vendredi 9 août 2013

SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE (Gordon) (2)

TROISIÈME PARTIE Comment prier?
· Chapitre I Comment réaliser l'union avec Dieu?
· Chapitre II Comment prier?
· Chapitre III Pour prier, il faut savoir écouter
· Chapitre IV La volonté de Dieu et la prière
· Chapitre V Pouvons-nous prier avec assurance pour la conversion de ceux que
nous aimons?

QUATRIÈME PARTIE Comment Jésus priait?
· Chapitre I Simple esquisse
· Chapitre II Coup d'oeil révélateur sur la vie de prière de Jésus
· Chapitre III Dans l'ombre grandissante
· Chapitre IV Sous les oliviers
· Chapitre V Dernier coup d'oeil sur la vie de prière de Jésus
· Une délivrance miraculeuse
· Recueillement et prière
· Encore le recueillement

SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE
Note d’Edition
S.-D. GORDON

SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE Avec Préface de S. DELATTRE, Pasteur, Rédacteur de «L’AMI» PRIVAS (Ardèche) -1938- LEZAY (DEUX-SEVRES) IMPRIMERIE A. CHOPIN

Nouvelle édition numérique Yves PETRAKIAN 2011 – France Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com Ce livre est aussi disponible gratuitement au format Bible Online sur: http://123- bible.com



TROISIÈME PARTIE COMMENT PRIER?

CHAPITRE PREMIER  Comment réaliser l’union avec Dieu

1. Ambassadeurs de Dieu

Si je caressais l’ambition de représenter ma patrie à l’étranger comme ambassadeur, il me faudrait deux choses. Tout d’abord—et ce serait la chose essentielle—être investi de cette fonction; et, pour cela, je devrais entrer en relations avec notre Président, posséder certaines qualités qu’il juge indispensables, et finalement obtenir de lui la charge désirée et des lettres m’accréditant auprès de tel ou tel gouvernement. Ces conditions, une fois remplies, détermineraient mes rapports comme représentant de mon pays auprès d’une nation étrangère et établiraient par là même mes droits à agir en mon nom.
Cette investiture toutefois ne m’empêcherait pas, une fois en charge, de commettre de grosses erreurs. Ma maladresse peut provoquer une telle tension des relations diplomatiques qu’il faudra maintes explications, voire des excuses, pour remettre les choses au point; de plus, les souvenirs que je laisserai après moi seront longs à disparaître. Combien de fois de telles complications ne se sont-elles pas produites! Les nations sont très susceptibles; aussi les affaires d’Etat doivent-elles être traitées avec le plus grand discernement. Il y a donc une seconde chose que je ferais certainement si j’étais jugé capable de remplir les fonctions d’ambassadeur. J’irais voir nos diplomates les plus en vue; je les interviewerais et j’obtiendrais d’eux tous les renseignements possibles sur la vie officielle du pays où je dois me rendre, sur l’étiquette qui règne à la cour, sur les personnages que mes fonctions m’obligeront à fréquenter, bref, sur ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter. Mon unique pensée serait d’être un diplomate habile, de maintenir les bons rapports existant entre les deux gouvernements, de gagner des amis, d’éveiller des sympathies pour mon pays. Mes efforts seraient tendus vers ce seul point, mon esprit orienté dans cette seule direction: avoir une politique heureuse.
La première des conditions, ma nomination ferait de moi légalement un ambassadeur; la seconde tendrait à me doter d’une certaine habileté professionnelle.
Nous trouvons dans la prière les deux mêmes conditions; en effet, d’un côté, l’union entre Dieu et le fidèle doit être établie avant que l’on puisse rien faire d’autre; et, d’un autre côté, il est de toute importance d’acquérir une grande habileté en vue de l’accomplissement de la tâche qui nous est échue.
Pour le moment, nous nous bornerons à parler de la première de ces conditions, de l’union nécessaire entre le Créateur et la créature qui veut le prier. La prière repose sur une entente parfaite avec Dieu; elle est Sa mandataire dans le royaume spirituel de notre monde; elle défend Ses droits, et, grâce aux pouvoirs qu’il lui a confiés, elle combat pour Sa cause. La seule base d’un tel accord est et ne peut être que Jésus. Nous avons été mis hors la loi par le péché; alliés de Dieu, nous avons rompu l’alliance. Etant donnée notre action, nous n’aurions pu par nous-mêmes effacer les effets de cette rupture; il a fallu que Jésus vînt. Dieu et Homme à la fois, Il nous réunit à Dieu; c’est par Lui et par Lui seul que nous rentrons en grâce. Le sang de la Croix a scellé cette nouvelle alliance; par ce sang, l’union que nécessite toute prière est établie à nouveau. Mes supplications ne seront entendues que si je viens à Dieu par l’intermédiaire de Jésus et si le but de ma vie est en accord constant avec l’exemple de notre Sauveur.

2. Six déclarations capitales

Les propres paroles de Jésus justifient et éclairent cette affirmation. Les Evangiles nous fournissent deux groupes d’enseignements sur la prière. Le premier nous est donné dans le Sermon sur la montagne, que Jésus prononça au milieu de la deuxième année de Son ministère; le second, à la fin de sa vie, dans les derniers six mois; la partie la plus importante nous est même fournie par les dix derniers jours; enfin l’enseignement primordiale ne nous est confié que la veille du jour suprême.
C’est après la violente rupture de Jésus et des chefs du peuple que nous est donnée cette deuxième série d’affirmations; ce sont les plus positives et les plus importantes que Jésus ait prononcées sur la prière; nous y trouvons six des huit promesses qu’il fit touchant l’intercession.
Examinons-les maintenant; nous montrerons ensuite dans quel rapport elles se trouvent avec notre sujet.
Nous rencontrons la première dans l’Evangile de #Mt 17:19-20: «Je vous dis encore que, si deux d’entre vous s’accordent sur la terre pour demander une chose quelconque, elle leur sera accordée par mon Père qui est dans les cieux».
Notez dans cette promesse l’origine de la prière: sur la terre; sa portée: une chose quelconque; la certitude de l’exaucement: elle leur sera accordée. Voyez ensuite la raison de cet exaucement: «Car, là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux «c’est-à-dire, s’il y a deux personnes qui prient, il y en a en réalité trois; s’il y a trois personnes qui se rencontrent pour prier, en réalité il y en a quatre; il y a toujours quelqu’un de plus, quelqu’un d’invisible. Si peut-être, dans un moment de découragement, vous vous dites: «Il ne m’entendra pas; je suis si pécheur, si faible»— vous auriez tort de le faire; mais que de fois hélas! nous nous trompons—si donc vous avez jamais une telle pensée, reposez-vous immédiatement sur celle-ci: le Père entend toujours Jésus, et Jésus entend toute prière sérieuse et la présente comme sienne.
La deuxième promesse est contenue dans les versets 22 à 24 du chapitre XI de l’Evangile de Marc: «Jésus prit la parole et leur dit: «Ayez foi en Dieu—Dieu, le facteur essentiel dans chaque prière—Je vous le dis en vérité, si quelqu’un dit à cette montagne: Ote-toi de là et jette-toi dans la mer» {#Mr 11:22- 24} —Il choisit, vous le voyez, la chose la plus invraisemblable qui puisse arriver. Jamais nous n’avons entendu dire que Jésus ait déplacé une montagne; la nécessité d’une telle action semble ne jamais s’être fait sentir, mais Jésus choisit la chose la plus difficile pour illustrer ses paroles. Peut-on, en effet, s’imaginer une montagne glissant à la mer: la Jungfrau, le Mont Blanc, le Mont Rainier?—«et s’il ne doute point en son cœur»—telle est la définition que Jésus donne de la foi—«mais croit que ce qu’il dit arrivera, il le verra s’accomplir. C’est pourquoi je vous dis: «Tout ce que vous demanderez en priant,
croyez que vous le recevrez, et vous le verrez s’accomplir...» Quelle certitude dans cette dernière affirmation! Pour la rendre plus complète, Jésus la fait précéder de ces mots solennels: «C’est pourquoi je vous dis...» Oui, vous le recevrez, quoi que ce soit, qui que ce soit; toute chose, tout homme.
Nous sentons tout naturellement que ces affirmations doivent être accompagnées de conditions précises; nous voudrions les entourer d’une barrière solide. Patientons un moment et nous verrons de quelle barrière Jésus lui-même les entoure.
Les quatre dernières déclarations sur la prière se trouvent dans l’Evangile de Jean; elles furent prononcées dans un long et dernier entretien, la nuit où Jésus fut trahi. Jean nous a conservé, dans les chapitres XIII à XVII, une grande partie de cette conversation intime.
Voici ce que nous lisons au chapitre XIV, aux versets 13 et 14: «Et tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai». Cette répétition a pour but de marquer solennellement la diversité illimitée des demandes que nous pouvons adresser.
Jean XV, vers. 7: «Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous» {#Jn 15:7} -Ce mot demeurent est très expressif; il n’indique pas un bref passage, un séjour de quelques heures; non, il désigne une demeure stable—«Demandez ce que vous voulez». D’autres versions traduisent: «Vous demanderez», mais il est plus exact et plus précis de dire: «Demandez; oui, demandez; je vous demande de demander». Il n’est rien dit qui se rapporte directement à la volonté de Dieu, mais il est question de notre propre volonté, à nous Ses créatures -«et cela vous sera accordé», ou si vous voulez, plus littéralement: «Je ferai que vous l’obteniez».
Cela me rappelle une phrase que me rapporta un jour un de mes amis. Il habite le Nord et appartient à l’Eglise méthodiste, mais son influence s’étend à toutes les Eglises, tant dans sa patrie qu’à l’étranger. Il s’entretenait avec un des évêques de son Eglise, qui s’occupait beaucoup des missions en terre païenne. Ce dernier désirait vivement que mon ami acceptât la charge de secrétaire, de la Société de mission de son Eglise. Mais il savait, ce que chacun sait» combien il est difficile de grouper quelques fidèles, en dehors des heures de culte, dans de grandes congrégations. Après avoir sérieusement discuté avec mon ami, il termina par cette phrase: «Si vous m’autorisez à me servir de votre nom pour cette réunion, je me porte garant du succès».
Permettez-moi d’appliquer cet exemple au cas qui nous occupe et de dire qu’il est l’explication pratique des paroles de Jésus: «Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous»— exercent une influence sur vous—«demandez ce que vous voudrez et... je me porte garant de l’obtenir pour vous». Voilà le sens net et positif de ces paroles de Jésus.
Un peu plus loin, au verset 16 du même chapitre, nous lisons ces mots: «Ce n’est pas vous qui m’avez choisi; mais moi, je vous ai choisis et je vous ai établis, afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure, afin que ce que vous demanderez au Père en. mon nom, Il vous le donne». Ainsi, en nous choisissant, Dieu avait en vue notre alliance avec Lui par la prière.
Vient enfin la dernière déclaration, contenue dans Jean XVI, vers. 28-24: «En vérité, en vérité, je vous le dis, ce que vous demanderez au Père en mon nom, Il vous le donnera. Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé en mon nom. Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite.»
Ces déclarations sont les plus positives) que nous puissions trouver dans les Ecritures touchant la prière. Chacun a donc pleine liberté de demander, et la demande ne souffre aucune restriction. Trois conditions seulement sont imposées: la prière doit passer par Jésus; celui qui prie doit vivre en parfaite union avec Lui; et, enfin, il doit posséder une grande foi.

3. Un verset capital

Rappelons-nous maintenant que ces six déclarations ne furent pas prononcées devant les foules, mais ne furent confiées qu’au petit groupe intime des douze. Jésus a une manière spéciale de s’adresser aux multitudes; il ne leur parle pas comme il parle à ces hommes qui ont quitté la foule pour pénétrer dans le cercle intime de ses disciples.
Notons de plus qu’avant de s’adresser à ce petite groupe de fidèles, il avait dit quelque chose d’autre, quelque chose de décisif, qui avait provoqué un incident entre lui et Pierre, qu’il dut reprendre sévèrement. Les paroles qu’il prononça alors fixent clairement les rapports des disciples et du Sauveur. Rappelons-nous dans quelles circonstances elles furent prononcées: c’était après la rupture complète avec les chefs du peuple, lorsque Jésus était accusé d’agir sous l’influence de Satan. Le complot se tramait, et il n’y avait plus de remède possible; aussi le Maître se retirait-il souvent de la foule avec les douze disciples. Telle fut l’occasion des grandes promesses que nous étudions.
Avant de se donner en quelque sorte à eux en les leur faisant, il leur dit: «Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix (Luc ajoute: chaque Jour) et qu’il me suive.» {#Mt 16:24} Ces paroles devraient être écrites en travers des six déclarations précédentes.
Jésus, en effet, ne prononça jamais de paroles plus nettes et, partant, plus importantes. Ces promesses, nous disent-elles clairement, ne s’adressent pas à tous; elles ne s’appliquent qu’à ceux qui conforment leur vie à l’ordre précis que Jésus nous a laissé.
Tout homme qui brûle d’exercer le pouvoir de la prière devrait examiner les promesses de Jésus sous cet angle nouveau. «Si quelqu’un veut venir après moi», cela implique une décision ferme, inébranlable comme le roc; une décision qui s’attache à son but comme le lierre s’enroule autour de l’arbre qui le supporte; une résolution qui ait la solidité des nœuds que font les marins et que personne ne peut dénouer.
«Venir après moi ...», ces mots rappellent toute la vie de Jésus, sa puissance, mais aussi ses souffrances. Ils rappellent le désert et la terrible tentation. Pour l’un, ils signifient Nazareth, village obscur et solitaire. Pour un autre, la première année du ministère en Judée, c’est-à-dire des débuts difficiles. Pour un autre, les derniers mois, l’abandon de tous les amis. Pour tous, sans aucun doute, ils signifient Gethsémané, car tout disciple du Maître a, dans sa vie, de telles heures d’agonie. Venir après lui, c’est passer par les mêmes expériences que lui, de façon moins tragique sans doute, mais, réelle pourtant. C’est avoir, nous aussi, notre Calvaire à gravir, un Calvaire différent du sien, mais pourtant un Calvaire. Se charger de sa croix et venir après lui, c’est le seul moyen par lequel l’homme,
avec sa volonté gangrenée par le péché, peut cependant s’unir à Dieu et se réclamer de toutes les promesses faites à ceux qui prient. Cela peut paraître dur et difficile; en réalité, c’est chose très aisée pour l’homme qui sait vouloir, car la présence de Jésus dans sa vie surmonte tous les obstacles.
Le chrétien, qui obéit à l’ordre de ce vingt-quatrième verset du chapitre XVI de l’Evangile de Matthieu, peut demander ce qu’il voudra; cela lui sera accordé. Si les prières de tant de gens restent inefficaces, c’est que ceux qui prient ne veulent pas—j’appuie sur ce mot—ne veulent pas se laisser pénétrer par l’esprit de ce verset. Par contre, un homme qui, tranquillement et résolument, suivra l’exemple du Christ—exemple qui ne le conduira à rien d’extrême, d’outré, ni de morbide, mais au but que notre conscience nous indique tout bas jour après jour—cet homme sera stupéfait de découvrir que la prière a pour lui un sens tout nouveau.

4. La prière justifiée par son but

Une union vivante se justifie toujours par un but. Celui d’un ambassadeur sera de servir les intérêts de son pays. Jésus dit, et cela seul révèle la nature de Son union avec Son Père: «Je fais toujours les choses qui Lui plaisent».
L’union qui est la base de toute prière a un but capital: plaire à Jésus. Ceci peut paraître fort aisé, et pourtant peu de mots comportent des conséquences plus grandes: Lui plaire! Réfléchissez à cette parole et, par elle, réglez votre vie. Si vous ne l’avez pas fait, essayez un jour, une semaine, et servez-vous de ces mots comme d’une pierre de touche pour juger vos pensées, vos paroles, vos actions. Introduisez-les dans vos affaires personnelles, à la maison, dans le commerce, dans vos relations sociales ou familiales. Il ne s’agit pas par là de se demander: «Ceci est-il droit? cela ne l’est-il pas?» Non, il n’est pas question de tirer une ligne de démarcation entre le bien et le mal, le licite et l’illicite, car il y a bien des choses dont nous ne pouvons pas dire qu’elles soient mal, mais qui ne sont pourtant pas les meilleures qu’on puisse faire, qui ne sont pas celles que préfère notre Sauveur.
Tel négociant sera rendu tout perplexe par cet ordre: Lui plaire? Que faut-il faire? Ne pas écouler ce produit? Mais où donc est le mal? Il n’y en a assurément aucun; mes collègues, chrétiens eux aussi, le vendent dans tout le pays et même à l’étranger.., mais il faut Lui plaire..., de plus je perdrais tout un profit, une vraie somme.., mais il faut Lui plaire—et à cette lumière une seule solution se présente: détruire la marchandise.
Une maîtresse de maison pense à réunir toute une jeunesse chez elle, dans le but d’offrir une agréable soirée à ses filles. Elle organisera quelques jeux tels qu’il est coutume d’en avoir un peu partout; ils sont inoffensifs, nous en avons eu maintes fois la preuve..., mais peuvent-ils Lui plaire?—A cette lumière, ces jeux aussi devront être supprimés; soyez persuadés, du reste, que cela n’empêche pas cette femme sérieuse, consacrée à Dieu, d’organiser une soirée tout aussi agréable.
Bref, ces deux mots: Lui plaire feront réfléchir chacun; l’un à ses habitudes, un autre à ses procédés commerciaux, celui-ci à ses relations sociales, celui-là aux sociétés dont il fait partie, et chaque fois ils pénétreront au fond de l’âme comme un dard qu’on ne peut arracher.
Certains pourraient s’étonner et dire: Pourquoi mettre de telles conditions à la base de la prière?— Je leur répondrai ceci: La vraie base de la prière est la communion avec Dieu, l’unité de but que Dieu et l’homme poursuivent. La prière n’extorque pas des faveurs; ce n’est pas une opération de banque, l’encaissement d’un billet. Non, son but est tout autre et, avant tout, il est unique et nécessite une unité d’efforts. D’une part, Dieu et Son Fils le Vainqueur à; Ses côtés; de l’autre, sur la terre, un homme, et les trois vivent dans une telle union que les pensées de Dieu deviennent celles de l’homme et que Ses volontés sont exprimées et répétées dans chacune des prières de son serviteur.

5. Trois éléments à la base de la vie de Jésus

Reportons-nous maintenant pendant quelques instants à la vie que Jésus-Homme passa sur la terre. Voyez son activité merveilleuse durant ces quelques années, activité qui excita et excite de nos jours encore l’étonnement du monde. Comparez ensuite sa vie de prière tout intime que nous ne faisons qu’entrevoir de temps à autre, et groupez autour de ces mots: «Je fais toujours les choses qui Lui plaisent», les phrases énergiques où un accent spécial est mis sur la négation: non; non pas ma volonté, non pas mon travail, non pas mes paroles. Jésus nous montre par là qu’il faisait la volonté de quelqu’un d’autre; le but justificateur de sa vie était de plaire à Son Père, et c’est là que gît le secret du pouvoir de Sa carrière terrestre. Communion avec Dieu; une vie de prière secrète et intime; un pouvoir merveilleux sur les hommes; voilà les trois éléments qui dominent et dirigent Sa vie.
A la fin du chapitre, Il de l’Evangile de Jean, nous trouvons une expression étonnante: «Plusieurs crurent en son nom, voyant les miracles qu’il faisait. Mais Jésus ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous». Le texte original grec donne le même verbe pour les deux français crurent et se fiait, de sorte que nous pourrions tout aussi bien traduire le verset de cette façon-ci: plusieurs se fièrent à lui, voyant ce qu’il faisait, mais Jésus ne se fiait point à eux parce qu’il les connaissait.
J’ai la ferme conviction que la plupart d’entre vous se fient à lui; mais permettez-moi de vous demander: «Peut-il se fier à vous?»—Aucun d’entre vous n’oserait répondre franchement et entièrement: «Oui!» et pourtant, si l’on envisage notre intention, le but de notre vie, cette question peut en toute conscience recevoir une réponse affirmative. Quel est votre but?—Lui plaire?—Si oui, Il
le sait.
Quel réconfort que de savoir que Dieu juge un homme non d’après le résultat, mais d’après l’intention; qu’il me juge non comme je suis, mais comme je voudrais être; qu’il me juge d’après le but primordial de ma vie. Dieu répand sur nous toutes les forces qu’il nous croit capables d’employer à Son service.
Le commerce nous fournit à ce propos un exemple frappant. Un homme est employé par une maison de commerce, en qualité de commis. Son habileté et sa probité se manifestent dans différentes circonstances. Premier résultat: il est promu à un poste plus élevé, et sa responsabilité est accrue.
Grâce à son caractère à toute épreuve, on se confie de plus en plus en lui, jusqu’à ce qu’il devienne à un moment donné l’homme de confiance de la maison: il en connaît désormais les secrets comme il connaît aussi ceux du coffre-fort, et tout cela, parce qu’on sait, pour en avoir eu la preuve, qu’il usera de tout pour le plus grand intérêt de la maison et non dans un but égoïste.
Dans le cas qui nous occupe, il s’agit de questions plus élevées, mais le principe est le même. Si j’arrive à réaliser l’union avec Dieu qu’impliquent ces mots: «Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il
renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive»—et tels doivent être le but et le désir de ma vie,—je pourrai alors demander ce que je veux, cela me sera accordé.
Tout homme qui vit d’après l’ordre compris dans #Mt 16:24, et suit l’exemple donné par Jésus—rien de plus, c’est-à-dire pas de fanatisme, pas d’exagération, rien autre que suivre l’exemple du Christ jour après jour—cet homme peut disposer entièrement des six promesses de Jésus dont la portée est sans limites.

CHAPITRE II

Comment prier?

