour reconnaître le pays. Je dirai ici en passant que la foi n'a jamais
besoin d'espions. Vous me répondrez peut-être que c'était Dieu qui avait
commandé à Moïse de les envoyer; mais il nous est dit, dans le premier chapitre
du Deutéronome, que, malgré les promesses formelles de Dieu, les Israélites
eurent peur, et demandèrent à Moïse d'envoyer des espions. S'ils avaient cru en
Dieu, ils seraient entrés en possession de la Terre promise dès leur arrivée à
Kadès-Barné. Je suppose que ces douze hommes furent choisis en raison du rang
qu'ils occupaient ou de l'influence qu'ils exerçaient au milieu des douze
tribus.
A leur retour, au bout d'un mois
environ, ils firent un double rapport, - ce que nous pourrions appeler le
rapport de la majorité et celui de la minorité. Tous les douze s'accordaient à
dire que le pays était bon, mais dix d'entre eux ajoutaient : « Nous ne
saurions monter contre ce peuple, car il est plus fort que nous. Nous y avons
vu aussi des géants, des descendants de Hanak» On croit voir ces dix espions le
soir qui suivit leur arrivée : on fait cercle autour d'eux dans le camp, on
écoute leurs récits. Il est probable qu'il y avait très peu de personnes autour
de Caleb et Josué. Il semble vraiment parfois que les hommes sont plus disposés
à croire un mensonge que la vérité. Voyez ces Israélites incrédules ; ils
écoutent avidement ce que raconte un des dix espions : - « Croiriez-vous, dit
celui-ci, que j'étais obligé de lever la tête pour regarder ces hommes en face
; ils font trembler la terre en marchant. Auprès de ces géants, nous ne
paraissions que comme des sauterelles, les villes sont fortifiées de murs qui
vont jusqu'au ciel. Nous ne saurions prendre ce pays. »
Mais Caleb et Josué tenaient un tout
autre langage. A leurs yeux, c'étaient les géants qui n'étaient que comme des
sauterelles. Ces hommes de foi se rappelaient comment Dieu les avait délivrés
de la main de Pharaon et leur avait fait traverser la mer Rouge ; comment il
les avait nourris dans le désert avec le pain du ciel, leur donnant à boire de
l'eau du rocher. Pourvu que Dieu marchât avec eux, ils n'avaient qu'à monter hardiment
et à prendre possession de ce pays-là. C'est pourquoi ils disaient au peuple :
« Certainement nous serons les plus forts. » Que voyons-nous aujourd'hui dans
l'Eglise de Dieu ? Dix personnes environ sur douze, parmi celles qui font
profession de croire en Jésus-Christ, s'arrêtent à considérer les géants, les
murs, les difficultés de tout genre qui se trouvent sur le chemin. « Nous ne
saurions accomplir une oeuvre pareille, disent-elles ; peut-être pourrions-nous
en venir à bout s'il n'y avait pas tant de cabarets, tant d'ivrognerie, tant de
matérialisme, tant d'opposition de toute sorte. »
Ne nous laissons pas décourager par
ces hommes de petite foi. Si nous croyons en Dieu, nous saurons bien monter
hardiment, et prendre possession du pays au nom de Jésus-Christ. Dieu prend
toujours plaisir à honorer la foi de ses enfants.
Cette bénédiction que nous attendons,
nous sera peut-être accordée en réponse aux prières de quelque malade, de
quelque infirme, incapable de jamais assister à l'une de nos réunions. Au jour
où l’œuvre de chacun sera manifestée, nous apprendrons peut-être que nous
devons nos plus grandes bénédictions à la foi simple et confiante de quelque
chrétien ignoré.
L'histoire de Caleb et de Josué nous
apprend aussi que la foi est toujours accompagnée de courage. A toutes les
époques, ceux qui ont fait de grandes choses pour Dieu, ont été des hommes de
courage. Si nous sommes remplis de foi, il n'y aura plus place dans notre cœur
pour des sentiments de crainte. Les chrétiens d'aujourd'hui s'attendent si peu
à ce que Dieu se serve d'eux, qu'ils ont peur de tout. Ce qu'il nous faut,
c'est le courage qui nous pousse en avant. Il est vrai que nous attirerons
peut-être ainsi sur nous le blâme des chrétiens tièdes. Il ne manque pas de
gens qui semblent n'avoir rien d'autre à faire qu'à critiquer tout ce que font
les autres.- « Vous ne vous y prenez pas comme il faut, disent-ils. » Dès
qu'ils entendent parler d'un nouveau projet, ils soulèvent des masses
d'objections. S'ils voient qu'on veut marcher en avant, ils s'empressent de
jeter un seau d'eau froide sur cet excès de zèle, - ils ne songent qu'aux
difficultés qui peuvent surgir sur la route. Ce qu'il nous faut, c'est assez de
foi, assez de courage pour aller résolument en avant sans nous laisser attarder
par ces timides incrédules.
Quand Asa, roi de Juda, monta sur le
trône, il voulut faire, nous dit le livre des Chroniques, «ce qui est bon et
droit devant l’Éternel son Dieu ; » mais ce n'était pas facile, et il lui
fallut pour cela un grand courage. Il dut résister à sa mère et lui ôter la
régence parce qu'elle avait encouragé l'idolâtrie. Il mit en pièces l'idole
qu'elle avait faite et la brûla. Il y a des jours où nous sommes obligés de
résister à ceux qui devraient être nos meilleurs amis.
L'heure n'est-elle pas venue pour nous
de nous avancer en pleine eau? Il ne m'est jamais arrivé de voir quelqu'un s'en
aller par les rues et par les chemins, et le long des haies, afin de presser
d'entrer dans la maison du Père céleste tous ceux qu'il trouverait, sans que le
Seigneur ait béni ces efforts. Si vous avez le courage d'aller droit à votre
voisin et de lui parler de son âme, Dieu bénira vos paroles. Peut-être que la
personne à qui vous parlerez commencera-t-elle à se fâcher, mais ce n'est pas
toujours un mauvais signe. Qui sait si dès le lendemain elle ne vous écrira pas
pour vous faire ses excuses ! En tout cas, il vaut mieux la réveiller ainsi que
de la laisser sommeiller jusqu'au jour de la mort.
Remarquez la manière dont Dieu s'y
prit quand il voulut délivrer Israël de la main des Madianites par l'entremise
de Gédéon. Gédéon avait réuni autour de lui une armée de trente-deux mille
hommes. Il les avait sans doute comptés, et quand il sut que l'armée des
Madianites était forte de cent trente-cinq mille hommes, il dut se dire : « Mon
armée est trop petite ; j'ai peur de ne pas réussir. » Tout autre fut la pensée
du Seigneur. « Le peuple qui est avec toi, lui dit-il, est en trop grand
nombre. » Puis il lui ordonna de permettre à tous ceux qui étaient timides ou
qui avaient peur, de retourner chez eux auprès de leurs femmes et de leurs
mères. Dès que Gédéon eut fait connaître cet ordre de l’Éternel vingt-deux
mille hommes quittèrent l'armée. Il est probable qu'à cette vue Gédéon dut se
dire que l’Éternel s'était trompé. Si tout à coup les deux tiers de cette
assemblée se levaient pour sortir, vous seriez portés à croire qu'il ne
resterait bientôt plus personne dans la salle.
Mais que dit l’Éternel à Gédéon ? - «
Il y a encore trop de peuple; fais-les descendre vers l'eau et je te les
choisirai là. Tous ceux qui prendront de l'eau dans leur main pour se
désaltérer resteront avec toi ; ceux au contraire qui se courberont pour boire
l'eau du torrent, s'en iront chez eux. » Cette fois, neuf mille sept cents
hommes retournèrent chez eux, et Gédéon resta seul avec trois cents hommes;
mais cette poignée d'hommes, dont le cœur battait loyalement pour le Dieu des
cieux et qui étaient prêts à marcher en avant en son nom, valaient plus que
tous les autres qui semaient autour d'eux les germes du mécontentement et
prédisaient la défaite. Rien n'est mieux fait pour décourager une armée, rien
n'est mieux fait pour décourager une Eglise que d'avoir dans son sein des gens
qui s'attendent toujours à des désastres et répètent sans cesse : Vous vous
donnez une peine inutile ; nous n'approuvons pas ces efforts.
Il serait heureux pour l'Eglise de
Dieu si tous les esprits timorés, si tous ceux qui manquent de foi retournaient
chez eux, afin de permettre à ceux qui sont pleins de foi et de courage de
marcher en avant contre l'ennemi. Cette petite troupe de trois cents hommes qui
resta avec Gédéon mit en déroute les Madianites ; mais ce ne fut pas par sa
propre force, ce fut par « l'épée de l’Éternel et de Gédéon. » Si nous marchons
en avant, au nom du Seigneur et nous confiant en sa force, nous réussirons
certainement.
