mercredi 3 juin 2015

LES SERMONS DE WESLAY Sermon 5 : LA JUSTIFICATION PAR LA FOI

Numérisation Yves PETRAKIAN
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(tiré du livre 
 LES SERMONS DE WESLEY  -1- )


Romains 4,5  (1746)

« Pour celui qui ne fait point d'oeuvre, mais qui croit en Celui qui justifie l'impie, sa foi lui est imputée à justice ». 

1. Comment le pécheur peut-il être justifié devant Dieu, le Seigneur et le Juge ? Cette question est d'une suprême importance pour tous les hommes sans exception. Cette question touche à la raison d'être de notre espérance, puisqu'il ne peut y avoir pour nous ni paix véritable, ni joie solide, ici-bas ou dans l'éternité, aussi longtemps que nous sommes en état de révolte contre Dieu. Quelle peut être notre paix, si notre coeur nous condamne ; si surtout Dieu nous condamne, Lui qui « est plus grand que notre coeur et connaît toutes choses » ? Quelle joie peut régner en nous, si « la colère de Dieu demeure sur nous » ?

2. Combien, cependant, cette question vitale a été mal comprise ! Que de notions confuses à cet égard ! Non seulement ces notions sont confuses, mais absolument fausses ; aussi contraires à la vérité, que les ténèbres à la lumière ; en opposition manifeste avec les révélations divines. Le fondement même de ces conceptions est sans solidité ; aussi quel peut être l'édifice ! Les hommes n'ont pas employé « l'or, l'argent ou les pierres précieuses», mais ils se sont servis, pour bâtir, de « foin et de chaume ». Leur travail à déplu à Dieu et n'a point été utile à l'humanité.

3. Je vais m'efforcer de faire justice, autant qu'il dépend de moi, à cette question essentielle; je chercherai à préserver ceux qui veulent la vérité avec sincérité, de « toute vaine dispute de mots » , comme aussi à dissiper les obscurités de leur pensée, en leur donnant une conception juste et vraie de ce grand mystère d'amour. — Je me propose, pour cela de montrer :

I. Quelle est la base de toute la doctrine de la justification ;
II. Ce qu'est la justification ;
III. Qui sont les justifiés ;
IV. Et, enfin, à quelles conditions ils sont justifiés.

I

Tout d'abord, quelle est la base de toute la doctrine de la Justification ?

1. — L'homme a été fait à l'image de Dieu ; saint comme Dieu est saint ; compatissant comme Dieu est compatissant : parfait comme son Père dans les cieux est parfait. Dieu est amour ; de même l'homme, demeurant dans l'amour, demeurait en Dieu et Dieu en lui. Dieu fit de lui « une image de sa propre éternité » , une représentation de sa gloire. Il était pur, comme Dieu est pur, sans aucun péché. Il ne connaissait point le mal, mais il était irrépréhensible dans ses pensées comme dans ses actes. Il « aimait le Seigneur, son Dieu, de tout son coeur, de toute son âme, de toute sa force, de toute sa pensée ».

2. — Dieu donne à l'homme parfait une loi parfaite, que l'homme devait accomplir parfaitement. Il exigea une obéissance loyale à la loi toute entière, une obéissance de tous les instants ; sans aucune exception ni intermittence. Aucune indulgence pour la moindre faute. Au reste, rien n'obligeait l'homme à commettre de faute puisqu'il était capable d'accomplir la tâche qui lui avait été confiée et qu'il avait reçu de Dieu toutes les énergies nécessaires pour vivre la vie bonne dans ses paroles et dans ses oeuvres.

3. — A la loi d'amour qui était gravée dans son coeur (et qu'il ne pouvait pas, sans doute, violer ouvertement), Dieu jugea nécessaire, dans sa sagesse souveraine, d'ajouter un commandement précis « Tu ne mangeras pas du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin ». Et Il ajouta à cet ordre cette menace : « Au jour où tu en mangeras, tu mourras ».

4. - Tel était l'homme dans le Paradis. Dieu, dans son amour, l'avait fait heureux et saint. Il connaissait Dieu et se réjouissait en Dieu. Il possédait ainsi la vie, la vie éternelle. Il était destiné à vivre toujours cette vie d'amour. Mais il devait, pour cela, obéir à Dieu en toutes
choses. Du jour où il désobéirait, il entrerait dans la mort.

5. — L'homme désobéit à Dieu. Il « mangea du fruit de l'arbre dont Dieu lui avait parlé en disant : tu n'en mangeras pas ». Ce jour-là, il fut condamné par le Dieu juste. Le châtiment dont il était menacé le frappa. Dès qu'il eut mangé le fruit, il mourut. Son âme mourut, fut séparée de Dieu, séparée de Celui qui est aussi indispensable à la vie de l'âme que l'âme à la vie du corps. Son corps devint mortel. Mort spirituellement, mort dans son péché, il sentit venir sur lui la mort éternelle.

6. — Ainsi « par un seul homme le péché est entré dans le monde et, par le péché, la mort. Et la mort s'est étendue sur tous les hommes », comme un prolongement de la mort d'Adam, le père et le représentant de toute la race humaine. « Par une seule offense la condamnation a atteint tous les hommes ». (Romains 5 : 18).

7. — Nous étions tous dans cette situation lamentable quand « Dieu aima tellement le monde qu'Il donna son Fils unique ». Au temps fixé, Il devint homme, Chef et Représentant de l'Humanité tout entière. Il s'est chargé de nos péchés. « Il a été frappé pour nos transgressions, brisé par nos iniquités ». « Il a livré son âme en oblation pour le péché ». Il a versé son sang pour les coupables ; « Il a porté nos péchés en son corps sur le bois » et « par ses meurtrissures nous avons la guérison ».
Par son sacrifice, le sacrifice de lui-même, offert une fois pour toutes, Il nous a rachetés, tous, ayant ainsi expié les péchés du monde.

8. — Parce que le Fils de Dieu a souffert la mort pour tous, le Seigneur nous a réconciliés avec Lui-même. « Comme par la désobéissance d'un seul homme, tous ont été condamnés, ainsi, par l'obéissance d'un seul, la justification qui donne la vie s'étend à tous les hommes ». A cause des souffrances de son Fils Bien-aimé, de ce qu'Il a fait et enduré pour nous, Dieu s'engage (à une condition, une seule, qu'Il a Lui-même fixée) à nous pardonner nos offenses, à nous réintégrer en sa faveur, et à rendre la vie, la vie éternelle à nos âmes mortes.

9. — Telle est la base essentielle de la doctrine de la justification. Par la faute du premier Adam, qui était notre père mais aussi notre représentant à tous, nous nous sommes privés de la faveur de Dieu ; nous sommes devenus enfants de la colère. Mais, d'autre part, par le sacrifice accompli par le second Adam, notre représentant, Dieu nous a donné une alliance nouvelle. Il n'y a plus de condamnation pour nous ; nous avons été justifiés par grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ.

II

1. — Que signifient ces termes : « Etre justifié, justification ? » C'est ce que je me propose maintenant d'expliquer. D'après ce que nous venons de dire, ces termes n'expriment pas le fait de la victoire sur le péché, de la vie de justice. Ceci est proprement la sanctification. Sans doute, la sanctification est le fruit de la justification, mais elle est cependant, un don spécial de Dieu et d'une nature différente du premier. La justification représente l'oeuvre accomplie par Dieu pour nous en Son Fils ; la sanctification est l'oeuvre accomplie en nous par Son Esprit. Sans doute, il est possible de trouver quelques cas où le mot de justification comprend celui de sanctification ; mais, en général, ces deux expressions sont distinctes l'une de l'autre, dans les épîtres de St Paul et des autres écrivains sacrés.

2. — Ne disons pas non plus que la justification nous délivre de l'accusation qui pèse sur nous, surtout celle de Satan. Aucun texte ne nous permet de croire que Dieu se préoccupe de cette accusation ni de celui qui la porte contre nous. Sans doute, Satan est l' « accusateur » , mais la justification n'a rien à faire avec cette accusation.

3. — Ne disons pas non plus que la justification nous délivre de l'accusation portée contre nous par la loi. Cette manière malencontreuse de s'exprimer ne peut s'expliquer que si on la traduit ainsi : Dieu épargne à ceux qui sont justifiés la punition que pourtant ils méritent.

4. — Surtout ne présentons pas Dieu comme trompé en quelque sorte par ceux qu'Il justifie. Ne disons pas qu'Il s'imagine les justifiés différents de ce qu'ils sont. Dieu ne nous juge pas
contrairement à l'évidence ; Il ne nous considère pas comme meilleurs que nous ne sommes et ne voit pas en nous des justes alors que nous sommes des injustes. Son jugement est toujours conforme à la vérité. Il ne peut pas s'imaginer que je suis innocent ou juste et saint, parce qu'un autre l'est. Il ne peut pas plus, à ce point de vue, me confondre avec Christ qu'avec David ou Abraham. Que chacun étudie cette question avec impartialité; il se rendra compte certainement qu'une pareille notion de la justification n'est en harmonie ni avec la raison ni avec l'Ecriture.