1. Action secrète de la prière

Une des illustrations modernes les plus remarquables du pouvoir de la prière peut être tirée de la vie de Moody. La prière explique sa carrière incomparable et unique de revivaliste, et il est étonnant que l’on n’en ait pas parlé davantage. L’exemple de cet homme consacré est en effet un vrai stimulant. Je suppose que la raison doit en être attribuée à la modestie de Moody lui-même. Toutefois, durant la dernière année de sa vie, comme s’il y avait été inconsciemment poussé, il fit de plus fréquentes allusions à son expérience.
La dernière fois que je l’entendis, ce fut dans sa propre église de Chicago et, si je ne fais erreur, quelques mois avant sa mort. Un matin, dans cette vieille église, célèbre par son influence, il nous en raconta l’histoire. Il remonta jusqu’en 1871, époque où une grande partie de la ville fut dévastée par un incendie. «La reconstruction de cette église», nous dit-il, «n’était pas encore assez avancée pour qu’on pût y faire grand travail; je décidai dès lors de passer l’Atlantique et d’aller à l’école des grands prédicateurs de l’Europe; j’espérais obtenir, dans la suite, en suivant leurs exemples, de meilleurs résultats à Chicago. J’arrivai à Londres, et là je profitai de toutes les occasions possibles d’entendre les prédicateurs anglais. Un soir, j’allai entendre Spurgeon au Metropolitan Tabernacle; apprenant qu’il devait parler une seconde fois dans la soirée à l’occasion de la dédicace d’une église, je me glissai hors du temple et courus pendant un mille derrière sa voiture; je voulais être sûr de l’entendre une deuxième fois. «Eh! oui», ajouta-t-il en souriant, «c’est ainsi que je courais après les hommes de talent». «Jusqu’alors je n’avais parlé nulle part; je m’étais borné à écouter. Un jour, c’était un samedi, à midi, je me rendis à Exeter Hall, sur le Strand. Me sentant poussé à dire quelques mots, je me levai et parlai. A la fin de la réunion, plusieurs personnes vinrent me saluer et, parmi elles, un pasteur. Ce dernier me pria de venir prêcher, le jour suivant, dans son église, et j’acceptai son invitation. Le lendemain matin, je pénétrai donc dans la dite église et je me trouvai en face d’une grande affluence de fidèles. Je parlai..., mais à présent encore, il me semble que c’est le travail le plus pénible que j’aie jamais accompli. Je ne sentais aucun lien entre l’auditoire et moi; tous ces visages étaient impassibles; ils ne répondaient pas à ma voix; Vraiment, ils semblaient être sculptés dans la pierre ou dans la glace. Quelle corvée! Je souhaitais d’être à cent lieues de cette église et surtout je souhaitais de n’avoir pas promis de nouveau le soir. Mais j’avais promis; il fallait donc tenir parole.
«Le soir, ce fut la même chose: salle pleine, auditoire respectueux, mais ne manifestant aucun intérêt, ne vibrant pas. Et de nouveau j’étais au supplice quand tout à coup, au milieu de mon discours, survint un changement. Il me sembla que les portes du ciel s’ouvraient et qu’un souffle vivifiant en descendait. L’atmosphère du bâtiment se transforma: l’expression de mes auditeurs, elle aussi, se transforma. J’en fus si impressionné qu’à la fin de ma prédication, j’invitai ceux qui voulaient être chrétiens à se lever. Je pensais que quelques auditeurs répondraient à mon appel; aussi fus-je stupéfait de voir des groupes entiers. Je me tournai vers le ministre de l’église et lui dis: «Qu’est-ce que cela veut dire?—Je vous assure que je n’en sais rien, me répondit-il.—Pour sûr qu’ils m’ont mal compris, ajoutais-je, je vais leur expliquer ce que je voulais dire».—Je leur annonçai alors un second service qui se tiendrait dans la salle du bas et je leur dis qu’étaient invités ceux-là seuls qui voulaient être chrétiens. J’expliquai encore ce que j’entendais par là et congédiai l’assemblée.
«Nous gagnâmes la salle en question et les auditeurs arrivèrent en foule, se pressant, remplissant tous les sièges, toutes les places disponibles, les corridors et l’entrée. Je parlai pendant quelques minutes et répétai ensuite mon appel: «Que ceux qui veulent être chrétiens se lèvent!» Cette fois, je savais que je m’étais fait comprendre. Et, de nouveau, ils se levèrent par groupes entiers, par séries de cinquante et plus. Je me tournai vers le pasteur et lui dis: «Qu’est-ce que cela veut dire?—Je vous assure que je n’en sais rien», me répondit-il; puis, après quelques instants: «Que ferais-je de cette foule? Je ne sais qu’en faire... Il y a quelque chose de nouveau.—A votre place, lui dis-je, je fixerais une réunion pour demain soir et pour après-demain soir et je verrais alors ce qui se passera; quant à moi, je dois m’embarquer pour Dublin». Je partis; mais à peine étais-je débarqué que je reçus un télégramme du dit pasteur avec ces mots: «Revenez immédiatement. Eglise bondée». Je revins donc et restai dix jours. Le résultat de ces dix jours fut que l’Eglise s’augmenta de quatre cents membres et que les autres Eglises reçurent, par contre-coup, un élan et une impulsion extraordinaires».
Après avoir fait ce récit, Moody baissa la tête, comme s’il réfléchissait à ces événements passés; puis il ajouta: «Je ne pensais à rien d’autre qu’à mon Eglise, mais le résultat de ce voyage fut que je me vouai au ministère itinérant; depuis lors, je ne l’ai pas quitté».
Et maintenant, comment expliquer l’œuvre merveilleuse qui se fit ce dimanche-là et les jours qui suivirent? Moody n’en était pas l’initiateur, bien qu’il fût un homme de valeur que Dieu pouvait employer et qu’il employa largement; le ministre de la dite Eglise ne peut, lui non plus, en être rendu responsable, car il fut aussi grandement surpris que son hôte. Il s’était évidemment passé quelque chose de mystérieux pendant ces dix jours. Moody, avec sa pénétration habituelle, entreprit de découvrir ce secret.
Quelque temps après, le fait suivant parvint à sa connaissance. Un membre de l’Eglise, une femme était tombée malade plusieurs mois avant ce magnifique réveil. Son état empira; les médecins la condamnèrent. Sa maladie n’était pas de celles dont on meurt subitement; elle allait vivre des années encore, mais cloîtrée dans sa maison. Elle resta donc couchée, s’efforçant de comprendre le but de cette longue et douloureuse épreuve. Elle fit un retour sur elle-même et se dit: «Qu’ai-je donc fait pour Dieu? En fait, rien; et maintenant, que puis-je faire, couchée et isolée du monde? Je puis prier», se dit-elle.
Permettez-moi d’ouvrir ici une courte parenthèse. Dieu permet souvent que nous soyons enfermés et isolés. Ce n’est pas Lui qui nous isole, Il n’a pas besoin de le faire; Il se contente de retirer légèrement Sa main, et notre désobéissance à Ses lois a vite fait de nous séparer des humains. Ce qui arrive alors L’afflige; c’est malgré Ses premières intentions à notre égard qu’il permet cette solitude forcée, mais Il le fait, parce qu’ainsi seulement Il arrive à tourner notre attention vers ce qu’il désire que nous accomplissions; ainsi seulement, Il parvient à nous rendre attentifs à certaines choses et à nous les faire juger comme Il désire qu’on en juge. Mais revenons à notre récit.
Elle se dit: «Je peux prier, donc je prierai». Elle le fit et pria, entre autres objets, pour son Eglise. Sa sœur, membre de la même paroisse, vivait avec elle; c’était son seul lien avec le monde extérieur. Le dimanche, après le service, la malade demandait toujours: «Y a-t-il eu quelque chose de nouveau à l’Eglise aujourd’hui?—Non», répondait invariablement la sœur. Chaque mercredi soir, après la réunion de prière, elle interrogeait sa sœur: «Quelque chose de nouveau ce soir? Il doit y avoir eu quelque chose.—Non, rien de nouveau; les mêmes vieux diacres ont fait les mêmes vieilles prières».
Mais, un dimanche, à midi, la sœur rentra du culte et demanda à la malade: «Devine qui a prêché ce matin.—Je n’en sais rien, qui donc?—Eh! bien, un étranger, un Américain du nom de Moody, à ce que j’ai entendu». Le visage de la patiente pâlit, ses yeux devinrent fixes et ses lèvres tremblèrent, mais elle dit tranquillement: «Je sais ce qu’il en est; c’est une visite à la vieille Eglise. Ne m’apporte pas à manger, car je veux passer l’après-midi dans la prière». Ainsi fut fait, et le même soir se produisait ce changement étonnant dans l’auditoire de Moody.
Ce dernier découvrit la malade; elle lui raconta comme quoi, environ deux ans auparavant, un exemplaire de Watchmann, publié à Chicago, lui était tombé entre les mains; il contenait un discours que Moody avait prononcé dans cette ville. Tout ce qu’elle savait, c’était que ce discours enflamma son cœur et qu’il était signé Moody. Elle insista dès lors dans ses prières pour que Dieu envoyât cet homme à Londres, dans son Eglise. Et voilà.! Quoi de plus simple que cette prière!
Les mois passèrent; une année s’écoula et toujours elle priait. Sauf Dieu, personne ne le savait. Pas de changement? N’importe, elle priait, et pour finir... sa prière triompha.—De même toute prière vraiment inspirée de l’Esprit remporte la victoire. Le succès! voilà la pierre de touche de nos supplications.
L’esprit de Dieu poussa Moody à traverser les mers, à venir à Londres, à pénétrer dans cette église. Puis vint la concentration de toutes les forces, le dernier assaut, et cette nuit-là la victoire fut remportée.
Je suis persuadé qu’un jour, quand les ténèbres auront disparu et que la lumière rayonnera partout, quand nous connaîtrons comme nous avons été connus, je suis persuadé qu’alors nous découvrirons que le facteur le plus important de ces dix jours où des milliers d’âmes se sont données à leur Sauveur, sous l’influence de Moody, aura été la prière de cette femme. Non pas le seul facteur, il est vrai, car il faut y ajouter l’appui de la puissante personnalité de Moody et le travail concentré de centaines de pasteurs et de laïques. Toutefois, je place sans hésiter, avant l’influence de Moody et de tous les autres, la prière de cette infirme.
Je ne connais pas son nom, tandis que je connais celui de Moody. Je pourrais citer un grand nombre d’aides qui se consacrèrent à l’œuvre du grand revivaliste. Mais cette femme, qui fut la cause humaine de ce grand succès, je ne la connais pas. On me dit qu’elle vit au nord de Londres et qu’elle continue de faire monter au Ciel ses supplications. C’est vraiment un service secret que celui de la prière, et dans ce domaine nous ne savons pas quels sont les plus puissants des hommes de prière.
Et nous, prierons-nous? Saurons-nous prier? saurons-nous, en face d’un événement important, attribuer la première place à la prière?

2. Priant pour la réalisation du plan de Dieu

Laissez-moi vous dire maintenant quelques mots sur la manière de prier. Oui, comment devons-nous prier?
La première condition de toute prière est de connaître les intentions de Dieu, leur direction, leur portée. Il nous faut connaître avant tout la pensée de Dieu et demander ensuite qu’elle se réalise.
Dieu est assis dans les cieux sur son trône, avec Jésus glorifié à ses côtés. Partout, dans tous les mondes, la volonté du Créateur est observée; une seule exception: la partie que l’on appelle la terre, avec l’atmosphère qui l’entoure, est le coin du Ciel où règnent Satan et ses armées.
La volonté divine fut accomplie sur la terre par un homme: Jésus. Il descendit vers ce monde prodigue et fit la volonté de Son Père qui est dans les cieux; puis Il partit. Depuis Il a cherché et cherche maintenant encore sur la terre des hommes qui soient dans une telle union avec Lui, qu’il puisse, en eux et par eux, faire ce qu’il veut. Il désire trouver des imitateurs de Lui-même et obtenir ainsi que, par leur moyen la volonté de Dieu règne de nouveau en maîtresse sur la terre. Voici maintenant ce qu’est la prière: découvrir les intentions divines à notre égard, à l’égard du monde, et demander avec insistance qu’elles se réalisent. L’important est de découvrir la volonté de Dieu et de prier sans cesse qu’elle «soit faite». Voilà la réponse à la question: Comment devons-nous prier?
Je me suis rencontré plus d’une fois avec des chrétiens avec le but prier ensemble, et les sujets d’intercession furent naturellement des plus divers. Tel homme demandent ceci, tel autre cela et ainsi de suite; mais pendant qu’à genoux et priant moi-même, j’écoutais les supplications qu’un frère faisait monter vers les cieux, je me suis dit souvent, sans vouloir toutefois jouer le rôle de critique: «Voici ce que je dois dire: Esprit Saint, Tu connais cet homme, Tu sais ce qui lui manque; Tu connais aussi cette femme malade, et Tu sais quelles sont ses peines; Tu connais cette question que nous t’apportons, Tu en sais les difficultés; Esprit Saint, insuffle en moi la prière que Toi-même Tu formules pour cet homme, pour cette femme, pour cette question. Ta prière est la mienne, au nom de Jésus.
Que ta volonté soit faite en tout et partout!» Quelquefois je vois clairement ce que je dois demander, mais souvent je suis embarrassé. Je connais tel fait particulier; je ne puis connaître tous les faits. Par exemple, je connais cet homme qui a besoin de mes prières; c’est peut-être un chrétien; son caractère, ses idées, sa volonté me sont connus; toutefois il y a en lui quelque chose que je ne connais pas et ce quelque chose d’inconnu est cause de toute la difficulté. Dès lors, je suis obligé d’avouer que je ne puis prier comme je le devrais. Mais l’Esprit qui est en moi intercédera pour cet homme selon que je lui laisserai toute latitude d’agir et de prier, et Celui qui, là-haut, prête l’oreille dès qu’il entend que Sa volonté, Sa pensée pour telle ou telle de ses créatures est proclamée sur le champ de bataille, reconnaîtra certainement Sa propre volonté dans ma prière. Le résultat sera l’exaucement de ma prière, à cause de la victoire de Jésus sur Satan.
De plus, je puis devenir sensible à la pensée et à la présence de l’Esprit au point de percevoir plus facilement et plus rapidement ce pour quoi il me faut prier. Je serai par là-même un associé toujours plus utile pour réaliser la volonté divine sur la terre.

3. Où rencontrer Dieu

La prière ne peut être exercée que dans certaines conditions; nous en distinguons six.
Tout d’abord, il nous faut du temps pour prier. Trouvons chaque jour le temps nécessaire, et sachons aussi oublier ce qui nous entoure et les occupations qui nous attendent. Ne soyons pas pressés par l’heure. Telle personne se lève précipitamment le matin, s’habille en hâte et s’agenouille quelques instants avant d’aller vaquer à ses affaires; mais ce n’est pas là prier. Telle autre, fatiguée par le travail quotidien, se déshabille, en hâte aussi, car elle a besoin de repos; par habitude— habitude qui peut être excellente—elle parcourt quelques versets, s’agenouille un instant et croit avoir prié; mais ce n’est pas là prier. Je ne critique pas la bonne intention; mais je tiens à dire nettement que, si l’on veut vraiment prier, prier sérieusement, il faut prendre le temps de le faire à l’heure où l’esprit est frais et dispos, et non lorsqu’il est émoussé par la fatigue du jour.
«Nous n’avons pas le temps; la vie est trop remplie», dira-t-on. C’est possible; mais ce temps, nous devons le prendre, fût-ce à quelque chose d’important; ce sera toujours une chose moins importante que la prière.
Le sacrifice est la loi continuelle de la vie; l’important doit être sacrifié au plus important. Il faut arriver à posséder un jugement mûr, sinon notre force sera dilapidée dans mille détails secondaires et l’important ne sera pas accompli, ou si pauvrement qu’il ne sera d’aucune valeur. Si nous désirons intercéder utilement et savoir comment prier simplement, prenons le temps de passer chaque jour quelques instants dans le calme et la solitude.
En second lieu, il nous faut un endroit pour prier. Il va sans dire qu’on peut prier partout, dans la rue, dans les bureaux, en voyageant, en travaillant, en lavant la vaisselle..., que sais-je encore; mais vous ne pouvez vraiment vous recueillir que si vous recherchez un endroit tranquille pour y être seul avec Dieu. Le Maître nous dit: «Entre dans ta chambre, ferme ta porte—cette porte joue un rôle important, elle isole complètement—et prie ton Père en secret.» Dieu se trouve dans cet endroit solitaire. Il faut être seul pour se rendre compte qu’on n’est jamais seul. Plus nous sommes seuls, humainement parlant, et moins nous le sommes au point de vue divin.
La solitude et la tranquillité nous sont nécessaires pour développer notre entendement. Une mère entendra le plus faible cri de son bébé qui se réveille; les pleurs viennent d’un autre étage peut-être; ce n’est qu’un léger bruit que personne n’entend; mais l’oreille maternelle l’a saisi immédiatement et déjà la mère est auprès du berceau. Son oreille est exercée d’une façon toute spéciale par l’amour.
Nous aussi, nous devons exercer notre oreille. Un endroit retiré interceptera les bruits extérieurs et donnera à l’ouïe intérieure la possibilité d’entendre d’autres voix.
Un homme se trouvait un jour dans une cabine téléphonique; placé devant l’appareil, il essayait de comprendre la communication qu’on lui faisait; mais c’était en vain, et sans cesse il répétait: «Je n’entends pas, je n’entends pas». Son interlocuteur, après quelques essais, lui cria un peu sèchement: «Si vous voulez entendre, fermez donc la porte». Sa porte à lui était fermée et il pouvait entendre non seulement la voix de la personne à qui il téléphonait, mais aussi les bruits de la rue et des acheteurs qui remplissaient le magasin où se trouvait la cabine téléphonique.
Certaines personnes n’entendent pas bien, parce qu’elles n’ont pas fermé suffisamment la porte. La voix de l’homme et la voix de Dieu résonnent et se confondent dans leurs oreilles; elles ne peuvent les distinguer. La faute en est pour une part à la porte: «Si vous voulez entendre, fermez donc votre porte!»
La troisième condition mérite aujourd’hui une attention toute spéciale: «Donnez à la Bible sa place dans la prière». La prière ne consiste pas simplement à parler à Dieu; non, écoutez d’abord, vous parlerez ensuite. La prière se sert de trois organes: l’oreille, la langue et les yeux. L’oreille pour entendre ce que Dieu dit, la langue pour lui parler, les yeux pour voir le résultat. Lire la Bible, c’est écouter ce que Dieu dit. Ses paroles nous pénètrent; elles trouvent notre cœur où elles prennent un peu de notre personnalité, et elles ressortent de notre bouche sous forme de prière. Quelle peine Dieu a à obtenir qu’on L’écoute! Il parle constamment; mais les bruits de la terre assourdissent le son de Sa voix, même chez ceux qui auraient quelque désir de l’entendre. Dieu parle par Sa parole; ce que nous savons de Lui, nous le savons par elle. La Bible a été inspirée, et elle est inspirée. Dieu Lui-même parle dans ce livre. C’est donc un livre à part, différent de tous les autres. Etudions-le avec soin, avec intelligence, avec respect, et son contenu nous révélera la volonté souveraine de Dieu. Ce qu’il dit changera complètement ce que vous vouliez dire.

4. Qui nous enseignera à prier?

La quatrième condition est celle-ci: Laissez le Saint-Esprit vous apprendre à prier. Plus vous prierez et plus vous vous direz: «Je ne sais pas comment prier.» Vous reconnaissez là l’expérience et les paroles mêmes de Paul. Dieu, qui connaît et comprend cette difficulté, sait comment y remédier. Il nous a envoyé le Saint-Esprit, qui doit habiter dans nos cœurs et nous apprendre l’art si difficile de la prière. Laissez-vous donc enseigner par Lui.
Quand vous vous réfugiez, avec votre Bible, dans la solitude et la tranquillité, que votre prière soit: «Esprit saint et béni, Esprit de prière, apprends-moi à prier!» Et il le fera. Ne soyez pas énervé, agité, et ne vous demandez pas s’il vous comprendra. Apprenez à être calme, dans votre corps et dans votre esprit. Soyez tranquilles, et écoutez. Souvenez-vous de la version que donne Luther du Psaume XXXVII, verset 7: «Sois silencieux devant l’Eternel et laisse-toi façonner par ses mains» {#Ps 37:7}.
Vous verrez alors quelle transformation subiront vos prières. Vous parierez plus simplement, tel un homme occupé à ses affaires ou un enfant faisant une demande,—avec, en plus, évidemment, tout le respect que vous devez à Dieu. Vous cesserez de prier pour certaines choses et vous abandonnerez aussi quelques redites; vous emploierez moins de mots peut-être, mais vous les prononcerez avec une tranquillité, avec une foi si complètes que votre demande sera exaucée.
Cette influence du Saint-Esprit doit exister au début de chaque prière et se maintenir jusqu’à la fin, car il est le facteur principal qui la guidera vers Dieu. Le Saint-Esprit est avant tout un Esprit de prière.
La loi suprême de la vie chrétienne est une obéissance complète aux directions du Saint-Esprit. Il faut un jugement éclairé pour comprendre ses voies et ne pas prendre nos pensées imparfaites pour ses ordres. Nous devrions l’autoriser à nous enseigner à prier et plus encore à régler nos prières. La bataille spirituelle se passe sous ses yeux; il est le général de Dieu sur le champ de bataille.
Des fléchissements peuvent se produire durant le combat; il y a des hauts et des bas. Le Saint-Esprit sait alors quand la prière est nécessaire pour ramener l’avantage et, par là, la victoire. Nous devons donc consacrer un temps spécial à la prière et y persévérer jusqu’à ce que le triomphe soit assuré. Obéissons par conséquent à son inspiration.
Nous nous sentons parfois poussés à prier ou à demander à quelqu’un de prier, et nous nous disons: «Pourquoi donc prier encore? Je viens de le faire.» Ou bien: «Je ne vois pas la nécessité d’inciter cette personne à prier, car elle le fait sûrement.» Ne pensons pas à cela, et contentons-nous de suivre cette inspiration de l’Esprit et de l’exécuter avec le moins d’explications possibles.
Laissez cet Esprit merveilleux vous enseigner à prier. Ce sera long; mais, si vous cédez devant sa sagesse et attendez patiemment, il vous enseignera comment il faut prier; il vous suggérera des sujets précis et souvent vous fournira les mots de votre prière.
Si vous y réfléchissez, vous remarquerez que le but principal de ces quatre premières conditions est d’apprendre à connaître la volonté de Dieu. Un endroit solitaire, un moment de tranquillité, la Bible, l’Esprit, voilà qui fera de nous de vrais hommes de prière. Nous apprendrons ainsi à connaître la volonté du Très-Haut, et cette connaissance nous fera toujours plus désirer que cette volonté soit faite et toujours plus prier qu’elle puisse être accomplie.
Il est un mot souvent employé dans les Psaumes et dans le livre d’Esaïe pour désigner notre attitude: attendre. Ce mot est sans cesse pris pour désigner cette union avec Dieu, qui nous révélera
Sa volonté et nous fera part de Ses intentions. Le mot attendre n’indique rien d’accidentel, rien de pressé; il signifie fermeté, c’est-à-dire persévérance; patience, c’est-à-dire constance; espérance, c’est-à-dire confiance en Dieu; obéissance, c’est-à-dire entier consentement; il signifie aussi attention, c’est-à-dire calme et tranquillité pour mieux entendre la voix du ciel.

5. Le pouvoir d’un nom

La cinquième condition a déjà été indiquée, mais nous tenons à souligner son importance. La prière doit être faite au nom de Jésus; elle doit être offerte en son nom, parce que toute sa force repose sur lui. Je me souviens d’une contrée que j’habitai quelque temps et où j’entendis rarement employer le nom de Jésus dans les prières. A différentes reprises, j’entendis prier des hommes que je savais être de vrais chrétiens, et toujours sans mention du nom de Jésus. Rappelons-nous que nous n’avons pas accès auprès de Dieu, si ce n’est par Jésus.
Supposons que le plus habile des juristes anglais, connaissant à fond les lois américaines, les statuts de l’Illinois et les ordonnances municipales de Chicago, vienne en Amérique; pourrait-il plaider devant nos tribunaux? Vous savez pertinemment qu’il ne le pourrait pas, car il n’y serait pas légalement autorisé. De même, vous et moi, nous ne sommes pas autorisés à plaider à la barre de Dieu; nous en sommes exclus de par le péché; nous ne pourrons parvenir à Lui que par Jésus qui a accès au tribunal céleste.
Mais, inversement, puisque nous venons au nom de Jésus, c’est la même chose que si Jésus priait, s’il nous prenait par la main et nous conduisait à son Père en disant: «Père, voici un de mes amis; je T’en prie, accorde-lui ce qu’il Te demande, par amour pour moi.» Dieu se penchera vers vous et dira: «Que désires-tu? Ce que tu demanderas, tu l’obtiendras, au nom de Mon Fils.» Tel est l’effet d’une demande faite au nom de Jésus.
Je suis persuadé, absolument persuadé, et c’est pourquoi j’y reviens avec tant d’insistance, qu’en dernière analyse, si nous pouvons nous réclamer du nom de Jésus, c’est qu’il a vaincu le prince du mal. Prier, c’est répéter le nom du Vainqueur, le proclamer aux oreilles de Satan et demander la défaite finale de ce dernier. La prière incessante au nom de Jésus provoquera la fuite de l’Ennemi; à contrecœur, irrité, il devra lâcher prise et abandonner le champ de bataille.

6. Origine et progrès de la foi

La sixième et dernière condition nous est familière et, pourtant, combien elle est mal comprise. La prière doit être faite avec foi. Remarquez, à ce propos, que la foi ne consiste pas à croire que Dieu peut, mais qu’il veut. L’homme de foi s’agenouille, prie et dit ensuite: «Père, je Te remercie. Tu exauces ma prière, je Te remercie.» Il se lève et va à ses occupations en se disant que la chose est sûre. A travers son travail de la journée, il répète la prière et les actions de grâces, et il a la ferme assurance de son exaucement. S’il répète sa prière, ce n’est pas pour persuader Dieu, mais parce qu’il sait que la prière est une force décisive dans la lutte spirituelle et que chaque prière est une blessure nouvelle au front de l’ennemi.
D’aucuns diront: «Ne poussez-vous pas les choses à l’extrême? Pouvons-nous tous avoir une foi si grande? Pouvons-nous nous forcer à croire?» Cette question révèle une erreur que commettent beaucoup de personnes des plus sérieuses. Non, assurément, nous n’aurons pas tous une foi si parfaite; cela ne fait aucun doute et la raison en est fort simple à donner. La foi qui croit que Dieu fera ce qu’on Lui demande ne naît pas en un jour; elle ne naît pas non plus dans le tumulte de la rue, ni dans le brouhaha de la foule. Voulez-vous savoir quelle est son origine? Elle se manifeste et se développe dans le cœur de tout homme qui a mis à part, chaque jour, quelques instants pour les vivre avec Dieu et écouter ce que Sa Sagesse lui révèle; le résultat de tels entretiens est la conviction que
Dieu exauce toutes les prières que l’on se sent pressé de lui adresser.
Cette foi possède quatre qualités. Elle est intelligente; elle découvre ce que Dieu veut. La foi n’est jamais l’opposé de la raison; seulement, parfois, elle la dépasse. Secondement, elle est obéissante; elle adapte sa vie à la volonté de Dieu. De temps à autre, il y a quelques heurts, mais la foi les surmonte. En troisième lieu, elle est attentive; je dis attentive, en pensant au sens original de ce mot, c’est-à-dire dirigée, tendue vers un but. Elle est enfin persévérante; elle s’attache à son but et s’écrie: «Que nul ne se décourage! Revenons à la charge, sept fois et soixante-dix fois sept fois.»
Connaissant la volonté de Dieu, sachant qu’elle ne change pas, la foi explique les retards et les lenteurs par la présence d’une troisième personne, l’Ennemi, et elle est persuadée que cette résistance opiniâtre sera brisée au nom du Vainqueur et que le diable laissera bientôt le champ libre.

CHAPITRE III

Pour prier, il faut savoir écouter

1. Une oreille exercée

Dans la prière, l’oreille est un organe capital; son importance est égale à celle de la langue, mais elle doit néanmoins être citée en premier. L’oreille est en effet le chemin qui conduit à la langue.
L’enfant entend avant de parler. L’art de la parole suppose une période où on a dû écouter. La preuve en est que, chez tout être normal, le langage dépend uniquement de l’ouïe. Telle est la méthode qu’emploie la nature. L’esprit se développe surtout par l’oreille et par les yeux; il s’exprime et s’affirme par la langue. Ce que l’oreille laisse pénétrer, l’esprit le travaille et la langue le fait connaître.
C’est l’ordre que nous trouvons dans le passage prophétique du chapitre 50 du Livre d’Esaïe: «Le Seigneur, l’Eternel m’a donné une langue exercée... Chaque matin, il éveille mon oreille pour que j’écoute comme écoutent des disciples.» {#Esa 50:4} L’oreille est donc éveillée pour que la langue puisse apprendre à parler, et si beaucoup d’entre nous n’ont pas une langue exercée, c’est qu’ils n’ont pas fourni à Dieu l’occasion d’éveiller leur oreille.
Il est frappant de voir que les hommes qui ont été le plus puissants par la prière étaient aussi des hommes qui connaissaient Dieu intimement. Ils furent particulièrement sensibles à Sa volonté et frappés de respect devant Son amour et Sa grandeur. L’Ancien Testament nous offre trois types d’hommes de Dieu qui furent spécialement des hommes de prière. Jérémie nous dit que lorsque Dieu lui parla de l’extrême perversité du peuple juif; il ajouta ces mots: «Quand Moïse et Samuel se présenteraient devant moi, je ne serais pas favorable à ce peuple.»—Lorsque Jacques cherche pour les Juifs dispersés un type d’homme de prière, il parle d’Elie et d’un moment spécial de sa carrière, la prière sur le Mont Carmel. Moïse, Samuel, Elie sont les trois grands hommes qui apparurent dans les grandes crises Je l’histoire du peuple d’Israël. Moïse fut après Dieu le créateur de la nation élue; c’est lui qui la forma. Samuel en fut le patient pédagogue; il introduisit dans la vie nationale un nouvel ordre de choses. Elie en fut le guide sévère et rigide lorsque le culte national de Jéhovah était près d’être annihilé. Ces trois hommes: le créateur, le pédagogue, le guide occupent une place prédominante dans l’histoire, comme hommes de prière.
Rien n’est intéressant comme de les voir tous trois écouter la voix de Dieu. Leurs oreilles furent exercées très tôt et très longuement, jusqu’à ce qu’elles fussent extraordinairement sensibles à la parole de l’Eternel. Il semble même que Dieu ait pris une peine toute spéciale à former le premier de ces hommes, ce géant de l’histoire, le plus grand juriste qu’ait connu l’univers. Son éducation passa par deux phases distinctes. Il y eut tout d’abord ces quarante ans de solitude dans le désert, seul avec les brebis, seul avec les étoiles, seul avec Dieu. Son oreille était exercée par le silence. Il était séparé et isolé du bruit, du tumulte de la vie égyptienne. Comme la voix de Dieu est silencieuse, et combien peu sont capables d’endurer ce silence! C’est dans le silence que Dieu parle à l’oreille intérieure.