Avant de quitter la terre, Moïse fit
tout ce qu'il put pour encourager Josué, pour le fortifier et pour le réjouir.
Il n'y avait pas trace de jalousie dans le cœur de Moïse quoiqu'il ne lui fût
pas permis d'entrer dans la Terre promise. Il savait que c'était un bon pays,
et il fit tous ses efforts pour encourager Josué à en prendre possession. Après
la mort de Moïse, Dieu parla à Josué, et trois fois, dans ce premier entretien,
il lui dit : «Fortifie-toi et prends courage. » Dieu voulait encourager son serviteur.
« Nul ne pourra subsister devant toi pendant tous les jours de ta vie, lui
dit-il; je serai avec toi comme j'ai été avec Moïse. Je ne te laisserai point,
et je ne t'abandonnerai point. »
Or, il arriva quelque temps après que
Josué se trouvait près des murs de Jéricho, et il vit un homme qui se tenait
debout devant lui, son épée nue à la main. Josué n'eut pas peur, mais il alla
vers lui et lui dit : « Es-tu des nôtres, ou de nos ennemis ? » Il fut
récompensé de son courage, car l'homme lui répondit : «Je suis le chef de
l'armée de l’Éternel » Il avait été envoyé à Josué pour l'encourager et le
mener à la victoire.
C'est ainsi qu'on voit, d'un bout à
l'autre des Écritures que Dieu aime à se servir des hommes courageux, et non
pas de ceux qui s'attendent à la défaite. Une autre chose encore : jamais, à ma
connaissance, rien de grand n'a été fait pour le service de Dieu par un homme
découragé. Qu'un pasteur monte en chaire accablé par le découragement, son état
d'esprit se communiquera à son auditoire. De même pour un moniteur de l'Ecole
du Dimanche. Quelle que soit notre sphère d'activité, il nous sera impossible
de réussir si nous nous laissons aller au découragement. Dieu ne se servira pas
de nous.
Un pasteur m'a raconté qu'il avait
prêché pendant bien des années sans obtenir aucun résultat. Chaque fois qu'il
partait pour l'Eglise, il disait à sa femme: « Je suis sûr que personne ne
croira ce que je dis ; » et en effet, sa parole restait stérile. Enfin il
reconnut son erreur; il demanda à Dieu de lui aider, il reprit courage, et la
bénédiction lui fut accordée. « Il vous sera fait selon votre foi. » Ce pasteur
s'était attendu à ne rien recevoir, et il n'avait pas été trompé dans son
attente. Chers amis, attendons-nous à ce que Dieu nous emploie à son service.
Prenons courage et marchons en avant, comptant sur Dieu pour accomplir de
grandes choses.
Elie sur le Mont Carmel était un homme
bien différent de ce qu'il fut au désert quand, en proie au découragement, il
se laissa tomber sous un genêt. Dans le premier cas, c'était un géant, et rien
ne pouvait lui résister. Dans le second, il avait perdu toute force morale, et
tremblait en pensant au message de la reine Jésabel. Il désirait que Dieu
reprit son âme, et il ne pouvait plus rien faire pour Dieu. Il fallut que le
Seigneur eût pitié de lui, et lui parlât : « Que fais-tu ici, Elie? » lui
dit-il. Je voudrais que Dieu parlât ainsi à tant de gens qui ne sont chrétiens
que de nom, qui ne vivent jamais en communion avec lui, et qui ne font rien pour
sa cause.
Pierre aussi, lorsqu'il renia son
maître, était un tout autre homme que le jour de la Pentecôte. Sa communion
avec son Maître avait été troublée, et la parole d'une servante fut suffisante
pour le remplir de terreur. Il renia son maître, avec des serments et des
imprécations. Jusqu'où un homme ne peut-il pas tomber quand il perd sa foi et
son courage !
Mais Pierre fut réhabilité. Voyez-le
le jour de la Pentecôte. Si la servante dont la question l'avait fait trembler,
s'est trouvée dans la foule, et l'a entendu prêcher le merveilleux sermon qui
nous a été rapporté dans le livre des Actes, je me figure qu'elle a dû être la
personne la plus étonnée de tout Jérusalem. « Comment! se dit-elle. Je l'ai vu
il y a quelques semaines, et il tremblait de peur quand on disait qu'il était
un des disciples du Galiléen; Maintenant, il prend hardiment le parti de cet
homme et dit que c'est le Messie. Il n'a pas honte de lui à présent. »
Dieu se servit puissamment de Pierre
le jour de la Pentecôte lorsqu'il parla à cette immense assemblée, parmi
laquelle se trouvaient les meurtriers de son Maître et de son Sauveur. Mais
Dieu ne se serait pas servi de lui si Pierre ne s'était pas d'abord repenti de
sa lâcheté et s'il n'avait pas recouvré sa foi et son courage. Il en est de
même aujourd'hui. Si un homme qui a mis son activité au service de Jésus-Christ
vient à perdre courage et se met à douter, le Seigneur le met de côté.
Il y a quelques années, j'ai traversé
une période de découragement qui dura plusieurs semaines. Un certain Dimanche,
entre autres, il me sembla, après avoir prêché, que mes efforts resteraient
sans résultat. Le lendemain, j'étais très abattu, et je passai la matinée dans
mon cabinet, plongé dans de tristes réflexions et méditant sur mon manque de
succès. Une visite vint interrompre le cours de mes pensées. C'était celle d'un
jeune homme qui faisait une classe biblique pour une centaine d'adultes, dans
l'école du Dimanche que je dirigeais. Dès qu'il entra, je vis sur sa
physionomie comme un reflet céleste, tandis que moi, je me traînais dans les
bas-fonds de la terre.
- «
Eh bien ! Me dit-il, avez-vous été content de votre journée d'hier ? »
- «
Pas du tout, répondis-je ; je sens que je n'ai pas obtenu le moindre résultat,
et je suis tout à fait abattu. Et vous, êtes-vous content de votre journée? »
- «
Je crois bien ! Je n'ai jamais eu un meilleur Dimanche.»
- «
Quel sujet aviez-vous pris? » - « J'avais à étudier la vie et le caractère de
Noé. Avez-vous jamais prêché sur Noé ? Avez vous étudié à fond son histoire ? »
- «
Mais non ; je ne crois pas en avoir jamais fait une étude particulière. » Il me
semblait que je savais assez bien tout ce qui est dit de lui dans la Bible. Son
histoire n'est pas très longue.
-«
Eh bien, si vous n'avez jamais étudié cette vie, je vous conseille de le faire
à présent. Cela vous fera du bien. Quel homme merveilleux que Noé ! »
Quand le jeune homme fut parti, je
pris ma Bible et quelques autres livres, et je me mis à lire tout ce que je pus
trouver sur Noé. Il n'y avait pas longtemps que je lisais quand la pensée me
vint: Voici un homme qui avait travaillé pendant cent vingt ans, sans obtenir
une seule conversion en dehors de sa famille. Et cependant, il ne s'est pas
découragé. Je fermai ma Bible ; le nuage s'était dissipé, et je sortis pour me
rendre à une réunion de prières qui avait lieu à midi. A peine étais-je entré
qu'un pasteur se leva pour nous dire qu'il arrivait d'une petite ville de
l'Illinois, et que la veille il avait admis cent nouveaux membres dans
l'Eglise. En l'écoutant, je me disais : Noé n'a jamais vu de résultats
comparables à ceux-là. Que n'aurait-il pas donné pour entendre une nouvelle
semblable ?
Quelques instants après, un homme qui
était assis immédiatement derrière moi se leva à son tour. Il s'appuyait sur
mon banc et je le sentais trembler. Je devinai son émotion. « Je voudrais,
dit-il, qu'on priât pour moi. Je voudrais devenir chrétien. » Cette fois
encore, je rentrai en moi-même et je me dis : Que n'eût pas donné Noé pour entendre
une parole de repentir comme celle-là ! Jamais il n'entendit un seul pécheur
implorer la miséricorde de Dieu, et pourtant il ne perdit pas courage. Depuis
ce jour, je ne me suis plus laissé aller au découragement. Demandons à Dieu de
dissiper les sombres nuages de l'incrédulité et du doute, et avançons-nous
pleins de courage, au nom de notre Dieu, en comptant sur un résultat certain.
Admettant même, que vous ne puissiez
vous occuper activement d'aucune oeuvre, vous pouvez du moins vous rendre très
utile en encourageant les autres. Il ne manque pas de gens qui, non contents de
ne rien faire eux-mêmes, cherchent à décourager les autres à chaque pas qu'ils
font. Si vous les rencontrez, ils vous glacent de part en part. Je crois que
j'aimerais autant m'exposer au vent glacial du mois de mars, dans les rues
d'Édimbourg, que d'entrer en rapport avec ces soi-disant chrétiens.
Ecoutez-les parler de quelque nouvel
effort qu'on vient de faire : « Oui, sans doute, on a dû faire du bien, mais on
n'a pas atteint les masses. » On aurait dû faire telle eu telle chose de telle
ou telle manière, et que sais-je encore? Ces sévères critiques ne veulent voir
que le mauvais côté des choses.
