mardi 9 août 2016

(20) LES SERMONS DE WESLEY A L'OCCASION DE LA MORT DE GEORGE WHITEFIELD

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Sermon 53 :        A L'OCCASION DE LA MORT DE GEORGE WHITEFIELD

Nombres 23,10   (1770)

Que je meure de la mort des hommes droits, et que ma fin soit semblable à la leur (Nombre 23:10) 

Sermon prêché par deux fois le dimanche 18 novembre 1770, dans deux chapelles de Londres, et une troisième fois, le 23, dans la ville de Greenwich. George Whitefield, né en 1714, fut un des premiers associés de J. Wesley à Oxford. Pour les détails, voir John Wesley, sa vie et son œuvre, par Matthieu. Lelièvre, 2° édit.

                    « Que ma fin soit semblable à la sienne ! » Tel est, à coup sûr, le vœu formé par beaucoup d'entre vous. Peut-être n'y en a-t-il guère, dans cette nombreuse assemblée, qui ne le fassent pas. Puisse ce désir s'entretenir en vous, et ne jamais cesser jusqu'à ce que vous soyez parvenus, vous aussi, « là où les méchants ne tourmentent plus personne, et où ceux qui sont fatigués se reposent ! (Job 3 : 17) »

                   Dans les circonstances spéciales qui nous réunissent, vous ne vous attendez pas à une étude complète de notre texte. Cela détournerait trop longtemps vos pensées de l'objet qui les remplit, objet triste et doux en même temps, le souvenir de celui en qui vous avez chéri un frère, un ami, un pasteur, je pourrais dire un père ; car combien n'y en a- t-il pas ici qu'il a « engendrés en Jésus-Christ (1 Corinthiens 4 : 15) ? » Ce discours sera sans doute plus en rapport avec vos préoccupations et avec la solennité de la circonstance, si nous nous entretenons immédiatement de l'homme de Dieu qui, si souvent, vous a adressé la parole dans ce lieu de culte, et dont la vie se résume, vous le savez, dans ces mots : « Jésus-Christ est le même hier, aujourd'hui et éternellement ! (Hébreux 13 : 8) »

                    Il convient donc que d'abord nous rappelions quelques-uns des traits de sa vie et de sa mort ; qu'ensuite nous disions quelque chose de ses qualités distinctives ; et enfin que nous cherchions à profiter de l'événement solennel qui vient de l'enlever soudainement du milieu de nous.

I

                    Rappelons d'abord quelques détails relatifs à sa vie et à sa mort. Il naquit à Gloucester, en décembre 1714, et, à l'âge de douze ans, il entra dans l'école secondaire de cette ville. Il avait dix-sept ans lorsqu'il commença à s'occuper sérieusement de religion et à servir Dieu du mieux qu'il savait. Vers l'âge de dix-huit ans, il se rendit à l'université d'Oxford, et fut admis dans le collège de Pembroque. Un an plus tard, il faisait connaissance avec ceux qu'on appelait les méthodistes et, à partir du premier jour, il les aima comme sa propre âme.

                    Ce fut par leur moyen qu'il arriva à la conviction qu'il nous faut naître de nouveau, ou bien notre religion n'étant qu'extérieure, ne nous servira de rien. Il s'associa avec eux pour jeûner, le mercredi et le vendredi, pour visiter les malades et les prisonniers, et pour « ramasser les miettes (Jean 6 : 12) » du temps, afin qu'aucun moment ne se perdit. Il modifia la direction de ses études et se mit à lire surtout des livres qui allaient droit au cœur de la religion, qui menaient directement à connaître par expérience Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié.

                    Bientôt il fut éprouvé comme par une fournaise. Non seulement il dut faire le sacrifice de sa réputation et voir quelques-uns de ses meilleurs amis lui tourner le clos, mais il passa par des épreuves intérieures, extrêmement pénibles. Il resta sans dormir pendant bien des nuits ; et, pendant bien des jours, il demeura prosterné sur le sol. Mais, après avoir gémi plusieurs mois sous le joug de « l'esprit de servitude » ; il sentit que Dieu enlevait son fardeau écrasant et lui donnait « l'Esprit d'adoption (Romains 8 : 15) », en lui faisant la grâce de s'attacher ; par une foi vivante, à « son Fils bien-aimé (Colossiens 1 : 13) »

                    On crut qu'un changement d'air était nécessaire pour le rétablissement de sa santé, qui avait beaucoup souffert, et il se rendit à Gloucester, où Dieu lui accorda de contribuer à réveiller plusieurs jeunes personnes. Celles-ci formèrent bientôt, en se groupant, une petite société ; ce furent là les prémices de son ministère. Peu de temps après, il commença à faire, deux ou trois fois par semaine, des lectures à quelques pauvres gens de la ville, et chaque jour il allait lire et prier avec ceux qui étaient détenus dans la prison du comté.

                    Il avait alors environ vingt et un ans, et on le pressait d'entrer dans les rangs du clergé. Mais il hésitait fort à le faire, se sentant insuffisant pour cette œuvre. L'évêque le fit appeler et lui dit : « J'avais résolu de ne consacrer personne avant l'âge de vingt-trois ans ; mais je vous consacrerai dès que vous voudrez ». Cela, joint à diverses autres circonstances providentielles, le décida à accepter, et il fut consacré le dimanche de la Trinité 1736 (Dimanche après celui de Pentecôte). Le dimanche suivant, il prêcha devant un auditoire très nombreux, dans l'église même où il avait été baptisé. Dans la semaine qui suivit, il retourna à Oxford et y prit son grade de bachelier. A partir de ce moment, il trouva là abondance d'occupations ; car c'était surtout à lui qu'on laissait le soin des pauvres et des prisonniers.

                     Mais, peu de temps après, il fut invité à aller remplacer à Londres un de ses amis qui se rendait, à la campagne. Il y passa deux mois, pendant lesquels il logeait à la Tour de Londres ; et, deux fois par semaine, il présidait un service liturgique dans la chapelle de la Tour ; il y faisait le catéchisme et y prêchait une fois, et de plus il visitait les soldats dans leurs casernes et à l'infirmerie. Outre cela, il tenait chaque soir un culte dans la chapelle de Wapping, et chaque mardi il prêchait, dans la prison de Ludgate. Tandis qu'il était à Londres, il reçut de ses amis qui étaient en Géorgie (Les deux frères Wesley étaient partis comme chapelains de la nouvelle colonie qui s'était formée en Géorgie, (Amérique du Nord) ) des lettres qui lui firent désirer d'y aller pour les aider ; mais, n'étant, pas bien convaincu que Dieu l'y appelât, il retourna, au bout de ces deux mois, à Oxford, pour y reprendre sa petite œuvre. Plusieurs jeunes gens s'y réunissaient tous les jours dans son appartement, pour s'affermir mutuellement dans leur très sainte foi.

                    Mais il dut bientôt tout quitter, étant appelé à desservir temporairement la paroisse de Dummer, dans le Hampshire. Dans cette Eglise, il présidait un culte deux fois par jour, le matin de bonne heure et le soir quand les gens étaient de retour de leurs travaux. Chaque jour aussi, il donnait une instruction religieuse aux enfants et visitait les familles « de maison en maison (Actes 20 : 20)  ». A. cette époque, il divisait sa journée en trois portions : huit heures pour le sommeil ou les repas, huit heures pour l'étude et le recueillement, huit heures pour le culte public, les catéchismes et les visites. Un serviteur fidèle de Jésus-Christ et de son Eglise pourrait-il mieux agir ? Si l'on admet que c'est impossible, alors nous dirons : « Va et fais de même ! (Luc 10 : 37) »

                     Mais la pensée qu'il devait aller à l'étranger le poursuivait. Etant à ce moment-là bien convaincu que Dieu l'y appelait, il lit tous ses préparatifs et se rendit à Gloucester, en janvier 1737, pour y prendre congé de ses amis. Ce fut au cours de ce voyage que Dieu commença a bénir extraordinairement son ministère. Partout où il prêcha, à Gloucester, à Stotnehouse, à Bath, à Bristol, des foules d'auditeurs accoururent, à tel point qu'on pouvait à peine endurer la chaleur dans les églises. Les impressions produites sur l'esprit de beaucoup de personnes furent très remarquables. Quand il fut de retour à Londres, où le général Oglethorpe le retint semaine après semaine et mois après mois, le Seigneur daigna bénir encore davantage sa prédication. Il se montrait infatigable ; le dimanche il prêchait en général quatre fois, sans parler des prières liturgiques qu'il lisait deux ou trois fois en public, et sans compter qu'il faisait souvent seize à dix-huit kilomètres.

                     Le 28 décembre, il quitta Londres. Ce fut le 29 que, pour la première fois, il prêcha sans le secours de notes écrites. Le 30 décembre, il s'embarqua ; mais un mois s'écoula avant que le bateau perdit de vue les côtes. Cette traversée si longue eut d'heureux effets, comme le montre ce qu'il écrivit au mois d'avril : « Béni soit Dieu ! nous sommes maintenant très heureux dans le grand salon du bateau. On n'y parle plus guère que de Dieu et de Jésus-Christ ; quand nous y sommes réunis, on s'entretient presque uniquement de choses qui se rattachent, soit à notre chute par le premier Adam, soit à notre nouvelle naissance par le second ». Ils s'arrêtèrent quelque temps à Gibraltar, et cela aussi paraît avoir été un arrangement providentiel ; car, dans cette ville, tant les civils que les militaires, riches et pauvres, jeunes et vieux, tous « reconnurent le temps où ils étaient visités (Luc 19 : 44)  ».

                     A partir du dimanche 7 mai 1738 et jusqu'à la fin d'août de la même année, il remplit les devoirs de son ministère dans la Géorgie, et en particulier à Savannah. Chaque jour, il présidait le culte par deux fois et y expliquait la parole de Dieu ; puis il visitait les malades. Le dimanche, il expliquait la parole de Dieu à cinq heures du matin ; à dix heures du matin et à trois heures de l'après-midi, il lisait les prières et prêchait ; dans la soirée, à sept heures, il expliquait le catéchisme de l'Eglise. Nos collègues dans le ministère en Angleterre en Ecosse, en Irlande trouveront sans doute qu'il est plus facile de critiquer un pareil ouvrier du Seigneur que d'imiter son exemple.

