mercredi 18 mars 2015

(5) SERMONS CHOISIS (Spurgeon Charles)

Numérisation Yves PETRAKIAN
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LE PÉCHÉ DE L'INCRÉDULITÉ

Un capitaine, sur la main duquel le roi s'appuyait, répondit à l'homme de Dieu : Quand même l’Éternel ferait des ouvertures aux cieux, cela arriverait-il ? - Et Elisée dit : Voilà, tu le verras de tes yeux, mais tu n'en mangeras point (2 Ro 8:2)

      Un sage peut sauver une ville entière ; un juste peut délivrer des multitudes. Les croyants sont le sel de la terre : grâce à leur présence au milieu des méchants, ceux-ci sont épargnés. Si les enfants de Dieu n'agissaient comme un préservatif sur les masses, la race humaine ne subsisterait plus. Dans la ville de Samarie, où nous transporte notre texte, il se trouvait un juste : c'était Élisée, homme de Dieu. La piété avait complètement disparu de la cour. Le roi Joram était un pécheur plongé dans les vices les plus noirs ; ses Iniquités étaient criantes et infâmes. Il suivait le train d'Achab son père et servait publiquement les faux dieux. Comme leur monarque, les habitants de Samarie avaient été infidèles. Ils avaient abandonné Jéhovah, et mis en oubli le saint d'Israël. L'antique devise de Jacob L’Éternel ton Dieu est le seul Éternel (Deut 6:4), n'était plus pour eux qu'une lettre morte, et ils ployaient, un genou idolâtre devant les divinités abominables des païens. C'est pourquoi le Dieu des armées livra Israël aux mains de ses oppresseurs ; il permit que Samarie fût investie par une armée étrangère, en même temps que désolée par la plus affreuse famine, en sorte que les malédictions prononcées sur la montagne d'Hébal s'accomplirent à la lettre et que l'on vit bientôt dans les murs de Samarie la femme la plus tendre et la plus délicate, qui n'aurait point essayé de mettre la plante de son pied sur la terre par délicatesse et par mollesse, regarder d'un œil d'envie, ses propres enfants, et, rendue féroce par la faim, dévorer le fruit de ses entrailles (Comp. Deut 28:56-58 à 2Ro 6:24-29).
     Toutefois, dans cette épouvantable conjoncture, le prophète du Très-Haut devint un instrument de salut pour la coupable cité. Il fut le sel que Dieu employa pour conserver Samarie ; il fut le libérateur de tout un peuple assiégé. A cause d’Élisée, en effet, et par son organe, Dieu promit solennellement que, dès le lendemain, les vivres, qu'on ne pouvait plus obtenir au poids de l'or, seraient vendus à vil prix aux portes mêmes de la ville. Représentez-vous, mes amis, la joie de la multitude en entendant cette prédiction sortir de la bouche du saint homme. Chacun reconnaissait en lui un prophète de l’Éternel ; ses lettres de créance étaient marquées du sceau divin ; tout ce qu'il avait prédit auparavant s'était réalisé : aussi ne pouvait-on douter que dans cette occasion encore il ne parlât au nom de Jéhovah. Sûrement les yeux du monarque durent étinceler de joie et la foule affamée dût bondir d'allégresse, à la perspective d'une si prochaine délivrance. « Dès demain, durent-ils s'écrier tous ensemble, dès demain notre faim sera assouvie ! dès demain nous serons abondamment rassasiés ! »
       Mais au milieu du bonheur général, une voix fit entendre des paroles d'incrédulité. Cette voix était celle du capitaine sur qui le roi s'appuyait. Il ne nous est pas dit, remarquons-le en passant, qu'un seul homme du commun peuple accueillit la prédiction d'Elisée avec méfiance ; mais un haut personnage osa le faire. C'est une chose étrange, mes chers auditeurs, mais c'est un fait incontestable, que Dieu choisit rarement les grands de ce monde ; il semble, en vérité, que l'élévation et la foi en Christ ne puissent que difficilement s'accorder. - « Impossible ! » s'écria l'officier de la cour ; et à l'incrédulité unissant l'ironie, il ajouta : « Quand même l’Éternel ferait des ouvertures aux cieux, cela arriverait-il ? » Voici donc quel fut son péché : il ne crut point à la déclaration du prophète, bien que les miracles précédemment opérés par celui-ci témoignassent de la manière la plus éclatante qu'il était l'envoyé de Dieu.
       Sans doute, le capitaine de Samarie avait assisté à la merveilleuse déroute de Moab ; sans doute aussi on lui avait rapporté comment Élisée avait découvert les secrets de Ben-Hadad ; comment il avait frappé d'éblouissement les soldats envoyés pour le prendre ; comment il les avait menés à leur insu jusque dans les murs de Samarie. on ne peut supposer non plus que la résurrection du fils de la Sunamite, ou l'histoire de cette veuve, dont l'huile, miraculeusement augmentée par l'homme de Dieu, avait suffi pour payer la dette, ne fussent parvenus à sa connaissance; et quant à la guérison, de Naaman, elle avait certainement dû faire le sujet de tous les entretiens de la cour (2Ro 3, 2Ro 4, 2Ro 5, 2Ro 6)). Et cependant, en présence d'une telle accumulation d'évidence, en face de ces preuves irrécusables de la mission divine du prophète, le capitaine n'ajouta point foi à sa parole : bien plus, il la tourna en ridicule. Ce fut alors que le Seigneur, par la bouche de celui-là même qui venait de proclamer la délivrance, lui fit entendre son arrêt de condamnation : Tu. le verras de tes yeux, mais tu n'en mangeras point. Et la Providence, qui prend toujours soin d'accomplir la prophétie, aussi fidèlement que le papier reproduit les caractères qu'on y imprime, - la Providence, disons-nous, fit mourir cet homme. Foulé aux pieds dans les rues de Samarie, il périt aux portes de la ville, ayant contemplé de ses propres yeux l'abondance promise, mais n'en ayant point profité. Les circonstances qui occasionnèrent cette mort tragique nous sont inconnues : peut-être les manières hautaines et insultantes du malheureux exaspérèrent-elles le peuple ; peut-être voulut-il essayer d'arrêter la foule avide qui se précipitait vers les portes ; peut-être aussi fut-t-il renversé par un simple accident (comme on s'exprime dans le monde) ; quoi qu'il en soit, une chose demeure certaine c'est qu'il vécut assez pour voir la prophétie justifiée par l'événement, mais non point assez pour jouir des bienfaits annoncés par cette prophétie.
       Je me propose, mes chers auditeurs, d'appeler aujourd'hui votre attention sur deux points principaux : SUR LE PECHE dont le seigneur d'Israël se rendit coupable, et sur le CHÂTIMENT que ce péché lui attira.
        Il se peut qu'en traitant mon sujet, je ne ferai plus que rarement allusion à l'homme dont je viens de vous rappeler la saisissante histoire ; néanmoins, j'espère que son cas particulier m'aidera à mieux faire ressortir les vérités générales que je vais vous présenter.


