Missionnaire en Chine pour la Société presbytérienne des Missions de
Toronto (Canada)
Par mon Esprit, Traduit par Madame Arthur Blocher,
Avant-propos par R. Saillens, pasteur.
Préface par Madame R. Saillens
Avant-Propos.
Préface.
I : Introduction.
II : Préparation intensive.
III : Le début du mouvement
en Mandchourie.
IV : Autres triomphes de
l'Esprit en Mandchourie.
V : Repentance et Confession
dans le Shansi.
VI : Une pluie de
bénédictions sur Changthefu.
VII : La présence et la
puissance du Seigneur dans les annexes de Changtehfu.
VIII : La Défaite des
Esprits malins. Les Démons chassés.
IX : Interdits balayés par
le Saint-Esprit en Chilhi.
X : Autres exemples de la
puissance du Saint-Esprit en Chilhi.
XI : L’œuvre de Dieu parmi
la Jeunesse du Shantung
XII : Le Réveil dans les
écoles de Kiangsu.
XIII : Conclusion : Les
conditions indispensables du Réveil.
Avant-Propos
Une conscience
chargée est le fardeau le plus lourd qu'un être humain ait à porter sur la
terre, et le châtiment le plus terrible qui l'attende dans l'Au-delà. Dieu
pardonne : c'est la Bonne Nouvelle. Il pardonne gratuitement, entièrement,
immédiatement, quiconque se repent et croit à la vertu rédemptrice du sang
répandu au Calvaire.
Ce sang n'est
pas seulement expiatoire : il sanctifie ceux qui ont confessé devant la croix
leur impuissance absolue à vaincre le péché, et leur désir ardent d'en être
affranchis. « Le sang de Jésus-Christ nous purifie de tout péché ». Ainsi est
exaucée la prière de ce grand pécheur, David, qui fut aussi un grand saint : «
Purifie-moi avec l'hysope, et je serai pur... (l'hysope : il faut., pour
comprendre
cette allusion, se reporter au Lévitique (14 : 1-7)...
Lave-moi, et je serai plus blanc que la neige » (Psaume :31 : 9).
Mais le pardon
et la sainteté ne peuvent s'obtenir qu'à la condition d'une sincérité absolue
chez le pécheur repentant ; et cette sincérité se montre par le désir ardent,
irrésistible, que le Saint-Esprit crée en lui, de confesser son péché.
Confesser, cela veut dire avouer, et la conséquence de cet aveu, c'est la
réparation.
L'aveu doit
être fait à celui ou à ceux qui ont été lésés par la faute commise : à Dieu,
d'abord, car c'est Lui, toujours, le premier offensé ; puis aux hommes à qui
nos péchés ont nui ou ont pu nuire.
Tout mouvement
de Réveil est un mouvement de repentance, et donne lieu, souvent sans qu'on le
désire spécialement, a des confessions et a des réparations. « Confessant leurs
péchés, ils se faisaient baptiser par lui (Jean) dans le fleuve du Jourdain »
(Matthieu 3 : 6). — « Plusieurs de ceux qui avaient cru venaient confesser et
déclarer ce qu'ils avaient fait. Et un certain nombre de ceux qui avaient
exercé les arts magiques, avant apporte leurs livres, les brûlaient devant tout
le monde : on en estima la valeur a cinquante mille pièces d'argent » (Actes 19
: 29). Voilà des signes non équivoques d'une véritable conversion
On remarquera
qu'il ne s'agit pas, dans ces deux textes, d'une contrainte venant du dehors.
Ces confessions et ces réparations étaient spontanées ; elles se produisaient,
pour ainsi dire, d'elles-mêmes ; le Saint-Esprit obligeait les âmes sincères a
un acte humiliant, qu'aucun homme n'aurait eu le droit d'exiger d'elles. Et le
Saint-Esprit, en les poussant à cette action, leur donnait aussi le langage
qu'il fallait, et l'absolution divine qu'ils désiraient. On le voit, rien de
commun entre ces explosions de la conscience réveillée, et la confession
imposée par l'Église romaine.
Le Réveil en
Chine, dans les années 1906 et suivantes, fut marqué par une véritable marée de
confessions spontanées, non seulement de jeunes Yens et de nouveaux convertis,
mais aussi de membres dirigeants de l'Église indigène, pasteurs anciens,
diacres, et même de missionnaires. Les résultats de ce mouvement, on le verra,
furent extraordinaires.
On peut se
demander si, l'état social de l'Europe et celui de la Chine étant si
différents, des faits analogues a ceux racontes dans ce livre pourraient se
produire chez nous. A cela nous répondons : plût a Dieu que nous, chrétiens
d'Occident, fussions tous innocents des grands péchés : meurtres, vols,
adultères !... Même alors, il resterait à nous juger à la lumière de l’Évangile, qui appelle meurtrier l'homme qui hait son frère, et adultère
l'homme qui convoite une femme, même par le seul regard...
C'est le
Saint-Esprit qui révèle à chacun son état véritable ; c'est à Lui que nous
laissons le soin d'utiliser le présent ouvrage pour la conversion réelle,
profonde et définitive des pécheurs, et la sanctification des croyants.
Ce livre a
Réédité en anglais par le journal The Life of Faith, organe du mouvement dit de
Keswick, en Angleterre. Il nous a été signalé par un ami : « C'est un livre
très remarquable », nous écrivait-il ; «on devrait le traduire immédiatement en
Français, et le publier a un prix aussi modique que possible. On ne peut
exagérer la valeur du message que ce livre contient.» Et dans une lettre
subséquente : «La publication de « Par mon Esprit » me parait si importante, je
suis si convaincu que notre défaite, comme celles racontée en Josué 7 : 1-11,
est causée par le manque de sainteté (unholiness) de l'Église protestante ; si
sûr, aussi, que ce livre peut être en bénédiction a l'Église du Christ en
France, que je vous offre de participer aux frais de cette publication pour la
somme de... ». Nous ne donnons pas le chiffre ; il est suffisant pour couvrir
environ un tiers des frais d'impression. Celui qui rend a nos Églises ce
généreux service descend d'une famine chassée de France, lors de la Révocation
de l'édit de Nantes. Il n'est pas le premier de ceux qui, enfants des huguenots
exilés pour leur foi, ont conservé pour la France un amour profond, et ont
travaillé au bien spirituel de ce pays qui sera toujours pour eux la
mère-patrie. Que Dieu bénisse ces fils de la Réforme française, étrangers de
langue et de domicile mais qui sont nos frères en la même foi et la même
espérance !
R. SAILLENS.
P. S. — Nos remerciements vont aussi a notre ami, le Rédacteur
en chef du Life of Faith, et aux éditeurs, MM. Marshall, Morgan and Scott, pour
l’autorisation qu'ils nous ont gracieusement accordée. Nous avons écrit a
l'auteur, actuellement en Chine ; mais notre lettre n'a pu l'atteindre avant
que cette publication soit achevée. Nous sommes sûrs d'avance de son
approbation.
DERNIÈRE HEURE.
— Ce livre a été revu, et les épreuves en ont été corrigées, au fort d'une très
grande douleur. Le pasteur Arthur Blocher a été retiré de ce monde, le 30
novembre 1929, après une très courte maladie. Il avait fort goûté cet ouvrage,
et désiré vivement qu'il fût traduit en français. Nos lecteurs sympathiseront
avec nous, et demanderont à Dieu pour nous, la consolation et la force que
donne le Saint-Esprit.
Madeleine BLOCHER. J. et R.
SAILLENS.
Préface
Madame Goforth
était prête a sortir ; son chapeau, sa jaquette étaient posés sur un fauteuil.
Elle attendait l'auto qui devait la mener a la clinique ; car elle devait être
mise en observation sous les soins du chirurgien. On craignait pour elle une
opération qui semblait devoir être grave. Elle-même se sentait faible et
fatiguée, ce 28 janvier. A ce moment, la sonnerie du téléphone retentit et le
timbre de la porte d'entrée carillonnait en même temps. En sorte qu'au même
moment, Madame Goforth s'approcha du téléphone tandis que son mari, le docteur
Goforth, ouvrait la porte d'entrée, et un employé lui remit un télégramme.
Le chirurgien
téléphonait qu'il ne pourrait recevoir la malade, sa chambre ne devant être
libre que dans quelques jours.
Le télégramme
priait le docteur Goforth de revenir immédiatement en Chine pour être
l'aumônier de l'armée du général chrétien Feng.
Comme Madame
Goforth raccrochait les écouteurs, son mari lui tendit la dépêche.
— Je me demande, dit-il, ce
que je dois répondre.
— Ce que tu dois dire ? répondit-elle, sans la moindre
hésitation ; que Dieu soit loué, Lui de qui descendent toutes les bénédictions.
— Nous sommes bien d'accord, dit le mari, mais une
question sérieuse se pose. Puis-je m'en aller en Chine, te laissant malade en
Amérique avec une grave opération en perspective ?
—Tu n'auras pas à me laisser, répondit-elle
doucement, car je t'accompagne en Chine.
Le docteur Goforth resta stupéfait d'étonnement, bien
qu'il connût la foi courageuse de sa femme.
Quelques jours après, le chirurgien vint pour voir sa
malade, et pour lui dire en même temps que sa chambre était libre ; elle
pouvait entrer en clinique tout de suite.
— Cher Docteur, dit Madame Goforth fermement, je ne puis
entrer en clinique demain parce que j'accompagne mon mari en Chine, jeudi
prochain.
Le chirurgien, lui aussi,
fut confondu d'étonnement.
— Chère Madame, répondit-il, je ne puis vous permettre ce
départ, qui mettrait votre vie en danger.
— Aussi, Docteur, ne vous demandé-je aucune permission ;
je vous décharge de toute responsabilité a mon égard. Je vous annonce
simplement, comme a un ami, mon départ pour la Chine.
Le chirurgien n'objecta plus rien. Étant chrétien, il
connaissait la carrière des Goforth, il savait que cette décision n'était pas
un caprice, mais un acte de foi.
Aucun argument
ne put ébranler la décision de Madame Goforth. On ne put lui persuader de ne
rejoindre son mari que dans six mois, après l'opération.
« Le lundi
(écrit toujours l'amie a qui nous devons ce récit), je vins voir Madame Goforth,
pour lui offrir mes services en vue de ses préparatifs de voyage. Ces dernières
heures passées avec elle resteront comme des heures les plus précieuses de ma
vie.
Je m'assis d'abord près du divan où elle
était étendue, afin de prendre ses ordres. Elle me pria d'aller chercher dans
sa chambre le costume de voyage qui lui avait été donné. En entrant dans sa
chambre, je remarquai une Bible ouverte sur sa table de nuit.
Je ne pus m’empêcher d'y jeter les yeux.
Le Livre saint était ouvert au prophète Aggée, chapitres deux et trois. Ces
mots étaient fortement soulignés au crayon rouge Obéissez. Je suis avec vous,
dit le Seigneur. Fortifie-toi... travaille, car je suis avec toi, dit l’Éternel des armées. Mon Esprit est au milieu de vous, ne craignez pas.
Les derniers jours qui précédèrent le départ des Goforth.
furent extrêmement remplis. On craignait beaucoup la fatigue pour Madame
Goforth. Mais tant de mains amies vinrent à son aide, elle fut entourée de tant
de prières, qu'elle se sentit plus forte à la fin de la semaine qu'au commencement. Elle avait demandé à Dieu avec instances d'avoir des forces
suffisantes pour prendre la parole à la réunion d'adieu.
L'Église
presbytérienne de Toronto (Canada) qui était la leur, était, ce soir-là, pleine
à regorger. On entendit d'abord les discours de ceux qui étaient venus les
encourager. On leur promit le secours de prières fidèles, et aussi de l'aide
financière. Mais l'émotion de l'auditoire atteignit à son comble, quand vint le
moment où les missionnaires prirent la parole.
Madame Goforth
parla la première. Tous furent profondément impressionnés par sa faiblesse
physique, par les circonstances tragiques qui accompagnaient son départ pour ce
pays troublé par la guerre. On me rappelait aussi leurs longs états de service,
et qu'ils n'avaient échappé aux Boxers que par une série de miracles.
Bien qu'obligée
de s'appuyer contre l'estrade, Madame Goforth n'avait pas l'air, pour le
moment, d'une femme épuisée. Sa figure rayonnait d'enthousiasme, comme celle
d'un soldat, qui, plein d'énergie, part pour la victoire.
Les gloires du
ciel se reflétaient dans ses yeux, comme si elle avait une vision merveilleuse.
Sa brève allocution commença par ces mots : Il arrive parfois que le cœur est
trop plein pour qu’on puisse parler.. C'est mon cas ce soir. C'est peut-être la
dernière fois que je m adresse à un auditoire de Toronto. Que vous dirai-je
comme dernier message ? »
La salle
entière était suspendue à ses lèvres. Plusieurs auditeurs donnaient déjà des
signes de la plus profonde émotion. Madame Goforth pressa les jeunes d'avoir
une telle vision du Christ, qu'elle leur permît de considérer comme une perte
tout ce qui aurait pu leur être un gain dans le monde. Elle finit par ces
paroles touchantes :
« Nous ne
sommes plus jeunes, nos forces diminuent, au 'moins les miennes. N'y aura-t-il
pas dans cet auditoire, des jeunes hommes, des jeunes filles, qui se donneront
entièrement à Dieu pour reprendre le flambeau de l'évangélisation en Chine,
quand nos mains défaillantes ne pourront plus le porter ?
Jésus n'a pas
besoin de messagers qui viendraient en Chine avec l'idée d'avoir une vie
facile. Notre Sauveur a besoin de soldats qui sachent souffrir pour leur Chef,
et même qui soient prêts à donner leur vie sur le champ de bataille.
La Chine peut
être comparée à un puits sombre et profond, où il faut descendre pour y sauver
des âmes. Nous ne pouvons y descendre comme sauveteurs que si vous nous y
maintenez par les cordes puissantes de la prière fervente de la foi (1)»
1. Cette image est celle qu'employa le missionnaire Carey,
le fondateur des Missions modernes, en s'adressant à l'Église qu'il quittait en
Angleterre, pour aller aux Indes. L'Inde est une mine de diamants. Je vais
descendre dans la mine, mais vous, tenez les cordes... »
Ensuite, le
docteur Goforth prit la parole et parla avec force sur la nécessité absolue
pour les missionnaires, d'être envoyés par Dieu et baptisés du Saint-Esprit.
Il nous parla
des expériences merveilleuses que Dieu lui avait fait faire pendant les
trente-huit années de son travail missionnaire en Chine. Il y retournait pour
évangéliser cent vingt mille soldats chinois ; de plus, il se proposait
d'ouvrir un nouveau champ de travail dans le Sud de la Chine, en outre, de
faire une tournée de réunions de réveil dans les Églises déjà fondées.
Le travail
n'allait pas lui manquer, et il l'entreprenait avec le zèle d'un homme jeune. «
Ce n'est pas surtout votre argent que nous vous demandons, dit-il en finissant,
car Dieu possède l'or et l'argent, et Il en dispose ; mais nous vous demandons
vas prières, pour que notre foi soit maintenue et augmentée. Nous demandons
aussi des missionnaires consacrés et croyant toute la Parole de Dieu.
Si vous ne
pouvez nous envoyer que des missionnaires riches surtout de science
intellectuelle, mais étrangers à la puissance de l'Esprit, gardez-les. Nous
n'en avons pas l'usage en Chine.
Ce qui nous est
indispensable pour faire l’œuvre parmi ces païens civilisés que sont les
Chinois, ce sont des hommes et des femmes qui, croyant toute la Bible comme
étant la Parole de Dieu, ont en la vision de Jésus mourant pour les péchés du
monde. La seule chose qui puisse sauver la Chine, c'est Jésus-Christ crucifié.
La séance
terminée, les missionnaires se tinrent au pied de la tribune, pour que leurs
amis, formant un long défilé, pussent leur serrer la main. Madame Goforth était
assise sur une chaise afin de ménager ses forces.
Le lendemain,
jour de leur départ, je courus chez Madame Goforth pour raider dans ses
derniers préparatifs.
Je m'attendais
à la voir allongée sur une chaise longue, se reposant. Pas du tout, elle était
très occupée à dédicacer son livre « Holy God answers prayer », « Comment Dieu
exauce la prière ».
L'heure du
départ arriva. Plusieurs de leurs amis s'étaient rendus à la gare pour les
entourer de leur affection pendant ces moments si solennels.
J'eus le
privilège d'avoir un moment d'entretien personnel avec Madame Goforth. Elle
répéta presque avec angoisse cette ultime recommandation : « N'oubliez pas !
Vous tiendrez bien les cordes de la prière pendant que nous descendrons dans le
puits ! Car ce n'est pas une image de rhétorique que d'appeler la Chine un puits
noir et profond, c'est une affreuse réalité .».
Au moment où le
train partait, le docteur et Madame Goforth, leur fils, leur fille et leur
gendre, se tinrent sur la plate-forme du train, tandis que leurs amis
chantaient ce cantique : Béni soit le lien qui nous unit en Christ (1) Puis,
celui-ci : Dieu soit avec toi jusqu'au revoir, Âme fidèle et soumise. Tous les
cantiques étaient chantés et le train ne s'ébranlait pas. Il y eut un moment de
silence, presque embarrassant. A cet instant critique, Madame Goforth s'avança
et dit d'une voix claire : « Quelqu'un ne voudrait-il pas entonner le cantique
: Quel ami fidèle et tendre Nous avons en Jésus-Christ (2)». La foule se mit à
chanter, Madame Goforth conduisant le chant avec la main. Quand on fut arrivé à
ces paroles : II connaît notre faiblesse, les wagons s'ébranlèrent, et bientôt
les figures des bien-aimés missionnaires disparurent dons l'obscurité ».
(1) Sur les Ailes de la Foi,
n° 28.
(2) Même recueil, n° 417.
Tout ce qu'on vient de lire est extrait d'un article du
Sunday-School Times, journal évangélique dirigé par nos amis, M. et Mme
Trumbull.
Je fus si émue de ce récit, que j' en parlai aux élèves de
notre Institut, à notre réunion habituelle du mardi soir. Cette même année je
me proposais d'en parler a la réunion missionnaire des dames, à Morges.
Une jeune femme missionnaire, Mrs Jeffrey, dont le mari dirige
l'Institut Biblique de Tourane (Indochine française), prit la parole. Je ne
connaissais presque pas cette sœur, mais je découvris qu'elle était la fille du
Docteur et Madame Goforth. j'en fus aussi surprise que ravie.
Elle nous parla tendrement de sa mère, qui avait élevé tous ses
enfants en Chine, en avait perdu quatre, tandis que les autres n'avaient
survécu que quand elle avait confié leur vie à Dieu Lui-même.
Nous fumes touchés aux larmes par le récit des peines de cette
mère héroïque, qui traversa la révolte des Boxers avec cinq petits enfants
qu'elle protégeait à grand'peine. La charmante jeune femme qui nous parlait
était l'une de ces enfants. Quelques semaines plus tard, je recevais le livre
de Madame Goforth : «How Know God answers prayer ». « Comment je sais que Dieu
exauce la prière».
Ce livre était palpitant d'intérêt ; je le lus comme on lit un
roman. Ce récit est l'autobiographie de la famille Goforth, travaillent parmi
les Chinois et en fin n'échappant qu'à grand'peine aux persécutions, le Docteur
ayant été plusieurs fois laissé pour mort pendant leur voyage vers la côte.
Dans ces pages, Madame Goforth raconte très simplement sa
vocation, leur vie journalière, les victoires de la foi obtenues dans de grands
périls et dans de petites difficultés, ses luttes spirituelles et ses
délivrances.
J'espère que nous pourrons offrir bientôt aux femmes de langue
française, surtout celles qui travaillent directement à l’œuvre de Dieu, la
traduction de ce livre, qui les affermira dons la foi aux promesses divines.
Vous pensez bien, chers lecteurs, qu'après la lecture de ce
livre, j'ai cherché à connaître, par les journaux religieux, la suite de leur
vie. J'appris que, par le moyen du docteur Goforth, un grand réveil avait eu
lieu dans les Églises de Corée.
N'ayant pu rester en Chine, ni dans les armées de Feng, le
Docteur et Madame Goforth étaient allés dans la partie de la Mandchourie qui
est placée sous le protectorat du Japon, à Szepingha. En mai 1927 ils ouvraient
là un nouveau champ de travail dans un milieu entièrement païen.
Quel courage ont eu ces pionniers de l’Évangile pour
entreprendre ce travail ! Pourtant Madame Goforth écrit dans un de ses derniers
articles, que sa surdité augmente graduellement, qu'un de ses yeux est perdu
par la cataracte, que l'autre seul lui permet encore de voir un peu. Cette foi
héroïque se passe de commentaires. La place nous manque ici pour raconter la
suite des merveilleuses délivrances que Dieu continue d'accorder à leur foi
d'enfant.
A Szepinghaï, Madame Goforth, encore mal remise d'une grave
opération, ne peut plus tenir de réunions. Humblement elle dirige le ménage,
crée un foyer aussi confortable que les circonstances le permettent pour son
mari et les missionnaires qui travaillent avec eux.
Enfin, en 1928, les Goforth ont entrepris un nouveau
‘’champ" de travail, dans une partie du pays où aucun missionnaire n'a
encore pénétré. C'est à Tavnan, ville Mandchourienne de 80 à 100 mille
habitants. Cette ville stratégique est la capitale d'une province nouvellement
formée. Sa population paraît, d'après le docteur Goforth encore mieux disposée à accepter l’Évangile que le pays qu'il vient de quitter.
Madame Goforth, qui donne les dernières nouvelles parvenues à
ma connaissance en août 1928, termine son article par ces mots: « Je trouve
difficile d'exprimer la reconnaissance que nous éprouvons pour la bonté de Dieu
à notre égard, tant en prolongeant notre vie, qu'en nous donnant la force, dans
notre vieillesse, de travailler dans son oeuvre. Un soir, peu de temps après
notre arrivée à Toronan, mon mari, assis dans un fauteuil branlant, portant sur
ses traits le parfait contentement, me dit d’une voix heureuse :
— N'est-ce pas une grande chose pour nous, que Dieu nous
permette, à notre âge, de travailler encore pour Lid ? Je ne changerais pas de
place avec le roi d'Angleterre, ni cette pauvre demeure avec son palais.
Chers lecteurs, en lisant l'histoire de
ces vaillants serviteurs qui n'ont pas pensé à la retraite, malgré leur âge et
leurs états de service si remplis, je me suis sentie encouragée à servir
Jésus-Christ jusqu'au bout, moi aussi, bien que notre age soit avancé.
J'espère que ce livre vous encouragera à servir aussi un Maître qui
prend un soin si tendre et si affectueux de ceux qui le servent. Et cela,
jusqu'à ce que soit achevée la grande bataille qui doit gagner le monde à
Jésus-Christ notre Sauveur.
Madame Jeanne R. SAILLENS.
Nous parlons dans ce livre de résultats anormaux. Si l'Esprit
tout puissant exerce sa souveraineté dans les cœurs et les consciences, le
résultat doit être hors de la normale. Le docteur A. T. Schofield écrit dans sa
préface au livre de Miss Dyer ‘’Le Réveil aux Indes’’ : « Nous devons
comprendre une chose, c'est que, depuis la Pentecôte, le travail soudain et
direct de l'Esprit de Dieu sur les Âmes a toujours été accompagné de
manifestations plus ou moins anormales. Après tout, n'est-ce pas naturel ? Nous
pouvons nous attendre à ce qu'un flot surabondant de puissance et de lumière
divines agissant profondément sur les émotions et transformant les vies, ait de
remarquables résultats.
« De même qu'un tremblement de terre, une inondation, un
ouragan, sont des manifestations extraordinaires, un réveil véritable est un
événement qui sort de l'ordinaire ».
Peut-être aucun mouvement du Saint-Esprit
depuis la Pentecôte n'a-t-il été aussi riche en résultats que le Réveil morave
du dix-huitième siècle. Nous lisons ceci : « A midi environ, le dimanche 10
août 1727, pendant que le pasteur Rothe faisait une réunion à Herrnhut, il se
sentit submergé par la puissance merveilleuse et irrésistible du Seigneur et
s'effondra dans la poussière devant Dieu. Toute l'assemblée fit comme lui, dans
des sentiments d'une intensité inexprimable. Ils continuèrent ainsi jusqu'à
minuit, priant, chantant dans les pleurs et les supplications ».
Les récits qui
nous ont été conservés de « l'agape » à Fetter lane, à Londres, le jour de l'an
1739, nous donnent un aperçu des débuts d'un autre grand mouvement qui commença
à la même époque. Soixante Moraves assistaient à cette réunion, et sept
Méthodistes d'Oxford : John Wesley et son frère Charles, Georges Whitefield,
Wesley Hall, Benjamin Ingham, Charles Kinchin et Richard Hutchins, tous
pasteurs consacrés de l'Eglise anglicane. Wesley écrit, à propos de cette
réunion :
« A trois
heures du matin, alors que nous priions avec instance, la puissance de Dieu
vint avec force sur nous, à un tel point que beaucoup pleuraient de joie et
plusieurs tombèrent par terre.
«
Aussitôt que nous fûmes un peu revenus de la crainte et de l'étonnement causés
par la présence de sa Majesté sainte, nous chantâmes d'une seule voix : «Nous
te louons ô Dieu ; nous te reconnaissons comme le Seigneur ».
J'étudiais à
Knox Collège quand M. Moody fit une série de réunions de trois jours à Toronto
pendant l'hiver de 1883. Je n'ai jamais vu une réunion plus émouvante que celle
d'une certaine après-midi. Aucun œil n'était sec, et ceux qui commençaient à
prier étaient vite arrêtés par leur émotion.
John GREENFIELD : Power from on high, page 35
(traduit du Journal de Wesley). Fragment de la liturgie anglicane.
Cependant, tout en parlant des
manifestations de la Pentecôte comme anormales, nous maintenons que la
Pentecôte fut le Christianisme normal. Quand le Saint-Esprit, prenant la place
de Jésus-Christ, se charge du contrôle, les résultats sont toujours conformer
au plan divin.
« Chacun était fortifié par l'Esprit dans
l'homme intérieur. Christ habitait dans leurs cœurs par la foi, ils étaient
enracinés et fondés dans l'amour. Ils étaient remplis de toute la plénitude de
Dieu, et Dieu faisait en eux et par eux au delà de tout ce qu'ils avaient
demandé ou pensé ». Se contenter de moins, c'eût été ravir au
Seigneur les mérites du Calvaire. Le but du Saint-Esprit était de glorifier le
Seigneur Jésus tous les jours, depuis son couronnement jusqu'à son retour. Il
est inconcevable qu'Il se lasse de bien faire. Ma conviction est que la
puissance divine, si manifeste dans l'Eglise de la Pentecôte, doit être en évidence
de la même façon dans l'Eglise actuelle. Le Christianisme normal, dans les
intentions du Seigneur, ne devait pas commencer par l'Esprit pour finir par la
chair. La construction du temple spirituel ne se
poursuit ni par la puissance, ni par la force, mais toujours par Son Esprit
(Zacharie 4 : 6.).
Ce fut après avoir été rempli de l'Esprit,
que le Seigneur lui-même se rencontra. avec Satan et le terrassa. Aucun enfant
de Dieu n'a jamais de remparts de victoire sur l'adversaire, sans avoir reçu la puissance
de la même source.
Le Seigneur n'a pas permis à ses disciples
de témoigner en son Nom, sans avoir d'abord été revêtus de la puissance
d'En-Haut. Il est vrai qu'avant ce jour là, ils étaient nés de nouveau, étaient
devenus des enfants du Père céleste, et avaient reçu le témoignage de l'Esprit.
Mais ils n'étaient pas des collaborateurs capables, et ne pouvaient l'être,
avant d'être remplis du Saint-Esprit. Cette puissance divine est pour nous comme pour eux. Nous aussi, nous pouvons faire les oeuvres que notre Seigneur a
faites, et même en faire de plus grandes. A mon sens, l'Ecriture ne veut pas
dire autre chose que ceci : le plan du Seigneur Jésus est que le Saint-Esprit
continue à agir parmi nous, de notre temps, par des manifestations aussi puissantes
que celles de la Pentecôte. Un seul doit pouvoir en chasser mille et en mettre
en fuite dix mille, car Jésus-Christ est le même hier, aujourd'hui et
éternellement.
Mais est-ce que ce baptême du Saint-Esprit
a des effets durables ? Combien de fois l'incrédulité m'a posé cette question !
Naturellement l’œuvre durera, si l'homme est fidèle.
Lorsque les rachetés par le sang de Christ
se laissent complètement dominer par leur Sauveur, toutes les ressources de
Dieu le Père sont mises en activité pour la gloire de l'Agneau qui a été
immolé.
L'efficacité du baptême du Saint-Esprit et
de feu ne disparaît que quand l'âme éteint volontairement l'Esprit. Est-ce que
la Pentecôte a duré ? Est-ce que Dieu a voulu qu'elle cessât ? La Pentecôte
était de Dieu. Le réveil de Wesley l'était aussi. Ce n'est donc pas Dieu, mais
l'homme qu'il faut blâmer de ce que les canaux par lesquels passaient les flots
de bénédiction, ont été obstrués. Pouvons-nous imaginer un homme décidé à
collaborer avec Dieu jusqu'à l'extrême limite de ses forces et se posant la
question : « Est-ce que cela durera »
A un certain endroit, en Mandchourie, le
Saint-Esprit était descendu sur les gens avec une puissance extraordinaire. Les
évangélistes chinois allèrent demander au missionnaire pourquoi il ne leur
avait jamais dit que l'Esprit pouvait travailler avec une Celle puissance.
Le missionnaire répondit humblement que
lui-même ignorait que cela fût possible. Quelle tristesse, de sortir « des
écoles de prophètes », et de ne pas savoir que le Saint-Esprit peut nous
revêtir de puissance, ou que nous puissions délivrer un message de prophète.
Une association de pasteurs d'une certaine ville du Canada m'invita à leur
parler du réveil que le Saint-Esprit opérait en Chine. Je leur assurai que je
n'avais aucune raison de me croire un favori du Tout-Puissant. Ce que Dieu
avait fait en Chine, Il le ferait volontiers par eux au Canada. Par conséquent,
chaque serviteur de Dieu devait avoir la foi et le courage de croire que Dieu
le Saint-Esprit pouvait réveiller son peuple. Je leur montrai que John Wesley
et ses collègues avaient été des hommes ordinaires, jusqu'à ce que leurs cœurs
fussent touchés par le feu divin. A ce moment-là, un prédicateur méthodiste
réputé m'interrompit: « Quoi, Monsieur, s'écria-t-il, voulez-vous dire que nous
ne prêchons pas bien mieux aujourd'hui que John Wesley ?
— Avez-vous les mêmes
résultats que lui ? » Demandai-je.
Une autre fois, on me demanda de parler à
un synode presbytérien, à Toronto. Mon sujet était le réveil de 1908 à
Changtehfu. Je me souviens de ce réveil comme du plus puissant que je n’aie
jamais vu. Pendant les dix jours merveilleux que les réunions durèrent, je dus
renoncer sept fois à prononcer mon allocution, tant l'Esprit de Dieu brisait les
cœurs.
Pendant que je racontais tout cela au
Synode, un certain professeur de théologie, assis près de moi, n'avait pas
l'air heureux. Mon récit de la puissance que le Saint-Esprit possède pour
convaincre de péché un auditoire chinois, semblait agacer ses nerfs. On me dit
plus tard qu'un autre professeur de théologie, assis dans une autre partie de
la salle, n'avait pas l'air à son aise, il finit par se retourner et dire entre
ses dents : « Quelle stupidité ! » , Il était bien près d'avoir commis le péché
contre le Saint-Esprit. Est-ce que vraiment de tels prophètes peuvent former
dans leurs écoles, des jeunes prédicateurs possédés par le message du
Saint-Esprit ? Pouvons-nous être étonnés que la spiritualité de la chrétienté
soit à un niveau si bas ? Trente-deux
pour cent des églises des Etats-Unis n'ont eu aucune augmentation de membres en
1927. Les auditoires religieux en Grande-Bretagne ont diminué de moitié depuis
vingt-cinq ans.
Il n'y a pas
d'autre alternative : Un réveil du Saint-Esprit, ou l'Apostasie. Nous sommes
convaincus que la majorité des chrétiens vivent à un niveau spirituel beaucoup
plus bas que celui que leur Maître veut pour eux. Quelques-uns seulement «
entrent dans leurs possessions ». Rien ne peut nous revêtir de la puissance victorieuse,
sinon le baptême du Saint-Esprit et de feu ; et personne ne peut avoir reçu ce
baptême sans le savoir. Tant de membres d'Eglise ne connaissent que le baptême
d'eau
Cependant le
grand Précurseur a dit « Je vous baptise d'eau pour vous amener a la
repentance, mais celui qui vient après moi est plus grand que moi... Il vous
baptisera du Saint-Esprit et de feu. » Hélas ! Bien des conducteurs spirituels
ne connaissent pour eux et leurs troupeaux que « le baptême de Jean ».
Malgré tout notre orgueil ecclésiastique
et notre confiance en nous-mêmes, quelle partie de notre construction résistera
à l'épreuve du feu ? Nous ne pouvons trop affirmer notre conviction, que tous
les obstacles à la vie spirituelle dans l'Église viennent du péché. Vous verrez,
dans les chapitres suivants, comment le Saint-Esprit amène à la lumière les
interdits de toutes sortes. Ce qui est effroyable, c'est que les péchés qui se
trouvent hors de l'Église existent aussi, bien qu'en moindre proportion, dans
l'Église elle-même. Pour que des jugements trop sévères ne soient pas portés,
nous ferons remarquer que beaucoup d'églises chinoises ne sont séparées du
paganisme que par une génération à peine. Mais n'ayons pas l'illusion de croire
que tout est pour le mieux dans nos vieilles Églises d'Europe ou d'Amérique.