5. — La justification est essentiellement, d'après la Bible, le pardon des péchés. La justification est l'acte par lequel Dieu le Père, à cause de la propitiation accomplie par le sang de son Fils, manifeste sa justice en accordant la rémission des péchés passés. Telle est bien la définition que St Paul en donne, en particulier dans l'épître aux Romains. «heureux, dit-il, sont ceux dont les iniquités sont pardonnées, dont le péché est couvert ; heureux est l'homme à qui le Seigneur n'impute point son péché ». Dieu ne condamnera point celui qui est justifié, pardonné ; Il ne le condamnera ni ici-bas, ni dans le siècle à venir. Ses péchés, tous ses péchés passés, péchés de pensée, de paroles ou d'actions, sont effacés ; ils ne lui seront plus reprochés. Dieu ne veut pas que le pécheur justifié souffre ce qu'il mériterait de souffrir, car le Fils de Dieu, le Fils de son amour, a souffert pour ce pécheur. Dès le moment où nous « sommes reçus en son Bien-aimé » , où nous « sommes réconciliés avec Dieu par son sang ; Dieu nous aime, nous bénit, comme si nous n'avions jamais péché.
            Sans doute, l'Apôtre semble, en un passage de ses épîtres, donner une signification plus large au mot de justification, lorsqu'il dit : « Ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi, mais ceux qui la pratiquent, qui seront justifiés ». Mais ici St Paul fait allusion à notre justification lors du Jugement.
        C'est aussi ce que fait notre Seigneur lorsqu'Il s'écrie : « Tu seras justifié par tes paroles » , montrant ainsi que « pour toute vaine parole que les hommes prononceront, ils devront rendre compte au jour du jugement ». Mais il serait difficile de citer un autre passage de l'apôtre qui donne au mot « justifié » cette signification. D'une manière générale, il ne lui donne pas ce sens ; il ne le lui donne certainement pas dans le verset que nous avons pris pour texte. Ce verset se rapporte, non point à ceux qui « ont achevé leur course » , mais à ceux qui sont au début de leur course, qui entre prennent de parcourir la carrière qui est devant eux.

III

1. — Une troisième question se pose devant nous « Qui sont les justifiés ? » L'apôtre nous le dit : Ce sont les impies. « Dieu justifie l'impie » , l'impie quel qu'il soit, quel que soit le degré de son impiété. Il ne justifie que l'impie. De même que les justes n'ont pas besoin de repentance, de même ils n'ont pas besoin de pardon. Il n'y a que le pécheur qui puisse admettre le besoin d'être pardonné. Le pardon est en relation directe avec le péché. C'est à l'égard des injustes que le Dieu compatissant veut déployer sa grâce ; c'est notre iniquité dont Il ne veut plus se souvenir.

2. — Cette conception est tout-à-fait opposée à celle qui considère la sanctification comme condition de la justification, qui présente l'obéissance à la loi de Dieu comme nécessaire pour le Pardon ; à moins cependant qu'ils ne pensent à la justification au jour du jugement, ce qui est une toute autre question. Non seulement il est impossible d'être saint en dehors de l'amour pour Lui et de la foi en son Amour, mais il est absurde, illogique de faire précéder ainsi la justification de la sanctification. Dieu n'aurait pas 0 justifier des saints mais ce sont des pécheurs, des rebelles, qui ont besoin de sa miséricorde. Il ne peut exiger la sainteté de ceux qui sont impurs. Comment admettre que l'Agneau de Dieu ne puisse ôter que les péchés qui ont déjà été ôtés ?

3. — Le Bon Berger cherche-t-il les brebis qui sont déjà, au bercail ? Non certes ; Il cherche celles qui sont perdues. Il sauve ceux qui ne Lui appartiennent pas encore ; ceux en qui ne réside aucun bien, mais qui sont esclaves de l'orgueil, de la colère ; de l'amour du monde.

4. — Ce sont les malades qui ont besoin de médecin. Ceux qui sont condamnés, non seulement par Dieu mais par leur conscience, ceux qui ont le vif sentiment de leur corruption profonde et de leur incapacité à faire ou penser le bien, ceux-là, crient à Dieu pour obtenir la délivrance. Ils reconnaissent que leur coeur est mauvais, profondément mauvais. Ils savent que le « mauvais arbre ne peut porter de bon fruit ».

5. — On dira peut-être : « L'homme, même avant d'être justifié, peut nourrir l'affamé, vêtir le
pauvre, faire des oeuvres bonnes ». - Il est facile de répondre à cette objection : Ces oeuvres sont bonnes en ce sens qu'elles sont utiles aux hommes. Mais il ne s'ensuit pas qu'elles soient vraiment bonnes aux yeux de Dieu, bonnes en elles-mêmes. Toute OEuvre bonne vient après la justification.
             Les oeuvres ne sont vraiment bonnes que dans la mesure où elles procèdent d'une foi vivante. Les oeuvres qui précèdent la justification ne sont pas bonnes dans le sens chrétien de ce mot, parce qu'elles ne procèdent pas de la foi en Jésus-Christ, parce qu'elles ne sont pas vraiment conformes à la volonté de Dieu. « Au contraire, n'étant pas faites comme Dieu veut et commande qu'elles le soient, nous ne doutons point, quelque étrange que ceci paraisse à quelques-uns, qu'elles n'aient la nature du péché ».

6. — Peut-être ceux qui doutent de cette déclaration n'ont-ils pas dûment pesé la preuve solide présentée ici pour établir qu'aucune oeuvre faite avant la justification ne peut être réellement bonne. Voici l'argument en forme :
         Aucune oeuvre n'est bonne, lorsqu'elle n'est point faite comme Dieu veut et commande qu'elle le soit ; Or, aucune oeuvre faite avant la justification n'est faite comme Dieu veut et commande qu'elle le soit. Donc aucune oeuvre faite avant la justification n'est une bonne oeuvre.
           La première proposition est évidente par elle-même. Et quand à la seconde, « aucune oeuvre faite avant la justification n'est faite comme Dieu veut et commande qu'elle le soit », elle paraîtra également simple et irrécusable, si seulement nous considérons que Dieu a voulu et commandé que toutes nos oeuvres fussent faites par amour ; par cet amour pour Dieu qui produit l'amour pour toute l'humanité. Or, aucune de nos oeuvres ne peut être faite par cet amour, tant que l'amour du Père (de Dieu comme notre Père), n'est pas en nous. Et cet amour ne peut exister en nous jusqu'à ce que nous recevions l'Esprit d'adoption, lequel crie dans nos cœurs : Abba, c'est-à-dire Père. C'est pourquoi si Dieu ne justifie pas le pécheur, et celui qui ne fait pas les oeuvres, Christ est mort en vain ; et, malgré Sa mort, nul homme vivant ne peut être justifié.

IV

1. — Mais à quelle condition est justifié celui qui est complètement pécheur, et qui jusqu'à ce moment n'a pas fait les oeuvres ? A une seule : LA FOI. Il « croit en celui qui justifie le pécheur » ; et celui qui croit en lui n'est point condamné, mais il est passé de la mort à la vie. « Car la justice (la miséricorde) de Dieu est par la foi en Jésus Christ, en tous ceux et sur tous ceux qui croient », Dieu L'ayant « destiné pour être une victime propitiatoire par la foi en son sang ;... afin qu'il soit trouvé juste, et que (conformément à sa justice) il justifie celui qui a la foi en Jésus... Nous concluons donc que l'homme est justifié par la foi, sans les oeuvres de la loi »; sans obéissance antérieure, à la loi morale, qu'il n'avait pu accomplir jusqu'à cette heure. Qu'il soit question ici de la loi morale et de cette loi seule, c'est ce qui paraît évident par les paroles qui suivent :
              « Anéantissons-nous donc la loi par la foi ? Dieu nous en garde ! Au contraire, nous établissons la loi ». Quelle loi établissons-nous par la foi ? la loi des observances, la loi cérémonielle de Moïse ? Nullement ; mais la grande et immuable loi de l'amour saint de Dieu et de notre prochain.

2. — La foi, dans un sens général, est une évidence ou conviction divine, surnaturelle, des choses qu'on ne voit point et qui ne tombent pas sous les sens, parce qu'elles sont ou passées, ou futures, ou spirituelles. La foi justifiante n'implique pas seulement l'évidence ou la conviction divine « que Dieu était en Christ réconciliant le monde avec soi » , mais aussi la pleine confiance que Christ est mort pour mes péchés, qu'il m'a aimé et s'est donné lui-même pour moi. Et quel que soit le moment où un pécheur croit ainsi, dans sa tendre enfance, dans la force de l'âge où lorsqu'il est vieux et couvert de cheveux blancs, Dieu le justifie, lui, méchant ; Dieu, à cause de son Fils, le pardonne et l'absout, lui, qui, jusque-là, n'avait rien de bon en lui. Dieu lui avait donné auparavant, il est vrai, la repentance, mais qu'était-ce autre chose qu'un profond sentiment de l'absence de tout bien et de la présence de tout mal dans son coeur ? Et quel que soit le bien qu'il y ait en lui ou qu'il fasse depuis l'instant où il a cru en Dieu par Christ, la foi ne l'a pas trouvé dans Son coeur, mais l'y a apporté ; c'est le fruit de la foi. L'arbre est fait bon d'abord, les fruits deviennent bons ensuite.