Ne faisons pas attention à ces sombres
pronostics et à ces remarques décourageantes. Au nom de notre grand Commandant,
marchons au combat et à la victoire. Il y a des généraux dont le nom seul vaut
plus qu'une armée de dix mille hommes. Pendant la grande guerre civile
d'Amérique, il y avait des officiers dont la présence, faisait éclater des
hourrahs enthousiastes sur toute la ligne. Les soldats savaient bien qui allait
les conduire, et ils étaient sûrs de la victoire. Ils aimaient à combattre sous
de tels généraux.
Fortifions-nous dans le Seigneur,
encourageons-nous les uns les autres, et notre travail sera abondamment béni.
Le livre des Chroniques nous raconte
que Joab, général de l'armée de David, encourageait beaucoup son frère qui lui
aidait à faire la guerre. « Sois vaillant, lui disait-il, et combattons
vaillamment pour notre peuple et peur les villes de notre Dieu; et que
l'Éternel fasse ce qu'il lui semblera bon. » Soyons animés du même esprit, et
le Seigneur nous fera triompher de nos ennemis.
Si nous ne pouvons pas être dans la
mêlée nous-mêmes, du moins ne décourageons pas les autres. Un chef écossais du
clan Mac Gregor tomba grièvement blessé à la bataille de Sheriff-Muir. A cette
vue, le clan faiblit, et l'ennemi prit de l'avantage sur lui. Le vieux chef
s'en aperçut. Se soulevant sur son coude, tandis que le sang coulait à flots de
ses blessures, il s'écria: Je ne suis pas encore mort, mes enfants. Je vous
regarde faire votre devoir. Cette parole ranima leur courage, et ils se
précipitèrent en avant avec une énergie presque surhumaine. De même, quand notre
foi faiblit et que notre cœur se sent prêt à défaillir, écoutons la voix du
Capitaine de notre salut: « Voici, je suis tous les jours avec vous jusqu'à la
fin du monde, nous dit-il; je ne te laisserai point et ne t'abandonnerai
point. Sois fidèle jusqu'à la mort et je te donnerai la couronne de vie. »
Un de mes amis d'Amérique m'a raconté
dernièrement qu'un évangéliste était venu le trouver pour lui confier sa peine.
Tout allait de travers et il était tout à fait découragé. - « Le résultat final
de toutes choses vous cause-t-il aucun doute? lui demanda mon ami. Croyez-vous
que Jésus-Christ réussisse à fonder son royaume, et à établir sa puissance d'un
bout de la terre à l'autre, ou croyez-vous qu'il échouera dans cette entreprise
? » L'évangéliste répondit naturellement que le triomphe de Christ était
certain, mais il n'avait jamais envisagé la question sous cet aspect. Le
meilleur remède contre le découragement, c'est de regarder l'avenir en se
rappelant les promesses de Dieu. Mes chers amis, Jésus-Christ régnera
certainement. Hâtons-nous de faire l’œuvre qu'il nous a confiée. Si nous sommes
enveloppés par les nuages, rappelons-nous que le soleil brille ailleurs. Si
nous ne réussissons pas aussi bien que nous le voudrions, d'autres, peut-être,
sont plus heureux que nous.
Voyez comme notre tâche est plus
facile que celle des premiers chrétiens. Songez à tous les obstacles qui se
dressaient devant eux. Que de fois ils eurent à sceller de leur sang leur
témoignage ! Le jour de la Pentecôte, Pierre avait à lutter contre le mépris de
ceux qui l'écoutaient; on le croyait ivre. Ses premiers disciples n'étaient pas
entourés, comme nous le sommes aujourd'hui, d'amis sympathiques qui leur
préparaient de vastes salles comme celle-ci, qui priaient pour eux et les
encourageaient de toute manière. Voyez pourtant les merveilleux résultats de la
prédication de Pierre le jour de la Pentecôte.
Songez aux épaisses ténèbres qui
entouraient Luther en Allemagne, - aux difficultés qui assaillaient John Knox
en Ecosse. Cependant, ces deux hommes ont travaillé pour Dieu au milieu de
leurs contemporains et ils ont accompli une oeuvre grande et durable ;
aujourd'hui encore nous récoltons les fruits de leur travail fidèle. Songez à
l'obscurité qui enveloppait l'Angleterre au temps de Wesley et de Whitefield,
et voyez comme Dieu a béni leurs efforts. Pourtant ils avaient à lutter contre
des obstacles qui n'existent plus aujourd'hui. Ils ont marché résolument en
avant leur grand cœur plein de courage, et Dieu leur a donné le succès.
Je crois que si nos pères, qui
vivaient au siècle dernier, pouvaient revenir sur la terre, ils seraient
étonnés de voir toutes les facilités qui nous sont accordées aujourd'hui. Nous
avons beaucoup de privilèges qu'ils ne possédaient pas, et dont ils n'avaient
probablement aucune idée. Nous vivons à une grande et glorieuse époque. John
Wesley mit des mois à traverser l'Atlantique; nous faisons maintenant cette
traversée en quelques jours. Pensez aussi à la puissance que donne de nos jours
l'imprimerie.
Nous pouvons imprimer nos écrits et
les répandre jusqu'aux extrémités du monde. Puis nous avons le télégraphe
électrique, et les chemins de fer qui nous transportent rapidement dans les
endroits où nous désirons prêcher l'Évangile. N'ai-je pas raison de dire que
nous vivons à une glorieuse époque? Ne nous décourageons donc pas, mais mettons
à profit tous ces privilèges, et honorons notre Dieu en comptant sur de grands
résultats. Si nous y comptons, nous ne serons pas désappointés. Dieu est tout
prêt, tout disposé à agir en nous et par nous, si de notre côté, nous sommes
disposés à le laisser faire, et à lui servir d'instruments.
Peut-être quelques-uns d'entre nous
sont-ils faibles et âgés, et vous vous dites en m'écoutant: «Comme je voudrais
redevenir jeune ! J'aimerais à me lancer au plus fort de la mêlée.» Mais il y a
des choses que les personnes âgées peuvent faire aussi bien que les jeunes.
Vous pouvez aller de maison en maison afin d'inviter à ces réunions toutes les
personnes que vous rencontrerez. Il y a beaucoup de place dans cette grande
salle. L'Évangile y sera prêché, et bien des hommes, qui ne mettent jamais les
pieds dans un lieu de culte, consentiraient à venir ici.
Et si vous ne pouvez même pas faire
ces invitations, vous pouvez tout au moins encourager par de bonnes paroles
ceux qui travaillent, et demander à Dieu de les bénir. Il m'est arrivé bien des
fois, en descendant de chaire, de voir un vieillard, arrivé aux confins mêmes
de l'éternité, s'approcher de moi, me serrer la main, et me dire d'une voix
émue : « Que le Seigneur vous bénisse! » - Comme ces paroles m'ont fait du bien
et m'ont encouragé ! Vous qui êtes trop faibles maintenant pour travailler
vous-mêmes, ne négligez pas d'encourager les jeunes.
Une autre chose que vous pouvez faire,
c'est de demander à Dieu de bénir toutes les paroles qui seront prononcées,
tous les efforts qui seront faits. Il devient facile de prêcher quand on sent
qu'il y a des âmes qui prient pour vous et sympathisent avec vous au lieu de
critiquer et de trouver à redire.
Vous connaissez, je pense, l'histoire
de cet enfant qui fut sauvé d'un incendie. Il était au quatrième étage d'une
maison, les flammes l'enveloppaient et il courut à la fenêtre en criant au
secours. Un pompier s'élança aussitôt sur l'échelle pour essayer de le sauver.
Malheureusement, le vent soufflait et chassait les flammes de son côté,
tellement que la chaleur devint intolérable; il parut hésiter, et l'on put
craindre qu'il revint sans l'enfant. Des milliers de spectateurs le regardaient,
et leur cœur frémissait à la pensée que l'enfant allait périr dans les flammes
si le pompier n'arrivait pas jusqu'à lui. Tout à coup, quelqu'un dans la foule
s'écria « Encouragez-le ! » Aussitôt un « hourrah » formidable, suivi de
plusieurs autres, s'échappa de toutes les poitrines. « Courage ! En avant ! » Électrisé par ces cris, le brave pompier reprit courage ; il affronta les
flammes et la fumée, et il revint avec l'enfant dans ses bras.
Si vous ne pouvez pas aller vous-même à la
recherche de ceux qui périssent, priez du moins pour ceux qui y vont, et
encouragez-les. Si vous le faites, le Seigneur vous exaucera et bénira efforts.
Chacun a aidé à son prochain, et a dit à son frère : Fortifie-toi!