                     Il fut frappé de la triste situation où se trouvaient beaucoup d'enfants dans ce pays, et Dieu lui mit au cœur la pensée d'y fonder un orphelinat. Dans ce but, il songea à collecter des fonds en Angleterre, si le Seigneur lui accordait un heureux retour. Au mois de décembre, il se trouvait rentré à Londres, et le dimanche 14 janvier 1730, il reçut les ordres de la prêtrise (L'Eglise anglicane a retenu des expressions qui chez nous, appartiennent au catholicisme romain – Trad.) dans l'église du Christ à Oxford. Le jour suivant, il retourna à Londres, où il prêcha deux fois le dimanche 21. Bien que les églises fussent vastes et que les auditeurs fussent entassés, des centaines de gens restaient dehors dans les cimetières, autour des églises ; des centaines retournaient chez eux, sans avoir pu entrer. C'est ce qui lui donna la première idée de prêcher en plein air. Mais quand il en parla à quelques-uns de ses amis, cela leur parut une folie ; il n'exécuta donc point ce projet pendant son séjour à Londres. Ce fut un mercredi, le 21 février, à Bristol, que, trouvant fermées les portes de toutes les églises (sans compter qu'aucune n'eut pu contenir la moitié de l'auditoire), il se rendit à trois heures de l'après-midi à Kingswood, où il prêcha dans la campagne à environ deux mille personnes. Le vendredi, il y prêcha à quatre à cinq mille ; le dimanche suivant, à dix mille, autant qu'on en put juger. Le nombre de ses auditeurs alla en augmentant pendant tout le temps qu'il passa à Bristol, et, il s'est allumé là un foyer d'amour céleste qui ne s'éteindra pas de sitôt. Les mêmes effets se produisirent ensuite en diverses partie du pays de Galles et des comtés de Gloucester et de Worcester. De fait, Dieu confirma le témoignage rendu par son envoyé, partout où il passa.

                    Le dimanche 29 avril, il prêcha pour la première fois à Moorfields et sur le communal de Kennington (A Londres), et les milliers de gens qui l'écoutèrent là furent aussi tranquilles que si l'on avait été dans l'enceinte d'un temple. Se voyant de nouveau retenu en Angleterre, mois après mois, il fit de petits voyages dans différents comtés, et reçut les offrandes empressées de la multitude en faveur de son orphelinat de la Géorgie. A cette époque, le gouvernement mit l'embargo (Défense de sortir des ports ; on faisait cela en vue de réquisitionner les services des vaisseaux qui seraient jugés utiles – Trad.) sur les vaisseaux, ce qui empêcha notre frère de partir et lui donna l'occasion de faire, dans diverses portions de l'Angleterre, des tournées pour lesquelles beaucoup d'âmes rendront grâces à Dieu pendant toute l'éternité. Il s'embarqua finalement le 14 août ; mais il n'aborda en Pennsylvanie, que le 30 octobre. Il traversa les colonies de Pennsylvanie de New-Jersey, de New York, de Maryland, de Virginie et les Carolines du Nord et du Sud, prêchant partout, à des foules immenses, avec tout autant de bénédiction qu'en Angleterre. Le 10 janvier 1740, il parvint à Savannah.

                    Le 29 du même mois, il ajouta trois pauvres orphelins à une vingtaine d'autres qu'il avait déjà réunis. Le jour suivant, il traça le plan de son établissement, à environ 16 kilomètres de Savannah. Le 11 février, il admit quatre orphelins de plus ; puis il partit pour Frédérica, en vue d'y recueillir quelques orphelins venus des régions méridionales de la colonie. A son retour, il établit une école pour enfants et pour adultes à Darien, et là encore il trouva quatre orphelins. Le 25 mars, il posa les fondements de l'orphelinat, auquel il donna le nom bien approprié de Béthesda. Bien des enfants encore à naître béniront Dieu de ce que cette œuvre a été commencée. Il avait dès lors près de quarante orphelins, et en tout presque une centaine de bouches à nourrir tous les jours, Mais il ne s'inquiétait d'aucune chose, et se déchargeait de tout souci sur celui qui nourrit les petits du corbeau quand ils crient.

                    Au mois d'avril, il fit une nouvelle tournée en Pennsylvanie et dans les colonies de New Jersey et de New York. Des foules incroyables accouraient pour l'entendre, et, dans le nombre, des quantités de noirs. Partout la masse des auditeurs étaient touchés d'une façon merveilleuse. Beaucoup furent profondément convaincus de leur état de perdition ; beaucoup se convertirent sincèrement au Seigneur. Dans certaines localités, des milliers de personnes poussaient des cris d'angoisse, et nombre d'entre elles semblaient à l'agonie, la plupart versant des torrents de larmes, quelques-unes devenant, pâles comme la mort, d'autres se tordant les mains, d'autres gisant à terre, d'autres encore tombant, entre les bras de leurs amis, et presque tous levant les yeux au ciel et implorant la miséricorde

                    Le 5 juin, il était de retour à Savannah. Dans la soirée du lendemain, pendant. le culte public, tout l'auditoire, tant les vieux que les jeunes, fondit larmes, et, à l'issue du service ; plusieurs de ses paroissiens et aussi toute sa propre famille, surtout les petits enfants, rentrèrent chez eux en pleurant tout le long du chemin, et même quelques-uns ne pouvaient s'empêcher de prier à haute voix. Les sanglots et les pleurs des enfants continuèrent pendant toute la nuit, et pendant une bonne partie de la journée suivante.

                    Au mois d'août, il se remit, en route et, traversant diverses provinces, il parvint à Boston. Pendant le temps qu'il passa là ou dans des localités voisines, il eut à endurer une grande faiblesse physique, ce qui n'empêcha point les auditoires d'être si considérables et si extraordinairement affectés par la prédication que, de mémoire d'homme, on n'avait rien vu de pareil dans le pays. La même démonstration de puissance accompagna sa parole à New York, et tout particulièrement le dimanche 2 novembre. Il avait à peine commencé de parler que de tous côtés on entendit des cris, des pleurs, des sanglots. Beaucoup tombèrent à terre. Le cœur transpercé ; mais beaucoup aussi furent remplis des consolations divines. Vers la fin de ce voyage, il faisait les réflexions suivantes : « Il y a soixante-cinq jours que j'arrivai à Rhode Island, extrêmement affaibli dans mon corps. Cependant Dieu m'a donné la force de prêcher dans cet intervalle cent soixante et quinze fois en public, sans compter de nombreuses exhortations en particulier. Jamais Dieu ne m'avait accordé tant de bonheur ; jamais je n'ai éprouvé moins de fatigue en voyageant ; jamais je n'ai joui si constamment du sentiment de la présence de Dieu, au milieu des assemblées auxquelles je prêchais ». Au mois de décembre, il revint à Savannah, et, en mars de l'année suivante, il se trouvait de nouveau en Angleterre.

                    Vous aurez compris déjà que le récit que je viens de vous faire est tiré principalement du journal de sa vie, journal qui, par sa simplicité naïve et exempte de toute affectation, se place au premier rang parmi les écrits de ce genre. Et ce qui précède est un échantillon fidèle de ses travaux en Europe et en Amérique pendant les trente années qui ont suivi, comme aussi des pluies continuelles de bénédictions que le Seigneur a répandues comme récompense des efforts de son serviteur. N'est-il pas bien regrettable qu'il se soit laissé arrêter dans la rédaction de ce journal et ne l'ait reprise que vers l'époque où Dieu allait le rappeler à lui pour le faire jouir du fruit de ses travaux ? Mais s'il a laissé d'autres écrits de cette nature, et si ses amis me jugent digne de cet honneur, je me ferais un plaisir, et ce serait pour moi une gloire, de les mettre en ordre, de les transcrire et de les préparer en vue de leur publication.

                    Un monsieur qui habite Boston nous fournit les détails qui suivent sur les derniers moments de White-field :

                    « Après avoir passé environ un mois avec nous, à Boston ou dans le voisinage, prêchant tous les jours pendant ce temps, il se rendit à Old-York et y prêcha le jeudi 27 septembre. De là il alla à Portsmouth et y prêcha le vendredi. Il se mit en chemin pour Boston le samedi matin ; mais avant qu'il fût arrivé à Newbury, où il avait promis de prêcher dans la matinée du lendemain, on insista pour qu'il donnât une prédication en route ; et, la maison où il était ne pouvant contenir la foule, ce fut dans un champ, en plein air, qu'il prêcha. Mais il était indisposé depuis plusieurs semaines, et cet effort l'épuisa tellement qu'en arrivant à Newbury, il fallut que deux hommes l'aidassent à sortir du bac. Cependant il se remit dans la soirée et retrouva son entrain habituel. Il se retira dans sa chambre à neuf heures, selon son usage, auquel il ne dérogeait pour personne, et il reposa mieux qu'il n'avait fait depuis plusieurs semaines. Le 30 septembre, il se leva à quatre heures du matin, et entra dans son cabinet pour prier ; son compagnon de voyage remarqua qu'il y était resté beaucoup plus longtemps que d'habitude, Quand il en sortit et vint retrouver son compagnon, il se jeta sur le lit et y demeura à peu près dix minutes. Puis il se mit à genoux et demanda au Seigneur avec beaucoup d'ardeur que, si c'était selon sa volonté, il lui permit d'achever ce jour-là son ministère. Il chargea ensuite son serviteur d'appeler M. Parsons, le pasteur chez qui il était logé ; mais une minute plus tard, avant l'arrivée de Parsons, il expirait, sans avoir poussé un gémissement ou un soupir. En apprenant la nouvelle de sa mort, six messieurs partirent pour Newbury afin de ramener ici sa dépouille mortelle ; mais il ne fut pas possible de la transporter, de telle sorte que ses cendres vénérées reposeront à Newbury. Le fait qu'on s'attendait à ce qu'il fût enterré ici, a empêché des centaines de personnes de Boston d'assister à son ensevelissement. Que cette dispensation de la Providence soit sanctifiée pour l'Eglise de Dieu tout entière, et en particulier pour cette province! 

II

                    Nous voudrions maintenant rappeler quelques traits de son caractère. La Gazette de Boston publia, à l'époque de sa mort, une courte notice à laquelle nous empruntons ce qui suit :

                     « Pendant bien des années qu il déployait dans son ministère public, ont été un sujet d'étonnement pour le monde entier. C'était du cœur que venaient ses discours, et pareille ferveur ne fut peut-être jamais vue depuis le temps des apôtres. Il n'avait point de rival comme prédicateur et pour l'influence qu'il exerçait sur d'immenses auditoires. Sa conversation particulière n'était pas moins agréable et instructive que ses prédications ; il avait une remarquable facilité d'expression, il aimait à s'entretenir, et il visait à l'édification. Puisse la génération naissante conserver quelques étincelles du feu sacré dont brûlait ce fidèle serviteur du Très-Haut et qui jetait un éclat si brillant et si pur sur son caractère et sur sa vie !