C'est le péché individuel des membres de l'Église qui contriste et éteint
l'Esprit. Nous perdrions beaucoup de notre propre justice si nous découvrions
que l'orgueil, la jalousie, le mauvais caractère, la médisance, l'avarice,
l'envie et les choses de cette sorte sont aussi haïssables aux yeux de Dieu que
ce qu'on appelle les péchés grossiers. Tout péché dans le croyant, gâte l’œuvre
rédemptrice du Christ. Les cris les plus perçants que j'aie jamais entendus,
ont été poussés par des chrétiens chinois, qui se sont aperçus qu'ils avaient
crucifié a nouveau le Seigneur de gloire. « Non, la main de l’Éternel n'est pas
trop courte pour sauver, ni son oreille trop dure pour entendre. Mais ce sont
vos crimes qui mettent une séparation entre vous et votre Dieu, ce sont vos
péchés qui vous cachent sa face et l'empêchent de vous écouter. » (Esaïe 59 :
1, 2).
L'impureté, les
crimes des Églises ne peuvent être balayés que par l'Esprit et par le Feu. A
cause de l'importance donnée dans ce livre la confession du péché, il sera bon
que je donne mes vues personnelles à ce sujet.
Il y a quelques
années, j'allais commencer une série de réunions dans un centre religieux
important en Chine. Une dame missionnaire vint me voir pour m'exposer ce
qu'elle appelait « un plan sûr pour émouvoir les âmes ». Elle voulait que je
commence par une confession de mes péchés ; elle suivrait, puis, je
persuaderais les autres missionnaires d'en faire autant. Les pasteurs chinois,
naturellement, continueraient et ainsi, affirmait-elle, tous s'effondreraient.
Je lui répondis que le Seigneur ne m'avait
pas fait voir les choses de cette façon. « Si j'ai des interdits, lui dis-je,
ils sont un obstacle à Honan (d'où je viens), où je suis connu ; il en est de
même dans votre cas. Donc, mieux vaut retourner au plus tôt dans nos champs
respectifs et renoncer à nos interdits. Confesser nos péchés devant cet
auditoire qui ne nous connaît pas, serait perdre un temps précieux. De plus,
qui suis-je pour encourager ces missionnaires a confesser leurs péchés, alors
que peut-être ils vivent plus près de Dieu que moi ? L'Esprit ne désire pas que
je sois un détective. Si les missionnaires ont des interdits, le Saint-Esprit
les obligera bien à les balayer, c'est son affaire et non la mienne. » Je n'ai
jamais rien vu de plus émouvant que le spectacle de ces missionnaires ; à la
dernière réunion, ils s'humilièrent devant l'auditoire, et confessèrent les
péchés qui entravaient leur vie chrétienne. Nous avons le sentiment absolu que
les péchés commis avant la conversion sont sous le sang du Fils de Dieu et n'ont pas à être confessés
publiquement. Le faire, ce serait amener le déshonneur sur le sacrifice du
Calvaire. Nous avons entendu des membres de l'église confesser des péchés commis
avant qu'ils se fussent joints a l'Église, mais ils n'étaient pas réellement
nés de nouveau en devenant membres. L'humiliation, inspirée par le
Saint-Esprit, qui accompagnait leurs confessions, remplissait d'une crainte
respectueuse l'auditoire, fortement ému. De plus, d'après nos observations,
nous concluons qu'il doit y avoir d'abord parmi les vrais enfants de Dieu, une
profonde conviction de péché avant de s'attendre a ce que les autres soient
touchés. D'après notre propre expérience, nous pouvons déclarer que chaque fois
que cette condition préliminaire a été remplie, les inconvertis de l'auditoire
se sont complètement effondrés devant Dieu. Il n'y aurait pas eu de Pentecôte,
si, tout d'abord, les cent vingt dans la Chambre haute n'étaient arrivés a ce
stage. Les chrétiens chinois parlent de ce travail de l'Esprit comme d'un
jugement, mais c'est un « hsiao shen pan.» (Petit jugement), car le chemin est
encore ouvert à celui qui confesse ses péchés pour obtenir la purification par
le sang précieux du Christ.
Nous croyons
aussi qu'en ce qui concerne le péché secret, c'est-à-dire le péché connu par
l'âme seule et par Dieu, il suffit généralement pour obtenir le pardon, de le
confesser dans la prière secrète. Nous disons en général, parce que nous avons
vu beaucoup de cas de pasteurs et conducteurs de l'Église pour lesquels la
confession secrète n'avait pas suffi. Leur confession angoissée et publique
montrait clairement que pour eux, du moins, il n'y avait que ce moyen d'être
soulagé.
Quant au péché
commis contre une personne particulière, l'Ecriture est parfaitement explicite.
« Si tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton
frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel et va
d'abord te réconcilier avec ton frère, puis viens présenter ton offrande »
(Matthieu 5, 24-25).
Il est inutile
de prier si nous savons que nous avons fait du tort à quelqu'un. Réparons
d'abord, avant d'oser nous approcher de Dieu en public ou en secret. Je crois
que le réveil éclaterait dans presque toutes les Églises, si cette règle était
suivie. Enfin, pour les péchés publics, l'expérience nous a montré qu'on ne
pouvait en être débarrassés que par la confession publique. Ceci, il est vrai,
signifie la crucifixion de la chair ; mais par notre désobéissance volontaire,
nous avons exposé à la honte ouvertement notre Seigneur de gloire, et cette
confession est le prix que nous devons payer.
Il y a quelques
années, nous adressant à une assemblée nombreuse de pasteurs et d'anciens au
Canada, nous insistâmes sur le fait que Dieu voulait que nous mettions l'accent
sur le péché. Quelques heures
après, à une réunion de pasteurs, le sujet revint sur le tapis, et on me dit
que la majorité des assistants, après une bonne discussion, affirmèrent, au
contraire, qu'on avait trop insisté sur la question du péché. Mais la pensée de
l'homme n'est pas celle de Dieu. Le Calvaire est l'accent mis par Dieu sur le
péché. Sûrement, nous ne pouvons lui donner trop d'importance, puisque le Fils
sans péché a dû être fait péché pour nous. N'est-ce pas John Wesley qui
murmura, au moment d'entrer dans la présence de son divin Roi : « Je suis le
premier des pécheurs, mais Jésus mourut pour moi !
Nous parlerons, dans le cours de cet
ouvrage, des possessions démoniaques. Nous savons que ce n'est pas un sujet à
la mode. Quand le livre du docteur Nevius, intitulé « Démon Possession »,
parut, l'éditeur d'un journal bien connu écrivit : « Voilà un nouvel exemple de
la manière dont quelques hommes laissent facilement aller leur raison à la
dérive ». Cependant, ce que nous avons vu de nos yeux nous amène à la
conclusion que ce n'est pas le docteur Nevius, mais l'éditeur, qui a trop
facilement laissé sa raison aller à la dérive.
Citons l'opinion du docteur Schofield,
médecin spécialiste renommé de Londres : « Je pense, écrit-il, que ceux qui
connaissent l'Orient ne peuvent mettre en doute que Satan y règne sans
conteste. L'aliénation mentale est un mot général qui couvre toute espèce de
folie, mais il couvre davantage encore. Mon expérience même en Angleterre, et
celle de tous les hommes expérimentés ayant à faire aux maladies mentales,
prouve sans aucun doute qu'ici et là nous rencontrons des cas de gens «possédés
» de quelque esprit malin. Je suis un de ceux qui croient à l'existence de cas
semblables. Je crois de plus que ces démons peuvent être chassés et l'ont été,
leurs victimes étant revenues à leur état normal».
Plusieurs personnes ont qualifié le
travail que Dieu m'a confié comme étant de simple émotivité. Nous ne nous
défendrons qu'en citant quelques extraits de lettres reçues par des amis, au
Canada, écrites par des missionnaires en Mandchourie, au cours du réveil de
1908.
Jusqu'à présent j'avais en horreur les
manifestations religieuses, hystériques et émotives. Les premières crises de
larmes que je vis se produire chez des hommes me déplurent extrêmement. Je ne
savais pas ce qu'elles cachaient. Enfin, il devint évident pour moi que
l'Esprit de Dieu seul travaillait dans les cœurs. »
«
Souvenez-vous que le Chinois est l'homme qui craint le plus l'opinion publique,
qu'il y avait là des hommes et même des femmes qui bravaient tous les préjugés,
violant la tradition séculaire de ne jamais s'humilier, ni s'abaisser en
public. Vous pouvez vous imaginer l'étonnement, ainsi que l'émerveillement qui
remplissaient le cœur des missionnaires. »
« Une puissance est survenue dans l'Église
que nous ne pouvions maîtriser, même si nous le voulions. C'est un miracle que
l'impassible Chinois, si plein de propre justice, arrive à confesser de
lui-même des péchés qu'aucune torture du « Ya-men » (justice chinoise) n'aurait
pu lui arracher ; qu'un Chinois s'abaisse au point de réclamer en pleurant les
prières de ses frères en la foi, cela est impossible à expliquer au point de
vue humain. » « Nous sommes confondus par la merveille de ce réveil !... Nous
avons entendu parler de ceux du pays de Galles, aux Indes et même chez nos
proches voisins, en Corée, mais quand la bénédiction tombe si richement, si
pleinement comme elle le fait au milieu de nous depuis quelques jours, quelle
différence !
Vous vous dites peut-être que c'est de
l'hystérie religieuse. Nous l'avons cru aussi, quand nous avons entendu parler
de ce réveil. Mais nous sommes ici soixante presbytériens écossais et irlandais
qui en ont été les témoins. Beaucoup d'entre nous en ont eu peur au début, mais
après avoir vu ce qui s'est passé ici chaque jour de la semaine dernière, il
n'y a certainement qu'une explication : c'est que l'Esprit de Dieu se manifeste
d'un manière inimaginable. Nous n'avons pas le droit de critiquer. Nous ne
l'osons pas. Un des articles du Credo qui revient à nos mémoires dans toute sa
solennité est celui-ci : « Je crois au Saint-Esprit ».
En
automne 1901, après m'être remis des effets terribles de la révolte des Boxers,
je commençai, en rentrant en Chine, à être de plus en plus mécontent des
résultats de mon travail. Dans mes premières années de ministère, je m'étais
consolé de mes insuccès, en pensant que les semailles devaient précéder la
moisson, et que celle-ci viendrait en son temps. Mais la moisson, au bout de
treize ans de travail, me semblait plus loin que jamais. Je sentais qu'une
bénédiction bien plus grande m'attendait, si seulement j'étais capable d'en
avoir la vision, et d'avoir la foi pour la saisir. A mon esprit revenaient
constamment ces mots : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit
en moi fera les oeuvres que je fais et il en fera même de plus grandes... »
Je sentais profondément qu'il était
impossible de croire que ce que je faisais année après année équivalait aux «
oeuvres plus grandes ». Mécontent, inquiet, j'étudiais plus attentivement les
Écritures. Tout passage portant sur la question de la puissance était pour moi
vie et respiration. J'avais dans ma bibliothèque de nombreux livres sur le
Réveil. Je les lus et les relus. Cela devenait une telle obsession, que ma
femme avait peur que ma raison ne succombât. Les récits du Réveil gallois de
1904 et 1905 me furent d'un grand secours. Le réveil n'était donc pas une chose
du passé. Je me rendis compte, graduellement, que j'avais découvert un filon
d'une richesse infinie.
Un ami travaillant aux Indes, m'envoya, au
cours de l'automne de 1905, des extraits de l'autobiographie de Finney et de
ses discours de Réveil. Ce fut l'étincelle qui m'embrasa. « Est-ce qu'un
fermier, disait la préface, penserait à prier pour obtenir une moisson sans
avoir d'abord semé ? Pourquoi les chrétiens s'attendraient-ils à une grande
moisson d'âmes, même s'ils la demandent à Dieu, avant d'avoir rempli d'abord
les lois de la récolte spirituelle ? » Si Finney a raison, me dis-je, je vais
découvrir quelles sont ces lois et je les observerai coûte que coûte.
Au début de
1906, alors que j'étais en route pour participer à la campagne intensive
d'évangélisation qui se fait annuellement à la grande foire idolâtre de
Hsun-Hsien, un collègue me prêta l'autobiographie complète de Finney. Il m'est
impossible de dire ce que ce livre fut pour moi.
Nous, les
missionnaires, en lûmes une portion chaque jour tant que dura la foire. C'est à
cette foire que je commençai à voir les premiers signes dans les cœurs de mes
auditeurs, de l'action de la Puissance suprême. Un jour, tandis que j'avais
pris pour texte, 1Timothée 2 : 1 à 7, plusieurs personnes furent profondément
émues. Un évangéliste murmura avec une crainte respectueuse : «Mais ces gens
paraissent émus comme les auditeurs de Pierre à la Pentecôte. » Le même soir,
je parlai devant une salle comble. Mon texte était, 1 Pierre 2 : 24. « Il a
porté lui-même nos péchés en son corps sur le bois... » La conviction de péché
se lisait sur tous les visages. Quand, à la fin, je demandai des décisions,
l'auditoire entier se leva comme un seul homme en criant : « Nous voulons
suivre ce Jésus qui est mort pour nous ! » Je pensais qu'un des évangélistes
allait parler après moi, mais en me retournant, je les vis tous les dix,
debout, sans mouvement, regardant, étonnés. Tandis que l'un d'eux restait dans
la salle pour parler à la foule, j'allai avec les autres dans une chambre
contiguë pour prier. Pendant quelques minutes ce fut un silence absolu. Tous
semblaient trop frappés de crainte pour parler. Enfin, la voix tremblante d'un
évangéliste s'éleva : « Mes frères, Celui pour qui nous avons prié si longtemps
était présent en personne parmi nous ce soir. Mais sachons bien que pour qu'Il
demeure avec nous, il faudra que notre manière de vivre soit très châtiée. »
En 1906, en
automne, désappointé par l'état languissant de mes annexes, je projetais une
tournée pour essayer de les réveiller. Il y avait cependant entre le Seigneur
et moi une question qui devait être réglée avant tout. Inutile d'entrer dans
les détails ; tout ce que je puis dire c'est qu'il s'agissait d'un différend
entre un collègue et moi. Je sentais honnêtement que j'étais dans mon droit.
(Ceci est très humain. Dans toute querelle il est toujours sage de faire la
part de chacun). En tout cas, l'impulsion de l'Esprit était claire. Il fallait
que cette affaire fût réglée. Je répondais toujours à Dieu que la faute était
du côté de mon collègue, et non pas du mien ; c'est lui qui devait venir à moi,
, et non moi qui devais aller à lui. L'Esprit parlait toujours. « Mais enfin,
Seigneur, discutais-je, il est venu dans mon bureau et s'est accusé avec
larmes. La chose n'est-elle pas arrangée ? » — « Hypocrite ! semblait-Il me
dire, tu sais très bien que vous ne vous aimez pas comme je vous ai commandé de
le faire. » Je persistais : «La faute est du côté de mon collègue, je ne puis
rien faire. » Alors vint le mot final : « Si tu ne règles pas cette question
avant de partir pour ta tournée, tu échoueras, je ne pourrai aller avec toi. »
Cela m'humilia un peu. Je n'avais pas du tout envie de faire cette tournée si
longue et si fatigante sans Son aide ; je savais bien que seul je serais «
comme battant l'air ».
La veille de
mon départ, je devais présider une réunion de prière pour les chrétiens
chinois. Tout le long du chemin, la voix continuait à me presser : « Va, et
arrange cette affaire, pour que je puisse t'accompagner demain » Je ne voulais
pas céder. Je commençai la réunion. Cela alla bien pendant le premier cantique
et la lecture de la Bible. Mais aussitôt que j'ouvris la bouche pour prier, je ne
savais plus ce que je disais, car l'Esprit me répétait sans cesse : « hypocrite
! pourquoi ne règles-tu pas cette affaire ? ». Je fus encore plus troublé
pendant ma courte allocution. Finalement, à peu près à la moitié de mon
discours, le fardeau devint si intolérable que je cédai et dis en mon cœur : «
Seigneur, dès la fin de la réunion j'irai régler cette affaire ».
Instantanément, quelque chose sembla céder dans l'auditoire. Mes auditeurs
ignoraient ce qui se passait dans mon cœur, et cependant l'atmosphère fut
absolument transformée.
Quand la
réunion fut ouverte à tous, ceux qui voulaient prier se levèrent l'un après
l'autre, mais ne purent qu'éclater en pleurs. Depuis vingt ans que les
missionnaires travaillaient dans le Honan, ils avaient espéré en vain voir les
Chinois verser des larmes de repentir.
La réunion ne
se termina que très tard. Aussitôt qu'il fut possible, je me hâtai d'aller chez
mon collègue pour régler ce qui nous divisait. Les lumières étaient éteintes,
toute la famille était couchée. Je revins chez moi pour ne pas les déranger.
Mais la chose était en règle. Le lendemain, dès l'aube, je me suis mis en route
pour l'une de mes annexes. Les résultats de cette tournée dépassèrent toutes
mes espérances. L'Esprit de Dieu partout se manifesta, jugeant le péché. Les
torts furent réparés, les choses tordues furent redressées. Je ne pus consacrer
qu'une soirée à un certain endroit, mais tous les auditeurs furent touchés aux
larmes. Dans l'année qui suivit, le nombre des membres de l'Église, dans l'une
de mes annexes, fut doublé ; dans une autre 54 personnes furent ajoutées à
l'Église, et dans une autre, 88.
Quelques mois
après cette première tournée, le monde religieux fut électrisé par le récit du
Réveil en Corée. Le secrétaire de notre Société, alors en visite en Chine, le
docteur R. P. Mac Kay, me demanda de l'accompagner en Corée. Inutile de dire
avec quelle joie j'acceptai cette proposition. Le mouvement religieux en Corée,
en me montrant les possibilités illimitées du Réveil, était d'une importance
capitale pour moi.
Il est bon de
connaître le Réveil par les récits de la presse, mais quelle différence cela
fait de le voir de ses yeux, d'en respirer l'atmosphère, de sentir vibrer son
cœur dans ces réunions !
Je compris en
Corée, avec d'autres, que le Réveil était le plan de Dieu pour mettre le monde
en feu. J'étais depuis bien peu en Corée, quand je vis la source d'où était né
ce grand mouvement. Monsieur Swollen, de Pingyang, me raconta que les
missionnaires de sa station, méthodistes et presbytériens, après avoir lu des
récits de Réveil aux Indes, avaient décidé de prier chaque jour à midi pour
obtenir une grâce semblable.
« Au bout d'un
mois, dit Monsieur Swollen, un frère proposa de cesser ces réunions ; car
disait-il, voilà un mois que nous prions et rien ne change. Nous y passons
beaucoup de temps, et sans résultat. Continuons notre travail, et prions chacun
chez nous, à l'heure la plus commode ».
Cette
proposition semblait logique. Cependant la majorité décida qu'au lieu d'arrêter
les prières, nous devions au contraire les prolonger. Nous fixâmes alors
l'heure de notre rencontre, à 4 heures au lieu de midi pour pouvoir prier, s'il
le fallait, jusqu'au souper. Nous persévérâmes jusqu'à ce que, après des mois
d'attente, l'exaucement vint ».
Ces
missionnaires de Pingyang étaient, autant que je m'en souvienne, des gens
moyens, comme vous et moi. Aucun d'eux n'était doués remarquablement. Ils
vivaient, travaillaient, agissaient comme les autres missionnaires. Mais dans
la prière ils étaient différents. Un soir, le docteur Mac Kay et moi, fûment
invités à la réunion missionnaire de prière. Je n'avais jamais été si conscient
de la présence divine que ce soir-là. Ces missionnaires nous portaient jusqu'au
trône même de Dieu. On avait le sentiment qu'ils parlaient à Dieu face à face.
En revenant chez nous, le docteur Mac Kay resta silencieux un long moment. Je
pouvais voir qu'il était très remué. Enfin, avec une profonde émotion il me dit
: « Quelle prière stupéfiante ! Vous autres, dans le Honan, vous êtes loin
d'atteindre un niveau pareil ». Ce qui me frappa aussi, ce fut la nature
pratique du mouvement. Ce n'était pas une rafale d'enthousiasme religieux
disparaissant avec le vent qui l'a apportée, bien qu'il y eût naturellement, les
manifestations extérieures qui accompagnent inévitablement des effusions aussi
phénoménales de puissance spirituelle.
Un fait patent,
c'est qu'il y avait là des dizaines de milliers d'hommes et de femmes dont la
vie avait été radicalement transformée par le feu divin. Je vis de grandes
églises contenant 1.500 personnes, si combles qu'il fallut organiser deux
réunions, une pour les femmes et une pour les hommes. Tous étaient presque
tragiquement désireux de répandre « la bonne nouvelle ».
Même des petits
garçons abordaient dans la rue des grandes personnes pour les supplier
d'accepter Jésus pour Sauveur. Je remarquai encore une chose : c'était leur
extraordinaire générosité. La pauvreté des Coréens est proverbiale. Cependant
un missionnaire me dit qu'il avait peur de mentionner devant ses fidèles un
besoin quelconque, car ils donnaient tant !
Partout
existait un véritable culte pour la Parole de Dieu. Chacun portait sa Bible
avec lui, et le merveilleux esprit de prières pénétrait tout.
Pour retourner
à Honan, le docteur Mac Kay et moi passâmes par la Mandchourie. Puisque Dieu ne
fait pas acception de personnes, j'étais sûr qu'il était prêt à bénir la Chine
comme Il avait béni la Corée. A Moukden, je racontai, un dimanche matin, à un
vaste auditoire, l'histoire du Réveil coréen. Tous semblaient profondément
émus, et l'on me demanda de revenir en février de l'année suivante pour tenir
une série de réunions pendant une semaine. A Liaoyang, mon récit fut accueilli de la même façon, et l'on me fit la
même requête. Continuant vers le sud, nous arrivâmes à Peitaiho ; cette fois je
racontai mes expériences à un groupe important de missionnaires. Une impression
profonde fut produite. Plusieurs missionnaires résolurent de se réunir à des
heures fixées pour prier jusqu'à ce que Dieu envoyât à la Chine un Réveil comme
celui de la Corée.
En arrivant à
Changtehfu, une lettre des missionnaires de Kikungshan m'attendait. Ils me
demandaient avec insistance d'aller leur parler de ce que j'avais vu. Je le fis
le dimanche soir suivant. Je remarquai que j'avais considérablement dépassé le
temps si généreusement mis à ma disposition. Craignant de finir trop tard, je
supprimai le dernier cantique et prononçai la bénédiction finale. A ma grande
surprise, pendant au moins six minutes, personne ne bougea. Un silence de mort
régnait dans la salle. Graduellement, des sanglots étouffés se firent entendre.
Des missionnaires se levèrent, et en versant d'abondantes larmes, confessèrent
leurs fautes les uns aux autres. Nous ne nous séparâmes qu'à une heure très
tardive.
Nous avions
préparé pour la semaine suivante une conférence avec un programme très
intéressant. Mais quand les missionnaires se rencontrèrent le lundi matin, ils
décidèrent de mettre ce programme de côté et de continuer à prier et à suivre
les impulsions du Saint-Esprit.
Je n'ai jamais
passé avec nos frères missionnaires en Chine, des jours plus merveilleux. Avant
de nous séparer pour rejoindre nos champs d'activité situés dans toutes les
parties de la Chine, nous décidâmes que chaque jour, à quatre heures de,
l'après-midi, nous serions tous en prière, jusqu'à ce que la bénédiction divine
tombât sur l'Église chinoise.
LE DÉBUT DU MOUVEMENT EN MANDCHOURIE
Quand je partis en février 1905 pour mon
long voyage en Mandchourie, j'y allai avec la conviction que j'avais de la part
de Dieu un message à transmettre à son peuple. Mais je n'avais pas de méthode.
Je ne savais pas comment diriger un Réveil. Je pouvais faire une allocution et
laisser prier les gens, et c'était tout.
Le soir de mon arrivée à Moukden, je
causais, dans son bureau, avec mon hôte missionnaire. Naturellement, j'étais
tendu au plus haut point à la pensée de ce qui m'attendait ; mon hôte, au
contraire, semblait spécialement indifférent à la pensée d'un Réveil. Il
choisit ce soir là, entre tous, pour m'impressionner par la supériorité de ses
vues théologiques. « Vous savez, Goforth, me dit-il, il y a un terrible
phraseur dans votre Mission. Comment s'appelle-t-il ? Mac... ? — Est-ce Mac
Kengie ? demandai-je ; mais ce n'est pas possible, car il est loin d'être un
phraseur. Il est considéré comme un des meilleurs théologiens de la Chine. —
Non, nie dit-il, ce n'est par Mac Kengie. Oh, oui, je m'en souviens, c'est Mac
Kay. — Mais Mac Kay est notre secrétaire, répliquai-je, et une de ses
allocutions serait appréciée par n'importe quel auditoire.
— Eh bien, dit-il, je l'ai
entendu à la conférence de Shanghai. Sa théologie, mon cher, est aussi vieille
que le déluge !
— Arrêtons-nous, dis-je, car ma théologie est aussi
vieille que la sienne. De fait, elle est aussi ancienne que le Tout-Puissant
Lui-même !
J'appris aussi que la femme de mon hôte
n'était pas en sympathie avec mes réunions, et était partie en visite chez une
de ses amies avant mon arrivée. Je ne pus pas m'empêcher de penser que, si ce
foyer était un échantillon de ceux des autres missionnaires, les perspectives
d'un Réveil étaient bien lointaines.
D'autres désappointements m'attendaient.
Je n'avais accepté l'invitation qui m'avait été faite l'année précédente, qu'à
la condition que les deux branches de l'Eglise presbytérienne — l’Irlandaise et
l'Ecossaise — s'uniraient pour mes réunions, et que celles-ci seraient
préparées par la prière.
Imaginez ma déception, quand j'appris
qu'aucune réunion supplémentaire de prières n'avait eu lieu. La goutte qui fit
déborder le vase et qui fit chanceler ma foi déjà défaillante, fut d'apprendre
que les deux branches de l'Église presbytérienne ne s'étaient pas unies. Je montai
dans ma chambre ; m'agenouillant près de mon lit et incapable de retenir mes
larmes, je criai à Dieu : « A quoi bon ma venue ? Ces gens ne te cherchent pas.
Ils ne désirent aucune bénédiction. Que puis-je faire ? » Une voix sembla me
répondre immédiatement : « Est-ce ton oeuvre ou la mienne? Ne puis-je pas agir
en souverain ? Invoque-moi, et je te répondrai ; je t'annoncerai de grandes
choses, des choses cachées que tu ne connais pas.» (Jérémie 33, 3).
De bonne heure le lendemain, un des
anciens vint me voir. Aussitôt qu'il fut seul avec moi, il éclata en pleurs :
«L'année des Boxers, dit-il, j'étais trésorier de l'Église. Les Boxers vinrent
et détruisirent tout, même les livres de comptes. Je savais donc que je pouvais
mentir sans danger. Je jurai que je n'avais jamais reçu certains fonds qui
m'avaient été confiés. Depuis, je me suis servi de ces fonds pour mes affaires.
Hier, pendant vos allocutions, j'étais comme fouillé par une flamme. Je n'ai
pas fermé l’œil de la nuit. La seule chose qui me reste à faire pour me
soulager, c'est de confesser mon péché devant l'Église et de faire pleine et
entière restitution ».
Après mon exhortation ce matin-là,
l'ancien se leva devant tous et mit à nu son péché. L'effet fut instantané. Un
autre membre poussa un cri perçant, mais quelque chose sembla le retenir, et il
se tut sans rien confesser. Plusieurs alors prièrent successivement et se
confessèrent en pleurant. Pendant toute la troisième journée, le
mouvement augmenta d'intensité. Mon hôte, le missionnaire, me dit : Ceci me
stupéfie. Cela ressemble au Réveil écossais de 1859. Ne pourriez-vous pas
renoncer à vos autres allocutions et commencer des services d'actions de grâce?
— Si je comprends la situation, répondis-je, nous sommes encore loin des actions
de grâce. Il y a encore beaucoup de péchés qui doivent venir à la lumière:
Laissez-moi continuer mes exhortations, et ensuite vous tiendrez tous les
services d'actions de grâce que vous voudrez. »
Le quatrième matin, un auditoire
exceptionnellement nombreux envahit la salle. Les gens paraissaient être dans
une attente anxieuse. Pendant le chant qui précéda mon allocution, une voix
intérieure me dit : « Le succès de ces réunions est phénoménal. Cela va te
faire une réputation extraordinaire, non seulement en Chine, mais dans le monde
entier. » La chair en moi répondit, et un sentiment de satisfaction m'envahit.
Immédiatement, je sentis que c'était l'Adversaire qui était à l’œuvre de la
façon la plus subtile, en me suggérant de partager la gloire avec le Seigneur
Jésus. Combattant la tentation je dis : « Satan, sache une fois pour toutes que
je suis prêt à devenir l'atome le plus insignifiant, pourvu que mon Maître soit
glorifié comme Il se doit. » Le cantique étant achevé, je me levai pour parler.
Pendant toute ma prédication, je sentis
avec intensité la présence de Dieu. En concluant je dis à l'auditoire : «
Maintenant, vous pouvez prier. » Immédiatement, un homme s'avança jusque devant
l'estrade, la tête basse, le visage inondé de larmes. C'était l'ancien qui,
deux jours auparavant, avait poussé un cri perçant. Comme poussé par une
puissance incoercible il s'écria : « J'ai commis l'adultère. J'ai essayé trois
fois d'empoisonner ma femme ! » Il arracha alors les bracelets d'or de ses
poignets et la bague d'or qu'il avait à son doigt, et les plaça dans le plateau
de la collecte en disant : «Qu'ai-je besoin, moi un ancien de l'Église, de ces
futilités ? » Il prit sa carte d'ancien et la mit en morceaux qu'il jeta sur le
plancher. « Vous avez tous de mes cartes chez vous, dit-il à l'auditoire. Ayez
la bonté de les déchirer. J'ai profané ma charge sacrée, je donne ma démission
d'ancien. »
Après cette confession émouvante, personne
ne bougea pendant plusieurs minutes. Puis, l'un après l'autre, tous les anciens
se levèrent et offrirent leur démission. Le résumé de leurs confessions était
ceci : « Bien que nous n'ayons pas péché comme notre frère, cependant nous
sommes indignes, nous aussi, de conserver notre charge. » Les diacres, un par
un, se levèrent, et donnèrent aussi leur démission. « Nous aussi sommes
indignes », confessèrent-ils.
Depuis plusieurs jours, j'avais remarqué
que le plancher, devant le pasteur indigène, était souvent mouillé de larmes,
Il se leva, et la voix brisée nous dit : « Si l'Église est dans ce triste état,
c'est que je n'ai pas été ce qu'il aurait fallu. Je ne suis pas digne d'être
votre pasteur. Voilà ma démission. »
Une scène des plus touchantes suivit. De
différents côtés des voix criaient : « Non, non, cher pasteur, cela va bien.
Nous vous réélisons. » Tout l'auditoire confirma ces paroles à grands cris,
jusqu'à ce qu'enfin le pauvre pénitent fut persuadé que son troupeau lui
rendait sa pleine confiance. L'auditoire réclama que les anciens se levassent à
leur tour, et un vote unanime leur rendit la confiance de l'Église. Ce fut
ensuite le tour des diacres. L'harmonie était rétablie.
Le même soir, l'ancien dont la confession
avait été suivie de fruits si merveilleux, fut vivement pris à partie par un de
ses amis. « Qui vous a obligé à vous avilir publiquement, ainsi que votre
famille ? lui demanda-t-il. Mais il répondit : « Pouvais-je m'en empêcher ? ».
Ce fut une grande joie pour moi de voir le
changement que l'attitude de mon hôte subit pendant. ces réunions. Un matin,
tandis qu'on priait pour différentes personnes, il se précipita en avant en
disant : « Priez pour nous, les missionnaires, nous en avons plus besoin que
n'importe qui. » Sa femme, si indifférente, revint de chez son amie plusieurs
jours avant la fin de la campagne. Ce n'était pas trop tard, son cœur fut
touché, et elle devint plus consacrée même que son mari.
Le dernier jour, le pasteur indigène dit à
ses gens : « Vous savez combien de nos anciens et de nos membres ont
rétrogradé. Oh ! s'il y avait moyen de les ramener ! » A ces mots l'auditoire
se leva comme un seul homme et tous s'unirent pour prier en faveur des brebis
égarées. On pria comme si ces âmes étaient celles auxquelles on tenait le plus
au monde, comme une mère prierait pour son fils prodigue. Au cours de cette
même année, des centaines de rétrogrades revinrent au bercail. La plupart
confessèrent qu'ils ne pensaient pas avoir jamais été convertis auparavant.
Un des anciens de l'Église de Liaoyang,
peu avant mon arrivée, avait déménagé un dimanche. Le missionnaire était allé
le voir, et l'avait repris pour avoir donné aux fidèles un si mauvais exemple.
L'ancien s'était mis en colère, affirmant qu'il n'avait eu que le dimanche pour
faire son déménagement. Le matin du second jour de ma série de réunions, il
s'effondra devant tous et confessa son péché. Il aurait eu bien le temps de
déménager pendant la semaine, mais il avait voulu mettre à profit le dimanche.
Peu après mon départ, cet ancien tint des réunions pour les élèves du lycée et obtint
d'extraordinaires résultats.