Lutte pour obtenir le silence en ton âme,
Le silence parfait que ton Dieu te réclame
Avant de te parler, silence intérieur,
Salutaire et propice.
Oui, lutte avec ardeur
Pour étouffer la voix de tes vaines pensées,
De tes impressions imparfaites et faussées;
Que tout se taise en toi devant sa Majesté.
Tu connaîtras vraiment quelle est sa volonté
Dans le recueillement, et tu pourras sans crainte,
Ayant ouï sa voix, sa voix divine et sainte,
Obéir d’un cœur simple à sa parfaite loi
Et l’accomplir avec foi. (Traduit de Longfellow.)

Un artiste d’une certaine réputation demanda à un de ses amis de venir chez lui examiner une peinture qu’il venait de terminer. L’ami vint à l’heure fixée, fut introduit par un serviteur dans une chambre tout à fait obscure et laissé là. Très surpris, il attendit néanmoins tranquillement la suite des événements. Au bout d’environ quinze minutes, le peintre le rejoignit dans cette pièce et le salua cordialement, puis tous deux gagnèrent l’atelier où se trouvait la peinture. L’œuvre fut très admirée.
Avant de se séparer, l’artiste dit en riant à son hôte: «Je suppose que vous avez dû trouver étrange d’avoir été laissé si longtemps seul dans cette chambre obscure.—En effet, lui répondit-il.—Voici l’explication! Je savais que si vous pénétriez dans moi atelier avec l’éclat de la rue dans vos yeux, vous ne pourriez apprécier le fin coloris du tableau, et c’est pourquoi je vous ai laissé dans l’obscurité, attendant que vos yeux se soient reposés.»
Le premier stage de Moïse eut pour but, de l’arracher au tumulte de la vie, de lui donner ce repos qui le rendit capable d’entendre les accents calmes et doux de la voix de Dieu. Pour devenir habile dans la prière, il devait passer quelques semaines à l’école de Dieu, dans les déserts de l’Arabie.
Puis vint le second stage; ces quarante années furent suivies de quarante jours et de quarante nuits passés à écouter la voix de Dieu qui parlait, là-haut, sur la montagne. Cette épreuve fit de lui un intercesseur hors ligne.
Samuel passa à l’école du silence plus tôt que Moïse. Encore enfant, avant que ses oreilles fussent remplies du bruit de la terre, il fut préparé à entendre la voix de Dieu, et la nation juive apprit bien vite qu’elle possédait un homme à qui Dieu parlait. Le cœur des enfants s’ouvre naturellement à la voix divine; ils entendent facilement, et ils comprennent facilement. Ils sont accessibles à la voix d’En-Haut.
Oh! si nous pouvions garder le cœur de nos enfants ouvert à la parole divine et habituer leurs oreilles à cette voix qui vient du Ciel!
Nous savons peu de chose du troisième de ces intercesseurs; il ne nous est connu que par les quelques événements importants dans lesquels il figure. La scène qui se termine au Mont Carmel et où les écluses des cieux s’ouvrirent sur une terre assoiffée est celle qui nous est racontée avec le plus de détails. Remarquons à ce propos que ce chapitre XVIII du premier livre des Rois, qui nous parle du conflit du Carmel, commence par un message de Dieu à Elie... «La parole de l’Eternel fut ainsi adressée à Elie... Je ferai tomber de la pluie sur la face du sol.» Cette promesse explique la prière que le prophète adresse à l’Eternel; elle explique aussi son attente pendant laquelle il envoya, par sept fois, son serviteur regarder du côté de la mer si la pluie arrivait. Elie entendit tout d’abord la voix de Dieu; il pria alors avec insistance et enfin il leva les yeux vers les cieux pour voir le résultat dont il était certain. La voix de Dieu, ensuite la voix de l’homme, tel est l’ordre normal dans le domaine de la prière. La mise en pratique de cet ordre donnera toujours des résultats admirables.

2. Par la Bible, vers Dieu

Il s’agit donc d’exercer notre oreille intérieure; nous y parviendrons, une fois l’extrême jeunesse passée, par l’intermédiaire des yeux. Ce que Dieu a dit à d’autres a été écrit pour nous. Nous entendons par nos yeux; l’œil ouvre le chemin de l’oreille intérieure. Dieu se révèle dans son Livre; Il S’y révèle maintenant encore et, par lui, Il nous parle. Toute la question est là: apprendre a connaître Dieu. Il se manifeste à nous par Ses propres paroles et par celles de Ses messagers. Il se manifeste également par Son action parmi les hommes. Chaque fait, chaque expérience que nous trouvons dans la Bible reflètent l’image de Dieu; c’est par elle que nous pouvons le voir.
Il faut étudier la Bible, non pour elle-même, mais pour y trouver la connaissance de Dieu. Le but de cette lecture est non pas la Bible, mais Dieu révélé en elle. Tel ira à l’Université et suivra des cours sur la Bible; il augmentera ses connaissances, enrichira son vocabulaire, mais il pourra retirer de cette étude les idées les plus erronées sur Dieu. Tel autre suivra des cours de droit, étudiera les codes du premier des juristes; il obtiendra une compréhension claire et nette des actes de Moïse, mais, malgré tout, il pourra rester parfaitement ignorant de la nature de Dieu.
Une autre personne pourra se rendre à une école biblique, y devenir capable d’analyser et de synthétiser, d’esquisser le plan de telle ou telle partie de la Bible, d’exposer le contenu de divers chapitres; bref, elle pourra posséder toute une connaissance précieuse et indispensable et néanmoins être incapable de comprendre Dieu, de comprendre Son amour et Sa volonté admirables. Ce n’est pas le Livre que nous devons apprendre, mais Dieu par le Livre; ce n’est pas la vérité que nous devons saisir, mais, par l’intermédiaire de la vérité, Dieu lui-même, qui est la Vérité.
Nous trouvons dans #2Sa 23:9-10, un récit extraordinaire à propos d’un des vaillants guerriers de David. Il y eut un jour une attaque soudaine des Philistins contre le camp israélite. Les Philistins étaient l’ennemi héréditaire; le seul mot de Philistin frappait de terreur les Hébreux. Or, tous les hommes d’armes étaient absents. Seul, cet homme était là. Tranquillement et rapidement il saisit son épée et frappa en tous sens: en haut, en bas, à gauche, à droite; il fit terrible besogne, si bien que l’ennemi tourna les talons et s’enfuit. Et, détail curieux, les muscles de la main du héros devinrent si raides qu’elle resta attachée à la poignée de l’épée. L’homme et l’épée ne faisaient qu’un dans ce combat singulier contre l’ennemi héréditaire. Quand nous, à notre tour, nous serons tellement pénétrés par la Bible et par l’Esprit qui est en elle et la vivifie, que ceux qui nous entourent ne pourront
pas faire la démarcation entre l’homme et l’Esprit de Dieu qui est dans l’homme, alors nous obtiendrons d’En-Haut le pouvoir surhumain de la prière pour mettre en fuite l’ennemi. Dieu et l’homme ne formeront qu’un dans l’action contre le mal.

3. Illuminé par l’Esprit

Je désire donner quelques simples conseils en vue de l’étude de la Bible, et, ce faisant, montrer comment elle mène à Dieu. Ceci nous permettra de revenir sur des sujets déjà traités, car une partie de ce qui va suivre a déjà été exposée, sous un angle différent, il est vrai. Insistons tout d’abord sur la notion du temps. Nous devons mettre à part au moins une demi-heure par jour quand l’esprit est encore frais. Un esprit fatigué ne saisit pas facilement les choses. Il faut persister, persévérer dans cette lecture et garder l’esprit en repos et à l’abri de toute distraction.
Ce temps, de plus, devrait être consacré à la Bible elle-même. Si on consulte ou si on lit d’autres livres, ce qui est parfaitement légitime, que cela soit après la lecture de la Bible. Laissez Dieu vous parler directement plutôt que par l’intermédiaire de quelqu’un d’autre. Abandonnez-vous tout d’abord à Lui; donnez au Livre par excellence la première place sur votre table, et donnez aux autres livres la seconde place.
De plus, lisez dans un esprit de prière, car c’est dans cet esprit que nous apprenons à prier.
L’Ecriture ne révèle pas sa douceur et sa force à l’homme intelligent, mais uniquement à l’homme éclairé par l’Esprit. Ce qui nous ouvrira les portes de la vraie connaissance, ce sont nos facultés mentales naturelles illuminées par la claire lumière du Saint-Esprit. J’ai parfois demandé la signification de certains passages à un savant éclairé. Il m’expliquait les tournures orientales, faisait d’habiles distinctions philologiques, me donnait la traduction la plus exacte; mais il ne semblait pas connaître le simple sens spirituel des mots que nous discutions. J’ai posé les mêmes questions à un vieux serviteur de Dieu; il n’avait aucune idée de la langue hébraïque, mais il sentait immédiatement la
profonde vérité spirituelle que les mots en question renfermaient.
Nos connaissances, si grandes et si développées soient-elles, seront toujours augmentées et approfondies par l’Esprit qui inspira les Saintes Ecritures.
Lisez avec réflexion. La lecture attentive est un art qui semble se perdre. Les journaux sont si nombreux, la littérature si abondante, que nous sommes devenus une race éclairée, mais non une race réfléchie. Le courant de nos connaissances est souvent très large; hélas! il n’a pas de profondeur. Luttez contre ce manque de profondeurs contre cette superficialité. Efforcez-vous de lire avec réflexion. La Bible renferme un mot très suggestif pour désigner ce genre de lecture: «méditer».
Méditer, c’est répéter une chose dans son esprit, la tourner en tous sens, la digérer.
Il est étonnant de remarquer combien d’aliment la Bible fournit à la méditation, en comparaison d’autres livres. On peut méditer les oeuvres de Tennyson, de Browning, de Longfellow; mais, soit dit sans vouloir diminuer ces nobles poètes qui sont mes auteurs favoris, ils ne nous donnent pas cette nourriture riche et abondante que nous trouvons dans la Bible. Le Livre de Dieu est unique par sa richesse et par sa fraîcheur. Il nous arrive de lire un passage pour la centième lois et de découvrir un nouveau sens que nous n’avions pas soupçonné.
Un autre conseil plus facile à donner qu’à suivre est de lire avec obéissance, c’est-à-dire, lorsque la vérité en appelle à notre conscience, de la laisser transformer notre vie et nos habitudes.
Obéissez à la lumière et vous l’augmenterez; —résistez-lui, vous amènerez la nuit.—Qui donc nous aidera à choisir notre voie—si nous perdons l’amour de la lumière. (Traduit de Joseph Cook)
Jésus nous donne la loi de la connaissance dans ses fameuses paroles: «Si quelqu’un veut faire la volonté de Dieu, il connaîtra si ma doctrine est de Dieu». {#Jn 7:17} Si nous faisons ce que nous savons devoir faire, notre connaissance en sera accrue. Si nous savons ce que nous avons à faire, mais que nous hésitions et refusions d’obéir, notre vue intérieure s’obscurcira et disparaîtra; le sens de ce qui est droit s’émoussera et se perdra. L’obéissance à la vérité, voilà ce qui éclairera toujours notre esprit.

4. Une rapide lecture

Il faut avoir un plan lorsqu’on lit, car, grâce à une idée directrice, les divers moments que nous passerons à lire la Parole seront groupés en un tout. Ayons un bon plan et tenons-nous-y. Il vaut mieux en avoir un assez bon, mais scrupuleusement suivi, qu’un excellent, mais appliqué sans régularité. Les nombreuses méthodes pour étudier la Bible peuvent être groupées sous trois rubriques
générales: lecture rapide à travers toute l’Ecriture, étude limitée, étude textuelle.
Nous faisons tous, d’une manière plus ou moins approfondie, une étude textuelle de la Bible; par exemple, en méditant une phrase ou un verset, pour en exprimer la vraie et profonde signification. De même, nous nous livrons tous à l’étude limitée de telle ou telle partie des Saintes Ecritures quand nous étudions un caractère ou recherchons certains passages concernant le même sujet. Le nom le plus prétentieux donné à ces études est Théologie biblique; elles consistent à trouver et ordonner tout ce que la Bible nous enseigne sur n’importe quel sujet.
Pour ma part, je tiens à affirmer que la lecture rapide ou cursive est la base de toute étude biblique; c’est la méthode simple, naturelle, scientifique. Elle est à la portée de toutes les intelligences. Je crus un temps qu’elle convenait surtout aux étudiants, mais c’était une erreur; j’ai actuellement la ferme conviction que c’est la méthode par excellence et qu’elle s’applique à tout et à tous. Elle est à la base de toutes les études qui ont pour but de faire connaître le Saint Livre, et c’est elle qui nous donne la plus complète compréhension possible ici-bas de notre Créateur.
J’entends par lecture cursive une lecture rapide, insouciante des divisions en versets, chapitres ou livres; une lecture comme le serait celle d’une histoire telle que: «Le Siège de Pékin» ou «Histoire d’un amour inavoué». La Bible évidemment inspire un respect tout autre; mais ce que je veux dire, c’est qu’il faut la lire avec la même méthode que celle employée pour lire le premier livre venu; la lire pour savoir ce qu’elle renferme. Lu de cette manière, aucun livre n’est plus fascinant que la Bible.
Commencez tout d’abord par la Genèse et parcourez-la rapidement, en gros. N’essayez pas de tout comprendre; vous ne le pourriez pas. Ne vous en inquiétez pas pour le moment, mais allez de l’avant.
N’essayez pas de vous souvenir de tout; n’y songez pas, mais retenez ce que vous pourrez; vous serez étonnés de ce dont vous vous souviendrez. Eh une demi-heure, vous lirez de dix à vingt pages, et, la fois suivante, vous recommencerez où vous en serez restés. Il suffira de quelques jours pour lire le livre de la Genèse en entier; tout dépendra des dispositions où vous serez et de votre manière de lire plus ou moins rapide. Toute la Bible est comprise dans la Genèse; c’est un livre admirable, fascinant. Rien que par ses anecdotes, ses intrigues, la rapidité de l’action, la beauté du langage, il dépasse infiniment tout livre humain.
Passons maintenant à l’Exode; c’est un livre semblable au précédent. Continuons notre lecture rapide, et abordons le Lévitique. Il ne faut pas essayer de le comprendre la première fois; vous n’y réussirez pas même à la centième, mais il est aisé d’en grouper le contenu. Ainsi, des chapitres parlent des offrandes, d’autres de la loi des offrandes; survient ensuite un incident; puis arrivent les prescriptions hygiéniques, et ainsi de suite jusqu’à la fin du livre. A travers toutes ces pages, nous apercevons l’image de Dieu et c’est là le point principal. Une seconde opération de cette lecture rapide consiste à réunir les différentes parties. Vous savez que l’ordre biblique n’est pas tout à fait chronologique; les livres de la Bible ont plutôt été classés d’après la matière qu’ils traitent. Nos esprits sont presque esclaves de l’ordre chronologique; ceux des Orientaux en usaient plus librement. Ouvrez votre Bible à la fin d’Esther et ensuite à la fin de Malachie. De la Genèse à Esther, c’est la partie historique, tandis que la deuxième partie est poétique et prophétique. Il y a évidemment de l’histoire dans la partie prophétique et des prophéties, de la poésie dans la partie historique; mais, en gros, la première partie est historique, la deuxième, poétique et prophétique. Les deux parties forment un tout, néanmoins; la deuxième peut s’intercaler dans la première; elle en fut retirée et mise à part lorsqu’on préféra la classification par genres à la classification chronologique.
La deuxième opération consistera à réunir, à introduire la poésie et la prophétie dans l’histoire.
Faites ce travail par vous-mêmes, comme s’il n’avait jamais été fait. En somme, il a été fait mieux que vous ne pourrez le faire, car vous n’éviterez évidemment pas certaines erreurs; sûrement vous serez embarrassés devant certains passages et ne saurez où les situer. Qu’importe! Le but est de se pénétrer de la Bible, d’en faire une partie de vous-mêmes; elle doit devenir os de vos os, chair de votre chair, mentalement et spirituellement; il faut boire à sa source. De ce travail sortira une nouvelle vision de Dieu, qui transformera radicalement le lecteur pieux. Cherchez à obtenir le sens historique et, pour cela, prenez le recul suffisant pour juger ce que tel ou tel fait signifiait pour ces gens, lorsqu’il se produisit.
Continuez cette étude à travers le Nouveau Testament, mais sans essayer de faire des quatre Evangiles un seul récit, en en fondant tous les détails. Efforcez-vous plutôt d’obtenir une claire vision de l’activité de Jésus pendant ces quelques années, comme nous la font connaître les quatre évangélistes. Introduisez, aussi bien que vous pourrez, les lettres de Paul dans le livre des Actes.
Vous vous rendez compte que cette méthode n’est pas à employer un mois, ni même une année, mais des années. L’étude limitée et l’étude textuelle découleront naturellement de cette rapide lecture.
Et, pendant que vous ferez connaissance avec ce livre classique merveilleux, vous aurez sous les yeux le style le plus magique que nous possédions, et mieux encore, vous introduirez dans vos âmes une conception de Dieu nouvelle, large, profonde et touchante.

5. La Bible, miroir qui reflète l’amour de Dieu

Il est vraiment stupéfiant de voir quelle lumière projettent certaines pages quand elles sont réintroduites dans leur place historique. Nous en avons un exemple #Ps 3:6: Je me couche et je m’endors; Je me réveille, car l’Eternel est mon soutien;
J’ai reçu mon instruction religieuse dans une vieille Eglise où l’on chantait ce Psaume.
Je le savais par cœur. Enfant, je supposais que la nuit était venue et que David dormait; il avait fait sa prière, était allé au lit, et dormait alors paisiblement. Voilà ce que ces versets me suggéraient. Mais la première fois que je fis cette lecture rapide à travers la Bible, mes yeux furent attirés, comme le furent évidemment souvent les vôtres, par l’en-tête du Psaume:—Psaume de David à l’occasion de sa fuite devant Absalom, son fils.
Sans tarder, je revins au 2° livre de Samuel pour trouver le récit mentionné. Voici le tableau que j’obtins: David, un vieillard à cheveux blancs, nu-pieds, est accompagné de quelques serviteurs fidèles, et c’est Absalom, son fils favori, qui vient à la tête des forces nationales pour s’emparer du royaume et de la vie de son propre père. Cette nuit-là, le grand roi coucha sur la terre nue, ayant pour toit le ciel étoile, et pendant qu’il cherchait le sommeil, il pouvait presque entendre la marche pesante de l’armée qui, passant sur les collines, guettait son trône et sa vie.
Une question maintenant: Pensez-vous que vous auriez beaucoup dormi cette nuit-là? Plus d’un, sûrement, serait resté tristement éveillé et aurait pensé toute la nuit: «Pauvre homme que je suis, chassé de mon royaume, de ma maison, par mon propre fils que j’ai aimé plus que ma vie!»
-Avouons que nous n’aurions guère dormi.
David, lui, parlant dans la suite de cette nuit d’angoisse, écrivit ces mots:
Je me couche et je m’endors;
Je me réveille (sous-entendu raffermi), car l’Eternel est mon soutien.
Eh lisant ces vers, ma pensée fut alors celle-ci: Je n’aurai plus d’insomnies, car je me confierai en Dieu.
Vous voyez par cet exemple quelle leçon de confiance en Dieu découle de ce psaume lorsqu’on le remet à sa place historique. Cette leçon, que je n’ai jamais oubliée, me raffermit et me fortifia. Quel Dieu que Celui qui peut donner le sommeil dans de telles circonstances!
Nous avons une autre illustration de la même idée dans le Nouveau Testament. A la fin de l’épître de Paul aux Philippiens, nous voyons que Paul est couché dans la cellule humide d’une prison. Il fait nuit, il fait froid. Le dos du prisonnier saigne des coups qu’il a reçus; ses articulations sont douloureuses et ses pieds sont meurtris par les fers.
Mais ce n’est là qu’une partie des circonstances historiques de cette épître; voici maintenant le reste: Paul est prisonnier à Rome. S’il essaie de reposer son corps en changeant de position, une chaîne fixée à ses chevilles lui rappelle le soldat couché à ses côtés. Veut-il écrire un dernier mot d’amour à ses vieux et fidèles amis, une chaîne retient son poignet, et c’est avec mille peines qu’il réussit à écrire cette lettre aux Philippiens qui résonne encore du bruit des chaînes.
Quel est le mot qui, dans cette épître, reviendra plus souvent que tout autre?—Patience? Assurément il serait de saison.—Endurance? Ce mot serait encore mieux approprié. Toutefois, ce n’est ni l’un ni l’autre, mais bien plutôt un mot en contraste absolu avec le décor qui entourait Paul. La souffrance est comme un nuage qui ne sert qu’à faire ressortir l’éclat du soleil.—Joie, réjouissance, allégresse! Voilà le cantique qui remplit cette lettre aux Philippiens. Quel Maître admirable que ce Jésus qui inspire de telles paroles à son disciple souffrant à cause de sa fidélité!
Chaque fait, chaque événement que rapportent ces pages est un miroir qui reflète la perfection de
l’amour divin.

Parole de Dieu, tu es mon appui
Pendant mon long pèlerinage.
Avec le sceptre d’or, je puis
Marcher en paix dans mon voyage:
Tout ce que mon Sauveur a dit
Est immuable comme Lui.
Parole du Père, tu es mon appui,
Toi qui es si douce et si pure
Et comme un invincible abri.
Tu es très forte et très sûre,
Toi, la charte de mon salut,
Sécurité de tout élu.
Sainte Parole, tu es mon appui;
La vérité, seule éternelle
Tu demeures quand tout finit,
Et ta beauté est immortelle.
Jamais tu ne me tromperas
Et toujours tu me soutiendras! (D’après Frances Ridley Havergal.)