                    Un journal anglais a publié une appréciation plus détaillée et non moins exacte, que vous me permettrez de reproduire en substance :

                    « Le souvenir de cet éminent chrétien mérite d'être gravé dans le cœur de tous ceux qui aiment une religion vivante et efficace. En dépit d'une constitution qui était faible, Whitefield a continué jusqu'à son dernier jour à prêcher plus fréquemment et avec plus de chaleur qu'on ne serait en droit de l'attendre même des plus robustes. Appelé à remplir cette fonction à un âge où la plupart des jeunes gens commencent seulement à s'y préparer, il n'avait pas eu le temps d'étudier à fond les langues sacrées. Mais cette lacune fut comblée amplement par son talent plein de vie et de fécondité, par son zèle ardent, et par sa parole puissante et persuasive. Bien qu'en chaire il crût devoir souvent, « sachant quelle est la crainte qu'on doit avoir du Seigneur, tacher d'en persuader les hommes (1 Corinthiens5 : 11) », il n'avait cependant rien de triste dans le caractère ; il était au contraire d'une humeur gaie, et ses dispositions naturelles étaient douces, et même tendres. Ceux qui s'adressaient à lui le trouvaient tout aussi prêt à s'occuper de leurs nécessités matérielles que de leurs besoins spirituels. Il est bon aussi de constater qu'il insistait constamment auprès de ses auditeurs sur l'importance de tous les devoirs moraux, et en particulier sur la nécessité d'être diligent dans la vocation ou le métier qu'on exerce, et sur celle d'obéir à ceux qui sont nos supérieurs. Par son activité extraordinaire dans la prédication en divers lieux, et même en plein air, il s'efforçait d'atteindre les classes inférieures de la population qui étaient plongées dans l'indifférence et l'ignorance les plus profondes, et de réveiller chez elles le sentiment religieux ».

                    « A cause de ces efforts et des autres travaux auquel, il s'est consacré, George Whitefield vivra longtemps dans notre souvenir, entouré de notre estime et de notre vénération ».

                    On ne peut nier que ces appréciations ne soient exactes et impartiales, aussi loin qu'elles vont ; mais elles ne vont guère plus loin que la surface de son caractère ; elles vous montrent le prédicateur, mais non l'homme, le chrétien, le saint. Me sera-t-il permis de compléter son portrait de ce côté-là, en mettant à profit une connaissance personnelle de près de quarante ans ? Je sens bien qu'il est difficile de parler convenablement sur un point si délicat, et qu'on a besoin de beaucoup de prudence pour éviter les deux extrêmes et n'en dire ni trop ni trop peu. Il y a plus : je sais qu'il est impossible de parler dans un sens ou dans l'autre, sans s'exposer à être accusé, par les uns d'en avoir trop dit, par les autres de n'en avoir pas dit assez. Mais, sans m'arrêter à cela, je dirai ce que je sais et rien de plus, comme en la présence de celui auquel nous devons tous rendre compte,

                    Nous avons signalé son zèle incomparable, son infatigable activité, sa sympathie pour les affligés, sa charité envers les pauvres. Mais ne rappellerons-nous pas également sa reconnaissance profonde à l'égard de tons ceux dont Dieu s'était servi pour lui faire du bien, et comment il n'a jamais cessé jusqu'à son dernier jour d'en parler avec la plus grande considération ? Ne rappellerons-nous pas qu'il avait un cœur capable de l'amitié la plus généreuse et la plus tendre ? Il m'est souvent arrivé de penser que ce dernier trait était le trait caractéristique de son individualité. Chez combien d'hommes avons-nous rencontré autant de bienveillance, des affections aussi larges, aussi expansives ? N'est-ce pas surtout cela qui lui attirait et lui attachait les cœurs d'une façon si étonnante ? Autre chose que l'amour peut-il engendrer l'amour ? Cette bonté brillait sur son visage, s'exprimait par toutes ses paroles, soit en public, soit en particulier. N'est-ce pas elle qui, rapide et envahissante comme l'éclair, courait d'un cœur à l'autre, animant ses sermons, ses entretiens, ses lettres ? A vous de répondre ! »

                    Loin de nous les commentaires de ces esprits corrompus qui ne connaissent qu'un amour terrestre et sensuel ! Il ne faut point oublier de dire que, chez notre frère, on rencontrait la modestie la plus délicate, la plus parfaite. Son ministère l'appelait fréquemment à avoir de longues conversations, non seulement avec des hommes, mais aussi avec des femmes de tout âge et de tout rang. Ses rapports avec elles réalisaient pleinement les recommandations faites par saint Paul à Timothée :

                    « Exhorte les femmes âgées comme des mères, les jeunes comme des sœurs, avec une entière pureté (1 Timothée 5 : 2)  ».

               Et, d'un autre côté, à ces dispositions aimables s'alliaient harmonieusement la franchise et la sincérité de ses conversations ; mais il ne tombait pas davantage dans la brusquerie que dans la dissimulation. Cette franchise elle-même n'était-elle pas une preuve, en même temps qu'un fruit, de son courage, de son intrépidité ? C'est parce qu'il était revêtu de ces qualités qu'il n'avait peur de personne et parlait très simplement, très librement à tous, quel que fût leur rang ou leur position sociale, aux grands comme aux petits, aux riches comme aux pauvres ; sa seule préoccupation était de « se rendre recommandable à la conscience de tous les hommes devant Dieu, par la manifestation de la vérité (2 Corinthiens 4 : 2)  ».

                    Il ne redoutait pas davantage les travaux ou les souffrances qu'il ne craignait « ce que peut faire l'homme (Psaume 118 : 6), il se montrait. aussi patient pour endurer les maux que persévérant dans l'accomplissement des bonnes œuvres. De là cette constance qu'il a fait paraître dans tout ce qu'il avait entrepris au nom de son Maître. Je n'en citerai qu'un exemple, l'orphelinat de la Géorgie, qu'il fonda et acheva malgré toutes sortes de découragements. Pour ce qui ne touchait qu'à lui il se montrait souple et, accommodant, il se laissait facilement persuader et gagner. Mais dès qu'il s'agissait des intérêts du Seigneur, ou que sa conscience était en jeu, il était inébranlable. Personne n'eut pu l'entraîner, soit par des raisonnements, soit en l'intimidant, à s'écarter tant soi peu de cette intégrité qui était à la base de son caractère moral tout entier et qui déterminait toutes ses paroles et tous ses actes. Sur ce point-là il était, « ferme comme un pilier de fer, aussi résistant qu'une muraille d'airain ».

                      Si maintenant on se demande d'où venaient cette intégrité, cette sincérité, ce courage, cette patience, et tant d'autres qualités aimables et précieuses, la réponse est facile. Cela ne venait pas de ce qu'il possédait un excellent naturel ou une intelligence hors ligne ; ce n'était pas non plus le fruit de l'éducation ou de l'influence de ses amis ; non, cela provenait de sa foi à un Sauveur crucifié, d'une foi qui était l'œuvre de Dieu. Cela venait de ce qu'il avait « une espérance vive de posséder l'héritage qui ne se peut corrompre, ni souiller ; ni flétrir (1 Pierre 1 : 3,4)  ». de ce que « l'amour de Dieu avait été répandu dans son cœur par le Saint-Esprit qui lui avait été donné (Romains 5 : 5 » et remplissait son âme d'une affection tendre et généreuse pour tous ses semblables. C'est de là que, comme d'une source, jaillissait ce torrent d'éloquence qui souvent semblait tout entraîner ; de là aussi ce don merveilleux de persuasion qui triomphait de la résistance des pêcheurs les plus endurcis. Cela explique pourquoi si fréquemment « sa tête se fondait en eau et ses yeux étaient une vive fontaine de larmes (Jéremie 9 : 1) ; » et comment son âme pouvait s'épancher dans la prière d'une façon tout à fait unique, avec tant d'abondance et d'abandon, avec tant de force et de variété dans les expressions comme dans les pensées.

                    Pour terminer ce que je voulais dire sur ce point, laissez-moi vous faire remarquer quel honneur Dieu accorda à ce fidèle serviteur en l'appelant à proclamer son Évangile éternel en tant de pays divers, à de si grandes multitudes, avec des effets si puissants sur tant d'âmes précieuses ! Avons-nous appris, par l'histoire ou autrement, qu'il y ait eu quelqu'un, depuis le temps des apôtres, qui ait annoncé la bonne nouvelle de la grâce divine dans un rayon aussi étendu, sur une portion aussi considérable de la surface du globe ? quelqu'un à qui il ait été donné d'appeler à la repentante tant de milliers, tant de myriades de pécheurs ? Connaissez-vous un instrument béni davantage par le Seigneur pour, faire passer des âmes en grand nombre « des ténèbres à la lumière et de la puissance de Satan à Dieu (Actes 26 : 18) ? » Je n'oublie pas qu'en parlant ainsi nous ferions aux esprits frivoles du monde l'impression de gens sans culture, de vrais barbares. Mais vous, mes frères, vous comprenez ce langage ; car c'est celui de la patrie vers laquelle vous marchez et où notre ami bien-aimé nous a précédés de quelques pas seulement.

III

                    Que ferons-nous pour mettre à profit cet événement solennel ? Tel est le troisième point que nous sommes appelée à examiner ensemble. La réponse à une question si sérieuse est pourtant facile (et que Dieu veuille la graver dans tous nos cœurs !) : il faut demeurer attachés aux doctrines importantes que notre frère a prêchées, et être animés du même esprit que lui. Et d'abord, restons attachés aux importantes doctrines bibliques qu'il a partout enseignées. Certaines doctrines n'ont pas un caractère très essentiel, et relativement à elles, grâce à l'état d'infirmité où se trouve l'intelligence humaine, il y a, comme il y a eu depuis des siècles divergence d'opinion parmi les vrais enfants de Dieu eux-mêmes. Quant à ces doctrines, nous pouvons réserver notre manière de voir et nous devons respecter celle des autres ; qu'il soit entendu que sur ces points-là on peut n'être pas d'accord. Mais retenons d'autant plus fermement les éléments essentiels de « la foi qui a été donnée une fois aux saints (Jude 1 : 3) », ces choses sur lesquelles ce vaillant soldat de Jésus-Christ insistait partout et toujours !