Après la confession de cet ancien, le
deuxième jour, la pression du Saint-Esprit augmenta rapidement. Un matin, le
cinquième jour, un vieux rétrograde s'écria angoissé : « Je l'ai tué ! » Il
confessa son péché. Il était brouillé à mort avec un de ses voisins. Celui-ci
étant tombé malade, notre rétrograde, qui était médecin, fut appelé pour lui
ordonner un remède. Il lui ordonna du poison qui le tua. L'effet de cette
révélation peut plus facilement s'imaginer que se décrire. En quelques minutes,
l'assemblée entière semblait être dans les tortures du jugement. De tous côtés
partaient des confessions et des demandes de pardon.
En revenant à la maison, après la dernière
réunion, Monsieur Douglas, le missionnaire principal, me dit : « Je suis courbé
dans la poussière.. C'est le Réveil écossais de 1859 qui se reproduit sous mes
yeux. Je n'y étais pas, mais mon père m'en a souvent parlé. Il m'a raconté que
les gens travaillaient tout le jour aux champs, rentraient en hâte pour manger
un morceau et repartaient à l'Église où ils restaient jusqu'à minuit. Mais ma
faible foi ne me permettait pas de m'attendre, ici, à quelque chose de
semblable. » Il me tendit une lettre qu'il avait reçue depuis plusieurs
semaines, du docteur Moffat, pasteur en Corée : Je veux que vous sachiez,
écrivait-il, que pendant toute la série à Llaoyang, mes fidèles, qui sont trois
mille, prieront pour que les plus riches bénédictions vous soient accordées. »
Le Réveil de Liaoyang fut le début d'un mouvement qui se
propagea dans tout le pays environnant. Des groupes de chrétiens réveillés
annonçaient ici et là l'Évangile rédempteur. Dans une des annexes, un chrétien
avait un fils de très mauvaise réputation. Après la réunion tenue par un de ces
groupes, son cœur fut brisé, il confessa et se convertit. Cela eut un effet
remarquable dans le village. Des païens se disaient entre eux : « Le Dieu des
chrétiens est venu. Il est même venu chez ce mauvais garnement et a chassé de
lui toute sa méchanceté. Il est maintenant comme les autres chrétiens. Si vous
ne voulez pas aller dans la même voie, ne vous approchez pas d'eux ».
Dans ce même
village vivait un chrétien qui, bien des années auparavant, avait emprunté à un
de ses voisins païens, une somme considérable. Il n'avait nullement
l'intention, avoua-t-il plus tard, de rembourser. Mais un des résultats, du
travail d'un de ces groupes de réveil, fut la repentance de Cet homme. Il
calcula les intérêts composés de sa dette, alla chez son créancier et lui paya
tout.
Dans un autre
village de la même région. il y avait un homme renommé pour sa chance
phénoménale au jeu. Un jour, cet homme sella son âne et partit pour aller
réclamer de l'argent que quelques personnes lui devaient. Il était à peine
arrivé à la lisière du village que l'âne s'arrêta. Le joueur le frappa à coups
de bâton, à coups de pied ; l'âne ne bougea pas. Il ne voulait pas aller vers
le nord.
L'homme
réfléchit que, vers le sud, il avait aussi des débiteurs. Il fit tourner son
âne qui se mit en route sans résistance. Tout alla bien jusqu'au croisement de
deux routes dont l'une allait au sud-est et l'autre au sud-ouest. Le joueur
avait l'intention de se rendre dans un village du sud-ouest et c'est sur la
route qui y mène qu'il voulut faire avancer son âne. Mais la bête en avait
décidé autrement. Le maître comprit que, pour qu'il bougeât, il fallait prendre
la route du sud-est, car ni les cris, ni les coups ne le faisaient bouger.
« Après tout,
fais à ta tête, dit l'homme excédé, du reste, si je ne me trompe, il y a
justement quelqu'un qui me doit de l'argent par là ! ». Ils continuèrent leur
route. Ils arrivèrent dans un village. Ils longèrent la grande-rue jusqu'à ce
qu'ils arrivassent devant une petite église chrétienne. L'âne alors s'arrêta, et
aucun effort de son maître ne put le faire avancer. En désespoir de cause, le
joueur mit pied à terre. Quelques chrétiens qui avaient été aux réunions de
Liaoyang avaient justement une assemblée à ce moment-là. Le joueur entendit des
chants. Poussé par la curiosité, il entra. La puissance de Dieu était à
l’œuvre. Il entendit un homme confesser ses péchés avec larmes. Un autre, la
figure rayonnante, parla de la paix et de la joie qui remplissaient son cœur.
Bientôt, la conviction du péché entra dans ce joueur.
Il se leva,
confessa ses fautes et raconta comment Dieu l'avait amené dans la salle : «Comment pourrais-je ne pas croire, s'écria-t-il, que c'est la voix de Dieu ? ».
AUTRES TRIOMPHES DE L'ESPRIT EN MANDCHOURIE
Peu après mon
arrivée à Kwangning, un des missionnaires me dit : « Nous avons entendu parler
de vos réunions à Moukden et à Liaoyang. Il vaut mieux que je vous dise tout de
suite que vous ne verrez rien de pareil ici. Nous sommes des Presbytériens du
Nord de l'Irlande, à la tête dure, et nos fidèles tiennent de nous. Même nos
principaux membres ne prient que si on le leur demande individuellement. Quant
aux femmes, jamais on ne les a entendues prier ! ».
— Mais je ne demande à personne de prier, répondis-je, je
m'attends à ce qu'on ne le fasse que si le Saint-Esprit le demande.
— Très bien, alors ;
attendez-vous à une réunion de Quakers (c'est-à-dire silencieuse).
Le matin suivant, après mon discours, je
dis aux auditeurs : « Je vous prie de renoncer à votre manière habituelle de
prier. Si vous avez des formules toutes faites, et dont vous vous servez depuis
des années, mettez-les de côté nous n'avons pas le temps de les entendre.
Mais si le Saint Esprit vous touche, et
que vous vous sentiez obligés de dire ce que vous avez sur le cœur, n'hésitez
pas. Nous avons le temps d'écouter de telles prières. Maintenant la réunion est
ouverte. » Immédiatement, huit hommes et femmes se levèrent l'un après l'autre
et prièrent. Les missionnaires étaient abasourdis. Ils avouèrent n'avoir jamais
rien vu de pareil. Le même jour, après l'allocution du soir, une vingtaine
d'hommes et de femmes prièrent. Le lendemain, même les écoliers et, les
écolières en firent autant.
Le troisième jour, le désir de prier était
si intense que personne ne pouvait commencer sa prière s'il ne se hâtait de le
faire avant que le précédent eût dit : « amen ». Une fois, une dame
missionnaire me dit à l'oreille : « Les hommes suivent si rapidement que les
femmes n'ont pas le temps d'ouvrir la bouche. Ne pourriez-vous pas dire aux
frères de laisser aux sœurs l'occasion de prier ? »
Je répondis qu'après chaque allocution je
remettais autant que possible au Saint-Esprit la direction de la réunion, et ne
me sentais pas libre d'intervenir. Cependant, presque au même moment, une femme
réussit à commencer, et pendant un quart d'heure les hommes durent garder le
silence.
Après une de ces réunions, un missionnaire
en visite dit à quelqu'un : « Je n'ai jamais entendu rien de pareil ; il semble
que ces gens ont compris tout à coup que l'accès leur était ouvert pour aller
au trône même de Dieu, et qu'ils ont hâte de profiter de cet instant pour faire
monter vers Lui leurs confessions et leurs requêtes, avant que la porte ne se
referme ».
Le troisième jour, après la réunion du
soir, alors que nous causions entre missionnaires, l'un d'entre eux me dit : «
Je ne puis comprendre pourquoi nos membres du Conseil sont si silencieux.
Jusqu'à présent, seuls les membres de l'Eglise ont prié. Dans les réunions de
préparation qui ont précédé votre arrivée, les anciens priaient ; pourquoi se
taisent-ils maintenant ? »
— Je peux vous expliquer ce silence,
répondis-je. C'est le péché qui les rend muets »
Une dame missionnaire,
immédiatement, m'arrêta.
— « Oh vraiment, Monsieur Goforth, vous ne voulez pas que
nous croyions qu'il y a parmi nos anciens d'aussi grands pécheurs qu'à Moukden
ou Liaoyang. Cela nous ferait trop honte. » Le quatrième jour, la réunion de
l'après-midi commença à quatre heures. Après mon allocution, le même esprit
intense de prière régna. Au bout d'une demi-heure, une chose étrange se
produisit : la moitié de
l'auditoire se mit à genoux. Cela était d'autant plus
inattendu que nous étions dans une église presbytérienne, où l'on prie debout.
Sentant que c'était l'impulsion du Saint-Esprit, je leur dis qu'ils pouvaient
tous s'agenouiller s'ils le désiraient ; ce qu'ils firent.
Un ancien se
leva alors et dit, s'adressant à un autre ancien, assis sur l'estrade : « Aux
réunions du Conseil, c'était mon mauvais caractère qui occasionnait des
difficultés. Pardonnez-moi ! ». Et l'autre de lui répondre : « Arrêtez, ne
continuez pas, je suis autant que vous à blâmer. C'est à vous de me pardonner.
»
Après quelques
minutes de silence, un homme se leva et d'une voix claire, bien que mouillée de
larmes, se mit à prier. J'avais remarqué depuis quelques jours sa figure
intelligente, énergique, mais sur laquelle l'angoisse était empreinte : « 0
Dieu ! s'écria-t-il, tu sais quelle est ma position : je suis prédicateur.
Quand je suis venu à ces réunions, j'avais décidé que coûte que coûte, je
cacherais mes péchés. Je savais que si je les confessais, je déshonorerais non
seulement ma personne, mais encore ma famille et mon Eglise. Je ne peux plus le
cacher. J'ai commis adultère... mais ce n'est pas tout. Dans une des annexes,
un diacre avait commis un péché horrible qui entravait Ta cause. Mon devoir
était simple : j'aurais dû raconter toute l'affaire. Mais ce diacre m'acheta un
manteau de fourrure que j'acceptai, et mes lèvres furent scellées. Ce manteau,
je ne veux plus le porter ». En disant ces mots, il arracha le manteau de ses
épaules et le jeta loin de lui, comme si c'eût été la peste. Il continua à
prier avec une intensité croissante jusqu'à ce que l'auditoire entier fût comme
embrasé.
Même les très
jeunes enfants imploraient à grands cris leur pardon. La réunion ne se termina
qu'à dix heures, ayant duré au moins six heures. Il y avait à cette réunion
beaucoup de gens du dehors, venus sans aucun doute par curiosité. Comme leur
nombre croissait sans cesse, M. H. s'en inquiéta, et les plaça près de la
sortie, pour pouvoir les mettre dehors s'ils devenaient par trop bruyants. Mais
ces craintes étaient mal fondées, car dès que le mouvement commença parmi les
chrétiens, ces visiteurs furent touchés à leur tour et, se jetant à genoux,
demandèrent pardon à Dieu.
Un autre détail
remarquable concernant cette mémorable réunion, c'est la manière dont furent
touchés des chrétiens qui, pour une raison quelconque, n'avaient pas pu y
assister. Parmi ceux-là, était un membre important du Conseil d'Eglise. Au
moment où l'Esprit agissait avec le plus de force dans l'assemblée, cet ancien
commença à souffrir si cruellement, qu'il se crut près de la mort. Sur son lit,
se tordant dans la souffrance, sa conscience endurcie se réveilla ; il se
souvint tout à coup que, lorsque il surveillait les travaux de construction de
l'Eglise, il avait convoité de nombreuses poutres et d'autres matériaux qu'il
s'était appropriés et avec lesquels il avait bâti sa propre maison. Ne pouvant
écrire lui-même, le misérable dicta à son fils une liste de tout ce qu'il avait
volé et lui fit promettre de lire tout haut sa confession à la réunion du
lendemain. Le matin suivant, cependant, l'ancien était assez bien pour se
lever. Courageusement, il alla lui-même sur l'estrade et sa confession fit une
profonde impression sur l'Église entière.
Après la fin de
nos réunions, des groupes de chrétiens réveillés, parcoururent les villages
environnants ; dans toutes les annexes, sauf une, un mouvement profond se
produisit. Quand les groupes revinrent à la ville, ils prièrent spécialement
pour cette annexe. Un autre groupe y alla, et le mouvement qui suivit éclipsa
tout ce qui s'était passé ailleurs.
Dans un village
près de Kwangning, vivait un jeune homme de très mauvaise réputation. Son père
était chrétien, ce qui no faisait que renforcer le scandale de sa vie. En plus
d'autres occupations coupables, il était l'associé de bandits. Sa maison était
le quartier général où se discutaient les opérations et où se partageaient les
vols.
Le mandarin
finit par avoir des soupçons ; il fit arrêter le jeune homme et le fit torturer
pour lui arracher un aveu. On le tortura de diverses manières, rien n'y fit ;
il ne voulut rien révéler. En désespoir de cause, le mandarin fit venir un
missionnaire pour qu'il essayât de faire avouer le prisonnier. Le missionnaire
essaya, mais sans aucun succès. Le courage que ce jeune homme montra pendant
qu'il était entre les mains de la justice, fut remarquable: « Continuez,
tuez-moi » disait-il au mandarin, « mais ne croyez pas que vous me ferez
parler. Vous m'en voulez parce que mon père est chrétien ; c'est votre seule
raison pour m'arrêter ».
Le mandarin fut
si impressionné par l'attitude hardie du jeune homme, qu'il commença à douter
de sa culpabilité, et finalement le relâcha. Peu de temps après, un groupe de
chrétiens visita le district. On réussit à amener le jeune bandit à la réunion
: là, il fut saisi par l'Esprit, sa conscience fut réveillée, et devant ses
concitoyens, confessa ses crimes. Il alla voir M. H. et lui demanda la
permission d'accompagner le groupe et de raconter partout son histoire.. M. H.
me dit plus tard qu'il avait hésité à accepter son offre, tant était terrible
la réputation du jeune homme. Mais il n'eut pas à le regretter ; le jeune
bandit devint l'âme du groupe. Tous ceux qui entendaient son témoignage étaient
touchés.
Dès la première
réunion à Chinchow, un mouvement se développa. Il y avait la même intensité
dans la prière, le même empressement à confesser ses péchés, que dans les
autres stations. Le matin du troisième jour, je reçus une lettre anonyme, me
demandant de prier en public pour un prédicateur et sa femme (on me donnait les
noms) qui, par leurs querelles violentes, nuisaient à l’œuvre dans l'une des
plus importantes annexes. Mon informateur me donnait aussi le nom d'un diacre
éminent et de son frère qui, pour la même raison, nuisaient à l’œuvre dans un
autre endroit. On insistait sur la gravité de la chose, montrant que si les
membres s'étaient humiliés, les chefs, eux, s'étaient tus. Mon correspondant
suggérait que je nommasse les coupables pour que l'auditoire puisse prier pour
eux.
Bien que je
fusse heureux de connaître l'interdit, je comprenais cependant qu'obéir à ce
conseil serait une grave maladresse. J'avais remis le contrôle du mouvement au
Saint-Esprit, je n'avais donc pas le droit d'intervenir. Dès que j'eus fini de
parler cet après-midi-là, un homme se leva et fit une prière de confession,
montrant un cœur brisé. C'était son horrible caractère qui l'avait, disait-il,
éloigné de Dieu. Il était si violent que sa femme n'osait pas vivre dans la
même chambre que lui. C'était le prédicateur dont mon correspondant anonyme
m'avait envoyé le nom. Dès la fin de la série, il alla trouver sa femme et se
réconcilia avec elle. On me dit que peu après, le Réveil éclata dans son
annexe.
Ce frère avait
à peine fini sa prière, qu'un autre se leva et déclara que son caractère était
tellement impossible, que son propre frère ne pouvait s'entendre avec lui. Il
avait essayé de diriger son frère, non par l'amour, mais par la force et la
colère. Aussitôt, de l'extrémité de l'église, un jeune homme accourut, se jeta
aux pieds du premier, et en pleurant lui demanda pardon. C'étaient le diacre et
son frère. Je citerai encore un incident. Plusieurs mois avant mon arrivée à
Chinchow, la dame docteur de l'hôpital de la Mission s'était aperçue tout à
coup qu'une grande quantité de médicaments coûteux disparaissaient presque sous
ses yeux. Elle appela son assistante et lui montrant la pharmacie, lui
dit
« Vous et moi sommes les seules qui ayons les clefs de cette chambre.
Une quantité de médicaments ont disparu. Pouvez-vous me dire pourquoi? »
« Quoi ! cria la jeune fille, fort en colère, vous
m'accusez d'être une voleuse ? »
Et elle quitta
la mission, donnant l'impression que son amour-propre ne pouvait supporter
l'injustice qui lui avait été faite. Cette histoire fut bientôt connue : la
jeune fille avait volé les médicaments sur les instances de son père, vieux
rétrograde, docteur renommé dans la ville, qui s'était attiré une grande
clientèle en publiant qu'il ne donnait que de coûteuses drogues étrangères.
Pendant les
réunions, chaque jour, un message fut envoyé à la jeune fille pour lui dire que
ses amis priaient pour elle et l'invitaient à venir. Elle ne vint que le
dernier jour. On me la montra le matin. Je fus tout de suite frappé par son
maintien, par la force de caractère empreinte sur son visage. Elle ne devait
pas avoir plus de vingt ans. Pendant toute la réunion, elle se tint droite,
froide, avec un air de défi, comme pour dire : « J'ai une volonté, moi, dites
ce que vous voudrez, je ne confesserai rien » !
A midi, les missionnaires prièrent
spécialement pour que le Seigneur ramenât la jeune fille l'après-midi. Quand
j'entrai dans la chapelle pour commencer la réunion, elle était assise au
premier rang. A la moitié de mon allocution, elle baissa la tête et ses larmes
coulèrent. Quand les prières commencèrent, les hommes monopolisaient la
réunion. Je sentis qu'il fallait absolument donner l'occasion à cette jeune
fille de se débarrasser du fardeau qui l'accablait.
J'annonçai un cantique. Puis, quand il fut
fini, je dis aux messieurs : « Soyez patients, frères, et laissez nos sœurs
prier pendant un moment ». La jeune fille se leva et fit face à l'auditoire : "J'ai beaucoup à confesser dit-elle, mais je ne suis pas digne de le faire
debout, permettez-moi de m'agenouiller." Elle se mit à genoux sur l'estrade,
et raconta sa triste histoire. Deux mois plus tard, j'appris sa mort. Une
maladie intérieure avait sapé ses forces et finalement l'emporta. Quelle
tragédie t'eût été, si cette jeune fille avait résisté au Saint-Esprit et était
allée devant Dieu avec ce péché sur la conscience !
Le docteur Walter Philips, qui était à
deux des réunions de Chinchow, écrit : « C'est à Chinchow que je fus mis en
contact, pour la première fois, avec le Réveil. Les réunions duraient depuis
une semaine ; j'étais donc au cœur de la série, sans préparation, et pour être
franc, avec un préjugé ancré contre l'hystérie religieuse sous toutes ses
formes. Mon jugement est donc sans parti pris. « Dès qu'on entrait dans
l'église, on avait conscience de quelque chose d'extraordinaire. Elle était
bondée. L'attention de tous était respectueuse, intense. Le chant était vibrant
d'une joie et d'une force nouvelles... Les gens s'agenouillaient pour prier,
d'abord en silence ; puis ici et là, quelqu'un commençait à haute voix. Ces
voix augmentaient de volume, s'unissant dans une supplication générale, qui
s'élevait comme le mugissement puissant de la mer, et allait en s'affaiblissant
jusqu'à n'être plus qu'un bruit de larmes. Je compris alors pourquoi le
plancher était humide, il était mouillé de larmes ! L'air semblait électrifié —
je parle très sérieusement — et d'étranges frémissements me parcouraient le
corps.
Et voici qu'au-dessus du bruit des
sanglots, une voix entrecoupée, brisée, s'élevait: un homme se confessait
publiquement. Aucune parole ne peut décrire la terreur, la crainte, la pitié
que ces confessions faisaient naître. On n'était pas tant choqué par l'énormité
des péchés ou alors par les profondeurs d'indignité qu'ils découvraient, que
par l'agonie du pénitent, par ses cris et ses gémissements, par sa voix brisée
de sanglots. On était ému aux larmes en voyant des hommes se lever comme malgré
eux, et, semblait-il, obligés coûte que coûte de mettre leur cœur à nu. Je n'ai
jamais expérimenté quelque chose de plus émouvant de plus éprouvant pour les
nerfs, que le spectacle de ces âmes mises à nu devant leurs semblables.
« Cela continuait ainsi pendant des heures
et des heures jusqu'à ce que la tension devînt presque insupportable. Ici, un
gros et robuste fermier se roulant par terre, cognant sa tête sur le plancher
en gémissant sans cesse : « Seigneur ! Seigneur ! ». Là, une femme tremblante
dont la voix est à peine un soupir ; là encore, un petit écolier qui, les
larmes coulant sur ses joues barbouillées, sanglote : « Je n'aime pas mes
ennemis. La semaine dernière j'ai volé deux sous à mon maître. Je nie bats
toujours et je jure. Je supplie le pasteur, les anciens et les diacres de prier
pour moi ». Puis de nouveau les voix en prière augmentaient de volume et
ressemblaient au son puissant et profond d'un grand orgue. Chaque fois que la
prière diminuait, l'oreille percevait un murmure monotone de pleurs, et de
supplications angoissées, d'hommes et de femmes qui, oubliant leur entourage,
luttaient pour obtenir la paix... »
La communauté chrétienne de Shinminfu
avait été terriblement persécutée pendant la révolte des Boxers.
Cinquante-trois chrétiens avaient subi le martyre. Leurs parents et amis, après
que la révolte eut été vaincue, firent une liste de tous ceux qui avaient
participé au massacre des leurs ; cette liste contenait 50 noms. Ils espéraient
qu'un jour ils auraient l'occasion de tirer d'eux une vengeance terrible.
Dans notre série, le point culminant
arriva le quatrième jour. J'eus une fois de plus l'impression que j'assistais à
une scène de jugement.
Au bout de trois heures, je prononçai la
prière de clôture. Immédiatement des cris partirent de tous côtés : «Non, non,
ayez pitié de nous. Continuez. Nous ne dormons plus depuis plusieurs jours et
il en sera de même ce soir si nous n'avons pas l'occasion de nous débarrasser
de nos péchés. »
Je demandai à une dame missionnaire de
prendre à part, dans une autre salle, les femmes et les jeunes filles, et de
continuer la réunion avec elles.
Tandis qu'elles partaient, l'un des évangélistes vint s'agenouiller sur
l'estrade. Il confessa plusieurs péchés avec sincérité, mais cependant son
fardeau ne semblait pas ôté. Je lui dis : «Puisque vous avez confessé vos
péchés, Dieu est fidèle et juste pour vous les pardonner et pour vous purifier
de toute iniquité. Allez en paix ».
—
« Mais il me reste le pire à confesser, s'écria-t-il, je ne veux pas pardonner.
—
Alors, naturellement, Dieu ne peut pas vous pardonner non plus.
—Mais
il est humainement impossible que je pardonne, continua-t-il. L'année des
Boxers, un homme a tué mon père, et depuis lors j'ai senti que mon devoir était
de venger cette mort. L'autre jour, un de mes amis m'a écrit : « Où est votre
piété filiale Votre père a été massacré, et vous vivez sans le venger. Vous
êtes indigne d'être mon ami ». Je ne veux pas pardonner à cet homme, il faut
que je le détruise ».
—
« Mors, répliquai-je, la Parole de Dieu est explicite ; vous ne pouvez être
pardonné ». Il ne répliqua rien, mais resta agenouillé et pleurant.
Alors un étudiant se leva et dit : «En
1900, les Boxers vinrent chez nous et tuèrent mon père. Depuis ce temps, j'ai
senti que je devais grandir pour venger ce crime. Mais ces jours derniers le
Saint-Esprit m'a rendu si malheureux que j'ai perdu le manger et le boire. Je
sais qu'Il me presse de pardonner aux meurtriers pour l'amour de Jésus. Priez
pour moi. » Un autre jeune homme se leva et nous dit que les Boxers avaient tué
son père, sa mère et son frère aîné. Neuf jeunes gens racontèrent à peu près la
même tragique histoire. Mais tous confessèrent qu'ils étaient affreusement
malheureux, et nous demandaient, pour que Dieu leur fit la grâce de pouvoir
pardonner, le secours de nos prières.
Après le départ des femmes, la réunion
dura encore deux heures et demie. Le flot des confessions ne s'arrêtait pas.
Pendant tout ce temps, l'évangéliste du début était toujours à genoux sur
l'estrade. A la fin de la réunion, il se leva et regarda l'auditoire. Ses
traits étaient tirés, son expression hagarde. « Je suis décidé. cria-t-il, je
n'aurai aucun repos jusqu'à ce que j'aie tué l'assassin de mon père ».
Je pensais que je ne le reverrais plus.
Mais le lendemain matin, en entrant dans la salle, il était debout près de
l'estrade, la figure rayonnante. Il me demanda la permission de dire quelques
mots avant mon discours et se tournant vers les jeunes gens il dit : « Est-ce
que les garçons qui hier soir ont demandé la grâce de pardonner les meurtriers
de leurs bien-aimés, veulent bien s'avancer au premier rang ? » Les neuf jeunes
gens vinrent s'asseoir devant l'estrade. « J'ai entendu votre confession hier
soir, leur dit-il, vous nous disiez que vous étiez prêts à pardonner ceux qui
ont tué vos bien-aimés. Vous m'avez entendu ensuite, moi, l'un de vos
conducteurs, déclarer que je ne pouvais pas pardonner et que je me vengerai du
meurtrier de mon père. En rentrant chez moi, j'ai réfléchi que le Diable allait
profiter de mon exemple et vous exposer, mes chers garçons, à la risée de tous.
Les gens diraient que vous êtes trop jeunes pour savoir ce que vous voulez; ils
parleraient ensuite de moi, comme de quelqu'un d'intelligent, ayant de la
volonté et ne croyant pas à cette sottise : le pardon de nos ennemis. Alors,
pour que le Diable ne vous trompe pas, j'ai acheté ces neufs livres de
cantiques pour vous les offrir. Chaque fois que vous les ouvrirez pour chanter
les louanges de Dieu, vous vous souviendrez de moi, de l'évangéliste qui a reçu
de Dieu la grâce de pardonner au meurtrier de son père »
Après cela, la
liste dressée par les chrétiens des 250 personnes sur lesquelles devait
s'exercer leur vengeance, fut apportée. On la déchira, et l'on en piétina les
morceaux.
Un des missionnaires m'avait dit à
Moukden, après y avoir vu les miracles de Dieu : « Nous avons été bénis ici,
mais j'ai bien peur que le Seigneur ne puisse pas faire grand chose à
Newchwang. L'Église y est tellement morte qu'il ne reste plus qu'à l'enterrer.
» Je lui répondis :« Vous avez vu de vos yeux la puissance de Dieu ; demandez
au Seigneur qu'Il ait pitié de Newchwang ».
Après ma mission à Liaoyang, j'entendis la
même histoire. Les missionnaires me dirent : « Nous bénissons Dieu de ce qu'Il
a fait ici, mais n'espérez rien de pareil pour Newchwang. L'Église est trop
morte pour être réveillée ». Je répondis encore : « Vous avez vu Dieu à
l’œuvre. Priez pour cette ville! »
Les mêmes avertissements me furent donnés
à Kwangning, Chinchow et Shinminfu. L'état de Newchwang était désespéré ; il
n'y avait plus rien à faire. Un missionnaire de Kwangning, Monsieur Hunter,
était parti en avance à Newchwang pour y faire des réunions de prières
préparatoires. Dès que j'eus l'occasion de lui parler le soir de mon arrivée,
je vis qu'il était débordant de joie ! « Imaginez ce qui est arrivé aujourd'hui
à la réunion de prière », me dit-il.
« Une femme qui, pour sauver sa vie, avait
renié son Sauveur en 1900, a été saisie par l'Esprit et brisée par le repentir.
Elle a demandé à Dieu la grâce de lui donner une autre occasion de Lui offrir
sa vie. Un chrétien, entrepreneur en bâtiments, confessa en pleurant qu'il
avait volé un de ses clients, par un contrat malhonnête, d'une somme de dix
mille francs qu'il allait restituer le jour même. »
Mes réunions commencèrent le lendemain
matin. En montant sur l'estrade, je fis comme d'habitude, en baissant la tête,
une courte prière mentale. Quand je regardai l'auditoire, je vis que chaque
homme, chaque femme, chaque enfant, semblait être dans les affres du jugement.
Les pleurs coulaient, des confessions de toutes sortes montaient à Dieu. Quelle
était l'explication de ce phénomène ? Car enfin tout ceci se passait dans
l'Église considérée comme morte et dont on n'espérait plus rien. Sans une
parole, sans un chant, sans une prière en public, l’œuvre du Saint-Esprit
s'était faite. L'explication ? C'est que Dieu exauçait les prières de ses
enfants qui à Moukden, à Liaoyang et ailleurs, avaient eu la vision de ce que
Dieu pouvait faire pour leur pauvre sœur, l'Église de Newchwang.
REPENTANCE ET CONFESSION DANS LE SHANSI
La province de Shansi a été appelée « la
martyre de la Chine ». Elle était en 1900 sous la domination du plus infâme des
gouverneurs : Yu Hsien (dont le fils, plus tard, se convertit). Pendant les
persécutions par les Boxers, il dépassa en cruauté tous les autres
fonctionnaires. Dans sa seule province, plus de cent missionnaires, sans
compter de nombreux chrétiens indigènes, furent martyrisés et mis à mort.
Il y a quelques années, je m'entretenais à
Ho-nan avec un intellectuel chinois éminent, de la province de Shansi. Il
semblait très près du royaume de Dieu : « Je suis convaincu, me disait-il, les
larmes aux yeux, que pour nous, pécheurs, il n'y a de salut qu'en Jésus Christ.
» Il me raconta qu'il avait été amené à sonder les Écritures ayant été témoin
du terrible massacre qui avait eu lieu à la résidence du gouverneur en 1900. Il
était dans la cour, quand soixante missionnaires environ y furent brutalement
amenés et parqués, attendant leur exécution. « Ce qui m'impressionna le plus,
me dit-il, ce fut leur intrépidité extraordinaire. Aucune panique aucun appel à
la pitié : catholiques et protestants attendaient la mort dans un calme
parfait.
« Un peu avant le massacre, une enfant
toute blonde, d'environ treize ans, s'avança jusque devant le gouverneur : «
Pourquoi voulez-vous nous tuer ? » Demanda-t-elle d'une voix si perçante,
qu'elle était entendue dans toute l'immense cour. « Est-ce que nos docteurs ne
sont pas venus de pays lointains sacrifier leurs vies pour sauver les vôtres ?
Dés maladies incurables ont été guéries, des aveugles ont recouvré la vue, la
joie et le bonheur ont été rendus à des milliers de vos foyers, grâce aux
guérisons faites par nos docteurs. Est-ce à cause de ces bienfaits-là que vous
nous tuez ? » Le gouverneur avait baissé la tête ; il n'avait rien à répondre.
Elle continua : « Gouverneur, vous parlez beaucoup de piété filiale. Vous
proclamez que parmi les cent vertus nécessaires, la piété filiale a la première
place. Vous avez cependant des centaines de jeunes gens dans cette province qui
sont esclaves de l'opium et du jeu. Peuvent-ils exercer leur piété filiale ?
Peuvent-ils aimer leurs parents et leur obéir ? Nos missionnaires sont venus de
l'étranger, ils leur ont prêché Jésus, et Jésus les a sauvés, leur a donné le
pouvoir de vivre honnêtement, d'aimer leurs parents, de leur obéir. Est-ce pour
ce bienfait-là que vous nous tuez?
« La figure du gouverneur était
contractée. Chaque mot semblait le toucher au vif. Ce courageux discours était
plus qu'un plaidoyer, c'était un réquisitoire. La jeune fille était le juge, et
le gouverneur, l'accusé. Mais le drame ne dura qu'un court instant. Un soldat,
près de l'enfant, la saisit par les cheveux et d'un seul coup de sabre lui trancha
la tête. Ce fut le signal du massacre. « Je vis tuer cinquante-neuf hommes,
femmes et enfants cet après-midi-là, continua le lettré.
Chacun de ces visages, à l'instant même de
la mort, avait un sourire paisible. Je vis une dame parler gaiement à un petit
garçon qui se cramponnait à sa main. Son tour vint; son corps tomba sur les
pavés. Le garçonnet, sans un sanglot, sans une. larme, se tint debout, sa main
toujours serrée dans celle de sa mère. Mais un coup de sabre eut vite fait de
coucher son petit corps mutilé, à côté de celui de sa mère. Est-il étonnant
qu'un tel héroïsme m'ait conduit à sonder les Écritures, et m'ait obligé à
croire que la Bible est la Parole même de Dieu? »
En pensant à ces faits, on comprendra
peut-être que j'arrivai à Taiyuan, à l'automne de 1908, avec un sentiment de
respect. Le sang des martyrs qui y avait coulé huit ans auparavant me rendait
ce sol sacré. Il est merveilleux de voir avec quelle puissance le Saint-Esprit
travailla à ce moment-là dans l'Église de Taiyuan. Sa présence était si
évidente qu'il était fréquent d'entendre les gens dans les rues se dire l'un à
l'autre qu' « un nouveau Jésus » était arrivé.
Leur raison de parler ainsi, était que,
depuis plusieurs années, les chrétiens trichaient et se querellaient avec leurs
voisins ; quelques-uns même injuriaient leurs parents et battaient leurs
femmes. Il semblait que l' « ancien Jésus » fût trop vieux, ou qu'il eût perdu
sa puissance.