I 
       Et d'abord, disons encore une fois que LE PÉCHÉ de cet homme fut l'incrédulité. Il n'ajouta point foi à la parole de Dieu ; il douta, soit de la véracité, soit de la puissance du Très-Haut : en d'autres termes, il crut, ou bien que le Seigneur ne tiendrait pas sa promesse, ou bien que la chose promise était en dehors des limites du possible.
        Rien n'est complexe comme l'incrédulité ; elle a plus de phases que la lune et plus de nuances que le caméléon. Suivant une croyance populaire, le diable se montrerait tantôt sous une forme et tantôt sous une autre. Ce qui est faux quant à Satan en personne, est parfaitement vrai quant à l'incrédulité, cette fille aînée de Satan. On peut dire d'elle en toute vérité que son nom est Légion, car ses formes sont plusieurs. - Tantôt l'incrédulité m'apparaît déguisée en ange de lumière ; elle se couvre du nom d'humilité et parle à peu près en ces termes : « Dieu me garde de la présomption ! Dieu me garde d'affirmer que le Seigneur me pardonne ; je suis un trop grand pécheur pour oser compter sur sa grâce. » Souvent les chrétiens eux-mêmes se laissent prendre à cette ruse de Satan, et bénissent Dieu de voir une âme animée de si bons sentiments ; mais pour ma part, bien loin de bénir Dieu, je gémis au sujet de cette âme ; car sous ce manteau emprunté, je reconnais le démon du doute.
      D'autres fois, l'incrédulité met en question la fidélité de Dieu : « Il est vrai que le Seigneur m'a aimé, se dit-on ; mais qui sait s'il ne me rejettera pas dans la suite ? Il est vrai que hier il m'a secouru, et je me place encore à l'ombre de ses ailes ; mais qui sait si demain il ne m'abandonnera pas ? qui sait s'il se souviendra toujours de son alliance et n'oubliera point d'avoir compassion ? » - D'autres fois encore, l'incrédulité inspire des doutes sur la puissance de Dieu. On rencontre chaque jour sur sa route de nouvelles entraves, on est enlacé dans un filet de difficultés, et on pense dans son coeur : « Sûrement le Seigneur ne saurait nous délivrer. » On cherche alors à se débarrasser soi- même de son fardeau et parce qu'on ne peut y parvenir, on s'imagine que le bras de Dieu est aussi court que le nôtre et que sa force est aussi faible que la force humaine.
    Mais si ces diverses formes d'incrédulité sont dangereuses au plus haut degré, puisqu'elles retiennent tant d'âmes loin de Jésus, et qu'elles les portent à douter de sa puissance ou de son amour, que dire de cette incrédulité hideuse, avouée, révoltante entre toutes, qui, marchant le front haut et sous ses véritables couleurs, blasphème contre Dieu et nie effrontément son existence? Le déisme, le scepticisme et l'athéisme: tels sont les fruits arrivés à maturité de l'arbre empoisonné du doute ; telles sont les plus terribles éruptions du volcan de l'incrédulité. Oui, l'on peut dire véritablement qu'elle a atteint sa parfaite stature, qu'elle est parvenue à son apogée, cette incrédulité qui, jetant tout masque et mettant de côté tout déguisement, parcourt insolemment la terre en poussant ce cri de révolte : Il n'y a point de Dieu ! qui levant le bras contre Jéhovah, essaie d'ébranler le trône de la divinité, et dans son inconcevable folie semble n'aspirer à rien moins qu'à faire la loi :à Dieu lui- même. Toutefois, mes amis, remarquez-le bien, que l'incrédulité se manifeste sous des formes plus ou moins grossières, plus ou moins adoucies, sa nature n'en demeure pas moins la même: la sève est une, quoique les branches soient variées à l'infini.
        Il est dans le monde certaines gens bien étranges, pour dire le moins, qui soutiennent que l'incrédulité n'est pas un péché. Et ce qu'il y a de plus inexplicable, c'est que des personnes, dont les croyances religieuses sont d'ailleurs fort saines, tombent dans cette erreur. Je connais un jeune homme qui entra un jour dans une réunion d'amis et de ministres de l’Évangile, au moment où l'on discutait très sérieusement cette question : « Est-ce un péché de la part de l'homme que de ne pas croire à l’Évangile ? » Étonné au plus haut degré, le jeune homme prit la parole et dit: « Messieurs, suis-je oui ou non en présence de chrétiens ? Croyez-vous à la Bible ou n'y croyez-vous pas ?
       - « Il va sans dire que nous sommes chrétiens », répondirent tout d'une voix les assistants. - « Alors, reprit le jeune homme, pourquoi ces, discussions ? L'Ecriture ne dit-elle pas expressément que le monde sera convaincu de péché, parce qu'il n'aura pas cru en Christ ?' Et ne dénonce-t-elle pas la condamnation à tout pécheur qui refuse de croire au Fils de Dieu ? »
        Ce raisonnement, mes frères, ne vous paraît-il pas aussi simple que concluant ? Quant à moi, je l'avoue, je ne puis comprendre que des hommes qui prétendent avoir du respect pour la Parole inspirée n'acceptent pas implicitement ce qu'elle enseigne. Je ne puis comprendre que sous prétexte de faire accorder la vérité avec je ne sais quelles données de la raison humaine, on ait la hardiesse de s'inscrire en faux contre les déclarations divines. La vérité est une forte tour qui n'a pas besoin d'être étayée par l'erreur. La Parole de Dieu saura bien rester debout, malgré les attaques de ses ennemis et sans les sophismes de ses prétendus amis. Puis donc que l'Ecriture déclare en propres termes que voici la cause de la condamnation : C'est que la lumière est venue dans: le monde et que les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière ; puisque j'y lis des paroles telles que celles-ci : Celui qui ne croit point est déjà condamné, parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu ; je ne. crains pas d'affirmer de la manière la plus positive, avec la Parole de mon Maître, que l'incrédulité est un péché
          Et de bonne foi, est-il besoin de longs arguments pour démontrer cette vérité ? Ne se prouve-t-elle pas d'elle-même à tout esprit rationnel et sans préventions ? Quoi ! n'est-ce point une chose énorme, qu'une créature ose mettre en doute la Parole de Celui qui la forma ? N'est-ce point un crime et une insulte à la Divinité, que moi, misérable atome, grain de poussière perdu dans l'immensité, je donne le démenti au Tout-Puissant ? N'est-ce point le comble de l'arrogance et de l'orgueil, qu'un enfant d'Adam dise en son coeur : « Dieu ! je doute de ta grâce, je doute de ton amour, je doute de ta puissance ! » 
        Oh ! mes chers auditeurs, croyez-moi ; quand même il vous serait possible d'amalgamer, pour ainsi dire, les plus honteux forfaits quand même vous prendriez le meurtre, le blasphème, la convoitise, l'adultère, la fornication, en un mot, tout ce qu'il y a de plus vil, de plus immonde, de plus révoltant sur la terre, et que de tous ces crimes réunis vous puissiez ne faire qu'un seul crime monstrueux, - cette masse hideuse de corruption et de souillure le céderait encore au péché de l'incrédulité. Sans contredit, c'est le péché-roi; c'est la quintessence de tout ce qui est mal, le principe et le venin de tout vice, la lie de toute méchanceté, le chef-d'œuvre de Satan.
      Mais pour mieux vous faire comprendre l'excessive malignité de ce péché, permettez moi d'entrer dans quelques développements.
       Et d'abord, observez que l'incrédulité peut être appelée, à juste titre, la mère de tous les autres péchés. En effet, il n'est pas de crime qu'elle ne puisse enfanter. C'est à elle que doit être imputée en grande partie la chute de nos premiers parents. Quoi ! demande le Tentateur à Eve, Dieu aurait- il dit : Vous ne mangerez point de tout arbre du jardin ? Il insinue habilement un doute dans son âme. « Est-il bien certain qu'une telle défense vous ait été faite ? » semble-t-il lui dire. L' incrédulité fut comme la partie la plus affilée de la lame meurtrière que Satan introduisit dans le cœur d’Ève ; ce fut elle qui ouvrit passage à la curiosité, à la convoitise et à toutes sortes de mauvaises pensées. Et depuis le jour à jamais lamentable où le péché entra dans le monde, et par le péché la mort, qui pourrait dire les iniquités sans nombre auxquelles l'incrédulité a donné naissance ? Tout incrédule est capable de commettre le plus noir des crimes qui ait jamais souillé la terre. L'incrédulité, mes frères ? C'est elle qui endurcit le coeur de Pharaon, - elle qui déchaîna la langue blasphématrice de Rabsçaké, - elle qui devint déicide et crucifia le Roi de gloire ! 
      Et n'est-ce pas l'incrédulité qui chaque jour encore aiguise le couteau du suicide, prépare la coupe empoisonnée, conduit à la potence des milliers de criminels, et fait descendre dans une tombe ignominieuse le pécheur audacieux qui s'élance à la rencontre de son Juge, les mains encore teintes de sang ? Dites-moi qu'un homme est incrédule ; assurez-moi qu'il méprise la Parole de Dieu, qu'il n'ajoute foi ni à ses promesses ni à ses menaces ; et ces prémisses posées, je ne craindrai pas de conclure qu'à moins qu'une puissance préventive extraordinaire ne soit exercée sur cet homme, il se rendra coupable un jour ou l'autre des excès les plus honteux. L'incrédulité est le Béelzébub des péchés ; comme le prince des démons, elle ne, marche jamais seule, mais quand elle pénètre dans un coeur, elle y entraîne toujours à sa suite un long cortège de mauvais esprits. En elle sont renfermés le germe de tous les vices, la semence de toute iniquité ; en un mot, il n'est rien d'odieux, de vil, de dégradant au monde, qui ne soit comme sous-entendu dans ce seul mot : L'INCRÉDULITÉ.
      Et c'est ici le lieu de dire que l'incrédulité qui se glisse par moments dans le coeur de l'enfant de Dieu, est absolument de la même nature que celle de l'inconverti. Sans doute, ses conséquences finales seront bien différentes, car l'incrédulité du chrétien lui sera pardonnée... que dis-je ? elle lui est déjà pardonnée ! elle a été mise, avec toutes ses transgressions, sur la tête de Celui dont le bouc émissaire était le type ; par conséquent, elle a été expiée et effacée à tout jamais. Néanmoins, je le répète, quant à sa nature, elle ne diffère en rien de toute autre incrédulité. Je dis plus : s'il peut exister un péché plus odieux encore que l'incrédulité du mondain, assurément ce doit être l'incrédulité de l'enfant de Dieu. Qu'un racheté doute de la Parole de son Maître, que celui qui a reçu des témoignages sans nombre de son amour, des gages réitérés de sa miséricorde, éprouve de la défiance envers son Père céleste, oh ! n'est-ce pas là, je le demande, une iniquité à nulle autre pareille ? -Et chez le chrétien non moins que chez le mondain, le manque de foi est la racine de toute sorte de mal. Lorsque je serai parfait dans la foi, je serai parfait à tout autre égard. J'obéirais toujours aux préceptes de Dieu si je croyais toujours à ses promesses. Je pèche, parce que ma foi est faible. Que je sois pauvre, accablé de soucis, dénué de tout, si je puis avec confiance élever mes mains en haut et dire : L’Éternel pourvoira, on ne me verra jamais recourir à des moyens iniques pour améliorer ma position ; mais si, au contraire, je n'ajoute point foi aux promesses divines, qu'arrivera-t-il ? Peut-être déroberai-je, ou commettrai-je une action déloyale pour échapper aux poursuites de mes créanciers, ou me plongerai-je dans des habitudes d'intempérance pour noyer mes anxiétés. Otez-moi la, foi, et mon être moral n'a plus de frein : or, comment maîtriser sans frein ni mors un coursier indocile ? Tel que la fable nous représente le char du soleil conduit par Phaéton, tels serions-nous sans la foi : errant à l'aventure et courant droit à notre perte. Il est donc vrai de dire que l'incrédulité est la mère de tous les vices ; c'est le péché par excellence, car il porte dans son sein tous les autres.
          Mais ce n'est pas tout. Non seulement l'incrédulité enfante le péché, mais encore elle le nourrit et l'entretient. - Vous êtes-vous jamais demandé, mes chers auditeurs, comment il se fait que les hommes continuent à vivre selon que leur coeur les mène, tout en entendant gronder à leurs oreilles les tonnerres de Sinaï ? Comment se fait-il, par exemple, que lorsqu'un Boanerges (C'est-à- dire fils du tonnerre, Marc 3:17), soutenu par la grâce de Dieu, élève la voix et crie du haut de la chaire de vérité : Maudit est quiconque ne persévère pas dans toutes les choses qui sont écrites ait livre de la loi pour les faire (Gal 3:10 Deut 27:26) ; comment, dis-je, se fait-il que le pécheur écoute sans trembler les terribles menaces de la justice divine, qu'il reste dans son endurcissement et ne change rien à ses mauvaises voies ? Je vais vous le dire, mes amis ; c'est tout simplement parce que l'incrédulité est au fond de son coeur ; c'est elle qui empêche les menaces de Dieu d'avoir aucune prise sur son âme. Lorsque, nos sapeurs et nos mineurs étaient à l'oeuvre devant Sébastopol, ils n'auraient pu, vous le comprenez tous, travailler à découvert en face des remparts de la ville ; aussi, que faisaient-ils ? Ils avaient soin tout d'abord d'élever des retranchements derrière lesquels ils pouvaient défier le feu de l'ennemi et poursuivre sans danger leurs travaux souterrains. Il en est de même de l'inconverti. Son retranchement, à lui, c'est l'incrédulité. Satan lui donne cet abri, afin que les traits de la loi n'atteignent point sa conscience. Ah ! pécheur, qui aujourd'hui t'enveloppes dans une superbe Indifférence, si jamais le Saint-Esprit daigne renverser ton incrédulité, s'il s'adresse enfin à toi avec une démonstration d'esprit et de puissance, avec quelle force la Parole de Dieu saisira alors ton âme ! Du jour où les hommes seraient fermement persuadés que la loi est sainte et que le commandement est saint, juste et bon, qui pourrait assigner des bornes à la puissance de l'Ecriture sur leurs cœurs ? Ils se croiraient constamment suspendus au-dessus de l'enfer, ils prendraient au sérieux les menaces divines. Alors il n'y aurait plus dans la maison de prière, ni indifférents, ni dormeurs, ni auditeurs inattentifs ; alors, après avoir écouté la Parole, on n'oublierait pas aussitôt quel on est. Oui, je dis ceci avec une pleine conviction, sans l'incrédulité, pas un seul de traits lancés par les redoutables batteries de la loi ne manquerait son but, et grand serait le nombre de ceux qui seraient tués par l’Éternel ! (Esa 66:16)
      De même, comment se fait-il que les hommes puissent entendre les douces, les touchantes invitations de la croix du Calvaire, sans venir à Christ ? Comment se fait-il que lorsque les prédicateurs de l'Evangile essaient de vous retracer les souffrances inexprimables de Jésus, lorsqu'ils vous parlent de sa passion et de son agonie, et qu'ils terminent par vous dire à tous de la part de Dieu : Il y a encore de la place ; venez, car tout est prêt, - dites, mes chers auditeurs, comment se fait-il, que vos cœurs ne soient pas brisés au-dedans de vous ? Pourquoi ne vous écriez-vous pas en vous frappant la poitrine :

O Christ, ta charité profonde
Touche, pénètre notre coeur ;
Tu meurs pour les péchés du monde,
Toi seul es notre Dieu Sauveur ?