L'article fondamental, c'était pour lui ceci : « Attribuer à Dieu toute la gloire de tout le bien qui peut se trouver en l'homme » ; ou encore : « Mettre, dans l'œuvre de notre salut, Jésus-Christ aussi haut que possible, l'homme aussi bas que possible ». Ce fut là son point de départ, et ce fut celui de ses amis d'Oxford, les premiers méthodistes, comme on les appela. Leur grand principe, c'était que l'homme n'a par lui-même ni force ni mérites. Ils soutenaient que c'est de l'Esprit de Christ seul que vient le pouvoir de penser, de parler, d'agir comme il faut, et qu'il n'y a des mérites que dans le sang de Jésus, et point en l'homme, quel que soit le degré de grâce qu'il ait atteint. Aussi notre frère enseignait avec ses amis que, s'il ne l'a reçue d'en haut, l'homme n'a pas la puissance de produire une seule bonne œuvre, de prononcer une seule bonne parole, de concevoir un seul bon désir. Il ne suffit pas, en effet, de dire que le péché a rendu tous les hommes malades ; le fait est que nous sommes tous « morts dans nos fautes et dans nos péchés (Éphésiens  2 : 1)  ». D'où il suit que tous les enfants des hommes sont « naturellement des enfants de colère (Éphésiens  2 : 3)  ». Nous sommes tous « coupables devant Dieu (Romains 3 : 19) », tous en danger de mort, temporelle et éternelle.

                    Nous sommes tous également incapables de nous soustraire, soit à notre culpabilité, soif à l'empire du péché. Car « qui est-ce qui tirera une chose nette de ce qui est souillé ? Personne (Job 14 : 4) » que le Tout-Puissant ! Qui pourrait ressusciter ceux qui sont morts, dont l'âme est morte par le péché ? Celui-là seul qui nous a tirés de la poussière de la terre. Mais en considération de quoi le fera-t-il ? Ce ne sera pas « à cause des œuvres de justice que nous aurions faites (Tite 3 : 5)  ». « Les morts ne loueront point l’Éternel (Psaume 115 : 17) ; » ils ne peuvent. rien faire qui leur obtienne la grâce d'une résurrection. Aussi, tout ce que Dieu fait à cet égard, il le fait uniquement. pour l'amour de son Fils bien-aimé, qui « a été navré pour nos forfaits et frappé pour nos iniquités (Esaïe 53 : 5) », qui « a porté nos péchés en son corps sur le bois (1 Pierre 2 : 24) », qui « a été livré pour nos offenses et qui est ressuscité pour notre justification (Romains 4 : 25)  ». Telle est la seule source de mérites et de grâces que nous possédions, la seule que nous puissions avoir ; telle est en particulier la source de notre pardon, de notre réconciliation avec Dieu, de notre justification pleine et entière. Mais par quel moyen arrivons-nous à avoir part à ce que Jésus-Christ a fait et a souffert ? « Ce n'est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie (Éphésiens 2 : 9) ; » c'est par la foi seule. « Nous concluons donc, dit l'Apôtre, que l'homme est justifié par la fois sans les œuvres de la loi (Romains 3 : 27)  ». Et « à tous ceux qui l'ont rem (de cette manière), il leur a donné le droit (la puissance) d'être faits enfants de Dieu, savoir à ceux qui croient en son nom, qui ne sont point nés... de la volonté de l'homme, mais de Dieu (Jean 1 : 12,13)  ».

                    « Si (de cette manière-là) un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu (Jean 3 : 3)  ». Mais tous ceux qui sont ainsi « nés de l'Esprit (Jean 3 : 6) » ont « le royaume de Dieu au dedans d'eux (Lu 17 : 21 – d'après la version anglaise)  ». Jésus établit son règne dans leurs cœurs ; et ce règne « consiste dans la justice, dans la paix, et dans la joie par le Saint-Esprit (Romains 14 : 17)  ». Ils ont « les mêmes sentiments que Jésus-Christ a eus (Phi 2 : 5) ; » et cela les rend capables de « marcher comme il a marché lui-même (1Jean 2 : 6)  ». Son Esprit qui habite en eus les rend saints intérieurement, par le cœur, mais aussi « saints dans toute leur conduite (1Pierre 1 : 15)  ». Toutefois, puisque tout cela est le don gratuit de Dieu, procuré par la justice et le sang de Jésus-Christ, il y aura toujours également lieu de dire : « Que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur (1Corinthiens 1 : 31)  ».

                    Vous n'ignorez pas que c'est sur ces doctrines fondamentales que notre frère insistait partout. Et ne peut-on pas les résumer en ces deux expressions, la nouvelle-naissance et la justification par la foi ? Insistons donc, nous aussi, sur ces choses avec une pleine hardiesse, en tout temps et en tout lieu, soit en public pour ceux d'entre nous qui sont appelés à le faire, soit en particuliers quand l'occasion s'en présente. Demeurez attachés à ces bonnes vieilles doctrines qui ne sont guère à la mode et ne vous inquiétez ni des contradictions ni des calomnies. Avancez donc, mes frères, avancez au nom du Seigneur et par sa force toute-puissante. Appliquez-vous diligemment à « gardez le bon dépôt (2 Timothée 1 : 14) », sachant que la terre et les cieux passeront, mais que cette vérité ne passera point.

                    Mais suffit-il de rester attachés aux doctrines qu'il prêchait, si pures qu'elles fussent ? N'est-il pas encore plus important d'être animés du même esprit que lui, d'être ses imitateurs en cela comme il le fut de Christ ? S'il n'en était ainsi, la pureté des doctrines professées par nous ne ferait qu'augmenter notre condamnation. Voilà donc ce qu'il y a de plus essentiel, être animés du même esprit que lui. Et s'il est vrai que, sur certains points, nous devrons nous contenter de l'admirer sans être en état de l'imiter, nous pourrons néanmoins en beaucoup d'autres participer aux mêmes grâces et aux mêmes bénédictions que lui. Si vous sentez vos besoins et croyez à l'amour généreux du Seigneur « qui donne à tous libéralement et sans rien reprocher (Jas 1 : 5) », implorez celui qui opère tout en tous afin d'obtenir une mesure de cette foi précieuse, de ce zèle et de cette activité, de cette tendresse de cœur, de cette charité, de ces « entrailles de miséricorde (Colossiens 3 : 12)  ». Luttez avec Dieu pour recevoir quelque chose de ces dispositions reconnaissantes, amicales, affectueuses, quelque chose de cette droiture, de cette simplicité, de cette sincérité chrétienne, de cet « amour sans hypocrisie ». (1 Pierre 1 : 22) Luttez jusqu'à ce que la puissance d'en haut ait produit en vous le même courage et la même patience, et, par-dessus tout, puisque c'est là comme le couronnement de tout, la même intégrité à toute épreuve !

                    N'y a-t-il pas encore quelque fruit de la grâce divine qui ornait spécialement l'âme de notre frère et dont il déplorait fréquemment et hautement l'absence chez les enfants de Dieu ? Oui, il y en avait un, L'amour fraternel pour tous, cette affection sincère et tendre que nous devrions éprouver pour tous ceux que nous croyons enfants du Seigneur par la foi, pour tous ceux qui, quelle que soit la dénomination qu'ils portent, « craignent Dieu et s'adonnent à la justice (Actes 10 : 35)  ». Il eût voulu voir tous ceux « qui ont goûté la borne parole de Dieu (Hébreux 6 : 5) » animés de cet esprit de largeur chrétienne qui est si mal compris et surtout si peu pratiqué, même parmi beaucoup de ceux qui en parlent constamment. Où sont-ils les hommes qui ont ces dispositions, qui montrent une vraie largeur chrétienne, qui aiment comme des amis, comme des frères dans le Seigneur, comme des copartageants du royaume des cieux sur la terre et des cohéritiers du royaume éternel, tous ceux qui, quelles que soient leurs opinions, les formes de leur culte ou la communion particulière à laquelle ils se rattachent, croient au Seigneur Jésus, aiment Dieu et leurs semblables, cherchent à plaire à l’Éternel et craignent de l'offenser, s'abstiennent soigneusement du mal et sont zélés pour les bonnes œuvres ? Pour être un chrétien vraiment large, il faut porter ainsi tous ses frères dans son cœur constamment, éprouver une affection indicible pour eux, être si désireux de contribuer à leur bien-être qu'on ne cesse point de les recommander au Seigneur par des prières et de témoigner en leur faveur devant les hommes ; il faut leur parler selon leur cœur et tâcher, par tout ce qu'on peut dire, de fortifier leurs mains dans l'œuvre de Dieu. Il faut aussi leur aider, autant qu'on le peut en tout, soit matériellement, soit spirituellement ; il faut être prêt à donner et à se donner pour eux, et même à « donner sa vie pour ses frères (1 Jean 3 : 16)  ».

                     Quel type aimable que celui que nous venons d'esquisser ! Combien chaque enfant de Dieu devrait chercher à le réaliser ! Pourquoi donc le rencontre-t-on si rarement ? Comment se fait-il que, lorsque nous avons goûté l'amour de Dieu, nous puissions nous donner quelque repos aussi longtemps que nous ne sommes pas tels ? Ah ! c'est que Satan a inventé un moyen bien subtil de prouver à des milliers de chrétiens qu'ils peuvent, sans être coupables, se dispenser de réaliser cet idéal. Je souhaite qu'il n'y en ait pas, parmi ceux qui sont ici présents, beaucoup qui aient été « pris dans ce piège du diable, pour faire sa volonté (2 Timothée 2 : 26). « Peut-être quelqu'un dit-il : « Pour moi, j'aime ainsi tous ceux que je crois enfants de Dieu. Mais jamais je ne croirai qu'on peut être enfant de Dieu quand on appartient à cette secte abominable ! Croyez-vous qu'on puisse avoir ces opinions détestables et être un enfant de Dieu ? qu'on puisse être enfant de Dieu et prendre part à un culte aussi absurde, aussi superstitieux et même idolâtre ? » C'est là essayer d'excuser un péché en y en ajoutant un nouveau. Pour nous justifier d'un manque de charité, nous en rejetons la faute sur les autres. Pour déguiser nos dispositions diaboliques, nous déclarons que nos frères sont enfants du diable. Oh ! fuyez ce piège, et si vous y avez déjà été pris, sortez-en au plus tôt. Tâchez donc d'apprendre à aimer de cet amour plein de largeur chrétienne, qui « n'est point emporté » , prompt à juger, de cet amour qui « ne soupçonne point le mal » , qui « croit tout, espère tout (1 Corinthiens 13 : 4,5,7) », qui tient compte de toutes les circonstances pour les autres comme nous désirons qu'on en tienne compte pour nous-mêmes. Alors nous reconnaîtrons la grâce de Dieu en tout : homme qui la possède, sans nous arrêter, à ses idées particulières ou aux formes de son culte. Alors tous ceux qui craignent le Seigneur nous seront chers comme nos plus proches « dans les entrailles de Jésus-Christ (Philippiens 1 : 8 – d'après le texte grec)  ».