Chapitre 4
LA RÉCOMPENSE DE LA FOI
« Or, un jour que Jésus enseignait, et
que des Pharisiens et des docteurs de la loi, qui étaient venus de tous les
bourgs de la Galilée, et de la Judée, et de Jérusalem, étaient là assis, la
puissance du Seigneur agissait pour guérir les malades. Alors il survint des
gens qui portaient sur un lit un homme perclus ; et ils cherchaient à le faire
entrer dans la maison, et à le mettre devant Jésus. Et ne sachant par où le
faire entrer, à cause de la foule, ils montèrent sur la maison, et le
descendirent par une ouverture avec son lit, au milieu de l'assemblée, devant
Jésus, qui ayant vu leur foi, lui dit : Ô homme ! tes péchés te sont pardonnés.
»
Les trois évangélistes, Mathieu, Marc
et Luc, nous racontent cette histoire. J'ai remarqué que quand le même miracle
est rapporté par deux ou trois des auteurs évangéliques, c'est toujours pour
faire ressortir quelque vérité importante. Il me semble que ce que le Seigneur
veut nous enseigner ici, c'est la manière dont il honore la foi des quatre
hommes qui lui avaient amené ce paralytique pour qu'il le guérit. On ne nous
parle pas de la foi du paralytique lui-même. Ce fut en voyant leur foi que
Jésus exerça sa puissance et guérit le malade.
(Plusieurs commentateurs sont d'avis qu'en
parlant de « leur foi,» l'évangéliste n'a pas entendu exclure celle du
paralytique lui-même. Calvin, par exemple s'exprime ainsi « Christ n'a pas
tellement regardé ceux qui portoyent le paralytique qu'il n'ait aussi eu esgard
à la foy d'iceluy. » Trad.)
Je voudrais dire maintenant à tous
ceux qui travaillent pour Christ que si le Seigneur voit que nous comptons sur
sa bénédiction, il honorera notre foi, et sauvera ceux que nous lui amènerons.
Il n'a encore jamais trompé l'attente de ses enfants. Vous ne trouverez pas
dans la Bible un seul exemple d'un homme ou d'une femme dont la foi sincère
n'ait pas été honorée par Dieu. Pendant que le Seigneur Jésus était sur cette
terre, maudite à cause du péché, rien ne le réjouissait autant que de voir la
foi de ses disciples ; rien ne fortifiait autant son cœur.
L’Évangile nous raconte qu'il régnait
à ce moment-là une grande agitation dans la ville de Capernaüm. Quelques
semaines auparavant, le Sauveur avait été chassé de la ville de Nazareth, où il
avait été élevé. Il était descendu à Capernaüm, et tout le peuple avait été
étonné de sa doctrine. Son étoile se levait à l'Orient, et sa réputation
commençait à se répandre dans tout le pays d'alentour. La belle-mère de Pierre
avait été guérie par une simple parole. Le serviteur d'un officier de l'armée
romaine avait été relevé d'un lit de maladie, et le Sauveur avait accompli
plusieurs autres miracles remarquables. On venait à Capernaüm de toutes les
villes de la Galilée, de la Judée, et de Jérusalem. On se rassemblait pour
s'enquérir plus exactement des faits merveilleux qui se passaient.
La voix de Jean-Baptiste, proclamant
la venue d'un prophète dont il n'était pas digne de délier la courroie des
souliers, avait retenti d'une extrémité à l'autre du pays. Jean-Baptiste
l'annonçait encore, que déjà le prophète lui-même apparaissait dans le nord de
la Galilée, et que de nombreux prodiges signalaient sa venue.
Les Pharisiens et les docteurs de la
loi étaient venus à Capernaüm pour examiner de plus près les récits qui
circulaient. Ils entouraient le jeune docteur afin d'entendre ses
enseignements, et la foule envahissait la maison où ils étaient réunis. Il est
probable que la plupart de ces sages croyaient à peine un mot de ce que disait
Jésus ; mais il y en avait peut-être aussi quelques-uns dont le cœur s'ouvrait
à sa parole. Qui sait si Nicodème et Joseph d'Arimathée n'étaient pas là. En
tout cas, ils ne s'étaient pas encore déclarés publiquement disciples de Jésus.
« La puissance du Seigneur, nous dit
l'évangéliste, agissait pour guérir les malades;» il n'ajoute pas, cependant,
que tous les malades fussent guéris. Il en est de même très souvent aujourd'hui.
La puissance du Seigneur peut agir
dans ces assemblées pour guérir ceux qui souffrent ; cependant, bien des âmes
s'en iront, se demandant ce que tout cela veut dire, et sans avoir été guéris
de leurs maladies spirituelles. Ce qu'il nous faut, c'est de sentir la
puissance du Seigneur au milieu de nous.
Il y a quelque temps, un individu
entra dans une de nos réunions à Londres. Il se trouva placé dans une partie de
la salle d'où il ne pouvait rien entendre distinctement. Il n'entendit même pas
le chapitre de la Bible qui fut lu, ni le texte du sermon. Il resta pourtant à
sa place pendant tout le service, renfermé en lui-même pour ainsi dire. Il a
raconté plus tard que ce fut alors que Dieu se révéla à lui, et parla de paix à
son âme. Je crois à l'action de l'Esprit de Dieu, même sans l'intermédiaire
d'aucune voix humaine.
Ces quatre porteurs se rendirent plus
utiles que tous ces Pharisiens et tous ces docteurs de la loi, qui étaient
venus uniquement pour regarder et pour critiquer. Je ne sais pas qui ils
étaient, mais je les ai toujours beaucoup admirés.
Peut-être l'un d'eux avait-il été
aveugle, et le Seigneur lui avait-il rendu la vue. Peut-être un autre avait-il
été infirme dès sa naissance, et quand Jésus lui eut rendu l'usage de ses
membres, il se sentit pressé de les employer à amener au Seigneur quelque autre
malade pour qu'il le guérit. Le troisième avait peut-être été lépreux; il
connaissait le pauvre paralytique, et voulait qu'il eût part, lui aussi, aux
grâces du Seigneur. Quant au quatrième, il avait peut-être été sourd-muet, et
il voulait maintenant mettre ses nouvelles facultés au service des autres.
Après avoir été ainsi les objets de la miséricorde du Seigneur, ces quatre
hommes s'étaient dit: « Il faut amener à Jésus notre pauvre voisin paralysé. »
Le paralytique leur avait peut-être répondu qu'il ne croyait pas que Jésus pût
le guérir ; mais ces quatre amis lui avaient raconté comment il les avait
délivrés de leurs infirmités. S'il avait pu les guérir, pourquoi ne
guérirait-il pas aussi un paralytique ?
Il me semble que rien ne doit être
plus propre à réveiller la conscience d'un homme que de voir plusieurs
personnes s'intéresser à lui. Les missionnaires ou les évangélistes ont souvent
peur d'aller sur les brisées les uns des autres. Pour ma part, je serais très
heureux que chaque famille du quartier reçût une quarantaine d'invitations pour
chacune de nos réunions.
On m'a parlé dernièrement d'un homme
qui ne croit ni à Dieu, ni à la Bible, et qui ne va jamais à l'église. Un des
jeunes gens qui distribuent les billets d'invitation lui demanda s'il
n'aimerait pas à assister à l'une de nos réunions. Non certes, répondit-il en
colère; je ne crois pas à ces sortes de choses ; on ne me verra jamais dans une
foule de ce genre. Un peu plus tard, un second jeune homme, ne sachant pas
qu'on avait déjà parlé à ce monsieur, vint lui offrir un billet d'invitation.
Notre homme était encore irrité; il lui dit carrément sa façon de penser, et
refusa le billet.
La journée n'était pas achevée qu'un
troisième billet lui fut offert. Cette fois, il ne se fâcha pas, sa conscience
commençait à s'éveiller, il se contenta de refuser le billet. Enfin, il sortit
pour faire une emplette. Le marchand glissa un des billets d'invitation dans le
paquet, et quand l'acheteur fut rentré chez lui, quelle ne fut pas sa surprise
en trouvant le malencontreux papier. C'en était trop. Frappé d'une telle
persistance, il alla, non à notre réunion, mais dans une église voisine, et je
crois qu'il est maintenant sur la voie du salut.
Si une première tentative ne réussit
pas auprès de la personne que vous désirez amener au Sauveur, faites-en une
autre, et encore une autre; recommencez, jour après jour. C'est une grande
chose que de sauver un homme, de lui aider à sortir de l'abîme où il s'enfonce,
et à poser ses pieds sur le roc, de lui apprendre à chanter le cantique de la
délivrance. Rien ne contribuera plus à réveiller la conscience d'un homme que
de voir l'intérêt sincère que lui portent ses amis. Si vous n'y parvenez pas
tout seul, faites-vous aider par d'autres.