        Et pourtant il me semble que la scène du Calvaire est assez émouvante pour attendrir le marbre le plus dur ! Il me semble que le lugubre drame de Golgotha ferait pleurer les pierres mêmes, et devrait arracher des larmes de pénitence et d'amour au misérable le plus endurci ! mais voici : nous vous disons et nous vous redisons ces choses ; et où sont-ils ceux qui s'en affligent ? où sont-ils ceux qui pleurent ?... O humiliante insensibilité du coeur de l'homme ! les rocs eux-mêmes se fendirent en voyant mourir Jésus; et vous, qui chaque jour le contemplez, pour ainsi dire, crucifié de nouveau sous vos yeux, vous assistez. à ce spectacle avec autant d'insouciance que s'il ne vous concernait en rien ! Oh ! vous tous passants, regardez et voyez ; Cela ne vous touche-t-il point que Jésus soit mort ? - « Non, cela ne nous touche point », semblez-vous répondre pour la plupart. Pourquoi en est-il ainsi, mes amis ? Ah ! c'est parce qu'entre vous et la croix de mon Sauveur, il y a des pensées d'incrédulité. Si le voile épais du doute ne vous dérobait pas la figure divine de Jésus, ses regards d'amour fondraient la glace de vos cœurs. Mais l'incrédulité neutralise, en quelque; sorte, la puissance de l’Évangile ; elle l'empêche d'agir sur l'âme ; et ce n'est que lorsque le Saint-Esprit a chassé cette incrédulité, ce n'est que lorsqu'il a porté un coup mortel au scepticisme naturel au coeur humain, que le pécheur peut s'approcher de Jésus et mettre en lui sa confiance.
        Une troisième considération bien propre à nous faire comprendre combien l'incrédulité, est odieuse, c'est qu'elle rend incapable de toute bonne œuvre. Ces paroles de l'Apôtre : Tout ce que l'on ne fait pas avec foi est un péché (Ro 14:23), sont vraies dans plus d'un sens. A Dieu ne plaise que je déprécie jamais la moralité ! à Dieu ne plaise que je parle jamais de la probité, de la tempérance ou de toute autre vertu humaine, autrement qu'avec éloges et respect ! Mais après avoir rendu à ces choses un légitime hommage, savez-vous ce que j'ajouterai ? Le voici. Toutes les vertus purement humaines, vous dirai-je, sont semblables à ces petits coquillages qui servent de monnaie dans certaines parties de l'Indoustan. Ils ont cours parmi les Indiens, mais en Europe ils sont sans valeur. 
        De même, les vertus humaines peuvent passer comme monnaie courante ici-bas, mais là-haut elles n'ont pas cours. Si vous n'avez quelque chose de plus excellent que votre propre excellence, vous n'entrerez jamais au ciel. Sans doute, si je devais passer ma vie au milieu des peuplades indiennes dont je viens de parler, je m'accommoderais fort bien des coquillages ; mais si je dois me trouver un jour en pays civilisé, une autre monnaie m'est nécessaire. Ainsi, la probité, la tempérance et autres choses semblables sont très bonnes pour la terre, et plus vous les posséderez, mieux cela vaudra. 
       Toutes les choses qui sont justes, pures, aimables et de bonne réputation, je vous exhorte, mes frères, à les rechercher et à les pratiquer ; mais en même temps, je vous le déclare, il vous faut plus que cela pour entrer au ciel. Sans la foi, toutes ces choses réunies ne sont d'aucun prix devant Dieu. Les vertus, sans la foi, sont des péchés, blanchis au dehors, et rien de plus. L'obéissance sans la foi - (en admettant qu'elle fût possible) - ne serait qu'une désobéissance déguisée. L'incrédulité annule tout bien. C'est le mouche qui gâte le parfum (Ecc 10:1), C'est l'herbe vénéneuse qui empoisonne le pot (2Ro 4:38-41). Possédât-on tout ensemble la pureté la plus aimable, la philanthropie la plus généreuse, la sympathie la plus désintéressée, le génie le plus noble, le patriotisme le plus dévoué, l'intégrité la plus consciencieuse, si l'on n'a pas la foi, on n'a rien. Sans la foi, dit l'Apôtre,. il est impossible de plaire à Dieu.
      Et cette impuissance pour le bien, inséparable de l'incrédulité, se retrouve chez le chrétien lui-même, pour peu que sa foi défaille. - Permettez-moi, mes frères, de vous raconter  une simple histoire, un fait rapporté dans l’Évangile. Un certain homme avait un fils possédé d'un malin esprit. Jésus était sur le mont Thabor, au milieu des gloires de la transfiguration. Ne pouvant arriver jusqu'au Maître, le malheureux père conduit son fils aux disciples. Le premier mouvement de ceux- ci est de s'écrier :
       « Oui. nous chasseront le démon ! » et aussitôt ils imposent les mains au jeune homme. Mais soudain un doute surgit dans leur esprit. « Se peut-il bien que nous réussissions ? » se demandent-ils les uns aux autres avec inquiétude. Bientôt le possédé commence à écumer ; il grince des dents, il se roule par terre, il se débat dans d'effroyables convulsions. Evidemment, l'esprit malin est toujours là. En vain les disciples redoublent-ils d'efforts : semblable à un lion dans sa caverne, le démon semble les défier. « Esprit impur ! sors de cet homme ! » crient-ils avec une nouvelle énergie ; mais il ne sort point. « Esprit de ténèbres ! retourne en ton lieu ! répètent-ils ; mais il n'obéit point. Les lèvres incrédules des disciples ne peuvent troubler le Malin, qui a bon droit aurait pu leur dire : « Je connais la foi et je connais Jésus, mais je ne sais d'où vous êtes. » Si les disciples avaient eu de la foi seulement comme un grain de moutarde, ils auraient pu chasser le démon ; mais leur foi s'était évanouie ; c'est pourquoi ils furent impuissants. - Voyez encore ce qui arriva à l'apôtre Pierre. Pierre crut à la parole de Jésus, et il marcha sur les flots. Marche admirable, et que pour ma part je suis souvent tenté d'envier à l'apôtre ! Si sa foi n'eût pas faibli, qui peut dire jusqu'où Pierre serait allé ? Avec la foi pour le soutenir, il eût pu traverser l'Atlantique, et atteindre le Nouveau Monde ! Mais voici, au bout d'un moment, Pierre aperçoit une vague menaçante qui vient droit sur lui, et il se demande avec effroi : « Ne va-t-elle pas m'engloutir ? » Puis, il pense : « Quelle présomption n'a pas été la mienne d'oser m'aventurer ainsi sur les flots ? » Aussitôt, Pierre s'enfonce. La foi était la ceinture qui le maintenait au-dessus de l'eau ; c'était son charme, c'était son talisman. Avec elle, son pas est ferme ; sans elle, il perd pied. Il en sera toujours de même pour chacun de nous mes bien-aimés. Tous, tant que nous sommes, nous avons à marcher sur les flots. Qu'est-ce, en effet, que votre vie ou la mienne, sinon une marche constante au milieu des vagues furieuses ? Voulez-vous donc rester debout au sein de la mer en tourmente ? Ayez la foi en Dieu. Du moment où vous cesserez de croire, les eaux de l'affliction entreront dans votre âme, et vous enfoncerez. Et pourquoi donc doutez-vous encore, ô gens de peu de foi ?
        La foi développe toute bonne pensée, tout bon sentiment ; l'incrédulité, au contraire, les tue. Que de milliers de prières n'a-t-elle pas étouffées dès leur naissance ! Que de saintes aspirations n'a-t- elle pas frappées de mort, avant même qu'elles eussent vu le jour ! Que d'accents de louange, qui seraient allés grossir les chœurs célestes, ont été refoulés par le souffle impie du doute ! Que de nobles entreprises, conçues dans le coeur, ont tristement avorté par suite de l'incrédulité ! Tel homme serait peut-être un missionnaire dévoué, tel autre, un hardi prédicateur de l’Évangile, si l'incrédulité n'était venue glacer leur généreux élan. Rendez un géant spirituel incrédule : aussitôt il devient un nain. La foi est pour le chrétien ce qu'était pour Samson sa chevelure : enlevez-la-lui, et vous pourrez lui crever les yeux et le réduire à une complète impuissance.
       Observons encore, mes chers auditeurs, que le péché de l'incrédulité doit être d'une nature particulièrement odieuse, puisque de tout temps le Seigneur l'a sévèrement puni. Pour nous convaincre de ce fait, ouvrons l'Écriture ! - Je vois un monde tout rayonnant de beauté et de splendeur ses montagnes rient au soleil, et ses vallons se baignent dans une atmosphère d'or. Des vierges dansent sous les ombrages ; des jeunes gens chantent en chœur. O ravissante vision !.... 
         Mais soudain un vieillard à l'aspect grave et vénérable apparaît sur la scène. Il lève sa main et crie : « Bientôt un déluge va fondre sur la terre les fontaines du grand abîme se rompront, les eaux couvriront toutes choses. Voyez cette arche : pendant 120 années j'ai travaillé de mes propres mains à la construire. Hâtez-vous, cherchez-y un refuge, et vous serez sauvés ! » - « Ah !, vieillard morose et crédule, qu'y a-t-il entre nous et toi ? lui répondent des voix railleuses. Laisse-nous jouir en paix de la vie. Il sera temps de penser au déluge quand le déluge sera venu. Mais il ne viendra pas, nous le savons ; à d'autres tes vaines prédictions ! » Et la foule insouciante reprend ses chants et ses danses..... - Mais écoutez... Incrédules ! entendez,vous ce bruit sourd et étrange ? Les entrailles de la terre commencent à s'émouvoir ; ses vastes flancs sont déchirés par de terribles convulsions intérieures. Cédant enfin à une tension énorme, les voilà qui éclatent, et des amas d'eaux, qui depuis le jour où Dieu les avait recelés dans le sein du globe, n'avaient point paru au dehors, s'échappent de toutes parts en torrents impétueux. Et la voûte du ciel ! elle est fendue en deux. Il pleut, non des gouttes d'eau, mais des nuages tout entiers. Une cataracte, bien autrement puissante que celle de Niagara, se précipite du firmament avec une épouvantable clameur. Les deux abîmes - l'abîme de dessous et l'abîme de dessus - s'entre rencontrent et se donnent la main. Où êtes-vous maintenant, ô incrédules ? Je regarde, je cherche ; et je ne vois plus qu'un homme -qu'un seul - debout sur une pointe de rocher, qui s'élève solitaire au-dessus des eaux. Longtemps sa femme s'est tenue cramponnée à son corps ; mais, vains efforts ! elle vient d'être entraînée. Lui- même perd bientôt pied. L'eau atteint sa poitrine. Entendez son dernier cri ! il succombe, il se noie, il est emporté par le courant... Alors Noé regardant de l'arche, ne voit rien, plus rien. Partout le vide, partout le chaos, partout le néant ! Les monstres marins gîtent et s'ébattent dans les palais des rois. Tout est renversé, submergé, englouti. Quelle est donc la cause de cette épouvantable catastrophe ? Mes frères, vous l'avez dit : c'est !l'incrédulité ! Par la foi, Noé fut sauvé. Par l'incrédulité, le monde périt.
        Ouvrons encore l'Ecriture. Voici deux grands serviteurs de Dieu, Moïse et Aaron. Ils ont reçu mission d'introduire le peuple d'Israël dans la terre de Canaan, mais, chose étrange, ils n'y entrent point eux-mêmes. D'où vient' cela ? La Parole de Dieu va nous le dire. Ils n'honorèrent point l’Éternel devant le peuple aux eaux de contestation ; ils frappèrent le rocher avec un geste d'impatience ; en un mot, ils furent incrédules ; et le Seigneur les condamna à mourir sans entrer dans la terre promise - dans ce bon pays, après lequel ils avaient tant soupiré, et pour lequel ils avaient tant souffert (No 20:1-13) !
        Un autre exemple. Laissez-moi vous conduire, mes frères, dans, ces contrées sauvages et désolées que parcoururent Moïse et Aaron. Comme le Bédouin nomade, devenons les fils du désert. Voyageurs fatigués, errons dans les sables brûlants de l'Arabie. Là gît un squelette blanchi par le soleil ; ici, j'en vois un second ; plus loin, un troisième ; plus loin encore, d'autres en grand nombre. Que sont ces ossements desséchés ? D'où viennent tant de restes humains ? Qui m'expliquera leur présence en ce lieu ? Sûrement, le vent du désert ou le fer de l'ennemi a fait périr ici en une seule nuit une imposante armée. - Non, ces os sont les os d'Israël ; ces restes sont ceux des antiques tribus de Jacob. Elles ne purent entrer dans le pays de la promesse à cause de peur incrédulité. Elles n'eurent point confiance en Dieu. Les espions ayant déclaré que la conquête de Canaan était impossible, le peuple les crut plutôt que Jéhovah (No 13).
          Voilà pourquoi les corps morts de cette génération tombèrent dans ces solitudes. Ce ne furent pas les descendants de Hanak qui détruisirent Israël ; le souffle embrasé du désert ne consuma point ces gens d'élite et les. eaux du Jourdain ne mirent point obstacle à leur entrée d'ans Canaan ; ni les Héviens ni les Jébusiens ne les exterminèrent : l'incrédulité seule fut la cause de leur perte. Oh ! malheureux Israël ! après quarante années de pénible marche dans le désert, te voir exclu de la terre promise, en punition de ton incrédulité !
         Et si je ne craignais de multiplier outre mesure les exemples, que de faits du même genre la Bible ne me fournirait-elle pas ! Voyez Zacharie, le père du Précurseur : il douta, vous le savez, et aussitôt l'ange le frappa de mutisme; sa langue fut liée, à cause de son manque de foi. - Mais voulez-vous, mes chers amis, contempler, sous leurs plus sombres couleurs, les terribles suites de l'incrédulité ; voulez-vous savoir de quelle manière le Seigneur châtie une nation qui ne croit point ? venez assister avec moi au siège de Jérusalem, à cet épouvantable massacre, sans pareil dans les fastes de l'histoire ! Voyez les Romains rasant les murailles de la sainte Cité ; voyez-les faisant passer au fil de l'épée ou vendant comme esclaves sur les marchés publics tous les habitants qu'ils trouvent dans la ville. Relisez l'histoire émouvante de la destruction de Jérusalem, accomplie par Titus. Arrêtez-vous au récit tragique de la mort de ces Juifs désespérés, qui, plutôt que de tomber à la merci des Romains, se poignardèrent les uns les autres ! Mais qu'avons-nous besoin de regarder au passé ? Les jugements de Dieu ne pèsent-ils pas encore sur son peuple ? Aujourd'hui encore Israël n'est-il pas dispersé sur la surface de la terre, errant, exilé, sans nationalité et sans patrie ? Il a été retranché, comme un sarment est retranché d'un cep. Et savez-vous pourquoi ? C'est en punition de son incrédulité. Là, et pas ailleurs, est la cause des calamités inouïes qui ont fondu sur ce peuple. Aussi, chaque fois que vous rencontrerez un Juif, au regard sombre et triste ; chaque fois que vous le verrez, lui, fils d'une terre lointaine, foulant, comme un proscrit, un sol étranger, rentrez en vous-mêmes et vous dites : « C'est l'incrédulité, ô Israël, qui t'a fait devenir le meurtrier de Christ ; c'est elle qui t'a dispersé parmi les nations ; et ce n'est que la foi - la foi au Nazaréen crucifié - qui pourra te faire rentrer dans ta patrie et lui rendre son antique splendeur. »
       Oh ! oui, Dieu hait l'incrédulité d'une haine toute particulière. Comme Caïn, il l'a marquée au front du signe de sa colère. Il l'a frappée de rudes coups dans le passé, et il l'écrasera complètement à la fin. L'incrédulité déshonore le Seigneur. Tout autre crime ne touche, pour ainsi dire, qu'à son territoire, mais celui-ci ose attaquer sa divinité même ; il s'inscrit en faux contre sa véracité, nie sa miséricorde, insulte à ses attributs, dénature son caractère. C'est pourquoi, je le répète; il n'est aucun péché aussi abominable aux yeux de Dieu que le péché de l'incrédulité, sous quelque forme qu'il se produise.
       Enfin, pour clore cette partie de mon sujet, je vous ferai remarquer, mes amis, que l'incrédulité est un péché irrémissible. L’Évangile nous parle d'un péché pour lequel Christ n'est point mort : c'est le péché contre le Saint-Esprit ; mais il en existe un autre dont Jésus n'a jamais fait l'expiation : c'est celui de l'incrédulité. Nommez-moi l'un après l'autre tous les crimes qui figurent dans le catalogue du mal, et je vous citerai des personnes à qui ces crimes ont été pardonnés ; mais .demandez-moi si un homme qui meurt incrédule. peut être sauvé, je vous répondrai sans hésiter : « Non, il n'y a point de pardon, il n'y a point de salut possible pour cet homme ! » Sans doute, l'incrédulité de l'enfant de Dieu a été expiée, parce qu'elle n'est que temporaire ; mais pour ce qui est de l'incrédulité finale, de l'incrédulité dont on ne se repent point, jamais, je le répète, il n'a été fait d'expiation pour elle. Examinez la Bible d'un bout à l'autre ; partout vous trouverez que l'homme qui meurt sans avoir la foi n'a rien à attendre que la condamnation éternelle. Il est en dehors de la grâce divine. Se fût-il rendu coupable de tout autre péché, s'il avait possédé la foi, il eût été sauvé ; mais il ne la possédait point : par conséquent, il est condamné..... Démons, il vous appartient ! Esprits infernaux précipitez-le dans l'abîme ! Il n'a point cru, et c'est pour des hôtes tels que lui que l'enfer a été préparé. L'enfer est le lot des incrédules ; c'est leur héritage, leur patrimoine, la prison qui de tout temps leur a été destinée. Les chaînes éternelles sont marquées à leur nom, et ils reconnaîtront à tout jamais la vérité de cette parole de Christ : Celui qui ne croit point sera condamné !