                    N'est-ce pas là l'esprit qui animait notre cher ami ? Pourquoi ne serait-ce pas aussi le nôtre ? Ô Dieu d'amour, jusqu'à quand ton peuple sera-t-il un objet de risée pour les païens ? Jusqu'à quand se moquera-t-on de lui en disant : « Voyez comme ils s'entr'aiment, ces chrétiens-ci ? » Quand donc ôteras-tu de dessus nous cet opprobre ? L'épée ne cessera-t-elle point de dévorer ? Quand commanderas-tu aux tiens de ne plus poursuivre l'un l'autre ? Maintenant même, que tout le peuple s'arrête et ne poursuive plus ses frères ! Quoi que fassent les autres, nous tous du moins, ô mes frères, entendons la voix de ce serviteur de Dieu qui, quoique mort, parle encore. Ne vous semble-t-il pas l'entendre vous dire : « Soyez désormais mes imitateurs comme je l'ai été de Christ. Qu'aucun frère ne lève plus l'épée contre son frère, et qu'on ne s'adonne plus à la guerre ! Revêtez-vous plutôt, comme étant les élus de Dieu, d'entrailles, de miséricorde, d'un esprit d'humilité, de bonté fraternelle, de douceur, de patience, vous supportant mutuellement par amour. Que le temps passé ait plus que suffi pour s'être haïs, jalousés et querellés, pour s'être mordus et dévorés les uns les autres ! Bénissez Dieu de ce que vous ne vous êtes pas entre-détruits depuis longtemps, et dorénavant conservez l'unité de l'Esprit par le lien de la paix ! » 

                    Ô Dieu, rien n'est impossible pour toi : tu fais tout ce qu'il te plaît. Veuille donc faire tomber sur nous maintenant le manteau du prophète que tu viens d'enlever. « Où est l’Éternel, le Dieu d' Elie ? (2 Rois 2 : 14) » Que l'esprit de ton serviteur descende sur nous tes serviteurs ! Montre nous que tu es le Dieu qui répond par le feu ! Que le feu de ton amour vienne embraser tous nos cœurs. Et puisque nous t'aimons, fais que nous nous aimions les uns les autres d'un amour plus fort que la mort ! « Que toute aigreur, toute animosité, toute colère, toute crierie, toute médisance et toute malice soient bannies du milieu de nous ! (Éphésiens 4 : 31) » Que ton Esprit repose si puissamment sur nous, qu'à partir de ce moment nous soyons « bons les uns envers les autres, pleins de compassion, nous pardonnant mutuellement, comme Dieu nous a pardonnés par Christ ! (Éphésiens  4 : 32) »

CANTlQUE

Cela va bien, serviteur du saint Maître !
De tes travaux le cours est terminé.
Tu combattis ; ta vainquis ; tu vas être
Par le seigneur de gloire couronné.
Dès maintenant ton âme les possède,
Ces biens du ciel désirés ici-bas.
Celui qui fut ton refuge et ton aide
T'a recueilli sur son sein, dans ses bras.

Dans son amour ce Sauveur charitable
Exauce ainsi tous tes voeux de ton cœur.
Sans longs délais il t'admet à sa table ;
De son repos tu jouis en vainqueur.
O messager de la paix, de la grâce,
Que sur les monts ils étaient beaux tes pieds !
Mais Jésus vit que ton âme était lasse ;
Il te fit signe : à ses pieds tu t'assieds.

Là haut ta voix s'unit aux voix des anges
Pour entonner le cantique nouveau ;
Mieux que jamais tu chantes les louanges
De Jéhovah, le Sauveur et l'Agneau !
Amis, ton âme enfin nage et se plonge
Dans l'océan de l'amour infini.
Et ton bonheur, ce n'est pas un vain songe
Tes yeux ont vu Jésus, le Roi béni !

Oh ! quand là-haut irons-nous te rejoindre,
Loin des combats, dans le sein de Jésus ?
En y pensant notre exil semble moindre ;
Nos ennemis, nos dangers ne sont plus !
Viens donc, Seigneur, viens bientôt à notre âme
Ouvrir le ciel : « C'est assez ; monte ici ! »
Ton peuple élu t'adore et te proclame
Et nous voulons te louer aussi !


dimanche 7 août 2016

(19) LES SERMONS DE WESLEY L’ÉCONOME FIDÈLE

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com 

Sermon 51 :           L'ECONOME FIDÈLE

Luc 16,2   (1768)

Rends compte de ton administration; car tu ne pourras plus désormais administrer mon bien. (Luc 16:2)  

                   Les rapports qui existent entre Dieu et l'homme, entre le Créateur et sa créature, sont représentés dans la Bible par diverses images. Considéré comme pécheur, comme créature déchue, l'homme y apparaît comme le débiteur de Dieu. Souvent aussi il y est représenté comme étant un serviteur, caractère qui se rattache nécessairement à sa qualité de créature ; c'est tellement vrai que ce titre est donné au Fils de Dieu dans son abaissement : « Il s'est anéanti soi-même, en prenant la forme de serviteur, et se rendant semblable aux hommes (Philippiens 2 : 7)  ».

                    Mais aucune image n'exprime mieux la situation actuelle de l'homme, que celle d'un économe ou intendant. Notre bon Sauveur s'en est servi fréquemment, et elle convient tout particulièrement à notre état. Celle de débiteur ne se rapporte qu'à l'homme considéré comme pécheur ; et celle, de serviteur a quelque chose de trop général, de trop peu défini. Mais l'économe est un serviteur qui a des fonctions spéciales, fonctions qui rappellent à tous égards la situation de l'homme. Ce titre indique fidèlement quelle est sa position ici-bas, ce qu'il doit être comme serviteur, et quel genre de service son Maître attend de lui.

                    Il pourra donc nous être utile d'examiner sérieusement ce point de vue et d'en tirer tout le parti possible. Pour obtenir ces résultats, recherchons d'abord à quels égards nous sommes actuellement les économes du Seigneur. Nous considérerons ensuite cette déclaration que, lorsqu'il rappelle à lui nos âmes, nous ne pouvons plus désormais « administrer son bien ». Et, enfin, nous parlerons du compte à rendre ; « Rends compte de ton administration.

I

                    A quels égards sommes-nous les économes de Dieu ? Nous lui devons tout ce que nous possédons. Mais si un débiteur doit rendre tout ce qu'on lui a prêté, il est libre d'en faire l'usage qu'il veut jusqu'à l'époque fixée pour le remboursement. Telle n'est pas la situation d'un intendant. Il n'a pas le droit d'employer comme il juge bon ce qui lui est confié ; il doit s'en servir selon la volonté de son maître. Il ne peut disposer de ce qu'il a entre ses mains que d'après cette volonté, car il n'en est pas le propriétaire ; on lui en a confié le dépôt mais à la condition expresse qu'il suive dans son emploi, les ordres de son maître. Telle est précisément la situation de tout homme vis-à-vis de Dieu. Nous ne sommes pas libres de faire ce que nous voulons de ce qu'il nous a confié ; nous devons en user selon la volonté du Maître de la terre et des cieux, du Maître de toute créature. Nous n'avons pas le droit de disposer de quoi que ce soit autrement qu'à son gré ; car nous ne sommes propriétaires de rien : toutes choses sont, quant à nous, comme dit Jésus, des biens d'autrui ; rien, dans ce monde, ou nous sommes voyageurs, n'est réellement à nous. Nous ne posséderons ce qui est à nous, que lorsque nous serons arrivés chez nous. Il n'y a que les choses éternelles qui soient à nous : les choses du temps présent nous sont simplement prêtées ou confiées par celui qui est le souverain Maître de tout. Et il ne nous les confie qu'à la condition expresse que nous n'en userons que comme de biens appartenant à notre Maître et en suivant les instructions qu'il nous a laissées dans sa parole touchant l'emploi qu'il faut en faire.

                     C'est à cette condition qu'il nous a confié une âme, un corps, des biens et tous les autres talents que nous avons reçus. Mais, pour graver dans nos cœurs cette importante vérité, il convient d'entrer dans les détails.

                    Et d'abord, Dieu nous a confié la charge de notre âme, esprit immortel, créé à son image ; d'une âme avec toutes ses facultés et tous ses attributs, intelligence, imagination, mémoire, volonté et affections de divers genres qui font partie de la volonté ou en dépendent étroitement : l'amour et la haine, la joie et la tristesse, pour ce qui est des choses qui nous affectent en bien ou en mal ; le désir et l'aversion, l'espérance et la crainte, pour ce qui est des choses à venir. Saint Paul a résumé toutes ces facultés de l'âme en deux mots quand il a dit : « La paix de Dieu... gardera vos cœurs et vos esprits (Philippiens 4 : 7)  ». Peut-être, cependant, vaudrait-il mieux rendre le dernier mot par pensées, à la condition d'entendre ce mot dans sa signification la plus étendue qui embrasserait toutes les perceptions de l'esprit, soit au sens actif, soit au sens passif.

                    Il est bien certain que nous ne sommes que les économes de tout cela. Dieu nous a confié ces attributs et ces facultés pour que nous nous en servions, non point selon notre propre volonté, mais selon les ordres positifs qu'il nous a donnés. Il n'en est pas moins vrai qu'en obéissant à sa volonté, nous assurerons notre vrai bonheur car c'est uniquement de cette façon que nous pouvons être heureux dans le temps et dans l'éternité. Nous devons donc nous servir de notre intelligence, de notre imagination, de notre mémoire, uniquement pour la gloire de celui qui nous les a données. Il faut que notre volonté lui soit entièrement soumise, et que nos penchants soient réglés d'après ce qu'il a prescrit. Nous devons aimer ou haïr, nous réjouir ou nous attrister, désirer ou éviter, espérer ou craindre, suivant les règles qu'a tracées celui à qui nous appartenons et que nous devons servir en toutes choses. Dans ce sens-là, nos pensées elles-mêmes ne sont point à nous ; nous ne pouvons pas en disposer à notre gré ; et nous devons rendre compte à notre souverain Maître de tous les mouvements volontaires de notre esprit.