Mais ce «nouveau Jésus», semblait-il,
faisait des choses merveilleuses. Tous ces vieux rétrogrades se levaient devant
toute l'Église, confessaient leurs péchés, allaient trouver leurs voisins
païens, leur payaient ce qu'ils leur devaient, et leur demandaient pardon pour
tout le tort qu'ils leur avaient causé.
Mais ce qui surprenait le plus, c'était de
voir des maris s'humilier devant leurs femmes, en leur demandant pardon de les
avoir maltraitées. C'est ainsi que le Réveil convainquit les païens que le Dieu
vivant avait visité son peuple.
Mon programme de réunions pour le Shanti
ne me donnait qu'un jour à Hsichow. Il semblait impossible qu'en un temps si
court, un mouvement profond pût se produire. On m'avait prévenu que l'Église de
Hsichow avait de graves interdits. La femme d'un des professeurs principaux de
l'École missionnaire avait un caractère indomptable. Peu avant mon arrivée,
dans un accès terrible de colère, elle était devenue aveugle. Ses querelles
incessantes causaient des difficultés de tous les côtés. Les missionnaires,
cependant, savaient que s'ils la reprenaient, elle irait dans la rue, à la mode
chinoise, et dirait tout haut du mal d'eux à tous les passants. Ils la
laissaient donc tranquille.
Cependant, la
difficulté la plus grave venait d'un certain M. Kuo, qui, depuis plusieurs
années, était un des membres les plus influents de l'Église. Pendant la révolte
des Boxers, en 1900, il avait été d'une bravoure exceptionnelle, ayant fait
beaucoup pour réconforter et fortifier ses frères en Christ, pendant tous ces
mois de terrible persécution.
Après la prise de
Pékin par les Alliés et la fuite de l'impératrice douairière à Sianfu, les
fonctionnaires eurent peur des conséquences de leurs actes, et essayèrent de
réparer le mal qu'ils avaient accumulé sur la tête des infortunés chrétiens. Le
mandarin du district avait souvent fait venir M. Kuo chez lui pour le
consulter. Les deux hommes se lièrent. Le mandarin invitait le chrétien à
souper, et il le faisait boire. M. Kuo revint même plusieurs fois de chez son
ami absolument ivre, à peine capable de tituber jusqu'à la maison. Une fois, il
revint dans un tel état d'ébriété qu'il battit sa femme. Les missionnaires
crurent de leur devoir de le reprendre. Il se mit en colère et quitta l'Église,
emmenant avec lui, la moitié des membres.
En arrivant à
Hsichow, j'envoyai un mot à Monsieur Kuo, lui disant que j'avais entendu parler
de son héroïsme pendant la révolte des Boxers. Je le priai de venir aux
réunions le surlendemain, car ce serait la seule occasion que j'aurais de le
voir. Le matin suivant, on me le montra. Il revint l'après-midi. Le texte que
le Saint-Esprit m'avait mis au cœur était : « Otez la pierre ». Monsieur Kuo
écouta la moitié du discours sans broncher, mais tout à coup, quelque chose
sembla le toucher ; ses larmes commencèrent à couler, et sa tête se courba. Mon
discours achevé, la réunion de prière commença. Les premières requêtes étaient
les plus banales et les plus mortes que j'aie jamais entendues. Il faisait
exceptionnellement chaud, et nous étions tous en nage.
Beaucoup plus de bébés qu'à l'ordinaire
étaient dans la salle, et ils semblaient tous s'égosiller à crier. Dans une
cour voisine, un chien hurlait comme si on l'écartelait. Il semblait difficile
de croire que le Saint-Esprit pût travailler dans de telles circonstances.
Cependant, plusieurs missionnaires et moi priions intérieurement que, d'une
façon quelconque, l'Esprit montrât sa puissance cet après-midi-là.
Monsieur Kuo se leva pour prier.
Immédiatement, tous les bébés semblèrent s'être endormis, le chien se tut et
nous oubliâmes qu'il faisait chaud. Tandis qu'il parlait, la voix coupée de
sanglots, confessant son péché, un silence de mort régnait dans l'assemblée.
Tandis qu'il achevait sa prière, de toutes parts on entendait le bruit de
sanglots étouffés. Puis, une femme, à l'arrière, commença à prier, sa figure
pâle, mouillée de larmes, montrait que l'Esprit avait sondé les profondeurs de
son cœur. Elle s'humilia en sanglotant de son affreux caractère et du mal que,
par lui, elle avait fait à l’œuvre de Dieu. C'était la femme de l'instituteur.
Après le culte, Monsieur Kuo et moi
descendions la rue. « Je ne sais pas, me dit-il, comment expliquer ce qui m'est
arrivé cet après-midi. Tout d'un coup, je sentis comme un feu intérieur qui
m'aurait consumé, si je n'avais pas confessé immédiatement mes péchés, et si je
n'avais pas fait ma paix avec Dieu ». « Ma parole n'est-elle pas comme un feu ?
dit l’Éternel » (Jérémie 23-29).
En arrivant à Chuwuhsien, j'y trouvai les
missionnaires et les principaux conducteurs des Églises de trois provinces. Il
y avait là les représentants de vingt-et-une stations. Tous étaient dans
l'expectative.
La
principale missionnaire à Chuwu. Mademoiselle Stelman, me dit : « Nous avons
prié jusqu'à épuisement pour le Réveil. Si Dieu ne l'envoie pas, je ne vois
vraiment pas comment nous pourrons continuer à prier. Nous avons plaidé toutes
les promesses faites à la prière dans la Bible »
Je n'avais que quatre jours à donner. Nous
mîmes devant le Seigneur notre ardent désir, et lui demandâmes d'agir rapidement.
Ma première allocution avait comme sujet : Ce que Dieu a fait pour ses enfants
à Chinchow, en Mandchourie »
Mon discours
était à peine commencé que déjà les larmes coulaient et les têtes se courbaient; la conviction du péché faisait son oeuvre. Dans la réunion de prières qui
suivit immédiatement, tous ceux qui prièrent s'humilièrent profondément. Le
mouvement ainsi commencé continua pendant les quatre jours. Toutes sortes de
péchés furent confessés et abandonnés. Le juge du district, sa curiosité ayant
été éveillée par ce qu'il avait entendu raconter, se mit en civil pour assister
à une réunion. Il entendit confesser des meurtres, des vols, des crimes de
toute espèce. Il était confondu d'étonnement, car, dit-il plus tard, il aurait
fallu qu'il fît battre ces gens presque à mort avant qu'ils fissent devant lui
de pareils aveux.
Parfois, bien que la réunion eût duré
trois heures, et plus, les gens rentraient chez eux et s'en- fermaient pour
prier encore. Si on se promenait le soir dans l'enceinte du domaine de la
Mission, on rencontrait de petits groupes qui priaient. Le matin avant l'aube,
il y en avait déjà.
Dans l'ardeur et l'importunité de leurs
prières les chrétiens de Chuwu me faisaient penser aux Coréens que j'avais
entendus à Pingyang.
Un jour, un ancien qui, peu de temps
auparavant, avait été rayé de l'Église, vint à une réunion. Quand les autorités
chinoises payèrent aux chrétiens des indemnités pour les pertes qu'ils avaient
subies en 1900, lors de la révolte des Boxers, cet homme déclara qu'on lui
avait fait perdre 5.000 taels. Un diacre qui le connaissait bien, dit qu'il en
avait perdu tout au plus 4.000. Le magistrat lui en accorda 1.500. Cet interdit
l'entraîna de plus en plus bas. Quand j'arrivai à Chuwu, lui et sa femme étaient
devenus des fumeurs d'opium.
Cet ex-ancien assista à une réunion où les
gens priaient avec larmes pour son retour au bercail. C'étaient les prières les
plus émouvantes que j'eusse entendues depuis longtemps. Je me demandais comment
cet homme pouvait y résister. Soudain, il se leva, vomit les plus basses
injures, et quitta l'Église dans une colère noire. Je n'entendis plus jamais
parler de lui.
Après mon départ de Chuwu, le directeur du
pensionnat missionnaire de garçons, qui avait été fortement influencé par ma
mission, prit l'habitude de se lever chaque matin bien avant l'aube pour prier.
Les élèves se joignirent à lui. Il le fit pendant une vingtaine de jours,
jusqu'à ce qu'un matin, le Saint-Esprit descendit sur eux. Les querelles furent
réglées. des objets volés furent restitués. Un garçon qui avait, peu
auparavant, cruellement battu le chien d'un voisin, alla s'accuser et
s'excuser. Un autre avait volé un poulet ; il confessa son larcin et paya le
dommage.
Quand j'étais à Chuwu, le pensionnat de
Files était encore en vacances. Parmi mes auditrices, J'avais cependant les
institutrices ; elles furent parmi les plus profondément travaillées par le
Saint-Esprit. Dès la rentrée des classes, elles racontèrent au premier culte
quotidien ce qui s'était passé pendant ma visite. Les jeunes filles supplièrent
qu'on leur accordât un jour de jeûne et de prières pour obtenir, elles aussi,
la bénédiction. Les institutrices en référèrent à miss Stelman, qui répondit :
«Attendez un jour ou deux et nous en ferons un sujet de prière ».
Le matin suivant, pendant le culte,
l'Esprit tomba sur l'assemblée et ce fut bien tard dans l'après-midi que cette
réunion extraordinaire prit fin. Le fameux pasteur Hsi, dont la biographie est imprimée en plusieurs langues, était pasteur à Hungtunghsien. Il y exerça pendant
plusieurs années un ministère grandement béni. Mais après sa mort, un certain
Hsu lui succéda, qui avait des idées avancées. Il voulut que son Église fût
célèbre dans toute la province. Il ne devait pas y avoir de pauvres parmi ses
membres. Il disait aux fermiers : « Le Seigneur vous a donné une terre très
fertile. Je vous conseille de cesser la culture du blé ; elle ne rapporte pas
assez ; plantez de l'opium !
Comme chrétiens, naturellement, vous n'en
fumerez pas ; mais puisque c'est une denrée qui est très demandée, pourquoi
n'en profiteriez-vous pas ? De plus, en produisant de l'opium, vous deviendrez
riches, et l'Église prospérera. »
Ce qu'un homme sème, il le récolte ! Les
membres suivirent les conseils de leur pasteur, et le résultat fatal fut qu'au
bout de quelques années plusieurs étaient devenus esclaves de l'horrible
drogue. Mais ce ne fut pas tout. Sous la direction du pasteur Hsu, l'Église
fonda une boutique de change dans la ville. Elle prospéra. Mais les directeurs
voulurent s'enrichir trop vite. Ils écoulèrent de la fausse monnaie. Ce fut la
banqueroute et la faillite totale de la réputation de l'Église, déjà bien
compromise. Ce dernier scandale lassa définitivement la patience des missionnaires.
Le pasteur Hsu fut destitué, et tous les fumeurs d'opium furent rayés des
registres de l'Église.
Pendant les quelques jours que je passai à
Hungtung, l'Esprit consumant était spécialement à l’œuvre. Des péchés cachés
étaient mis en lumière. Un jour, tandis que les gens priaient, et qu'une
atmosphère spirituelle extraordinaire remplissait l'Église, un missionnaire
assis à mon côté me dit à l'oreille, que l'ex-pasteur venait d'entrer. Dès ce
moment-là, tout sentiment de la présence de Dieu disparut. Le Diable en
personne semblait diriger la réunion. Cela dura une demi-heure ; puis l'homme
sortit et aussitôt les hommes et les femmes recommencèrent à prier, le
sentiment de la présence de Dieu nous remplit à nouveau.
Je raconte ce fait frappant pour montrer
quel obstacle formidable peut être la présence d'un pasteur ou d'un homme
influent qui ne se repent pas et qui s'endurcit dans le mal.
UNE PLUIE DE BÉNÉDICTIONS SUR CHANGTHEFU
Il est facile
de s'imaginer avec quel sentiment de joyeuse attente je rentrai dans ma propre
station missionnaire, après ma visite en Corée, pendant l'été de 1907. Dès le
lendemain matin, je racontai mes expériences. Les évangélistes et les diacres
chinois m'entourèrent après le culte et me supplièrent d'organiser
immédiatement une semaine de services spéciaux. On demanda l'avis de mes
collègues européens. Oui, nous pouvions faire ces réunions si nous le voulions,
mais il ne fallait pas que cela dérangeât le programme habituel de la semaine.
Les écoles missionnaires ne seraient certainement pas fermées pour permettre
aux élèves de suivre les réunions. Mais l'appui chaleureux des collaborateurs
chinois compensa, et au delà, l'indifférence que je rencontrais ailleurs. Je me
remémore souvent les jours bénis que je passai avec mes chers Chinois.
Les réunions se
terminèrent un samedi. Le lendemain, au culte du matin, je sentis en parlant à
l'auditoire, que je m'adressais à un mur de pierre. J'interrompis mon discours
au beau milieu et je leur dis : « L'action de l'Esprit de Dieu est empêchée. Il
est inutile que je continue à parler. Est-ce que quelques frères voudraient
prier ? » Quelques prières suivirent, mais sans puissance spirituelle.
«Arrêtez, criai-je, il y a clairement ici quelqu'un qui empêche Dieu d'agir. »
Je prononçai la bénédiction finale et terminai la réunion.
Pendant les
mois qui suivirent, l'attitude de nies collègues subit un changement. Ils ne
pouvaient plus dissimuler que l'état spirituel de la station était au plus
bas. L'internat des garçons, spécialement, donnait les plus grandes
inquiétudes. On ne pouvait y maintenir aucune discipline.
Quelques-uns
des aînés s'étaient sauvés. D'autres en secret complotaient de suivre leur
exemple. Les missionnaires en étaient arrivés à la conclusion que si quelque
chose ne venait pas transformer le caractère des élèves, il faudrait fermer
l'école. Au printemps de 1908, je fus prié de faire une série de réunions, et
cette fois, avec le plein appui de mes collègues.
En Mandchourie
et ailleurs, on m'avait souvent posé cette question : « Croyez-vous que vous
verrez les mêmes manifestations du Saint-Esprit dans le Honan, où l'on connaît
vos faiblesses et vos défauts, que là où vous êtes un inconnu ? » Il était
difficile de répondre à cette question. A mesure que le moment des réunions
approchait, j'étais de plus en plus tourmenté. Le jour de la première réunion,
de très bon matin, je marchais fébrilement de long en large dans ma chambre,
l'esprit en tumulte. J'avais souvent entendu parler de gens qui prenaient la
Bible et l'ouvraient au hasard, pour y trouver un texte qui calmerait leur
crainte ou, leur donnerait un conseil. Ce n'était pas mon habitude. Cependant,
ce matin-là, je sentais comme jamais auparavant, le besoin de la lumière divine
pour fortifier ma foi chancelante. Je pris ma Bible ; elle sembla s'ouvrir
d'elle-même. Mes yeux s'arrêtèrent sur ces paroles : « Mon Nom sera grand parmi
les nations » (Malachie 1, 11). C'était clairement la réponse voulue, elle
raffermit ma foi. Cependant, au bout d'un moment, un doute me vint. Il était
évident que : « les nations » comprenaient le Honan mais est-ce que je n'allais
pas trop loin en m'imaginant que c'était aussi pour ma propre station de
Changteh ? Je repris ma Bible, et, chose extraordinaire, elle s'ouvrit au même
endroit. Cette fois mes yeux lurent les paroles suivantes : « et en tout lieu »
. Cela veut dire ma station, me dis-je. J'eus la conviction que Dieu allait
remuer Changteh.
Je n'avais qu'à me louer de la manière
dont mes collègues avait organisé la série de réunions. Quant aux
collaborateurs chinois, ils me soutenaient avec plus d'enthousiasme si possible
que la première fois. Sentant que l'église qui ne contenait que six cents
sièges, serait trop petite, ils avaient, de leur propre initiative, érigé dans
la cour voisine une grande tente faites de nattes. Des chrétiens de tout le
pays étaient venus ; les écoles avaient été fermées, et même dans l'hôpital, on
s'était arrangé pour que le plus d'employés possible pussent assister aux réunions.
Des missionnaires, des évangélistes chinois étaient venus de très loin.
Dès le début, Dieu indiqua qu'Il avait
choisi Changteh pour un baptême spécial du Saint-Esprit. Le deuxième jour, il y
eut un grand nombre de confessions. Parmi ceux dont la conscience fut remuée
était Monsieur Fan, lettré renommé, professeur à l'internat des filles.
Ce soir-là, à la réunion de prière, des
missionnaires, — deux dames — qui ne s'étaient pas parlé depuis longtemps, se
réconcilièrent. La directrice de l'École des filles confessa des péchés qui,
lui semblait-il, entravaient l’œuvre de Dieu.
En allant à la réunion du soir, nous
passâmes devant l'internat des filles ; il nous sembla que toutes ces enfants
priaient et confessaient leurs péchés en même temps.
Le sentiment de la présence de Dieu
augmenta les deux jours suivants. Le soir du quatrième jour, le président de la
réunion de prières était un évangéliste chinois, Monsieur Hu. Il commença en
nous disant : « Je ne peux présider sans d'abord vous confesser mes fautes.
Quand j'ai entendu parler du Réveil en
Mandchourie, j'ai dit aux autres évangélistes : « Ce n'est pas l’œuvre du
Saint-Esprit. Monsieur Goforth a une manière à lui d'agir sur son auditoire par
une sorte de puissance hypnotique. Mais je vous assure que quand il viendra à
Changteh, il aura à faire à Hu Feng Hua, un homme qui a sa tête sur ses épaules
et de la volonté. L'hypnotisme n'aura sur lui aucun pouvoir.
« Le deuxième matin, continua-t-il, quand
je vis le professeur Fan, un licencié de mon propre village, abîmé dans la
poussière, pleurant comme un enfant, confessant ses péchés, je fus plus dégoûté
que jamais. Je m'affirmai à moi-même que cela ne pouvait être l’œuvre de
l'Esprit de Dieu; c'était simplement de la flagornerie à l'égard des
étrangers. A mesure que le temps passait, mon mépris et mon indignation
augmentaient. Quels « faiblards », ils étaient tous, pour se laisser aller
ainsi. Le troisième jour, comme le mouvement augmentait d'intensité, et que les
gens semblaient être entraînés en dépit d'eux-mêmes, je commençai à être
troublé. Petit à petit ce doute se précisa : « Et si je me trompais ? Si
vraiment je m'opposais à Dieu ? La nuit dernière, j'ai à peine fermé l’œil, et
ce matin j'étais comme un dément ! Au lieu de venir à la réunion, je suis allé
dans les champs, à l'aventure. Mon tourment d'esprit devenait de plus en plus
angoissant. Je revins, et allai dans la sacristie.
L'évangéliste Cheng y était: « Qu'est-ce
qui m'arrive ? lui dis-je, est-ce que je perds la raison? Non, me répondit-il,
mais agenouillez-vous et vous découvrirez bientôt la cause de votre état. »
Tandis qu'il priait, mon cœur se brisa, je pleurai comme un enfant. Je compris
que je m'étais opposé à Dieu le Saint-Esprit »
J'avais espéré qu'après une telle
confession, nous verrions de grandes choses. A mon grand désappointement; ce
fut un membre d'Eglise quelconque, et dont la vie avait été loin d'être
régulière, qui se leva pour prier. Cependant je découvris vite que Dieu avait
choisi cet humble instrument pour faire son oeuvre ce soir là. (J'avais appris,
sans vouloir le croire, que cette même après-midi, il avait été brisé par le
Saint-Esprit et avait fait une confession des plus émouvantes). Il pleurait. Il
semblait avoir une vision du Sauveur. « Quoi ! Seigneur, disait-il, tu es là à
la porte, frappant patiemment ! Cela est inconcevable ! Ce temple (il voulait
dire son âme) est ta propriété. Tu l'as acheté. Tu as donné ta vie pour le
racheter. Si l'on te laisse à la porte, c'est qu'il y a quelqu'un à l'intérieur
qui t'est préféré. » Il continua ainsi pendant plusieurs minutes, et tandis
qu'il priait, des cœurs, ici et là, se fondaient dans la repentance. Je n'ai
jamais entendu une prière qui semblât plus réellement inspirée.
Soudain, à mon grand désappointement, il
s'arrêta et s'assit. J'étais convaincu qu'il n'avait pas achevé son travail. Au
bout de dix minutes il se releva. C'était la même vision, mais maintenant son
être entier semblait être en extase. « Quoi ! Seigneur ! disait-il, tu es
encore dehors, à la porte ? Toi qui es le Seigneur des seigneurs ! Une parole
de ta bouche nous balaierait du globe, nous misérables pécheurs ; est-il
possible que nous te bravions encore et que nous t'empêchions d'entrer dans ton
propre temple ? » A ces mots, l'auditoire céda et fondit comme de la cire.
Le cinquième jour, il y eut tant de prières
et de confessions que j'eus à peine le temps de faire mon allocution. Une des
confessions les plus saisissantes fut celle du directeur de l'École des garçons. Nous l'avions toujours cru presque
parfait. Cependant, devant ce grand auditoire, qui comprenait ses propres
élèves, il fit une confession des plus humbles et des plus complètes. Le même
soir, le feu du Réveil avait embrasé son École.
Tandis que les réunions continuaient, ceux
qui avaient été réveillés retournaient à leur village pour persuader à leurs
parents et leurs amis de revenir avec eux à Changteh, car, ajoutaient-ils, «
l'Esprit de Dieu est arrivé. » D'autres, ne pouvant y aller eux-mêmes,
envoyaient des messagers pour faire venir leurs familles. Le septième jour,
l'Esprit de Dieu agissait avec tant de force que je ne pus donner aucune de mes
allocutions. Il y avait tant de prières et de
confessions que les réunions ne duraient jamais moins de trois heures.
Le septième soir, le docteur L.,
missionnaire, vint sur l'estrade et demanda à dire quelques mots. Depuis le début de ce mouvement, dit-il,
j'ai refusé de croire qu'il était dû au Saint-Esprit et dirigé par lui. J'étais
convaincu qu'il venait d'un pouvoir hypnotique que Monsieur Goforth sait
exercer sur ses auditeurs. Mais ce que j'ai vu depuis quelques jours m'oblige à
croire, malgré moi, que je me suis trompé. J'attribuais à l'homme ce que Dieu
seul peut faire. Je désire déclarer publiquement que je crois de tout mon cœur
que ce mouvement est vraiment de Dieu. » Il se tourna alors vers moi et devant
tous me demanda pardon. « Je vous ai fait du tort, me dit-il, en imaginant que
vous pouviez être poussé par une autre puissance que celle du Saint-Esprit ».
Les nouvelles de ce qui se passait à
Changteh s'étant répandues aux alentours, nos auditoires augmentaient
constamment. Beaucoup de nouveaux venus étaient saisis par le sentiment du
péché presque avant de pénétrer dans le domaine de la Mission. Parfois des gens
priaient dans leurs chambres, des heures avant le commencement de la réunion.
Puis, quand le moment venait, ils confessaient leurs péchés.
Le huitième jour, il me fut de nouveau
impossible de faire mon discours à la réunion du matin ; même les écoliers se
levaient et confessaient toutes sortes de fautes. C'était trop pour le docteur
M. A. (un autre missionnaire). A la fin de la réunion il déclara : « Après ce
que j'ai entendu ce matin, il m'est impossible de continuer à prendre part à
ces réunions. Cela ne peut être que le Diable qui a fait parler ces garçons.
Comment peuvent-il connaître les péchés dont ils se sont accusés ? Ils ont
écouté leurs aînés et ont répété comme des perroquets. »
— « Attention,
docteur, lui dis-je, ne jugez pas trop vite. Comment pouvons-nous, après tout,
sonder la corruption que possède même un cœur d'écolier ? »
Ce docteur M.
devait se charger de la réunion de l'après-midi. Nous eûmes beaucoup de peine à
le persuader de le faire. Il entendit plusieurs de ses évangélistes, et
d'autres aussi, se lever et raconter combien leur conscience avait été touchée
au vif par la confession de ces garçons. Après la réunion, il déclara que cela
avait été pour lui une révélation et que jamais plus il n'aurait
l'outrecuidance de prétendre juger ce qui peut être l'action de l'Esprit de
Dieu.
Notre série
devait durer une huitaine, mais tous furent d'avis de la continuer. Pendant ces
derniers jours, un certain nombre d'auditeurs qui n'avaient qu'écouté, trouvèrent
le feu de l'Esprit trop brûlant pour eux. Ils voulurent y échapper et s'en
allèrent. Ils constatèrent combien il est difficile d'échapper à l'action d'un
Dieu qui vous cherche. Quelques-uns avaient fait une partie du chemin de
retour, quand leur fardeau devint si écrasant qu'ils durent faire volte-face et
revenir aux réunions. D'autres rentrèrent chez eux, mais ne trouvant aucun
soulagement à leur angoissé, revinrent à Changteh.
Un homme riche,
qu'horrifiait la pensée de se confesser en public, était déjà à quelques
kilomètres de la ville quand il sentit qu'il était inutile pour lui d'aller
plus loin. Il revint, et se tenant au fond de la tente, les joues baignées de
larmes, cria : « Pasteur, dois-je attendre jusqu'à ce que tous ceux qui sont devant
aient fini ? » Je répondis qu'il était juste que les premiers arrivés fussent
entendus les premiers. « Mais, pasteur, continua-t-il, j'éclaterai si je ne
puis confesser tout de suite, je ne puis attendre ! » — « Dans ce cas,
répondis-je, il vaut mieux que nous vous entendions ; les autres patienteront.
» La confession eut lieu, comme un torrent qui a fait sauter sa digue.
Souvent,
pendant les réunions, de grandes vagues de prières passaient sur l'assemblée. Un
auditeur s'écriait : « Priez pour mon annexe, nous sommes si froids, si morts
là-bas ! » Un autre racontait que sa mère et son Père était inconvertis, et
suppliait l'auditoire de se joindre à lui pour prier pour eux. Immédiatement,
des vingtaines de prières montaient vers Dieu. Il semblait que rien ne pût
résister à une telle insistance. Quelques Chinois influents avaient déclaré
avant la série, qu'ils ne mettraient pas les pieds dans nos réunions. Des
prières spéciales avaient été faites en leur faveur. C'est d'eux que vinrent
quelques-unes des plus émouvantes confessions de toute la campagne.
Des disputes
furent réglées, des torts innombrables furent réparés. Beaucoup confessèrent
des péchés grossiers ; la majorité cependant, étaient surtout des péchés
d'omission : l'observation du dimanche, la dîme, le témoignage, la lecture de
la Bible, l'exemple, la prière de la foi pour leurs parents et amis, tous ces
devoirs négligés étaient. les sujets de confessions des plus humbles et des
plus senties.
Il était
remarquable aussi de voir des étrangers venus dans notre enceinte par simple
curiosité être amenés à la conviction du péché. Plusieurs furent amenés par
l'action impérieuse de l'Esprit à venir se confesser sous la tente et à prendre
Jésus pour leur Sauveur.
L'hôpital de la
Mission était près de nous. Il y avait dans une des salles un jeune homme dont
les deux jambes avaient été coupées par un train. Il lui était impossible
d'entendre ma voix ; cependant, au moment où le Saint-Esprit agit avec le plus
de force dans la réunion. il fut convaincu de péché et se convertit.
Je ne peux
terminer le récit du Réveil à Changteh sans parler de la manière dont Dieu agit
avec mon vieil ami Wang Ee de Takwanchwang, un village à quarante kilomètres
environ au sud-est de notre station. Il était un de nos plus solides chrétiens.
Je ne recevais à mon foyer personne plus fréquemment et plus volontiers que
lui. Pendant plusieurs années après sa conversion, la cause du Seigneur avait
beaucoup prospéré dans son village. Des pécheurs endurcis s'étaient convertis,
et en 1900 il y avait en tout dix-neuf familles de professants. Dans la propre
famille de Wang Ee, vingt-huit sur trente s'étaient convertis.
En 1900, vint
la révolte des Boxers. Nos collaborateurs nous supplièrent de partir tout de
suite. Ils nous affirmèrent que, si nous restions, nous serions tous massacrés
ainsi que les chrétiens chinois. Si d'autres part nous pouvions atteindre un
endroit sûr, nous attendrions là que la tempête fût apaisée et nous
reviendrions reprendre notre activité. Je ne puis raconter ici les épreuves
terribles par lesquelles nous passâmes, avant d'arriver sains et saufs à la
côte. Les chrétiens du Honan, et parmi eux mes amis de Takwanchwang, subirent
de cruelles persécutions et furent presque entièrement dépouillés.
Quand je revins
au printemps de 1902 à Changteh, après la révolte, j'allai en toute hâte à
Takwanchwang. Quelle réunion nous eûmes ! Nous étions tous dans la maison de
Wang Ee ; ils me montrèrent leurs cicatrices, je leur montrai les miennes. Puis
nous nous mîmes à genoux pour remercier Dieu. Les chrétiens avaient été
dépouillés de tout, mais aucun n'avait été tué. Je sentis que des gens à qui
Dieu avait fait traverser victorieusement de pareilles épreuves avaient de
grandes bénédictions en réserve.
Peu après cette
visite, j'eus à m'occuper plus spécialement du nord du district ; un collègue
prit la région de Takwanchwang. Ainsi, pendant des années, je n'avais pas eu
l'occasion de visiter mon ami Wang Ee, mais lui était souvent venu me voir.
Quand je lui demandai des nouvelles de l’œuvre, sa figure s'allongea et il me
répondit : « Pas très bien, j'en ai peur. Mais vous ne devez pas me blâmer.
L'heure de Dieu n'a pas encore sonné. Quand elle sonnera, Il sauvera les gens
de mon village ». Je sentis vaguement que l'interdit était dû à mon ami, mais
de quelle façon, je l'ignorais.
Dans l'automne
de 1908, quand je vins pour cette série spéciale à Changteh, j'écrivis à Wang
Ee, lui demandant comme une grâce spéciale de venir assister à mes réunions. Au
service d'ouverture, je le cherchai en vain. Son fils, cependant, était là. Je
dis au jeune homme : « J'ai invité spécialement votre père ; pourquoi n'est-il
pas venu ? » — « Mon père m'a envoyé à sa place, me répondit-il. Il dit qu'il
est vieux, qu'il s'en ira bientôt et il veut que j'apprenne tout ce que je
pourrai, de façon à pouvoir lui succéder quand il n'y sera plus. » Le troisième
jour, le jeune homme fut fortement remué par le Saint-Esprit. — « Allez chez
vous, lui dis-je, et dites à votre père qu'il doit venir, sans quoi il
offensera son meilleur ami. »
Le matin
suivant, Wang Ee arriva. Ses salutations étaient peu cordiales. — Pourquoi
avez-vous renvoyé mon fils ? demanda-t-il avec ressentiment, «il aurait bien
plus profité que moi de ces réunions. Il n'y a pas de raison pour ma venue. Je
n'ai aucun péché spécial. » — « Wang Ee, dis-je, je vous demande une chose ;
restez ici et voyez si Dieu n'a rien à vous dire. »
Le sixième
jour, avant déjeuner, l'évangéliste Ho vint chez moi, très surexcité. « Wang Ee
est dans un état terrible, me dit-il. Tard, la nuit dernière, tandis que nous
parlions avec quelques évangélistes, il tomba sur le plancher, comme s'il avait
reçu un coup de feu. Depuis il ne fait que pleurer et gémir sur ses péchés. Il
m'a envoyé pour vous demander de commencer la réunion au plus vite pour qu'il
puisse confesser. » Dès que j'eus fini de déjeuner, je me hâtai vers la tente.
Wang Ee était déjà devant la porte. Ses joues étaient baignées de larmes. Il
était si ému qu'il ne pouvait pas prononcer une parole. Il me saisit par le
bras. C'en était trop pour moi, je ne pus retenir mes larmes. Nous entrâmes
dans la tente en nous tenant par le bras ; Wang Ee s'agenouilla sur l'estrade.
Pendant quelques minutes, les sanglots qui le secouaient l'empêchèrent de
parler. Enfin, retrouvant la voix, il dit : « J'ai raconté au pasteur Goforth
que les gens de mon village n'étaient pas sauvés parce que l'heure de Dieu
n'avait pas sonné. Je lui ai menti. C'est parce que l'heure de Wang Ee n'avait
pas sonné ! J'ai péché et contristé le Saint-Esprit. Après 1900, quand les
autorités durent m'indemniser pour les pertes que j'avais subies, j'exagérai
énormément les chiffres. Alors que je n'avais perdu que trois mules, j'en
déclarai six ; on m'avait volé trois cents boisseaux de blé, j'en déclarai six
cents. En mentant de la sorte je me suis enrichi par le malheur des autres, et
j'ai éteint dans mon cœur le Saint-Esprit. »
Wang Ee conclut
en disant qu'il se servirait de l'indemnité malhonnêtement obtenue pour construire
une église dans son village. Et il tint parole.
LA PRÉSENCE ET LA PUISSANCE DU SEIGNEUR DANS LES
ANNEXES DE CHANGTEHFU
Après la mission de Changtehfu, les
missionnaires et leurs collaborateurs chinois formèrent des groupes qui
allaient de station en station. Ils visitèrent ainsi un certain village où, peu
auparavant, une centaine de chrétiens s'étaient joints à l'Église romaine. La
cause de cette désertion était un procès. Un homme bien connu dans le village
avait surpris tout le monde en devenant chrétien. Pendant six mois il avait
persévéré, puis il avait rétrogradé et avait été arrêté pour vol. Les diacres
et les anciens étaient venus nous demander d'intervenir, nous affirmant que,
pour sauver la vie de cet homme, il suffisait que nous déclarions aux juges
qu'il était un excellent chrétien, et qu'on l'avait arrêté injustement. Nous
refusâmes de commettre un parjure, même pour sauver un homme. Ils allèrent
alors trouver le prêtre ; celui-ci promit son intervention, à condition que
tous se fassent catholiques, ce à quoi ils s'engagèrent. Le prêtre alla voir le
mandarin, et quelques heures après, l'homme était libre. Presque toute
l'Église, à l'exception de quelques fidèles, devint catholique.