3. — Je ne puis mieux décrire la nature de la foi que dans ces paroles de l'Eglise anglicane: « Le seul instrument de salut » (dont la justification est une partie), « c'est la foi, c'est-à-dire une ferme confiance que Dieu a pardonné et veut pardonner nos péchés ; qu'Il nous a de nouveau reçus dans sa faveur, à cause des mérites de la mort et de la passion de Christ. Mais nous devons prendre garde, en venant à Dieu, de ne pas chanceler par inconstance et incertitude de fol. Pierre fut sur le point de se noyer en marchant sur la mer pour aller à Christ, parce que sa foi défaillit. Nous, de même si nous commençons à hésiter ou à douter, il est à craindre que nous ne nous enfoncions, non dans les vagues de la mer, mais dans l'abîme sans fond du feu de l'enfer ». (Second sermon sur la Passion.)
               « C'est pourquoi aie une foi sûre et constante, non seulement que la mort de Christ est, efficace pour tous les hommes, mais qu'il a offert un sacrifice complet et suffisant pour toi, qu'il a fait une parfaite purification de tes péchés, de telle sorte que tu puisses dire avec l'Apôtre, qu'Il t'a aimé et s'est donné Lui-même pour toi. C'est ainsi que tu t'approprieras Christ et que tu t'appliqueras à toi-même ses mérites ». (Sermon sur la Sainte-Cène.)

4. — Quand j'affirme que la foi est la condition de la justification, je veux dire, premièrement, que sans elle il n'y a pas de justification. Celui qui ne croit point est déjà condamné ; et aussi longtemps qu'il ne croit point la condamnation ne peut être ôtée, mais la colère de Dieu demeure sur lui.
             Comme il n'y a point sous le ciel d'autre nom donné aux hommes que celui de Jésus de Nazareth, point d'autres mérites que les siens, qui puissent sauver de sa culpabilité tout pécheur condamné, ainsi il n'y a aucun autre moyen d'obtenir une part dans ses mérites que la foi en son nom.. Aussi longtemps donc que nous n'avons pas cette foi, nous demeurons « étrangers à l'alliance de la promesse, séparés de la république d'Israël, et sans Dieu dans le monde ». Quelques vertus que l'homme puisse avoir (je parle de celui à qui l’Évangile est prêché, car qu'ai-je affaire de juger les autres ?) quelques bonnes oeuvres qu'il fasse, elles ne lui profitent de rien ; il reste toujours enfant de colère, il demeure sous la malédiction, jusqu'à ce qu'il croie en Jésus.

5. — La foi est donc la condition nécessaire de la justification, elle en est même la seule condition nécessaire. C'est là le second point qui demande une sérieuse attention. A l'instant même où Dieu donne la foi au pécheur (car elle est un don de Dieu), à l'instant où Il donne la foi à celui qui n'a 
point fait les oeuvres, cette foi lui est imputée et Justice. Avant ce moment, il n'a aucune justice quelconque, pas même une justice ou une innocence négative ; mais dès qu'il croit, la « foi lui est imputée à justice ». Ce n'est pas, je l'ai déjà dit, que Dieu le prenne pour ce qu'il n'est pas ; mais comme il a fait Christ péché pour nous, c'est-à-dire l'a traité comme un pécheur, en Le punissant pour nos péchés, ainsi il nous tient pour justes du jour où nous croyons en Lui, c'est-à-dire qu'il ne nous punit pas pour nos iniquités. Il nous traite, au contraire, comme si nous étions justes et sans culpabilité.

6. — Assurément, la difficulté que l'on éprouve à admettre cette proposition, que la foi est la seule condition de la justification, naît de ce qu'on ne la comprend point. Nous entendons par là que c'est la seule condition sans laquelle personne n'est justifié, la seule condition qui soit directement, essentiellement, absolument exigée pour obtenir le pardon. Ainsi, d'un côté, comme l'homme qui possède tout, excepté la foi, ne peut pas être justifié, de l'autre, celui qui manque de tout, s'il a la foi, ne peut qu'être justifié. Car si un pécheur quelconque, ayant une pleine conviction de sa méchanceté totale, de sa complète incapacité pour penser, dire ou faire le bien, et ne se sentant propre que pour le feu de l'enfer, si un tel pécheur, dis-je, se voyant sans secours et sans espoir en lui-même, se jette entièrement dans les bras de la miséricorde de Dieu en Christ, ce qu'il ne peut faire que par la grâce de Dieu, qui oserait douter qu'il ne soit pardonné dès ce moment ? 
        Qui voudrait affirmer que quelque chose de plus est indispensablement requis, pour que ce pécheur puisse être justifié ? S'il y a jamais eu un seul exemple semblable, depuis le commencement du monde (et n'en a-t-il pas existé, et n'en existe-t-il pas des mille milliers?), il en résulte naturellement que la foi est, dans le sens que nous avons indiqué, la seule condition de la justification.

7. — Il ne convient pas à de pauvres vermisseaux, coupables et pécheurs, qui doivent à la grâce, à une faveur imméritée, toutes les bénédictions dont ils jouissent (depuis la moindre goutte d'eau qui rafraîchit leur langue, jusqu'aux immenses richesses de gloire dans l'éternité), de demander à Dieu les raisons de sa conduite, ce n'est pas à nous à questionner Celui qui « ne rend aucun compte de ce qu'Il fait » à personne, et à Lui dire : Pourquoi as-tu fait de la foi la condition, la seule condition de la justification ? Pourquoi as-tu décrété que, celui qui croira, et lui seul sera sauvé ? C'est le point sur lequel saint Paul insiste si fortement dans le neuvième chapitre de cette Épître, à savoir que les conditions du pardon et de la faveur de Dieu doivent dépendre, non de nous, mais de Celui qui nous appelle ; qu'il n'y a point d'injustice en Dieu, à fixer ses propres conditions selon son bon plaisir, et non suivant le nôtre ; puisqu'Il est Celui qui peut dire avec justice : « Je ferai miséricorde à celui à qui je ferai miséricorde », c'est-à-dire à celui qui croit en Jésus. Ce n'est donc point à celui qui veut, ni à celui qui court à choisir la condition à laquelle il sera reçu en grâce, mais à Dieu qui fait miséricorde, qui ne reçoit personne que de sa propre et libre bienveillance, de sa bonté imméritée. Il fait donc miséricorde à qui Il veut, c'est-à-dire à ceux qui croient au Fils de son amour ; et ceux qu'il veut, ceux qui ne croient pas, Il les endurcit, les abandonne ; à la fin, à l'endurcissement de leurs cœurs.

8. — Nous pouvons cependant humblement concevoir une des raisons pour lesquelles est fixée cette condition de justification : «Si tu crois au Seigneur Jésus-Christ, tu seras sauvé» . C'est afin d'humilier l'orgueil de l'homme. L'orgueil avait déjà détruit les anges de Dieu, il avait fait tomber « la troisième partie des étoiles du ciel » ; C'est en grande partie à l'orgueil qu'Adam avait dû, lorsque le tentateur lui dit : « Vous serez comme des dieux » ; de déchoir et d'introduire le péché et la mort dans le monde. C'est pourquoi c'était une preuve de sagesse digne de Dieu, de fixer pour lui et pour toute sa postérité une condition de salut qui pût les humilier et les abaisser jusque dans la poudre. Telle est la loi. Elle répond particulièrement à ce but ; car celui qui vient à Dieu par la foi, ne doit fixer les yeux que sur sa propre méchanceté, sur ses crimes, et sur son incapacité quant au bien ; il ne doit regarder à aucun bien supposé, à aucune vertu ou justice ; quelconque en lui-même.
            Il doit venir simplement comme pécheur, pécheur intérieurement et extérieurement, détruit par sa faute, condamné par sa propre conscience, n'apportant rien à Dieu que l'iniquité, et, lorsqu'il plaide avec lui, ne lui présentant rien qui lui soit propre, si ce n'est le péché et la misère. Lorsqu'il a ainsi la bouche fermée et qu'il se trouve entièrement coupable devant c'est alors, et alors seulement qu'il peut regarder à Jésus comme à la parfaite et seule propitiation pour ses péchés. Alors seulement, il peut être trouvé en lui et recevoir la justice qui est de Dieu par la foi.