                    En second lieu, Dieu nous a confié la charge de notre corps et de tous les membres, de tous les organes, qui le composent. Et quel merveilleux mécanisme que ce corps fait d'une étrange et, admirable manière (Psaume 139 : 14) » Dieu nous a donné nos divers sens, la vue, l'ouïe, etc. Mais il ne nous en a donné aucun pour qu'il fût à nous en propre et que nous en fissions ce que nous voudrions. Il ne nous les prête pas en nous laissant la liberté d'en faire, pendant un temps plus ou moins long, l'emploi qu'il nous plaira. Au contraire, ces organes physiques ne demeurent à notre disposition qu'à la condition que nous nous en servirons comme Dieu lui-même l'a voulu.

                    C'est dans les mêmes vues qu'il nous a donné celle faculté si précieuse, la parole. Un ancien écrivain a dit « Tu m'as donné une langue pour que je puisse te louer ». Et c'est en effet pour cela que Dieu l'a donnée aux enfants des hommes ; pour que tous s'en servent pour le glorifier. Il y a donc ingratitude et folie à dire : « Nos lèvres sont en notre puissance (Psaume 12 : 5)  ». Cela serait vrai, si nous nous étions créés nous-mêmes et, étions ainsi indépendants de Dieu. Mais non ! « C'est lui qui nous a formés, et ce n'est pas nous qui nous sommes faits (Psaume 100 : 3)  ». D'où il suit clairement qu'il demeure notre Maître à cet égard comme à tous égards, et que nous aurons a lui rendre compte de toute parole que nous prononçons.

                    Nous sommes également responsables devant Dieu pour l'usage que nous faisons de nos mains, de nos pieds, de tous les membres de notre corps. Ce sont là autant de talents qui nous sont confiés jusqu'au temps marqué par le Père. Jusqu'à ce moment nous pouvons nous en servir, non comme propriétaires, mais comme intendants de Dieu ; nous ne devons pas « livrer nos membres au péché pour servir d'instruments d'iniquité, mais les consacrer à Dieu pour être des instruments de justice (Romains 6 : 13)  ».

                     En troisième lieu, Dieu nous a confié quelques biens terrestres, de quoi nous nourrir, de quoi nous vêtir, un endroit où nous pouvons reposer notre tête, ce qui est indispensable à l'existence et même ce qui est simplement utile et agréable Il nous a en particulier confié ce talent précieux qui résume tous les autres, l'argent. Et il est effectivement très précieux si nous nous en servons comme des économes prudents et fidèles de notre bon Maître, si nous l'appliquons soigneusement aux usages qu'il a lui-même désignés.

                     Enfin, Dieu nous a confié divers dons que nous n'avons pu classer dans les catégories énumérées ci-dessus. De ce nombre sont la force physique, la santé, un extérieur agréable, un naturel engageant, les connaissances et les sciences possédées à des degrés divers, et tous les autres avantages que confère l'éducation. De ce nombre est aussi l'influence que nous exerçons sur les autres, soit à cause de l'amour ou de l'estime qu'ils ont pour nous, soit à cause de notre puissance, du pouvoir que nous possédons de leur faire du bien ou du mal, de les aider ou de leur nuire dans les affaires de la vie. A celle liste des dons de Dieu, il faut ; ajouter encore celui d'où découlent tous les autres et sans lequel tous les autres seraient des malédictions et non des bienfaits, je veux dire la grâce du Seigneur, le secours de son Saint-Esprit qui seul peut produire un nous ce qui trouvera grâce devant Dieu.

II

                    Les hommes sont donc, à l'égard de toutes ces choses, les économes du seigneur, du Maître des cieux et de la terre ; il leur a confié l'administration de tous ces biens divers qui sont à lui. Mais ce n'est pas pour toujours ; ce n'est même pas pour bien longtemps. Cette administration ne nous est laissée que pour le temps si court, si incertain, que nous avons à passer ici-bas, le temps où nous sommes sur la terre, où le souffle est dans nos narines. Elle approche, à grands pas, elle est là l'heure où a nous ne pourrons plus administrer ». Dès l'instant où « la poudre retourne dans la terre, comme elle y avait été, et où l'esprit retourne à Dieu qui l'a donné (Ecclésiaste 12 : 9) », nous perdons ces fonctions ; notre administration est finie. Une partie de ces biens qui nous furent confiés n'existe plus dès ce moment, n'existe plus pour nous du moins, et nous n'en avons plus l'usage ; quant aux autres ils existent encore, mais le moment de s'en servir est passé.

                     Une partie de ces biens, disons-nous, n'existe plus, du moins pour nous. Qu'avons-nous à faire, en effet, une fois cette vie terminée, avec la nourriture et le vêtement, avec nos maisons et, nos richesses ? La nourriture des morts, c'est la poussière ; leur vêtement, ce sont les vers, c'est la pourriture. Ils habitent la maison qui attend tous les vivants, et leur lieu ne les connaît, plus. Tous leurs biens terrestres ont passé en d'autres mains ; « ils n'ont plus aucune part au monde, dans tout ce qui se fait sous le soleil. (Ecclésiaste 9 : 6) »

                   Il en est de même pour ce qui est du corps. A. partir du moment où l'âme retourne à Dieu, nous ne sommes plus les intendants de cet organisme, qui dès lors « est semé corruptible et méprisable (1 Corinthiens 15 : 42,43)  ». Toutes ses parties, tous ses membres vont maintenant se décomposer dans le sol. La main ne remuera plus ; les pieds n'auront plus à marcher ; la chair, les tendons, les os du corps, tout va bientôt se dissoudre et tomber en poussière.

                    C'est aussi la fin de certains autres dons que Dieu nous avait confiés, comme la force, la santé, la beauté, l'éloquence, l'agilité ; de même pour le privilège que nous avions de plaire à nos semblables, de les gagner, ou de les convaincre. C'est la fin de tous les honneurs dont nous avons joui, de toute la puissance que nous avons possédée, de toute l'influence que nous exercions sur les hommes par l'amour ou par l'estime que nous leur inspirions. Tout est mort avec nous, notre amour, nos haines, nos ambitions : personne ne s'inquiète plus des sentiments que nous avions à leur égard. Les morts, on se dit, qu'ils ne peuvent plus faire ni bien ni mal : « un chien vivant vaut mieux qu'un lion mort (Ecclésiaste 9 : 4) ».

                    Il est tels des dons qui nous sont confiés, au sujet desquels on peut se demander si vraiment. ils n'existeront plus une fois que nous serons morts, ou s'ils cesseront seulement d'être à notre disposition. Mais il est, évident que, par exemple, le langage qui nous sert ici-bas et qui exige l'emploi de certains organes physiques, n'existera plus dès que ces organes auront été détruits. Il est bien certain que, lorsque nous serons morts, notre langue ne fera plus vibrer l'air et que notre oreille ne recevra plus l'impression des ondes sonores. Nous ne pouvons pas même admettre l'existence de ce sonus exilis, de cette voix grêle et perçante qu'un poète (Probablement Virgile ; car on y trouve (Enéide, VI, 492) l'expression vocem exiguam en parlant des morts (Trad.) ) a assignée aux esprits séparés du corps : c'est là un rêve enfanté par l'imagination. Evidemment, on ne peut douter que ces esprits n'aient le moyen de communiquer entre eux ; mais qui donc, parmi ceux qui participent encore à la chair et au sang, pourrait nous dire quel est ce moyen ? Ils ne sauraient avoir ce que nous appelons un langage. Ainsi, c'est là un des talents dont nous n'aurons plus l'administration, lorsque nous serons du nombre des trépassés.

                   Il est également permis de se demander si nos sens survivront à la perte des organes par le moyen desquels ils s'exercent, N'est-il pas probable que ceux qui sont d'un ordre inférieur, comme le toucher, l'odorat, le goût, disparaîtront, étant dans un rapport, intime avec le corps et, sinon uniquement, du moins principalement destinés à assurer sa conservation ? Mais on peut supposer que, même quand nos yeux seront clos par le sommeil de la mort, nous aurons quelque faculté analogue à la vue. Et de même, notre âme jouira sans doute de quelque chose qui équivaudra au sens de l'ouïe. Je vais plus loin : n'est-il pas probable que l'esprit séparé du corps, non seulement possédera ces prérogatives, mais même les possédera d'une façon toute spéciale et beaucoup plus étendue ; que l'âme, dégagée de l'enveloppe d'argile, ne sera plus comme une étincelle qui s'éteint au milieu de l'ombre, ne sera plus bornée à ce qu'elle peut apercevoir à travers ces ouvertures des yeux et des oreilles, mais sera tout yeux et tout oreilles, comme si chez elle les sens n'étaient plus localisés, mais répartis d'une manière inconcevable pour nous actuellement ? N'avons-nous pas déjà une preuve certaine que c'est possible, et qu'on peut voir sans les yeux, entendre sans les oreilles ? N'en avons-nous pas la garantie constante dans ce fait que l'âme voit, et de la façon la plus nette, dans les songes, alors que nos yeux ne nous sont d'aucun secours ? N'est-il pas vrai qu'alors également elle possède la faculté d'entendre sans que l'oreille y soit pour rien ? Quoi qu'il en soit, il est bien positif que ni l'usage des sens ni celui de la parole ne nous seront plus confiés par le Seigneur, comme il nous les confie maintenant, une fois que nos corps auront été déposés dans le silence du tombeau.

                    Impossible de dire jusqu'à quel point nous conserverons ou perdrons alors les connaissances et la science que nous avions acquises ici-bas par l'éducation. Il est vrai que Salomon a dit : « Dans le sépulcre, où tu vas, il n'y a ni discours, ni science, ni sagesse (Ecclésiaste 9 : 10) » Mais il est évident qu'il ne faudrait pas entendre ces paroles d'une façon trop absolue. Tant s'en faut même qu'il n'y ait plus de science ou de connaissance pour ceux qui sont morts, qu'on pourrait, plutôt se demander si ce n'est pas le contraire et s'il y a quelque vraie science de ce côté-ci du tombeau, si ce n'est, pas purement et simplement une réalité qu'expriment ces vers :

Les choses d'ici-bas, ce sont des ombres vaines
Comme ces rêves creux desquels nos nuits sont pleines.