Pendant le Réveil à Changteh, cette annexe
fut l'objet de beaucoup de prières. Parfois, des centaines de voix s'élevaient
ensemble pour que Dieu ramenât ces brebis perdues... Une députation alla au
village et ramena presque malgré eux l'ancien et le diacre principaux. Tous
deux furent brisés par le sentiment du péché. Peu après le docteur M., à la
tête d'un groupe de Chinois, alla dans ce village pour y faire une Mission de
quatre jours. Le docteur M. me raconta qu'il n'avait jamais entendu de gens
effondrés à ce point sous le sentiment de leurs péchés. Plus d'une centaine
firent une confession publique, et toute l'Eglise quitta Rome.
Le docteur M. et sa brigade allèrent à
Changtsun. Là, les réunions suscitèrent un intérêt exceptionnel. Il y eut un
jour plus de cinq mille auditeurs. Il fallut ériger des estrades à différents
points stratégiques pour que tous pussent être atteints.
Bien des années après que l'Église de
Changtsun eût été organisée, on me pria d'aller y tenir une série de réunions
de Réveil. L'Église étant trop petite, on dut se réunir dans une cour voisine.
Pendant plusieurs jours nous ne vîmes aucun signe de Réveil ; il semblait y
avoir un inexplicable interdit.
Le troisième jour, Madame Goforth me dit «
Mes nerfs sont à bout ; je ne peux plus rester ici. Je n'étais pas à la
première réunion, mais d'après certains petits détails que j'ai recueillis,
vous avez dû mortellement vexer les gens par quelque chose que vous avez dit.
Je n'ai jamais vu chose pareille ; vous faites votre discours, puis vous
annoncez que la réunion de prière est ouverte, vous attendez dix minutes, et
tout le monde reste muet. De nouveau, vous indiquez un cantique, vous invitez
encore à la prière, puis un long silence, personne ne dit mot. Vous prononcez
alors la bénédiction. Et ceci dure depuis des jours... j'en ai assez. »
—
« Je ne sais comment j'ai pu les offenser, répondis-je ; tout ce dont je me
souviens, c'est de leur avoir dit qu'ils renoncent, au moins pour le moment,
aux vaines redites que tout le monde sait par cœur ; mais j'ai ajouté que, si
le Saint-Esprit les pousse à se débarrasser de certaines choses qui entravaient
son oeuvre ici, nous serions très heureux d'entendre des prières de cette
nature. »
Tandis que je parlais, mon journal était
sur la table ; je venais d'y écrire quelque chose. « Lisez cela, dis-je en le
tendant à ma femme, c'est aujourd'hui le troisième jour, et nous ne voyons
aucun signe de Réveil. Mais aussi sûrement que Dieu est tout-puissant et que sa
Parole est comme un marteau qui brise le roc, aussi sûrement son peuple se
courbera dans la poussière devant Lui. »
Madame Goforth me rendit mon journal. « je
ne retourne pas chez nous, me dit-elle, je vais attendre et voir ce que Dieu va
faire ». Au même instant, le pasteur chinois entra précipitamment. Il était
extrêmement tourmenté du fait qu'aucun signe de Réveil n'avait encore paru. Ses
collègues avaient le même sentiment, et ils avaient eu entre eux, ce matin-là,
une réunion de prière supplémentaire. A partir de ce moment-là, notre
difficulté fut de clore les réunions à une heure raisonnable.
Quelquefois,
quand la réunion avait duré trois heures et que j'essayais de la terminer, des
douzaines d'assistants couraient à l'estrade et me suppliaient de continuer
pour qu'ils eussent l'occasion de confesser leurs péchés. Le nombre des
inconvertis qui avaient assisté à ces réunions augmentait chaque jour, et
beaucoup se donnèrent à Dieu. Un chrétien me dit : « Avant ces réunions, l’Évangile ne suscitait aucun intérêt dans mon village. Aujourd'hui, quand je
suis allé déjeuner à midi, près de quatre-vingt-dix de mes compatriotes m'ont
entouré et m'ont demandé de leur parler de « ce Jésus et du chemin du salut ».
Parmi les
nouveaux convertis, étaient deux sorciers renommés. Ils demandèrent au pasteur
et à ses aides de venir chez eux, faire une réunion. Tous les membres de leurs
familles se donnèrent au Seigneur.
Même parmi les
principaux de l'Église, la conviction du péché et le brisement du repentir
furent extraordinaires. Le pasteur et son conseil demandèrent pardon à Dieu
pour leur tiédeur et leur négligence. Plusieurs demandèrent ardemment une
mesure plus grande d'amour fraternel. D'autres confessèrent avec honte, qu'ils
n'avaient ni lu la Bible, ni prié, ni témoigné autour d'eux, comme ils
l'auraient dû.
Lorsque on me demande : « Est-ce que les
résultats sont permanents ? », je raconte volontiers l'histoire de Kuo Lao
Tsin. Kuo avait été l'un des hommes les plus riches du district, mais s'étant
adonné à l'opium, il avait en peu de temps gaspillé presque toute sa fortune.
Il était devenu si faible que même le poids d'un édredon lui était une torture.
Il ne pouvait fermer l’œil sans avoir pris une dose massive d'opium. Sa femme
était morte de chagrin, laissant un petit enfant. Kuo s'était immédiatement remarié
avec une jeune femme qui n'avait pas vingt ans et qui l'avait épousé,
contrainte par ses parents.
Quand la pauvre
enfant se rendit compte de ce qu'était son mari, elle pleura sans arrêt pendant
plusieurs jours. Elle savait que son mari, dans l'état où il était, pouvait
mourir d'un moment à l'autre, et qu'elle et l'enfant seraient vendus comme
esclaves.
Un certain
nombre de villageois ayant été convertis dans nos réunions de Réveil, ils
décidèrent d'y amener Kuo. Quatre d'entre eux allèrent le voir et lui dirent de
se préparer ; on viendrait le chercher dans une demi-heure. Quand ils
revinrent, leur premier soin fut de détruire la pipe de Kuo, et de jeter
l'horrible drogue au feu. Kuo avait prévu leur acte, aussi avait-il caché' dans
la doublure de sa robe quelques pilules de morphine. Quand sa passion le
reprendrait, il s'arrangerait pour avaler une pilule en cachette. Mais ses amis
connaissaient sa ruse : ils le fouillèrent, trouvèrent la morphine et la
jetèrent au feu. Le pauvre Kuo était dans un état épouvantable : « Que vais-je
faire ? Je ne peux m'en passer », gémissait-il. — « Nous prierons pour toi n,
répondaient ses amis. Kuo ne pouvant supporter les cahots d'une voiture, ses
amis le mirent dans une grande corbeille à provisions et le portèrent pendant
huit kilomètres jusqu'à la réunion... A sa grande surprise, Kuo dormit cette
nuit-là sans aucun malaise. Cependant, il ne lui vint pas à l'esprit qu'il le
devait à Dieu ; il pensa que cela était dû aux effets de la dose d'opium qu'il
avait prise avant de partir. Le second soir, un besoin impérieux d'opium
s'empara du malheureux. Ses amis, voyant son angoisse, firent avec lui
plusieurs fois le tour du village, le ramenèrent dans sa chambre, prièrent avec
lui et le mirent au lit. Il dormit paisiblement toute la nuit. Au bout de cinq
jours, sa passion avait disparu et Kuo était devenu un homme nouveau en Christ.
Au bout de
quelques années, Kuo était reconnu comme l'un des prédicateurs les plus doués
du nord de l'Honan. Il se mit au travail et recouvra bientôt toute la propriété
qu'il avait perdue. Je l'entendis une fois dire à une grande foule qui venait
des villages environnants : « Vous savez, mes amis, quelle épave j'étais à
quarante-cinq ans. J'avais gaspillé tous mes biens.
Ma première femme était morte de chagrin,
ma deuxième vivait dans une angoisse continuelle. Elle s'attendait à me voir
mourir d'un instant à l'autre. En ce temps-là, je n'aurais pas pu faire cinq Li
(1) pour sauver ma vie. J'ai aujourd'hui soixante ans et je peux faire sans
peine quatre-vingt-dix li en un jour. J'ai une femme heureuse et quatre joyeux
enfants. Mes deux filles aînées sont diplômées de l'École chrétienne de filles
de Changteh. Mon plus jeune fils et une autre fille sont dans cette même école.
Oui, je peux recommander mon Sauveur, le Seigneur Jésus-Christ, car Il a fait
pour moi de grandes choses ».
1. Le li vaut 546 mètres.
Dans ce même
district, vivait, un fermier nommé Yeh. Au début de l'automne de 1908, Yeh eut
un procès avec un certain Monsieur Chang qui vivait à Changtsun. Les Chang
étaient une famille de lettrés, très influente, tandis que Yeh n'était qu'un
pauvre paysan insignifiant. Les Chang gagnèrent le procès, contre toute
justice. Yeh, indigné, fit appel devant les tribunaux de Changteh.
En traversant
la ville, il rencontra un chrétien de son village natal qui lui persuada de
retarder d'un jour ses démarches et de venir à la mission. C'était pendant le
Réveil. Je prêchai sur ce texte : « Si vous ne pardonnez pas aux hommes leurs
offenses, votre Père ne vous pardonnera pas non plus les vôtres. » (Matthieu
6/15).
Yeh fut
convaincu, et résolut immédiatement de devenir chrétien. Il n'eut plus la
moindre intention de poursuivre son procès ; tout ce qu'il désira, ce fut de
gagner les Chang à Jésus-Christ. Mais leur rang social, si différent du sien,
rendait leurs rencontres absolument improbables. Cependant, peu après son
retour chez lui, il passait devant la maison de ses ennemis, quand Monsieur
Chang en sortit. Yeh s'inclina courtoisement et lui demanda des nouvelles de sa
santé. Le vieux lettré lui jeta un regard de profond mépris et lui tourna le
dos sans prononcer un mot. Une telle rebuffade aurait découragé n'importe qui,
mais non pas Yeh. Chaque fois qu'il avait l'occasion de rencontrer un membre de
la famille, il s'arrangeait pour lui témoigner de l'amitié.
Peu à peu, le
vieux M. Chang s'adoucit. Longtemps la famille Chang ne put s'expliquer la
raison du changement d'attitude si soudain de Yeh. « Parti pour Changtehfu en
proférant des menaces de vengeance, il en est revenu, quelques jours après, en
manifestant les sentiments les plus amicaux : que s'est-il donc passé » Ils
étaient intrigués.
Un jour, un
membre de la famille revint, apportant des nouvelles. Il avait appris que
tandis que Yeh était à Changteh, il s'était décidé à devenir chrétien. Etait-ce
la solution du mystère ?
En tout cas, un
fait restait certain, c'est que Yeh voulait absolument oublier le passé. Ils
résolurent de l'y encourager de leur côté. Trois mois après, Yeh avait gagné à
Jésus-Christ toute la famille Chang.
Avant de
terminer ce chapitre, je raconterai un autre incident. Depuis nombre d'années,
l'état de notre Eglise de Linchangk, qui était l'une des plus importantes
annexes au nord-est de Changtehfu, était loin d'être encourageant. Je me
décidai à y faire une semaine de réunions spéciales. Nous avions de bonnes
raisons de croire que l'état de l'Église était dû à la conduite coupable d'un
diacre ; mais on ne pouvait rien prouver ; il était fort habile et savait
cacher son jeu. Le dimanche, jour de l'ouverture de la série, je demandai à ce
diacre d'être là pour toutes les réunions en l'assurant qu'il pourrait nous
être très utile. Il ne me répondit. rien, mais immédiatement repartit chez lui
à environ 22 li de distance.
Le lundi
arriva, et pas de diacre ; le mardi, il était encore absent. Un ancien en fut
si tourmenté le mercredi, qu'il se mit en route pour aller chez lui, et il
réussit à l'amener à la réunion. Quand je le vis, je lui dis : « Maintenant,
diacre, que vous avez été absent les deux premiers jours, ne resterez-vous pas
jusqu'à la fin de la série ? »
Il marmotta
quelque chose et me quitta. L'ancien fit de son mieux pour l'engager à rester,
mais il ne s'attira que cette réplique méprisante : « Croyez-vous que je
voudrais m'humilier et confesser mes fautes comme ces malheureux l'ont fait ce
matin ? J'aimerais mieux mourir ! »
Je vis plus
tard le diacre et l'ancien qui traversaient la prairie. Le diacre voulait
absolument partir, et l'ancien le retenait tant qu'il pouvait. Finalement,
l'ancien abandonna la partie et revint en pleurant dans la pièce où je me
tenais avec Madame Goforth. Il était très découragé. Je proposai que nous trois
nous nous unissions afin de prier, pour lui. « Son cas n'est pas trop difficile
pour Dieu », dis-je ; « rappelez-vous la promesse de Jésus : « Si deux d'entre
vous s'accordent sur la terre pour demander une chose quelconque, elle leur
sera accordée par mon Père qui est dans les cieux » (Matthieu 18, 19) Tandis
qu'à genoux nous faisions monter vers Dieu une prière silencieuse je m'écriai :
« 0 Seigneur, tu vois que ce diacre refuse de rester à ces réunions où tu
pourrais lui donner conscience de son péché ; où qu'il soit, fais lui sentir
qu'il est l'homme le plus malheureux du pays. Ne le laisse pas fermer l’œil de
toute la nuit. Qu'il ait l'impression d'être dans un enfer, et ramène-le parmi
nous, en glorifiant son Sauveur. »
Le lendemain
matin, le diacre arriva, vivante image du désespoir : « J'ai passé par l'enfer
depuis que je vous ai vu hier, gémissait-il, je n'ai pas dormi de la nuit. Je
suis sûr que je suis l'homme le plus malheureux de la Chine ».
Quand il vint
sur l'estrade pour faire sa confession, il était si ému qu'il pouvait à peine parler.
Il se tint près du tableau noir : « Mes péchés sont trop grands, dit-il pour
les confesser seulement par des paroles. Je vais les écrire ». En caractères
énormes, il inscrivit : « MENTEUR » et, se tournant vers l'auditoire, ajouta :
« Oui, je suis un menteur. J'ai menti à Dieu le Saint-Esprit. Quand Il me
trouva, au grand réveil de Changtehfu, j'ai juré que je me conduirais en toutes
choses, comme il convenait à un conducteur de l'Église. Au lieu de cela, j'ai
servi le Diable. Je suis un menteur. »
Il se tourna vers le tableau et écrivit «
ADULTÈRE », puis « MEURTRIER ». « Un autre homme et moi, dit-il, avions décidé
de prendre dans un guet-apens un homme très riche. Nous devions le tuer et le
dépouiller de son argent. Nous attendîmes au coin de la route, la nuit, pendant
des heures. Notre victime décida, au dernier moment, de ne pas partir de chez
elle. J'ai donc été en intention, un meurtrier. » Les paroles humaines sont
insuffisantes pour décrire l'effet que fit cette confession extraordinaire. Il
semblait qu'elle fût la seule chose nécessaire pour permettre. au Saint-Esprit
d'agir avec puissance dans cette Église.
LA DÉFAITE DES ESPRITS MALINS LES DÉMONS CHASSES (EN HONAN)
On me pria de tenir des réunions à Kaifeng
à deux reprises différentes. La première fois, l’œuvre fut arrêtée par un
obstacle inexplicable. Il y eut bien quelques âmes remuées, mais l'Esprit
n'agissait pas 'librement comme je l'avais vu en Mandchourie ou à Changteh.
Pendant la dernière réunion, un aide-docteur dit à l'un de ses collègues : «
Dieu est entravé dans son action ici à cause de nous. Nous avons de l'inimitié
l'un pour l'autre, et tout le monde le sait; débarrassons-nous de cet interdit
». L'autre se leva et confessa, lui aussi, son péché.
Aussitôt, l'assemblée fut gagnée. Il y
avait un grand nombre d'étrangers dans l'auditoire qui furent spécialement
touchés. Je parcourus leurs rangs ; beaucoup faisaient appel à la miséricorde
de Dieu, et déclaraient se soumettre à Lui.
Lors de ma seconde visite à Kaifeng, les
réunions furent tout spécialement destinées aux élèves de l'école de Monsieur
Salee. Il y en avait 140 environ, dont vingt pour cent étaient chrétiens.
Pendant les huit jours de mon travail parmi eux, je ne constatai aucun,
mouvement important. Du reste, les circonstances ne s'y prêtaient guère ; le
Japon venait de publier ses « vingt-et-une Réquisitions » et tous les esprits
étaient surexcités. Le premier jour de notre série, une grande réunion publique
eut lieu dans la ville ; les étudiants, comme d'habitude, y étaient nombreux.
On entendit des orateurs qui dénoncèrent le Japon dans les termes les plus
violents et demandèrent avec insistance que des démarches fussent faites pour
effacer ce déshonneur national. Beaucoup d'étudiants et d'étudiantes des Écoles
de l'Etat écrivirent avec leur propre sang, des vœux de haine mortelle contre
le Japon.
Le quatrième jour de ma mission, les
élèves d'une Ecole gouvernementale de jeunes filles envoyèrent aux étudiants de
Monsieur Salee la note suivante : « Nous pensions que vous étiez des hommes, et
que, comme il est naturel, vous seriez les premiers à défendre votre patrie.
Nous voyons que nous nous sommes trompées. Vous n'êtes que des poules
mouillées. Vous nous dégoûtez tant, que nous avons décidé de vous envoyer des
vêtements de filles pour que vous les mettiez ». Les jeunes gens furent si
furieux qu'ils placèrent des gardes à la grille pour empêcher d'entrer tout
paquet suspect. On comprendra donc que ces jeunes gens n'étaient guère en état
de recevoir mon message. Monsieur Salee eut même grand’ peine a maintenir son
école ouverte. Je quittai Kaifeng dès la fin des réunions. Monsieur Salee
m'accompagna à la gare. Je lui recommandai chaudement de continuer les
réunions, et il me promit de le faire. Mais en rentrant chez lui, il se sentait
découragé. « Si un homme de l'expérience de Monsieur Goforth n'a rien pu faire,
comment réussirai-je, moi ? ». Mais il avait promis et il ne voulait pas
revenir sur sa parole.
En rentrant à l'école, il réunit les
jeunes gens et leur fit une courte allocution. Quand il eut fini, le professeur
chinois se leva. Pendant plusieurs minutes il ne fit que pleurer. Quand il put
maîtriser son émotion il dit : « Je fumais des cigarettes avec des étudiants,
quand Madame Salee, qui l'avait entendu dire, m'appela et me demanda compte de
mon acte. Je protestai de mon innocence. « Vous savez, lui dis-je, qu'avant de
devenir chrétien, j'étais fumeur, mais depuis j'ai renoncé au tabac.
Pensez-vous vraiment que moi, chrétien et professeur, j'irais fumer avec mes
étudiant ? » Madame Salee lut satisfaite de mes explications, mais non pas moi.
Ceci s'est passé il y a un an, et chaque fois que j'ai voulu prier depuis lors,
ce mensonge m'a arrêté. » Cette confession fit une profonde impression sur tous
les étudiants, chrétiens et non chrétiens. Un de ces derniers, qui était le
boute-en-train dans toutes les sottises, fut complètement brisé par le
sentiment de ses péchés et fut le premier à les confesser.
Plusieurs suivirent son exemple. Dès le
lendemain après-midi plus de 55 étudiants étaient allés trouver M. Salee dans
son bureau et avaient accepté Jésus comme, leur Sauveur. Voilà deux exemples
probants, dans la même ville, de la manière dont Dieu peut être empêché d'agir,
par les interdits des chrétiens professant. Dans les deux cas, aussitôt le
péché confessé, l'obstacle ôté, le Saint-Esprit agit dans les cœurs avec une
puissance irrésistible. N'est-ce pas là une des lois du royaume de Dieu ? Si
les cent vingt n'avaient pas été remplis du Saint-Esprit, les trois mille, le
jour de la Pentecôte, n'auraient jamais été amenés à Jésus-Christ.
L’œuvre, à Kwangchow avait été commencée
aux environs de 1890 par M. Argento, un Italien, qui avait été chassé de sa
patrie et de sa famille à cause de sa conversion. Entré au service de la
Mission, à l'intérieur de la Chine 1, il fut envoyé à Kwangchow, où, en
quelques années, il réunit autour de lui tout un groupe de chrétiens. Ils
avaient l'habitude de se lever avant l'aube pour étudier les Saintes Écritures.
En 1900, les Boxers ligotèrent Monsieur Argento, l'enduisirent de pétrole et y
mirent le feu. Quelques-uns de ses amis arrivèrent juste à temps pour lui
sauver la vie, mais il avait perdu la vue et il était horriblement brûlé. La
Mission le supplia de rentrer en Europe ; mais il refusa absolument. « Je ne
peux plus voir, répondit-il, mais je peux au moins rester ici et prier pour le
salut de mes gens. »
1. La China Inland' Mission
», fondée par Hudson Taylor.
Au bout de quelques années, cependant, sa
santé était dans un tel état, qu'il dut quitter la Chine définitivement. Il
alla habiter dans la famille de sa femme, en Norvège. Un de ses voisins me dit
combien il avait l'esprit de prière. Il veillait souvent jusqu'après minuit
pour intercéder en faveur de Kwangchow. Sa femme lui disait parfois : « C'est
trop, tu ne peux le supporter, tu es trop faible, il faut te coucher. » Il lui
répondait : « Comment puis-je dormir quand tant de milliers d'âmes à Kwangchow
meurent sans Jésus ? »
Quand j'arrivai à Kwangchow, en décembre 1915, on posait la
dernière tuile sur le toit d'une jolie église toute neuve. L'église était un
des fruits du ministère si consacré de M. Argento ; elle contenait 1.400 places
et sa construction avait été payée exclusivement par les chrétiens chinois. Il
y avait alors 2.000 chrétiens dans la ville et ses environs. Elle avait 21
annexes, et de tous les ouvriers du Seigneur, deux seulement étaient soutenus
par les fonds missionnaires.
Peu après mon arrivée, on me présenta
l'ancien Wen. Suivant la coutume chinoise, je lui demandai son âge. Il me dit
en clignant de l’œil : « J'ai à peine dix-huit ans ! ». 11 avait des cheveux
gris et me semblait avoir au moins soixante ans. « C'est vrai, continua-t-il,
je n'ai que dix-huit ans. Auparavant, j'étais mort dans mes fautes et dans mes
péchés. J'étais abruti par l'opium, et de plus, ivrogne et joueur. J'étais si
affaibli par mes débauches, qu'un de mes amis me rencontrant dans la rue, fut
épouvanté de mon aspect. « Dis donc, Wen, me dit-il, tu ne vas pas durer
longtemps au train dont tu y vas. Ce que tu as de mieux à faire, c'est d'aller
dans cette Église de Jésus et de demander au missionnaire de prier pour toi ».
Très alarmé, je me décidai à suivre son conseil. J'allai tout droit à Monsieur
Argento et lui racontai ma triste histoire. Il pria pour moi, et dès ce
moment-là, mon goût pour l'opium et la boisson passa complètement. Je devins
littéralement un homme nouveau en Christ. Je vis pour Lui depuis dix-huit ans
».
Le dimanche matin, pour notre première
réunion, l'église fut trop petite. Plusieurs se pressaient aux portes et aux
fenêtres. Il était évident dès le début, que le Saint-Esprit était là, avec une
puissance extraordinaire. Quelquefois des centaines de personnes pleuraient.
Les péchés confessés étaient surtout la négligence de la prière, et de la
lecture de la Bible, et l'indifférence quant au salut des âmes.
Je fus en rapport avec deux démoniaques,
au cours de ces réunions. L'une d'elles était la femme d'un des principaux
évangélistes. Tandis que son mari présidait la réunion de prières du matin, sa
femme lui cria : « Tu en as de l'aplomb, d'oser présider cette réunion, après
avoir été un si grand pécheur ! ». Elle commença alors à énumérer tous les
péchés commis par son mari avant sa conversion, et avant même qu'elle l'eût
connu. « Oui, répondit l'évangéliste, en s'adressant au mauvais esprit, j'ai
fait toutes ces choses quand j'étais ton esclave. Mais je ne le suis plus. Le
Seigneur Jésus a changé mon cœur ».
Une autre fois, juste au milieu de la
réunion, cette femme se mit à blasphémer affreusement. Une lectrice de la Bible
assise derrière elle, la fit asseoir et lui ordonna de se taire ; mais elle se
retourna et couvrit de crachats la chrétienne. Une dame missionnaire assise
près d'elle, tira son mouchoir et essuya les vêtements de la lectrice de la
Bible. Ceci affecta tellement la possédée, qu'elle mit sa tête sur l'épaule de
la missionnaire et pleura amèrement.
L'autre démoniaque était un païen amené
par ses amis pour qu'il soit guéri dans nos réunions. Tant que rien
d'extraordinaire ne se passait, notre homme était tranquille, mais dès que
l'Esprit de Dieu agissait et que les gens confessaient leurs péchés en
pleurant, il devenait furieux. Après une réunion, où il avait plus que jamais
troublé l'auditoire, on dut le conduire dans une chambre, où un missionnaire,
quelques collaborateurs chinois et moi, étions réunis.
Monsieur M.. commença à prier. Pendant
quelques instants, le possédé se contenta de pleurnicher. Le missionnaire
employa l'expression « Jésus de Nazareth » ; immédiatement, l'homme sembla
subir une souffrance aiguë. Cela lui arrivait aussi quand l'ancien Wen priait
pour lui. Chaque fois que les mots « Jésus de Nazareth » étaient prononcés, il
perdait toute raison. Finalement, l'ancien Chang posa sa main sur la tête du
démoniaque et dit d'une voix forte : « Esprit immonde, au nom de Jésus de
Nazareth, sors de cet homme »
Le possédé se jeta par terre et se roula
sur le sol en écumant. Il y avait un cercle de gens autour de lui, et à cause
des longues robes chinoises, je ne pouvais le voir distinctement, mais soudain
j'entendis un bruit comme celui d'un vomissement. Plus tard, j'inspectai
soigneusement le sol, mais ne vis aucune preuve, qu'il eût vomi. Cependant
quelque chose était sorti dé lui, car, aidé de plusieurs évangélistes, il se
leva. Il était pâle, tremblant et faible, mais dans son bon sens ; cela ne
faisait aucun doute. De la même façon, la femme de l'évangéliste fut exorcisée.
Cette délivrance fut réelle, puisque, un an Plus tard, tous deux vivaient en
bons chrétiens.
Pendant les huit jours de la mission, il y
eut 154 baptêmes d'adultes, bien que, déjà, des centaines eussent été baptisés
au cours de cette année-là. Un jour quelques notables hommes d'affaires vinrent
voir le missionnaire. Ils fréquentaient l'Église depuis des années, mais
n'avaient jamais eu le courage de se joindre à elle. Ils venaient demander
qu'on mît de côté pour eux la règle des six mois d'épreuve, avant l'admission
dans l'Église.
« Jusqu'à présent, dirent-ils, nous avions
des doutes concernant l’Évangile. Aujourd'hui, ils sont dissipés. Nous croyons
vraiment avoir été baptisés par le Saint-Esprit, et nous ne pouvons souffrir
d'attendre encore six mois avant d'être reçus dans l'Église. » Ils furent
acceptés et baptisés. Quatre ans après, le nombre des membres de l'Église était
passé de deux mille à huit mille.
Pendant les réunions, j'avais remarqué à
différentes reprises un Monsieur Yang, homme d'un physique splendide. Je
demandai qui il était, on m'apprit qu'il avait été champion de boxe avant sa
conversion. Il s'était vanté, et personne ne disait le contraire, de n'avoir
jamais été mis hors de combat. Il avait eu beaucoup d'ennemis, qui cependant
n'avaient pas osé l'approcher. Quand il se convertit, ses ennemis décidèrent
que le moment était venu pour eux de se venger de lui. Un jour, tandis que Yang
était au marché, un groupe l'entoura, le frappa et le laissa presque mort sur
le terrain. Quelques amis le trouvèrent et le ramenèrent chez lui. Les
missionnaires voulaient faire arrêter ses bourreaux, mais Monsieur Yang refusa
de porter plainte. Ce qu'il fit, ce fut de prier pour eux.
Au bout de quelques mois, il fut assez
bien pour circuler de nouveau. Ses ennemis étaient furieux, car ils avaient
espéré l'avoir tué. Ils décidèrent d'en finir. Ils allèrent chez lui, et le
battirent si brutalement que pendant des mois il fut entre la vie et la mort.
Cependant, il refusa encore avec énergie de porter plainte contre ses
assaillants. Aussitôt qu'il fut guéri, il parcourut le pays pour prêcher
l'Evangile. Il mourut quelques années après notre rencontre ; mais ce ne fut
qu'après avoir gagné à Jésus-Christ plusieurs de ses ennemis. Il fut le
fondateur dans son village d'une église de 600 membres, et de dix autres
églises dans le district.
On me demanda de faire une série de douze
jours à Sinyanchou. Au bout de quelques jours, il devint évident que le
Saint-Esprit travaillait avec puissance, surtout parmi les élèves de l'école de
filles et les membres adultes de l'Église. Ils se confessaient comme s'ils
comparaissaient devant le trône du Jugement.
Les étudiants, au contraire, étaient
froids comme la glace. Ils étaient une centaine dans l'Ecole supérieure dont la
majorité venaient de familles païennes. Ils m'en voulaient beaucoup de ne
parler que de leurs défauts et de leurs péchés, comme si les autres n'en
avaient pas ! J'ignorais totalement leurs interdits, mais je parlais jour après
jour sur ce que le Saint-Esprit m'indiquait. Cependant, tout ce que je disais
était pris de travers par ces jeunes gens, et à mesure que les jours passaient,
on voyait bien qu'ils étaient résolus à ne pas m'écouter.
Aussitôt que je commençais à parler, ils
se regardaient les uns les autres avec un air profondément ennuyé, ou ils
faisaient semblant de dormir, ou ils regardaient le plafond, comme pour dire :
« Cause toujours, tu ne nous obligeras pas à t'écouter »
Cependant, à chaque réunion, un ou deux
garçons étaient touchés, à la consternation des autres. Après chaque réunion,
les étudiants retournaient au dortoir et tenaient une réunion de protestation :
«Quel toupet a cet homme, disaient-ils, de publier ainsi nos péchés ! »
Quelques-uns, je l'appris plus tard, avaient décidé de me frapper à coups de
couteau. Chacune de leurs réunions se terminait par la ferme résolution de ne
pas m'écouter, et par la décision de punir ceux qui cèderaient. Cela me peinait
à cause des jeunes gens eux-mêmes.
Je savais que c'était une lutte entre le
Seigneur et le Diable. Bien qu'on m'eût parlé de ces réunions de protestation,
je n'y fis aucune allusion. J'avais confiance dans la puissance du Saint-Esprit
pour faire céder ces garçons, quelle que fût leur résistance. Ce qui me donnait
de l'espoir, était que chaque jour voyait grandir le nombre de ceux qui étaient
mal à leur aise. Cela rendait fous ceux qui résistaient, et après chaque
réunion ils essayaient de raffermir les hésitants.
La crise vint d'une manière soudaine et inattendue.
La dixième après-midi, alors que les jeunes gens étaient dans leur dortoir, le
Saint-Esprit descendit sur eux avec une force irrésistible. Professeurs et
élèves étaient comme sous le coup du Jugement. Des jeunes gens angoissés
suppliaient leurs professeurs de prier pour eux. Les maîtres en pleurant
répondaient : « Nous avons trop d'interdits nous-mêmes pour oser ouvrir la
bouche devant Dieu. » Heureusement, mon évangéliste, Monsieur Su, couchait dans
le dortoir ; il avait de l'expérience et était à la hauteur des circonstances.
Il alla de l'un à l'autre de ces jeunes gens, faisant ce qu'il pouvait pour les
aider et les consoler. Le mouvement dura six- heures.
Monsieur Su me dit plus tard qu'il n'avait
jamais vu une telle manifestation de la puissance de Dieu. Vaincus enfin, ils
arrivèrent à la réunion, la onzième après-midi ! Après mon allocution, c'était
une sorte d'émulation à qui rendrait son témoignage. L'un après l'autre
confessèrent avec larmes que je les avais tellement blessés au vif qu'ils
auraient voulu me tuer. Pendant une heure ce fut un flot ininterrompu de
confessions. Le Seigneur avait triomphé glorieusement. Les étudiants se
suspendaient à moi comme à un père. Ils déclaraient être prêts à sacrifier leur
vie pour Monsieur Su ou pour moi-même.
INTERDITS BALAYES PAR LE SAINT-ESPRIT EN CHILHI
Au cours d'une réunion de prière spéciale,
tenue avant le commencement de la principale série à Paotingfu, les
missionnaires de cette station furent si profondément remués, que je fus
persuadé qu'aucun interdit n'arrêterait en eux le travail du Seigneur.
Entre autres confessions, nous entendîmes
celle du docteur L. Il nous raconta qu'un soir il était allé en ville à la
chapelle pour y présider sa réunion quotidienne. Cette fois-là, retenu à la
maison missionnaire, il était arrivé une heure en retard. Il était persuadé que
l'évangéliste chinois l'avait précédé, avait ouvert les portes, et était en
train de prêcher.