II
     Ceci nous conduit naturellement à aborder la seconde partie de notre sujet. Nous venons d'appeler votre attention sur la nature et sur quelques-uns des principaux caractères du péché dont le capitaine de Samarie se rendit coupable ; il nous reste à constater quel fut Son CHÂTIMENT. « Tu le verras de tes yeux, mais tu n'en mangeras point » : telle fut la sentence qu’Élisée prononça contre lui de la part du Seigneur.
         Ecoutez cette sentence, ô incrédules, car, si vous ne vous convertissez, elle sera aussi la vôtre ! Oui, vous aussi, vous verrez de vos yeux, mais vous ne mangerez point. - Et ceci peut même s'appliquer, en certaines, circonstances, aux enfants de Dieu. Lorsque leur foi est languissante, ils contemplent les merveilles de la grâce divine, mais ils ne peuvent s'en nourrir. Ainsi, par exemple, l'on peut dire qu'en cette terre d'Egypte, il y a maintenant du blé en. abondance ; néanmoins, il est beaucoup de chrétiens qui le dimanche, en entrant dans la maison de Dieu, se disent avec tristesse : « Je ne sais en vérité si: le Seigneur sera avec moi aujourd'hui. » D'autres encore, en entendant le prédicateur, pensent en eux-mêmes : « Certainement l’Évangile est fidèlement annoncé, mais je ne sais s'il pénétrera  dans les cœurs. » Ces chrétiens sont toujours à douter et à craindre, à craindre et à douter. Aussi demandez-leur, en sortant du culte divin, si leurs âmes ont trouvé la nourriture qu'il leur fallait : - « Non vous répondront-ils en soupirant ; il n'y avait rien qui nous convint. » Eh ! c'est tout simple, mon frère. Tu as vu de tes yeux le pain de vie, mais tu n'as pu le manger, parce que tu n'avais point de foi. Si tu avais apporté dans la maison de Dieu un coeur simple et confiant, tu aurais fait un bon repas. - Je connais des chrétiens qui sont devenus si extrêmement délicats et raffinés, que si la viande spirituelle qu'on leur présente (passez-moi l'expression) n'est pas découpée à leur fantaisie, ou servie avec la plus grande recherche, ils n'en veulent point. Que ne se passent-ils alors de toute nourriture ? Et, qu'ils y prennent garde, c'est ce qu'ils devront faire très probablement, s'ils continuent à se montrer aussi difficiles. Ou bien les herbes amères de l'affliction stimuleront leur appétit blasé, ou bien Dieu les obligera à jeûner pendant quelque temps : après quoi, ils s'estimeront trop heureux de recevoir la nourriture la plus ordinaire et la plus simplement servie. Or, où chercher la cause secrète de cet esprit mécontent et critique qui empêche ainsi les enfants de Dieu de profiter de la prédication de l'Evangile, si ce n'est dans l'incrédulité ? Si vous croyiez, mes bien-aimés, n'entendissiez-vous qu'une seule promesse de Dieu, cela vous suffirait. Ne vous adressât-on qu'une bonne parole du haut de la chaire, vos âmes en seraient restaurées, car ce n'est pas ce que nous entendons, mais bien ce que nous nous approprions par une foi réelle et vivante qui profite à notre âme.
         Mais c'est surtout aux inconvertis que s'applique cette terrible menace : Tu le verras de tes yeux, mais tu n'en mangeras point. En effet, les enfants du siècle voient s'accomplir sous leurs yeux les oeuvres magnifiques du Seigneur, tout en y restant complètement étrangers. Aujourd'hui même une grande multitude est venue dans ce lieu de culte pour entendre la prédication de la Parole, mais combien, hélas ! qui s'en retourneront l'âme aussi vide qu'en entrant! L'homme ne peut pas plus nourrir son âme au moyen de ses oreilles que son corps au moyen de ses yeux. Et pourtant le plus grand nombre de nos auditeurs viennent dans la maison de Dieu par pure curiosité. « Allons entendre ce discoureur, disent-ils ; allons voir ce roseau agité du vent. » Aussi, ils viennent et reviennent ; ils voient, ils voient, ils voient encore, mais ne reçoivent aucun bien. Autour d'eux, il y a peut-être des personnes qui se convertissent. Ici, une âme est appelée par la grâce souveraine de Dieu ; là, un pauvre pécheur fond en larmes dans le sentiment de su culpabilité ; plus loin, un coeur contrit implore la grâce divine, et ailleurs une voix répète la prière du péager : O Dieu, sois apaisé envers moi qui suis pécheur. Mais quant à eux, rien ne les touche : ils restent froids et impassibles. C'est ainsi qu'au moment où je vous parle une belle oeuvre se poursuit dans ce troupeau; mais le plus grand nombre d'entre vous n'en savent rien, ne s'y intéressent pas, car aucune oeuvre ne se fait dans leurs propres cœurs. Et comment en serait-il autrement, mes amis ? Vous jugez cette oeuvre impossible ; vous doutez de la puissance de Dieu ; vous ne croyez point â son action régénératrice ; en d'autres termes, vous êtes incrédules. De là vient que dans ces temps de glorieux réveil et d'effusion de la grâce, le Seigneur, qui n'a jamais promis d'agir en faveur de ceux qui ne l'honorent point, permet que vos âmes demeurent sans repentance, sans vie et sans salut : vous voyez de vos yeux, mais vous ne mangez point.
        Mais ce n'est pas tout, ô pécheurs ! Le plus terrible accomplissement de cette sentence est encore à venir. On dit que l'illustre prédicateur Whitefield levait parfois ses deux mains vers le ciel, en criant de toutes ses forces, - et comme je voudrais qu'il me fût donné de crier en cet instant même : «LA COLÈRE A VENIR ! LA COLÈRE A VENIR ! » Qu'est-ce, en effet, que la colère du temps présent comparée à celle qui fondra sur vous ci-après ? Oh ! c'est alors véritablement que vous verrez de vos yeux, mais que vous ne mangerez point !...
         Il me semble que le grand jour du jugement est arrivé. Le temps n'est plus ; j'ai entendu vibrer son glas funèbre ; sa dernière heure a sonné ; l'éternité a pris sa place. La mer est en ébullition ; ses vagues étincellent d'un éclat surnaturel. Je voix un arc-en-ciel, une nuée, qui traverse l'espace. Sur cette nuée est un trône, et sur ce trône est assis quelqu'un semblable au Fils de l'Homme. Oui, c'est lui, je le reconnais ! Dans sa main, il tient la balance de la justice divine : devant lui sont les livres : - le livre de vie, le livre de mort, le livre de mémoire. Je vois sa splendeur, et je m'en réjouis; je contemple la pompe de son avènement, et je tressaille d'allégresse de ce qu'il est enfin venu pour être admiré de tous ses saints. Mais j'aperçois, dans le fond du tableau, une foule d'infortunés, tremblants, éperdus, saisis d'horreur. Ils courbent leurs fronts jusque dans la poussière ; ils essaient de se dérober à tous les regards. « Rochers, tombez sur nous ! s'écrient-ils ; montagnes, cachez- nous de devant sa face !
          - Sa face ? Quelle est donc cette face qui vous cause tant d'effroi ? - « C'est la face de Jésus, de celui qui a été mort, et qui maintenant revient pour juger le monde. , Mais c'est en vain, ô pécheurs, que vous cherchez à fuir la présence du fils de l'Homme ; il faut que vous contempliez Celui que vous avez percé. Vous ne vous assoirez point à la droite du Seigneur, vêtus de robes éclatantes, mais vous serez témoins de sa gloire ; et lorsque le cortège: triomphal de Jésus paraîtra sur les nuées du ciel, vous ne pourrez vous y joindre, mais vous le verrez de vos yeux... Oh ! je crois le voir en cet instant même, le puissant Rédempteur, remontant vers le ciel, sur son char de victoire ! Entendez-vous ce bruit éclatant ? Ce sont les pas de ses ardents coursiers qui résonnent sur les collines éternelles. Un cortège vêtu de blanc vient après lui, et aux roues de son char sont liés Satan, la mort et l'enfer. Voyez comme ses rachetés frappent des mains ; entendez leurs cris de joie. Tu es monté en haut, disent-ils ; tu as mené captifs les prisonniers (Psa 58:18). Admirez la splendeur de leur apparence; observez les couronnes qui ceignent leurs fronts ; voyez leurs robes d'une blancheur de neige ; considérez la béatitude qui respire sur leurs traits. Ecoutez ! ils entonnent un chant sublime : Alléluia : le Seigneur Dieu tout-puissant est entré dans son règne ! (Apo 19:6). Et la voix de l'Eternel leur répond : Je me réjouirai à cause de toi d'une grande joie ; je me réjouirai à cause de toi avec un chant de triomphe, car je t'aï épousée pour moi à toujours ! (Sop 3:17 Os 2:19.) - Et où êtes-vous pendant ce temps, ô incrédules ? Voilà la multitude des rachetés : mais où êtes-vous ? Hélas ! vous voyez de vos yeux, mais vous ne pouvez manger. Le banquet des noces est prêt ; le fruit de la vigne est versé ; les convives prennent place à la table du Roi ; mais vous, malheureux et affamés, vous ne pouvez goûter au festin éternel. Oh ! il me semble que je vous vois, tordant vos mains de désespoir ! Si du moins il vous était possible de vous nourrir, comme les chiens, des miettes qui tombent sous la table du Maître : mais non, cela même vous est interdit !
        Une pensée encore, et je termine. Pécheur impénitent, je t'aperçois attaché à un roc dans les profondeurs de l'enfer, l'âme déchirée par le cruel vautour du remords. Tu élèves les yeux et tu reconnais Lazare, couché dans le sein d'Abraham. « Est-ce bien possible ? t'écries-tu. Quoi ? ce mendiant qui était couché: sur mon fumier, ce misérable dont les chiens venaient lécher les ulcères, le voilà dans le ciel, tandis que moi je suis dans les tourments ! Quoi ? ce Lazare qui ne possédait rien pendant sa vie, est maintenant dans la gloire, tandis que moi, riche dans le temps, suis en enfer pour l'éternité !..... Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare afin qu'il trempe doris l'eau le bout de soir doigt, pour me rafraîchir la langue. » Mais ta requête est vaine. ô pécheur ! et s'il peut y avoir en enfer une souffrance plus aiguë que toute autre, ce sera celle que tu éprouveras en voyant les saints jouir d'une félicité à laquelle tu ne pourras jamais avoir part. Oh ! jeune homme, regarde : voilà ta mère dans, le ciel, tandis que tu es jeté dehors ! voilà ton frère, - celui qui dormit dans le même berceau que toi, qui joua autour du même foyer, - voilà, dis-je, ton propre frère élevé dans la gloire, tandis que tu es abaissé jusque dans l'abîme ! Mari, voilà ta femme dans le séjour des bienheureux, et toi, tu es au nombre des damnés ! Père, voilà ton enfant debout devant le trône, et toi, maudit de Dieu et maudit des hommes, tu es dans le feu éternel ! Oh ! qui pourrait dire ce qui se passera dans le coeur du damné, lorsqu'il verra ses parents, ses amis, rassasiés de délices ineffables, et qu'il sentira que lui-même en est privé pour l'éternité ! Tu le verras de tes yeux, MAIS TU N'EN MANGERAS POINT !.....
       Et maintenant, je vous en conjure, mes chers auditeurs, - par la mort de Christ, - par son agonie et sa sueur sanglante, - par sa croix et par sa passion - par tout ce qu'il y a de plus sacré sur la terre, de plus saint dans le ciel, de plus solennel dans le temps et dans l'éternité, - par les horreurs indicibles de l'enfer, - par les joies inexprimables du paradis, - je vous en conjure, prenez ces choses au sérieux et souvenez-vous que, si votre âme est perdue, ce sera l'incrédulité qui aura été sa perte. Oui, si vous périssez, ce sera parce que vous aurez refusé de croire en Jésus-Christ, et la goutte la plus amère de votre douleur sera la pensée que vous n'aurez point voulu vous confier en ce Sauveur charitable qui dit à tous par sa Parole : Je ne mettrai point dehors celui qui viendra à moi I


lundi 16 mars 2015

(4) SERMONS CHOISIS (Spurgeon Charles)

Numérisation Yves PETRAKIAN
Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement
Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com


LA RÉSURRECTION SPIRITUELLE (DISCOURS PRONONCÉ UN JOUR DE PÂQUES)

Lorsque nous étions morts en nos fautes Dieu nous a vivifiés ensemble avec Christ. 
(Eph 2: 5).