                    Il va sans dire qu'on fait une exception à l'égard des vérités qu'il a plu à Dieu de révéler lui-même aux hommes. Voici mon témoignage personnel. Pendant un demi-siècle, j'ai recherché la vérité avec quelque soin, et, aujourd'hui je ne me sens absolument certain de presque rien, en dehors des choses que la Bible m'a enseignées. Il y a plus : j'affirme solennellement qu 'à part ces vérités révélées, il n'y a rien dont je sois tellement, assuré que je pusse consentir à en faire dépendre mon salut éternel.

                     Nous pouvons, en tout cas, conclure de ces paroles de Salomon, que dans le sépulcre il n'y a ni science ni sagesse, de nature à être utiles à une âme perdue, aucun moyen pour elle de tirer encore parti des talents qui lui furent confiés sur la terre. Car il n'y a plus de temps ; le temps de notre probation en vue d'un bonheur ou d'un malheur éternels, est écoulé. Notre jour, le jour de la vie humaine, est fini ; le jour du salut est lassé ! Tout ce qui reste désormais, c'est « le jour du Seigneur (1 Corinthiens 5 : 5) » qui annonce la venue de l'immense et immuable éternité !

                    Mais nos âmes, qui sont d'une essence incorruptible et immortelle, qui sont par nature seulement « un peu inférieures aux anges ; (Psaume 8 : 6) », (même en supposant que cette expression ne s'applique qu'à l'homme avant sa chute, ce qui est tout au moins douteux), nos âmes subsisteront avec toutes leurs facultés lorsque nos corps se seront dissous en poussière. Notre mémoire, notre intelligence, loin d'être anéanties ou même affaiblies par la dissolution du corps, seront plutôt, il y a tout lieu de le supposer, développées d'une façon incroyable. Ne devons-nous pas admettre, en effet, qu'elles seront alors affranchies complètement des défauts qu'on y remarque ici-bas et qui proviennent de l'union de l'âme avec un corps assujetti à la corruption ? Il est plus que probable que, dès l'instant où cessera cette union, notre mémoire ne laissera plus rien échapper et même nous rappellera de la façon la plus fidèle, la plus vivante, tout ce qui lui a été confié dans le passé. Il est vrai que le monde invisible est nommé dans la Bible « le pays de l'oubli (Psaume 88 : 13) » ou, comme dit une vieille traduction plus énergique, « le pays où tout est oublié ». Tout oublié ! mais par qui donc ? Ce ne sont pas les habitants de ce pays qui oublient ; ce sont les habitants de notre terre. C'est par rapport à eux que le monde invisible est le pays de l'oubli. C'est par eux que trop, souvent les choses de ce monde-là sont oubliées ; mais les esprits qui sont sortis du corps n'oublient pas. On ne peut guère supposer qu'ils oublient quoi que ce soit à partir du jour où ils quittent la tente d'argile.

                    De même, il est à présumer que notre intelligence sera alors affranchie des imperfections qui l'accompagnent invariablement ici-bas. Il y a bien des siècles que cette maxime est universellement admise : « Humanum est errare et nescire ; l'erreur et l'ignorance sont inséparables de la nature humaine ». Mais cette assertion n'est tout entière vraie que par rapport à l'homme sur la terre ; elle ne s'applique qu'au temps pendant lequel le corps mortel pèse sur l'âme. Sans doute, aucune intelligence limitée ne peut être exempte d'ignorance, et il n'y a que Dieu qui connaisse toutes choses ; mais il n'en est pas ainsi de l'erreur ; et, quand l'âme s'est séparée du corps, elle a aussi rompu pour toujours avec l'erreur.

                    Que dirons-nous, après cela, de la découverte faite récemment par un homme d'esprit, à savoir que non seulement les esprits sortis du corps n'ont plus de sens, pas même la vue ou l'ouïe, mais qu'ils n'ont ni mémoire ni raison, point de pensées, aucune perception de rien, pas même conscience de leur propre existence, de telle sorte que, depuis l'heure de la mort jusqu'à celle de la résurrection, ils sont plongés dans un sommeil profond comme le trépas lui-même ? C'est bien le cas de dire ; « Consanguineus lethi sopor ; sommeil proche parent de la mort  » ; à moins que ce ne soit la mort elle-même ! Que dire de cela, sinon que les hommes d'esprit font parfois des rêves étranges qu'ils prennent ensuite pour la réalité ?

                       Mais revenons à notre sujet. Si l'âme conserve, malgré la dissolution du corps, toute son intelligence, toute sa mémoire, il en sera certainement de même de la volonté et des affections de tout genre qui conserveront toute leur vigueur. Si notre amour on notre colère, nos espérances on nos désirs périssent, ce ne peut être que relativement à ceux que nous laissons derrière nous. Il ne leur importe plus, à eux, qu'ils aient été les objets de notre affection ou de notre haine, de nos aspirations ou de notre aversion. Mais rien ne nous autorise à croire qu'un seul de ces sentiments s'éteigne dans l'esprit séparé du corps. Il est plutôt probable que toutes ces choses l'agitent d'autant plus vivement qu'il n'est plus surchargé du fardeau de la chair et du sang.

                  Mais quand même tout cela, nos connaissances, nos sens, notre mémoire, notre raison, notre volonté, notre amour, notre haine, toutes nos passions enfin, quand tout cela subsisterait après la mort du corps, ce serait pour nous comme si nous ne l'avions pas, dans ce sens que nous n'en aurons plus l'administration. Ces objets demeureront ; mais nous ne serons plus intendants ; nous ne pourrons plus remplir les fonctions d'économes de Dieu. La grâce divine elle-même qui nous était accordée comme un dépôt, afin de nous rendre capables d'agir en économes prudents et fidèles, ne nous sera plus accordée en vue de ces fonctions ; car les jours de notre administration seront finis.

III

                     N'étant plus intendants du Seigneur, il faudra que nous rendions compte de notre administration. Certaines personnes pensent que cela a lieu immédiatement après la mort, dès qu'on entre dans le monde des esprits C'est même ce que l'Eglise de Rome enseigne expressément, et dont elle fait un article de foi. Nous accordons bien ceci que, dès qu'une âme se sépare du corps et comparaît comme nue devant Dieu, elle ne peut pas ignorer ce que son sort éternel va être. Elle doit alors avoir devant elle une perspective nette, soit de son éternel bonheur, soit de son malheur éternel ; car, dès ce moment-là, l'homme ne pourra plus se faire illusion en se jugeant lui-même.

                    D'un autre côté, la Bible ne nous fournit aucun motif de croire que Dieu nous fera passer alors en jugement. Aucun texte inspiré n'affirme pareille chose. Celui qu'on a souvent cité dans le but de prouver cette doctrine, semblerait plutôt démontrer le contraire ; c'est Hébreux IX, 27 : « Il est ordonné que tous les hommes meurent une fois ; après quoi le jugement ». Il n'est que raisonnable d'appliquer l'expression « une fois » au jugement aussi bien qu'à la mort. Et alors il s'ensuivra, non pas qu'il y a deux jugements, l'un individuel, l'autre général mais plutôt que nous ne devons être jugés (comme mourir) qu'une seule fois ; et que cet Unique jugement aura lieu, non pas immédiatement après la mort, mais seulement « quand le Fils de l'homme viendra dans sa gloire avec tous les saints anges (Matthieu 25 : 31)  ». Ceux qui font de la parole écrite de Dieu la seule et entière règle de leur foi, ne sauraient donc admettre cette hypothèse d'un jugement qui suit la mort et d'un autre ayant lieu à la fin du monde.

Le temps où nous serons appelés à rendre compte de notre administration, c'est celui où apparaîtra « un grand trône blanc, et quelqu'un assis dessus, devant qui la terre et les cieux s'enfuiront, et on ne les trouvera plus (Apocalypse 20 : 11)  ». Alors « les morts, grands et petits, se tiendront debout, devant Dieu, et les livres seront ouverts, (Apocalypse 20 : 12) » le livre des Écritures saintes pour ceux à qui le dépôt en a été confié ; le livre de la conscience pour tous les hommes ; le « livre de mémoire (Malachie 3 : 16) » aussi, pour employer une autre expression biblique, qui s'écrit depuis le commencement du monde, et qui alors sera ouvert sous les yeux de tous. Et c'est devant tous, oui, devant le genre humain tout entier, devant le diable et ses anges, devant l'assemblée innombrable des saints anges, devant Dieu, le Juge de tous, que tu paraîtras, sans que rien puisse te couvrir, t'abriter, te déguiser le moins du monde, et que tu auras à rendre un compte exact de la manière dont tu t'es servi de tous les biens de ton Maître !