CHAPITRE IV

La volonté de Dieu et la prière


1. Il vint chez les Siens

Le but de la prière, c’est l’accomplissement de la volonté de Dieu. Mais combien Dieu est étranger dans Son propre monde! Nul n’est plus calomnié que Lui. Il descend vers Ses créatures, mais elles Le laissent heurter à la porte, tel un pèlerin, le bâton à la main, et elles L’observent avec méfiance.
Certains d’entre nous se refusent à Lui confier pleinement leur vie et si la vraie raison en était connue, on découvrirait qu’ils ont peur de Dieu. Ils ont peur qu’il introduise quelque souffrance dans leur vie, quelque difficulté sur leur chemin. S’ils ont peur de Lui, c’est tout simplement qu’ils ne Le connaissent pas. La prière qui sortit du cœur de Jésus, en cette nuit tragique où il veillait avec les onze, était celle-ci:
«Qu’ils Te connaissent, Toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ.». {#Jn 17:3} Pour comprendre la volonté de Dieu, il faut comprendre Son caractère, il faut Le connaître Lui-même.
Il y a cinq mots que nous employons tous les jours et qui peuvent nous aider à nous faire une idée de Dieu; ce sont des mots familiers, d’un usage constant. Père est le premier. Le père, c’est la force, mais la force dans l’amour. Un père fait des plans pour les siens; il pourvoit à leurs besoins; il les protège. Réfléchissez au meilleur père que vous ayez connu; revoyez-le en pensée et dites-vous que Dieu est un père, mais qu’il est supérieur au plus parfait des pères que vous puissiez imaginer; et que sa volonté pour votre vie (je ne parle pas ici du ciel, ni de vos âmes) sa volonté pour votre vie, ici-bas
sur la terre, est la volonté d’un père pour ceux qu’il chérit.
Le deuxième mot est un mot encore plus beau; c’est le mot de Mère. Si le père incarne la force, la mère incarne l’amour, un amour grand, patient, tendre et durable. Que ne ferait-elle pas pour l’enfant qu’elle aime? Pour qu’il vînt au monde, elle descendit dans la vallée des larmes, et elle le fit avec joie, les yeux brillant de la lumière de l’amour. Et cette épreuve, elle la subirait à nouveau pour sauver la vie de son enfant. Voilà la mère! Pensez maintenant à la mère la plus parfaite que vous connaissiez ces mots évoquent dans ma mémoire des souvenirs bénis—puis souvenez-vous de ceci: Dieu est une
Mère, seulement Il est plus parfait que la plus parfaite des mères.
Les passages bibliques assimilant Dieu à une mère sont nombreux. «Sous ses ailes» est une image féminine. La poule rassemble ses poussins sous ses ailes pour les réchauffer et les protéger. Il est vrai que le mot mère n’est pas employé dans la Bible pour Dieu. Je suppose que cela tient à ce que l’expression Dieu le Père comprend aussi les qualités de la mère. Toute la force du père, tout le splendide amour de la mère, sont compris dans le mot de Père quand il s’agit de Dieu. Et sa volonté à notre égard est la volonté d’une mère, la volonté d’une mère prudente et aimante pour son enfant bien-aimé.
Ami est le troisième mot; et par là je n’entends pas le terme qu’aimablement et par politesse on applique à toutes sortes de connaissances. Tupper dit que nous qualifions d’amis tous ceux que nous ne considérons pas comme nos ennemis. Je prends le mot en un sens plus exact, plus profond. L’ami c’est celui qui vous aime d’une affection désintéressée, qui s’attache fermement à vous, sans penser à provoquer de la reconnaissance ou même à se faire aimer en retour. Les Anglais ont un dicton qui dit: «Vous pouvez remplir l’église de vos connaissances, mais vous ne remplirez pas les sièges de l’estrade de vos amis.» Si vous réussissez à avoir dans votre vie un ou deux vrais amis, vous êtes assurément très riches. Pensez maintenant au meilleur ami possible, puis méditez cette parole: Dieu est un ami, seulement il est meilleur que le meilleur des amis que vous puissiez connaître, et le plan qu’il a conçu pour votre vie correspond en grandeur à la grandeur de son amitié.
J’hésite à employer le quatrième mot, et pourtant je puis le faire sans crainte d’être mal compris. Mon hésitation provient de ce que le mot et ce qu’il implique ont souvent un sens trop superficiel, et cela même dans la société sérieuse: c’est le mot de fiancé. Il évoqué pour moi deux personnes qui se rencontrent et qui, peu à peu, passent d’une simple connaissance à l’amitié la plus profonde; cette amitié, à son tour, se transforme en un sentiment plus parfait, plus sacré. Que ne ferait-il pas pour elle? Elle devient le nouveau centre de sa vie; il baise le sol que ses pieds ont foulé; et elle, elle renoncera à la richesse pour embrasser la pauvreté, pourvu qu’elle puisse vivre avec lui dans les jours
à venir; elle quittera parents et amis et se rendra aux extrémités de la terre pour rejoindre celui qu’elle aime. Rappelez à votre souvenir les fiancés les plus parfaits que vous connaissiez, et permettez-moi de dire avec tout le respect dû à Dieu: Dieu est un fiancé, seulement Il est plus parfait que le plus parfait des fiancés que vous puissiez connaître, et Sa volonté, Son plan pour votre vie et pour la mienne est la volonté d’un fiancé pour celle qu’il chérit.
Le cinquième mot ressemble au quatrième, mais sa signification est plus complète, plus élevée c’est le mot époux. Epoux c’est le mot qui désigne les liens les plus sacrés sur terre; c’est l’apogée de l’union. Chez les hommes, toutefois, le mot d’époux n’est pas toujours plus beau que celui d’amant.
Quel crime! Comment l’homme ose-t-il amoindrir les plans de Dieu? Comment ose-t-il mépriser l’amande et préférer la coquille? Dans la pensée de Dieu, l’époux est l’amant parfait. Il est tout ce que le meilleur amant peut être; plus encore, car il est plus tendre, plus empressé, plus prévenant. Deux vies sont unies et commencent à vivre une seule vie; deux volontés sont fondues en une seule; deux personnes et pourtant une seule direction; c’est la dualité dans l’unité. Evoquez le type le plus parfait d’époux que jamais femme de votre connaissance ait eu, puis souvenez-vous que Dieu est un époux; seulement Il est infiniment plus prévenant que le plus prévenant des époux que vous puissiez connaître, et Sa volonté pour votre vie est la volonté, la sollicitude d’un époux pour l’amie et la compagne de sa vie.
Maintenant, que nul de vous ne choisisse un de ces mots et ne dise: «Celui-là me plaît.» Que nul autre ne dise: «Cette conception de Dieu est conforme à mes idées.» Nous diminuons Dieu par l’étroitesse de nos idées. Il faut accepter les cinq mots, admettre le sens parfait de tous les cinq, et les unir ensuite tous pour obtenir une idée exacte de l’Eternel, car Il est tout cela, et plus encore.
Vous remarquerez que Dieu est si grand, que la définition de ce qu’il est nécessite l’union de cinq qualités humaines. C’est un père, une mère, un ami, un fiancé, un époux. A l’appui de cette thèse je n’ai avancé aucun livre, aucun chapitre, aucun verset; mais vous savez que nous pourrions passer des heures ensemble à lire les nombreux passages qui appuieraient mes cinq affirmations.
La volonté de Dieu à notre égard, c’est de réaliser son plan si parfait; Sa volonté pense au corps, à la santé, à la force corporelle, à la famille et à ses préoccupations; elle s’applique à l’amitié, au choix du meilleur ami; elle comprend le travail quotidien, la vie tout entière et la totalité des vies humaines.
Dieu a pensé à tout cela, avec amour et avec prudence.
Une mère prudente et avisée ne pense-t-elle pas aux besoins de son enfant, aux exigences et aux attentions délicates qu’il réclame? Vous savez qu’il en est ainsi, et telle est aussi la sagesse de Dieu.

2. Le but unique de la prière

Le but de la prière est donc d’obtenir que la volonté de ce Dieu si parfait se fasse dans nos vies et sur la terre. La prière par excellence est celle-ci: «Que ta volonté soit faite!» Elle peut être exprimée sous mille formes diverses, accompagnée de mille détails différents, variant selon les circonstances, mais ces cinq mots en seront toujours la base. Il n’y a rien de vraiment bon auquel vous ayez pensé et que Jésus n’ait pas déjà prévu avant vous... en y ajoutant probablement quelque chose de plus.
Sachez, en outre, qu’il ne s’agit pas d’implorer Dieu à regret et de dire, en soupirant: «Ta volonté soit supportée; elle est amère, mais je dois m’y résigner en qualité de chrétien. Ta volonté soit supportée!» Non, pas cela, je vous en prie, ce serait calomnier Dieu. Il existe chez beaucoup une croyance superficielle qui charge le Créateur d’une foule d’accidents et de malheurs dont Il n’est pas du tout responsable; au contraire, Il dirige tous ses efforts, dans toutes les circonstances, en vue du meilleur résultat. Ah! s’il n’était pas obligé de lutter contre ces volontés têtues et faussées que Lui opposent les hommes! Avec infiniment de patience, d’habileté, de diplomatie, et aussi de succès, Il travaille sans cesse à démêler l’écheveau de la vie humaine embrouillé par la volonté do l’homme.
Il peut être utile de nous souvenir que Dieu a deux volontés pour nous, une supérieure, et l’autre inférieure. Il préfère toujours que sa première volonté soit accomplie en nous; mais, lorsque nous n’atteignons pas cette hauteur, Il descend jusqu’au point que nous avons atteint, et là travaille avec nous. Par exemple, la première décision de Dieu pour Israël était d’être lui-même leur Roi, car cette royauté devait mettre le royaume à part des autres pays. Hélas! pour le plus grand chagrin de Samuel, plus encore de Dieu, les Israélites demandèrent un roi qui vécût au milieu d’eux; et Dieu le leur donna. David le berger, le psalmiste et le roi, fut un homme selon le cœur de Dieu et le Sauveur du monde descendit de la lignée davidique. C’est ainsi que Dieu travailla au niveau qu’Israël avait choisi et vous savez comment Il sut tirer parti des conditions qu’on lui faisait. Quel travail ce fut! Toutefois, l’onction d’un premier roi et cette succession de rois n’étaient pas dans le plan original de Dieu; ce fut le résultat d’une deuxième décision prise, parce qu’Israël ne voulait pas accepter la première; Dieu fait toujours pour nous le plus qu’il peut faire par notre moyen.
Le premier plan de Dieu à l’égard de nos corps est évidemment de doter chacun de nous d’un corps robuste et sain; toutefois, il faut voir beaucoup plus haut que cette question de santé. Voilà pourquoi, malgré la douleur qu’il en ressent Lui-même, Il permet que la faiblesse et la maladie s’emparent de nous, car, étant donnée notre volonté, les biens plus élevés ne peuvent être atteints que par la souffrance. Mais quand la volonté humaine s’accorde avec la volonté de Dieu et qu’ainsi une plus grande perfection peut être obtenue, Il fait disparaître avec joie et empressement tout désavantage physique.
Deux causes au moins modifient la première volonté de Dieu à notre égard:
En premier lieu, notre consentement plus ou moins grand à Le laisser agir librement.
En second lieu, les circonstances particulières de la vie de chacun de nous. Chaque homme est le centre d’un cercle de personnes, cercle toujours changeant; si donc nous sommes unis à Dieu, Il peut parler, pour chacun de nous, à ce cercle qui nous entoure. Nos expériences avec Dieu, et Sa manière d’agir à notre égard dans toutes les circonstances de la vie, sont un message de Sa part à ceux qui sont autour de nous. L’effort de Dieu porte sur ce point: gagner des âmes. Diplomate hors ligne, tacticien admirable, il a néanmoins besoin de nous pour L’aider dans Son oeuvre. Nous devons consentir pleinement à ce que Sa volonté soit faite; mieux encore, nous devons être persuadés qu’il sait ce qu’il doit faire en nous et par nous dans les circonstances où nous nous trouvons, Dieu est économe; Il ne dilapide pas ses forces; Il les conserve pour le grand but qu’il a en vue.
Dans certains cas d’affliction, il peut y avoir de notre part une fausse soumission à ce que nous supposons être sa volonté; il arrive que nous n’acceptions pas tout ce qu’il a en vue pour nous. D’un autre côté, nous pouvons adresser à Dieu, pour une chose désirable, une prière raisonnée, sur le conseil d’un ami. Et par prière raisonnée, j’entends l’étude d’une déclaration de Dieu, son explication probable par un frère plus expérimenté, la connaissance de certains cas où un exaucement a été réclamé en s’appuyant sur cette déclaration, et enfin la conclusion que nous devrions faire la même chose. Le malheur, c’est que cette prière s’arrête à moitié chemin.
Prier par l’Esprit, au lieu de prier par le raisonnement, c’est sans doute faire cette déduction logique; mais c’est ensuite remettre tranquillement tout à Dieu pour savoir quelle est Sa volonté à notre égard dans telle ou telle, circonstance et au milieu des gens qu’il veut atteindre par nous.

L’Esprit d’adoption

Il y a dans l’épître aux #Ro 8:26-28, un passage remarquable sur la prière et la volonté de Dieu:
«De même aussi l’Esprit nous aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il nous convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables, et Celui qui sonde les cœurs, connaît quelle est la pensée de l’Esprit, parce que c’est selon Dieu qu’il intercède en faveur des saints.»
Rapprocher ces mots de ceux qui terminent le verset 15 (les versets 18 à 25 sont une parenthèse): «Vous avez reçu un Esprit d’adoption par lequel nous crions: Abba! Père!» C’est l’Esprit qui nous fait dire: Père; Père, c’est le cri de l’enfant, c’est aussi le cri de la prière: l’Esprit nous aide donc à prier.
Notre faiblesse consiste à ne pas savoir prier comme nous le devrions. Nous voulons bien prier, il nous tarde même de le faire, cela est hors de doute, mais nous ne savons pas comment prier, l’Esprit, lui le sait; il connaît parfaitement la volonté de Dieu; il sait ce que nous devons demander dans toutes les circonstances, et il est dans chacun de nous. Demeurant chez nous en qualité d’Esprit de prière, il nous incite à prier. Il nous conduit dans la solitude où nous pourrons plier les genoux dans le calme et la tranquillité. Où que nous soyons, il nous pousse à prier. Ses pensées ne peuvent être exprimées par nos lèvres, car elles ne correspondent pas à notre manière de penser. L’Esprit prie avec une intensité qu’aucun langage ne peut exprimer. Et «Celui qui sonde les cœurs» sait parfaitement ce que pense cet Esprit qui est en nous; Il comprend sa prière silencieuse, car Lui et l’Esprit sont un. Il reconnaît Ses propres intentions et Ses propres plans quand ils sont exprimés sur la terre, dans un homme et par Son propre Esprit.
L’Esprit d’adoption, qui habite en nous, exprime dans ses prières la volonté de Dieu. Il nous enseigne la volonté de Dieu; il nous apprend à la formuler; il formule en nous cette volonté divine. Il cherche à exprimer en nous la volonté de Dieu, c’est-à-dire à prier pour le plan que Dieu a conçu, avant que nous ayons clairement compris nous-mêmes quelle est cette volonté.
Il faut veiller à ce que notre âme soit sensible aux directions de l’Esprit qui réside en nous; et quand vient cet appel intérieur à la prière, lui obéir avec fidélité. Que nous sachions ou non ce que notre demande doit être, prions sans cesse, pendant que l’Esprit se sert de nous pour présenter sa propre prière.
La meilleure prière que nous puissions’ souvent présenter pour un de nos amis ou pour un sujet qui nous préoccupe, est de dire, après avoir exposé le cas aussi bien que nous le pouvons: «Saint-Esprit, formule en moi ce que le Père désire voir s’accomplir. Père, ce que l’Esprit formule en moi, c’est là ma prière au nom de Jésus.
Que ta volonté, ce que Tu désires, ce que Tu penses, puisse être fait complètement ici-bas.»

4. Comment connaître la volonté de Dieu

Nous devrions faire une étude de la volonté de Dieu; nous devrions nous rendre habiles à la connaître. Plus nous connaîtrons notre Père et plus aussi nous aurons l’intelligence de Sa volonté.
On peut dire que Dieu a deux volontés pour chacun d’entre nous, ou mieux que sa volonté se compose de deux parties; il veut, d’une part, nous sauver; de l’autre, diriger notre vie. La Bible nous montre qu’il veut notre salut: que nous serons sauvés, sanctifiés, purifiés, et que bientôt nous serons glorifiés en Sa présence. D’autre part, pour y parvenir, Il a conçu un plan particulier pour chacun d’entre nous. Il a tracé le plan de chacune de nos vies; aussi l’ambition la plus haute que nous puissions avoir est d’atteindre, de saisir ce plan. Il nous le révèle petit à petit, au fur et à mesure de nos; besoins. Lorsqu’on Lui consacre sa vie, Il! révèle quel service Il attend, où et quand Il l’attend; dans la suite, Il rend facile chaque pas en avant.
La connaissance de Sa volonté repose sur trois conditions, simples, il est vrai, mais essentielles. Nous devons être en communion avec Lui pour que nous soyons prêts à L’entendre. Nous devons nous réjouir de faire Sa volonté, parce que c’est Sa volonté. Il faut insister surtout sur la dernière condition. Après avoir observé les deux premières, beaucoup sont arrêtés par la troisième. La voici: Sa parole doit avoir la liberté de discipliner le jugement que nous portons sur Lui et sur Sa volonté.
Plusieurs hésitent devant les deux premières conditions; mais un plus grand nombre encore, malgré leur bonne volonté, sont arrêtés et démontés par la troisième: c’est qu’ils n’ont pas un jugement discipliné sur Dieu et Sa volonté. Si nous nous imprégnions, de la Bible dans un esprit de prière, notre jugement en ressortirait plus lucide. Il nous faut acquérir une idée générale de la pensée de Dieu, respirer Dieu Lui-même en lisant Sa parole. Dieu guérira dans son jugement et dans ses pensées l’homme faible, c’est-à-dire celui qui consent à abdiquer devant une volonté plus forte. {#Ps 25:9}
C’est le point de vue de Jean dans le passage fameux de la première épître: {#1Jn 5:14-15} «Nous avons auprès de lui cette assurance que, si nous demandons quelque chose selon Sa volonté, Il nous écoute. Et, si nous savons qu’il nous écoute, quelque chose que nous demandions, nous le savons, parce que nous obtenons ce que nous lui avons demandé.» Ces mots concordent absolument avec ceux de l’épître aux Romains que nous citions plus haut.
La première condition est donc d’apprendre à connaître la volonté du Créateur sur le sujet qui nous
occupe. Ceci obtenu, nous allons de l’avant et prions avec hardiesse; car, si Dieu désire quelque
chose et que nous le désirions aussi, notre union est assurée d’un complet succès.


CHAPITRE V

Pouvons-nous prier avec assurance pour la conversion de ceux que nous
aimons?

1. Comment Dieu pénètre dans une demeure.

Dieu désire ardemment racheter le monde. Dans ce but, Il a donné son propre Fils, Son unique, quoique le traitement subi par ce dernier déchirât son cœur de Père. Dans ce but également, Il a envoyé le Saint-Esprit pour accomplir dans les hommes ce que le Fils avait fait pour eux. Dans ce but encore, Il a confié à l’homme la plus grande de toutes les forces, la prière, pour que nous puissions devenir ses associés.
Toujours dans le même but, Il a établi les liens de parenté et d’amitié. Il gagne des hommes par les hommes. L’homme est le point d’arrivée et il est aussi le chemin; il est le but visé et il est le moyen d’approche, soit du côté de Dieu, soit du côté de Satan. Dieu ne veut pas pénétrer dans le cœur de l’homme sans son consentement et Satan ne le peut pas, comme nous l’avons dit plus haut. Dieu désirerait atteindre les hommes par les hommes et Satan ne peut pas les atteindre autrement. Ainsi Dieu nous a unis par le lien le plus fort qui unisse les hommes, le lien de l’amour, afin que nous puissions exercer une influence réciproque les uns sur les autres. La parenté nous lie particulièrement à l’homme et à la terre.
Quelques personnes sérieuses et particulièrement délicates m’ont demandé parfois s’il n’était pas égoïstes de s’inquiéter spécialement de ses propres parents, ceux pour lesquels le cœur s’émeut le plus vite de tendresse et pour lesquels les prières montent plus tendres, plus ardentes et plus fréquentes.—Mais si vous ne priez pas pour eux, qui donc le fera? Qui peut prier pour eux avec une ferveur aussi convaincue, aussi persistante que vous?—C’est justement dans ce but que Dieu nous a établis dans des relations d’affection personnelle et de parenté. Il nous unit les uns aux autres par les liens de l’amour pour que nous puissions nous préoccuper les uns des autres. N’y eût-il qu’une seule personne dans une demeure en contact avec Dieu, cette seule personne devient la porte par laquelle Il pénétrera dans la famille entière.
Toute relation crée une possibilité, et toute possibilité implique une responsabilité. Plus étroites sont les relations, plus grandes sont aussi les possibilités et partant la responsabilité.
Le désintéressement n’exige pas que l’on s’exclue du salut soi-même et sa parenté; il demande que l’on se mette à sa vraie place. L’humilité ne consiste pas à se torturer, mais à s’oublier en pensant aux autres. Non seulement il n’est pas égoïste de prier pour les siens, mais encore cette prière fait partie du plan de Dieu. Nous sommes responsables surtout de ceux qui nous tiennent de près.

2. L’esclavage d’un homme libre

La question de savoir si nous pouvons prier avec assurance pour la conversion de ceux que nous aimons est une de celles que l’on pose le plus souvent; il n’y en a pas de plus capable de nous émouvoir. Je me souviens d’avoir parlé un jour dans une église, sur ce sujet, de façon plutôt affirmative. A la fin de la réunion, une dame que je savais être instruite et cultivée, et qui était de plus une chrétienne, vint vers moi et me dit: «Je ne crois pas que nous puissions prier de cette manière.—
Et pourquoi? lui répondis-je. Elle se tut un instant, et l’agitation qu’elle réprimait, mais que ses yeux et ses lèvres néanmoins révélaient, me disait quelle lutte se livrait en elle; puis, tranquillement, elle me dit: «J’ai un frère, ce n’est pas un chrétien. Le théâtre, le vin, le club, les cartes, voilà sa vie. Et il se moque de moi. Je désirerais tellement le voir se convertir, mais—et ici on reconnaissait son esprit décidé et son éducation première—je ne crois pas que je puisse prier pour lui en toute franchise, car il est libre et Dieu ne veut pas sauver l’homme contre sa volonté.»
Voici ce que je lui répondis: «L’homme est libre autant qu’il s’agit de Dieu; il est tout à fait libre, voilà ce qu’on ne cesse de répéter. Mais il est le plus esclave des êtres dès qu’il s’agit de l’égoïsme et de l’opinion. Le but de notre prière n’est pas de forcer ou de restreindre la volonté de l’homme; cela, jamais; mais bien plutôt de l’affranchir des influences délétères qui le tiraillent en tous sens. Il faut enlever de ses yeux la poussière qui les aveugle et lui rendre la vue. Une fois qu’il sera libre, capable de bien juger, de peser les choses sans parti pris, il est fort probable qu’il se servira de son jugement pour choisir le droit chemin.»
Voici quelle est la prière idéale que j’adresserais dans un tel cas; c’est une adaptation des propres paroles de Jésus, et chacun peut l’offrir à Dieu en lui ajoutant les détails qu’il désire: «Délivre-le du mal et opère en lui Ta volonté pour lui, par Ton pouvoir et pour Ta gloire, au nom de
Jésus le Vainqueur.»
Cette prière s’appuie sur trois passages. Tout d’abord, #1Ti 2:4: «Dieu notre Sauveur qui veut que tous les hommes soient sauvés.» C’est là la volonté de Dieu pour ceux que vous aimez.
Deuxièmement, #2Pi 3:9: «Ne voulant pas qu’aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la repentance.» Telle est la volonté ou le désir de Dieu pour le cas qui nous occupe en ce moment. Le troisième passage se rapporte à nous qui prions; il nous dit qui peut adresser cette prière avec persévérance: «Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé». {#Jn 15:7}
Il y a dans la deuxième épître de Paul à Timothée {#2Ti 2:24-20} une déclaration qui illustre cette idée: «Or il ne faut pas qu’un serviteur de Dieu ait des querelles; —ne pas discuter, ne pas combattre—il doit avoir au contraire de la condescendance pour tous, être propre à enseigner; prêt et habile à donner des explications, à aider—il doit redresser avec douceur (ou instruire) les adversaires, dans l’espérance que Dieu leur donnera de se convertir à la connaissance de la vérité, de revenir à leur bon sens, d’échapper aux pièges du diable, qui s’est emparé d’eux pour les soumettre à sa volonté.»
Le mot délivre, tel qu’il est employé par Jésus dans la prière, cache un sens des plus saisissants. Il signifie proprement arrache. Voici par exemple un homme qu’on emmène captif et enchaîné. Il aime néanmoins son ravisseur et ne se soucie nullement de sa condition. Notre prière pour lui sera dès lors: «Arrache-le au Malin», et ce sauvetage aura lieu, car déjà Jésus a vaincu le ravisseur.
Il est absolument certain que nous pouvons assurer la conversion de ceux qui nous tiennent de près, par cette prière. Faite au nom de Jésus, elle chasse l’ennemi du champ de bataille qu’offre la volonté de l’homme et elle laisse celui-ci libre de choisir sa voie.
Notons une exception, une seule. Dans certains cas extrêmes, il arrive que nous ne puissions nous servir d’une telle prière; mais c’est qu’alors l’esprit de prière s’est retiré. De tels cas, il est vrai, sont rares; ce sont des cas extrêmes, et, quand ils se présentent, il n’y a aucun doute à avoir à leur égard; la situation est claire.
Je ne puis m’empêcher d’exprimer enfin la conviction—je le fais contre mon gré et préférerais pouvoir me taire—qu’il y a des gens sur cette pauvre terre qui sont en état de péché, parce que quelqu’un a négligé de mettre sa vie en contact avec Dieu et de prier.

3. L’endroit où Dieu n’est pas

Cela dit, je continue mon exposé pour en arriver à cette triste affirmation: Il y a un enfer. Il doit y avoir un enfer. Cette déclaration, du reste, n’a besoin d’aucun passage biblique pour l’étayer.
Philosophiquement, il doit y avoir un endroit méritant cette appellation qui évoque de si tristes associations d’idées. C’est le nom qui désigne l’endroit où Dieu n’est pas, l’endroit où Il rassemblera ceux qui persistent à L’exclure de leur vie. Exclure Dieu! Il ne peut pas y avoir de pire enfer que celui-là! Dieu parti! L’homme livré à tous ses penchants!
Je suis persuadé que l’enfer n’est pas ce que certains hommes ont représenté. Ce n’est pas ce tableau que je vis, enfant, et devant lequel je reculais terrifié. Soyons prudents à son égard et n’en disposons pas, en pensée ou en parole, pour telle ou telle personne que nous jugeons perdue. Quand elle est morte, le plus que nous puissions faire est de la remettre à Dieu qui est infiniment juste et personnifie l’amour.
Certaines sectes ont inconsidérément disposé de l’enfer, et, de nos jours, il s’est produit une réaction exagérée. Les deux extrêmes sont à éviter. Agissons avec bienveillance et néanmoins avec franchise. Nous devons avertir les hommes en toute sincérité. Nous connaissons les claires déclarations de la Bible d’après lesquelles ceux qui préfèrent ignorer Dieu seront perdus. Ce sont eux qui, de leur plein gré, ont choisi leur situation. Quant à nous, ne faisons pas de personnalités, gardons le silence devant la tombe et occupons-nous des vivants.
Un jour, à la fin d’une matinée où nous avions entretenu nos auditeurs de la Bible, une jeune femme vint me prier de lui accorder quelques instants. Elle me parla d’un ami, chrétien non pratiquant, pour qui elle avait beaucoup prié et qui était mort subitement. Pendant les instants qui précédèrent sa mort, il était inconscient et ainsi personne n’avait pu recevoir ses dernières confidences. Cette femme était très émue en me racontant cela, et, pour finir, elle me dit: «Il est perdu! Il est en enfer, et je ne pourrai plus jamais prier.»
Nous causâmes quelques instants et voici les renseignements qu’elle me donna. Son ami appartenait à une famille chrétienne, chez qui la Bible était en grand honneur. Lui-même était un homme qui réfléchissait et qui menait une vie droite. Il parlait à l’occasion de questions religieuses, mais jamais sa conversation n’avait trahi une foi personnelle en Christ. Sa santé était chancelante...
Tout à coup vint la fin. J’appris encore que, des années durant, cette femme avait prié pour sa conversion, qu’elle était une chrétienne convaincue et soucieuse du salut de ses frères.
Dans ce récit, nous nous trouvons en face de quatre faits: Cet homme savait comment aller à Dieu; il réfléchissait; il n’avait jamais confessé ouvertement le christianisme; enfin quelqu’un avait prié pour lui.
Peut-on savoir quelque chose de sûr touchant cet homme? Il y a deux sortes de connaissances: directe ou déductive. Je sais qu’il y a une ville qui s’appelle Londres, car j’en ai parcouru les rues.
Voilà la connaissance directe. Je sais qu’il existe une ville du nom de Saint-Pétersbourg, car, quoique je n’y aie jamais été, je suis persuadé de son existence par mes lectures, par les photographies que j’en ai vu, et par mes amis qui y ont été. Voilà la connaissance déductive.
Pour ce qui est de la destinée de cet homme après qu’il a été arraché à l’étreinte de ses amis, je n’ai pas de connaissance directe; par contre, j’ai une connaissance déductive très forte, parce que basée sur quatre faits. Trois de ces faits, à savoir le premier, le deuxième et le quatrième, sont en faveur de l’idée qu’il a dû être sauvé; le troisième n’est qu’une preuve dans aucun sens. Le facteur dominant est le quatrième fait; c’est lui qui a le plus de poids dans le jugement. Ce qui influe le plus, c’est la communion persistante avec Dieu de cette personne qui pria avec foi jusqu’au moment où l’homme fut emporté subitement. Ce fait, s’ajoutant aux autres, nous donne une ferme connaissance déductive touchant cet homme, et cela suffit pour réconforter et renouveler la foi dans la prière pour autrui.