Ces quatre hommes rencontrèrent un
obstacle sur leur route. L'entrée de la maison était encombrée par la foule, et
il était impossible de pénétrer jusqu'au Maître. Peut-être demandèrent-ils à
quelques personnes de s'écarter ; mais non, personne ne voulait bouger. On ne
se souciait pas de se déranger pour un malade. - Il ne manque pas de gens qui
ne veulent pas entrer eux-mêmes dans le royaume de Dieu, et qui jettent des
obstacles devant ceux qui voudraient y parvenir. Après avoir fait de vains
efforts pour franchir la porte, les quatre porteurs se mirent sans doute à la
recherche d'un autre moyen. Si certains d'entre nous avaient été à leur place,
il est probable que nous aurions été tout à fait découragés, et que nous
aurions ramené le paralytique chez lui.
Ces hommes avaient non seulement une
grande foi, mais une grande persévérance. Ils sont résolus à amener leur ami à
Jésus. S'ils ne peuvent pas passer par la porte, eh bien, ils trouveront moyen
de passer par le toit ! « Vous avez du zèle sans connaissance, » dit-on souvent
d'un ton de reproche.
J'avoue que j'aime bien mieux cela que
de la connaissance sans zèle. Voyez les efforts de ces quatre porteurs pour
hisser leur fardeau jusque sur le toit. Si vous avez jamais essayé de porter un
blessé dans un escalier, vous comprendrez que la besogne n'était pas facile ;
mais ces quatre hommes n'étaient pas d'humeur à reculer ; les voilà enfin sur
le toit.
Il s'agit maintenant de faire
descendre le paralytique dans l'intérieur de la maison. Ils commencent à
enlever quelques tuiles. Je crois voir tous ces savants et tous ces docteurs
lever la tête, et se dire les uns aux autres : Quelle étrange manière de faire
! Nous n'avons jamais vu entrer dans une maison par le toit. Ce n'est pas dans
l'ordre. Ces hommes se laissent emporter par le fanatisme. Voyez quel trou ils
ont fait !
Mais la résolution de ces hommes est
bien ferme; rien ne saurait les en détourner. Ils font descendre, au milieu de
la chambre, la couverture sur laquelle était étendu le paralytique, et déposent
leur ami aux pieds de Jésus. Quelle bonne place ils avaient choisie, n'est-il
pas vrai ! Si vous avez un fils incrédule, un mari sceptique, ou tout autre
membre de votre famille, qui se moque de la Bible et se raille du
christianisme, portez-le aux pieds de Jésus, et le Seigneur honorera votre foi.
« Quand Jésus vit leur foi, » dit le
récit de l'Évangile. Je pense que ces hommes se penchaient sur le bord de
l'ouverture du toit pour voir ce qui allait se passer; Jésus-Christ les
regarda, et quand il vit leur foi il dit au paralytique : « Prends courage, mon
fils, tes péchés te sont pardonnés. » C'était plus qu'ils n'avaient demandé ;
ils n'avaient pensé qu'à la guérison de son corps. Amenons aussi nos amis à Jésus,
et nous recevrons plus que nous n'aurons demandé. Le Seigneur a commencé à
accorder au paralytique le don qui lui était l’essentiel. Il est très possible
que sa paralysie eût été occasionnée par ses péchés, et que pour ce motif, le
Seigneur ait commencé par lui pardonner ses péchés.
Les Pharisiens se mettent à raisonner
en eux-mêmes. « Qui est celui-ci qui pardonne les péchés ?» Le Maître pouvait
lire leurs pensées aussi facilement que nous pouvons lire un livre. - « Lequel
est le plus aisé, leur répond-il, de dire : Tes péchés te sont pardonnés ; ou
de dire : Lève-toi et marche? Or, afin que vous sachiez que le Fils de l'homme
a sur la terre l'autorité de pardonner les péchés: Lève-toi, dit-il au
paralytique, je te le dis, emporte ton lit et t'en va à ta maison. » Aussitôt
le paralytique s'élança sur ses pieds, tout à fait guéri. Il roula sa
couverture, la jeta par-dessus ses épaules, et s'en alla chez lui.
Soyez sûrs que tous les sages et tous
les philosophes qui n'avaient pas voulu se déranger pour le laisser entrer, se
dépêchèrent de lui faire place pour le laisser sortir. Il n'eut pas besoin de
s'en aller par le toit ; il passa par la porte.
Mes chers amis, ayons confiance pour
ceux que nous amenons à Christ. Croyons pour eux s'ils ne veulent pas croire
pour eux-mêmes. Parmi ceux qui m'écoutent, il y en a peut-être qui ne croient
ni à la Bible ni à l'Évangile du Fils de Dieu. Amenons-les à Christ dans les
bras de la foi. Il ne change jamais ; « il est le même hier, aujourd'hui et
éternellement.» Comptons sur de grandes bénédictions. Attendons-nous à voir les
morts ressusciter, les pécheurs se convertir et le diable perdre sa puissance.
De nos jours, aussi bien que du temps de Jésus-Christ, il y a des hommes qui
sont possédés de l'esprit du mal.
Amenons-les aux pieds de Jésus-Christ
afin qu'il puisse les guérir et les sauver. Arrachons de notre cœur cette
maudite incrédulité, et venons à Dieu tous ensemble, avec la certitude que nous
verrons des signes et des merveilles s'accomplir au nom de Jésus. Notre Sauveur
a conservé la puissance d'opérer des miracles, et il en fera, si nous lui
demandons de tenir sa promesse. « Il peut toujours sauver ceux qui s'approchent
de Dieu par lui. »
S'il se trouve parmi nous un
homme inconverti, Dieu a la puissance de le sauver de ses péchés aujourd'hui
même. Si vous avez le désir d'être converti, venez droit au Maître, comme le
lépreux d'autrefois. « Seigneur, lui dit-il, si tu le veux, tu peux me
nettoyer. » Jésus honora sa foi, et lui dit : « Je le veux, sois nettoyé. »
Remarquez bien, - cet homme avait mis le si où il fallait: « Si tu le veux. »
Il ne doutait pas de la puissance du Fils de Dieu. Le père qui avait amené son
fils à Jésus, avait dit: « Si tu y peux quelque chose, aie compassion de nous. »
Le Seigneur le plaça immédiatement sur le terrain de la vérité, en lui disant ,
« Si tu le peux croire, toutes choses sont possibles à celui qui croit. » Ô
mère ! peux-tu croire que Dieu sauvera ton fils ? Si tu le peux, le Seigneur
prononcera la parole de délivrance ; il te sera fait selon ta foi.
Il nous est bon de nous placer aux
pieds du Maître, et d'y rester. Quand la pauvre femme, chez qui avait logé le
prophète Élisée vint lui demander de rendre la vie à son fils, le prophète dit
à son serviteur de partir aussitôt et d'aller mettre son bâton sur le visage de
l'enfant. Mais la mère ne voulait pas quitter le prophète; ce n'était pas assez
qu'il envoyât son serviteur ni qu'il fit mettre son bâton sur le visage de
l'enfant; il lui fallait le maître lui-même. Alors Élisée partit avec elle, et
ce fut très heureux, car le serviteur n'avait pas pu ressusciter l'enfant.
A
nous aussi, il faut plus que le bâton du prophète, plus que le serviteur. Nous
avons besoin d'aller au-delà, jusqu'au cœur du Maître lui-même. Amenons-lui nos
amis paralysés. Il est dit de Jésus que, dans une certaine ville, il ne put
faire que peu de miracles à cause de leur incrédulité. Demandons-lui de nous
délivrer de cette malheureuse incrédulité, qui empêche la bénédiction de Dieu
de descendre sur nous et qui empêche aussi d'être sauvés ceux qui souffrent de
la paralysie du péché.
Chapitre 5
L'ENTHOUSIASME
« Réveille-toi, toi qui dors, et te
relève d'entre les morts, et Christ t'éclairera.» Je désire appliquer ces
paroles aux enfants de Dieu. Le monde se perd, et il ne sera sauvé par l’Évangile du Fils de Dieu que si les chrétiens se donnent plus de peine pour
le lui porter. Quand, secouant notre torpeur, nous irons travailler dans la
vigne de notre Père céleste, alors ceux qui vivent dans le mal tout autour de
nous, entendront parler du salut, mais pas autrement. C'est très bien de former
des comités et de rechercher le meilleure manière d'atteindre les masses, mais
quand vous aurez fini de discuter, il faudra recourir de nouveau aux efforts
personnels. Quiconque aime le Seigneur Jésus-Christ doit se rendre compte de ce
fait qu'il a une mission à remplir dans le monde, qu'il a une part dans cette
grande oeuvre du salut.
On peut parler en dormant, et il me
semble que nous en voyons souvent des exemples parmi les ouvriers du Seigneur.
On peut même prêcher en dormant. Un de mes amis a prononcé une fois tout un
sermon pendant son sommeil. Sa femme lui raconta le lendemain tout ce qu'il
avait dit, et le Dimanche suivant, dans son église, il prêcha le même sermon
d'un bout à l'autre. Il l'a fait imprimer, et c'est un très bon sermon. On peut
donc, non seulement parler, mais prêcher, pendant son sommeil. Il y a bien des
prédicateurs aujourd'hui qui sont profondément endormis.