9. — Toi donc, méchant, qui entends ou lis ces paroles ! toi, pécheur vil, misérable et impuissant ! Je te somme devant Dieu, le juge de tous, d'aller directement à Lui, avec toute ta méchanceté. Prends garde de perdre ton âme en plaidant plus ou moins ta justice propre. Présente-toi à Lui comme étant entièrement méchant, coupable, perdu, ruiné, comme méritant l'enfer, et déjà sur le bord de l'abîme, et tu trouveras grâce devant Lui, et tu sauras qu'Il justifie le pécheur. Tu seras ainsi conduit au Sauveur, au sang de l'aspersion, comme un pécheur perdu, sans secours et damné.
             Regarde donc à Jésus ; voilà l'Agneau de Dieu qui ôte tes péchés. Ne fais valoir aucune oeuvre, aucune justice qui t'appartienne ! aucune humilité, aucune contrition, aucune sincérité ! Non ! ce serait renier le Seigneur qui t'a racheté. Plaide uniquement le sang de l'alliance, la rançon payée pour ton âme orgueilleuse, rebelle et pécheresse. Qui es-tu, toi qui actuellement vois et sens à la fois ta méchanceté intérieure et extérieure ? C'est à toi que je m'adresse ! je te réclame pour mon Seigneur. Je te supplie de devenir un enfant de Dieu par la foi ! Le Seigneur a besoin de toi ; toi qui te sens propre pour l'enfer, tu es propre à avancer sa gloire ; la gloire de sa libre grâce qui justifie le méchant et celui qui n'a point fait les oeuvres. Oh ! viens sur-le-champ ! Crois au Seigneur Jésus : et toi, oui toi, tu seras réconcilié avec Dieu !








LES SERMONS DE WESLEY Sermon 4 : LE CHRISTIANISME SCRIPTURAIRE

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(tiré du livre 
 LES SERMONS DE WESLEY  -1- )


Actes des Apôtres   (1744), prêché devant l'Université d'Oxford

« Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit ». (Actes 4 : 31.)

              La même expression se présente au deuxième chapitre, où nous lisons : « Le jour de la Pentecôte étant arrivé, ils étaient tous (les apôtres, les femmes, la mère de Jésus et ses frères) — ils étaient tous d'un accord dans un même lieu. Alors il se fit tout-à-coup un bruit du ciel, comme le bruit d'un vent qui souffle avec impétuosité. Et ils virent paraître des langues séparées, comme de feu, qui se posèrent sur chacun d'eux. Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit ; et l'un des effets immédiats fut qu'ils commencèrent à parler des langues étrangères, en sorte que Parthes, Mèdes. Elamites et les autres étrangers qui se rassemblèrent dès que le bruit s'en fut répandu, les entendirent tous parler, dans leurs diverses langues, des choses magnifiques de Dieu (Actes 2 : 1-6).
               Dans notre chapitre, nous lisons qu'après que les apôtres et les frères eurent prié et loué Dieu, le lieu où ils étaient assemblés trembla et qu'ils furent tous remplis du Saint-Esprit ; mais nous ne trouvons point ici de signes visibles, comme dans le premier cas, et il ne nous est point dit qu'aucun des frères ait alors reçu les dons extraordinaires du Saint-Esprit, tel que le don de guérir ou d'opérer d'autres miracles, ou la prophétie, ou le discernement des esprits, ou la diversité des langues, ou le don d'interpréter les langues (1Corinthiens 12 : 9,10).
               Que ces dons du Saint-Esprit fussent destinés à demeurer dans l'Église, de siècle en siècle, ou qu'ils doivent ou non lui être rendus à l'approche du rétablissement de toutes choses, ce sont des questions qu'il n'est pas nécessaire de décider. Mais il faut bien remarquer que ; même dans l'enfance de l'Église, Dieu ne les distribua qu'avec réserve. Même alors, « tous étaient-ils prophètes ? Tous opéraient-ils des miracles ? Tous avaient-ils le don de guérir ? Tous parlaient-ils des langues ? » (1Corinthiens 12 : 28-30) Non, certes. Pas un sur mille, peut-être ; mais probablement ceux-là seuls qui enseignaient dans l'Église, et, d'entre eux seulement quelques-uns. Si donc tous furent remplis du Saint-Esprit, ce fut dans un but bien plus excellent.
             C'était pour leur donner (et nul ne peut dire que ce ne soit essentiel pour tous les chrétiens dans tous les siècles) les « sentiments qui étaient en Christ » , ces fruits de l'Esprit qu'il faut avoir pour être à lui ; c'était pour les remplir « d'amour, de joie, de paix, de patience, de douceur, de bonté, de fidélité, de bénignité, de tempérance (Galates 5 : 22-24» pour les rendre capables de crucifier la chair avec ses passions, désirs et convoitises, et, en vertu de ce changement au dedans, d'accomplir au dehors toute justice, de marcher comme Christ a marché lui-même dans les oeuvres de la foi, dans les travaux de la charité, dans la constance de l'espérance (1 Thessaloniciens 1 : 3).
              Laissant donc les questions curieuses et inutiles touchant ces dons extraordinaires de l'Esprit, considérons de plus près les fruits ordinaires que nous savons appartenir à tous les siècles, cette grande oeuvre de Dieu parmi les fils des hommes qu'on désigne sous le nom de Christianisme, non en tant qu'elle se rapporte à un ensemble d'opinions, à un système de doctrines, mais en tant qu'elle concerne le coeur et la vie des hommes. Ce christianisme, il peut nous être utile de l'envisager sous trois aspects distincts : 
1° comme prenant naissance chez les individus. 
2° Comme se communiquant d'homme à homme. 
3° Comme couvrant la terre. — Je terminerai, 
4° ces considérations par une application pratique.