Lorsqu'il arriva, les portes étaient
fermées et l'évangéliste dormait dans une des chambres du fond. « Naturellement
», dit le docteur L., « je fus extrêmement ennuyé, et je dois avouer que j'ai
parlé avec beaucoup de vivacité. Se peut-il, lui ai-je dit, que parce que je
n'arrive pas à l'heure dite, vous n'ayez plus aucun âmes, et que vous soyez
prêt dans leurs péchés ? » Ces mots, paraît-il, offensèrent gravement
l'évangéliste.
« Réglez-moi
mon compte, cria-t-il, je ne veux pas être plus longtemps commandé par un
étranger, s'il me traite ainsi ». « Quand j'ai vu comment il prenait la chose
», continua le docteur L., « je me suis humilié et je l'ai supplié de rester.
Il a cédé, mais il a toujours boudé depuis, et n'a été d'aucun secours pour l’œuvre ».
En écoutant la confession du docteur L.,
je pensais en moi-même que, puisqu'il s'était humilié devant l'évangéliste, on
ne pouvait pas lui en demander plus. Cependant, à mesure que les réunions
avançaient, je me rendais compte qu'il y avait dans l'auditoire une résistance
très sérieuse. Je venais de Changtehfu, où le Saint-Esprit avait travaillé si
puissamment, et la profonde spiritualité des missionnaires de Paotinfu, m'avait
fait espérer ici les mêmes résultats. Mais les jours se passaient, et bien que
nous eussions pu voir ici et là des preuves du travail du Saint-Esprit, je
savais cependant que la grande vague de puissance ne nous avait pas encore
atteints.
Nous en étions à la dernière réunion.
J'avais fini mon allocution, et j'avais laissé le champ libre aux prières.
Lorsque je préside des réunions de ce genre, je ne suis pas accablé outre
mesure par le sentiment de ma responsabilité. Je me dis que si Dieu ne se sert
pas, pour réveiller ses enfants, du message que je viens de donner, Il se
servira probablement du suivant. Et si dans les prières il n'y a pas de
puissance spirituelle, je termine la réunion et je m'attends à Dieu, pour qu'Il
envoie dans la suivante les effluves de sa grâce.
Ce soir-là, cependant, il y avait sur mon
cœur un grand fardeau, et je suppliai Dieu avec angoisse, d'enlever la pierre
d'achoppement, quelle qu'elle put être. Le docteur L. s'appuyait sur la chaise,
à côté de moi. « Docteur, murmurai-je, je ne peux pas comprendre quel obstacle
il y a dans votre Église. J'ai toujours été persuadé, en dirigeant ces séries
de réunions, que lorsque tous les missionnaires étrangers ont abandonné tous
leurs propres interdits, aucun effort du Diable ne peut empêcher le
Saint-Esprit de se manifester en puissance. J'avais eu nettement l'impression
par votre réunion de prière, qu'aucun de vous n'était l'obstacle. Je n'y
comprends rien! »
— « Comment ! mais il me semble, répondit le
docteur que nous pouvons, après avoir vu ce qui s'est passé ces jours-ci, louer
Dieu pour toute l'éternité. Vous rappelez-vous le matin du deuxième jour,
comment tous les étudiants sont tombés en masse autour de, moi, tant leur
sentiment du péché était profond ? Et puis, le quatrième jour, vous
souvenez-vous de l'émotion profonde de toutes ces jeunes filles ? Depuis le
début, les confessions ont été ininterrompues. Sûrement nous avons les
meilleures raisons d'être reconnaissants à Dieu. »
— «Cependant, insisté-je, il me semble que
nous n'avons pas encore eu toute la plénitude de Dieu.»
Je continuai à prier presque
fiévreusement, que Dieu enlevât la pierre d'achoppement. Puis, tout à coup, une
voix intérieure me fit des reproches : « Pourquoi toute cette angoisse ? De
quoi t'inquiètes-tu ? Ne suis-je pas le Maître ? Ne puis-je pas faire mon
propre -travail ? Ne sais-tu pas « rester en repos et attendre la délivrance de l’Éternel ? » « Oui, Seigneur, répondis-je, je ferai comme tu le dis. Je suis
épuisé, je ne prierai même pas, je resterai « en repos ».
Et voici qu'une dame missionnaire, dont
les accès de mauvaise humeur étaient la fable de la Mission, se leva et avec
beaucoup d'angoisse, supplia Dieu d'enlever de sa vie cet interdit.
Immédiatement après, une autre dame missionnaire s'accusa du manque d'amour
pour les âmes qu'elle était chargée d'évangéliser, et demanda à Dieu de lui
faire aussi la grâce d'enlever cet obstacle. Puis, Miss L., la directrice
chinoise de l'École de jeunes filles, que tous croyaient une chrétienne
accomplie, confessa en pleurant qu'elle était égoïste, et qu'elle donnait ainsi
un mauvais exemple aux jeunes filles qu'elle dirigeait.
Tout ceci avait complètement brisé le
docteur L. « Père céleste, cria-t-il, pardonne à ton misérable serviteur. J'ai
parlé inconsidérément des lèvres, et j'ai offensé un de mes frères chinois. Tu
sais, ô Dieu, comment autrefois tu punis ton serviteur Moïse, coupable d'un
péché semblable, en lui refusant l'entrée dans la Terre promise. Mais Moïse
seul a été puni, le peuple n'a pas souffert à cause de son péché. Maintenant, ô
Dieu, punis le serviteur qui est devant Toi, mais que ton peuple reçoive la
bénédiction promise ! »
Le docteur avait à peine fini, qu'un homme
tomba par terre en poussant un cri terrible. C'était l'évangéliste si arrogant.
Quelqu'un, dans une autre partie de l'auditoire, fit comme lui. C'était le
directeur chinois de l'École de garçons ; il avait affaibli l'autorité du
docteur L. et avait essayé de fomenter une révolte parmi les étudiants.
Bientôt, hommes et femmes dans toute la salle tombèrent à genoux et
confessèrent leurs péchés. A. ma droite étaient les élèves de l'École de
garçons. L'un des plus âgés s'écria : « Mettez-vous à genoux » et tous
obéirent.
A ma gauche étaient les jeunes filles.
Tout à coup, sans qu'un ordre fût donné, comme le vent passant sur un champ de
blé, elles aussi tombèrent à genoux. Bientôt il me sembla que tout l'auditoire,
hommes, femmes et enfants, étaient prosternés, criant à Dieu de leur faire
grâce.
Cet après-midi là, le docteur L. ayant
fini son travail à l'hôpital, s'acheminait vers l'église. Il entendit un bruit
étrange, qu'il crut être celui d'un train express ; en se rapprochant, il pensa
qu'une tornade s'abattait sur la ville. Il arriva à l'église, et découvrit que
ce bruit étrange était celui de la multitude plaidant avec Dieu.
On pourrait fort, bien poser cette
question « Pourquoi était-il nécessaire apparemment, que le docteur L. fît
cette confession publique ce soir-là ? » Je ne l'ai compris que plusieurs mois
après. Le docteur L., un géant intellectuel, l'un des maîtres de la langue
chinoise, était renommé au près et au loin pour sa piété chrétienne, et après
son altercation avec son évangéliste, on répétait parmi les Chinois que « même
un homme comme le docteur L. avait encore en lui un peu du vieil Adam ». Dieu
était donc obligé de refuser ses dons jusqu'à ce qu'une confession publique de
son serviteur eût rendu à son nom l'honneur qui lui était dû.
Le pasteur indigène de Paotingfu (banlieue
sud), et l'un des missionnaires étrangers, m'avaient invité à diriger une série
de réunions de Réveil dans leur Église. J'avais accepté, sans savoir que le
doyen des missionnaires s'opposait à des assemblées de ce genre. Avant de
commencer, j'allai voir ce missionnaire pour organiser avec lui des réunions de
prière quotidiennes entre missionnaires étrangers. « Avant de rien décider,
entendons-nous » dit-il ; « il ne faut pas de malentendus : je ne veux pas être
celui pour lequel on prie.
Nos méthodes, à vous et à moi, sont
totalement différentes. Vous agissez sur les émotions, j'essaie d'atteindre
l'intelligence. Mais j'irai avec vous à ces réunions, si vous acceptez ma
proposition. Vous allez renoncer aux allocutions que vous avez préparées, et
nous, les quatre pasteurs, vous compris naturellement, aurons à la place un
débat public. Nous choisirons un sujet, par exemple : le royaume de Dieu. L'un
d'entre nous expliquera ce que signifie le royaume de Dieu. Un autre pourra
faire un discours sur la manière de l'amener ; puis, après que nous aurons
expliqué notre point de vue, nous aurons quelques chants, peut-être une prière
ou deux, et nous terminerons. Si vous êtes d'accord, alors je participerai à
vos réunions, sinon, je refuse ». « Mais vous savez depuis des mois »,
répondis-je, « que je suis invité ici et que j'avais promis de venir. Pendant
tout ce temps vous ne m'avez jamais dit que ma méthode vous déplaisait. Vous ne
pouvez, la veille même de la série, vous attendre à ce que j'accepte de
renoncer à toutes les allocutions que j'avais préparées pour les membres de
votre Église ». « Je pensais bien que vous refuseriez ma proposition », dit le missionnaire,
« et par conséquent, je ne mettrai pas les pieds dans vos réunions ».
Je ne savais comment expliquer son
attitude. On apercevait de l'Église les tombes de dix-sept missionnaires
étrangers et indigènes qui avaient subi le martyre en 1900. Cependant, l'Église
était tombée dans un état si pitoyable, que ces martyrs semblaient être morts
en vain.
Un dimanche matin, avant mon arrivée, il y
avait eu une mêlée générale après le culte, entre les collaborateurs chinois.
Un des diacres avait été sérieusement blessé. Et cependant ce missionnaire ne
s'en inquiétait pas. Il voulait s'adresser « à l'intelligence ». « Mais », lui
dis-je en nous séparant, «nous allons avoir une réunion de prière ? » — « Non !
répondit-il avec force, nous n'en aurons pas ».
Pendant les
deux ou trois premiers jours, on sentait nettement que le Saint-Esprit était
contristé et entravé. Les étudiants surtout donnaient beaucoup de mal. Il y en
avait à peu près cinquante. Sachant que le doyen des missionnaires était opposé
aux réunions, ils avaient décidé d'agir à leur guise. Il était impossible de
maintenir parmi eux la moindre discipline. On aurait dit qu'ils étaient
possédés. Tard dans la soirée du quatrième jour, pendant que je préparais une
allocution sur ce texte : « N'éteignez pas l'Esprit », on vint m'apporter une
lettre ; elle était du missionnaire qui avait organisé ces réunions. Elle ne
contenait que ces mots : « Venez vite à l'école des garçons, je suis débordé ».
Tout en
marchant rapidement vers l'école, je me demandais ce qui pouvait bien être
arrivé. Je savais que ce missionnaire présidait la réunion de prière à l'École
ce soir là, mais il me paraissait être l'homme le moins propre à enflammer un
auditoire ; qu'est-ce qui se passait ?
En entrant à
l'école, je vis un étrange spectacle. Tous les garçons sans exception
pleuraient de toute leur force et frappaient des poings leur pupitre. Le
missionnaire, impuissant, les regardait faire. Je lui demandai ce qui était
arrivé et il me répondit : « Je présidais tranquillement la réunion de prière,
quand tout à coup, les garçons, l'un après l'autre, éclatèrent en sanglots.
J'essayai de les faire chanter, mais ils s'y refusèrent. Finalement, en
désespoir de cause, je vous ai envoyé chercher ».
Je ne savais
pas très bien que faire moi-même. J'attendis un moment, demandant à Dieu de me
révéler Sa volonté.
Un des garçons
cessait de frapper son pupitre, allait en trouver un autre et lui disait : «
Pardonne-moi la scène que je t'ai faite hier, c'était entièrement ma faute ».
Un autre prenait un crayon dans son pupitre et s'approchant d'un camarade : «
Voilà ton crayon », disait-il, « je te l'avais volé ». Un autre s'adressant à
ses voisins disait : « J'ai dit beaucoup de mal de vous, pardonnez-moi ».
Cela continua
pendant une demi-heure. Quand je vis que c'était presque fini, je me décidai à
intervenir. Les maîtres s'étaient réunis pendant ce temps et nous nous mîmes à
chanter des cantiques. Mais les garçons n'y firent pas attention. Ils ne
paraissaient même pas nous entendre. Alors je pris la grande cloche de l'École
et je me mis à sonner de toutes mes forces, mais sans résultat. Au milieu de la
chambre, il y avait une table branlante surchargée de piles d'ardoises. J'allai
à la table et la secouai comme si je voulais tout démolir. Quelques-uns
levèrent la tête. J'attirai enfin leur attention. « Allons, cessez de. pleurer
» dis-je ; ils obéirent. Le mouvement se calma petit à petit. Puis nous
chantâmes un cantique et je dis : « Maintenant, mes enfants, vous feriez bien
d'aller vous coucher ».
Pendant le reste de la série, ces garçons
furent sages comme des anges. Le lendemain de cet incident, je prêchai sur ce
texte : « N'éteignez pas l'Esprit ». L'auditoire entier semblait profondément
remué. L'un après l'autre, les collaborateurs chinois irascibles se levèrent
devant l'Église, et en larmes confessèrent leurs péchés les uns aux autres. Il
était de règle dans cette Mission de mettre à l'épreuve pendant six mois les
candidats au baptême ; mais le travail du Saint-Esprit dans le cœur des
étudiants, avait été si manifeste, que la règle fut temporairement abandonnée,
et le dimanche après mon départ, quarante-quatre d'entre eux furent baptisés.
Les missionnaires de Hwailu avaient passé
par la révolte des Boxers, et avaient eu des délivrances très remarquables.
J'étais persuadé que le Seigneur agirait puissamment à Hwailu. Cependant, il
devint bientôt évident que là aussi, il y avait quelque part un très sérieux
obstacle. J'appris qu'il y avait trois interdits, dus à la conduite des
collaborateurs chinois de la Mission. Ceux-ci s'aperçurent qu'ils empêchaient
l'action du Saint-Esprit et voulurent régler leurs différends. L'un d'entre eux
cependant, extrêmement entêté, ne voulait rien entendre. Mais le cinquième jour,
au milieu d'une réunion, il émit tout à coup des sons étranges, et voulait,
semblait-il, enfoncer le plancher avec sa tête. Je me tournai immédiatement
vers Monsieur Green et lui demandai si cet homme était épileptique : « Non», me
répondit-il. —« Alors, faites-le sortir », dis-je, « ce ne peut être qu'une
possession ». Monsieur Green parla tout bas à ses collaborateurs, qui allèrent
vers l'homme et le saisirent pour l'entraîner hors de l'église. Cela le rendit
furieux. Il jura qu'il aller tuer Monsieur Green et toute sa famille ; qu'il ne
se donnerait aucun repos avant d'y avoir réussi.
Je demandai à ceux qui s'étaient chargés
du malheureux de prier pour lui, pour que le démon le quittât. Ce ne fut
qu'avec la plus grande difficulté qu'ils réussirent à l'entraîner hors de
l'église et à l'amener dans une pièce à côté. Ils me racontèrent plus tard que,
pendant qu'ils priaient pour le pauvre homme, il paraissait à certains moments
en proie à une terreur folle. « Sauvez-moi, sauvez-moi ! » criait-il, « je glisse
vers l'enfer ». Puis, des crises de fureurs survenaient, et rien ne pouvait le
calmer ; il fallait qu'il exterminât la famille Green tout entière.
Souvent il essayait d'enfouir sa tête dans
le sol, comme il avait fait à l'église, ou encore il voulait grimper aux murs
de la chambre. Pendant les heures que durèrent ces crises, les chrétiens
priaient. Finalement, le démon fut chassé.
Le lendemain, dernier jour de la série,
cet homme était extraordinairement changé. Il était prêt maintenant à aller plus
loin que n'importe quel autre conducteur de l'Église. Il ne voulait pas se
contenter d'une simple mise au point du différend, mais l'affaire devait être
réglée à fond, tout obstacle balayé, pour laisser toute liberté au
Saint-Esprit.
Lorsque nous nous mîmes à table ce soir
là, aucun de nous n'était bien optimiste. Les résultats obtenus à Hwailu
n'approchaient pas de ce que j'avais espéré et attendu. Nous avions pris
l'habitude de chanter à chaque repas : Et nous aurons par Lui la victoire
certaine, Le lion de Juda brisera toute chaîne.
Un missionnaire de passage essaya de nous
donner du courage. « Allons, Madame, dit-il, chantons encore une fois le vieux
refrain ». Alors Madame Green fondit en larmes : « Je ne peux pas le chanter,
sanglota-t-elle, je suis trop désappointée. Quand Monsieur Goforth est venu ici
pour présider ces réunions, je pensais que tous les interdits disparaîtraient
comme à Changteh et à Paotingfu. Mais maintenant tout est fini ; nos disputes
ne sont pas réglées, et rien ne semble changé ». Le visiteur insista cependant,
et nous chantâmes le refrain. Madame Green, malgré ses larmes, joignit sa voix
aux nôtres.
Comme nous nous
levions de table, Miss Gregg, une des missionnaires de Hwailu, entra dans la
chambre et nous dit : « Je vais boucler mes malles le plus tôt possible et
retourner en Angleterre. Quand j'ai appris que Monsieur Goforth allait venir
faire une série de réunions de Réveil, j'ai dit à mes sœurs chinoises que le
Seigneur allait balayer tous les interdits et nous donner une riche
bénédiction. Mais maintenant les réunions sont finies et les disputes ne sont
pas réglées. Je suis horriblement déçue. Je n'oserai pas revoir ces femmes ;
elles ont eu si absolument confiance en moi ! Je n'ai pas d'autre alternative,
il faut que je retourne en Angleterre ».
Et Miss Gregg
nous raconta qu'on lui avait donné, l'année précédente, une devise imprimée.
Autant que je m'en souvienne, c'était à peu près ceci : « Tout ce que mon Père
céleste m'envoie, joie ou déception, quelque difficile que ce soit à supporter,
puisque je sais que cela vient de mon Père, je veux le recevoir joyeusement des
deux mains. » « Dans le courant de l'année, continua-t-elle, la devise s'est un
peu abîmée, et cet après-midi Miss ... ayant un mal de tête qui l'empêchait de
venir à la réunion, l'a repeinte, l'a ornée et l'a suspendue au mur, en face de
la porte de ma chambre, pour que je sois obligée de la voir dès que
j'entrerais. Eh bien, quand j'ai ouvert porte et que j'ai vu cette devise
suspendue, ce fut trop ! Je l'ai retournée contre le mur. Il m'était impossible
d'accepter une déception comme celle ci « joyeusement, des deux mains. »
« Miss Gregg », dis-je, « je crois que je
commence à voir où se trouve l'obstacle. Vous aviez entendu parler de la
puissance du Réveil à Changteh, à Poatingfu et ailleurs, et vous aviez décidé
que Dieu devait faire la même oeuvre ici à Hwailu, ou que sans cela II vous
désappointerait tellement que vous seriez obligée d'abandonner votre travail et
de retourner en Angleterre. En d'autres termes, pour ce qui vous concerne, Dieu
n'avait pas le choix : Il devait vous accorder votre désir ou perdre vos
services. Rappelez-vous que Dieu est le Maître. Il ne peut pas renoncer à sa
volonté souveraine, ni à son autorité. Je crois que Monsieur Green est en ce
moment sous la tente, présidant une réunion de prière pour les chrétiens. Qui
sait si peut-être en ce moment même, tous les obstacles n'ont pas été écartés»
Comme je finissais de parler, Monsieur
Green entra en bondissant de joie et cria : « Alléluia ' toutes les disputes
sont finies ; tous les interdits sont balayés ! Ils vous attendent tous dans la
tente pour que vous vous réjouissiez avec eux, de ce que Dieu a fait au milieu
d'eux ». Miss Gregg n'attendit pas qu'il eût fini, elle était déjà en route
pour la tente. Dieu s'est merveilleusement servi de Miss Gregg depuis, à
travers toute la Chine, pour l'approfondissement de la vie spirituelle de ses
enfants.
Pour diverses raisons, je crois qu'il vaut
mieux ne pas nommer la station missionnaire que je visitai ensuite. J'ai
rarement été, en Chine, plus peiné ou plus découragé que pendant les réunions
que je fis dans cette localité. Les missionnaires avaient un fâcheux renom à
cause de leurs querelles. Et comme si cela n'était pas déjà assez triste, les
chrétiens chinois avaient pris parti pour l'un ou pour l'autre.
Le premier jour
de la série, un évangéliste qui avait assisté au Réveil de Changtehfu et qui
avait été profondément touché, fit un appel ardent à l'auditoire : « Frères »,
s'écria-t-il, « nos querelles et nos divisions éteignent le Saint-Esprit et
ruinent l’œuvre de Dieu. Je déclare que je suis prêt à m'abaisser et à «
row-tow 1 » devant n'importe qui aurait quelque chose contre moi. Mais, frères,
laissons l'Esprit de Dieu, et chassons tous les interdits du milieu de nous ».
Je n'ai jamais
rien entendu de plus émouvant. Il semblait que tous ceux que les disputes
mettaient en cause allaient céder et se réconcilier. Mais aucun ne bougea.
1. Expression chinoise :
s'abaisser.
De nouveau, le quatrième jour, dans
l'angoisse et les larmes, cet évangéliste supplia ses frères de se pardonner
les uns aux autres, et de permettre à l'amour de Dieu de se répandre dans leurs
cœurs.
Alors les femmes dans l'auditoire parurent s'émouvoir un
peu. Mais les hommes restèrent froids comme glace. Je quittai cette station
avec la triste certitude que le Diable y régnait.
Pendant mon
séjour dans cette ville, le doyen des missionnaires était en congé. Juste avant
son retour, son collègue, avec lequel il était brouillé, quitta la station pour
ne pas être là quand il reviendrait. Pendant qu'il allait à la gare, les
Chinois qui étaient du parti du doyen, suivirent le jeune homme en se moquant
de lui, et en lui jetant des mottes de terre. Quand le premier arriva, quelques
jours après, les Chinois partisans de son jeune collègue, lui jetèrent du
fumier et toutes les ordures qu'ils purent trouver. Peu de temps après, ce
missionnaire eut toutes les peines du monde à empêcher ces « chrétiens » de
prendre l'épée et la lance pour se tuer entre eux.
Il n'y a plus
maintenant de missionnaires dans cet endroit-là.
AUTRES EXEMPLES DE LA PUISSANCE DU SAINT-ESPRIT EN CHILHI
Les premiers jours, à Siaochang, je fus
sérieusement gêné par un des principaux membres de l'Église, qui avait
l'habitude de prier à chaque réunion, dès que j'avais fini mon allocution.
C'était toujours la même prière, dans laquelle je ne pouvais discerner aucun
mouvement du Saint-Esprit. J'essayai de
le faire taire, en avertissant chaque fois ceux qui voulaient prier de ne le
faire que s'ils se sentaient nettement poussés par le Saint-Esprit. Je faisais
remarquer que Dieu désire glorifier son Fils par chacun de ceux qui prennent
part à la réunion, et que si c'est toujours le même petit groupe qui prie,
beaucoup de personnes sont privées de ce privilège. En dépit de ces allusions
évidentes, cet homme se levait toujours le premier pour prier.
Le sixième jour, pendant que je parlais,
on voyait clairement, aux figures tendues, anxieuses, de l'auditoire, que le
Saint-Esprit était puissamment à l’œuvre dans les cœurs. Je sentais que la
bénédiction complète était proche. Pourtant, dès que j'eus fini, voilà cet
homme debout et commençant à prier. Il émit des platitudes si insignifiantes,
que je me sentis obligé de l'arrêter. «Asseyez-vous, s'il vous plaît, et donnez
l'occasion de prier à ceux que le Saint-Esprit appelle à le faire, » dis-je. Il
s'arrêta à l'instant et se rassit. Alors, par douzaines dans tout l'auditoire,
les gens se mirent à prier et à confesser leurs péchés.
Après la réunion, cet homme vint me
trouver, plein d'humilité et de repentir. « Je ne puis que remercier Dieu de ce
que vous m'avez arrêté, dit-il, parce que le Diable, vraiment, était entré en
moi. J'ai terriblement rétrogradé ces temps-ci, je me suis mis à fumer de
l'opium. Je suis un voleur... Pendant ces réunions, j'ai été de plus en plus
angoissé. Je sentais qu'il fallait que je confesse mes péchés, et cependant je
savais qu'en le faisant je perdrais ma réputation. A chaque réunion, le Diable
venait à mon secours et me disait : « Prie. » J'obéissais, et immédiatement
l'angoisse se dissipait. Aujourd'hui votre message m'a mis dans un état
épouvantable. Je sentais que cette fois rien ne pourrait m'empêcher d'avouer
tout. Mais quand vous avez cessé de parler, le Diable m'a poussé à prier. Je
savais à peine ce que je disais. Puis vous m'avez ordonné de m'asseoir. Quand
je vous ai entendu, j'ai compris que je ne pourrais pas résister plus
longtemps. Je vous ai tout raconté et demain je le répéterai devant tout
l'auditoire. »
Le jour suivant, il se leva comme
d'habitude, dès que j'eus fini de parler, mais cette fois c'était nettement
l'Esprit de Dieu qui lui dictait ses paroles. Sa confession fit une impression
profonde. L'économe de l'École des filles fut si bouleversée et si torturée par
le sentiment du péché qu'on craignit quelque temps, pour sa raison. Mais sa
confession la soulagea. Elle nous raconta que, pendant qu'elle était à l'école
à Pékin, en 1900, les Boxers avaient anéanti toute sa famille. Elle pensait
connaître les noms des meurtriers, et pendant des années elle avait échafaudé
des plans pour essayer de se venger. « Mais maintenant, nous déclara-t-elle,
l'Esprit de Dieu a touché mon cœur et je serai heureuse de leur pardonner. »
Il y avait dans l'Église de Siaochang un
groupe important d'évangélistes. Jour après jour, ces évangélistes se levaient,
très émus, semblait-il, et on avait l'impression qu'ils allaient avouer des
choses terribles. Mais, au contraire, leurs, prières étaient toujours très
banales. Ils disaient à peu près ceci : « 0 Seigneur, je suis un grand pécheur,
tu sais comment j'ai fait obstacle à ton oeuvre. Aie pitié de moi, amen. » Rien
de précis ne fut jamais dévoilé. Le septième jour, deux de ces évangélistes me demandèrent un entretien ; ils étaient délégués par leurs collègues. « Nous,
évangélistes, me dirent-ils, nous avons confessé nos péchés tous ces jours-ci
et cependant nous n'avons pas trouvé de paix. Nous sommes venus vous demander
conseil à ce sujet, et vous prier de nous aider ».
— Je voudrais vous poser une question, répondis-je. Ces
péchés dont vous parlez, les avez-vous commis en tas, ou avez-vous délibérément
affligé le Saint-Esprit en les commettant un à un ? »
« Mais naturellement, nous
les avons commis un à un. »
— « Alors, frères,
continuai-je, puisque vous êtes conducteurs dans l'Église, je crois que la
volonté de l'Esprit est que vous confessiez vos péchés, comme vous les avez
commis, un à un.»
— « Mais c'est impossible, s'écrièrent-ils, consternés, il
faudrait parler de meurtres, de vols, d'adultères, se serait la ruine de
l'Église ! »
—« J'en suis désolé, je ne peux pas prendre de responsabilité à
cet égard. Je vous dis seulement ce que je crois être la volonté de Dieu dans
les circonstances présentes ».
Ils partirent.
Le jour suivant, les évangélistes continuèrent à prier de la même manière
vague. Le prix de la victoire était trop élevé. Deux ans après, à cause d'un
déficit, dans les fonds du Comité anglais de leur mission, l'allocation
habituelle ne vint pas ; et dix des évangélistes furent renvoyés chez eux pour
chercher un autre travail.
A Pékin (Église
presbytérienne américaine) les réunions furent entravées, comme elles l'avaient
été à Siaochang, par un individu qui persistait à vouloir commencer toutes les
réunions de prière. C'était, cette fois-ci, un des principaux évangélistes. A
chaque réunion, j'avertissais les auditeurs que Satan aussi peut inciter à
prier. Je faisais remarquer que dans un grand auditoire, un petit nombre
seulement peut se faire entendre, et que, lorsqu'un homme a prié une ou deux
fois, il doit laisser la parole à d'autres. Avertissements inutiles ! Cet
évangéliste était toujours le premier debout. Il avait l'air de se complaire
dans son éloquence ; ses prières faisaient un effet vraiment oratoire. Mais on
sentait clairement que le Saint-Esprit n'y avait aucune part, et que jusqu'à la
fin des temps, elles ne pourraient jamais toucher personne.
A la fin, en
désespoir de cause, je dis à l'un des missionnaires :
---« Ne pourriez-vous pas demander à cet évangéliste de
patienter pendant quelques réunions, pour donner à d'autres l'occasion de
prier ?
---«
Mais, vous n'y pensez pas ! Vous ne vous attendez pas à ce que j'aille
réprimander cet homme entre tous ? Il a un caractère épouvantable, si mauvais
que depuis qu'il est à la tête de son Église, il n'y a pas eu une seule
conversion. Non, vraiment, je n'aurais pas le courage d'aller lui dire quoi que
ce soit. Il n'y a rien à faire., je crois qu'il faut le laisser tranquille ».
Le sixième jour, nous atteignîmes ce que
nous pourrions appeler l'apogée des réunions. Il fallait être bien froid et
bien indifférent pour ne pas sentir, ce jour-là, la présence de Dieu. Ce qu'il
y eut de plus émouvant peut-être, ce fut la confession que nous fit, le cœur
brisé, un évangéliste, qui depuis des jours était travaillé par le sentiment du
péché.
« L'année de la révolte des Boxers », nous
dit-il, je prêchais dans une région assez éloignée de chez moi. Pendant mon
absence, une bande de Boxers tua ma mère, mon père, ma femme et mes enfants et
brûla ma maison. A mon retour, je ne trouvai que des cendres. Je découvris le
nom du chef de la bande, et l'un de mes amis, une nuit, l'attira dans un
guet-apens et le massacra. L'homme avait deux fils ; mon ami allait les tuer
aussi et balayer ainsi toute la famille, mais des voisins réussirent à les
cacher. « A cause de son crime, mon ami fut obligé de s'enfuir de Chine. Avant
de partir nous décidâmes que je me mettrais à la recherche des garçons, et que
dès que je les aurais trouvés, il reviendrait secrètement et les ferait
disparaître. Ainsi ma vengeance serait complète. Après deux ans de recherches,
je finis par découvrir la retraite des enfants. Dès que je sus avec certitude
où je pourrais m'en emparer, j'allais trouver le Dr Sheffield, et je lui
racontai tout. Je pensais qu'il me suggérerait de les livrer à la police et de
les faire exécuter.
Mais, à ma complète stupéfaction, il dit :
« Bon ! je suis content que vous les ayez trouvés. Vous pourrez prendre soin
d'eux et les envoyer à l'école ! Je pouvais à peine en croire mes oreilles!
Quelle horreur, pensais-je, que moi je pourvoie à l'éducation des enfants, du
meurtrier de mes parents, de ma femme et de mes enfants ! Je quittai, plein de
fureur, le Dr Sheffield.
Le lendemain,
je reçus une lettre de mon ami, qui vivait en Sibérie. Je suis condamné à
l'exil perpétuel, « écrivait-il, « parce que j'ai entrepris de te venger de tes
ennemis. Nous avons décidé ensemble que tu rechercherais ces deux garçons et
que tu me ferais revenir pour les tuer. Mais deux ans ont passé, et tu ne les
as pas encore trouvés. Tu n'as pas fait ta part, tu n'as aucune piété filiale.
Je refuse de te considérer dorénavant comme mon ami ».
En recevant
cette lettre, continua l'évangéliste, je résolus de faire revenir mon ami pour
qu'il tuât les deux garçons. Mais depuis, la source même de la prière m'a été
enlevée. Pendant ces réunions, mon angoisse et mon inquiétude ont augmenté.
Dieu m'a montré clairement que si je ne veux pas pardonner à mes ennemis, Il ne
peut pas me pardonner non plus. Je suis dans un terrible état ; je ne puis plus
ni manger, ni dormir. Quelques-uns d'entre vous ne voudront-ils pas prier pour
moi » C'était extrêmement émouvant. Quand il s'arrêta, des gens sanglotaient
ici et là dans tout l'auditoire. Et c'est avec une voix pleine de larmes que je
demandai : « L'un d'entre vous, s'il est vraiment conduit par l'Esprit de Dieu,
voudra-t-il prier pour ce frère ? » Et tout de suite voilà mon évangéliste
éloquent debout Je le laissai continuer pendant deux ou trois minutes, espérant
contre toute espérance, que Saint-Esprit l'avait enfin saisi. Mais non; c'était
toujours la même prière oratoire. « Frère », criai-je, «asseyez-vous, et
laissez prier quelqu'un qui soit vraiment poussé par le Saint-Esprit ! Il se
rassit, et beaucoup de supplications ardentes s'élevèrent à Dieu, en faveur du
frère si affligé.
A la fin de la
réunion, on vint me dire qu'un Monsieur, dans l'une des chambres du fond,
demandait à me parler. Et là-bas, je trouvai l'évangéliste éloquent qui
m'attendait. Il était littéralement bouillant de rage. En secouant son poing
devant ma figure il cria : « Je sais enfin ce que vous êtes, pasteur Goforth.
Vous étiez inspiré du Diable dans vos réunions en Mandchourie, et ici aussi.
C'est le démon qui vous fait parler ». Je partis sans répondre un mot. La
dernière fois que j'entendis parler de lui, il mendiait dans les rues de Pékin.