Mais il est une chose, cependant,
qu'il faut se garder d'oublier : on ne peut pas travailler en dormant. Il n'y a
pas de meilleur moyen de réveiller une Église que de la mettre à l’œuvre. En se
réveillant soi-même, on réveille les autres. Il va sans dire que dès que nous
déclarerons la guerre au monde, au péché, au diable, les sages du siècle
hocheront la tête, et s'écrieront: «Votre zèle est sans connaissance.»
Depuis que je suis entré dans la vie
chrétienne, je n'ai pas cessé d'entendre cette objection. L'autre jour, on
parlait devant moi d'un nouveau projet d'évangélisation, et quelqu'un exprima
l'espoir que le zèle serait accompagné de modération. Un autre ami répondit
avec beaucoup de sagesse qu'il espérait que la modération serait accompagnée de
zèle. S'il en était ainsi, le christianisme serait comme une flamme s'étendant
sur toute la surface de la terre. Il n'y a pas de puissance au monde qui puisse
résister à la marche en avant des enfants de Dieu quand ils sont résolus à
vaincre.
Dans tous les siècles, Dieu s'est
servi de ceux dont le cœur était tout entier dans leur oeuvre. Satan appelle
toujours à son service les gens paresseux. Dieu, au contraire, n'accepte que
les hommes actifs et courageux. Quand nous serons bien réveillés et prêts au
travail, alors Dieu se servira de nous. Vous vous rappelez où Elie trouva Élisée : dans un champ qu'il labourait. Quand Dieu l'appela, Gédéon était
occupé à battre son blé. Moïse gardait les troupeaux dans la montagne d'Horeb.
Aucun de ces grands serviteurs de Dieu n'était paresseux; ce qu'ils faisaient,
ils le faisaient de toute leur force. Nous avons besoin aujourd'hui d'hommes et
de femmes de cette trempe. Si nous ne pouvons pas mettre au service de Dieu
autant de talents, autant de connaissances, que nous le voudrions, apportons-y
au moins tout le zèle qu'il nous a donné.
M. Taylor dit quelque part: «Voici
comment le zèle des apôtres s'est manifesté: ils annonçaient l’Évangile en
public et en particulier ; ils priaient pour tous les hommes ; ils suppliaient
Dieu avec larmes de fondre les cœurs endurcis des hommes ; ils se faisaient
tout à tous afin d'en sauver au moins quelques-uns ; ils parcouraient les
terres et les mers ; ils s'exposaient aux ardeurs du soleil de Syrie et à la
violence du vent Euroclydon ; ils ne craignaient ni les tempêtes, ni la prison,
ni la moquerie, ni la persécution, ni le jeûne, ni la pauvreté, ni les travaux,
ni les veilles ; ils supportaient tout, et ne faisaient de tort à personne.
Rien ne leur coûtait, ni effort à faire, ni souffrance à endurer, s'ils
pouvaient espérer de gagner une âme ; ils persuadaient les hommes avec douceur,
ils les pressaient avec humilité, ils leur déclaraient le conseil de Dieu avec
puissance ; ils veillaient sur leurs âmes, mais ne se mêlaient pas de leurs
intérêts. C'est là le zèle chrétien, le zèle de la douceur, le zèle de l'amour,
le zèle de la patience. »
Beaucoup du gens ont peur du mot
ENTHOUSIASME. Savez-vous ce que veut dire ce mot ? Il veut dire : en Dieu.
L'homme qui est «en Dieu » sera certainement rempli d'enthousiasme. Quand on
entreprend une affaire avec ardeur et zèle, on manque rarement de réussir. Un
général d'armée qui est plein d'enthousiasme, enflammera ses hommes et
accomplira de bien plus grandes choses que celui qui n'est pas animé du même
esprit. On nous dit que si nous sommes si enthousiastes nous commettrons
beaucoup d'erreurs. C'est probable. Avez-vous jamais vu un apprenti qui ne
commit pas d'erreurs en apprenant son métier? Si vous ne vous mettez pas à
l’œuvre par crainte de commettre des erreurs, il y a une grande erreur, au
moins, que vous n'éviterez pas, la plus grande erreur de votre vie, celle de ne
rien faire. Si chacun de vous fait ce qu'il peut, soyez sûrs qu'il y aura de
bons résultats.
Que de fois nous voyons des moniteurs
de l'école du Dimanche se mettre à l’œuvre sans aucun enthousiasme. J'aimerais
tout autant avoir des mannequins dans mon école que certains moniteurs que j'ai
connus. Si j'étais charpentier, je pourrais en fabriquer autant que je
voudrais. Regardez un de ces moniteurs qui n'ont ni cœur, ni feu, ni
enthousiasme. Il arrive à l'école, plus souvent en retard qu'en avance. Il va
se mettre à sa place ; puis, sans échanger aucune parole avec ses élèves, il
commence à faire réciter la leçon, et tire de sa poche un petit livre avec
questions et réponses. Il ne s'est pas donné la peine d'étudier lui-même la
leçon du jour, et il est obligé d'avoir recours à ce que d'autres ont écrit sur
le sujet.
- Un moniteur de ce genre-là ouvre son
questionnaire: - Jean, dis-moi qui fut le premier homme – jetant un regard sur
son livre: Oui, c'est bien la question. Jean répond: Adam. - Nouveau regard du
moniteur sur son livre. - Oui, c'est bien. Puis il passe à un autre élève, et
toujours avec l'aide de son livre : - Charles, qui était Lot? - C'était le
neveu d'Abraham. - Très bien, mon garçon. - Et ainsi de suite. Vous me direz
que j'exagère. C'est évident, et je ne prétends pas que cette description soit
rigoureusement exacte, mais elle n'est pas aussi fantaisiste que vous pourriez
le croire. Vous imaginez-vous que c'est en s'y prenant de la sorte qu'on pourra
faire grand bien à des enfants pleins de vie et d'ardeur?
J'aime à voir un moniteur arriver de
bonne heure dans son groupe et donner des poignées de main à tous ses élèves :
- Bonjour, Jean ; comment cela va-t-il? - Ah ! te voilà, Charles ! Cela me fait
plaisir de te voir. Comment va le bébé? Et ta mère? J'espère que tout le monde
se porte bien chez toi. Voilà le genre de moniteur que j'aime. Quand il
commencera à expliquer la leçon, tous les élèves écouteront ce qu'il dira. Il
saura fixer l'attention du groupe tout entier, et il pourra diriger leurs cœurs
vers le ciel et vers Dieu. Citez-moi une seule personne qui ait fait de grandes
choses pour Dieu et qui n'ait pas été remplie d'enthousiasme. Si c'est là
l'esprit dans lequel nous travaillons, Dieu nous bénira et nous donnera le
succès.
Avant mon départ d'Amérique, en 1867,
un de mes amis vint me dire : « J'espère que vous irez à Édimbourg et que vous
assisterez à l'assemblée générale de l'Eglise d'Ecosse. J'y étais l'année
dernière, et j'y ai reçu une impression qui ne s'effacera jamais. Le Dr Duff
prononça un discours qui nous électrisa tous. Jamais je n'oublierai l'heure que
j'ai passée dans cette assemblée. »
Je suivis le conseil de mon ami,
j'allai passer huit jours à Edimbourg dans l'espoir d'entendre le Dr Duff. Je
me procurai le discours dont on m'avait parlé, et j'en fus profondément ému. Le
Dr Duff avait été missionnaire aux Indes. Au bout de vingt-cinq années passées
à annoncer l'Évangile et à fonder des écoles, il avait complètement perdu la
santé, et était revenu en Ecosse. Il avait demandé la permission de parler à
une des séances de l'assemblée générale, afin d'adresser un appel en faveur des
Missions. -
Après avoir parlé pendant un certain
temps, il fut si épuisé qu'il perdit connaissance. On l'emporta de la salle.
Dès qu'il revint à lui, il voulut y retourner : « Je n'ai pas fini mon
discours, dit-il ; je veux le finir.» On lui dit qu'il ne pourrait le faire
qu'au péril de sa vie. « N'importe, répondit-il. Dussé-je en mourir, je finirai
mon discours. » On dut le laisser retourner dans la salle, et mon ami me dit
que ce fut un des spectacles les plus solennels qu'il avait jamais vus.