      Vous vous attendez, sans doute, mes cher auditeurs, à ce que j'appelle votre attention, en ce jour, sur le glorieux événement dont l'Eglise chrétienne célèbre la mémoire. Telle n'est pour tant pas mon intention. Mais si le sujet que j'ai à coeur de méditer avec vous n'est point la résurrection de Christ, du moins peut-on dire qu'il s'y rapporte dans une certaine mesure. Ce sujet le voici : LA RÉSURRECTION SPIRITUELLE DE L'HOMME PÉCHEUR ET PERDU.
      C'était aux chrétiens d’Éphèse, vous le savez que l'Apôtre adressait les paroles de mon texte; mais elles s'appliquent avec non moins de vérité à tous ceux qui, à une époque ou à une autre et dans quelque lieu que ce soit de la terre habitable, ont été élus en Jésus-Christ, rachetés par son sang, justifiés par sa grâce. D'eux aussi, il est vrai de dire que morts dans leurs fautes et dans leurs péchés, ils ont été vivifiés par l'Esprit de Dieu.
       Mes frères, quel spectacle solennel que celui d'un cadavre ! Quand, hier soir, j'essayai de me placer, par l'imagination, en face des réalités de la mort, mon âme, je l'avoue, recula d'épouvante. Je fus comme anéanti ! « Quoi ? me disais-je, est-il donc vrai que ce corps où je sens palpiter la vie sera bientôt un festin pour les vers! qu'en dehors et en dedans de ces orbites où maintenant mes yeux étincellent, ramperont d'immondes créatures, progéniture de la corruption ! que ces membres, aujourd'hui pleins de vigueur, étendus dans la froide immobilité, dans l'abjecte impuissance de la mort, deviendront un objet d'invincible dégoût, pour ceux-là même qui me chérissent le plus, en sorte qu'ils s'écrieront avec Abraham  : Ôtez mon mort de devant moi !... » Peut-être, mes frères, ne parvenez vous pas encore à réaliser, dans toute son horreur, ce lugubre tableau. Dites : ne semble- t-il pas étrange, ne semble-t-il pas incroyable, que vous qui, ce matin, êtes venus dans ce lieu de culte, serez un jour portés dans le sépulcre ; que ces regards qui en ce moment même sont fixés sur moi, seront voilés d'une obscurité éternelle que ces langues qui, tout à l'heure, faisaient , entendre une sainte harmonie, bientôt ne seront plus qu'un peu de boue ; que vous enfin, mon cher auditeur, que je vois en cet instant devant moi, dans toute la force de l'âge et de la santé, serez incapable de mouvoir un muscle, d'articuler un son, et deviendrez une masse inerte, fille de la fosse et soeur de la corruption ?... Sans doute, nul n'ignore ces sombres vérités ; nul ne peut les révoquer en doute ; mais n'est-il pas vrai que lorsque, par la pensée, l'on essaie de se les appliquer à soi-même, on est presque tenté de les déclarer impossibles ? Ah ! c'est que la mort exerce sur notre enveloppe terrestre de si épouvantables ravages ; elle met en pièces, d'une façon si hideuse, cette admirable organisation, chef-d'œuvre du Créateur, que c'est à peine si notre intelligence étonnée peut la suivre dans son oeuvre de vandalisme !
      Toutefois, mes chers amis, efforcez-vous de vous faire une idée aussi exacte que possible de ce qu'est un cadavre, et lorsque vous y serez parvenus, dites-vous, je vous prie, chacun en particulier, que c'est là l'image employée dans mon texte pour représenter la condition de votre âme par nature. Et en vérité, l'Apôtre n'eût pu faire usage d'une métaphore plus juste ; car de même qu'un cadavre est passif, inerte, insensible, prêt à se décomposer, ainsi est toute âme humaine si elle n'a été vivifiée par la grâce de Dieu. Nous sommes morts dans nos fautes et dans nos péchés ; la mort habite en nous, et ce germe de mort est susceptible de se développer graduellement, de telle sorte que, laissés à nous-mêmes, nous tous qui sommes ici, pourrions devenir avec le temps des objets véritablement hideux, - hideux par nos vices et notre corruption morale, tout comme le cadavre est rendu hideux par la corruption matérielle. Voilà, mes frères, ce que nous enseigne l'Ecriture, touchant l'état moral de l'homme. Dans toutes ses pages, elle nous dit que depuis la chute, l'enfant d'Adam par nature est mort ; qu'être perdu et dégradé, il est dans un sens spirituel absolument privé de vie. Elle nous enseigne, en outre, que s'il obtient la vie, ce ne peut être que grâce à une véritable résurrection opérée dans son âme par l'Esprit de Dieu, et que cette résurrection, il la devra, non à aucun mérite qui pût être en lui, mais uniquement au bon plaisir du Père, à un effet tout gratuit de sa miséricorde infinie et souveraine.
      Voilà, je le répète, la doctrine qui ressort de la Bible tout entière ; et c'est sur cette doctrine, formulée avec une remarquable précision dans les paroles de mon texte, que je désire, mes chers auditeurs, appeler votre attention. pendant quelques instants. Je ferai mon possible pour rendre mes développements intéressants en même temps que clairs. Dans l'espoir d'atteindre ce double but, j'illustrerai, en quelque sorte, mon sujet d'une manière qui, au premier abord, vous paraîtra, sans doute un peu étrange. Vous vous souvenez que pendant son séjour sur la terre, le Seigneur Jésus accomplit trois résurrections : je ne sache pas qu'il en ait accompli d'autres. En premier lieu, il ressuscita une enfant de douze ans, la fille de Jaïrus, qui, étendue sans vie sur sa couche, se leva incontinent, dès que Jésus eut prononcé cette seule parole : « Talitha cumi ! » En second lieu, le Seigneur ressuscita le fils de la veuve de Naïn, qui, couché sur sa bière, était transporté au tombeau, et qu'il réveilla de son sommeil de mort par ces mots : « Jeune homme., je te le dis, lève- toi ! » Enfin, la troisième et la plus mémorable résurrection opérée par Jésus, fut celle de Lazare, lequel n'était plus ni sur son lit, ni en chemin vers la tombe, mais dont la corruption avait déjà fait sa proie, lorsque le Seigneur, par le verbe de sa toute-puissance; le rappela à la vie, en criant à haute voix :
« Lazare, sors dehors ! »

     Ces trois faits, mes chers amis, je les transporterai, pour ainsi dire, dans le domaine spirituel, et je les emploierai comme des types ou des images pour représenter successivement d'abord, LES DIFFÉRENCES EXTÉRIEURES QUI EXISTENT ENTRE LES ÂMES INCONVERTIES, QUOIQUE LEUR CONDITION SOIT AU FOND LA MÊME; en second lieu. LES DIFFÉRENTS MOYENS DE GRACE EMPLOYÉS POUR VIVIFIER LES PÉCHEURS, QUOIQUE LA VIE NE PROCÈDE QUE D'UN SEUL ET MÊME AGENT ; enfin, LES DIFFÉRENTES MANIFESTATIONS DE CETTE VIE, QUI POURTANT EST UNE DANS UN SENS ABSOLU.