4. L’homme agent du salut des siens

Nous ne pouvons pas lire dans la pensée d’un homme. Il est bien certain que, si, dans la dernière minute de sa vie, une créature regarde en suppliant vers Dieu, ce seul regard prouve que sa volonté est dirigée vers Dieu. Et cela est parfaitement suffisant. Dieu attend impatiemment ce dernier regard; il est avide de le voir. Il est hors de doute que plus d’une personne, au seuil de la mort, a levé les yeux vers Dieu, alors que nous ne pensions pas qu’elle avait sa connaissance et que, la voyant extérieurement inconsciente, les mouvements de son être subconscient nous échappaient. On peut être inconscient à l’égard de la vie extérieure et être néanmoins intimement conscient de la présence de Dieu.
Lors d’une autre réunion, je fus l’objet d’une autre confidence. Un homme d’esprit mûr et de jugement avisé me parla d’un de ses amis. Cet ami n’était pas un chrétien pratiquant. Or, un jour, il tomba d’un bateau; il plongea deux ou peut-être trois fois; il fut pourtant sauvé et ramené à la vie. Il racontait dans la suite avec quelle rapidité mille pensées, sa vie tout entière, se présentèrent à son esprit. Il eut nettement l’impression qu’il était perdu, mais il resta calme; il pensa à Dieu, il s’accusa de ne pas s’être confié en Lui, et en pensée il implora Son pardon. L’avenir montra en lui un chrétien pratiquant et convaincu. Ce simple exemple met en lumière toutes les possibilités de salut que Dieu offre à l’homme, et souvent sans que d’autres puissent s’en douter.
Ces paroles suffiront certainement à réconforter plus d’un cœur attristé, et de plus elles nous inciteront à prier incessamment et avec foi pour ceux que nous aimons, car le pouvoir de la prière est incommensurable. Dans tous les cas semblables, soyez persuadés que la prière est toute puissante.
Mais soyons prudents, très prudents ! Ne nous laissons pas entraîner trop loin, car ce serait folie que de s’appuyer sur de telles affirmations pour résister à un appel miséricordieux. Nous ne devons pas perdre une occasion d’avertir nos frères, en toute charité, avec amour, mais néanmoins avec franchise, du danger terrible de toujours renvoyer au lendemain quand il s’agit de Dieu. Telle personne pourra être enlevée si subitement qu’elle n’aura pas le temps de lancer un dernier regard vers les cieux, et même, si elle est sauvée, elle sera responsable de sa vie devant Dieu. Il nous faut des hommes qui vivent pour Jésus et gagnent des âmes à Sa cause; les récompenses, les préférences, les honneurs dans le royaume des cieux dépendront de la fidélité que nous lui aurons témoignée sur la terre. Qui donc désirerait être sauvé in extremis? Le fait important que nous devons sans cesse avoir devant les yeux, c’est que nous pouvons ouvrir à nos bien-aimés l’accès auprès de Dieu si seulement nous redoublons d’efforts dans la bataille.

5. Préparant les voies du Seigneur

Voyageant une fois dans les Etats qui se trouvent au delà du Mississipi, je fus mis en présence d’une illustration du pouvoir de la prière si typique, qu’elle me frappa immédiatement et me fut dans la suite d’un grand secours pour comprendre la prière.
Les faits parlent plus que les images. Si on pouvait savoir ce qui se passe autour de soi, que de surprises on aurait! Si nous pouvions saisir tous les faits dont se compose un événement, les avoir dans leur pureté, et posséder le jugement capable de les passer au crible et de les analyser, quels exemples stupéfiants du pouvoir de la prière nous seraient révélés!
L’histoire que je vais vous raconter a deux faces; nous étudierons tour à tour l’homme qui fut transformé et la femme qui pria.
L’homme, américain de naissance et d’éducation, vivait dans l’ouest des Etats-Unis. La nature l’avait pour ainsi dire gratifié d’un corps de géant et d’une intelligence spécialement brillante. Il exerçait la profession d’avocat. Encore enfant, il avait décidé, s’il devenait chrétien, de se vouer à la prédication. Hélas! il tourna au scepticisme; ses lectures furent toutes dirigées de ce côté, et ce fut dans cet esprit qu’il exerça sa profession. Il représentait au Congrès un des districts de son département, et le Congrès, à ce que je crois, était à sa quatrième période.
L’expérience que je raconte ici se produisit durant le Congrès où eut lieu le grand débat Hayes- Tilden {1}, le Congrès le plus passionnant qu’il y ait eu à Washington depuis la guerre civile. Ce n’était pas là un moment bien choisi pour penser à Dieu. Lui-même me dit qu’il connaissait plus ou moins tous les incrédules qui faisaient partie de la Chambre des représentants, dite Chambre basse, qu’ils se voyaient beaucoup et se fortifiaient réciproquement dans leurs idées par leurs conversations.
Un jour qu’il était en séance à la Chambre des représentants, au milieu de la discussion il eut la conviction que Dieu—ce Dieu en qui il ne croyait pas et dont il niait l’existence—était tout près de lui, pensait à lui et désapprouvait sa conduite à Son égard. Il se dit: «Voilà qui est absurde, parfaitement ridicule. J’ai trop travaillé; je ne suis pas assez sorti; j’ai la tête fatiguée. Je m’en vais faire quelques pas, prendre un peu le frais, et tout de suite je retrouverai mes esprits.»
Ce qu’il fit. Mais la conviction de la présence de Dieu ne fit que devenir plus intense; chaque jour elle s’imposait à lui avec une force plus grande. Des semaines passèrent. Il décida de rentrer chez lui pour s’occuper d’affaires particulières et prendre quelques mesures en vue de sa candidature comme gouverneur de son département. Et, autant que je puis le savoir ou juger de ces matières, les affaires marchaient à merveille; sa candidature prenait corps. Le parti auquel il appartenait avait la majorité, et en général le candidat qu’il choisissait était agréé par le peuple.
Il rentra donc chez lui. A peine eut-il pénétré dans la maison qu’il apprit que sa femme et deux de ses amies s’étaient unies dans la prière pendant des mois et que leur but avait été sa conversion. Immédiatement il pensa à la curieuse expérience qu’il avait faite à Washington et son intérêt fut éveillé. Désirant toutefois ne pas révéler cet intérêt, il demanda négligemment quand avaient commencé ces réunions quotidiennes. Sa femme lui donna la date. Il fit alors un rapide calcul. «J’eus alors, me dit-il, l’intuition immédiate que la date qu’on me donnait devait s’accorder exactement avec le jour où cette conviction de la présence de Dieu se produisit en moi.»
Cette coïncidence le frappa vivement. Homme loyal envers lui-même, il savait que la seule preuve d’un fait de ce genre, la seule preuve d’un tel résultat obtenu par la prière, devait entraîner en lui un changement complet. D’où une lutte intérieure terrible. Avait-il été dans l’erreur durant toute sa vie? Il retournait la question en tous sens, l’examinant comme un avocat qui veut établir une preuve.
«Comme honnête homme, me dit-il, j’étais obligé d’admettre les faits, aussi aurais-je pu me donner à Christ ce soir même.»
Quelques jours plus tard, il s’agenouillait dans une réunion tenue à l’Eglise méthodiste et abdiquait sa forte volonté devant celle de Dieu. Le désir de son enfance réapparut. Chrétien, il devait prêcher l’Evangile. Et comme Paul, il transforma complètement sa vie. Depuis cette époque, il n’a cessé de prêcher Christ ressuscité.
Voyons maintenant la deuxième phase de cette histoire, le côté intérieur. Nous y trouvons une leçon admirable.
Sa femme était chrétienne depuis des années déjà; sa conversion datait d’avant son mariage. Quelques conférences auxquelles elle assista dans son Eglise l’amenèrent à se donner plus complètement encore à Jésus-Christ et elle retira de cette consécration une nouvelle expérience de la présence et du pouvoir du Saint-Esprit. Elle fut prise d’un intense désir de voir son mari se convertir, et ce désir, elle en fit part à deux de ses amies qui se joignirent à elle dans une prière journalière et persévérante.
Comme elle priait dans sa chambre, ce fameux soir, elle fut prise d’une grande détresse en pensant à son mari et en priant pour lui. Elle était si troublée qu’elle ne trouvait aucun repos; enfin elle se leva, s’agenouilla près de son lit et pria. Comme elle était à genoux, plongée dans la prière, elle entendit en elle une voix qui disait: «Veux-tu en supporter les conséquences?» Elle tressaillit. Une telle chose était nouvelle pour elle. Elle ne savait ce que cela signifiait. Sans y faire attention, elle se remit à prier. Mais de nouveau la même voix tranquille chuchota à son oreille: «Veux-tu en supporter les conséquences?» Effrayée, elle se remit au lit pour dormir, mais le sommeil ne vint pas. Et de nouveau elle se mit à genoux, et de nouveau elle entendit cette voix calme et tranquille.
Alors, avec un sérieux qui révélait l’agonie qu’elle traversait, elle s’écria: «Seigneur, je veux supporter toutes les conséquences qui peuvent survenir, si seulement mon mari peut être amené à Toi.» Aussitôt l’angoisse disparut; une douce paix l’envahit et le sommeil ferma ses paupières. Elle pria des semaines, elle pria des mois, patiemment, incessamment, jour après jour. L’angoisse avait disparu et une douce paix remplissait son âme; elle avait l’assurance que sa supplication serait exaucée.
Quelles furent pour elles les conséquences de cette conversion? Elle était femme de député; elle allait être, autant qu’on peut en juger, la femme du gouverneur du département, atteindre le haut de l’échelle sociale. Elle est maintenant l’épouse d’un pasteur méthodiste, forcée de changer de demeure tous les trois ou quatre ans, suivant que son mari est appelé dans telle ou telle localité. Quelle différence de situation! Aucune femme n’est insensible aux différences sociales; toutefois, j’ai rarement vu femme plus belle et plus heureuse, de cette beauté et de ce bonheur que procure la paix de Dieu.
Sentez-vous la simple conclusion qui se dégage de ce récit? Le consentement de la femme donna à Dieu l’occasion de pénétrer la volonté du mari. Quand le chemin fut libre, sa prière fut une force spirituelle traversant instantanément des centaines de kilomètres et modifiant par sa présence l’atmosphère spirituelle.
Et nous, ne mettrons-nous pas notre volonté en contact avec celle de Dieu? ne plaiderons-nous pas sans cesse pour ceux que nous aimons? «Délivre-le du mal, accomplis en lui Ta volonté pour lui, par Ton pouvoir et pour Ta gloire, au nom de Jésus le Vainqueur.» Puis disons: «Amen, ainsi soit-il.» Non pas: «que cela puisse être ainsi; ce n’est pas un désir, mais «ainsi soit-il», c’est-à-dire confiance absolue dans le pouvoir de Jésus-Christ. Et ces vies seront gagnées, ces âmes seront sauvées.

{1} Hayes était candidat républicain à la présidence de 1876; Tilden était candidat démocrate. Une commission électorale nommée à ce sujet eut à trancher le conflit. Hayes fut nommé. Note du traducteur.)


QUATRIÈME PARTIE COMMENT JÉSUS PRIAIT

CHAPITRE PREMIER

Simple Esquisse

Quand Dieu voulut regagner le monde prodigue, Il envoya un Homme. Cet Homme, quoique plus qu’un homme, affirmait qu’il était vraiment homme. Sur chaque point, il était en contact avec la vie humaine, et aucun homme ne semble avoir mieux compris la prière, ni avoir prié comme il fit.
Comment donc pourrions-nous mieux conclure ces entretiens sur la prière qu’en nous groupant autour de sa personne et en étudiant sa manière habituelle de prier?
Une habitude est un acte répété si souvent qu’on l’accomplit inconsciemment, c’est-à-dire sans qu’une nouvelle décision de l’esprit ait à intervenir.
Jésus priait, il aimait à prier. La prière, parfois, était pour lui un repos. Il priait tellement et si souvent que cet acte devint une partie de sa vie; il priait en quelque sorte comme il respirait.
Il n’y a rien qui nous importe plus que de savoir prier. Nous pouvons nous instruire de deux manières: ou par l’enseignement d’autrui, ou par l’observation. La dernier moyen est le plus simple et le plus sûr. Comment pouvons-nous mieux apprendre à prier qu’en observant Jésus et en essayant de l’imiter? Non pas en étudiant ce qu’il disait de la prière, si importantes que soient ses déclarations à ce sujet; ni en considérant comment il recevait les requêtes des hommes pendant qu’il était sur la terre, malgré les enseignements que nous pouvons en tirer touchant Son attitude actuelle en face de nos prières; mais en observant comment Lui-même priait, quand il était dans les mêmes circonstances entouré par les mêmes tentations que nous.
Les Evangiles et les Psaumes sont les deux parties de la Bible auxquelles nous nous adresserons immédiatement pour obtenir la lumière. Dans les Evangiles, nous sommes mis en présence, du côté extérieur des habitudes de prière de Jésus, et, dans certains Psaumes, nous avons quelques aperçus du côté intérieur; ils sont peu nombreux, mais positifs.
Si nous prenons d’abord les Evangiles, nous y trouvons comme une esquisse de la manière de prier de Jésus. Cette esquisse est faite en quelques coups de plume, une ligne ici, une ligne là; il suffit parfois d’un seul mot ajouté par un écrivain au récit des autres pour mettre graduellement en lumière les traits d’une personne solitaire, les yeux levés au Ciel.
Parmi les quinze mentions que les Evangiles font de la prière de Jésus, il est intéressant de noter que Matthieu en donne trois, Marc et Jean chacun quatre; c’est Luc, le compagnon et l’ami de Paul qui nous fournit les plus nombreux renseignements.
Pour le dire en passant, cela n’explique-t-il pas cette autre esquisse que nous distinguons nettement dans les épîtres de Paul et où l’apôtre nous révèle sa magnifique vie de prière?
Matthieu, plongé dans les textes hébreux, parle aux Juifs du roi davidique qui leur a été promis. Marc, à la plume rapide, transmet l’activité incessante du Christ, cet admirable serviteur du Père. Jean dépeint le Fils de Dieu venant porter à la terre un message d’En-Haut; puis il nous Le montre quittant la terre et retournant dans la demeure paternelle. Luc, par contre, insiste sur le côté humain de Jésus-Homme, Jésus, un des nôtres. Et le Saint-Esprit, au travers de tout le récit de Luc, nous fait sentir que l’Homme-Jésus’ priait, qu’il priait beaucoup, qu’il avait besoin de prier, qu’il aimait à prier.
Et nous, vivant sur la terre, envoyés dans le monde avec la même mission que celle qu’il reçut de son Père, dans le même champ d’activité, pour combattre le même ennemi, dotés de la même force que donne le Saint-Esprit, ne comprendrons-nous pas que notre force consiste à vivre dans le plus étroit contact avec Celui qui nous a envoyés, et complètement à l’écart du monde?

CHAPITRE II

Coup d’œil révélateur sur la vie de prière de Jésus

Examinons rapidement, dans l’ordre chronologique, les quinze mentions fournies par les évangélistes.
La première se trouve dans Luc III Les trois autres Evangiles nous parlent du baptême de Jésus, mais c’est Luc qui ajoute «pendant qu’il priait.» Ce fut pendant qu’il priait qu’il reçut le don du Saint-Esprit. Il n’osait pas commencer sa mission publique sans cette onction qui avait été promise dans les écrits prophétiques. Maintenant il est dans les eaux du Jourdain; il attend et il prie jusqu’à ce que le ciel s’ouvre et que l’Esprit descende sur lui, sous forme d’une colombe, pour habiter en lui. La prière est une source de pouvoir; elle est elle-même une puissance. Lorsqu’on prie, on est fort. Prier, c’est entrer dans une telle union avec le Divin, que sa puissance, comme un courant électrique, puisse arriver jusqu’à nous sans perte et sans interruption.
La deuxième mention est faite par Marc, au chapitre premier. Luc» au chapitre quatre, fait allusion au même fait. «Dès que le jour parut, il sortit et alla dans un lieu désert.» Marc, plus explicite, nous dit au verset 35: «Vers le matin, pendant qu’il faisait encore très sombre, il se leva, et sortit pour aller dans un lieu désert, où il pria.» Il avait passé toute la journée précédente dans la ville qu’il affectionnait particulièrement, à Capernaüm. Il avait été occupé tout le jour au service de son Père, enseignant dans la synagogue et guérissant un démoniaque qui l’avait interrompu; puis il avait guéri la belle-mère de Pierre, et le soir on lui avait amené tous les malades et les démoniaques. Pendant une partie de la nuit, en passant au milieu d’eux, en les touchant simplement, il avait guéri ceux qui souffraient et délivré les possédés. Journée remplie et harassante s’il en fut.
A sa place, après une pareille journée, nous aurions ressenti le besoin de prolonger notre sommeil, car enfin il faut se reposer. Mais Jésus semble avoir eu, en plus du sommeil, un autre moyen de se reposer. Cette; nuit-là, il occupait probablement la chambre d’ami dans la demeure de Pierre et la maison se réveilla à l’heure habituelle. Le déjeuner fut préparé, mais on attendit pour se mettre à table que le Maître parût. Au bout de quelques minutes, la servante se rendit à la chambre de l’hôte et heurta légèrement. Pas de réponse. Elle heurta de nouveau et enfin entrouvrit la porte... et trouva la chambre inoccupée, «Où est donc le Maître? dit-elle.—Je crois que je le sais, répondit Pierre. J’ai remarqué que souvent il sortait le matin pour gagner quelque endroit tranquille où il peut être seul.»
Pierre et ceux qui étaient avec lui se mirent alors à sa recherche, car déjà toute une foule affamée de miracles remplissait la rue. Ils le cherchèrent donc ici et là, au flanc des collines, dans les bosquets d’arbres, et finirent par le découvrir priant avec calme dans la tranquillité. Ecoutez alors le cri impatient de Pierre: «Maître, la foule est grande, et tous te réclament», et mettez en opposition la réponse nette et calme du Maître: «Allons ailleurs, dans les bourgades voisines, afin que j’y prêche aussi; car c’est pour cela que je suis venu.» Il eût été plus facile de retourner à Capernaüm et d’avoir de nouveau affaire à la foule du jour précédent, que d’affronter le scepticisme de localités nouvelles; mais, pour Jésus, il n’y a aucun doute sur ce qui doit être fait. La prière éclaircit merveilleusement la vision; elle raffermit les nerfs; elle définit le devoir; elle renforce la volonté; elle assouplit et fortifie l’esprit. Plus ses journées étaient chargées, et plus il était fidèle au rendez-vous qu’il avait avec Dieu le jour suivant; plus son départ pour cette rencontre avec son Père était matinal, {#Esa 50:4} plus il dépensait de force, plus il laissait rayonner de puissance, et plus aussi il devait passer de temps seul à seul avec
Celui de qui découle toute puissance.
Nous trouvons la troisième mention de la vie de prière de Jésus dans Luc V C’est peu de temps après la scène que nous venons de décrire, et peut-être lors de ce voyage dont Jésus parlait à Pierre.
Dans une de ces nombreuses bourgades galiléennes, ému de cette compassion qui remplissait toujours son cœur, il avait guéri un cas avancé de lèpre, et le malade, sans s’occuper de l’ordre exprès qu’il avait reçu de Jésus, avait si largement publié sa guérison miraculeuse, que de grandes foules barraient le chemin à Jésus. Il résolut alors de se rendre dans la campagne. La multitude qui remplissait le village l’y suivit. Voyez maintenant ce que le Maître faisait: il se retirait dans les déserts et priait. Cette parole n’indique pas un acte isolé, mais une action habituelle, pratiquée des jours et des semaines durant. Obligé à cause de l’immensité de la foule de se retirer dans la solitude et, malgré ses efforts, poursuivi jusque dans sa retraite, il avait moins l’occasion d’être seul; il en ressentait toutefois un impérieux besoin; aussi, pendant que patiemment il continue son admirable travail, il recherche chaque occasion d’échapper de temps à autre à la foule et de prier.
Comme sa vie ressemblait à la nôtre! Sollicités par nos devoirs, par notre activité, par les besoins de ceux qui nous entourent, nous sommes fortement tentés de consacrer peu de temps à la méditation. «Cet ouvrage doit être fait, pensons-nous, bien que parfois il trouble et agite les minutes que nous donnons à la prière».—Non! proclame l’expérience du Maître. Non, ne mettez pas le travail à la première place, comptant sur la prière pour le bénir mais placez d’abord la prière: notre activité bénie d’avance par la prière n’en acquerra que plus de force. Plus le monde extérieur cherchait à envahir sa vie privée, et plus Jésus défendait l’heure de sa prière et le calme de son âme. Plus son esprit était tendu, et plus il donnait de temps à une prière que rien ne venait troubler.
Luc nous fournit la quatrième allusion; au chapitre VI, verset 12: «En ce temps-là, Jésus se rendit sur la montagne pour prier, et il passa toute la nuit à prier Dieu». Ceci se passe environ au milieu de la seconde année de son ministère. Il venait de faire des expériences décevantes avec les chefs spirituels de la Judée qui épiaient ses pas, critiquaient ses actes et jetaient des semences de scepticisme chez les Galiléens, gens à l’esprit simple et absolu. C’est le jour qui précède le choix des douze disciples et le Sermon sur la montagne. Luc ne nous dit pas que Jésus avait l’intention de passer toute la nuit en prière. L’esprit fatigué par les traits incessants et la haine infatigable de ses ennemis, pensant au travail si sérieux qui l’attendait le jour suivant, il sentit qu’il n’avait qu’une chose à faire. Il savait où trouver le repos, une douce compagnie, une présence apaisante et un sage conseil.
Dirigeant ses pas vers le nord, il rechercha la solitude de la montagne pour y méditer et pour prier. Et comme il priait, comme il écoutait et parlait sans même ouvrir les lèvres, la lumière du jour fit place au crépuscule et bientôt les étoiles brillantes de l’Orient s’allumèrent. Et toujours il priait, pendant qu’à ses pieds l’ombre s’épaississait et qu’au-dessus de sa tête le bleu du ciel devenait plus intense; le calme bienfaisant de Dieu enveloppa la nature et remplit l’âme du Christ d’une paix profonde. Fasciné par la présence adorable de son Père, il perdit toute notion de la fuite des heures, mais pria, pria jusqu’à ce que peu à peu la nuit fût écoulée. L’Orient s’empourpra, le sol de la Palestine, parfumé de la rosée d’une nuit orientale, se réchauffa au soleil renaissant. Et alors «quand le jour parut»—c’est ainsi que continue le récit—«Il appela ses disciples et il en choisit douze; il descendit avec eux et s’arrêta dans une plaine où se trouvait une foule d’autres disciples et une multitude de gens... et il les guérissait... et il les enseignait... car une force, sortait de lui». Y a-t-il là quelque chose d’étonnant après cette veillée d’armes? Si nos émotions, si nos inquiétudes étaient suivies de prière, si nos décisions et nos paroles étaient précédées d’une calme prière, quel pouvoir sortirait également de nous! Car il n’y a pas de différence entre ce qu’il était dans ce monde et ce que nous sommes.
La cinquième mention d’une prière de Jésus se trouve dans Matthieu IV et Marc VI Jean y fait allusion au chapitre sixième de son Evangile. C’était au début de la dernière aimée de son ministère.
Lui et ses disciples avaient été très occupés par les foules incessantes qui se groupaient autour d’eux. Ils venaient d’apprendre la fin tragique du Précurseur. Un repos physique s’imposait dans ces circonstances, aussi bien qu’un temps de calme, pour réfléchir aux obstacles que dressait l’opposition, alors à son apogée. Montant dans un bateau, ils se dirigèrent vers la rive est du lac. Mais la foule avide surveillait leurs mouvements et reconnaissant la direction qu’ils avaient prise, ils contournèrent le lac, coururent littéralement après eux et même les devancèrent. Quand Jésus sortit de la barque, comptant prendre ce repos si nécessaire, il y avait là sur la rive des milliers d’hommes qui l’attendaient.
Les disciples manifestèrent-ils quelque impatience en voyant qu’ils ne pouvaient pas même avoir un moment de repos? C’est fort probable et nous pouvons le présumer. Mais Jésus «fut ému de compassion» et, tout fatigué qu’il fût, il passa patiemment toute la journée à enseigner, et le soir, quand les disciples proposèrent de renvoyer la foule à cause du manque de nourriture, à l’aide de quelques pains et de quelques poissons il rassasia cette foule de cinq mille personnes et plus.
Il n’y a rien qui ait frappé davantage les peuples de tout temps et de tout pays que cette puissance de fournir des vivres en abondance. Des milliers de gens s’endorment chaque soir ayant faim; c’était le cas ce jour-là. Aussitôt un fort courant populaire se dessina dans cette multitude; ils voulaient mettre à leur tête ce chef admirable et secouer le joug des Romains. Ils pensaient que si seulement Jésus consentait, le succès était sûr.
Cette manifestation ne se rapproche-t-elle pas étonnamment des propositions que Satan lui avait faites dans le désert? C’était bien une tentation, alors même qu’elle ne trouvait aucun écho en lui.
Avec l’influence étonnante que sa présence exerçait parfois, il calma le mouvement et força {1} les disciples à monter dans la barque et à passer avant lui de l’autre côté pendant qu’il renvoyait la foule. «Quand il l’eut renvoyée, il s’en alla sur la montagne et continua de prier jusqu’au matin.» Une seconde nuit passée en prière! Fatigué physiquement, l’esprit frémissant à l’approche d’un événement qu’il pressentait déjà, sa mort tragique, il a de nouveau recours au remède infaillible: la solitude et la prière. C’est par elles en effet qu’il surmonte toutes les difficultés, triomphe des tentations et pare à tous les besoins. Combien nous, ses disciples d’aujourd’hui nous nous rendons peu compte du temps
que consacrait à la prière cet Homme qui la comprenait et la pratiquait si bien!