Quand le vieillard aux cheveux blancs
parut à la porte de la salle, tous les membres de l'Assemblée se levèrent, et
bien des yeux devinrent humides à la vue de cet imposant vétéran. D'une voix
tremblante d'émotion : « Pères et mères de l'Écosse, leur dit-il, est-il vrai
que vous n'ayez plus de fils à envoyer aux Indes au service du Seigneur
Jésus-Christ? La voix de ceux qui demandent du secours s'élève de plus en plus,
mais personne n'y répond. Vous avez dans vos banques les fonds nécessaires,
mais où sont les travailleurs qui iront cultiver la vigne du Seigneur? Quand la
reine Victoria demande des volontaires pour son armée des Indes, vous donnez
vos fils en grand nombre. Vous ne parlez pas alors de la perte de leur santé ou
du climat dangereux. Mais quand le Seigneur Jésus-Christ demande des
travailleurs, l'Écosse lui répond: « Nous n'avons plus de fils à donner. »
Se tournant alors vers le président de
l'Assemblée : « Monsieur le Président, dit-il, s'il est vrai que l'Ecosse n'a
plus de fils à donner pour le service de Jésus-Christ aux Indes ; si personne
ne veut aller porter à ces païens la bonne nouvelle du salut, bien que j'aie
perdu ma santé dans ce pays, je repartirai demain, et ils sauront qu'il reste
encore sur la terre un vieil Écossais prêt à mourir pour eux. Je retournerai
sur les bords du Gange et j'y sacrifierai ma vie en témoignage pour le Fils de
Dieu. »
Bénissons Dieu de nous avoir donné un
homme comme celui-là ! Il nous faut aujourd'hui des hommes prêts, s'il le faut,
à déposer leur vie pour le Fils de Dieu. Quand nous les aurons, nous ferons une
impression profonde sur le monde. Quand les hommes verront que nous sommes
absolument sincères, leurs cœurs seront touchés, et nous pourrons les conduire
à Jésus-Christ.
Je n'approuvais pas Garibaldi en
toutes choses, mais j'avoue que j'admirais son enthousiasme. Jamais je ne
voyais son nom dans les journaux ou dans un livre sans lire tout ce que je
trouvais sur son compte. Il y avait quelque chose en lui qui m'enthousiasmait à
mon tour. Je me rappelle entre autres une lettre qu'il écrivait, en 1867,à ses
compagnons d'armes. Il avait été arrêté pendant sa marche sur Rome. « Quand
même cinquante Garibaldi seraient jetés en prison, écrivait-il, il faut que
Rome soit libre !» - Peu lui importait son propre bien-être, pourvu que la
liberté de l'Italie fût assurée. Si notre amour pour notre Maître et pour sa cause
est assez profond pour nous porter à faire n'importe quel sacrifice, soyez-en
sûrs, le Seigneur se servira de nous pour établir son royaume.
J'ai lu l'histoire d'un chef barbare
du neuvième siècle qui vint attaquer un roi. Ce roi avait une armée de trente
mille hommes, et quand il apprit que le chef n'avait que cinq cents hommes avec
lui, il lui fit dire que, s'il consentait à se rendre, il le traiterait avec
miséricorde, ainsi que ses soldats.
Dès que le chef barbare eut entendu
cette proposition, il se tourna vers un des hommes de sa suite, et lui dit: «
Prends ce poignard, et enfonce-le toi dans le cœur. » Le soldat obéit
immédiatement et tomba mort aux pieds de son chef. Puis se tournant vers un
autre : « Jette-toi dans ce précipice, » lui dit le barbare. Sans hésiter, le
second soldat s'élança dans le vide, et l'on vit son corps rebondir et se
briser sur les pierres. Le chef barbare s'adressa alors au messager du roi : «
Retourne vers ton maître, et dis-lui que j'ai cinq cents hommes tels que
ceux-ci. Nous pourrons mourir, mais nous ne nous rendrons jamais.
Dis à ton roi que dans quarante-huit
heures je le ferai enchaîner à côté de mes chiens. » Lorsque le roi sut de
quelle trempe étaient les hommes qui marchaient contre lui, il eut peur. Son
armée fut tellement démoralisée qu'elle fut bientôt dispersée comme de la
paille devant le vent. Selon la prédiction du chef, avant que les quarante-huit
heures fussent écoulées, le roi fut fait prisonnier et enchaîné à côté des
chiens de son vainqueur.
Quand on verra que nous n'avons
d'autre but au monde que de travailler pour Dieu, on se sentira ému, et l'on
viendra nous demander ce qu'il faut faire pour être sauvé.
La tempête était à son comble quand un
cri retentit: « Un homme à la mer ! » On put voir distinctement une forme
humaine luttant courageusement contre les éléments en furie et se dirigeant
vers le rivage ; mais les vagues l'entraînaient au large, et avant qu'on eût pu
descendre les embarcations, une effroyable distance séparait déjà le nageur du
secours qu'on voulait lui porter. Il poussa un cri qui domina le bruit de la
tempête. Ce fut un moment d'inexprimable angoisse. Tous les regards étaient
tendus vers le malheureux naufragé. Les braves rameurs raidissaient leurs
muscles et se courbaient sur leurs rames avec toute l'énergie dont ils étaient
capables ; mais tous leurs efforts furent inutiles. Encore un cri de désespoir,
et la victime disparut sous les flots. Alors on entendit un autre cri, non
moins perçant : Sauvez-le ! Sauvez-le ! et l'on vit un homme se précipiter sur
le bord du navire, levant les bras au ciel dans sa détresse «J'offre vingt
mille francs à celui qui le sauvera ! » mais son œil hagard n'eut rien d'autre
à contempler que la place où les vagues s'agitaient sans remords au-dessus de
l'homme qu'elles avaient englouti. Celui dont le cri perçant avait ému tous les
cœurs était le capitaine du navire, et le noyé était son propre frère. Ce désir
passionné de sauver son frère doit se retrouver chez quiconque s'est enrôlé
sous la bannière du grand Capitaine de notre salut. « Sauvez-le ! c'est mon
frère ! »
Le fait est que beaucoup d'hommes
rejettent le christianisme parce qu'ils trouvent que nous ne sommes pas
suffisamment convaincus, que nous ne nous prenons pas nous-mêmes assez au
sérieux. Dans cette même épître aux Ephésiens, où j'ai pris mon texte, l'Apôtre
dit «que nous devons être des épîtres vivantes, lues et connues de tous les
hommes. » Jamais, à ma connaissance, les chrétiens ne se sont mis résolument à
l’œuvre dans le champ du Seigneur sans que Dieu leur ait accordé une abondante
moisson. Hier soir, je suis venu à la réunion qu'on avait convoquée dans cette
salle pour les hommes qui sont adonnés à la boisson, et je vous assure que nous
avons eu de quoi nous occuper jusqu'à minuit.
Il y avait là des hommes qui avaient
été les esclaves de la boisson, et qui étaient venus dans l'espoir d'obtenir la
victoire sur leur terrible penchant. De quelque côté que vous mettiez la
faucille, vous verrez que la moisson est blanche, toute prête à être moissonnée.
Ce que Dieu demande, ce sont des
hommes et des femmes de bonne volonté. C'est infiniment plus précieux que les
plus excellentes institutions. Si un homme ou une femme sont tout à fait
résolus à travailler pour Dieu, ils n'attendront pas de faire partie de quelque
comité. Si je vois un homme tomber à la rivière et en danger de se noyer, je
n'attends pas de faire partie d'un comité pour essayer de le sauver. Bien des
personnes me disent qu'elles ne peuvent rien faire en fait d'évangélisation
parce que personne ne les en a chargées. La semaine dernière, j'ai demandé à
quelqu'un de nous aider dans nos réunions intimes. « Je n'appartiens pas à ce
quartier de Londres, » m'a-t-il répondu, Habituons-nous à regarder le monde
entier comme notre paroisse, comme notre champ de travail. Si Dieu a placé
quelqu'un à portée de notre influence, n'hésitons pas à lui parler de Christ et
du ciel. Peut-être le monde se lèvera-t-il contre nous et nous traitera-t-il
d'insensés. Je suis porté à croire que nul n'est propre pour le service de Dieu
s'il n'est disposé à passer pour fou aux yeux du monde.
On a bien dit que Paul était fou. Plût
à Dieu qu'il y eût parmi nous un grand nombre d'hommes atteints de la même
folie ! Comme quelqu'un l'a dit: Si nous sommes des fous, nous avons un
bon gardien pendant que nous sommes en route, et un bon asile au terme de notre
voyage.
Ce qui me fait beaucoup de peine c'est
qu'après être venu à des réunions comme celles-ci et avoir été ému, on reste
plein de zèle pendant deux ou trois semaines, peut-être ; puis tout cela
s'éteint. Cela me fait penser à un tas de copeaux sur lequel on a versé de
l'essence de térébenthine. Vous y mettez le feu, une flamme brillante s'élève,
mais bientôt il ne reste plus rien. Notre zèle ne doit jamais se ralentir, ni
jour ni nuit. J'ai entendu parler, en Amérique, d'un certain puits qu'on disait
très bon ; il n'avait que deux défauts : il gelait en hiver et il se desséchait
en été. C'était un puits bien extraordinaire, n'est-ce pas? mais je crains
qu'il ne soit pas le seul. Il y a beaucoup de personnes qui sont pleines de
zèle et de dévouement par moments. Cela ne suffit pas ; il faut que notre
ardeur ne se refroidisse jamais.