I
     J'ai dit qu'IL EXISTE CERTAINES DIFFÉRENCES EXTÉRIEURES ENTRE LES ÂMES INCONVERTIES, MAIS QUE LEUR CONDITION N'EN EST PAS MOINS LA MÊME; j'ajoute que cette condition, commune à tous, c'est la mort. Approchez-vous, mes frères, par la pensée, de la fille de Jaïrus. Voyez-la étendue sur son lit : ne dirait-on pas que la vie est encore en elle ? Les lèvres de sa mère effleurent encore son front, la main de son père presse encore sa main, et c'est à peine si ce père, si cette mère peuvent se persuader que leur enfant est morte ; mais il n'est que trop vrai elle est morte, aussi morte qu'elle peut jamais d'être. - Voyez maintenant ce jeune homme qu'on porte en terre. Il est plus que mort, passez-moi l'expression ; il commence à se corrompre ; déjà les teintes livides, précurseurs de la dissolution, sont répandues sur son visage. Et cependant, quoique la mort soit plus apparente chez lui que chez l'enfant, à proprement parler, il n'est pas plus mort qu'elle, car il n'y a point en réalité de degrés dans la mort - Mais voici un troisième cas où la mort se révèle avec plus d'évidence encore ; c'est celui de Lazare, - de Lazare, dont Marthe, faisant usage de mots non couverts, pouvait dire : Seigneur, il sent déjà mauvais, car il est là depuis quatre jours. Toutefois, remarquez-le mes frères, la fille de Jaïrus n'était pas moins morte que Lazare. Il y avait différence quant à la manifestation extérieure de la mort, mais non point quant à la mort elle-même.
     Ainsi en est-il des âmes qui, n'ont point été vivifiées par la grâce de Dieu. J'ai, sans nul doute, en cet instant devant moi quelques-unes de ces créatures favorisées que l'oeil se plait à contempler. Elles sont belles à voir de toutes manières, belles par leurs qualités morales, aussi bien que par leurs charmes extérieurs. Il semble en vérité qu'elles réunissent tout ce qui est bon et désirable ; et pourtant, si elles sont irrégénérées (notez bien ceci), elles sont mortes, complètement mortes ! A voir la fille de Jaïrus, qui eût dit qu'elle n'était plus qu'un cadavre ? Une main tendre et pieuse n'avait pas encore fermé ses yeux ; dans son regard brillait encore comme un dernier reflet de lumière. Pareille à un lis à peine détaché de sa tige, elle n'avait rien perdu de sa grâce. Le ver n'avait pas commencé à creuser sa joue ; les couleurs de la vie ne s'étaient pas flétries sur son front elle paraissait encore appartenir au monde des vivants. 
        Et vous de même, chères jeunes âmes dont je viens de parler, vous possédez tout ce que le coeur peut désirer, sauf la seule chose nécessaire ; il ne vous manque absolument rien, si ce n'est le souffle divin, l'amour du Sauveur ; vous n'êtes pas unies à Jésus par une foi vivante ; c'est pourquoi, - je vous le dis avec douleur, mais je dois vous le dire, - vous êtes mortes ! vous êtes mortes ! aussi mortes que les derniers des pécheurs, quoique votre mort ne soit pas aussi apparente. - Mais à côté de ces filles de Jaïrus, il est certainement aussi, dans cet auditoire, des êtres qui ont fait un pas de plus, dirai-je, dans la mort spirituelle. Il y a encore en eux, je le reconnais, quelques restes de bons sentiments, mais ils ont commencé à céder à leurs inclinations mauvaises. Ils ne sont pas encore des intempérants sans pudeur, des blasphémateurs sans frein ; leur inconduite n'est pas encore assez scandaleuse pour que leurs semblables n'en puissent tolérer la vie. 
       Comme chez le jeune homme de Naïn, la corruption qui couve au-dedans d'eux n'a pas encore ouvertement éclaté au dehors. Mais, qu'ils ne s'abusent point : quoiqu'ils ne soient pas descendus au dernier degré de la dépravation, quoique le monde ne les rejette pas de son sein, ils sont morts ! ils sont morts ! tout aussi morts que les derniers des pécheurs! - Et n'y a-t-il point aussi parmi ceux qui m'écoutent, de ces derniers, de ces plus avilis des hommes, véritables Lazare spirituels, chez qui la mort revêt son plus hideux aspect ? Semblables à des cadavres dans leur sépulcre, leur âme est en pleine putréfaction. Leurs mœurs sont abominables ; leur conduite tout entière inspire l'horreur la plus profonde ; ils sont mis à l'index de toute société qui se respecte : la pierre est en quelque. sorte roulée sur leur tombeau. Ils ont si complètement perdu tout sens moral que ceux qui les connaissent ne veulent plus soutenir aucune relation avec eux, et semblent s'écrier à leur manière : « Ôtez ce mort de devant nous, car nous n'en saurions supportera vue ! »                    Et cependant, mes frères, - j'insiste sur ce point, - ces âmes si corrompues, si perverties, ne sont pas en réalité plus mortes que les autres âmes irrégénérées, de même que Lazare n'était pas plus mort que la jeune fille à qui il ne manquait que le souffle. Les fruits de la mort sont plus visibles, il est vrai, chez les unes que chez les autres ; mais toutes également sont privées de vie ; toutes ont un égal besoin d'être vivifiées par Jésus-Christ.
      Mais permettez-moi, mes amis, d'entrer dans quelques détails, et de vous indiquer les traits principaux qui constituent la différence existant entre les trois classes d'âmes dont je viens de parler. Pour cela, continuons notre rapprochement, et revenons d'abord à la fille de Jaïrus. Voici donc cette jeune fille : regardez-la de nouveau. Loin de vous repousser, sa vue, n'est-il pas vrai ? vous attire. Elle est morte, et pourtant, elle est encore belle. Quoique privée de vie, elle est pleine de charmes et de grâces. Quel contraste avec le jeune homme! toute beauté a disparu de sur ses traits ; on devine que le ver est déjà à l'oeuvre ; toute sa gloire s'est évanouie. Quel contraste surtout avec Lazare ! Il n'est plus qu'un foyer de corruption !... Mais chez la fille de Jaïrus il existe, je le répète, une beauté extérieure. Il en est de même de beaucoup de ceux qui m'écoutent en ce moment. N'est-elle pas, en effet, pleine de grâce, cette jeune âme dont le souffle impur du péché semble avoir respecté la candeur ? Qui pourrait ne pas l'aimer ? N'est-elle pas aimable, n'est-elle pas belle entre toutes ? N'est-elle pas digne d'être admirée, souvent même d'être imitée ? Ah ! sans doute, elle est tout cela ; elle est plus encore peut-être, je suis le premier à en convenir ; mais, hélas ! hélas ! Dieu le Saint-Esprit n'a pas encore soufflé sur elle, elle n'a pas reconnu Jésus pour son Sauveur, ni imploré son pardon ; elle possède tout, excepté la vraie religion ; et dès lors, elle est morte, - morte malgré toute sa beauté, malgré tous ses attraits ! 
       Oh ! ma sœur, ma chère sœur, pourquoi faut-il qu'il en soit ainsi ? pourquoi faut-il que toi si douce, si aimable, si tendre, si compatissante, je sois obligé de te compter au nombre de ceux qui sont morts dans leurs fautes et dans leurs péchés ? Comme mon Maître pleura jadis sur le jeune riche, qui avait gardé tous les commandements, mais à qui il manquait une chose, ainsi je pleure aujourd'hui sur toi ! Oui, je pleure à la pensée que toi, ornée de qualités si précieuses, de tant de dons du coeur et de l'esprit, tu n'en es pas moins plongée dans la mort ! car, ne te fais point illusion, tu es morte aussi longtemps que tu n'as pas la foi en Christ. Ta bonté, ta vertu, ton excellence ne te serviront de rien : tu es morte, et tu ne saurais vivre si Jésus ne te donne, la vie.
      Remarquez, en outre, que la fille de Jaïrus est encore entourée d'amis. Elle vient d'exhaler le dernier soupir et sa mère la couvre de tendres baisers. Oh ! se peut-il bien qu'elle soit morte ? Les caresses qu'on lui prodigue ne parviendront-elles pas à la ranimer ? Et les larmes brûlantes qui pleuvent sur elle ne suffiront-elles pas à féconder cette terre froide, il est vrai, mais assez riche encore, semble-t-il., pour que la vie jaillisse de son sein ? Hélas ! non : ces caresses, ces larmes sont stériles ; la semence de la vie manque ; l'enfant ne respire plus ; néanmoins, c'est à qui se pressera autour d'elle, c'est à qui la comblera de témoignages d'amour. Quel contraste avec le jeune homme ! Il est étendu sur sa bière ; personne ne le touchera plus, et si quelqu'un le touchait, il serait souillé. 
      Quel contraste surtout avec Lazare ! Une pierre est scellée sur lui. -N'en est-il pas de même de vous, chères âmes auxquelles je me suis déjà adressé ? n'êtes-vous pas entourées de l'amour de tous ? Le peuple de Dieu lui-même vous chérit d'une affection cordiale ; il vous recherche, il vous estime, il vous approuve. Votre pasteur prie souvent pour vous. Admises dans les assemblées des enfants de Sion, vous vous asseyez avec eux comme si vous étiez des leurs, vous entendez ce qu'ils entendent, vous chantez ce qu'ils chantent. Et pourtant, pourtant hélas! vous le dirai-je? vous êtes encore dans la mort. Il ne vous manque absolument qu'une chose, mais c'est la seule qui puisse vous sauver ; il ne vous manque qu'une chose, mais cette chose c'est là vie. En vain les enfants de Dieu vous ouvrent-ils leur sein, en vain vous accueillent-ils dans leur compagnie ; ils ne sauraient allumer en vous cette étincelle sacrée de la vie ; et si jamais vous l'obtenez, sachez-le, vous devrez vous joindre au plus grand des pécheurs pour répéter avec l'Apôtre : Lorsque nous étions morts dans nos fautes et dans nos, péchés, Dieu nous a vivifiés avec Christ.
        Mais considérons encore la jeune fille. Voyez elle n'est point revêtue des insignes de la mort. Ni le suaire ni le linceul ne l'enveloppent. On ne l'a point dépouillée de ses habillements ordinaires. Elle est vêtue exactement comme elle l'était le jour où, ressentant les premières atteintes de sa maladie, elle s'étendit sur sa couche. On ne l'a point livrée définitivement à la mort. Il n'en est pas de même du fils de la veuve : l'appareil de la sépulture l'environne ; ni de Lazare : il est lié pieds et mains. Mais je le répète, la fille de Jaïrus est encore revêtue du costume des vivants. Ainsi en est-il de l'âme simple et ingénue dont je parle. Jusqu'à présent, elle semble n'avoir aucune habitude coupable, aucun mauvais penchant déclaré ; et tandis que tel jeune homme est déjà emprisonné dans le linceul de son inconduite, et que tel pécheur vieilli dans le vice est lié pieds et mains par ses passions désordonnées, cette âme se pare de tous les ornements extérieurs de la piété. Elle agit comme les chrétiens, elle parle comme eux ; sa conduite semble pure, digne d'éloges, irrépréhensible : c'est à peine si l'on pourrait y discerner quelques taches.....                  Hélas, hélas ! chère âme, pourquoi faut-il qu'une si belle parure, des apparences si aimables ne recouvrent que la mort ? Vainement as-tu orné ton front du brillant joyau de la bienfaisance ; vainement as-tu ceint tes reins des chastes robes de la pureté extérieure, hélas ! ma sœur, il faut bien que je te le dise, - si tu n'es pas née de nouveau, tu es encore dans la mort ! Ton excellence s'évanouira comme la teigne ; tes prétendues bonnes oeuvres s'en iront en fumée, et, au jour du jugement, tu seras pour jamais séparée des justes, à moins que Dieu ne te donne la vie. Oh ! je gémis, je gémis amèrement sur cette foule de jeunes âmes qui semblent avoir été préservées jusqu'ici de toute souillure du monde, mais qui n'en sont pas moins sans vie et sans salut ! Oh ! plût à Dieu, jeune homme, plût à Dieu, jeune fille, que des vos premières années, vous fussiez vivifiés par l'Esprit !
      Veuillez, mes frères, observer un détail encore. Dans le cas de la jeune fille, la mort était, pour ainsi dire, une chose secrète. C'était dans sa chambre que l'enfant avait rendu le dernier soupir ; c'était dans sa chambre que son corps inanimé reposait, et rien probablement ne laissait soupçonner au dehors le douloureux mystère due recelait cette maison de deuil. Il n'en était pas ainsi du jeune homme, car on l'avait transporté jusqu'aux portes de la ville, et beaucoup de gens l'avaient vu ; ni de Lazare, car des Juifs étaient venus de Jérusalem pour -pleurer sur sa tombe. Mais la mort de la fille de Jaïrus n'avait point ce caractère de publicité, et il en est de même des âmes dont je l'ai prise pour type. Jusqu'à présent, leur péché se cache dans l'ombre ; il est tout intérieur. La convoitise a bien conçu dans leur coeur, mais, le péché n'est pas encore enfanté ; le germe des passions existe en elles, mais ce germe impur ne s'est point manifesté par des actes. Le jeune homme n'a point encore porté à ses lèvres la coupe enivrante, quoique souvent une voix séductrice lui en ait vanté les douceurs ; la jeune fille n'a point abandonné les sentiers de la vertu, quoique souvent elle ait prêté l'oreille aux suggestions de la vanité : en un mot, leurs mauvais penchants n'ont point franchi les limites du for intérieur ; personne peut-être n'en soupçonne l'existence. Hélas, mon frère ! hélas, ma sœur ! qu'elle est triste la pensée que vous, dont la vie extérieure est si louable, vous cachez pourtant de secrètes souillures d'ans la chambre de votre coeur, et que dans les replis les plus intimes de votre être, vous portez la mort spirituelle, - mort aussi véritable, quoique moins évidente, que celle du pécheur le plus scandaleux. Oh ! Dieu veuille que vous puissiez vous écrier aujourd'hui même : "Malgré toutes nos justices, malgré toutes nos vertus, nous étions morts, comme les autres, dans nos fautes et dans nos péchés, mais Dieu nous a vivifiés." Mes amis, mes chers amis, souffrez due j'insiste encore sur ce point. Il y a des âmes dans cet auditoire, au sujet desquelles j'éprouve les plus vives appréhensions. Je l'ai déjà dit, elles possèdent tout ce que le coeur peut souhaiter, mais il leur manque une chose : elles n'aiment pas mon Maître. O vous jeunes gens, qui fréquentez assidûment les parvis du Seigneur, et dont les murs sont irréprochables, pourquoi faut-il que votre piété soit comme une plante sans racine ? O vous, vierges de Sion, qu'on voit toujours dans la maison de prières, pourquoi faut-il que vous n'ayez point la grâce de Dieu dans le coeur ? Prenez garde, je vous en supplie, vous, âmes simples, naïves, aimables, innocentes aux yeux des hommes ! Lorsque viendra le grand jour où le Seigneur séparera les vivants d'avec les morts encore une fois, je vous le déclare avec douleur, si vous n'avez été converties, régénérées, vivifiées par l'Esprit de Dieu, malgré toute votre excellence, vous serez rangées parmi les morts !
      Mais il est temps que nous quittions la jeune fille, pour passer au fils de la veuve de Naïn. Avant tout, observez, mes frères, qu'il n'est pas plus mort que l'enfant ; seulement il est parvenu, si je puis ainsi parler, à une phase plus avancée de la mort. Venez, approchons-nous du funèbre cortège ; arrêtons la bière ; contemplons le corps qui y est couché. Vous frémissez, n'est-il pas vrai ? vous détournez vos regards. Le visage de la petite fille était plein et coloré, mais ici, la joue est creuse, le teint livide. Et l’œil ?... oh ! quelle noirceur l'environne !... Ne pressent-on pas que le ver va bientôt paraître, que la décomposition est au moment de se faire jour ?... Ainsi en est-il d'une certaine classe de mes auditeurs. Ils ne sont plus ce qu'ils étaient dans leur première jeunesse, alors que leurs mœurs étaient à l'abri de tout reproche. Peut-être viennent-ils de tomber dans le filet de la femme étrangère ; ils commencent à se lancer dans carrière du libertinage : leur corruption est en voie d'éclater. Ils ne sont plus, disent-ils, des enfants à la lisière ; n'est-il pas temps qu'ils s'émancipent ? 
      Que d'autres se soumettent, si bon leur semble, à l'absurde esclavage des lois de la morale ; quant à eux, ils sont libres, ils veulent l'être, ils entendent mener joyeuse vie et ainsi, ils se précipitent dans un tourbillon de plaisirs bruyants et charnels, en sorte que les signes de la mort spirituelle se manifeste en eux avec toujours plus d'évidence. - De plus, remarquez, mes chers amis, que si jeune fille était entourée de caresses, par contre, personne ne touche le jeune homme : il est étendu sur sa bière, et quoique des hommes le portent sur leurs épaules, il n'en est pas moins vrai qu'il inspire à tous les vivants une instinctive répulsion. Jeune homme ! ne te reconnais-tu point à ce trait? Ne sais-tu pas que depuis quelque temps les gens pieux, que dis-je tes amis eux-mêmes se tiennent à distance de toi ? Hier encore les larmes de ta mère n'ont elles pas coulé en abondance, tandis qu'elle exhortait ton jeune frère à fuir ta société, à pas suivre ton exemple ? Ta sœur, ta propre sœur, qui en t'embrassant, ce matin, a peut-être instamment supplié le Seigneur de te faire recevoir du bien dans cette maison de prières, - ta sœur elle-même a honte de toi : ta conduite devient si légère, tes propos si déplacés qu'elle rougit en te voyant. 
        Il y a aussi des maisons chrétiennes où tu étais naguère le bienvenu ; tu fléchissais le genou avec la famille assemblée, ton nom était mentionné dans la prière commune ; mais à présent, tes visites dans ces maisons deviennent de plus en plus rares, car lorsque tu y vas, on t'accueille avec réserve. Le père de famille ne voudrait à aucun prix que son fils se liât avec toi, car il sait que tu pourrais le souiller. Il ne vient plus lui-même, comme autrefois, s'asseoir à ton côté pour s'entretenir de choses saintes ; s'il te reçoit encore chez lui, c'est simplement par politesse ; mais il ne peut plus te traiter avec son ancienne cordialité, car il sent qu'entre son âme et la tienne, il n'existe plus aucun lien sympathique. Le peuple de Dieu pareillement te témoigne de la froideur ; il ne te repousse pas encore d'une manière ouverte, mais il y a dans ses rapports avec toi une contrainte qui prouve clairement que ton état de. mort lui est bien connu.
       Un autre point de dissemblance entre le fils de la veuve et l'enfant de Jaïrus, c'est que tandis que celle-ci était encore revêtue du costume des vivants, l'autre était déjà enveloppé dans les vêtements de la mort. Et toi aussi, jeune homme; tu es comme enveloppé dans tes habitudes vicieuses. Tu sais que le diable, de sa main de fer, étreint ton âme toujours plus fortement il y eut un temps où tu pouvais encore te dégager de cette étreinte ; tu étais maître de tes plaisirs, disais- tu : maintenant, tes plaisirs sont tes maîtres. Jeune homme ! j'en appelle à ta conscience, tes voies ne sont-elles pas des voies d'iniquité ? Tu n'oserais le nier ! Sans doute, tu n'es point arrivé aux dernières limites de l'immoralité et de l'infamie ; mais, en vérité, en vérité, je te le dis, mon frère : tu es mort ! tu es mort ! et si l'Esprit de, Dieu ne te vivifie, tu seras jeté dans la vallée de la géhenne, pour être en pâture au ver qui ne meurt point, mais qui dévore les âmes pendant l'éternité. 
       Ah jeune homme, jeune homme, je pleure sur toi car si la pierre du sépulcre ne te recouvre pas encore, si ta corruption morale n'est pas tellement avancée que tu sois pour tes alentours un objet d'horreur et d'épouvante, cependant, tu as déjà fait plusieurs pas dans la carrière du vice, et qui peut dire où tu t'arrêteras ? Prends garde ! le péché est une pente glissante, et ne s'arrête pas qui veut sur cette pente... Lorsque le ver du sépulcre a commencé ses ravages, peut-on placer son doigt dessus, et lui dire : « Arrête-toi ? » Non, il poursuit son oeuvre de destruction jusqu'au bout... Oh ! jeune homme, Dieu veuille te vivifier avant que tu sois parvenu à cette consommation de la mort que l'enfer soupire de te voir atteindre, et à laquelle le ciel seul peut te faire échapper!
         Une dernière observation au sujet du fils de la veuve de Naïn. La chambre de la jeune fille, avons- nous dit, était seule témoin de sa mort ; mais dans le cas de celui-ci, la mort, au contraire, se montrait au grand jour, puisque Jésus rencontra le convoi aux portes de la ville. C'est ainsi que chez la première classe d'âmes que j'ai essayé de décrire, le péché est plus ou moins secret ; mais chez toi, jeune homme, il est patent, il est manifeste. Tu ne crains pas de pécher à la face du soleil, à la face de Dieu même. Tes dérèglements ne sont un mystère pour personne ; aussi bien, tu ne tiens plus à sauver les apparences. « Je ne suis point un hypocrite », dis-tu d'un ton de bravade, « je n'ai aucune prétention à la sainteté ; je ne rougis pas de quelques écarts de jeunesse ». Ah ! jeune homme, jeune homme ! tandis que tu tiens ce langage, qui sait si ton père ne s'écrie pas dans l'amertume de son coeur : « Plût à Dieu que je fusse mort avant d'avoir vu mon fils se conduire comme il le fait ! Plût à Dieu que lui-même eût été couché dans la tombe, avant de s'être ainsi engagé dans les sentiers du vice ! Plût à Dieu que le jour même où je le contemplai pour la première fois, où mes yeux furent réjouis par la vue de mon fils, il eût été soudainement frappé par la maladie et la mort ! Oh ! oui, plût à Dieu que son âme enfantine eût été retirée au ciel, et qu'il n'eût pas vécu pour faire descendre avec douleur mes cheveux blancs au sépulcre !... » Jeune homme, tu le sais : ton inconduite avouée; ton inconduite qui s'étale, pour ainsi dire, aux portes de la ville, jette le trouble dans la maison de ton père, abreuve de douleur le coeur de ta mère. Oh ! je t'en conjure, arrête-toi !... Oh ! Seigneur Jésus, touche la bière en cet instant même ! Arrête quelque pauvre âme qui chemine dans la voie de la perdition, et crie-lui : « Lève-toi ! » Alors cette âme, ressuscitée en nouveauté de vie, pourra s'écrier avec nous tous, qui par ta grâce jouissons déjà de la vie : « Lorsque nous étions morts dans nos fautes et dans nos péchés, Dieu nous a vivifiés ensemble avec Christ, par le moyen de son Esprit ! »
        Et maintenant, nous arrivons à la troisième et dernière résurrection accomplie par notre Seigneur: celle de Lazare, de Lazare mort et enseveli. - Oh ! mes chers amis, je ne puis vous mener voir Lazare dans son sépulcre ! Retirez-vous, oh ! retirez-vous loin de lui !... Où fuir pour échapper à l'odeur infecte de ce corps en putréfaction ?... Non seulement tout vestige de beauté à disparu; mais c'est à peine si on reconnaît en lui une forme humaine. Oh ! hideux spectacle !... Je ne veux pas entreprendre de le décrire, les paroles me manqueraient ; d'ailleurs, vous ne pourriez m'écouter jusqu'au bout. Et de même, mes frères, je ne trouverais point d'expressions si je voulais décrire l'état moral d'une certaine catégorie de pécheurs. Mon front rougirait de confusion s'il me fallait vous dévoiler les oeuvres de ténèbres accomplies chaque jour par les impies de ce monde, accomplies peut-être par quelques-uns de ceux qui m'écoutent en ce moment. Ah ! qu'elle est hideuse la dernière phase de la mort physique, la dernière phase dé la dissolution ; mais la dernière phase du péché, combien n'est-elle pas plus hideuse encore!... 
       Plusieurs de nos écrivains modernes paraissent avoir une aptitude particulière pour fouiller celle boue, pour remuer cette fange impure ; mais je le confesse, cette aptitude n'est pas la mienne ; aussi ne vous dépeindrai-je point, mes frères, les souillures et les turpitudes du pécheur consommé. Je passerai sous silence les abominables débauches, les convoitises dégradantes, les actions ignobles et diaboliques dans lesquelles se vautrent ceux chez qui la mort spirituelle a accompli tous ses ravages et chez qui le péché s'est manifesté dans toute son épouvantable laideur. 
         Y a-t-il dans cet auditoire des êtres appartenant à cette classe de pécheurs ? Il se peut qu'ils ne soient pas nombreux, mais j'ose affirmer qu'il y en a. Inutile de dire qu'ils ne sont pas, comme la jeune fille, recherchés, caressés par les chrétiens, ou même comme le jeune homme, accompagnés de loin à leur dernière demeure ; non, les honnêtes gens s'enfuient à leur approche, tant est grande l'horreur qu'ils leur inspirent. Leurs femmes elles-mêmes, lorsqu'ils rentrent chez eux le soir, courent se cacher pour éviter leur contact. Ils sont montrés au doigt, ils sont l'objet du mépris de tous. Telle est la prostituée, de laquelle nous détournons nos regards quand nous la rencontrons dans la rue ; tel est le débauché scandaleux, à qui nous nous empressons de céder le pas, de peur qu'il ne nous touche en passant. Ces infortunés sont couchés dans le sépulcre de leurs vices ; les stigmates de la mort spirituelle sont empreints sur leur visage ; l'opinion publique a roulé la pierre sur eux. Ils savent qu'ils sont devenus un objet de dégoût pour leurs semblables ; ici même, dans ce lieu de culte, ils se sentent mal à l'aise, car ils n'ignorent pas que si leur voisin se doutait de ce qu'ils sont, il reculerait épouvanté. - Et notez bien un détail, mes frères : tandis que dans le cas du jeune Homme la mort était pour ainsi dire de notoriété publique, dans le cas de Lazare, comme dans celui de la fille de Jaïrus, elle est secrète, elle est resserrée dans d'étroites limites ; seulement, chez Lazare, ce n'est plus dans la chambre funèbre qu'elle se cache, c'est dans la nuit du tombeau. Image frappante de ce qui a lieu dans le monde moral.
      En effet, lorsqu'un pécheur n'est qu'à demi enfoncé dans l'iniquité, il la commet ouvertement, mais lorsqu'il s'y est plongé tout entier, ses passions deviennent tellement dépravées qu'il est obligé de s'y livrer en secret. Il lui faut alors le silence et l'obscurité du sépulcre. Ses convoitises sont d'une nature si détestable, qu'il ne peut les assouvir qu'à l'heure de minuit ; sa corruption est si révoltante qu'elle a besoin d'être enveloppée de l'épais linceul des ténèbres. Peut-être ce Lazare spirituel est-il dans la condition la plus abjecte ; peut-être cache-t-il sa honteuse existence dans quelque bouge infect de quelque sombre ruelle. Mais peut-être aussi appartient-il à ce que l'on appelle les classes supérieures de la société et habite-t-il de somptueuses demeures. Ah ! mes frères, vous le dirai-je souvent, en écoutant les aveux que viennent constamment me faire des âmes travaillées et repentantes, je rougis pour l'humanité. Jusque dans les plus hautes régions de l'échelle sociale, se pratiquent les plus honteuses énormités. Il y a dans mon troupeau, dans mon Eglise, de malheureuses créatures dont la perte a été consommée par des hommes de grand nom, de grande naissance, haut placés, influents... La hardiesse de mon langage vous étonne peut-être : mais pourquoi craindrai-je de dire ce que d'autres ne craignent pas de faire ? L'ambassadeur de Dieu doit- il être moins hardi pour reprendre que les hommes ne le sont pour pécher? Oui, je le déclare hautement, dans tous les rangs de la société, il est des âmes qui sont comme. en puanteur aux narines du Tout-Puissant, des âmes dont la corruption est plus hideuse qu'on ne saurait dire ! Elles doivent enfouir leurs désordres dans la tombe du mystère, sans quoi elles seraient huées, honnies, chassées de la société, - j'allais presque dire de l'existence !... Et cependant, ô admirable puissance de la grâce de Dieu ! cette dernière classe de pécheurs peut être sauvée aussi bien que la première. Lazare, déjà en proie à la corruption, peut aussi aisément sortir du tombeau que l'enfant endormie de son lit. La créature la plus avilie, la plus dégradée peut, tout comme une autre, ressusciter en nouveauté de vie, et être amenée à s'écrier, elle aussi : « Lorsque j'étais morte dans mes fautes et d'ans mes péchés, Dieu m'a vivifiée par Christ. »
       J'espère, mes chers auditeurs, que vous avez bien saisi la vérité importante sur laquelle je viens de m'étendre si longuement ; à savoir : que tous les hommes, sans exception, sont, par nature, également morts, mais que la mort se manifeste en eux sous un aspect différent.