I

                 Et d'abord considérons le christianisme dans sa naissance, comme commençant à exister chez les individus. Supposez donc le cas d'un de ceux qui entendirent l'apôtre Pierre prêcher la repentance et la rémission des péchés : il est touché de componction,(regret d'avoir offensé Dieu) convaincu de péché, il se repent et il croit en Jésus. Au moyen de cette foi produite par Dieu, « vive représentation des choses qu'on espère, et démonstration de celles qu'on ne voit point (Hébreux 11 : 1) », il reçoit à l'instant « l'esprit d'adoption, par lequel il peut crier : Abba, Père (Romains 8 : 15) ! » Maintenant il peut, «par le Saint-Esprit, appeler Jésus Seigneur (1Corinthiens 12 : 3) » ; et aussi « le Saint-Esprit lui-même rend témoignage à son esprit qu'il est enfant de Dieu (Romains 8 : 16) ». Maintenant il peut dire en vérité : « Ce n'est pas moi qui vis, mais Christ vit en moi ; et si je vis encore dans ce corps mortel, je vis par la foi au Fils de Dieu qui m'a, aimé et qui s'est donné lui-même pour moi (Galates 2 : 20) ».
             Telle était donc réellement la foi, — une démonstration divine de l'amour de Dieu en Christ, pour lui pécheur accepté maintenant dans le Bien-aimé. Étant donc justifié par la, foi, il avait la paix avec Dieu (Romains 5 : 1), et même la paix de Dieu régnait dans son coeur (Col 3 : 15), et cette « paix, qui surpasse tout entendement (toute conception purement humaine), gardait son coeur et son esprit » de tout doute et de toute crainte, par la connaissance de Celui en qui il avait cru. Il ne pouvait plus « craindre aucun mauvais bruit, car son coeur était ferme, se confiant en l'Éternel ». Il ne craignait plus ce que l'homme pouvait lui faire, car il savait que « les cheveux mêmes de sa tête étaient comptés» Il ne craignait plus rien de la puissance des ténèbres que Dieu brisait chaque jour sous ses pieds. Surtout il ne craignait plus la mort, il désirait, au contraire, « déloger pour être avec Christ (Philippiens 1 : 23) », sachant que, « par sa mort, il a détruit celui qui avait la puissance de la mort, c'est-à-dire le diable, et délivré ceux qui, par la crainte de la mort, étaient toute leur vie assujettis à la servitude (Hébreux 2 : 15) ».C'est pourquoi son âme magnifiait le Seigneur, et son esprit se réjouissait en Dieu, son Sauveur. Il se réjouissait d'une joie ineffable en Celui qui l'avait réconcilié avec Dieu le Père et en qui il avait la rédemption par son sang, le pardon des offenses. Il se réjouissait dans ce témoignage que, l'Esprit de Dieu rendait à son esprit qu'il était enfant de Dieu. Bien plus, il se réjouissait, dans l'espérance de la gloire de Dieu, de sa glorieuse image et du renouvellement de son âme en justice et en vraie sainteté, dans l'espérance de cette couronne de gloire, de cet héritage des cieux « qui ne se peut corrompre, ni souiller, ni flétrir 1 Pierre 1.4) ». L'amour de Dieu était aussi « répandu dans son coeur par le Saint-Esprit » qui lui était donné (Romains 5 : 5)». Parce qu'il était fils, Dieu avait «envoyé en lui l'esprit de son Fils, criant : Abba, Père (Galates 4 : 6) »; et cet amour filial croissait sans cesse par le témoignage intérieur (1Jean 5:10) du pardon de ses péchés, et en contemplant «l'amour que le Père nous a témoigné que nous soyons appelés ses enfants (1Jean 3 : 1)» En sorte que Dieu était le désir de ses yeux, la joie de son coeur, et sa portion pour le temps et pour l'éternité.
               Aimant ainsi Dieu, il ne pouvait qu'aimer ses frères, et cela « non pas en paroles seulement, mais en effet et en vérité ». « Si Dieu, disait-il, nous a ainsi aimés, nous devons ainsi nous aimer les uns les autres (Jean 4 : 11) ». Nous devons aimer toute âme d'homme, car « les compassions de Dieu sont sur toutes ses oeuvres (Psaume 145 : 9) ». Ainsi donc cet ami de Dieu embrassait, à cause de Lui,dans ses affections, tout le genre humain, sans excepter ceux qu'il n'avait jamais vus, ou ceux dont il ne savait guère qu'une chose ; savoir, qu'ils étaient « de la race de Dieu » et de ceux « pour qui Christ est mort » ; sans excepter les méchants et les ingrats, ni surtout ses ennemis, ceux qui le haïssaient, le persécutaient ou le traitaient avec mépris à cause de son Maître. Ceux-ci avaient une place particulière dans son coeur et dans ses prières ; il les aimait comme Christ nous a aimés.
               Mais la « charité ne s'enfle point d'orgueil (1Corinthiens 13 : 4) », elle humilie sur la poudre l'âme où elle habite. Aussi était-il humble de coeur, petit, méprisable et vil à ses propres yeux. Il ne cherchait ni n'acceptait la louange qui vient des hommes, mais seulement celle qui vient de Dieu. Il était doux, patient, débonnaire et facile envers tous. La fidélité et la vérité étaient « liées autour de son cou et gravées sur la table de son coeur ».
             Le Saint-Esprit le rendait modéré en toutes choses, et il faisait taire son âme «comme un enfant sevré ». Il était crucifié au monde et le monde lui était crucifié. Il était au-dessus de « la convoitise de la chair, de la convoitise des yeux et de l'orgueil de la vie ». Le même amour tout-puissant le préservait de colère et d'orgueil, de convoitise et de vanité, d'ambition et d'avarice et de toute affection étrangère à Jésus-Christ.
              On croira. sans peine que celui qu'animait cet amour ne faisait point de mal au prochain. Il lui était impossible de blesser, le sachant et le voulant, qui que ce fût. Il était aussi loin que possible de la cruauté et de toute action injuste ou malveillante. Et il ne mettait pas moins de soin à « garder sa bouche, et l'ouverture de ses lèvres », de peur qu'il ne péchât de a langue contre la justice, la miséricorde ou la vérité. Il dépouillait tout mensonge, toute fausseté, toute fraude, et l'on ne trouvait aucun artifice dans sa bouche. Il ne médisait de personne, et jamais ses lèvres ne laissaient échapper rien de désobligeant.
                Et comme il sentait profondément la vérité de cette parole : « Hors de moi vous ne pouvez rien faire (Jean 15.5) », et le besoin d'être arrosé de Dieu, de moment en moment, il persévérait chaque jour dans les ordonnances de grâce que Dieu a établies comme canaux de sa bénédiction, —« dans la doctrine des apôtres », —recevant cet aliment de l'âme avec toute promptitude de coeur, — « dans la fraction du pain » — qui était pour lui « la communion du corps de Christ », — « et dans les prières », et les louanges offertes à Dieu par la grande assemblée. C'est ainsi qu'il se fortifiait chaque jour dans la grâce, croissant en vertu et dans la connaissance et l'amour de Dieu.
               Mais c'était peu pour lui que de ne nuire à personne. Son âme avait soif de faire du bien. Mon Père, disait-il toujours en son coeur, mon Père agit continuellement, et moi je dois agir aussi ; — mon Seigneur « allait de lieu en lieu, faisant du bien », ne marcherai-je pas sur ses traces ? C'est pourquoi, selon que l'occasion se rencontrait, s'il ne pouvait faire du bien d'un ordre supérieur, on le voyait nourrir les affamés, vêtir ceux qui étaient nus, assister les orphelins et les étrangers, visiter et secourir les malades et les prisonniers. Il donnait tous ses biens pour la nourriture des pauvres, se réjouissant de travailler ou de souffrir pour eux, et d'exercer le renoncement surtout dans les choses où il pouvait être utile aux autres. Aucun sacrifice ne lui coûtait pour eux, car il se souvenait de cette parole du Seigneur : « En tant que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, vous me les avez faites à moi-même (Mat 25 : 40) ».
            Tel était le christianisme à sa naissance. Tels étaient les chrétiens aux jours anciens. Tels étaient ceux qui, ayant entendu les menaces des principaux sacrificateurs et des sénateurs, élevèrent, tous d'un accord, leurs voix à Dieu, et furent tous remplis du Saint-Esprit. La multitude de ceux qui avaient cru n'était qu'un coeur et qu'une âme, — tant l'amour de Celui en qui ils avaient cru les pressait de s'aimer les uns les autres, — « et personne ne disait que ce qu'il possédait fût à lui en particulier, mais toutes choses étaient communes entre eux », tant il est vrai qu'ils étaient crucifiés au monde, et que ce monde leur était crucifié ! « Ils persévéraient tous dans la doctrine des apôtres, dans la communion, dans la fraction du pain et dans les prières (Actes 2 : 42) ». Et il y avait une grande grâce sur eux tous ; car il n'y avait personne parmi eux qui fût dans l'indigence ; parce que tous ceux qui possédaient des fonds de terre ou des maisons les vendaient et en apportaient le prix aux apôtres ; et on les distribuait à chacun, selon qu'il en avait besoin (Actes 4 : 31,35) ».