{1} Ce mot énergique n’indiquerait-il pas qu’il y a peut-être eu une entente entre les disciples et les chefs révolutionnaires


CHAPITRE III

Dans l’ombre grandissante

Nous comprendrons probablement mieux les autres exemples de prière que nous allons citer, si nous nous souvenons que Jésus est maintenant dans la deuxième année de son ministère, et que ses rapports avec les chefs du peuple ont atteint cet état aigu qui précède la rupture finale. L’ombre terrible de la croix assombrit toujours plus son chemin; la haine du diable croît, elle aussi, de plus en plus en intensité. Les qualités nécessaires pour être un de ses disciples sont mises en relief par les circonstances; l’incapacité de la foule, de ses disciples et d’autres gens encore, à le comprendre, apparaît clairement. Beaucoup de ceux qui s’étaient donnés à lui reculent maintenant, et Jésus s’efforce de trouver plus de temps pour entretenir les douze. Nous le voyons se rendre dans des lieux éloignés du centre de la vie juive et même franchir les frontières du pays avoisinant. Les épreuves et
les expériences à venir—et spécialement la scène qui aura pour théâtre une petite colline hors des murs de Jérusalem—semblent ne pas quitter ses pensées.
Le sixième passage nous est fourni par Luc IX Jésus et ses disciples sont dans le nord du pays, dans les environs de la ville romaine de Césarée. «Un jour que Jésus priait à l’écart, ayant avec lui ses disciples...» A l’écart, c’est-à-dire loin de la foule curieuse. Il semble que Jésus veuille rendre plus intime le contact entre sa vie intérieure et celle des douze. Il semble aussi qu’il ait voulu essayer de leur communiquer ce même amour pour la solitude et la prière qui remplissait son cœur. Peut-être aussi qu’il voulait simplement accroître cette belle et profonde camaraderie qu’il avait inaugurée avec ses disciples. Il prenait plaisir à l’amitié sincère, telle que la pratiquaient Pierre, Jacques et Jean, Marthe et Marie, et d’autres encore. Or, il n’y a pas d’amitié qui puisse se comparer à l’union dans la prière.
«Il est une place où les esprits s’unissent,—Où l’ami s’unit à son ami; —Une place plus que tout autre propice.—C’est le jardin de la miséricorde—Qui fut acheté au prix du sang.»
La septième allusion se trouve au même chapitre IX et mentionne une troisième nuit de prière. Matthieu et Marc parlent aussi de la transfiguration, mais c’est Luc qui nous déclare que Jésus monta sur la montagne pour prier et que ce fut comme il priait que l’aspect de son visage changea. Sans nous arrêter à étudier le but de cette merveilleuse manifestation de sa gloire divine à ces trois disciples seuls, à l’heure où l’abandon et la haine se faisaient le plus sentir, qu’il nous suffise de noter que ce changement se produisit pendant qu’il priait. Transfiguré pendant qu’il priait. Et, à ses côtés, se tenaient Moïse et Elie, qui, des siècles auparavant, avaient passé des heures nombreuses seuls avec Dieu. La glorieuse lumière qui émanait de la présence de Dieu transfigurait son visage, sans qu’il en fût conscient. Transfiguré par le contact avec Dieu! Nous, à qui le Maître a dit: «Suis-moi», n’irons-nous pas aussi avec Lui et Sa divine parole, le visage découvert, c’est-à-dire l’esprit dégagé des préjugés et de l’égoïsme, pour que, contemplant dans un miroir la gloire de Sa face, nous soyons de plus en plus transformés en la même image. {#2Co 3:18}
Nous trouvons la huitième mention dans Luc X Jésus avait choisi un certain nombre de disciples et les avait envoyés deux à deux dans tous les lieux où lui-même devait aller. Ils étaient revenus avec de joyeuses nouvelles, parlant du pouvoir qui les avait assistés dans leur travail. Se tenant au milieu d’eux, le cœur débordant de joie, il leva les yeux comme s’il voyait la face du Père et il manifesta l’allégresse qui remplissait son âme. Il paraissait être toujours conscient de la présence paternelle et pour lui c’était chose toute naturelle que de Lui parler. Ils étaient toujours assez proches pour s’entretenir et leur entretien n’avait pas de fin.
La neuvième mention est contenue dans le onzième chapitre de Luc; elle ressemble beaucoup à la sixième: «Jésus priait un jour en un certain lieu. Lorsqu’il eut achevé, un de ses disciples lui dit: «Seigneur, enseigne-nous à prier.» Ses disciples, sans doute étaient des hommes de prière, et Jésus avait dû les en entretenir souvent. Mais, remarquant quelle place considérable la méditation occupait dans la vie de leur Maître et quels merveilleux résultats en étaient la conséquence, le fait qu’il y avait dans la prière un pouvoir extraordinaire, un secret important dont ils étaient ignorants, s’imposa à eux avec force. Ils pensèrent qu’ils ne savaient vraiment pas comment il fallait prier; d’où leur demande.
Cette requête, plus que toute autre, dut réjouir Jésus. Enfin, ils prenaient conscience du pouvoir secret caché dans la prière.
Puisse cette simple revue des prières de Jésus avoir le même effet sur chacun de nous, nous pousser à rechercher la solitude avec Dieu et à Lui faire cette même sérieuse demande. Le premier pas pour apprendre à prier est de s’écrier: «Seigneur, enseigne-moi à prier.» Et qui mieux que Lui pourra nous l’enseigner?
Le dixième passage se trouve dans Jean XI; c’est la deuxième des quatre supplications instantes de Jésus. Toute une société est réunie près du village de Béthanie, au bord d’une tombe dans laquelle, depuis quatre jours, repose le corps d’un jeune homme. Marie est présente; elle pleure. Marthe est là aussi, maîtrisant son émotion. Elles sont entourées de quelques amis personnels, d’habitants du village et de connaissances venues de Jérusalem. Sur l’ordre de Jésus, après quelques hésitations, la pierre de la tombe est roulée de côté. Et Jésus, levant les yeux, s’écrie: «Père, je te rends grâce de ce que tu m’as exaucé. Pour moi, je savais que tu m’exauces toujours; mais je parle ainsi à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé.»
Avant de se rendre à la tombe, Jésus, évidemment, avait prié en secret pour la résurrection de Lazare, et ce qui suivit lut la réponse à sa supplication.
Comme ce fait rend manifeste que le merveilleux pouvoir révélé dans la brève carrière du Christ eut pour source la prière!
Quelle liaison extraordinaire entre sa vie active, universellement admirée, alors et depuis, et sa vie intérieure dont nous n’avons que des lueurs passagères! Le plus grand pouvoir confié à l’homme est sans contredit celui de la prière. Mais combien parmi nous sont infidèles à la confiance qui leur est témoignée, en n’utilisant pas ce pouvoir étrange placé entre leurs mains.
Remarquez aussi l’entière confiance de Jésus en Dieu qui écoute sa prière: «Je te rends grâces de ce que tu m’as exaucé.» Rien de visible n’étayait cette certitude. Au contraire, car le corps était dans la tombe depuis quatre jours déjà. Mais Jésus était confiant, comme voyant Celui qui est invisible. La foi est aveugle aux choses de la terre; elle ne peut voir que le ciel. Elle est aveugle aux impossibilités et sourde au paroles de doute. Elle n’écoute que Dieu; elle ne voit que Sa puissance et agit en conséquence. La foi ne consiste pas à croire que Dieu peut, mais qu’il veut. Une telle foi ne peut résulter que d’une union constante avec le Père, et sa source c’est la chambre close, le temps mis à part, la Bible; de plus, il faut une oreille attentive et un cœur apaisé pour l’amener à son développement.
Le douzième chapitre de Jean nous donne la onzième mention. Deux ou trois jours avant le fatal vendredi, quelques Grecs, venus pour assister à la Pâque juive, recherchèrent une entrevue avec Jésus. Cette démarche semble avoir évoqué en lui une vision du monde des Gentils pour lequel son cœur brûlait si vivement et qui venaient à lui pour obtenir ce que lui seul, pouvait donner. Au même instant, une autre vision, lugubre celle-là, traversa la première, une vision qui n’était jamais absente de ses pensées, celle de la croix. Reculant d’horreur devant elle, sachant toutefois que la première ne pouvait se réaliser que grâce à cette suprême épreuve, il s’écrie, oubliant pour un moment ceux qui l’entouraient, se parlant à lui-même: «Maintenant mon âme est troublée. Et que dirai-je?... Père, délivre-moi de cette heure!... Mais c’est pour cela que je suis venu jusqu’à cette heure; voici ce que je dirai—et ici le conflit intense qui se livrait dans son âme se termine par la complète victoire de sa volonté soumise—«Père, glorifie ton nom!» Et aussitôt que la prière fut prononcée, une voix vint du ciel: «Je l’ai glorifié et le glorifierai encore.» Comme le Ciel doit être près de nous! Comme le Père entend rapidement! Il doit être sans cesse attentif à nos prières, impatient de saisir fût-ce le plus faible murmure qui s’échappe de nos lèvres.
Les spectateurs de cette scène, assourdis par les bruits de la terre, inaccoutumés à entendre les voix célestes, ne purent rien comprendre du tout, mais Lui avait une oreille exercée. #Esa 50:4 (passage éminemment prophétique) nous suggère comment il se fait que Jésus pouvait comprendre cette voix si facilement et si rapidement: «Il éveille, chaque matin, Il éveille mon oreille, pour que j’écoute comme écoutent les disciples.»
Pour prier, il est aussi nécessaire de savoir entendre que de savoir parler. Pour l’un comme pour l’autre, l’entretien matinal avec Dieu est chose essentielle.


CHAPITRE IV

Sous les oliviers

Le douzième passage se trouve dans Luc XII C’est le jeudi soir de la semaine de la Passion.. Jésus et ses disciples sont réunis à Jérusalem, dans la chambre haute, et là, ils célèbrent la vieille fête de Pâque, instituant en même temps la nouvelle Pâque chrétienne. Mais cette heure consacrée elle-même est troublée par l’égoïsme des disciples. Jésus, avec la patience et l’amour qui le caractérisent, leur donne cet admirable exemple d’humilité que relate le treizième chapitre de Jean. Il leur explique avec douceur ce qu’il attend de ses disciples et, se tournant vers Pierre, qu’il interpelle par son ancien nom, il lui dit: «Simon, Simon, Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point.» Il avait prié spécialement pour Pierre. Voici aussi une de ses habitudes de prière: prier pour les autres, et cette habitude bénie, il ne s’en est pas départi. Il est capable de sauver jusqu’à la fin ceux qui s’approchent de Dieu par son intermédiaire, car il vit toujours pour intercéder pour eux. Assis maintenant à la droite du Père, dans la gloire, il prie pour chacun de ceux qui se confient en lui.
La treizième mention est bien connue. Elle est contenue dans le chapitre XVII de Jean. Ce chapitre renferme les dernières paroles de Jésus au monde. Du chapitre XIII à la fin du dix-septième, nous trouvons Jésus seul avec ses disciples. Lorsqu’on lit cette prière avec attention, on découvre que Jésus s’appuie sur la certitude que son oeuvre sur la terre est terminée (quoique la scène principale soit encore à venir); désormais il va rentrer en la présence de Son Père et être réinstallé à nouveau dans Sa gloire. Cette prière nous donne une idée de la prière qu’il adresse maintenant pour nous, de sa prière en qualité d’Intercesseur ou de Grand-Prêtre. Pendant trente ans, il a vécu une vie de perfection; pendant trois ans et demi, il a parlé aux hommes de la part de Dieu; depuis dix-neuf siècles, il est un Grand-Prêtre parlant à Dieu au nom de l’humanité. Lorsqu’il reviendra, il sera Roi et gouvernera les hommes au nom de Dieu.
Le quatorzième texte nous amène dans les limites sacrées du jardin de Gethsémané, un des endroits que Jésus affectionnait tout particulièrement pour prier. Cette scène est relatée dans Matthieu XXVI, Marc XIV et Luc XXI
Approchons-nous avec le plus profond respect de cet endroit, car c’est un lieu saint. La scène se passe également le jeudi, mais un peu plus tard; cette journée avait été extraordinairement remplie et pourtant elle devait être encore fertile en incidents. Après l’entretien de la chambre haute et la prière si simple et si magnifique que Jésus y prononça, le Maître conduit ses disciples hors de la ville; ils passent le Cédron rapide et boueux et pénètrent dans le bosquet d’oliviers qui le domine. Jésus ne devait pas dormir cette -nuit-là. Dans une heure ou deux, les soldats romains et la populace juive, conduits par le traître, allaient venir le chercher. Jésus entendait donc passer dans la prière les instants qui lui restaient.
A cause de ce besoin de sympathie qui apparaît si fort durant ces derniers mois, il prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et se retire dans la partie la plus sombre du jardin; et c’est là qu’eut lieu ce combat intérieur étrange et terrible. Il semble que ce soit le renouvellement du conflit qu’il eut à subir {#Jn 12} lorsque les Grecs vinrent le trouver; mais ce fut infiniment plus douloureux. Lui qui se savait sans tache, il commençait maintenant à éprouver dans son esprit ce qu’il allait éprouver en fait dans quelques heures, à savoir qu’il allait être fait péché pour nous. Et cette effrayante vision s’empare de
lui avec une force si terrible qu’il semble que son corps ne supportera pas l’effort de cette agonie mentale. L’épreuve, qu’il subit réellement le jour suivant, produisit une agonie telle que ses forces physiques l’abandonnèrent. En effet, il ne mourut pas des souffrances physiques qu’il endura, si atroces fussent-elles; mais son cœur se brisa sous l’effet de sa souffrance intérieure. Il n’est pas possible à une âme pécheresse de juger avec quelle crainte et avec quelle horreur l’âme pure de Jésus vit s’approcher le moment où il allait entrer en contact avec le péché d’un monde entier.
Silencieusement, pleins d’un saint respect, nous suivons cette forme solitaire à travers les arbres; parfois il est à genoux; par moments, il se jette la face contre terre et reste étendu sur le sol. Il priait, demandant que, si c’était possible, cette heure pût passer loin de lui. Un fragment de cette prière parvient à nos oreilles: «Abba, Père, toutes choses Te sont possibles. S’il est possible que cette coupe s’éloigne de moi! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que Tu veux.» Nous ne savons combien de temps il resta en prière, mais la tension de son esprit était si grande qu’un ange lui apparut pour le fortifier. Ensuite, «étant en agonie, il priait instamment, et la sueur devint comme des grumeaux de sang, qui tombaient en terre.» Quand, enfin, il se relève, après ces instants de lutte et de prière si intense, la victoire semble être remportée, et quelque chose du calme d’autrefois réapparaît sur ses traits. Il se rend vers les disciples endormis; soucieux de les préparer à l’épreuve suprême, il leur recommande de prier; puis il retourne dans la solitude, toujours pour prier; mais le changement qui s’opère dans sa prière nous révèle qu’il a remporté la victoire intérieure: «Mon Père, s’il n’est pas possible que cette coupe s’éloigne sans que je la boive, que Ta volonté soit faite!» La victoire est complète; la crise est passée. Il s’abandonne à cette épreuve terrible qui, seule, peut faire aboutir l’adorable plan de rédemption de Dieu pour un monde qui, sans cela, périrait. De nouveau Jésus retourne vers ses pauvres disciples si faibles; puis il regagne encore la solitude pour se fortifier davantage dans la communion avec son Père. Voici maintenant les torches qui brillent dans les ténèbres et qui lui disent: «L’heure est venue!» Le pas ferme, une paix merveilleuse illuminant son visage, il va au-devant de ses ennemis.
C’est ainsi qu’il surmonta la plus grande crise de sa vie de prière.
Vient enfin la quinzième et dernière mention. Des sept paroles que Jésus prononça sur la croix, trois sont des prières. Luc nous dit que, pendant que les soldats enfonçaient les clous dans ses mains et ses pieds et pendant qu’ils dressaient la croix, lui, le Christ, ne pensant même pas à lui, mais aux autres, s’écria: «Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font.»
C’était à l’heure du sacrifice du soir, à la fin de cette étrange période de ténèbres qui jetèrent leur voile sur la nature entière, après un silence de trois heures, qu’il jeta ce cri déchirant: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-Tu abandonné?» Un peu plus tard, un cri triomphant montra que sa tâche était accomplie, et ses dernières paroles furent une prière qu’il prononça dans la paix, avant de rendre l’âme: «Je remets mon esprit entre Tes mains.»
Ainsi son dernier souffle fut encore une prière.


CHAPITRE V

Dernier coup d’œil sur la vie de prière de Jésus

Pour clore cette étude, je pense qu’il sera utile au lecteur d’avoir un tableau d’ensemble de ces différents passages.

1. Heures de prière de Jésus.

—Il semble qu’il ait consacré habituellement les heures du matin à la méditation et à la prière; c’est alors qu’il venait chercher la volonté de Son Père. Cette idée est suggérée par #Mr 1:35 Esa 50:4-6; à rapprocher de #Jn 7:16 8:28 12:49.
Outre ces heures régulières, il recherchait toutes les occasions de prier et priait chaque fois qu’il en sentait particulièrement le besoin, jusque tard dans la nuit quand tous dormaient. Trois fois il resta en prière toute la nuit. Remarquez qu’il choisissait un moment tranquille, l’heure où les voix de la terre se taisaient. Il passait aussi dans la prière les heures qui précédaient ou qui suivaient des événements importants.
(Voir mentions 1, 2, 3, 4, 5, 10 et 14).

2. Lieux de prière.

—Celui qui disait: «Entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père en secret» n’avait lui-même pas de chambre où il pût se retirer pour prier. Sans foyer pendant les trois ans et demi de ses courses incessantes, sa place favorite était un lieu abandonné, le désert, les montagnes, un endroit solitaire. Il aimait la nature. Le sommet de la colline qui dominait le village de Nazareth, les coteaux qui s’étageaient au-dessus du lac de Galilée étaient des endroits qu’il affectionnait particulièrement. Et remarquez que c’était toujours un lieu tranquille, à l’abri des sons discordants de la terre.

3. Il était toujours en prière.

—Son esprit était sans cesse plongé dans la méditation. Il pouvait être seul au milieu d’une foule. On a dit qu’il y a trois sortes de solitudes: celle due au temps: les premières heures du matin ou toutes celles de la nuit; celle due au lieu: un sommet, une forêt, une chambre close; et enfin la solitude d’esprit, grâce à laquelle un homme, entouré d’une foule, peut se sentir seul et rester plongé dans sa méditation. Jésus recherchait et trouvait ces trois solitudes, pour parler avec son Père.
(Voir mentions 8, 10, 11 et 15).

4. Il priait dans les grandes crises de sa vie.

—Cinq exemples nous en sont donnés: 1° Avant la terrible bataille que Satan lui livre dans le désert; 2° avant de choisir les douze chefs qui poursuivraient son oeuvre; 3° au moment où la Galilée se détache de lui; 4° avant son départ de la Galilée pour la Judée et Jérusalem, et enfin 5° à Gethsémané, la plus grande crise de toutes. (Voir mentions 1, 4, 5, 7 et 14).

5. Il priait pour d’autres

—Il priait pour d’autres par leur nom, et il continue de le faire. (Voir mention 18).

6. Il priait avec d’autres.

—C’est une habitude dont nous devrions nous inspirer davantage. Quelques minutes consacrées à la prière avec des amis, des collègues, calment étonnamment l’esprit, cimentent les amitiés, aplanissent les difficultés et facilitent la solution des problèmes les plus ardus. (Voir mentions 7, 9, 12).

7. Les plus grandes bénédictions de sa vie vinrent pendant la prière.

—Les Evangiles nous fournissent six faits à ce sujet: Pendant qu’il priait, 1° le Saint-Esprit descendit sur lui; 2° Il fut transfiguré; 3°, 4°, 5° par trois fois une voix du Ciel se fit entendre pour l’approuver, et enfin, dans son heure de plus grande détresse, un messager du Ciel vint pour le fortifier. (Voir mentions 1, 7, 11 et 14).
Quelle puissance la prière était pour Jésus! Non seulement c’était une habitude régulière mais c’était sa ressource toutes les fois qu’il avait une décision à prendre, importante ou non. Quand il était préoccupé, il priait; quand le travail l’accablait, il priait. Quand il avait besoin de compagnie, il la trouvait dans la prière. Il choisissait ses aides à genoux. Etait-il tenté, il priait; critiqué, il priait. Etait-il fatigué de corps ou d’esprit, il avait encore recours à son remède infaillible, la prière. Elle lui donnait un pouvoir sans bornes et maintenait cette puissance intacte durant toute son activité. Il n’y avait pas d’événement, de difficulté, de nécessité, de tentation qu’il ne surmontât grâce à la prière, telle qu’il la pratiquait.
Et nous, qui avons ainsi suivi pas à pas sa vie de prière, ne voulons-nous pas méditer ces passages à nouveau jusqu’à ce que nous respirions l’esprit de prière qui s’en dégage et ne lui demanderons-nous pas, nous aussi, de nous enseigner jour après jour comment prier? Et enfin n’essaierons-nous pas d’être seuls avec lui, à heures régulières, pour lui donner l’occasion de nous enseigner et pour avoir ainsi l’occasion de mettre en pratique son enseignement? Dieu veuille que tel soit le désir de chacun de nous!