Lorsque je
traversai Pékin, après le Réveil en Mandchourie, les dirigeants de la Mission
américaine me demandèrent de parler de ce mouvement, le dimanche matin suivant,
dans leur Église. Pendant la réunion de prière qui suivit mon discours, une des
jeunes filles de l'Ecole supérieure pria d'une manière remarquable. C'était en
substance à peu près ceci : « 0 Seigneur, nous te louons d'avoir répandu ton
Esprit sur la Mandchourie. Le terrain était aride et desséché hors du mur, et
il y avait un besoin urgent de bénédiction. Mais chez nous, ici, à l'intérieur
du mur (1) la sécheresse et l'aridité sont tout aussi grandes. Que des pluies
de bénédiction viennent aussi sur nous. Nous plaidons avec Toi. Souviens-Toi de
nous ».
1. Allusion à la grande
muraille de Chine.
Pendant qu'elle
priait, elle ne pleurait pas, mais on sentait que les larmes n'étaient pas
loin. Sa voix et son aspect étaient tels, que je ne pouvais pas m'empêcher de
la regarder. Il y avait quelque chose dans sa figure qui vous attirait, mais en
même temps vous humiliait. Une lumière étrange y brillait. L'une des
missionnaires me dit tout bas, à la fin du culte : « Sa figure ressemblait à
celle d'un ange ». La directrice me dit qu'elle n'avait aucun talent
remarquable pour l'étude, mais que, parmi ses camarades, elle marchait vraiment
sur les traces du Maître.
Quelques mois
après, à l'invitation des missionnaires, je retournai dans la même Église, pour
y présider une campagne de Réveil. Dès le début, je sentis une sérieuse
résistance. Le pasteur chinois m'en fit soupçonner la nature, mais je n'en
connus tous les détails qu'après la fin de la série. Les diacres, dans
l'ensemble, étaient opposés au Réveil. Ils ne croyaient pas à la confession
publique, disaient-ils, c'est le Diable qui poussait à faire de telles choses. Ils n'iraient à aucune réunion, affirmaient-ils et
tâcheraient de persuader à leurs amis de faire comme eux.
Ce n'était pas
sans raison que les diacres redoutaient la confession publique. Quand les
armées étrangères s'étaient emparées de Pékin en 1900, l'impératrice
douairière, l'empereur et tous les dignitaires de la dynastie mandchoue,
s'étaient enfuis précipitamment vers une province de l'Ouest, laissant le
palais royal et tous les trésors inestimables qu'il renfermait, sans gardien.
Parmi ceux qui mirent à profit cette occasion unique de s'enrichir, il y avait
certains diacres de l'Église américaine.
A l'époque de
mes réunions, l'impératrice douairière était de retour à Pékin et ces diacres
savaient bien que dans une réunion publique, sous l'influence toute puissante
du Saint-Esprit, leurs péchés seraient sans doute dévoilés. Oui, ils avaient
une raison majeure pour redouter un Réveil du Saint-Esprit. A mesure que les
réunions se poursuivaient, l'activité spirituelle augmentait, mais il manquait
ce « quelque chose » d'inexprimable qu'on ressent toujours lorsque le
Saint-Esprit a balayé tous les interdits.
La dernière
réunion eut lieu, j'avais fini mon allocution, et la parole était à tous ceux
qui voulaient prier. Et voici que cette jeune fille qui avait fait une prière
si remarquable quelques mois auparavant se leva. Son cœur semblait être torturé
d'angoisse. On pouvait à peine comprendre ses paroles, tant elle sanglotait : «
0 Père céleste, suppliait-elle, nous voici à la fin des réunions et l'interdit
est encore au milieu de nous. Jésus, notre Sauveur, ne sera pas glorifié comme
Il devrait l'être. Nos chefs ne veulent pas s'humilier et se mettre en règle
avec Toi, et la bénédiction nous a été refusée. 0 Père, est-ce un sacrifice que
tu demandes Si oui, que je sois la victime. J'accepte que mon nom soit effacé
du Livre de Vie, si par mon sacrifice les cœurs de ceux qui sont ici s'ouvrent
à Toi ».
Pendant qu'elle
priait, j'entendais des cris dans tout l'auditoire. Je savais que quelques-uns
des diacres étaient présents. Comment pourraient-ils résister, pensais-je, à la
supplication de cette jeune fille? Mais aucun d'eux ne s'émut, et je terminai
la réunion.
Pendant une
série à Pékin (Église méthodiste épiscopale) l'auditoire était composé en
grande partie, d'étudiants de l'Université dirigée par la Mission. Ceux-ci,
comme je le compris bientôt, se considéraient comme vraiment au-dessus de
réunions de Réveil ; ils y vinrent néanmoins par curiosité. Jusqu'ici, se
dirent-ils les uns aux autres, ce missionnaire n'a eu affaire qu'à des écoliers
sans force de volonté. Il lui a été facile de les influencer et de les faire se
déshonorer en confessant leurs péchés. Mais avec nous c'est différent ; nous sommes
des étudiants ; nous lui montrerons que son hypnotisme n'a pas d'influence sur
nous ».
Comme les
réunions se poursuivaient, la grande masse des chrétiens se montraient
désireux, par moments, de renoncer à leurs interdits. Mais les étudiants de l'Université
ne furent pas émus le moins du monde. Certainement, à la fin de la série, aucun
de nous ne pouvait dire que les résultats dépassaient ce que nous avions
demandé ou pensé.
J'étais obligé
de m'embarquer pour l'Angleterre tout de suite après la dernière réunion. Avant
de partir, j'insistai auprès du Dr Pike, —homme qui autrefois avait été un
puissant instrument de Réveil entre les mains de Dieu, — pour que les réunions
fussent continuées jusqu'à ce que toute résistance eût cédé. Je lui fis voir que
si, on s'en tenait là, notre effort semblerait être un triomphe du diable. Le
Dr Pike en parla aux autres missionnaires. Ils décidèrent de continuer les
réunions.
Le douzième
jour, les prédicateurs et les évangélistes, absolument brisés, confessèrent
leurs fautes les uns aux autres, et l'Esprit de Dieu, m'a-t-on raconté,
descendit alors comme une avalanche sur les étudiants. Ils s'accusèrent d'avoir
endurci leur cœur et de s'être opposés à l'Esprit de Dieu, sous l'influence du
Malin. Le mouvement parmi eux fut si intense, si général, que pendant plusieurs
jours les cours durent être supprimés.
Dans une
chambre et dans une autre, les réunions de prières commençaient spontanément dès
cinq heures du matin et duraient jusqu'à dix heures du soir. Aux vacances, 150
de ces étudiants parcoururent le pays, deux à deux, prêchant l’Évangile de la
grâce de Dieu.
Pengcheng est
une ville du Sud-Ouest du Chilhi, renommée pour ses poteries. Sa réputation, du
reste, ne vient pas seulement de cette industrie, mais la ville est notoire
depuis des siècles, pour la méchanceté de ses habitants. Lorsque j'étais au
centre de la Chine, c'était une de mes stations, à l'extrême nord de mon champ
de travail. J'ai visité cette ville pour la première fois en 1890, mais l’œuvre
ne commença à s'agrandir sérieusement que longtemps après.
En 1915, je
voulus réveiller les chrétiens de Pengcheng par une série de réunions. Quelques
hommes d'affaires influents, en apprenant mes intentions, s'arrangèrent avec la
Chambre de Commerce pour obtenir l'usage d'un de ses bâtiments, un ancien
temple païen. Ils firent ériger à leurs frais, dans la cour, une grande tente
de sparterie. Je regrettai qu'elle fût placée un peu loin de la ville, car je
considérais comme impossible que la foule put y venir.
Dès le premier
soir cependant, la tente était comble. Les chrétiens étaient en pleine
sympathie. Ils se laissèrent convaincre par le Saint-Esprit de péché, de
justice et de jugement. Ils reconnurent leurs fautes, se demandèrent pardon les
uns aux autres, et réparèrent leurs torts. Cela lit un effet foudroyant sur les
inconvertis. Des hommes et des femmes, par vingtaines confessèrent leur foi en
Jésus-Christ. Parmi eux étaient des lettrés connus et de riches potiers.
Cinquante personnes furent inscrites sur la liste des catéchumènes, et beaucoup
plus furent refusées parce qu'elles n'étaient pas encore assez instruites.
L'évangéliste
Ho, qui était avec moi depuis le début de l’œuvre à Pengcheng, me dit qu'il
avait remarqué, en se promenant le soir dans les rues, que tout le monde
parlait des choses étranges qui se passaient dans la cour du temple. Il croyait
que les gens étaient sur le point de se tourner vers Dieu.
De Pengcheng,
j'allai directement à une station importante de notre Mission, où j'avais été
invité à tenir une série de dix jours. C'était la morte saison et je
m'attendais à ce que tous les chrétiens des annexes fussent aux, réunions.
Imaginez ma déception quand j'appris qu'aucun effort n'avait été fait pour les
inviter. Il n'y eut pas, pendant la série, plus de dix chrétiens du dehors à
nos réunions.
A la réunion de
prière que les missionnaires ont entre eux régulièrement, et que je suivais, on
mentionna à peine mes réunions. Aucun missionnaire ne désirait pour son Église
un contact plus intime avec Dieu. Même le missionnaire qui m'avait fait venir
ne prenait pas la chose au sérieux. Il s'inquiétait plus de ses chiens et de
ses pigeons, que de l'onction de l'Esprit sur les membres de son troupeau.
A une réunion
pendant laquelle plusieurs Chinois prièrent et se confessèrent dans une grande
contrition, je vis le missionnaire les regarder, surpris et presque amusé. Mon
cœur se serra, car je prévis des difficultés. Les Chinois sont prompts à
remarquer une chose pareille, et ils en sont très vexés. Ils en concluent que
les réunions ne sont faites que pour eux, et que les étrangers croient n'avoir
rien à confesser.
Ce soir là,
deux évangélistes vinrent me voir. C'étaient deux hommes superbes du district
de Changteh. Ils avaient assisté, quelques années auparavant, au puissant
Réveil de Changtsun.
« Nous ne
pouvons rester plus longtemps », me dirent-ils, « nous rentrons chez nous.
Inutile d'essayer de sauver des âmes ici. Vous avez vu ce missionnaire
aujourd'hui, qui nous regardait » drôlement, tandis que nous étions sous
l'action du Saint-Esprit. Il avait l'air de croire à une plaisanterie !Je leur
fis remarquer que puisque le missionnaire ne paraissait pas comprendre
l'urgence de cette bénédiction divine, il était urgent que ceux qui en avaient
vu les pleins effets, restassent à leur poste. Ils me promirent de patienter.
Les réunions
s'achevèrent. Il y eut quelques résultats, mais aucun mouvement puissant de
l'Esprit. J'appris quelques semaines après, que le bruit courait dans cette
ville que « Monsieur Goforth avait perdu sa puissance. Il avait prêché dix
jours avec fort peu de résultat »
Les
missionnaires réussissaient ainsi à se disculper. Je me demande parfois s'il
n’est jamais venu à leur pensée qu'ils avaient, dans cet insuccès, quelque
chose à se reprocher. Ces réunions furent suivies immédiatement par d'autres, à
Shuntehfu. Là, du moins, les missionnaires et les chrétiens chinois désiraient
intensément la plus riche bénédiction de Dieu.
Le cabinet de
travail du missionnaire chez lequel j'habitais était au-dessous de ma chambre.
J'entendais chaque matin bien avant l'aube, les requêtes ardentes de mon hôte.
A une réunion de prières je l'entendis dire, en éclatant en pleurs : «
Seigneur, je suis arrivé au point où je préfère la prière à ma nourriture » !
Et sans exagérer, c'était là l'esprit dominant chez les missionnaires. Ils
étaient décidés à ne pas laisser partir Dieu avant qu'Il les ait bénis. Le même
esprit caractérisait les Chinois chrétiens. A une des réunions, de prières du
matin, le président dit : « Frères, vous êtes trop pressés de prier. Vous
n'attendez même pas pour commencer votre prière que la précédente soit
terminée. Vous n'avez pas donné une seule occasion de prier aux sœurs. J'ai
remarqué plusieurs fois qu'une sœur, ici ou là, se levait pour prier, mais elle
était toujours devancée par un frère. Ce matin, qu'il soit entendu que les
hommes prieront intérieurement, pour que les sœurs aient enfin l'occasion de
s'adresser à Dieu. La réunion est maintenant ouverte aux sœurs ».
Au même
instant, au moins une douzaine d'hommes, presque tous en larmes, commencèrent à
prier. La seule conclusion possible, c'est que l'Esprit les pressait d'une
telle façon, qu'il leur fallait prier à tout prix. Des péchés de toutes sortes
furent confessés pendant cette série ; des torts furent réparés, des disputes
apaisées. Je vis sur l'estrade de vieux disciples de Confucius, des lettrés,
brisés par l'Esprit, confessant Jésus-Christ. Plus de cinq cents hommes et femmes
reconnurent pour la première fois Jésus comme leur Sauveur.
C'est peut-être l'un des mouvements les plus remarquables dont
j'ai été témoin.
L'OEUVRE DE DIEU PARMI LA JEUNESSE DU SHANTUNG
Un mouvement de
l'Esprit commença à Putoupeichen ; il atteignit son apogée le sixième jour.
J'en ai vu de semblables, par exemple à Shuntehfu, qui ont été plus puissants
et de plus longue portée, mais dans aucun je n'ai senti davantage la maîtrise
absolue de l'Esprit de Dieu sur une grande assemblée. Il semblait qu'à partir
de ce jour tout dernier vestige d'opposition eût été balayé, afin que Christ
seul fût exalté. Nous restâmes dans cette atmosphère pendant les deux derniers
jours. Une merveilleuse réunion de témoignages eut lieu le dernier soir.
Spontanément, beaucoup d'auditeurs promirent
pleine obéissance au Saint-Esprit. Beaucoup affirmèrent ce fait remarquable :
quand, le sixième jour, l'Esprit fut descendu avec puissance, ils s'étaient
sentis guéris de leurs maladies. Je n'avais pas parlé dans mes discours de la
guérison par la foi. Cependant ces chrétiens affirmaient que soudain, quand la
puissance était à son apogée, leurs infirmités avaient disparu. Une autre fois,
dans une province voisine, j'entendis à propos de guérison, des témoignages
identiques. Dans les deux cas, le miracle coïncidait avec le moment le plus
intense de la réunion.
Les
missionnaires de Chowstun avaient eu de grandes difficultés avec leurs
étudiants du collège. Ces jeunes gens avaient brisé les meubles et brûlé le directeur
en effigie. Pendant mes réunions, ils occupaient la grande tribune de l'orgue,
derrière l'estrade. D'habitude, ils chantaient remarquablement mais pendant mon
discours je crus voir que mes auditeurs étaient amusés par quelque chose. Je
pensai que les garçons devaient se moquer de moi ; les missionnaires
confirmèrent plus tard mes soupçons. Le troisième matin, je fis asseoir tous
les étudiants en face de moi. Ils prirent la chose comme une offense, et quand
le chant commença, ils restèrent muets; pas un seul n'ouvrit la bouche. Ils
observèrent cette consigne toute la journée. Le directeur, très contrarié, me
demanda s'il ne vaudrait pas mieux les obliger à chanter : « Jamais de la vie
», répondis-je, « l'Esprit de Dieu va obliger ces jeunes gens à céder et à
glorifier le Seigneur. Il le fera sans le moindre secours de notre part ».
Tout le jour suivant, même mutisme chez
les garçons. Leur figures dures, fermées, hostiles, ne semblaient pas indiquer
qu'ils fussent sur le point de céder. Cependant, le cinquième jour au matin,
dès que j'entrai dans l'église, ces jeunes gens avaient les yeux rouges. Quand
j'annonçai le premier cantique, avec quels accents ils le chantèrent ! Lorsque
la réunion de prière commença, l'un après l'autre ils montèrent sur l'estrade
pour confesser leurs péchés. Ils avouèrent qu'ils jouaient, qu'ils buvaient,
qu'ils fréquentaient de mauvaises maisons. Quelques-uns étaient si écrasés par
la douleur, qu'ils tombaient par terre dès le début de leur confession. Après
les réunions, ces jeunes gens parcoururent en bandes, le dimanche, les villages
environnants pour prêcher l'Évangile. Pendant les quatre derniers jours,
absolument tout : les témoignages, les confessions, les prières, tout était
dirigé par le Saint-Esprit. L'un des traits qui me frappèrent dans ces aveux
des collaborateurs chinois, c'est qu'ils portaient sur l'usage du tabac et de
l'alcool, qui semblait général.
Au dîner, le dernier jour, une des dames
missionnaires me demanda : « Est-ce vraiment mal de fumer ? »
—
« Je ne vois pas l'utilité d'une question pareille, dis-je, car l'Esprit a
manifesté assez clairement ces jours-ci ce qu'Il en pensait. Cependant je n'ai
jamais entendu autant de confessions sur ce point spécial avant de venir ici. »
---«
Oui, mais Spurgeon fumait, répliqua-t-elle, « et vous ne pourriez trouver
meilleur chrétien que lui. — « Aucun de
nous ne pense à dire le contraire », répondis-je, « mais je suis sûr que si
Spurgeon avait su quelle excuse il vous donnerait à tous, il se serait débarrassé
de son tabac au plus vite ».
Ceci mit fin à l'entretien, mais au moment
de mon départ, un missionnaire qui avait entendu cette conversation me prit à
part : « Vous allez, paraît-il, à Chingchowfu. Il y a là deux missionnaires qui
sont de vrais saints. Ils fument tous les deux ; j'ai tenu à vous avertir que
vous pourriez les froisser si vous parliez contre le tabac, et vous feriez plus
de mal que de bien. » — «Je regrette de ne pas pouvoir profiter de vos
conseils », répondis-je, « mes allocutions ne seront pas les mêmes que
celles-ci, et je ne sais si j'y parlerai du tabac. Si je le fais, tant pis, il
faudra que cela sorte ! »
A Chingchowfu
comme à Chowtsun, les étudiants furent un élément de trouble. Ils étaient cinq
ou six cents garçons et filles, sans compter les élèves de l'École Normale. Dès
le premier jour, l'Esprit tomba avec force sur les chrétiens plus âgés. Jour
après jour, le mouvement. augmenta d'intensité et se répandit parmi les
étudiantes ; mais les garçons restaient froids. Le sixième jour, quand
l'auditoire entier semblait brisé, les jeunes gens étaient encore insensibles
et fermés. Tandis que je parlais, je remarquai que les élèves de l'École
Normale lisaient des livres ouverts sur leurs genoux. Je leur demandai à fois
réitérées de laisser leur lecture de côté, pour écouter mon message. Ils
levaient la tête un instant, puis ils se replongeaient dans leurs livres.
Le sixième
soir, j'allais commencer mon discours, quand un des missionnaires vint sur
l'estrade et me demanda la permission de dire un mot : « Je vous ai, mes chers
amis, exhortés maintes fois à vous priver pour donner plus généreusement à
l’œuvre d'évangélisation, afin de pouvoir apporter l’Évangile aux millions
d'âmes qui nous entourent.
Mais dans ces
réunions, le Saint-Esprit m'a montré que je n'avais pas le droit de vous parler
de sacrifice, puisque je fumais des cigares très chers. J'ai donc décidé de
renoncer à ce luxe inutile; et de verser l'argent de mon tabac au fonds de
l'évangélisation ».
C'était l'un
des deux missionnaires que je ne devais pas froisser en parlant de tabac !
C'était un saint, mais rien de ce que j'avais dit ne lui avait fait de la
peine, et heureux sont ceux qui ont entendu ses paroles de renoncement !
Le septième
jour, l'un des étudiants monta sur l'estrade avec une pile de livres. Il les
jeta par terre d'un air de dégoût, et se tournant vers l'auditoire, il s'écria
: « Ce sont des livres du Diable. Nous les avons achetés en ville. Ils sont
écrits pour souiller l'esprit par de mauvaises pensées. Ils m'ont conduit à
commettre adultère. Le Diable nous a suggéré de les lire pendant les réunions
pour que nous ne puissions pas entendre la vérité, et pour que nous ne
confessions pas nos péchés ».
Une brèche
avait été faite à la résistance des étudiants. L'un après l'autre, ils
racontèrent avec un vrai brisement de cœur le mal effroyable que, leur avait
fait cette affreuse littérature. Des vingtaines se succédèrent ; cinq heures
passaient, la réunion durait depuis cinq heures et demie et des douzaines
attendaient leur tour. Les missionnaires me forcèrent à aller prendre un peu de
repos.
La matinée du
huitième jour, je ne pus, à cause des confessions, faire aucun discours. Ce
soir-là., l'autre missionnaire de la station vint déclarer que, comme son
collègue, il trouvait absurde de prêcher le renoncement, quand lui-même
dépensait tant d'argent en tabac. Il allait, lui aussi, verser cet
argent-là au fonds d'évangélisation.
La veille de
mon départ, je soupais chez ce missionnaire. Au cours du repas il me dit : «
Mon domestique n'a jamais fait profession de conversion, et pendant ces
réunions il ne m'a pas semblé fortement ému. Voudriez-vous lui parler ?
Volontiers,
dis-je ; quand il viendra desservir, vous irez tous au salon, et je profiterai
de l'occasion.»
— Comment se fait-il, dis-je au domestique, quand nous
fûmes seuls, que tu ne te sois pas donné à ton Sauveur, quand tant d'autres
l'ont fait.
—
Mais je l'ai fait, me répondit-il en souriant ; j'étais debout avec beaucoup d'autres,
le septième soir, prêt à aller confesser mes péchés, mais il était déjà minuit
et demi, et vous avez terminé la réunion. Ce qui m'embarrassait depuis que
j'avais pris Jésus pour Sauveur, c'est que je ne savais pas que Lui donner. Je
ne reçois que quelques dollars par mois et j'ai une femme et deux enfants à ma
charge. Mais mon maître s'est levé. et il a renoncé à ses cigares. J'ai pensé
immédiatement: « Moi aussi, je vais lâcher mon tabac et en donner l'argent au
Seigneur. J'ai été si heureux depuis, que je ne sais comment contenir ma joie
».
Quand, retourné au salon, je racontai à
mon hôte le résultat de mon entretien, il éclata en pleurs : " J'abandonnerais
bien plus que le tabac, si cela pouvait amener de telles bénédictions !"
A l'insu des missionnaires et de moi-même,
les Collaborateurs chinois à Chefou avaient convenu d'empêcher dans mes
réunions, toute confession publique. Ils avaient affirmé que des mouvements
émotifs comme en Mandchourie ou en Corée ne pouvaient venir que du Diable, et
non du Saint-Esprit. Ils avertirent tous les chrétiens de ne confesser leurs
péchés sous aucun prétexte. Quand, le quatrième matin, quelques femmes
montrèrent que le Saint-Esprit commençait à les toucher, deux diacres
s'approchèrent d'elles et leur dirent «
Souvenez-vous de ce gui a été convenu. »
Elles s'arrêtèrent immédiatement. Le cinquième matin, j'avais juste
commencé mon allocution, quand un des anciens demanda la parole pour confesser
ses péchés. Il ne pouvait plus en supporter le fardeau. Il avait menti, volé,
commis adultère. Après qu'il se fût assis et que j’eus recommencé à parler, un
évangéliste cria, qu'il voulait décharger sa conscience.
Il avait eu une querelle grave avec un de
ses collègues. Le missionnaire, n'en sachant rien, les avait envoyés tous deux
dans une annexe pour y présider un service de communion. Il comprenait
maintenant quel péché il avait commis en remplissant cet office sacré, le cœur
plein de haine pour son frère en Christ. Ce qui aggravait son cas, c'est que tous
les chrétiens présents à ce service connaissaient leur inimitié. Il conclut en
exonérant son collègue de tout blâme et en prenant toute la faute sur lui. Je
me remis à parler, mais au bout de quelques phrases, l'autre évangéliste
m'interrompit. C'était lui, dit-il, la cause de la querelle ; son frère était
absolument innocent. Je vis après cela qu'il était inutile de vouloir parler :
les confessions se succédèrent jusqu'à la fin de la série.
Le dernier jour, la tente dressée pour
l'occasion était comble. Parmi ceux qui rendirent témoignage à ce que Dieu
avait fait pour eux, était cet ancien qui avait déclenché le mouvement: « Je
suis l'homme le plus heureux qui soit dans cette tente »,, cria-t-il. « Mon
frère aîné, comme beaucoup d'entre vous le savent, était très méchant. Il ne
voulait même pas que devant lui je mentionne le nom de Jésus. Je n'osais pas
ouvrir la bouche de peur qu'il ne me tue. Cependant aujourd'hui il est venu me
voir, pour me demander s'il y avait le moindre espoir que Jésus ait pitié d'un
pécheur tel que lui. Vous pouvez vous imaginer ma joie quand j'ai pu exposer à
mon frère la voie du salut et l'amener à Jésus. Ne croyez- vous pas que j'ai
raison de me croire l'homme le plus heureux sous cette tente aujourd'hui ? ».
Tandis que j'approchais en voiture de
Hwanghsien, je rencontrai le Dr A. avec ses enfants et plusieurs évangélistes.
Après les salutations habituelles, l'un des évangélistes me demanda :
__« Devons-nous espérer que le Saint-Esprit travaillera
ici comme en Mandchourie ?
— Certainement, dis-je, le Saint-Esprit est tout prêt à
réveiller son peuple, quelque soit l'endroit. Cela ne dépend pas de Lui, mais
de nous. Êtes-vous prêts, oui ou non »
Le sujet fut
laissé de côté et nous continuâmes notre chemin. Le deuxième matin,
l'évangéliste qui m'avait posé la question éclata en pleurs tandis qu'il
priait. Il devait préparer vingt-sept candidats au baptême et il en était
indigne, n'ayant jamais reçu le Saint-Esprit. Il devait d'abord être instruit
lui-même, avant d'enseigner les autres
A la table du
déjeuner, le lendemain du sixième jour, le Dr A. me dit que, pendant la nuit,
deux de ces évangélistes, dont l'un était celui mentionné plus haut, l'avaient
réveillé longtemps après minuit. Ils désiraient prier avec lui. « M. Goforth,
disaient-ils, est déjà là depuis cinq jours, et il n'y a aucun signe de vrai
réveil. Nous avons si peur que le Seigneur nous délaisse que nous ne pouvons
plus dormir ». Je fus très encouragé, et sûr que le moment de la bénédiction
approchait.
Cependant, à la
réunion du matin, rien de remarquable ne se produisit. L'après-midi, mon texte
était Romains 8. 26/27: l'aide que le Saint-Esprit donne dans la prière.
Pendant la réunion de prière qui suivit, je sentis une tension toujours plus
grande. Pendant vingt minutes, c'était à qui prierait. Il y en avait deux,
trois, jusqu'à quatre, qui priaient en même temps. A mesure que la tension
augmentait, les prières diminuèrent pour cesser complètement. Personne n'osait
plus prier. La présence de Dieu remplissait l'édifice.
Combien de
temps dura ce silence, je l'ignore, mais enfin la tension fut interrompue par
une voix qui criait : « 0 Seigneur, tu es venu ! » C'était l'évangéliste dont
nous avons parlé. Le cri fut répété par l'auditoire. Quelques-uns tombèrent à
genoux et confessèrent leurs péchés.
Tous parlaient
et priaient comme étrangers à ce qui se passait autour d'eux. Bien que ce fût,
en apparence, le plus grand désordre, tout semblait dans un ordre parfait.
Après que cela eût duré une heure, je pensai que le moment était venu de clore
la réunion. D'une voix très forte je prononçai la bénédiction et annonçai que
la réunion était finie ; mais personne ne sembla m'entendre.
L'Esprit
continua de souffler, balayant tout, pendant encore une heure et demie. Je n'ai
jamais vu une telle intensité dans la prière d'intercession. Même de petits
écoliers, les joues baignées de larmes, priaient pour la conversion de leurs
parents ou amis dans la ville lointaine. Mais le Saint-Esprit agit avec le plus
de force parmi les étudiants de l'École Supérieure. A l'insu des missionnaires,
et même de leurs professeurs chinois, ils avaient fondé un club athée. Les
garçons les plus âgés en étaient membres ; ils lisaient dans leurs réunions
secrètes des livres incrédules, venus du Japon, et qu'ils avaient introduits en
cachette dans le Collège.
Quand le feu
toucha leur cœur, ces jeunes gens vinrent, l'un après l'autre, s'agenouiller
devant l'estrade pour confesser leur incrédulité et demander à Dieu de renouveler
leur foi. Le président du club était dans une telle angoisse, que je crus qu'il
allait briser ses mains sur le dossier du banc devant lui. « Seigneur Jésus,
criait-il, prépare un fouet, garnis-le bien de cordes, et chasse de mon cœur le
démon de l'incrédulité ».
A trois heures
du matin, toute cette grande assemblée, hommes, femmes et enfants, étaient de
nouveau à l'église, pour prier et chanter jusqu'à l'aurore. C'était en hiver ;
la salle n'était pas chauffée, et cependant ils ne s'en souciaient pas. Quand
j'arrivai à dix heures pour la réunion, leurs figures étaient illuminées. Ils
avaient eu une vision pendant cette veille du matin. Quand je partis de
Hwanghsien, je savais qu'il n'y avait aucun membre de la congrégation qui ne
fût converti.
Bien des années
plus tard, je devais, à Pékin, parler à une grande École d'officiers. Mon sujet
était : « Le Christianisme du général Feng ».
Après mon
discours, 84 étudiants promirent de lire avec attention cette Bible qui avait
opéré un tel changement dans la vie de cet homme remarquable. Comme j'allais
quitter la salle, je remarquai un jeune officier, qui, le Nouveau Testament en
mains, donnait des explications à un groupe de camarades. « Rien, mes amis,
disait-il, ne pourra sauver notre pays que ce livre de Dieu ! ». Puis, me
remarquant, il me salua : « Vous souvenez-vous de moi me dit-il.
— Je crains que non, répondis-je.
— Vous vous souvenez au moins de Hwanghsien »
continua-t-il, « j'étais étudiant à l'École de la mission, quand vous fîtes ces
réunions de Réveil si remarquables. Ce fut le soir du sixième jour que le démon
de l'incrédulité fut chassé de mon cœur. Cette date est inoubliable pour moi ».
A Pingtuchow,
tout semblait s'unir pour empêcher l’œuvre du Saint-Esprit. Tout d'abord,
l'état de l'École supérieure était aussi mauvais que possible. Le directeur
était un ex-ancien presbytérien. En 1900, il avait renié son Maître pour sauver
sa vie. On avait apporté son cas devant le Conseil presbytéral. Au milieu de la
discussion, l'ancien s'était mis en colère et avait accusé le Conseil. Il n'y
avait plus qu'à le mettre sous discipline. L'homme était un lettré très capable
; une autre Mission l'engagea tout de suite et le nomma directeur d'une École
supérieure à Pingtuchow. Un homme dans un état spirituel si lamentable n'était
pas fait pour une telle responsabilité. Il ne dirigeait l'école que depuis
quelques mois, quand un esprit d'insubordination parut parmi les élèves.
Le troisième
jour de mes réunions, le Saint-Esprit, se mit à travailler parmi ces jeunes
gens. Chaque fois qu'un d'entre eux confessait ses péchés, le directeur se
levait : « 0 Seigneur, disait-il, réconforte-le, c'est un bon garçon, il n'a
vraiment pas de quoi se tourmenter » Mais ce ne fut que le sixième matin qu'un
des missionnaires me signala l'obstacle principal. « Nous croyons que vous
travaillez les yeux bandés. L'interdit est bien plus sérieux que vous ne
pensez. Le missionnaire qui dirige en ce moment la station est l'ennemi mortel
de celui qu'il remplace et qui est parti en congé. Il a écrit au Comité pour
demander qu'on ne renvoie pas ici son collègue. Celui-ci a demandé au Comité le
rappel du missionnaire qui est ici. Les Chinois sont au courant. Les
collaborateurs ont pris parti pour l'un ou pour l'autre. Le pasteur chinois
hait le missionnaire qui est ici et se proclame loyal envers celui qui est en
congé.
Nous nous
sommes concertés, et nous nous demandons s'il ne faudrait pas essayer d'amener
une réconciliation. A cela je répondis : « Laissez l'affaire entre les mains de
Dieu ».
Mon sujet, à la
réunion de prière missionnaire, était celui-ci : « Ayez foi en Dieu » (Marc
2/22). Avant la fin de mon discours, le missionnaire en question m'interrompit.
« Avec l'aide de Dieu, dit-il, je vais redresser aujourd'hui tout ce que je
peux ». Quand la réunion de prière fut finie, il alla se réconcilier avec le
pasteur chinois et écrivit au Comité une lettre pour rétracter celle qui
l'avait précédée. Au service du soir, le pasteur indigène lui donna la main
devant tout le monde. Dans les trois ans qui suivirent ces réunions, plus de
trois mille membres furent ajoutés aux Eglises de cette région.
LE RÉVEIL DANS LES ÉCOLES DE KIANGSU
J'étais invité à tenir à Nanking, au
printemps de 1909, une série de neuf jours. Les chrétiens avaient un problème à
résoudre : celui de trouver une salle assez grande pour contenir les foules
qu'on comptait avoir. Les Amis ou Quakers possédaient le plus grand bâtiment,
et il ne contenait que 600 places. Les pasteurs chinois proposèrent d'ériger
une grande tente en sparterie ; mais les missionnaires firent remarquer que vu
la saison pluvieuse, l'abri ne serait pas étanche. Les Chinois répondirent
qu'il faudrait compter sur Dieu pour avoir du beau temps. Les missionnaires
cédèrent et la tente, contenant 1.400 places, fut érigée.