II
         J'aborde maintenant une autre partie de mon sujet.
IL Y A DIVERSITÉ DANS LES MOYENS EMPLOYÉS POUR VIVIFIER LES PÉCHEURS, QUOIQUE LA VIE NE PROCÈDE QUE D'UN SEUL ET MÊME AGENT : telle est la seconde vérité que notre rapprochement fait ressortir d'une manière frappante. En effet, la fille de Jaïrus, tout comme le jeune homme, et celui-ci, tout comme Lazare, furent ressuscités, et ressuscités par la même personne, c'est-à-dire par Jésus ; mais la manière dont s'opérèrent ces trois résurrections présente de notables différences. - Quant à la jeune fille, nous lisons dans l’Évangile que Jésus l'ayant prise par la main, lui dit simplement : «Jeune fille, lève-toi l » Il n'en fallut pas davantage. Une voix douce et subtile, un léger attouchement, pas de bruit, pas d'éclat, rien de propre à frapper les regards : et l'enfant se réveilla de son sommeil de mort ; et les pulsations de son coeur reprirent leur cours accoutumé. C'est ainsi, mes frères, que Dieu agit, le plus souvent, à l'égard des jeunes âmes pures selon le monde qu'il veut convertir à lui. Pour les réveiller, il n'emploie ni les terreurs de Sinaï, ni le feu brûlant, ni la nuée épaisse, ni la tempête ; il se borne à leur ouvrir le coeur, comme autrefois à Lydie, afin qu'elles reçoivent la Parole; La grâce divine descend sur de telles âmes doucement et sans bruit, comme la rosée sur les fleurs. Lorsqu'il s'agit de pécheurs endurcis, cette grâce fond sur eux en torrents impétueux mais c'est en douces ondées qu'elle se répand habituellement sur les âmes qui sont encore à la première phase de la mort spirituelle. L'Esprit ne fait que les effleurer de son souffle. Peut-être osent-elles à peine croire elles-mêmes à la réalité de leur conversion ; mais qu'elles se rassurent : si elles ont la vie, c'est que Jésus les a vivifiées, et pour avoir été moins apparente que d'autres, leur conversion n'est pas moins véritable.
      Et le fils de la veuve de Naïn recouvra-t-il la vie de la même manière que la jeune fille ? Non. Observez avant tout que tandis que celle-ci la reçut dans l'intérieur de sa chambre, ce fut en public, au grand jour, en pleine rue, qu'elle fut rendue au jeune homme. Observez, en outre, que, dans ce nouveau cas, Jésus toucha non pas le mort, mais la bière ; et ceux qui la portaient s'arrêtèrent, est- il ajouté. Après cela, le Seigneur prononça à haute voix ces paroles impressives :
      « Jeune homme, je te le dis, lève-toi ! » Ainsi, tandis que Jésus communique une vie nouvelle à l'enfant par une douce pression de la main, dans le cas du jeune homme, le même résultat est obtenu, non pas en le touchant, mais en arrêtant sa bière. C'est ainsi que le Seigneur agira probablement avec toi, ô jeune homme, s'il daigne te vivifier. Il commencera par te retirer tes occasions de chute, tes moyens de péché ; à tes compagnons de plaisir qui, par leurs mauvais exemples, te transportent pour ainsi dire au sépulcre du vice, il ordonnera de s'arrêter. Alors, il y aura pendant quelque temps dans ta vie, une réforme partielle ; et finalement tu entendras dans ton âme une voix forte et solennelle qui te dira : « Jeune homme, je te le dis, lève-toi ! »
      Pour ce qui est de la résurrection de Lazare, de celle qui en apparence était la plus impossible, je vous prie, mes chers amis, de relire avec attention les préparatifs extraordinaires dont le Sauveur jugea bon de la faire précéder. Au moment de ressusciter la jeune fille, il avait traversé la chambre, le sourire aux lèvres, en disant : « Elle n'est pas morte, mais elle dort. » Au moment de ressusciter le fils de la veuve, il avait dit à celle-ci : « Ne pleure point. » Mais dans la circonstance qui nous occupe, Jésus est plus grave, plus sombre. Il est en face d'un cadavre se corrompant dans son tombeau : comment son âme ne serait-elle pas attristée ? C'est à cette occasion que l'évangéliste nous dit : Et Jésus pleura. Et après qu'il eut pleuré, il frémit en lui-même. Puis il dit : « ôtez la pierre. » Ensuite, élevant les yeux au ciel, il prononça cette sublime invocation : « Mon Père, je te rends grâces de ce que tu m'as exaucé. »
         Enfin, après s'être ainsi recueilli, il cria à haute voix : « Lazare ! sors dehors l » Chose digne de remarque, cette expression : Il cria à haute voix, nous ne la trouvons pas dans le récit des deux autres résurrections. Jésus parla bien aux trois morts ; ce fut sa parole qui les vivifia tous, mais il semble n'avoir élevé la voix que dans le seul cas de Lazare. - Y a-t-il dans cet auditoire une âme vile parmi les viles, un être arrivé au plus bas degré de la dépravation ? Ah ! pécheur, lui dirai-je, puisse mon Sauveur te vivifier ! Il peut le faire ; mais, sache-le, il lui en coûtera bien des larmes! Oui, quand il viendra te disputer aux horreurs de la dissolution et t'arracher à cet affreux sépulcre où tu croupis dans tes vices, Jésus viendra en pleurant sur tes forfaits, en gémissant sur les hideux ravages que la mort spirituelle a faits dans ton âme ! 
       De plus, il y a une pierre à rouler de dessus toi : tes habitudes coupables ; et alors même que cette lourde pierre aura été enlevée, un son doux et subtil ne saurait te réveiller. Non, pour te convertir, il ne faut .rien moins que la voix éclatante de l'Eternel, cette voix qui fait trembler le désert et brise les cèdres du Liban. Bunyan, l'immortel auteur du Voyage du chrétien vers l'éternité, était un de ces Lazare spirituels ; aussi quels moyens énergiques furent employés à son égard ! Songes terribles, angoisses affreuses, ébranlements effroyables, - tout dût être mis en oeuvre pour le vivifier à salut, Ne dis donc point, ô pécheur, que Dieu ne t'aime pas, s'il terrifie ton âme par les tonnerres de Sinaï, mais reconnais bien plutôt que tu étais trop profondément plongé dans la mort pour qu'une voix moins formidable eût pu frapper tes oreilles !