II

              Considérons, en second lieu, ce christianisme, comme se communiquant d'homme à homme, et s'étendant ainsi graduellement dans le monde. Car telle était la volonté de Dieu, qui n'allumait pas cette lumière pour la mettre sous un boisseau, mais afin qu'elle éclairât tous ceux qui étaient dans la maison ! Le Seigneur l'avait déclaré à ses premiers disciples : « Vous êtes le sel de la terre ; vous êtes la lumière du monde », leur donnant, en même temps, ce commandement général : « Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres, et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux (Mat 5 : 13-16) ».
            Représentons-nous, d'ailleurs, quelques-uns de ces amis de l'humanité, voyant le monde entier plongé dans le mal : pouvons-nous croire qu'ils restassent indifférents, à cette vue, à la misère de ceux pour qui leur Seigneur était mort ? Leurs entrailles n'en seraient-elles pas émues, et leurs cœurs fondus d'angoisse ? Et pourraient-ils « rester tout le jour sans rien faire », lors même qu'il n'y aurait pas de commandement de Celui qu'ils aiment ? Ne travailleraient-ils pas, par tous les moyens possibles, à retirer du feu quelques-uns de ces tisons ? Oui, sans doute, ils n'épargneraient aucune peine pour ramener le plus possible de ces brebis égarées au Pasteur et à l'Évêque de leurs âmes (1Pierre 2 : 25).
          Ainsi faisaient les premiers chrétiens : ils travaillaient pendant qu'ils en avaient l'occasion à faire du bien à tous les hommes, les exhortant à fuir sans délai la colère à venir. Ils disaient : « Dieu ayant laissé passer les temps d'ignorance, annonce maintenant à tons les hommes, en tous lieux, qu'ils se repentent (Actes 17 : 30) ; » ils criaient à haute voix : « Détournez vous, détournez-vous de tons vos péchés, et l'iniquité ne vous sera pas une occasion de ruine (Ézéchiel 18 : 30) ». Ils leur parlaient « de la tempérance et de la justice » ; — des vertus opposées à leurs péchés dominants, — « et du jugement à venir (Actes 24 : 25) », de la colère de Dieu qui va se répandre sur les ouvriers d'iniquité au jour qu'il jugera le monde.
            Ils parlaient à chacun selon ses besoins : aux insouciants, à ceux qui demeuraient insensibles dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, ils criaient : « Réveille-toi, toi qui dors, et te relève d'entre les morts, et Christ t'éclairera ! (Ephésiens 5.14) » Mais à ceux qui déjà réveillés du sommeil, gémissaient sons le poids de la colère divine, ils disaient : «Nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le Juste, il est la propitiation pour nos péchés» ; — et quant à ceux qui avaient cru, ils les excitaient à la charité et aux bonnes oeuvres, ils les exhortaient à y persévérer avec patience et à abonder de plus en plus en cette sainteté, « sans laquelle nul ne verra le Seigneur (Hébreux 12 : 14) ».
             Et leur travail n'était pas vain devant le Seigneur, sa parole avait un libre cours est était glorifiée. Mais plus elle avançait, plus elle était un objet de scandale. Le monde, en général, se scandalisait, parce qu'ils rendaient témoignage que ses oeuvres étaient mauvaises (Jean 7 : 7). Les gens de plaisir se scandalisaient, non seulement de ce que ces hommes semblaient faits pour les reprendre : (Il se vante, disaient-ils, de connaître Dieu, et il s'appelle enfant du Seigneur ; sa vie n'est pas semblable à celle des autres, et ses voies sont différentes. Il s'abstient de nos voies comme d'une souillure ; il se glorifie d'avoir Dieu pour son père (Sagesse 2 : 13-16 ) ; — mais surtout ils se scandalisaient de ce que tant de leurs compagnons leur étaient enlevés et ne voulaient plus « courir avec eux dans les mêmes débordements de dissolution (1Pierre 4 : 4) ». Les hommes de réputation se scandalisaient de ce qu'en proportion des progrès de l'Évangile, ils baissaient dans, l'estime du peuple, en sorte que plusieurs n'étaient plus libres de leur donner des titres flatteurs, ni de rendre à l'homme l'hommage qui n'est dû qu'à Dieu. Les artisans s'assemblaient et disaient : « O hommes, vous savez que tout notre gain vient de cet ouvrage ; mais vous voyez et vous entendez que ces hommes ont persuadé et détourné un grand nombre de personnes ; tellement qu'il est à craindre que notre métier ne soit décrié (Actes 19 : 25-27)». Mais surtout les hommes dits religieux, les saints du monde, se scandalisaient, et toujours ils étaient prêts à s'écrier : « Hommes israélites, aidez-nous ! Nous avons trouvé ces gens qui sont une peste publique et qui excitent des séditions par tout le monde (Actes 24 :5), prêchant partout contre la nation et contre ce lieu (Actes 21 : 28) ! »
            Ainsi le ciel s'obscurcissait de nuages et l'orage se formait. Car plus le christianisme avançait, plus ceux qui le rejetaient y voyaient de mal, et plus le nombre augmentait de ceux qui, remplis de rage contre ces perturbateurs du monde (Actes 17 : 6), ne cessaient de crier : « Qu'on les ôte de la terre ! il n'est pas juste de les laisser vivre » ; — et qui même croyaient sincèrement que « quiconque les ferait mourir rendrait service à Dieu ».
               On ne manquait pas non plus de rejeter leur nom comme mauvais (Luc 6 : 22), et « partout on s'opposait à cette secte » (Actes 28 : 22) Les hommes disaient contre eux toute sorte de mal, comme on avait fait pour les prophètes venus avant eux (Matthieu 5 : 11-12). Et ce que l'un affirmait, les autres le croyaient, en sorte que les sujets de scandale se multipliaient comme les étoiles du ciel. De là s'éleva, au temps voulu du Père, la persécution sous toutes ses formes. Les uns ne souffrirent d'abord que la honte et l'insulte ; d'autres, la perte de leurs biens ; plusieurs furent éprouvés par les opprobres et les fouets, plusieurs par les liens et par la prison ; d'autres durent résister jusqu'au sang (Hébreux 10 : 34 11 : 36).
           Ce fut alors que les forteresses de l'enfer furent ébranlées, et que le royaume de Dieu s'étendit toujours plus. Partout les pécheurs furent convertis des ténèbres à la lumière et de la puissance de Satan à Dieu. Le Seigneur donnait à ses enfants « une bouche et une sagesse à laquelle leurs adversaires ne pouvaient résister » ; et leur vie n'avait pas moins de force que leurs paroles. Ils se rendaient recommandables 
« comme serviteurs de Dieu, dans les afflictions, dans les nécessités, dans les maux extrêmes, dans les blessures, dans les prisons, au milieu des séditions, dans les travaux, dans les périls sur mer ou dans les déserts, dans les fatigues et les peines, dans la faim, la soif, le froid et la nudité (2 Corinthiens 6 : 4) ». 

             Et s'il leur arrivait, après avoir soutenu le bon combat, d'être menés comme des brebis à la boucherie, et « de servir d'aspersion sur le sacrifice et l'offrande de leur foi », alors le sang de chacun d'eux trouvait une voix, et les païens avouaient que, quoique morts, ils parlaient encore.

           Ainsi le christianisme se répandit sur la, terre. Mais combien l'ivraie se hâta de paraître avec le bon grain et le mystère d'iniquité d'agir concurremment au mystère de piété! Comme Satan eut bientôt son trône, même dans le temple de Dieu ! L'Eglise s'enfuit au désert et les fidèles furent de nouveau réduits à un petit nombre parmi les fils des hommes. Ici nous entrons dans un chemin battu. La corruption toujours croissante des siècles suivants, a été, à diverses époques, amplement décrite par les témoins que Dieu s'est suscités pour montrer qu'il a bâti son Église sur le roc et que « les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle (Matthieu 16 : 18) ».

III

           Mais ne verrons-nous pas de plus grandes choses que celles-là ? — Oui ; de plus grandes qu'il n'y en a encore eu depuis la création du monde ! Satan peut-il faire que la vérité de Dieu trompe ou que ses promesses soient de nul effet ? — Mais, s'il ne le peut, le temps viendra où le christianisme, vainqueur de toute opposition, couvrira la terre. C'est le troisième point que nous nous étions proposé d'établir. Arrêtons-nous et contemplons d'avance cet étrange spectacle : un monde chrétien. Ce fut l'objet de l'exacte recherche et de la profonde méditation des prophètes (1Pierre 1 : 10) ; et l'Esprit qui était en eux en rendit témoignage : 
« Il arrivera aux derniers jours que la maison de l’Éternel sera affermie au-dessus des montagnes et élevée par-dessus les coteaux, et tous les peuples y aborderont ! - Et ils forgeront leurs épées en hoyaux et leurs hallebardes en serpes ; une nation ne lèvera plus l'épée contre une autre et ils ne s'exerceront plus à la guerre (Esaïe 2 : 1-4). —

En ce jour-là, les nations rechercheront la racine d'Isaï, dressée pour enseigne des peuples et son séjour ne sera que gloire. — Et il arrivera en ce jour-là que le Seigneur mettra encore la main à recouvrer les restes de son peuple : il élèvera l'enseigne pour les nations ; il rassemblera ceux d'Israël qui auront été chassés ; il recueillera des quatre coins de la terre ceux de Juda qui auront été dispersés. — Le loup habitera avec l'agneau, et le léopard gîtera avec le chevreau ; le veau, le lionceau et le bétail qu'on engraisse seront ensemble, et un enfant les conduira. On ne nuira point, on ne fera aucun dommage à personne dans toute la montagne de ma sainteté. Car la terre sera remplie de la connaissance de l’Éternel, comme le fond de la mer est couvert des eaux (Esaïe 11 : 6- 12) ».
         Tel est aussi le sens de ces paroles du grand Apôtre, qui évidemment attendent encore leur accomplissement : 

« Dieu a-t-il rejeté son peuple ? A Dieu ne plaise ! — Mais le salut a été donné aux Gentils par leur chute. Or, si leur chute a fait la richesse du monde, que ne fera pas la conversion de ce peuple entier ?... Car, mes frères, je ne veux pas que vous ignoriez ce mystère, que si une partie d'Israël est tombée dans l'endurcissement, ce n'est que jusqu'à ce que la multitude des Gentils soit entrée dans l'Église. — Et ainsi tout Israël sera sauvé. (Romains 11 1 : 11,25,26) »

           Supposons maintenant la plénitude des temps arrivée et les prophéties accomplies. Quelle perspective ! Tout est paix, calme et assurance à, jamais. C'en est fait du fracas des armes, du tumulte et des vêtements souillés de sang. La destruction a pris fin pour toujours. Les guerres ont cessé sur la terre. Il n'y a plus même de discorde intestine ; plus de frère qui s'élève contre son frère ; plus de ville ; ni de province divisée contre elle-même et déchirant ses propres entrailles.

          C'en est fait pour toujours des guerres civiles ; il ne reste personne qui détruise ou moleste son prochain. Ici plus d'oppression qui mette lors de sens le sage lui-même ; plus d'extorsion qui écrase la face des pauvres ; plus de tort ni de larcin ; plus de rapine ni d'injustice : car tous sont contents de ce qu'ils possèdent. Ainsi la justice et la paix se sont entre-baisées ; elles ont pris racine et rempli la terre ; « la vérité et germé de la terre, et la justice a regardé des cieux (Ps 85 : 10,11) ».
           Et avec la justice il y a aussi la miséricorde. La terre n'est plus remplie de cabanes de violence. Le Seigneur a détruit l'homme sanguinaire et le malicieux, l'envieux et le vindicatif. Y eût-il encore provocation, il n'y a plus personne qui rende mal pour mal ; mais il n'y a pas même de provocation ; car tous les hommes sont simples comme des colombes. Remplis de paix et de joie par la foi, unis en un seul corps par le même Esprit, ils s'aiment comme des frères : ils ne sont qu'un coeur et qu'une âme. Et nul d'entre eux ne dit que ce qu'il possède lui appartienne en propre. Il n'y a parmi eux personne dans l'indigence ; car chacun aime son prochain comme lui-même ; et ils n'ont tous qu'une règle : « tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites le-leur aussi de même On n'entend donc plus parmi eux ni paroles désobligeantes, ni débats de langue, ni contentions d'aucun genre, ni railleries, ni médisances ; mais tous ouvrent la bouche avec sagesse ; tous ils ont « la loi de débonnaireté (humilité)sur les lèvres ». Mais ils sont aussi incapables de fraude ou de déguisement : leur amour est sans dissimulation ; leurs paroles sont toujours la juste expression de leurs pensées, ouvrant, pour ainsi dire, une fenêtre à leur coeur, afin que quiconque veut y regarder voie que Dieu et son amour y habitent seuls.
           C'est ainsi que le Dieu tout-puissant « se revêtant de sa force et entrant dans son règne » se soumet toutes choses, et fait déborder tous les cœurs d'amour et toutes les bouches de louanges. 