J'arrivai à Nankin la veille, des
réunions. La pluie tombait à torrents, rien ne faisait présager sa fin.
J'examinai la tente ; elle était changée en passoire ! Il n'y avait pas un
endroit sec ou l'on pût s'asseoir. Mais le lendemain et les neuf jours qui
suivirent, il ne tomba pas une goutte d'eau. Parfois, le temps semblait très
menaçant, les nuages allaient se déverser sur nous... mais non, le temps
restait sec. Et dès la fin de la série, il plut sans discontinuer pendant deux
jours entiers ...
J'avais remarqué tout de suite la longueur
extraordinaire de l'estrade, faite d'immenses planches de sapin. Craignant
qu'elle ne prît trop de place sous la tente, j'avais proposé qu'on coupât les
planches en deux. Mais comme elles étaient empruntées, il fallut laisser
l'estrade telle quelle. Je compris, le dernier soir, pourquoi Dieu avait permis
qu'elle fût si vaste : il y avait bien 1.500 auditeurs. Des centaines n'avaient
pu entrer. La réunion du matin dura quatre heures. Mon discours fut très bref ;
je laissai le reste du temps à la confession et à la prière. Chose étonnante,
tous voulaient monter sur l'estrade pour confesser leurs péchés. Je n'ai jamais
encouragé cette habitude ; je préfère même que les gens confessent de leur
place et le plus discrètement possible, en priant. Mais ce jour-là, tout le
monde défilait à la tribune. Il y avait une telle presse qu'il fallut
improviser un autre escalier. Un de mes collègues m'aidait en se tenant à
l'autre extrémité. Les gens parlaient face au public, puis ils se tournaient
vers nous pour demander nos prières.
A trois heures moins dix, je montai sur
l'estrade pour commencer la seconde réunion. Mais je vis qu'il était inutile de
faire un allocution. Je pris avec moi cinq missionnaires, qui, sur différentes
parties de la tribune, parlaient avec les personnes désireuses de se convertir.
Ce n'était pas chose facile ; trente personnes à la fois avaient besoin de
notre aide. Parfois un groupe d'écolières, la tête baissée, confuses d'être
vues, montaient à leur tour. Elles disaient d'une voix forte : « Ne vous
imaginez pas que nous montons ici pour qu'on nous regarde.
Depuis plusieurs jours nous avons essayé
de trouver la paix dans la confession privée, mais inutilement. Il a fallu
obéir jusqu'au bout ! ».
A 9 heures moins dix, six heures après le
commencement de la réunion, je dus la quitter pour prendre le bateau de Pékin
où j'étais engagé pour d'autres réunions. En sortant de la tente, je vis une
queue de personnes attendant leur tour pour confesser publiquement.
Quelques cas sont restés aussi nets dans
ma mémoire que lorsque je les ai entendus, il y a vingt ans. Une écolière nous
disait : « Mon père a un caractère difficile. J'ai appris à l'école à croire en
Jésus, mais j'avais si peur de mon père, que je n'ai jamais osé lui en parler.
Quand mes parents allaient au temple des idoles, ils m'emmenaient avec eux, et
je ne résistais pas.
Quand ils allaient au théâtre, ils
m'invitaient à aller avec eux, je n'avais pas le courage de refuser. Quand ils
jouaient aux cartes, j'étais assez lâche pour faire comme eux. Mais aujourd'hui
je vais dans ma famille confesser mon Sauveur. Voulez-vous prier pour moi ? »
Un pasteur chinois d'une des églises de Nankin s'effondra complètement : « Les
deux premiers jours, dit-il, je ne pouvais croire que j'eusse aucun péché ; je
ne tirais rien des allocutions de M. Goforth. Le troisième jour, il parla de
l'état de l'Église de Laodicée. Ma conscience fut transpercée. Pour la première
fois, je me vis tel que j'étais. Il y a six mois, je me querellai avec mon
fils, et dans ma colère je lui dis des choses inexcusables. Je fus si honteux
ensuite, que je n'osai plus avoir le culte de famille. Cela dure depuis six
mois. Si, pendant ce temps, l'un des miens était mort, chargé de son péché, je
crois que j'en aurais été responsable devant Dieu ».
Un homme, au moment de confesser, fut
profondément ému. L'estrade était secouée par ses sanglots. Je pensais qu'il
allait confesser au moins un meurtre, Finalement, retrouvant son calme, il nous
dit : «Quand je me suis donné à Jésus, le diable m'a dit à l'oreille : «
Inutile que tu témoignes ou que tu prêches aux autres ; c'est là l’œuvre des
pasteurs et des évangélistes. Depuis sept ans j'ai suivi le conseil du diable.
Je tremble à la pensée du nombre d'âmes que j'ai laissé mourir
Un certain évangéliste avait été un
instrument remarquable pour le salut des âmes et pour le réveil des Églises.
Mais depuis un an, bien qu'il semblât animé du même zèle, il n'avait plus de
résultats.
Les missionnaires ne pouvaient en deviner
la cause. Le dernier jour de la série, il confessa, complètement brisé, qu'il
avait violé le septième commandement.
Un autre évangéliste nous avoua que le
polee ( peut-être vêtement du pays ?) qu'il portait avait été
malhonnêtement acquis. Il arracha le vêtement, le jeta sur l'estrade et sortit.
Un ancien prédicateur, qui était entré
dans les affaires et y était devenue très riche, s'écria : « Je ne peux dire le
nombre d'âmes que j'ai tuées, parce que j'ai abandonné la prédication de
l'Évangile pour satisfaire la convoitise de mon cœur »
Un des
principaux collaborateurs chinois avait beaucoup entravé nos réunions. Dans les
premières, il avait 'entendu trop de confessions de ses compatriotes, mais
aucune des missionnaires européens.
Le diable
l'excita, il alla parmi les auditeurs et leur dit : Vous êtes des naïfs. Ces
étrangers ont commis autant de péchés que nous, mais ils ne veulent pas
s'abaisser à les confesser ; leur réputation leur est trop précieuse ». Il
avait, de cette façon, en flattant leur orgueil, réuni autour de lui un grand
nombre des principaux travailleurs. Pendant la dernière réunion, cet homme
était comme dans une fournaise. Debout sur l'estrade, il semblait en agonie. Le
spectacle de cinq ou six missionnaires, attendant leur tour pour confesser,
l'avait touché au vif. Il s'était rendu compte qu'il avait servi de jouet au
diable.
La confession
la plus remarquable peut-être, fut celle d’un évangéliste, qui dirigeait une
des Églises les plus importantes d'une ville voisine. Demandant à sa mère de se
lever, il énuméra tous les actes désobligeants et irrespectueux qu’il avait
commis à son égard, et lui demanda par don. Il raconta, ensuite comment il
avait agi honteusement vis-à-vis de sa femme. « Ma femme, dit-il, n'a reçu
aucune éducation ; elle ne sait même pas lire. Quand je la comparais parfois à
ces étudiantes intelligentes du collège, je pensais intérieurement que. si elle
mourait, j'aurais l'occasion d'épouser l'une de ces jeunes filles instruites et
distinguées. Je vais, en rentrant chez moi, confesser mon péché à ma femme, et
dorénavant je promets à Dieu de l'aimer comme je le dois. L'amour de Christ
continua-t-il, ne m'a pas « pressé » dans mon ministère. Quand je fais un
discours, le dimanche, les auditeurs me félicitent et me disent que j'ai bien
prêché. Même les missionnaires me complimentent sur mes dons oratoires.
Mais tout cela est superficiel. Je n'ai pas, au fond du
cœur, l'amour des âmes. Si elles périssaient toutes, cela, ne me ferait rien...
Depuis longtemps j'empoche les collectes.
Le premier
dimanche après mon retour, je le dirai à mon Église. et je restituerai... J'ai
un jeune frère, fumeur d'opium et mendiant ; c'est le résultat de ma dureté, à
son égard. Je n'ai jamais essayé de le gagner par l'amour. Je ne sais où il
est, mais je n'aurai de repos que je ne l'aie retrouvé ! »
Il tint parole.
Il retourna dans son Église, confessa ses fautes à ses paroissiens, et peu
après un réveil éclata. Il se mit à la recherche de son frère. Il alla de ville
en ville, et finit par le retrouver, le dernier des miséreux, dans les rues de
Yangchow. Il plaida avec tant de chaleur la cause de Jésus, que son frère se
convertit. Il le ramena chez lui, et aux dernière nouvelles, le plus jeune
frère avait trouvé un emploi stable à l'hôpital de la mission.
Dans l'automne
de 1915, je vins à Hsuchowtu pour y tenir une série de réunions de quinze
jours. L'École supérieure donnait beaucoup de peine aux missionnaires. Elle
comprenait 150 étudiants, dont les deux tiers étaient de familles païennes. Le
directeur, un missionnaire, ne pouvait y maintenir aucune discipline. Peu avant
ma venue, les choses étaient arrivées à un tel point, qu'il avait décidé
d'expulser à la fin de l'année une douzaine d'étudiants. Il espérait cependant
que le Seigneur changerait le cœur de ces jeunes gens et qu'il pourrait en
toute bonne conscience les garder.
Un des
professeurs avait été renvoyé. Ce professeur en avait été si humilié, qu'il
avait déclaré à ses amis, que si les missionnaires désiraient le voir dans leur
Église, ils auraient à l'y traîner avec cinq cents paires de bœufs ! Un des
étudiants avait affirmé, en parlant de moi et de nos réunions projetées « Cet
homme ne pourra faire quelque chose de nous que s'il peut fondre des barres de
fer! »
Le troisième
jour de la série, un étudiant monta sur l'estrade, brisé par le repentir. Il
déclara que si les étudiants non chrétiens ne se convertissaient pas, c'était
sa faute, car il donnait un bien mauvais exemple. Il confessa plusieurs choses
et donna l'impression qu'il était un très mauvais sujet. Pourtant, après la
réunion, j'appris qu'il était fils d'un des diacres, et l'un des meilleurs
élèves de l'école.
Cet après-midi
là, on réunit en étude les jeune gens. Le directeur remarqua que la place de
celui ci était vide. Le directeur alla le voir et le trouva dans la même
angoisse au sujet du salut de se camarades.
A la réunion
des missionnaires, le huitième jour, on sentait d'une façon intense et
exceptionnelle la présence et la puissance de Dieu. Cependant il n'y avait pas
encore de brisement. On sentait, cependant, que l'Esprit de Dieu gouvernait
absolument la réunion, laquelle ne prit fin qu'à neuf heures.
Le onzième
matin, je n'avais encore parlé que quelques minutes, quand l'un des jeunes gens
cria : «Patientez un moment, s'il vous plaît, i faut que je confesse mes péchés
! » Il le fit, et je recommençais à peine mon discours, qu'un autre élève me
suppliait de le laisser en faire autant. Je vis qu'il était inutile d'essayer
de terminer mon allocution. Je laissai donc la réunion ouverte ; les jeunes
gens en profitèrent, et à la fin de leurs aveux, ils me demandèrent de prier
pour eux. Je le fis pour les premiers, mais ensuite je demandai : « L'un de
ceux qui ont remporté la victoire voudrait-il prier pour cet ami ? » En
général, un camarade répondait à mon appel.
La réunion de
l'après-midi fut la répétition de celle du matin. Un des cas frappants fut
celui d'un homme d'aspect imposant, qui, sous le poids d'un remords intense,
déclara que si l'Église était dans cet état pitoyable c'était sa faute. Un
missionnaire me dit à l'oreille que j'avais devant moi l'ancien professeur. Sa
profession de foi fut mise à l'épreuve un ou deux jours après. Il y avait un
certain médecin rétrograde qui avait gêné les réunions en voulant toujours
prier le premier dès qu'il en avait l'occasion. Tout le monde savait que,
malgré son titre de chrétien, il vivait dans le vice.
Il était en
retard un matin à la réunion de prière, mais sans se troubler il s'avança pour
s'asseoir au premier rang. L'ancien professeur le saisit au passage et lui dit
: «Frère, asseyez-vous là, ne dérangez pas la réunion ». La seule réponse du
médecin -fut un coup terrible dans la poitrine de son interlocuteur. Puis il
sortit de la salle, écumant de rage.
Le professeur,
à notre grande surprise, n'essaya pas de rendre coup pour coup. Il l'aurait pu
facilement, car il était très grand et bien musclé, tandis que son insulteur
était de moitié de moitié plus petit que lui. Cependant, l’ex-professeur était
connu pour avoir un caractère d'une rare violence. Il nous dit plus tard : « Je
sais que le Saint-Esprit était en moi, le soir de ma confession. Croyez- vous
que sans cela j'aurais pu recevoir sans broncher un coup de ce misérable ? Si
cela était arrivé quelques jours plus tôt, je lui aurai sauté à la gorge et je
l'aurais étranglé ». A la réunion de clôture, il rendit un témoignage
remarquable sur ce que Dieu avait fait pour lui et les siens. Autour de lui
'étaient son père, sa mère, sa femme, ses enfants et ses frères, en tout
quatorze personnes : « Nous sommes là, tous sauvés » s'écriat-il, « et tous
nous en donnons gloire à Dieu ! »
Le douzième
matin, à la réunion de prière pour les missionnaires, la directrice de l'école
des filles nous annonça que toutes ses élèves étaient converties. La dernière
qui eût cédé, était une élève très indisciplinée, grande, laide, qui avait
violé tous les règlements. Quand elle fut "touchée par le repentir, elle
pouvait à peine se contenir. Elle alla faire des excuses de la façon la plus
humble, à tous les professeurs. Puis elle demanda pardon à toutes celles de ses
condisciples, qu'elle avait offensées. Un des professeurs chinois; vénérable
lettré; avait jusque-là résisté à l'Évangile en disant : « J'ai été élève du
grand sage Confucius, je n'ai pas besoin dé ce Jésus occidental ». Il fut
vivement touché par cette scène. Émerveillé du changement incroyable qui s'était
produit dans cette jeune fille jusque-là si insupportable, il s'écria en
pleurant : « Jésus a conquis. Il est Dieu. Je cède ».
Quand la
directrice eut fini de raconter cet incident, une personne s'écria : « Si
seulement il en arrivait autant à l'École des garçons « Ces paroles étaient à
peine prononcée que la femme du directeur de cette école entra très surexcitée
dans la pièce où nous étions. « Je vous en prie, me dit-elle, venez vite à
l'école. Depuis une heure les garçons sont prostrés en terre et pleurent. Mon
mari et les professeurs sont dans le même état ». Je me hâtai d'aller à
l'école, et la trouvai dans l'état décrit par Mme G. Je demandai au directeur
comment cela avait commencé. « Ce matin, me répondit-il, je dis aux élèves
convertis d'aller à la réunion de prière à l'église, et aux autres de rester
avec moi ici. Il en resta 70. Je leur parlai un peu, puis leur dis : « Allez,
mes enfants, dites simplement à Dieu où vous en êtes ». Presque aussitôt, le
plus mauvais élève, promoteur de toutes les farces et de toutes les diableries,
fut convaincu de péché. Il se confessa publiquement. D'autres le suivirent, et
peu après les 70 avaient cessé toute résistance ».
Je n'essayai pas d'intervenir pendant une
demi-heure. Puis pensant que les confessions étaient terminées, j'entonnai un
chant. Tous les élèves reprirent bientôt leurs sièges. Je pus leur parler
quelques minutes sur le verset 14 du cinquième chapitre de la 2° aux
Corinthiens.
Je leur dis que Jésus, dans son amour,
avait été fait péché pour nous et avait subi le châtiment de nos
transgressions. Je leur racontai sa résurrection et leur dis que, par la foi
dans son oeuvre complètement achevée, nous pouvions ressusciter avec Lui : «
Jeunes gens, si vous voulez vous mettre aujourd'hui du côté de Jésus Christ,
levez-vous » Tous les garçons, sauf un, se levèrent.
Après cela, les pipes furent cassées, les
cigarettes et le tabac jetés aux ordures ; des couteaux, des crayons, des
mouchoirs volés, furent rendus à leurs propriétaires. Le seul garçon qui avait
refusé de se lever fut très tourmenté ce jour-là et la nuit suivante. Si devant
lui on prononçait le nom de Jésus, il se mettait en colère. Mais à quatre
heures du matin arriva la victoire. Il céda à son tour. Il alla voir immédiatement
son professeur pour lui demander la permission de rentrer chez lui afin
d'essayer d'amener ses parents aux réunions.
Son père était mort trois mois auparavant
dans l'incrédulité, et il n'avait jamais parlé de Jésus à son père, bien qu'il
fût élève d'une école chrétienne. Il se sentait donc le meurtrier de l'âme de
son père. La maison de famille était à vingt kilomètres. Cependant, il revint
pour la réunion d'une heure, avec onze de ses parents et amis.
En fin des réunions, huit jeunes gens,
élèves de l'école, me demandèrent un entretien. Ils voulaient connaître le
secret de la puissance qui pourrait les rendre capables de rester fidèles à
leur profession de foi. Les prières de ces jeunes, qui, si récemment encore, ne
croyaient en rien, étaient remarquables par leur maturité spirituelle. Ils
comprenaient aussi clairement que de vieux chrétiens ce que devait être le
disciple du Christ. A mon départ, les professeurs m'affirmèrent que tous les
élèves de leurs classes, sans exception, s'étaient donnés à Jésus-Christ.
CONCLUSION : LES CONDITIONS INDISPENSABLES DU RÉVEIL
Un missionnaire me dit un jour, comme en
guise d'excuse : « J'ai toujours désiré un réveil, mais ma station est si loin
de tout, que je n'ai jamais pu y faire venir un évangéliste ». Comme si
l'Esprit de Dieu n'agissait que par quelques privilégiés ! Nous sommes
convaincus, nous l'affirmons avec pleine conviction, que le Réveil peut avoir
lieu quand et où nous voulons. Ce. prince des évangélistes, Finney, croyait que
tout groupe de chrétiens qui faisaient de tout cœur et sans réserve la volonté
de Dieu, pouvaient avoir un réveil. Moody affirmait constamment que la
Pentecôte n'était que le spécimen de ce que voulait faire l'Esprit.
J'espère que de la lecture de ces pages,
le lecteur ne conclura pas que l'Orient est mieux prédisposé au Réveil que les
autres parties du monde ; ce serait un grave malentendu. Nous avons vu, dans
nos propres pays, des auditoires remués, exactement comme ceux de Chine.
Il est vrai que cela, prend généralement
plus de temps. Mais qu'il y faille un jour ou une quinzaine, le principe est le
même : N'importe quel groupe de chrétiens qui le désirent peuvent recevoir la
pleine bénédiction de la Pentecôte.
En lisant la Parole de Dieu, il nous
semble inconcevable que le Saint-Esprit veuille retarder son oeuvre d'un jour.
Nous pouvons être sûrs que, quand il ne peut pas déployer sa puissance, c'est
toujours parce que l'homme n'a ni la foi, ni l'obéissance voulues. Si Dieu-le
Saint-Esprit ne glorifie pas Jésus dans le monde aujourd'hui, comme à la
Pentecôte, c'est nous qui sommes à blâmer. Après tout, qu'est-ce que le Réveil,
sinon l'Esprit de Dieu possédant absolument notre vie ? Le Réveil est donc
toujours possible quand l'homme se donne entièrement à Dieu. La résistance au
Saint-Esprit est le seul péché qui puisse empêcher le Réveil.
Mais sommes-nous prêts à recevoir le
Saint-Esprit? Apprécions-nous à leur valeur et le don et le donateur ?
Voulons-nous payer le prix d'un Réveil par le Saint-Esprit ? Prenez la prière,
par exemple. L'histoire des Réveils montre que tous ont été déclenchés par la
prière.
Cependant n'est-ce pas justement là que
beaucoup d'entre nous tremblent et hésitent devant le prix à payer ? La Bible
ne nous dit pas grand chose de ce qui s'est passé dans la Chambre haute entre
l'Ascension et la Pentecôte ; mais nous sommes certains que les disciples
étaient avares des minutes qu'ils ne passaient pas à genoux.
Que d'interdits, de scories, de déchets à
faire disparaître ! Le miracle de la Pentecôte fut la meilleure preuve de
l’œuvre de purification qui s'était faite dans la Chambre haute. Nous savons
que toutes les effusions du Saint-Esprit ont toujours été étroitement liées à
la prière. « Quand ils eurent prié », nous dit Luc, « le lieu où ils étaient
assemblés trembla ; ils furent tous remplis du Saint-Esprit » (Actes 4. 31).
Les grands mouvements de la Réforme ont
été en grande partie les résultats de la prière. On dit de Luther qu'il
obtenait de Dieu, en priant, tout ce qu'il voulait. Marie Stuart craignait plus
les prières de John Knox que toutes les armées de la reine Elizabeth. L'œuvre
magnifique du Saint-Esprit, qui transforma chez les Moraves, en 1927, toutes
les discordes en un grand amour, fit d'eux la plus grande force missionnaire du
monde.
Cette oeuvre eut sa source dans la prière.
« Y a-t-il jamais eu dans l'histoire de l'Eglise, écrit l'évêque Hasse, une
réunion de prière qui ait duré cent ans ? Les Moraves la commencèrent à
Herrnhut en 1727 ; ils l'appelèrent l'intercession d'une heure. Se relayant
nuit et jour, un frère ou une sœur était toujours en prière. L'objet principal
de ces requêtes était l'œuvre de Dieu par l'Eglise. La prière mène à l'action.
Dans ce cas-là, elle créa un désir ardent, chez les Moraves, de porter le salut
de Christ aux païens. Ce fut le commencement des missions modernes. De l'Eglise
d'un petit village, il sortit, en vingt-cinq ans, plus de cent missionnaires.
Nous ne trouverons nulle part et à aucune époque, aucun mouvement qui égale
celui-là » (1).
1. John. GREENFIELD : Power from on High, p. p.
25, 26.
Mais pourquoi le mouvement morave
n'aurait-il pas aujourd'hui sa contrepartie ? Pouvons-nous concevoir que
l'Esprit de Dieu se lasse ? Nous pouvons être sûrs que la bénédiction nous
attend, si nous consentons seulement à nous agenouiller et à la recevoir.
Le trait le plus saillant du Réveil
wesleyen, ce fut l'accent que ses chefs mirent sur la prière. Leur habitude
était de prier chaque matin de 4 à 5 heures et de 5 à 6 heures le soir. De
grands croyants, William Bramwell par exemple, passaient la moitié de la nuit
en prière, puis parcouraient une région, brûlants comme une flamme de feu ! Si
seulement les millions de Méthodistes d'aujourd'hui donnaient à la prière la
valeur que lui donnaient leurs grands ancêtres, quels miracles ne se
produiraient-ils pas !
Finney comptait plus, pour produire le
réveil, sur les prières de Nash et de Clary que sur sa propre irrésistible
logique. Nous sommes si habitués à l'état laodicéen de l'Eglise que l'influence
toute-puissante de la prière, au temps de Finney' nous stupéfie. Pensez un peu
: quarante pasteurs et missionnaires furent appelés par Dieu et envoyés dans
son champ, comme résultat des prières faites pendant un réveil dans l'École
supérieure de Rochester !
En 1857, Finney
voyait cinquante mille âmes par semaine se décider à se donner à Dieu. Dans
beaucoup de villes, on ne trouvait pas d'assez grandes salles pour y tenir les
réunions de prière. Ce fut alors que commença celle de Fulton Street, à
New-York, dans une salle annexe d'une église. En quelques semaines l'église
elle-même était devenue trop petite, et le surplus des auditeurs remplit
d'autres églises voisines.
En 1858,
Spurgeon réunit sa grande congrégation et lui dit : «L'Esprit de Dieu sauve en
ce moment, des multitudes d'âmes aux États-Unis. Comme Dieu ne fait pas
acception de. personne, nous allons lui demander les mêmes bénédictions ici ».
La réponse, ce fut le Réveil de 1859.
M. Moody,
assure-t-on, n'acceptait pas d'invitation à tenir une série de réunions, sans
faire promettre qu'elle serait préparée par la prière. Au sud du pays de
Galles, peu avant le grand réveil de 1905, trois cents réunions de prière
avaient été fondées. En fait, le pays de Galles tout entier devint comme une
immense réunion de prière. Le résultat fut qu'en deux mois, soixante-dix mille
âmes s'étaient tournées vers Dieu.
A Calcutta, en
1902, deux missionnaires, avaient, entendu le Dr Torrey parler sur la prière.
Elles en furent si frappées qu'en rentrant auprès de leurs paroissiens à
Khassa, leur grand sujet fut : la prière. Le résultat ne se fit pas attendre :
au printemps de 1905, les Khassiens priaient tous. Le réveil était inévitable.
En quelques mois, huit mille convertis furent ajoutés à l'Eglise, dans cette
partie de l'Inde.
Dans un de nos
premiers chapitres, nous avons raconté comment le grand Réveil en Corée, en
1907, fut le fruit de la prière. Nous sommes convaincu aussi que l'origine de
tous les Réveils dont nous avons été témoin en Chine fut : la prière.
Après une série
de réunions spécialement émouvantes, un missionnaire me dit : « Si le Seigneur
a tant accordé à nos prières, quoique qu'elles aient été si peu nombreuses; que
n'aurions-nous pas obtenu, si nous avions prié davantage? »
« Quel est le
secret du réveil ? Demandait-t-on à un grand évangéliste. — « Il n'y en a pas
», répondit il « il vient toujours en réponse à la prière ».
Nous affirmons
aussi que nous ne pouvons pas compter sur un Réveil général, encerclant le
globe entier par le Saint-Esprit, à moins de revenir tout d'abord à la Bible.
Les doutes émis sur la Parole de Dieu déshonorent absolument son Auteur. Quelle
douleur doit être la sienne, quand Il voit si peu estimé par les hommes le Livre
qui seul rend témoignage à son Fils!
Si la Bible
n'est pas pour nous, en toute sincérité, la Parole même de Dieu, nos prières ne
sont que moquerie et dérision. Il n'y a jamais eu de Réveil là où n'existaient
pas des hommes et des femmes croyant de tout leur cœur à la Parole de leur Dieu
et s'appuyant sur ses promesses.
L'épée de
l'Esprit qui est la Parole de Dieu, est la seule arme qui ait jamais été
utilisée avec puissance dans le Réveil. La Parole de Dieu est toujours, pour
celui qui croit en ce qu'elle dit sur elle-même, une épée, un feu, un marteau
qui brise le roc.
Dès que Luther
eut traduit la Bible en allemand, l'Allemagne fut perdue pour Rome. Moody
n'avait pas beaucoup d'instruction, mais il connaissait sa Bible, et il est
certain que le monde n'a jamais connu et ne connaîtra peut-être jamais son égal
comme gagneur d'âmes.
Lorsque j'étais
étudiant, à Toronto, ma seule arme dans les prisons et les bas-fonds que je
visitais, était la Bible. En Chine, j'ai souvent fait trente-cinq à quarante
allocutions par semaine, qui n'étaient, somme toute, que des paraphrases de la
Parole de Dieu. Je puis affirmer que pendant mes quarante-un ans de ministère,
je ne me suis jamais adressé à un auditoire de Chinois sans avoir la Bible
ouverte devant moi ; cela me permettait d'affirmer : « Ainsi dit l’Éternel ».
Croyant que la simple prédication de l'Evangile suffisait pour amener des âmes
à Christ, j'ai toujours agi en conséquence. Je n'ai jamais été déçu.
Mon collègue
chinois, un des hommes les plus consacrés que j'aie jamais connus, fut sauvé
d'une vie de péché et de vices par la première allocution sur l'Évangile qu'il
m'entendit prononcer.
Ce que je
regrette le plus, en atteignant mes soixante-dix ans, c'est de ne pas avoir
consacré plus de temps à l'étude de la Bible. Cependant, en moins dé dix-neuf
ans, j'ai lu tout le Nouveau Testament chinois cinquante-cinq fois. Cet éminent
professeur de la Bible, le docteur Campbell-Morgan, déclare qu'il n'a jamais
osé professer sur un livre de la Bible, avant de l'avoir lu au moins cinquante
fois.
Il y a quelques
années, un Monsieur qui était à la Convention de Keswick y prit un tel amour
pour la Bible, qu'il la lut ensuite douze fois en trois ans. Vous pensez
peut-être que c'était un homme de loisir? Nullement, c'était un ouvrier qui
partait chaque matin à 5 h. 30 pour son usine.
La Bible
n'était pas aussi négligée qu'aujourd'hui, quand les grands Réveils de 1857-59
éclatèrent en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Elle n'était pas si abandonnée
au temps de Moody. Les lettrés chinois, sous la dynastie mandchoue, devaient
savoir par cœur leurs grands classiques. Comment les lettrés des pays
soi-disant chrétiens traitent-ils le plus grand des classiques ?
Il est tragique de voir combien peu les
représentants du Seigneur Jésus en Chine connaissent Sa Parole. Il y a trente
ans, l'idéal d'un missionnaire était de connaître assez sa Bible pour ne pas
avoir besoin de transporter avec lui sa Concordance. L'indifférence pour la
Parole de Dieu, que professent actuellement beaucoup de missionnaires,
viendrait-elle de ce qu'ils ont découvert un meilleur moyen de répondre aux
besoins spirituels d'un monde pécheur ?
Enfin, la grande raison du Réveil doit
être le désir d'exalter dans nos cœurs Jésus-Christ comme Roi des rois et
Seigneur des seigneurs. Le Christ est pareil au Mont Everest, qui domine
l'immense plaine. Si nous voulons qu'Il habite en nous, Il faut qu'Il prenne
toute la place. Toute idole doit être détruite ; Isaac, le bien-aimé, doit être
placé sur l'autel. Il faut refuser au moi jusqu'à la moindre satisfaction.
C'est alors seulement que nous pourrons voir s'ouvrir devant nous les plus
vastes horizons.
On raconte que Mahmoud, le grand
conquérant mahométan, détruisait au fur et à mesure de ses victoires dans le
nord de l'Inde, toutes les idoles qu'il rencontrait sur son chemin. Il arriva
dans la ville de Guggeratt, qui contenait une idole vénérée tout spécialement
par les habitants. Les notables vinrent trouver le vainqueur et le supplièrent
d'épargner au moins ce dieu-là. Ils lui abandonnaient tous les autres, mais si
Mahmoud détruisait celui-là, ils préféraient mourir !
Ils plaidèrent leur cause avec une telle
intensité que, pendant un instant, le cœur du général fléchit. Il lui semblait
par trop cruel de priver ces pauvres gens de ce qu'ils aimaient mieux que Ia
vie ; mais il se souvint qu'il avait fait serment de détruire toutes les
idoles. La volonté d'Allah était absolue. Il se fit apporter un marteau, et
d'un coup terrible fendit l'idole en deux.
A sa stupéfaction, il en sortit tout un
flot de bijoux et de pierres précieuses. Les habitants de la ville en avaient
fait une cachette, et ils espéraient que le vainqueur, en leur laissant
l'idole, leur permettrait, à son insu, de sauver leurs richesses. Voyez la
perte qu'aurait subie le vainqueur, s'il l'avait épargnée !
Y eut-il jamais une occasion pareille à
celle qui fut donnée aux conducteurs spirituels de nos Églises, à la conférence
d'Edimbourg en 1910, d'abandonner leurs idoles ecclésiastiques et d'entrer en
contact avec les richesses insondables de Christ? Il n'y a jamais eu dans les
temps modernes, une réunion ecclésiastique qui ait suscité plus d'espoirs. Des
leaders religieux étaient venus de toutes les parties du monde. Plusieurs
espéraient qu'une ère nouvelle allait s'ouvrir pour les Missions, Le sujet du
dernier jour était : « La Base de l'arrière(The Home Base) ». Ce sujet faisait
naître la vision de magnifiques possibilités. Les Églises des pays chrétiens,
fortifiées par le Saint-Esprit, allaient envoyer des hommes qualifiés, comme
Paul et Barnabas. Avec de telles énormes ressources en agent et en vocations,
le monde allait être évangélisé au cours d'une génération.
Hélas ! ce n'était qu'un rêve. Je n'ai
jamais éprouvé un plus vif désappointement que ce jour-là ! De tous ceux qui
parlèrent à cette grande réunion, trois seulement mirent l'accent sur le
Saint-Esprit comme étant le grand facteur de l'évangélisation du monde. A
écouter les discours prononcés ce jour-là, on était obligé de conclure, que
pour donner l'Évangile aux païens il suffisait d'avoir une meilleure
organisation, des moyens matériels plus perfectionnés, un plus grand nombre de
vocations masculines et féminines. Il y avait pourtant des symptômes, dans
cette assemblée, qui faisaient prévoir que quelques étincelles de plus auraient
suffi pour produire une explosion. Mais non ! Il en aurait trop coûté de mettre
à bas l'idole ecclésiastique !
Frères, l'Esprit de Dieu est toujours avec
nous. La Pentecôte est à notre portée. Si le Réveil nous est refusé, c'est
qu'une idole est encore adorée en cachette ; c'est que nous mettons notre
confiance dans les plans humains. Nous nous refusons à croire cette vérité
immuable : « Ce n'est ni par la puissance, ni par la force, mais c'est par MON
ESPRIT dit l’Éternel DES ARMÉES » (Zacharie 4: 6).
D' Jonathan GOFORTH Missionnaire en Chine pour
la Société presbytérienne des Missions de Toronto (Canada)
Par mon Esprit Traduit par Madame Arthur Blocher Avant-propos par R. Saillens,
pasteur
Préface par Madame R. Saillens
EDITIONS DE L'INSTITUT BIBLIQUE — 39, Grande-Rue —
NOGENT-SUR-MARNE (Seine) Numérisation Yves PETRAKIAN Mars 2007 Copie autorisée
pour diffusion gratuite uniquement
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d'indiquer la source 456-bible.com.