III
       Mais me voici arrivé à la dernière partie de mon sujet. QUOIQUE LA VIE SOIT UNE, ai-je dit, ELLE SI MANIFESTE DE MANIÈRES DIFFÉRENTES. En effet, les besoins, les expériences, les aspirations de tous les chrétiens sont loin d'être les mêmes. Il y aurait beaucoup à dire sur ce point, et je regrette que le temps me manque pour le développer d'une manière convenable. Après avoir ressuscité les trois morts dont nous nous sommes occupés, que fit Jésus ? « Donnez-lui à manger » : telle fut sa première recommandation à l'égard de la jeune fille. - Il le rendit à sa mère : tel fut son premier soin à l'égard du jeune homme. - « Déliez-le et le laissez aller » : tel fut son premier ordre à l'égard de Lazare. Il me semble que ces diverses paroles nous révèlent non seulement les besoins respectifs des personnes à qui Jésus venait de rendre la vie, mais encore ceux des trois classes d'âmes dont nous avons parlé. 
       Lorsqu'une âme se convertit avant d'avoir cédé aux séductions du monde, lorsqu'elle est vivifiée par la grâce de Dieu avant que le germe de mort qui est dans son sein se soit développé, la vie nouvelle qu'elle a reçue se manifeste surtout en elle par un ardent désir d'être nourrie, en sorte que cette injonction de Jésus correspond parfaitement à ses besoins « Donnez-lui à manger. » Oui, une nourriture saine, une solide instruction, voilà ce qu'il faut aux jeunes convertis. Peu éclairés, en général, ils ont besoin d'être édifiés dans la foi. Souvent leurs idées sur le péché et sur le salut ne sont pas aussi nettes que celles d'âmes appelées à la connaissance de Christ lorsqu'elles étaient plus avancées dans la vie ou dans le mal ; aussi le lait spirituel et pur de l’Évangile est-il plus nécessaire à cette première classe de croyants qu'à toute autre. 
       Que les ministres de la Parole veillent donc avec un soin tout particulier sur les agneaux de leurs troupeaux, et lorsque de jeunes âmes entrent dans la bergerie, qu'ils n'oublient pas ce commandement de leur Maître: «Pais mes agneaux. » Et de votre côté, jeunes gens, ne négligez rien pour satisfaire cette faim et cette soif de connaissances spirituelles, trait distinctif par lequel se manifeste en vous la vie divine. Cherchez l'instruction auprès de votre pasteur ; cherchez la dans de bons livres ; cherchez-la surtout dans l'Ecriture. Telle doit être votre principale affaire : « Donnez-lui à manger. »
         Quant au fils de la veuve, Jésus, nous dit le récit sacré, le rendit à sa mère. - Et c'est là également ce que mon Sauveur fera de toi, jeune homme, s'il te fait passer de la mort à la vie. Enfant, ta place de prédilection était sur les genoux de ta mère, et si jamais Dieu te convertit, c'est encore auprès de ta mère qu'il te faudra revenir. Tu rechercheras avec empressement les douceurs de la vie domestique, les joies pures de la famille. Ah h rien n'est puissant comme la grâce divine pour resserrer les liens que le péché avait relâchés. Qu'un jeune homme se livre à la dissipation, aussitôt il se soustrait à la tendre influence d'une soeur, à la vigilante sollicitude d'une mère ; mais du moment que son coeur est touché, il éprouve le besoin d'accourir de nouveau vers elles, et goûte dans leur société un charme qu'il ne connut jamais auparavant. Et ce ne sera pas seulement vers tes parents selon la chair, jeune homme, que tu te sentiras attiré, mais vers la grande famille des enfants de Dieu. De même que Christ rendit le fils de la veuve de Naïn à sa mère, de même, en te communiquant la vie, il te placera dans les bras de l'Eglise, cette mère spirituelle de tous les croyants. Lors donc que tu auras été vivifié, recherche avec toujours plus de soin la compagnie des justes ; car de même que les mauvaises liaisons te transportaient, pour ainsi dire, au sépulcre de perdition, de même tu auras besoin du secours d'amis chrétiens pour te soutenir dans ta marche vers les cieux.
       Vient enfin l'ordre de Jésus relativement à Lazare : « Déliez-le et le laissez aller. » Je ne puis m'expliquer, je l'avoue, pourquoi le fils la veuve n'était pas lié de bandes comme Lazare. Vainement ai-je examiné nombre d'ouvrages traitant des mœurs et coutumes orientales ; je n'ai pu parvenir à élucider ce fait, qui pourtant ressort avec évidence du récit sacré. Il nous est dit, en effet, qu'aussitôt que Jésus se fut adressé au jeune homme, celui-ci s'assit et commença à parler ; tandis que Lazare, emprisonné dans des bandages qui gênaient ses mouvements, et la tête enveloppée d'un lige qui l'empêchait probablement d'articuler aucun son, Lazare paraît n'être sorti qu'à grand peine de la grotte sépulcrale. 
      Je le répète, comment expliquer cette différence ? Pour ma part, je serais disposé à penser qu'on doit chercher la cause dans une différence de for tune : le jeune homme était fils d'une veuve peut-être n'avait-on pu l'envelopper que de quelques linges grossiers ; tandis que Lazare étant plus riche, était bandé avec soin, suivant l'usage du temps. Quoi qu'il en soit, ce détail en lui-même est de peu d'importance ; mais ce que je désire que vous remarquiez, mes chers amis, c'est l'application que nous pouvons en faire à la troisième classe de pécheurs dont nous avons parlé. Le Seigneur, lorsqu'il les ressuscite, agit envers ceux-ci absolument comme il le fit envers Lazare : après leur avoir donné la vie, il ordonne qu'ils soient mis en liberté ; il les aide à se dégager de leurs habitudes coupables, à rompre les liens de leurs vices. Aussi, quoique la vie nouvelle qu'ils ont reçue soit exactement la même dans son principe et dans sa nature que celle qui anime tous les enfants de Dieu sans exception, elle se manifeste le plus souvent d'une manière toute différente. Pour eux, la grande affaire n'est ni de croître en connaissance, ni de marcher dans la communion des saints ; non, ils ont autant qu'ils peuvent faire à se débarrasser du linceul de leurs péchés, à se dépouiller de leurs passions charnelles. Peut-être, hélas ! jusqu'à leur mort, devront-ils, lambeaux après lambeaux et pièces après pièces, déchirer les liens qui garrottaient leurs âmes ! Celui-ci est aux prises avec son intempérance : oh ! quels efforts désespérés devra-t-il faire pour s'en dégager ! Celui-là se débat contre des convoitises impures : oh ! que de luttes, opiniâtres ne lui en coûtera-t-il pas avant de s'en rendre maître ! Un troisième combat contre son habitude de jurer : oh ! que de fois n'aura-t-il pas à se faire violence pour retenir les expressions malséantes, toujours prêtes à monter sur ses lèvres ! Un autre encore a affaire avec son amour pour les plaisirs et les vanités du siècle : il y a renoncé ; mais que de fois ses anciens amis ne chercheront-ils pas à l'attirer de nouveau vers le monde ! Pour de. telles âmes, la vie chrétienne n'est guère autre chose qu'un pénible déchirement, qu'un dépouillement continuel de vieilles habitudes, de péchés enracinés, et parfois ce dépouillement ne prend fin que lorsqu'elles entrent dans le repos de leur Sauveur.
        Et maintenant, mes chers auditeurs, avant de vous quitter je tiens à vous poser à tous cette sérieuse question : AVEZ-VOUS ÉTÉ VIVIFIÉS ? Prenez garde ! que vous soyez bons ou mauvais selon le monde, respectés ou méprisés des hommes, je vous le déclare solennellement, si vous n'êtes pas ressuscités en nouveauté de vie, vous êtes morts dans vos fautes, et si vous quittez ce monde dans cet état, vous serez éternellement perdus. Toutefois, que pas un d'entre vous ne désespère : Christ peut encore vous vivifier. Il peut même vous vivifier, vous les plus dégradés des hommes. Oh ! Dieu veuille qu'aujourd'hui même vous soyez touchés à salut! Dieu veuille que cette, voix puissante qui cria : « Lazare, sors dehors ! » retentisse en cet instant aux oreilles de quelques grands pécheurs, en sorte qu'abandonnant le tombeau de leurs vices, l'intempérant vivre désormais dans la sobriété, la femme de mauvaise vie, dans la continence ! Et Dieu veuille surtout, oh ! Dieu veuille bénir abondamment sa Parole pour les âmes jeunes, pures, candides encore qui l'ont entendue aujourd'hui ! Puissent-elles :comprendre que, par nature, elles sont mortes comme les autres, et puissent-elles devenir, dès à présent, enfants de Dieu par la foi en Jésus-Christ !
        Quant à vous, mes chers amis, qui avez le bonheur d'être déjà vivifiés, permettez-moi de vous adresser un seul mot d'exhortation. Prenez garde aux embûches du diable. Il rôde continuellement autour de vous, n'en doutez pas. Veillez donc et priez. Que votre esprit soit toujours occupé de bonnes pensées, et ainsi l'adversaire ne pourra vous nuire. Oh ! je vous le dis encore : méfiez-vous des ruses de Satan. Gardez votre coeur plus que tout autre chose qu'on garde, car c'est de lui que procèdent les sources de la vie.
Que Dieu vous bénisse, mes bien-aimés, pour l'amour de Jésus !