N'attendez pas qu'on vienne vous
demander votre collaboration., On dit souvent qu'il faut battre le fer pendant
qu'il est chaud ; et c'est Cromwell, je crois, qui a dit que lorsque le fer
n'est pas chaud, il faut le battre jusqu'à ce qu'il s'échauffe. Restons à notre
poste, et notre zèle ne tardera pas à s'enflammer au service du Seigneur.
Je voudrais, en terminant, m'adresser
particulièrement aux moniteurs des Ecoles du Dimanche. Ne vous contentez pas,
je vous en supplie, d'indiquer aux enfants la croix du Seigneur Jésus-Christ.
Tant de moniteurs sèment le bon grain Dimanche après Dimanche, avec le vague
espoir d'une moisson lointaine; ils ne comptent pas sur une moisson immédiate.
J'ai fait comme eux, autrefois, et il s'est passé des années sans que je visse
aucune conversion. Je crois que l'intention de Dieu est que nous semions d'une
main et moissonnions de l'autre. Les deux opérations doivent marcher ensemble.
Croire que les enfants ne peuvent être amenés à Christ que quand ils seront
devenus des hommes ou des femmes est une idée fausse. On peut les amener à
Christ dès leur enfance, et Christ les gardera, de telle sorte qu'ils
deviendront des membres utiles de la société. Ils seront en bénédiction à leurs
parents, à l'Église et au monde. Si vous les laissez grandir, au contraire,
sans devenir chrétiens, beaucoup d'entre eux seront entraînés par les mauvais
exemples ; et au lieu d'être une bénédiction, ils seront un fléau pour la
société.
Quelle est aujourd'hui la grande
préoccupation de tous ceux qui s'occupent des écoles du Dimanche ? C'est le
sort des jeunes gens et des jeunes filles qui quittent l'école du Dimanche.
Vers l'âge de quinze ou seize ans, ils disparaissent tout-à-coup, et nous n'en
entendons plus parler. Il y a en ce moment même dans vos prisons beaucoup de
jeunes gens qui ont été élèves des écoles du Dimanche. Ce lamentable état de
choses tient à ce que si peu de moniteurs croient à la conversion des enfants.
On ne s'efforce pas de les amener à une connaissance personnelle de
Jésus-Christ ; on se contente de répandre la bonne semence. Je voudrais que
chaque moniteur prit la ferme résolution, avec l'aide de Dieu, de ne s'accorder
ni trêve ni repos jusqu'à ce que son groupe tout entier soit entré dans le
royaume de Dieu.
Celui qui prendra une telle résolution
verra des signes et des prodiges d'ici un mois. Jamais je n'oublierai la
circonstance qui vint réveiller ma conscience sur ce point. Je dirigeais une
grande école du Dimanche, contenant un millier d'enfants. Ce chiffre élevé me
faisait le plus grand plaisir. S'il se maintenait ou s'il était dépassé,
j'étais ravi. Si, au contraire, il diminuait, je m'attristais beaucoup. Je ne
pensais toujours qu'au nombre des enfants. Parmi les groupes, il y en avait un
qui donnait plus de peine que tous les autres. Il était composé de jeunes
filles et se tenait dans un des coins de la grande salle. Il n'y avait dans
toute l'école qu'un seul moniteur qui pût le diriger et y maintenir le bon
ordre et la discipline. C'était tout ce qu'on pouvait espérer, pensais-je, et
l'idée qu'aucune de ces jeunes filles pût être convertie ne me venait pas même
à l'esprit.
Un certain Dimanche, ce moniteur était
absent, et ce fut à grand'peine que son remplaçant put maintenir l'ordre dans
le groupe. Dans le courant de la semaine, le moniteur vint me voir à mon
bureau. Je le trouvai très pâle, et m'informai aussitôt de sa santé : « Je
viens d'avoir un crachement de sang, me dit-il; le médecin m'a prévenu que les
poumons sont pris et que je n'ai plus pour longtemps à vivre. Je vais retourner
chez ma mère dans l'état de New-York, et il faut que je renonce à mon groupe. »
Il était convaincu, évidemment, que
ses jours étaient comptés, et pendant qu'il parlait ses lèvres tremblaient, ses
yeux se remplissaient de larmes. - J'en fus frappé, et lui dis. « Vous n'avez
pas peur de mourir, n'est-ce pas ? » - «Oh! non, je n'ai pas peur de mourir, me
répondit-il, mais je vais paraître
devant
Dieu, et il n'y a pas une seule de mes élèves de l'école du Dimanche qui soit
convertie. Que lui dirai-je ? » Comme il envisageait toutes choses sous un
nouvel aspect, maintenant qu'il sentait qu'il allait rendre compte de son
administration !
Je gardai le silence. C'était une
chose absolument nouvelle pour moi d'entendre parler de la sorte. Je lui dis
enfin: « Voulez-vous que nous allions voir vos élèves et leur parler de Christ?
» - « Je suis bien faible, me répondit-il, trop faible pour marcher. » - « Eh
bien, nous irons en voiture. » Nous commençâmes notre tournée. Il avait à peine
la force d'entrer dans chaque maison, tout en s'appuyant sur mon bras; mais il
rassemblait toute son énergie pour parler à son élève; pour prier avec elle,
pour la supplier de se donner à Christ. C'était une grande leçon pour moi.
J'apprenais à voir les choses sous un jour tout à fait nouveau. Quand il fut à
bout de forces, je le ramenai chez lui. Le lendemain, et les jours suivants, il
continua ses visites. Parfois, il allait seul; parfois, je
l'accompagnais.
Enfin, au bout de dix jours, il revint
me trouver à mon bureau. Sa figure était rayonnante. « La dernière de mes
élèves, dit-il, a donné son cœur à Christ. Je puis partir maintenant; j'ai fait
tout ce que j'ai pu; mon oeuvre est terminée. »
Je lui demandai quel jour il comptait
partir. « Demain soir,» répondit-il. « Seriez-vous content, lui dis-je alors,
si j'invitais ces jeunes filles, à se réunir chez moi pour vous revoir encore
une fois avant votre départ? » Il accepta avec empressement, et je me hâtai de
faire mes invitations. Pas une des jeunes filles ne manqua au rendez-vous.
Jamais je n'avais passé de soirée comparable à celle-là; jamais je ne m'étais
trouvé avec autant de personnes récemment amenées à Christ par ses efforts et
les miens. Nous priâmes pour chacune des élèves du groupe, pour le moniteur,
pour le directeur. Chacune des jeunes filles pria à son tour. Quel changement
s'était opéré en elles dans ce court espace de temps. Nous essayâmes de
chanter, mais nous ne pûmes pas très bien y réussir. Tout le monde prit congé
du moniteur à la fin de la soirée; mais j'avais besoin de le revoir encore une
fois. Le lendemain soir, j'allai à la gare, et à ma grande surprise, toutes les
élèves de son groupé s'y trouvaient déjà ; sans s'être concertées, chacune
avait voulu lui dire adieu une dernière fois. Nous étions tous sur le quai;
quelques personnes se réunirent autour de nous: des ouvriers du chemin de fer,
des voyageurs. C'était une belle soirée d'été ; le soleil se couchait derrière
les prairies de l'Ouest.
Enfin le train se mit en marche ;
notre ami alla se placer sur la plate-forme extérieure - les wagons, en
Amérique, sont faits autrement que les vôtres, - et montrant le ciel du doigt :
« Au revoir là-haut, » nous dit-il, et il disparut.
Quelle oeuvre avait été accomplie
pendant ces dix jours ! Quelques-unes des élèves de ce groupe ont été pendant
des années parmi les monitrices les plus dévouées de l'école. Plusieurs d'entre
elles y travaillent encore aujourd'hui. Il y a quelques années, j'ai rencontré
une autre de ces anciennes élèves travaillant avec zèle pour le Seigneur, sur
les côtes de l'Océan Pacifique. L'été qui suivit le départ de notre ami, il se
fit dans notre école un réveil religieux; sous cette influence bénie, je
renonçai aux affaires pour me consacrer tout entier à l’œuvre du Seigneur. Sans
les événements de ces dix jours, il est probable que je ne serais pas ici
aujourd'hui.
Moniteurs des écoles
du Dimanche, permettez moi de vous supplier encore une fois de chercher le
salut de vos élèves. Prenez la résolution de ne rien négliger, pendant les dix
jours qui vont suivre, pour amener à Christ chacun des enfants de votre groupe.
Pères et mères, n'ayez pas de repos avant que tous vos enfants soient entrés
dans le royaume de Dieu. Oseriez-vous dire qu'il ne bénira pas de pareils
efforts ! Ce qu'il nous faut aujourd'hui, c'est un esprit de consécration et de
concentration. Dieu veuille répandre son Esprit sur chacun de nous, et nous
remplir d'un saint enthousiasme !
(fin de la première partie)
(fin de la première partie)
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