« Heureux le peuple qui est dans cet état ! Heureux le peuple duquel l'Éternel est le Dieu (Ps 144 : 15) »

« Lève-toi, sois illuminée, dit l'Éternel, car ta lumière est venue, et la, gloire de l'Éternel est levée sur toi. Tu as reconnu que moi, l'Éternel, je suis ton Sauveur et ton Rédempteur, le Puissant de Jacob. — Je ferai que la paix règne sur toi, que la justice te gouverne. On n'entendra plus parler de violence dans ton pays, ni de dégât ou d'oppression dans tes contrées ; mais tu appelleras tes murailles salut et tes portes louanges. Tes enfants seront tous justes ; ils posséderont éternellement la terre ; ils seront le rejeton que j'ai planté et l'ouvrage de mes mains dans lequel je serai glorifié. Tu n'auras plus le soleil pour lumière du jour, et la lueur de la lune ne t'éclairera plus ; mais l’Éternel sera pour toi une lumière éternelle, et ton Dieu sera. ta gloire, (Esaïe 60 1 : 16-19) ».

IV


         Ayant ainsi brièvement considéré le christianisme dans sa naissance, dans ses progrès, dans sa victoire, tout ce qu'il me reste à faire c'est de conclure par une application simple et pratique.
--Et d'abord, je le demande, où existe maintenant un tel christianisme ? 
--Où sont, je vous prie, les chrétiens ? 
--Quel est le pays où les habitants sont ainsi remplis du Saint-Esprit, — n'ont tous qu'un coeur et qu'une âme, — ne peuvent laisser l'un d'entre eux dans l'indigence, mais donnent constamment à chacun selon ses besoins ? 
--Où est le pays dont tous les habitants ont le coeur tellement rempli de l'amour de Dieu, qu'il les presse d'aimer leur prochain comme eux-mêmes, — dont tous les habitants sont revêtus des entrailles de miséricorde, d'humanité, de douceur de patience, — ne blessent, ni de fait ni en paroles, la justice, la miséricorde ou la vérité, mais font en tous points, à tous les hommes, comme ils voudraient qu'on leur fît à eux-mêmes ? 
--De quel droit appellerions-nous chrétienne une contrée qui ne répond pas à cette description ? 
           Ah ! ne craignons pas de l'avouer : nous n'avons encore jamais vu de pays chrétiens. Mes frères, je vous en supplie, par les compassions de Dieu, si vous me tenez pour fou ou pour insensé, supportez-moi comme insensé. Il est nécessaire que quelqu'un vous parle avec franchise. C'est nécessaire aujourd'hui même ; car qui sait si ce temps qui nous est donné n'est pas le  dernier ? Qui sait si le juste Juge ne dira point bientôt : « Ne me prie plus pour ce peuple ? Quand Noé, Daniel et Job seraient dans ce pays, ils ne délivreraient que leurs propres âmes ». Et qui usera de cette franchise, si je ne le fais ? C'est pourquoi je parlerai moi, tel que je suis. Et je vous conjure, par le Dieu vivant, de ne point fermer vos cœurs pour ne pas être bénis par mes mains.
         Ne dites pas intérieurement : « Quand tu me persuaderais, tu ne me persuaderas point ! », ou, en d'autres termes : Seigneur n'envoie pas qui tu veux envoyer ! Que je meure « dans mon sang »,plutôt que d'être sauvé par cet homme !
          Mes frères, j'attends de meilleures choses de vous, quoique je parle ainsi. Souffrez donc que je vous le demande avec amour et dans un esprit de douceur : 
--Est-ce ici une ville chrétienne ? 
--Y trouve-t-on le christianisme, le christianisme scripturaire ? 
--Sommes-nous, tous ensemble, tellement remplis du Saint-Esprit, que nous en goûtions dans nos cœurs et en montrions dans notre vie les vrais fruits ?
--Les magistrats, les chefs des corps universitaires et leurs dépendants, pour ne rien dire des autres habitants de la ville, ne sont-ils tous qu'un coeur et qu'une âme ? 
--L'amour de Dieu est-il répandu dans nos cœurs ? 
--Avons-nous les mêmes sentiments qu'avait Jésus-Christ ? 
--Notre vie est-elle conforme à la sienne ? 
--Sommes-nous saints, dans toute notre conduite, comme celui qui nous a appelés est saint?
           Veuillez observer qu'il ne s'agit pas ici d'idées particulières ; que la question n'est pas touchant des opinions douteuses, quelles qu'elles soient, mais touchant les points fondamentaux et indubitables, s'il en est de tels, de la doctrine qui nous est commune, et que c'est à vos propres consciences, guidées par l'Écriture, que j'en appelle pour la décision. Si quelqu'un n'est pas condamné par son propre coeur, je n'ai pas à le condamner non plus.
         C'est donc en la crainte comme en la présence du grand Dieu devant qui nous comparaîtrons bientôt, vous et moi, que je vous prie, vous qui avez autorité sur nous et que je révère à cause de vos fonctions, de considérer (et non comme dissimulant avec Dieu) si vous êtes remplis du Saint-Esprit ; si vous êtes de vivantes images de Celui que vous représentez parmi les hommes ? « J'ai dit, vous êtes des dieux », ainsi vous parle l'Écriture, vous magistrats et gouverneurs ; vous êtes, par office, alliés de si près au Dieu du ciel ! Vous êtes chargés, à divers degrés, de nous offrir l'image de l'Éternel notre Roi. Toutes les pensées de vos cœurs, vos dispositions, vos désirs conviennent-ils à votre haute vocation? --Toutes vos paroles sont-elles semblables à celles qui sortent de la bouche de Dieu? 
--Y a-t-il dans toutes vos actions de la dignité et de l'amour, — une grandeur que les paroles ne peuvent exprimer, qui ne peut procéder que d'un coeur plein de Dieu, et compatible pourtant avec le néant de « l'homme qui n'est qu'un ver et du fils de l'homme qui n'est qu'un vermisseau ? »
            Et vous, hommes graves et respectables, qui êtes particulièrement appelés à former l'esprit flexible de la jeunesse, à en écarter les ombres de l'ignorance et de l'erreur, à la rendre sage à salut : 
--Êtes-vous remplis du Saint-Esprit ; de tous ces fruits de l'Esprit que l'importance de votre charge rend si indispensables ? 
--Votre coeur est-il tout à Dieu, plein d'amour et de zèle pour établir son règne sur la terre ? --Rappelez-vous sans cesse à ceux qui sont sous vos soins que le seul but raisonnable de toutes nos études est de connaître, d'aimer et de servir le seul vrai Dieu et Jésus-Christ qu'il a envoyé ? 
--Leur inculquez-vous, jour par jour, que l'amour seul ne périt jamais (tandis que les langues et la connaissance philosophique seront anéanties) et que sans l'amour, la glus grande science n'est qu'une splendide ignorance, une pompeuse folie, un tourment d'esprit ? 
--Tout ce que vous enseignez tend-il effectivement à l'amour de Dieu et de tout le genre humain pour l'amour de lui ? 
-Visez-vous à ce but en tout ce que vous leur prescrivez touchant le choix, le mode et la mesure de leurs études, travaillant pour que ces jeunes soldats de Christ, quel que soit le poste qui leur tombe en partage, soient comme autant de lampes ardentes qui brillent et qui honorent l'Évangile de Christ en toutes choses ? 
--Et, permettez encore que je le demande, déployez-vous dans cette grande oeuvre toutes vos forces ? 
--Y travaillez-vous de tout votre pouvoir ? 
--Y appliquez-vous toutes les facultés de votre âme, touts les talents que Dieu vous a confiés, et cela avec toute l'énergie dont vous êtes capables ?
           Qu'on ne dise pas que je parle ici comme si tous ceux qui sont sous vos soins étaient destinés pour le ministère ; non, je ne parle que comme s'ils étaient chrétiens. 
--Mais quel exemple reçoivent-ils de nous qui, dans les divers grades universitaires, jouissons de la bénéficence (bienfaisance) de nos ancêtres, particulièrement de ceux d'entre nous qui sont de quelque rang ? 
--Frères, êtes-vous remplis des fruits de l'Esprit, d'humilité, de renoncement, de sérieux, de gravité, de patience, de douceur, de sobriété, de tempérance, et vous appliquez-vous constamment et sans relâche à faire du bien, en toute façon, à tous les hommes, à subvenir à leurs besoins temporels, à amener leurs âmes à la vraie connaissance et à l'amour de Dieu ? 