UNE DÉLIVRANCE MIRACULEUSE {1}

Dieu n’est jamais la cause d’aucune de nos déceptions. Il ne l’a jamais été; Il ne le sera jamais; Il ne peut pas l’être. Cela ne veut pas dire que nous n’ayons jamais de déceptions. Nous connaissons trop la vie pour nous faire des illusions à ce sujet. Mais cela veut dire que nos déceptions ne viennent pas de Dieu; au contraire, elles viennent malgré Lui. Et Il en souffre autant que nous, plus peut-être. Dieu ne manque jamais à sa Parole; Il y est absolument fidèle. La promesse d’un banquier est loin d’offrir autant de garanties, car une banque peut faire faillite, mais Dieu pas. L’Ecriture ne peut être anéantie. {#Jn 10:35} Jusqu’ici rien n’a pu l’ébranler. Dieu veille attentivement sur sa Parole et n’en laisse pas effacer un iota. {#Jer 1:12 Mt 5:18 24:35}
La vraie prière est toujours efficace. Elle ne peut pas échouer, parce qu’elle s’appuie sur Dieu et sur sa Parole. Je parle ici, notez-le bien, de la vraie prière, car on emploie trop souvent le mot prière d’une façon superficielle et on lui fait désigner bien des choses qui ne sont pas vraiment des prières.
La prière est en elle-même une chose fort simple. C’est la demande de quelque chose dont on a besoin, demande faite par un cœur sincère, s’appuyant sur les promesses de la Parole de Dieu et se réclamant du sang de Jésus. {#Ap 12:11} C’est là une chose toute simple. Sa puissance, pour autant qu’elle dépend de l’homme, réside dans sa simplicité même. Cette prière-là ne demeure jamais sans réponse. Elle est toujours exaucée; elle ne peut pas ne pas l’être. Le ciel et la terre passeraient avant qu’une vraie prière reste sans effet.
On ne peut guère se représenter qu’à la suite d’un événement extraordinaire et vraiment invraisemblable, la Banque d’Angleterre soit obligée un jour de suspendre ses paiements, ou que le gouvernement de Washington ne puisse plus faire face à ses engagements. Et, pourtant, des catastrophes analogues se sont déjà produites. Mais que Dieu permette qu’un de ses enfants, après avoir placé sa confiance en Lui, soit déçu, cela est impossible, pour autant du moins que cela dépend de Lui. Sa Parole est sûre et ne peut faillir.
Le jour où se produiront les tremblements de terre prédits dans l’Apocalypse, les chèques, les billets de banque, les actions garanties par l’Etat, les valeurs «de toute sécurité» n’auront pas plus de valeur que le papier sur lequel ils sont imprimés. Tandis que pas une lettre de ce vieux Livre qu’on nomme la Bible ne sera atteinte, pas une parcelle de la puissance de Dieu ne sera amoindrie. Il n’y aura pas de baisse dans ses trésors, ses actions seront plus haut que jamais.
La vie de tous les jours se charge d’illustrer cette vérité. Il arrive encore à notre époque des histoires aussi frappantes que celle de la veuve de Sarepta dont la provision de farine ne s’épuisait jamais. {#1Ro 17:8-16} En maint endroit ignoré de la terre, Dieu montre sa fidélité à ceux qui ont à la fois assez de simplicité et assez de force pour se confier en Lui et pour gravir l’âpre sentier de la foi.
J’ai appris dernièrement un fait de ce genre; je veux le raconter ici, tout simplement, tel qu’il m’a été révélé. Je ne le considère pas, d’ailleurs, comme un fait exceptionnel; il me semble plutôt qu’il est conforme à la manière dont Dieu agit à l’égard de ceux qui mettent leur confiance en Lui. {#Ge 22:16-18 Jn 2:24,25}
Bien des fleurs cachent modestement leur beauté et leur suave parfum sous un épais feuillage. Le muguet recherche les coins ombragés. Les fleurs les plus belles ne se trouvent pas dans les vitrines des magasins; elles ne sont découvertes que par ceux qui les cherchent dans la douce retraite des vallées ou dans la solitude de la montagne. La vérité, elle aussi, est modeste et réservée. Et il y a, si j’ose dire, une exquise modestie en Dieu. Il parle à l’humanité par le soleil radieux, par le ciel étoile, par la pluie bienfaisante et la fraîche rosée. Mais il ne se révèle vraiment qu’à ceux qui sortent de la foule et qui s’approchent de Lui. C’est à ceux qui cherchent la communion du cœur avec Lui et à ceux-là seuls qu’il fait connaître les profondeurs de son amour. {#Ps 25:14 Jn 15:15}
L’histoire que je vais raconter est celle d’une femme qui menait une existence tranquille dans un coin retiré du monde. Nous y verrons la pauvreté spirituelle du milieu dans lequel elle vivait; le courage avec lequel elle s’efforça de remédier à cette misère; la détresse par laquelle elle passa lorsque l’Adversaire harcelait et torturait son âme; enfin, l’inébranlable fidélité de Dieu. Car tout l’enseignement de ce simple récit est là: Dieu est fidèle. {#1Co 10:13} Il ne peut pas manquer à sa Parole. La prière est toujours exaucée.
Je vous rapporte cette histoire comme elle s’est présentée à moi, car je vois, dans les circonstances mêmes à travers lesquelles elle m’est parvenue, une action directe de Dieu. J’ai été conduit, nettement conduit à la découvrir. Cela fait comme une introduction à mon récit.
Je me trouvais à Stockholm, un soir d’hiver, parmi tout un cercle de chrétiens réunis à table. Nous revenions d’une réunion et, pendant le repas, nous nous faisions part de nos expériences touchant la bonté du Seigneur. Une dame de la société en vint à raconter, en se faisant traduire, une expérience peu commune faite par une de ses amies en Finlande.
Il s’agissait d’une femme qui avait à payer une traite faussement surchargée, pour des bois de charpente employés à la construction d’une petite chapelle. Elle n’avait pas assez d’argent, et tous ses efforts pour se procurer la somme nécessaire avaient échoué; la justice allait intervenir; tout à coup, pendant qu’elle priait, la somme, contenue dans une petite boîte, se mit à augmenter et devint suffisante pour payer la traite. Telle était l’histoire, en résumé. Elle frappa vivement tous les auditeurs.
Un tel fait, de nos jours, paraissait chose inouïe. Aussi les plus sérieux et les plus avisés parmi nous ne craignirent-ils pas d’exprimer quelque doute. On doutait, non pas que Dieu puisse faire une chose pareille, mais que l’histoire fût exactement rapportée. On se demandait si, dans sa joie, cette femme ne se serait pas trompée; si un ami ne lui serait pas venu en aide à son insu; si elle avait l’habitude de tenir des comptes; si la boîte était bien fermée. Il s’agissait sans doute d’une femme sincère, mais très impressionnable. C’est ainsi que questions et remarques allaient leur train.
En entendant ce récit, puis les commentaires, je me dis que, si l’histoire était vraie—et l’amie qui nous la racontait et qui connaissait personnellement la femme en question, en semblait absolument convaincue—on devait la garder secrète jusqu’au jour où l’on aurait les moyens d’en vérifier l’exactitude, mais que lorsqu’on pourrait en faire la preuve, il y aurait lieu de la publier, et de la publier hautement. Depuis lors, ma femme et moi, nous nous mîmes à présenter chaque jour la chose à Dieu, lui demandant, si le fait était exact, de nous permettre de visiter un jour cet humble village de Finlande et de m’accorder le privilège de prêcher dans la petite chapelle.
Plusieurs mois s’écoulèrent; à la fin du même hiver, je reçus un appel de Finlande, mais ne pus l’accepter, étant déjà engagé ailleurs pour la date qu’on me fixait. Un peu plus tard, on me demanda, de façon pressante, de me rendre l’été en Finlande, et cette fois j’eus la joie de pouvoir accepter. Mais c’était sur la côte sud de la Finlande, à une longue distance—douze heures de trajet—du village où la chose s’était passée. Cependant ma prière quotidienne permit à Dieu d’accomplir son plan.
Peu de temps après, me trouvant à Christiania pour des réunions, je fus invité à la Conférence annuelle des Eglises libres de Finlande. Le nom de la localité où elle devait se tenir m’était totalement inconnu. Aussi nous nous hâtâmes, ma femme et moi, de nous rendre à un bureau de renseignements et de consulter une carte. Nous vîmes avec une réelle émotion, que c’était tout au nord de la Finlande et que nous devrions juste passer par le village que nous désirions tant connaître.
Comme la date de cette conférence suivait de près celle des réunions que je devais avoir en Finlande, il nous sembla que nous étions dirigés par une main invisible, que l’histoire devait être vraie et que Dieu désirait le faire connaître, à nous et à d’autres. Mais je persistai à garder le secret absolu.
C’est alors que je reçus une lettre de la personne qui avait fait cette remarquable expérience et avec laquelle j’avais correspondu pendant l’hiver. Elle me disait qu’elle était déléguée à cette conférence des Eglises libres et m’invitait à prendre part à des conférences régionales qui devaient avoir lieu la semaine d’après dans le village qu’elle habitait. Enfin je fus invité à des cours de vacances d’une Université finlandaise, cours qui avaient lieu à deux heures de ce même village.
Lieux et dates, tout s’accordait à merveille. Mon émotion s’accrut. Je sentais qu’il y avait là un plan de Dieu et que j’étais dans la main d’un Guide invisible. Il allait me faire rencontrer cette femme, m’amener dans son village, dans sa maison, et jusque dans la petite chapelle qui était comme un témoin et un monument de cette merveilleuse délivrance. J’avais demandé à Dieu que, si ce voyage en Finlande et en Norvège était conforme à sa volonté, il le montrât en en réglant lui-même le cours.
Or, aucun itinéraire n’avait jamais été aussi satisfaisant que celui-là. Tout y concordait à merveille, l’heure des trains et l’heure des réunions, comme si tout avait été arrangé d’avance. En trois semaines, je pus ainsi assister à cinq congrès annuels, réunissant des chrétiens de toutes les parties de la Finlande et des auditoires très différents. J’appris dans la suite que l’amie à laquelle la chose était arrivée avait, de son côté, demandé à Dieu de faire connaître au loin la délivrance qu’il lui avait accordée, afin que sa fidélité fût glorifiée. Puis, lorsqu’elle apprit que je venais en Finlande, elle pria pour que les portes me fussent largement ouvertes, mais évita de faire quoi que ce soit elle-même, pour que la volonté de Dieu et sa puissance en fussent plus manifestes. On voit que nos prières furent admirablement exaucées.
Nous avions également demandé à Dieu de nous faire trouver un bon interprète. En effet, je ne pouvais arriver à une claire intelligence de l’événement que si j’avais, pour me l’expliquer, une personne parlant à la perfection l’anglais et le suédois. Or, c’était très difficile. D’abord, parce que les bons interprètes sont très rares; ensuite, parce que les habitants de cette région ne parlent que le finnois, qui est la langue des sept huitièmes des Finlandais environ. Il fallait donc trouver un interprète capable de parler couramment le finnois et l’anglais pour nos réunions et, de plus, pour notre histoire, le suédois, langue maternelle de la personne que nous allions visiter.
Tout s’arrangea de telle sorte que la réponse à nos prières n’aurait pas pu être plus satisfaisante. L’une des personnes qui m’avait traduit à la Conférence de l’Eglise libre se trouvait être en relations avec notre amie. C’était une maîtresse d’école de la capitale de la Finlande, et elle réunissait à un rare degré les qualités intellectuelles et spirituelles qu’il faut pour bien traduire. Le finnois était sa langue maternelle; elle avait appris le suédois dans son enfance et parlait l’anglais avec toute la facilité désirable. J’ai appris dans la suite qu’elle était bien connue pour ses aptitudes à l’enseignement, son habileté à traduire, son sérieux comme chrétienne. Quoique j’aie eu d’excellents interprètes, je n’ai jamais été traduit avec autant de ferveur, d’amour et d’intelligence. Cette dame était en vacances et eut l’amabilité de mettre à ma disposition le temps dont elle disposait. J’ai un peu anticipé sur les événements, afin de mettre en pleine lumière la façon dont Dieu m’a guidé dans toute cette affaire.
C’est avec une singulière émotion et un profond sentiment de la présence de Dieu que nous nous rendîmes en Finlande, aux différents endroits où nous étions attendus. Jamais je n’oublierai ces trois semaines passées en Finlande. Si jamais je me suis senti au pouvoir de la volonté de Dieu, c’est pendant ces jours-là. Il se dégageait des réunions une calme et irrésistible puissance. C’était comme un courant qui m’entraînait, et pour avoir de la puissance, je n’avais qu’à rester dans le courant.
Nous trouvâmes donc notre amie, et nous nous rendîmes ensuite dans son village situé dans l’intérieur du pays, à deux heures de chemin de fer de la côte de la mer Baltique; nous arrivâmes enfin dans sa modeste demeure et jusque dans la petite chapelle dont l’histoire nous parlait en termes si admirables de la fidélité de Dieu.
L’endroit qu’elle habite n’est pas à proprement parler un village, c’est un embranchement important de lignes de chemin de fer se rendant en Russie. Nous avions environ deux jours devant nous avant les réunions suivantes, pour nous entretenir avec notre nouvelle amie et pour entendre son histoire
C’est une directrice des postes, une femme d’âge moyen, d’apparence modeste, dont le visage bon et patient racontait toute une vie de pénible labeur et de dévouement. Son frère était un ministre de la vieille Eglise nationale, à Abo, la vieille cité épiscopale du centre de la Finlande. Elle y avait passé son enfance et sa jeunesse; le père de sa mère était médecin. Elle-même était depuis plus de vingt ans dans les postes, et elle avait dû passer un sérieux examen pour y entrer.
Cela a plus d’importance que chez nous, car, dans ces régions reculées de la Finlande, la poste est en réalité une sorte de banque d’Etat, et la plupart des transactions, au lieu de se faire par chèques, se font par mandats. En outre, le développement du trafic par voie ferrée avait augmenté l’importance de son bureau, et elle avait toujours trois, parfois quatre ou cinq employés. J’ai pu constater que, pendant le trimestre écoulé, il lui avait passé entre les mains, rien que comme valeurs recommandées, une somme d’environ un million de marks finnois {2}, ce qui représente pour l’année entière à peu près quatre millions de francs. Je ne parle pas des sommes non recommandées, dont on ne peut savoir la valeur, mais cela suffit pour montrer l’importance de son bureau et la responsabilités qui lui incombait.
Ses livres étaient parfaitement tenus, aussi bien tenus que ceux que j’ai pu voir lorsque j’étais moi-même dans une banque. Cela anéantissait les objections que j’avais entendu faire à Stockholm: cette femme était habituée, depuis de longues années, à tenir une importante comptabilité. L’exactitude absolue dans les affaires d’argent était devenue comme inhérente à sa nature.
Par quelques questions, je me rendis compte des besoins qui avaient conduit à la construction de cette chapelle. Il y a en Finlande une Eglise nationale, l’Eglise luthérienne, qui est en somme la seule Eglise du pays, l’Eglise libre étant d’origine relativement récente et n’ayant pas encore d’existence légale. Le territoire est divisé en paroisses, la plupart très étendues. En cet endroit, la paroisse, très grande, n’avait qu’une seule église pour une population de quatre mille habitants et un territoire de vingt-huit kilomètres de long. Cette église se trouvait à quatre kilomètres du village, et les églises les plus rapprochées après elle se trouvaient à six, seize et dix-neuf kilomètres. Grâce à l’initiative de notre amie, des réunions avaient été organisées dans des salles d’école et dans des maisons particulières, et il en était résulté de nombreuses conversions et beaucoup de bénédictions; aussi le besoin d’une petite chapelle se faisait-il grandement sentir. L’histoire de sa construction est très intéressante, mais je dois en venir de suite à celle de l’argent.
Durant la construction de la chapelle, arriva tout à coup une traite en paiement de bois qui avait été commandé et livré pour la charpente. Seulement, la somme était plus grande que le prix convenu: 751 francs au lieu de 616. De plus, la traite était accompagnée d’une lettre peu courtoise exigeant un paiement immédiat et menaçant de poursuites judiciaires. Cela, contrairement aux usages commerciaux du pays qui accordent de longs crédits. Ainsi la somme était malhonnêtement augmentée; le délai usuel n’était pas accordé, et on menaçait d’une action judiciaire. C’était un événement aussi imprévu que désagréable.
Notre amie était bien embarrassée par cette augmentation inattendue de la dette. Une différence de plus de 130 francs était sérieuse, vu les fonds limités dont on disposait et la difficulté qu’il y avait à trouver de l’argent pour l’entreprise. Elle pouvait refuser de payer et aller en justice; mais c’étaient des complications sans fin et de nouvelles dépenses, et d’ailleurs, notre amie ne pouvait, en bonne conscience, engager la cause de Dieu dans un procès. Les paroles de Jésus: «Si quelqu’un veut plaider avec toi pour t’enlever ta tunique, abandonne-lui aussi ton manteau» {#Mt 5:40} lui revenaient sans cesse en mémoire. Enfin, elle résolut de payer la somme entière si elle y était contrainte, mais non sans protester énergiquement contre cette injustice. Elle devait, par la suite, être grandement fortifiée dans ses prières par le sentiment qu’elle avait agi d’une manière conforme aux enseignements du Maître.
Les fonds pour la construction de la chapelle venaient uniquement de dons volontaires offerts par les fidèles. Ceux-ci étant très pauvres, les ressources étaient des plus limitées. Toute la responsabilité reposait sur notre amie qui avait, d’autre part, rencontré beaucoup d’opposition du côté des membres de l’Eglise nationale. Elle connut des jours de profonde détresse.
Mais elle cria à Dieu, et une paix profonde finit par envahir son âme et semblait planer sur elle. Elle commença alors à prier pour cet argent. Cela se passait en mai 1908, et si l’affaire allait en justice, elle avait jusqu’en octobre pour payer.
Ce fut pour elle un temps inoubliable d’efforts incessants, de continuelles déceptions, de prière constante, de détresse intérieure, et, alternant avec tout cela, de paix et de calme. Tous ses efforts pour obtenir de l’argent, sous forme de dons ou sous forme de prêt, restaient vains. Elle semblait se heurter à un mur. Elle rencontrait partout critiques, reproches et railleries, mais guère d’argent. Son
embarras fut bientôt connu et commenté par la petite communauté, surtout par ceux qui s’étaient opposés à la construction de la chapelle et qui annonçaient maintenant qu’il faudrait la vendre pour payer la dette.
Mais elle ne cessait pas de prier. Selon son expression, «la lampe de la prière brillait jour et nuit.» Son angoisse était grande. Le dernier délai approchait; il fallait agir. L’encaisseur était bien disposé, mais naturellement il devait faire son devoir. Un dernier effort, un voyage à une ville voisine demeura de même sans résultat. L’ami qu’elle voulait voir était absent, et sa femme exprima l’avis qu’elle n’aurait pas dû commencer à bâtir avant d’avoir les fonds nécessaires. Elle reprit son train, plus embarrassée que jamais, et pourtant elle avait toujours cet étrange sentiment de paix qui ne la quittait pas.
Elle était si émue en nous faisant ce récit qu’elle dut s’interrompre un moment, pour reprendre possession d’elle-même, elle toujours si calme. Et nous étions, de notre côté, saisis d’une vive émotion en face de cette âme humaine qui nous révélait le secret de sa vie intérieure et l’intensité de ses luttes.
Dans le train, au milieu du bruit, assise à côté de gens indifférents à ses préoccupations, elle eut conscience de la présence de Jésus. Elle se sentit pressée de prier et le fit avec plus de ferveur que jamais. Dans son angoisse extrême, elle s’en remit entièrement à Dieu. Alors lui revint une pensée qu’elle avait déjà eue lors de la construction de la chapelle, mais qui prenait maintenant une portée toute nouvelle. Elle songeait au temps où les pains et les poissons avaient été multipliés dans le désert, et se sentait poussée à prier Dieu de bénir de même la somme insuffisante dont elle disposait et de la rendre assez grande pour acquitter sa dette.
De retour chez elle, elle alla chercher la petite boîte où elle mettait l’argent pour la construction de la petite chapelle. La somme, qu’elle avait comptée avant son départ, n’était que de trois cent cinquante francs. Elle apporta la boîte dans la chambre où elle se tenait. Elle avait à la main quatre-vingt dix francs qui lui appartenaient. Elle les ajouta à l’argent du Seigneur et posa le tout sur la table.
Il était midi. Le bureau de poste, attenant à l’appartement, était fermé. Elle était absolument seule. Elle se jeta à genoux, joignit les mains au-dessus de la table où était la somme et pria Dieu de réaliser le désir qu’il avait lui-même mis dans son cœur. Dans sa foi naïve, elle disait: «Seigneur Jésus; bénis ton argent, comme tu as béni les pains dans le désert. J’y ajoute ma part aussi, je la mets avec la tienne, fais que cet argent suffise pour payer la dette.» Et elle demeura ainsi quelque temps en prière.
Alors elle compta cent francs, dont elle fit une pile à part; puis elle fit de même une seconde, une troisième fois, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il y eût sept piles de cent francs et une plus petite de cinquante et un. Elle constata qu’il y avait beaucoup de pièces d’or, alors qu’elles étaient auparavant en petite proportion dans la boîte. Et cela lui rappela les paroles de #Esa 60:17. {3} Avec un profond sentiment de gratitude, elle se jeta à genoux pour remercier le Seigneur, puis elle se releva et recompta soigneusement la somme. Elle étendit de nouveau les mains sur elle, et demanda à Jésus, dont elle sentait la présence, que la somme pût rester jusqu’au moment de payer.
Nous l’avons vue sortir cette boîte d’un tiroir pour nous la montrer. Personne, à la vue du gros trousseau de clefs qu’elle avait toujours sur elle, et du soin avec lequel elle ouvrait et refermait les tiroirs contenant ses papiers et ses registres, n’aurait pu mettre en doute que cette petite boîte de bois avait été soigneusement enfermée et absolument hors d’atteinte. Elle se rendit chez l’encaisseur et lui dit qu’il pouvait passer chez elle, qu’elle avait l’argent. Il ne pouvait pas le croire, connaissant sa détresse, et lui demanda comment elle s’était procuré la somme. Elle répondit tout simplement: «Le Seigneur l’a envoyée.» Deux jours plus tard, il la prévint qu’il passerait le lendemain pour encaisser le montant de la traite.
Ce jour-là, dès qu’elle eut fini son travail à la poste, et se retrouva seule, elle alla chercher la boîte et en vida de nouveau le contenu. Cette fois, elle se sentit poussée à commencer par mettre à part les quatre-vingt-dix francs qui lui appartenaient. Elle obéit à cette impulsion; puis elle étendit de nouveau les mains au-dessus de l’argent, elle pria et bénit Dieu, et lorsqu’elle compta, elle fut en présence d’une nouvelle preuve de la puissance de Dieu: la somme de sept cent cinquante et un francs était intacte, et à côté se trouvait son petit avoir, si péniblement amassé.
Le cœur trop plein de reconnaissance pour pouvoir parler, elle tomba à genoux, dans l’adoration. Elle comprit mieux alors ce qu’avait fait le Seigneur; elle avait donné sans compter ses propres économies, mais Dieu les lui rendait. Il voulait parfaire la somme sans les prendre. Elle Le pria encore de conserver la somme jusqu’au moment de payer.
Enfin l’encaisseur vint. Lorsqu’elle lui raconta l’histoire, il en fut fortement impressionné. Puis, comme elle avait fait les autres fois, elle versa l’argent sur la table, pria tranquillement et bénit Dieu, puis compta la somme et paya. Elle avait mis de côté son propre argent, et pourtant, après qu’elle eut payé, il restait quelques pièces d’argent. Elle avait demandé souvent à Dieu que sa petite boîte pût n’être jamais complètement vide, et Il s’était souvenu de cette prière. L’huissier en fut profondément ému et y ajouta une pièce de cinq francs, en disant: «Je désire ajouter mon offrande à ce merveilleux argent.»
C’est ainsi que la dette fut payée, et que notre amie entra en possession d’une quittance régulière. Elle écrivit alors une lettre qui devait être envoyée en même temps que l’argent au marchand de bois. Elle lui disait que la traite était inexacte, comme il le savait d’ailleurs, qu’elle’ la payait, néanmoins, en protestant énergiquement, pour mettre en pratique le précepte d’amour du Sauveur: «Si quelqu’un veut plaider contre toi pour t’enlever ta tunique, laisse-lui encore le manteau.» {#Mt 5:40} Ainsi, tout en payant, elle rendait son témoignage.
Récapitulons l’histoire.
Notre amie avait trois cent cinquante francs dans une petite boîte qu’elle tenait sous clef. Elie y ajouta quatre-vingt-dix francs lui appartenant, ce qui fit en tout quatre cent quarante francs. Cette somme arriva au total de sept cent cinquante et un francs; elle s’accrut donc de trois cent onze francs.
Une seconde fois, elle fut augmentée de quatre-vingt dix francs, soit en tout une augmentation de quatre cent un francs, sans compter la petite somme qui resta dans la boîte après le paiement.
Cette augmentation a été produite par l’action de la prière seule, sans aucun secours humain, quoique tout ait été mis en oeuvre pour obtenir ce secours humain. Cette femme ne pria ainsi que parce qu’elle s’y sentait poussée intérieurement. L’intervention divine ne se produisit qu’après cinq mois de longs et rudes combats intérieurs, de continuelles prières, de cruelles épreuves; enfin, après le sacrifice complet d’économies péniblement réalisées. Ce sacrifice n’était d’ailleurs, comme je l’appris par la suite, qu’un incident dans la vie de continuels renoncements que menait cette femme depuis que la chapelle était en construction.
C’est un miracle analogue à celui qui se produisit pendant des mois pour la veuve de Sarepta. {#1Ro 17:8-16} Il est identique à celui qui arriva à la veuve d’un prophète dont les fils allaient être vendus comme esclaves pour payer ses dettes; {#2Ro 4:1-7} identique aussi à la multiplication des pains dans un temps de famine. {#2Ro 4:42-44} Il ne diffère qu’en degré des multiplications des pains et des poissons par lesquelles le Seigneur, à deux reprises, nourrit les multitudes et dans lesquelles il y eut aussi un reste important de pain et de poisson, qui fut soigneusement recueilli et servit à nourrir d’autres affamés {#Mt 14:13-21; 15:32-39et parallèles.}. Enfin on peut le placer dans le même groupe de miracles que les deux pêches miraculeuses {#Lu 5:4-11 Jn 21:1-14} dont nous parlent les Evangiles et qui furent dues à la présence du Maître.
Je dois avouer que l’interprète, ma femme et moi, nous ne fûmes pas toujours maîtres de nos larmes, lorsque, réunis autour de notre amie, nous écoutions son récit. Elle consultait son journal intime, très soigneusement tenu, pour faire revivre devant nous ces jours mémorables. Et nous avons revécu avec elle son angoisse et sa joie, nous arrêtant avec elle lorsque l’émotion l’empêchait de continuer, puis l’écoutant attentivement, lui posant des questions et bénissant dans nos cœurs ce Sauveur, cet Ami, ce Maître si fidèle.
L’enseignement qui se dégage de cette émouvante histoire est fort simple. Je demande instamment à mes éditeurs de ne jamais séparer les lignes qui suivent du récit lui-même.
Je ne conclus pas de ce miracle que nous devions demander à Dieu d’augmenter notre argent de cette manière. Je ne conclus même pas que nous puissions le faire, Si jamais le Seigneur conduit quelqu’un de ses enfants à présenter une prière analogue et à faire de semblables expériences, ce chrétien saura reconnaître la main de Dieu, sans avoir à s’appuyer sur ce qui est arrivé à d’autres.
Il est possible qu’une semblable intervention ne se produise pas de toute une génération, ou même de plusieurs générations. Je n’ai jamais entendu parler jusqu’ici d’un fait du même genre, quoique je sois très attentif, depuis des années, à enregistrer les preuves de l’action de Dieu à notre époque.
C’est là une délivrance particulière, accordée dans une crise spéciale.
L’enseignement que nous apporte ce récit est le suivant: Dieu ne trompe jamais notre confiance. Il ne déçoit jamais personne. Sa Parole ne peut faillir. La vraie prière, inspirée par le Saint-Esprit, pénétrée de l’esprit de sacrifice, est toujours exaucée et ne peut pas ne pas l’être. Dans une crise où les hommes refusent d’aider, Dieu accomplit un acte créateur, plutôt que de laisser faillir sa Parole, ou de permettre que l’un de ses enfants ne vienne à être déçu dans sa confiance en Lui. Dieu peut seul savoir quand des circonstances pareilles se produisent. Son Esprit dirige nos prières. Voilà la pierre de touche de la vraie prière.
Quelqu’un pourrait ne voir dans notre histoire qu’un moyen commode de sortir des embarras d’argent. Mais il se pourrait qu’un pareil fait ne se reproduise pas, même dans un cas de grande détresse. Il y a lieu de noter, en particulier, qu’au moment où nous écrivons ces lignes, la petite chapelle n’est pas encore complètement payée. C’est même une grosse préoccupation et un continuel sujet de prière pour notre amie de Finlande. Il reste encore plus de quatre mille francs à payer, ce qui est une grosse somme, vu l’indigence de cette population pourtant généreuse.
Cependant notre amie n’a pas eu l’idée de demander à Dieu de renouveler le miracle dont elle a été l’objet. Cette prière ne lui a pas encore été mise au cœur; elle ne sait pas d’où lui viendra l’argent, mais elle continue à prier avec confiance.
J’y vois un second enseignement: la vraie prière est mise dans nos cœurs par le Saint-Esprit. Lorsque nos cœurs soupirent après Dieu, lorsqu’ils intercèdent pour des bien-aimés ou pour un besoin spécial, ces prières ne sont qu’un écho. Ces sentiments sont d’abord dans le cœur de Dieu, et ils y sont avec plus d’intensité que dans le nôtre. Ils ne font que passer, comme un écho, de son âme dans la nôtre. Il désire ardemment que nous soyons dans une telle communion spirituelle avec Lui, que notre cœur batte à l’unisson du sien.
Lorsque, jour après jour, penchés en sa présence sur les pages de sa Parole inspirée, nous Le laissons parler à notre âme, Il nous attire à Lui, Il élève notre jugement, Il forme notre intelligence, Il nous discipline pour son service, Il nous apprend ce qu’il faut demander, comment il faut le demander, et surtout avec quelle persévérance il faut le demander.
Notre amie dut passer pendant cinq mois par l’école de la prière avant que Dieu lui mît au cœur la requête qu’il attendait d’elle. Jusqu’à ce moment-là, elle n’était pas prête. Si elle l’avait présentée plus tôt, de son propre mouvement, elle n’aurait obtenu aucun résultat. La vraie prière n’est pas le produit d’une déduction logique venant de l’étude des promesses de la Parole de Dieu, c’est quelque chose d’infiniment plus profond et pourtant de très simple. On l’apprend à genoux, dans la communion du Saint-Esprit.
C’est avec autant d’émotion que d’intérêt que nous descendîmes le chemin poudreux qui conduisait à la petite chapelle. C’est une construction des plus modestes, mais bien comprise et aménagée de façon très pratique. La salie principale communique avec une salle plus petite et avec une pièce pouvant servir de chambre à coucher et de cuisine. En haut est ce qu’on appelle la «chambre du prophète», à la fois cabinet de travail et chambre à coucher pour le prédicateur de passage, quand ils ont le bonheur d’en posséder un.
Le dimanche, à dix heures, il y a une Ecole du Dimanche en finnois; à midi, un culte, dont notre amie se charge quand il n’y a pas de pasteur: enfin, à quatre heures de l’après-midi, une Ecole du Dimanche en suédois. La concierge est une femme pratique: elle habite la pièce du bas et s’occupe de tout le service; elle est convertie et dirige l’Ecole du dimanche finnoise.
La chapelle, lorsqu’elle est bien remplie, peut contenir environ deux cents auditeurs. Mais nous en avons eu beaucoup plus pendant nos quelques jours de réunions; tout l’espace libre était occupé, et sur l’estrade, orateur et interprète n’avaient que juste la place de se mouvoir. L’on voyait même à chaque fenêtre un groupe d’auditeurs attentifs, écoutant du dehors. Quoi d’étonnant à ce que, dans un bâtiment comme celui-là, l’Esprit de Dieu agît sur les coeurs avec une puissance persuasive? Il semblait que les cieux étaient ouverts et que les brises du Ciel soufflaient doucement sur la terre. Des cœurs fermés s’ouvrirent à ce contact, et d’autres à demi-ouverts s’épanouirent complètement à la vie divine.
Tout en causant avec notre amie dans la petite chapelle, en la questionnant, en réfléchissant, il m’apparut de plus en plus nettement que cette histoire n’était qu’un chapitre d’une longue histoire. Ce miracle est le point culminant de toute une vie. L’histoire qui le précède parle de longues années de luttes, de fidélité; de patience au milieu de difficultés de toute sorte; elle parle de plans constamment renversés, comme si des esprits ou des forces invisibles étaient ligués contre eux; elle parle de persévérance dans la prière et dans la lutte, persévérance toujours un peu plus prolongée que la résistance de la force ennemie; elle parle par-dessus tout de la continuelle présence de l’Ami invisible.
C’est là le facteur essentiel, le secret de la victoire. La persévérance l’a emporté, et elle l’a emporté parce qu’elle se prolongeait toujours un peu plus que la résistance.
En écoutant ce récit, les paroles du Maître: «Il faut toujours prier et ne point se lasser» {#Lu 18:1-8} me revenaient à la mémoire. La prière est l’arme essentielle contre les soucis du monde et pour le service de Dieu. Les grands dangers qui la menacent sont la lassitude et le découragement. Il semble qu’une puissance invisible essaie de nous abattre, d’épuiser notre vigueur physique et notre persévérance. Une persévérance ferme, inlassable, inaccessible au découragement, mais n’ayant rien de commun avec l’entêtement, voilà ce qu’il faut à notre prière. Gardons-nous, en effet, de confondre la persévérance avec l’entêtement, qui n’a rien d’intelligent ni de raisonnable. {#Ps 32:9} On peut être assez fort pour résister, mais pas assez pour résister avec bonne grâce, pas assez pour céder sur les points secondaires. La force de persévérance qui vient du Saint-Esprit sait examiner, interroger, changer au besoin ses plans pour mieux affronter l’obstacle; elle sait déployer un calme, une égalité d’humeur, un aimable bon sens, qui n’ont aucun rapport avec l’entêtement. Cette persévérance, qui seule triomphe, ne peut venir que de l’Esprit. Lui seul là donne, et il ne peut la donner qu’à ceux qui se mettent sérieusement, jour après jour, à son école. C’est ce que le Maître veut dire par l’expression «Ne vous relâchez point.» Cette persévérance vaillante et joyeuse {#Lu 11:8-9} est l’un des caractères essentiels de la prière qui transforme le monde; un autre caractère est la précision. {#Mat 18:19 Mr 11:24}
Telles sont les réflexions que m’inspirait l’expérience de notre amie.
Au début, elle n’avait trouvé à acheter aucun terrain convenable pour construire la chapelle. Peu à peu les choses changèrent. Le propriétaire de l’emplacement que l’on désirait vint de l’étranger visiter ses propriétés; on put lui parler directement, et finalement un beau terrain fut légalement acquis. Mais ce n’avait pas été sans longues luttes; il avait fallu vaincre, pas à pas, une âpre opposition; elle durait toujours, mais l’Ami invisible était là avec sa force et son appui.
Ensuite, lorsqu’il s’agit de bâtir, il sembla impossible de se procurer le bois nécessaire. Toutes les réserves de la saison étaient épuisées. Mais l’Ami fidèle permit à notre amie de conserver l’espérance au milieu des circonstances les plus désespérées. {#Ro 4:17-21} Elle ne fut pas déçue. Un lot de poutres inattendu arriva par la rivière; il y eut une baisse de prix sur diverses marchandises; des ouvriers
inconvertis vinrent offrir leurs services; on put engager le meilleur entrepreneur. A mesure que les difficultés surgissaient, elles étaient aplanies, et notre amie avançait ainsi, pas à pas, de délivrance en délivrance. A la fin, à mesure que la flèche de la chapelle s’élevait, sa foi atteignit, elle aussi, son point culminant. Le miracle que nous avons raconté n’est que la dernière pierre d’un édifice; il est soutenu par des années de luttes, de crises de prière et d’inébranlable fidélité de la part de Dieu.
Je l’ai rapporté pour rendre gloire à Dieu et pour que les hommes aient en Lui une confiance plus absolue et plus simple.