--Est-ce là le caractère général des gradués des collèges ? 
--Je crains bien que non. Mais plutôt l'orgueil, la fierté, l'impatience, la mauvaise humeur, la paresse et l'indolence, la gourmandise et la sensualité, ou même une inutilité proverbiale, plutôt, dis-je, tous ces vices ne nous sont-ils pas reprochés, et pas toujours peut-être, par nos ennemis, ni sans fondement ? 
            Oh que Dieu veuille ôter de dessus nous cet opprobre et que le souvenir même en soit effacé pour jamais ! Plusieurs de nous sont plus immédiatement consacrés à Dieu, appelés au service des chose saintes. 
--Eh bien ! sommes-nous « les modèles des autres, en paroles, en action, en charité, en esprit, en foi, en pureté (1 Timothée 4 : 12) ? » 
--Ces mots, sainteté à l'Éternel, sont-ils écrits sur nos fronts et dans nos cœurs ? 
--Par quels motifs sommes-nous entrés dans ce ministère ? 
--Était-ce avec un œil simple pour servir Dieu, persuadés que le Saint-Esprit nous pressait intérieurement de prendre cette charge pour l'avancement de sa gloire et pour l'édification de son peuple ? 
--Était-ce avec la résolution bien arrêtée, par la grâce de Dieu, de nous y vouer entièrement? 
--Rejetons-nous, autant qu'il est possible, tous les soins et les études profanes, pour nous appliquer uniquement à cette oeuvre-ci et y tourner tous nos soins et toutes nos études ? Sommes-nous propres à enseigner ?
--Sommes-nous enseignés de Dieu pour être en état d'enseigner les autres ? Connaissons-nous Dieu ?
--Connaissons-nous Jésus-Christ ? 
--Dieu a-t-il révélé son Fils en nous ? 
--Nous a-t-il rendus capables d'être ministres de la nouvelle Alliance ? 
--Où donc sont les sceaux de notre apostolat ? 
--Qui sont ceux qui, étant morts dans leurs fautes et dans leurs péchés, ont été vivifiés par notre parole ? 
--Brûlons-nous d'un tel désir de sauver les âmes de la mort, que pour l'amour d'elles nous oubliions souvent de manger notre pain ?
--Parlons-nous ouvertement pour la manifestation de la vérité, nous recommandant à la conscience de tous les hommes en la présence de Dieu? 
--Sommes-nous morts au monde et aux choses du monde, ne nous amassant de trésors que dans le ciel ? 
--Loin de dominer sur les héritages de Dieu, sommes-nous comme les plus petits et les serviteurs de tous ?
Si nous portons l'opprobre de Christ, nous pèse-t-il, ou nous en réjouissons-nous ? 
--Quand on nous frappe sur une joue, en avons-nous du ressentiment, de l'impatience, ou présentons-nous l'autre, ne résistant point au mal mais surmontant le mal par le bien ?         --Avons-nous un zèle amer qui nous incite à contester aigrement et avec passion contre ceux qui s'égarent, ou notre zèle est-il la flamme de la charité qui dirige toutes nos paroles dans la douceur, l'humanité, la débonnaireté et la sagesse ?
--Un mot encore : que dire de la jeunesse de ce lieu ? 
--Avez-vous, ô jeunes gens, la réalité ou même seulement la forme de la piété chrétienne ? --Êtes-vous humbles, traitables, dociles, — ou revêches, opiniâtres, entêtés et hautains ?Obéissez-vous à vos supérieurs comme à des pères, ou méprisez-vous ceux à qui vous devez le plus rendre respect ?
--Êtes-vous actifs dans vos légers travaux, poursuivant vos études de toutes vos forces ? 
--Rachetez-vous le temps, remplissant chaque journée d'autant de travail qu'elle en peut contenir, ou bien votre conscience vous dit-elle, au contraire, que vous perdez jour après jour, soit à lire ce qui n'intéresse point le christianisme, soit au jeu, soit à toutes sortes de riens ? 
--Êtes-vous meilleurs économes de votre bien que de votre temps ? 
--Prenez-vous soin, par principe, de ne devoir rien à personne ? 
--Vous souvenez-vous du jour du repos pour le sanctifier et pour l'employer plus immédiatement au service de Dieu ? 
--Quand vous êtes dans la maison de Dieu, pensez-vous que Dieu est là ?
--Et vous comportez-vous comme voyant Celui qui est invisible ? 
--Savez-vous posséder vos corps dans la sainteté, et l'humilité ? 
--L'ivrognerie, l'impureté ne se trouvent-elles pas parmi vous ? 
--N'y en a-t-il pas même parmi vous qui se glorifient de ce qui fait leur confusion, ou qui prennent le nom de Dieu en vain, habituellement peut-être, sans crainte ni remords ? 
--ou même, et de ceux-là une multitude toujours croissante, qui se parjurent ?
              Ne vous étonnez point de ceci, mes frères. Devant Dieu et devant cette assemblée, j'avoue que j'ai été de ce nombre, ayant juré solennellement d'observer tous les usages prescrits, alors que je n'en avais aucune connaissance, et nos statuts que je ne parcourus pas même ni alors ni de longtemps après.
--Si ce n'est pas là un parjure, qu'est-ce que le parjure ? 
Mais si c'en est un, oh ! quelle culpabilité, quelle noire culpabilité pèse sur nous ! 
--Et le Très-Haut ne le voit-il point ? 
--Ce péché ne vient-il point de ce que tant d'entre vous sont une génération frivole, qui ne font que badiner avec Dieu, les uns avec les autres et avec leur propre âme ? 
--Car enfin, combien y en a-t-il qui, dans toute une semaine, passent seulement une heure à prier en secret ? 
--Combien qui songent à Dieu dans l'ensemble de leur conversation ? 
--Qui d'entre vous cornait tant soit peu les opérations de son Esprit, son oeuvre surnaturelle dans les âmes ? 
--Pouvez-vous souffrir, si ce n'est de temps en temps, dans une église, qu'on vous parle du Saint-Esprit ? 
--Et si quelqu'un entamait une telle conversation, douteriez-vous que ce ne fût un hypocrite ou un enthousiaste ? 
--Au nom du Seigneur Dieu tout-puissant, je vous le demande, de quelle religion êtes-vous donc, puisque vous ne pouvez ni ne voulez souffrir qu'on parle du christianisme ? 
--Ô mes frères ! quelle ville chrétienne est-ce ici ?
Il est temps, Seigneur, que tu y mettes la main ! 
--En effet, quelle probabilité, ou plutôt (pour parler à vue humaine) quelle possibilité y a-t-il que le christianisme, le christianisme scripturaire devienne encore la religion de ces lieux ; que les gens de tout état parmi nous viennent à parler et à vivre comme étant remplis du Saint-Esprit ? Par qui ce christianisme serait-il rétabli ? 
--Pour ceux d'entre vous qui ont en main l'autorité ? 
--Mais êtes-vous convaincus que ce soit ici le christianisme de l'Ecriture ? 
--Désirez-vous qu'il soit rétabli ? 
--Et tenez-vous votre fortune, votre liberté, votre vie comme ne vous étant pas précieuses, pourvu que vous serviez d'instruments pour le rétablir ?
--Mais, supposé que vous en ayez le désir, qui est assez puissant pour produire l'effet désiré ? 
Quelques-uns d'entre vous ont fait peut-être quelques faibles efforts, mais avec combien peu de succès ! 
--Le christianisme serait-il donc rétabli par des jeunes gens inconnus et sans autorité ? 
Je ne sais si vous-mêmes vous pourriez le souffrir ! 
--Quelques-uns de vous ne crieraient-ils point : Jeune homme, en faisant cela, tu nous accuses ? 
Mais il n'y a nul danger que vous soyez mis à cette épreuve, tant il est vrai que l'iniquité nous inonde comme un fleuve. 
--Qui donc Dieu enverra-t-il ? 
--La famine, la peste (dernier message à un pays coupable), ou l'épée ? 
--Les armées romaines, les étrangers, pour nous ramener à notre première charité ? 
            Ah ! « que nous tombions entre tes mains, Seigneur ! plutôt qu'entre les mains des hommes ! » Seigneur, sauve-nous, ou nous périssons ! retire-nous afin que nous n'enfoncions pas dans le bourbier ! Ah ! délivre-nous, car le secours de l'homme est vain ! Toutes choses te sont possibles ! Selon la grandeur de ta force, garantis ceux qui s'en vont mourir ! et sauve-nous comme tu trouveras bon ; non selon notre volonté, mais selon la tienne !