{1} The Finnish gold story, tiré de The quiet lime, par S.-D. Gordon.)
{2} Le mark finnois vaut exactement 1 franc et ne doit pas être confondu avec le mark allemand, qui vaut 1 fr. 25.
{3} Au lieu de l’airain, je ferai venir de l’or.

RECUEILLEMENT ET PRIÈRE

Notre génération est, plus qu’aucune autre, agitée, haletante, fiévreuse. Tout travaille à nous distraire, à nous dissiper, à nous rendre superficiels: la multiplicité des découvertes, les nouvelles du monde entier, et même les oeuvres religieuses et sociales.
Et pourtant l’expérience nous montre, et la Parole de Dieu nous dit que rien de grand, de fécond, de durable ne s’est jamais accompli ici-bas sans recueillement. La réflexion a toujours précédé l’action.
Les individualités puissantes, les hommes aux convictions fortes et lumineuses se sont formés dans la solitude. Les Moïse, les Elie, les Jean-Baptiste, les Paul, les Luther, les Calvin, les Wesley ont été des hommes puissants parce qu’ils avaient commencé par se recueillir en présence de Dieu. C’est là le secret de toute vie féconde. Pour apprendre à nous connaître, pour nous voir tels que nous sommes, pour cesser de nous séduire par de faux raisonnements, pour arriver à cette sincérité absolue qui permet à l’esprit de Dieu de nous juger, de nous dépouiller, de nous vider, il faut absolument que nous ayons des heures de solitude. «Toi, quand tu pries, entre dans ton cabinet».
La solitude, toutefois, peut n’être qu’apparente. On peut s’isoler sans se recueillir, parce que le cœur est rempli de préoccupations mondaines. C’est pourquoi, après avoir dit: «Entre dans ton cabinet», le Seigneur ajoute: «ferme ta porte».
C’est que la voix de Dieu a besoin de silence pour se faire entendre. Si le cœur est rempli de convoitises charnelles, si le bruit des passions mondaines s’y fait entendre, Dieu se tait. L’arche de Dieu et Dagon, Jésus-Christ et Satan ne peuvent habiter ensemble. Pour rencontrer Dieu dans le sanctuaire de notre âme et nous entretenir avec Lui, il faut en chasser le Diable.
Ferme la porte de ton cœur à l’incrédulité, aux pensées mondaines, aux soucis; mets dehors ta sagesse propre, ta volonté propre, tes ambitions charnelles. Détourne-toi du monde et tourne-toi vers ton Père.
Ces heures de recueillement sont infiniment sérieuses. C’est là que se remportent les victoires ou que se font les chutes; c’est là qu’un Jacob devient Israël et qu’un Balaam se perd; c’est là que les Abraham sont appelés à immoler leur Isaac; c’est là que Dieu forge ses instruments d’élite.
Et à mesure que le monde s’éloigne et que l’âme, penchée sur les pages divines, se sépare de tout ce qui la souille, Dieu s’approche.
Le cœur, en effet, ne peut rester vide. S’éloigner du monde, c’est s’approcher de Dieu. «Comme une biche altérée soupire après des courants d’eau, ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu! Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant.» L’âme se retrouve et se reconnaît; elle n’est pas sourde, ni muette; elle entend la voix divine et elle y répond; elle apprend à se connaître et à connaître Dieu. Un dialogue sublime a lieu entre le Père céleste et son enfant; Dieu se révèle et se communique. Des vérités cent fois entendues froidement deviennent esprit et vie en nous. Dans ces entretiens bénis, des impressions qui jadis n’avaient fait que nous effleurer, des vérités qui étaient restées mortes en nous, nous sont rappelées par le Saint-Esprit et rendues vivantes. Toute la volonté de Dieu nous est révélée à la lumière de son amour. Ses compassions et notre misère, sa miséricorde et notre égoïsme, sa puissance et notre faiblesse, sa sagesse et notre folie, sa grandeur et notre petitesse, notre origine, notre vocation, notre destinée, le don de Dieu en Jésus-Christ, tout cela nous humilie, nous subjugue et nous remplit de reconnaissance.
Et quand ces tête-à-tête se prolongent avec notre conscience et Dieu, qui nous instruit par sa Parole et son Esprit, nous sommes amenés à toujours plus rechercher nos voies et à les sonder. Que de découvertes pénibles! Que de racines d’amertume, que de restes d’orgueil, d’égoïsme, de volonté propre, de timidité nous sont révélés! Nous commençons seulement à nous prendre en dégoût, à haïr notre vie propre. Nous avions cru être consacrés au Seigneur, et voici, nous découvrons que dans mille circonstances, c’est notre volonté que nous avons faite, ce sont nos décisions que nous avons prises, ce sont nos paroles que nous avons prononcées, c’est l’esprit du monde qui nous a inspirés.
Et la stérilité de nos oeuvres nous est révélée. Il n’y avait pas entre le Seigneur et nous une communion profonde et permanente; notre foi était plus une conviction de l’intelligence qu’une confiance, qu’un abandon de nous-mêmes à Lui. Ce n’était pas Lui qui portait des fruits par notre moyen. Nous avions oublié que, hors de Lui nous ne pouvions rien faire, que Lui seul doit être l’inspirateur de toutes nos pensées, de tous nos actes, que son Esprit doit être le mobile de toute notre vie. Notre stérilité nous étonnait; maintenant nous en découvrons la source.
Et la stérilité de nos prières, que de fois ne nous a-t-elle pas angoissés, tourmentés, découragés. Jésus a dit: «Demandez et vous recevrez»; or, nous demandions et nous ne recevions pas. Et voici, dans le silence du recueillement, l’Esprit de Dieu nous révèle la duplicité de notre cœur. Les lèvres formulaient certaines demandes, tandis que le cœur soupirait après d’autres biens. Entre nos prières et nos sentiments, entre nos prières et notre vie, il y avait contradiction. Nous disions à Dieu: «Donne-moi, pardonne-moi», et nous ne donnions pas, et nous ne pardonnions pas. Nous lui demandions son
Saint-Esprit, c’est-à-dire l’humilité, le renoncement, la générosité, le zèle, la fidélité, l’amour, et nous gardions de l’orgueil, de l’avarice, de l’égoïsme, de la paresse à nous dépenser pour autrui. Nous manquions donc de conscience dans nos prières; elles n’étaient pas suffisamment sérieuses: elles consistaient le Saint-Esprit parce qu’elles renfermaient du mensonge.
Oh! révélations bénies, continuez votre oeuvre de lumière et de purification! Pénétrez dans tous les recoins de notre âme jusqu’à ce que tout en nous soit esprit et vie.
Maintenant l’enfant; de Dieu peut prier. Dans la solitude du cabinet, il a contemplé l’aveuglement et la surdité de l’Eglise. Ses yeux, à lui ont été ouverts. La vision d’une humanité certainement coupable, mais aussi victime d’une Eglise trop sourde et trop aveugle, le hante. Ses oreilles entendent des cris de détresse ses yeux contemplent partout la souffrance, le péché, des enfers corrupteurs. En regardant notre monde comme Jésus le regardait, en voyant les hommes assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort comme saint Paul et le Christ, il éprouve une grande tristesse et il a dans le cœur un chagrin continuel. Comme le voyant de Patmos, il est hanté par de douloureux problèmes jusqu’à ce que le plan d’amour de Dieu lui ait été dévoilé et qu’il entende la voix de Jésus lui dire: «Prie ton Père là dans le secret, et ton Père, qui te voit dans le secret, te le rendra publiquement.» L’histoire de l’Eglise est une merveilleuse illustration de cette vérité. Les dix jours de retraite dans la chambre haute ont produit la Pentecôte avec ses 3.000 convertis; les prières incessantes de l’Eglise ont arraché Pierre à sa prison et à la mort; les prières constantes de Paul ont enfanté une légion de croyants. Suivez les évangélistes des premiers siècles ou les missionnaires du moyen âge, étudiez la vie intime des grands remueurs de consciences, suivez dans leurs retraites les croyants qui ont porté des fruits qui demeurent, songez aux grands réveils de l’Eglise, et vous verrez que, partout et toujours, les effusions du Saint-Esprit ont été la récompense publique de ceux qui avaient lutté avec Dieu dans le secret.
Essayez par la pensée, de supprimer nos hautes montagnes couvertes de glaciers et de neiges éternelles. A quoi servent-elles? N’est-ce pas du terrain perdu? dites-vous peut-être. Ne vaudrait-il pas mieux voir à leur place de magnifiques vignobles ou de beaux champs de blé?
Malheureux! l’ignorance vous fait déraisonner. Si votre vœu se réalisait, notre monde ne serait bientôt plus qu’un désert. Savez-vous d’où viennent les fleuves qui fertilisent nos campagnes et qui alimentent nos industries? Ils jaillissent de ces montagnes, qui vous paraissent inutiles. C’est là qu’ils ont leurs sources.
De même, interrogeons les hommes de foi et de dévouement, demandons-leur quelle est la source de leur vie féconde, comment sont nés en eux ces fleuves d’eau vive qui arroseront éternellement le monde. Ils nous diront qu’à genoux devant Dieu, ils ont appris à connaître la communion des souffrances de Christ. Ils ont entendu les blasphèmes, les sanglots, les cris de détresse de l’humanité païenne et civilisée; ils ont vu les existences qui se perdent dans le péché et la souffrance, les bastilles qui doivent disparaître. Puis leurs regards se sont tournés vers Celui qui fait surabonder la grâce là où le péché abonde. Dans sa communion, ils ont trouvé le secret de la prière victorieuse et de l’action efficace.

ENCORE LE RECUEILLEMENT

Il n’y a pas d’inimitié avec Jésus-Christ et de foi vivante sans recueillement. «Si nous sommes stériles, c’est plutôt faute de repos que de travail», a dit le père Gratry. Il faut ajouter que Gratry appelait repos l’activité intérieure, le recueillement. Notre faiblesse vient donc de notre dissipation. Avant de pouvoir parler aux hommes avec puissance, il faut avoir pris le temps d’écouter Dieu.
Toutes les erreurs, les préjugés, les traditions, les mensonges que nous gardons dans nos habitudes, dans nos vies, dans nos Eglises ont leur source dans l’absence de recueillement.
C’est encore à la même cause qu’il faut attribuer le vague des convictions, la peur de l’étroitesse, le manque de connaissances bibliques, les grands mots et les grandes phrases sans signification précise. On est assez fort pour détruire; on ne l’est pas assez pour édifier. Les vastes horizons, les lumineuses visions des prophètes et des apôtres n’ont guère été contemplés; le plan de Dieu n’a pas été compris. De là, l’absence de pensées fortes.
«Hors de moi, vous ne pouvez rien faire» {s} dit Jésus. Nous ne pouvons rien sans lui; Il ne peut rien sans nous. Hors de nous, sans s’incarner dans nos vies, Il est rendu absolument impuissant. Le monde, qui vivrait de sa présence, meurt de son absence. «Le mal social et tous les autres maux ne sont que les résultats de l’absence de Dieu, manifesté en chair», a dit W. Stead. La vie de Dieu est descendue sur la terre. «La vie a été manifestée et nous l’avons vue», dit Jean. «La parole a été faite chair, elle a habité parmi nous», elle a été et elle est le Pain de vie qui nourrit les âmes repentantes et croyantes. Nous vivons lorsque nous contemplons avec foi la vie sainte du Sauveur et sa mort expiatoire. Et nous donnons Jésus-Christ à manger au monde quand nous, les membres du corps de Christ, nous sommes la lumière du monde, le sel de la terre, en laissant le Sauveur s’incarner dans nos vies. Car le monde vit de la foi, de la patience, de la charité, de l’intercession des chrétiens, c’est-à-dire de Jésus vivant dans ses rachetés. Dans l’exacte mesure où nous incarnons le Christ, nous sommes des paroles vivantes de Dieu, nous éclairons et réveillons les consciences, nous touchons les cœurs, nous agissons sur les volontés. Ce qui laisse le ciel sourd à nos prières et le monde indifférent, c’est l’absence de Dieu dans nos vies.
Ne cherchons pas ailleurs la cause de l’état de corruption du monde. Que deviendrait l’Océan si ses eaux, perdant leur puissante saveur, devenaient fades et insipides? Il se corromprait et empesterait l’humanité. Et que deviendra la société humaine si l’Eglise ne devient pas plus réellement le sel de la terre, la lumière du monde? Si nous prenons la parole de Dieu au rabais, comment le monde la prendrait-il au sérieux? Avant de nous affliger du peu de fruits qu’elle porte chez les mondains, affligeons-nous du peu de fruits qu’elle porte en nous. Sondons nos cœurs, examinons nos mobiles, descendons au fond de notre âme, visitons-en tous les recoins avec sincérité, à la lumière de la parole de Dieu et du Saint-Esprit. Demandons-nous si nous voulons réellement, sincèrement mourir à nous-mêmes, à toute réputation, à toute recherche de la gloire qui vient des hommes, à nos pensées propres.
Si nous sommes purs de cœur devant Dieu, cet examen nous amènera sans doute à opérer bien des réformes dans nos vies.
A l’heure actuelle, en pensant au monde perdu, mille questions angoissantes nous oppressent. Le danger est d’essayer de les résoudre avec notre sagesse. Les réponses à nos douloureux pourquoi se trouvent dans le cœur de Dieu. C’est là qu’il faut aller les chercher. Il faut que nous pensions ses pensées, que nous voulions sa volonté, que nous disions ses paroles, que nous fassions son œuvre par le Saint-Esprit. «Je ne puis rien faire de moi-même», dit le Sauveur.
C’est à genoux, dans le recueillement, en face de la parole sainte sérieusement consultée, seul à seul avec Dieu, que nous pouvons rentrer en nous-mêmes et arriver à une sincérité absolue, à une situation vraie vis-à-vis de nous, du monde et de Dieu. Là seulement Dieu peut nous montrer et nous faire sentir le néant des choses d’en bas, la valeur des âmes, le prix de la grâce, l’immensité de son amour, l’horreur du péché. Là, il nous humilie. Là nous sommes amenés à nous interroger: Est-ce que j’expérimente la vérité des promesses divines? Est-ce que j’obéis à tous les ordres de Dieu? Cet évangile de la régénération, de la liberté, de la sainteté, de la perfection, l’ai-je pris au sérieux?
Quand nous avons des oreilles pour entendre ce que Dieu nous dit, nous avons des cœurs et des bouches pour prier. Et la prière humble, intense, persévérante nous donne une ouïe toujours plus fine, elle brise nos chaînes, elle nous apporte la lumière, elle nous sépare du monde pour nous unir à Dieu,
elle est notre réponse à la volonté révélée de Dieu, elle nous apprend à recueillir les cris de détresse de la terre comme les paroles de miséricorde du ciel.
Et alors, dans cet intense recueillement aux pieds du Seigneur, nous avons de saintes visions. Tout d’abord la révélation de ce que nous sommes, de notre passé coupable, de tout ce qui n’a pas été jugé et abandonné, de tout ce qui reste en nous de charnel. A cette vue, nous nous prenons toujours plus en dégoût et nous appelons dans notre âme les puissances divines.
Nous avons aussi une révélation de la gloire de Dieu. Le Saint-Esprit nous révèle le caractère de Dieu en illuminant pour nous la croix de Jésus-Christ.
Nous avons encore une révélation de l’état du monde. Dieu nous montre notre pauvre humanité plongée dans les ténèbres et la souffrance, il nous donne les yeux de Christ pour sonder toutes les plaies et son cœur pour les sentir; il met en nous d’immenses compassions. Souvenons-nous de Moïse, de Daniel et de Paul. Comme ils se solidarisaient avec leur peuple coupable, prenant sur eux ses péchés, les confessant, s’en repentant, s’unissant à leur nation pécheresse par un lien d’une puissance indestructible.
Sommes-nous incapables de posséder un pareil amour et d’éprouver une telle douleur? Prosterné devant Dieu, Paul ne peut prendre son parti de posséder Jésus-Christ et d’en voir sa nation privée. Il souffre, il pleure, il prie. Et quelles souffrances, quelles larmes, quelles prières! Il contemple la situation de son peuple et du monde, et, en face de tant d’existences qui se perdent, tant de souillures qui ravagent l’âme humaine, tant de folies et de souffrances, tant d’aveuglement et de ruines, ses larmes coulent brûlantes et son cœur se brise. Il connaît la communion des souffrances de Christ. S’il n’était rempli d’espérance, il mourrait de douleur. Mais Paul sait que s’il y a sur la terre une abondance d’iniquités, de souffrances, d’esprit d’égarement, il y a dans le ciel une surabondance de pardon et de vie capable de détruire tous les maux d’ici-bas.
Pour devenir des témoins et des intercesseurs puissants, il nous faut cette double vision: la vision de l’œuvre de Satan détruisant santé, bonheur, pureté, cœur, conscience, intelligence, espérance, ne laissant que des ruines, puis la vision de l’œuvre du Christ, de tout ce qu’il peut et veut recréer dans les créatures humaines en se servant de nous comme d’instruments. Et c’est dans le recueillement que nous l’aurons. Si nous voulons entrer et demeurer dans le sanctuaire de la présence de Dieu, recueillis à ses pieds, il nous dépouillera de toute impureté et de toute inintelligence, il nous rendra semblables à Jésus-Christ. Alors nos vies sanctifiées raconteront la gloire de Dieu.
Il va sans dire que tout cela ne se réalisera pas en un jour. Dieu ne fait rien magiquement. C’est en contemplant la gloire du Seigneur que nous sommes transformés de gloire en gloire. D’une révélation obtenue dans le silence du recueillement naît dans notre âme une prière plus pure, et de cette nouvelle prière une révélation plus haute et des grâces nouvelles. Prosternés devant Dieu, la lumière et la vie grandissent sans cesse dans notre âme, Dieu peut nous associer à son oeuvre, mettre entre nos mains les rênes du gouvernement du monde, réaliser ses promesses, exercer par nous la toute puissance au ciel et sur la terre.
Que l’Eglise écoute ainsi Dieu dans un intense recueillement, et elle sera le canal béni par le moyen duquel toutes les richesses du ciel descendront sur la terre.

Nouvelle édition numérique Yves PETRAKIAN 2011 – France
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