                     C'est alors que le juge te demandera « Qu'as-tu fait de ton âme ? Je t'avais confié la charge d'un esprit : immortel, doué de facultés et d'attributs divers, d'une raison, d'une imagination, d'une mémoire, d'une volonté et de nombreuses passions. Je te donnai en même temps des instructions complètes et expresses sur la façon dont tu devais te servir de toutes ces choses. As-tu employé ton intelligence selon ces instructions, dans la mesure tes capacités ? L'as-tu employée à te connaître toi-même et à me connaître, à connaître ma nature, mes attributs, mes œuvres, tant celles de la nature que celles de la Providence et celles de la grâce ? L'as-tu employée à étudier ma parole, à mettre à profit tout ce qui pouvait te la faire mieux comprendre, à la méditer jour et nuit ? As-tu fait servir ta mémoire, comme je le voulais, à amasser des connaissances dont la possession devait contribuer à ma gloire, à ton salut, au bien de tes semblables ? Y as-tu accumulé, non point des choses sans valeur, mais tous les enseignements que te fournissait ma parole, et tout ce que l'expérience t'apprenait concernant ma sagesse, ma vérité, ma puissance et ma miséricorde ? Et ton imagination, l'as-tu fait servir, non à te représenter des choses vaines, ou même des choses qui alimentaient « plusieurs désirs insensés et pernicieux (1 Timothée 6 : 9) » mais à te rappeler ce qui pouvait être utile à ton âme et t'exciter à rechercher la sagesse et la sainteté ? As-tu obéi à mes ordres au sujet de ta volonté ? Me l'as-tu soumise entièrement ? A-t-elle été tellement confondue avec la mienne qu'elles n'aient jamais été opposées, mais toujours parallèles l'une à l'autre ? Tes affections ont-elles été appliquées et réglées selon les ordonnances de ma parole ? M'as-tu donné ton cœur ? N'as-tu aimé ni le monde, ni les choses du monde ? Ai-je été l'objet de ton amour ? Tous tes désirs ont-ils été tournés vers moi et vers la mémoire de mon nom ? Ai-je été la joie et les délices de ton âme, « le principal entre dix mille (Cantique 5 : 10. Dans Ostervald : « Il porte l'étendard au milieu de dix mille » ) » pour elle ? Ne t'es-tu affligé de rien, si ce n'est de ce qui pouvait attrister mon Esprit ? N'as-tu craint, n'as-tu haï rien plus que le péché ? Le courant tout entier de tes affections allait-il vers cet océan d'où il était, venu ? Tes pensées, étaient-elles occupées, comme je le désirais, non pas à vagabonder jusqu'aux extrémités ; de la terre, non pas à des choses folles ou coupables, mais à tout ce qui est pur, à tout, ce qui est saint, à tout ce qui peut me glorifier et établir la paix et la bienveillance parmi les hommes ? »

                      Le Seigneur te dira aussi alors : « Quel usage as-tu fait du corps que je t'avais confié ? Je t'avais donné une langue pour me louer : l'as-tu employée à cela ? L'as-tu fait servir, non à médire ou à dire des riens, non à des conversations malveillantes ou inutiles, mais à des entretiens profitables, se rapportant à des choses nécessaires ou utiles soit à toi, soit à ton prochain, à des entretiens qui, directement ou indirectement, « servent à l'édification et communiquent la grâce à ceux qui les entendent (Éphésiens 4 : 29) ? » Je t'avais donné, avec d'autres sens, la vue et l'ouïe, ces deux moyens précieux d'information : les as-tu utilisés en vue des résultats excellents que je m'étais proposés en te les accordant, en vue de t'instruire de plus en plus dans la justice et la sainteté véritables ? Je t'avais donné des mains, des pieds, d'autres membres encore, pour accomplir, « les bonnes œuvres, pour lesquelles Dieu nous a préparés, afin que nous y marchions (Éphésiens 2 : 10 La version anglaise et la révision d'Ostervald disent : « Les bonnes œuvres que Dieu a préparées ».) ; » les as-tu employés, non a faire « la volonté de la chair (Jean 1 : 13)  ». la volonté de ta nature déchue, ou la volonté de ton propre esprit, les choses que te dictait, ta raison ou bien ton imagination, mais « la volonté de celui qui t'a envoyé (Jean 4 : 34) » dans ce monde pour que tu y travailles à ton salut ? As-tu consacré tous tes membres, non au péché pour servir d'instruments d'iniquité, mais à moi seul, en mon Fils bien-aimé, « pour être des instruments de justice (Romains 6 : 13) ? »

                   Le Maître de toutes choses te demandera encore : « Quel usage as-tu fait des biens terrestres que je t'avais confiés ? As-tu considéré tes aliments, non pas comme une chose où tu devais chercher et mettre ton bonheur, mais comme un moyen d'entretenir la santé, la force, la vigueur de ton corps, pour qu'il fût l'instrument docile de ton âme ? As-tu considéré le vêtement, non point comme une affaire d'orgueil, de vanité, ou, pis encore, comme un moyen de tenter les autres et de tes faire pécher, mais comme destiné à te protéger d'une façon commode et décente contre les intempéries de l'air ? En préparant et en faisant servir ta maison ou tel autre objet, as-tu eu en vue surtout ma gloire ? As-tu cherché en tout mon honneur plutôt que le tien, cherché à me plaire plutôt qu'à toi-même ? Voyons, comment as-tu employé ce dépôt qui en renferme tant d'autres, l'argent ? Ne l'as-tu pas fait servir à satisfaire la convoitise de la chair, la convoitise des yeux ou l'orgueil de la vie ? Ne l'as-tu pas gaspillé pour des bagatelles, comme si tu l'avais jeté à l'eau ? Ne l'as-tu pas thésaurisé pour tes héritiers comme si tu l'enterrais ? Ou bien, après avoir pourvu à tes besoins réels et à ceux de ta famille, m'as-tu approprié le reste dans la personne des pauvres que j'ai désignés pour le recevoir ? T'es-tu regardé toi-même comme étant un de ces pauvres aux besoins desquels tu devais suffire avec les ressources que je le confiais, te réservant toutefois cet avantage d'être servi le premier, et aussi le bonheur qui consiste à donner au lieu de recevoir ? En agissant ainsi, es-tu devenu un bienfaiteur pour l'humanité en général et as-tu nourri les affamés, vêtu ceux qui étaient nus, secouru les malades, aidé les étrangers, soulagé les affligés, en tenant compte des nécessités de chacun ? As-tu servi d'yeux à l'aveugle et de pieds au boiteux ? As-tu été le père des orphelins et le mari de la veuve ? As-tu, enfin, pratiqué diligemment toutes les œuvres de charité comme un moyen de sauver des âmes de la mort ? »

                    Enfin, ton Maître te demandera, encore : « As-tu été un économe prudent, et fidèle quant aux talents de diverses natures que je t'avais confiés ? As-tu employé ta santé et tes forces, non pour la folie et le péché, non pour ces plaisirs qui périssent à mesure qu'on en jouit, pour « avoir soin de la chair et satisfaire ses convoitises (Romains 13 : 14) », mais à rechercher ardemment cette bonne part que personne ne pourra t'ôter ? As-tu fait servir à la propagation de ce qui est bien et à l'agrandissement de mon royaume sur la terre, les avantages personnels et extérieurs que tu possédais, et ceux que tu avais acquis par l'éducation, comme aussi tes connaissances plus ou moins étendues et ton expérience des hommes et des choses ? La portion d'autorité que tu avais, et l'influence que tu exerçais sur les semblables, grâce à leur estime ou à leur amour pour toi, les as-tu mises à profit pour augmenter parmi eux la sagesse et la sainteté ? Ce talent inestimable, le temps, l'as tu employé discrètement et prudemment, appréciant chaque minute à sa juste valeur et te souvenant qu'elles comptent toutes dans l'éternité ? Et par-dessus tout, as-tu été un économe fidèle de ma grâce qui t'a prévenu, accompagné et suivi ? As-tu fait attention à tous les mouvements de mon Esprit, et essayé de profiter de tout bon désir qu'il t'inspirait, de tout degré de lumière qu'il t'apportait, de toutes ses répréhensions sévères ou tendres ? As-tu su tirer parti du ministère de l'esprit de servitude et de crainte qui a précédé l'Esprit d'adoption ? (Romains 8 : 15) Et après avoir reçu ce dernier qui criait dans ton cœur : Abba, Père ! as-tu su te tenir ferme dans la liberté glorieuse où je t'avais mis ? As-tu, depuis lors, offert ton corps et ton âme, toutes tes pensées, toutes les paroles, tous les actes en un sacrifice saint que l'amour enveloppait et embrasait, et par lequel tu me glorifiais dans ton corps et dans ton esprit ? S'il en a été ainsi, « cela va bien, bon et fidèle serviteur ; entre dans la joie de ton Seigneur (Matthieu 25 : 21) »

                    Et qu'adviendra-t-il alors de l'économe ; fidèle ou infidèle, de Dieu ? La sentence du juste Juge n'aura plus qu'à s'accomplir, cette sentence qui fixera ton sort irrévocablement aux siècles des siècles ! A ce moment-là, il ne le restera plus qu'à être rétribué selon les œuvres et pour l'éternité.

IV

                    Les réflexions simples et sérieuses que nous venons de faire nous suggèrent plusieurs leçons. Et d'abord, que le temps de notre vie est court et incertain ! Combien chaque fragment de cette existence est précieux, au delà de tout ce qu'on peut dire ou concevoir !

De nos instants le moindre est un trésor :
Sable menu du Temps, mais sable d'Or !

                         Et combien il importe à tout homme de n'en point laisser perdre, de les faire tous servir à l'accomplissement du but le plus élevé, aussi longtemps que Dieu nous laissera le souffle !

                     En second lieu, nous apprenons par ce qui précède que l'emploi de notre temps, nos actions, nos paroles, ne sauraient jamais être chose indifférente. Chaque chose est en soi bonne ou mauvaise ; car ni le temps lui-même, ni quoi que ce soit ne nous appartient en propre. Tout cela est, comme a dit Jésus, la propriété d'autrui, celle de Dieu notre Créateur. Ces choses peuvent être employées selon sa volonté ou contrairement à sa volonté. Dans le premier cas, tout va bien ; dans le second, tout est mal. C'est sa volonté que nous croissions continuellement dans la grâce et dans la connaissance vivante de notre Seigneur Jésus-Christ. Ainsi donc, toute pensée, parole ou action qui augmentera en nous cette connaissance et nous fera croître en grâce, sera bonne ; mais tout ce qui ne contribuera pas à ce résultat sera réellement et radicalement mauvais.

                    En troisième lieu, nous apprenons encore qu'il n'y a point d'œuvres de surérogation, que nous ne pouvons jamais faire au-delà de notre devoir ; car rien de ce que nous avons n'est à nous ; tout est à Dieu, et conséquemment tout ce que nous pouvons faire lui revient. Nous n'avons pas reçu de lui ceci ou cela seulement, ou même bien des choses, mais tout, absolument tout ; c'est pour cela que nous lui devons tout. Celui qui nous a tout donné a droit à tout. Et si nous lui rendions moins que ce tout, nous ne serions pas des économes fidèles. Puisque « chacun recevra sa propre récompense selon son propre travail (1 Corinthiens 3 : 8) », nous ne pouvons être bons économes qu'à la condition de travailler de toutes nos forces, de déployer toutes nos ressources, pour ne rien omettre de ce que nous pouvons faire.

Mes frères, « y a-t-il parmi vous quelque homme sage et intelligent (Jacques 3 : 13) ? » Qu'il montre qu'il possède la sagesse qui vient d'en haut, en marchant d'une manière conforme à sa profession. S'il se regarde comme économe des biens divers du Seigneur, qu'il s'attache à mettre toutes ses pensées, toutes ses paroles, toutes ses œuvres en harmonie avec les fonctions que Dieu lui a confiées. Ce n'est pas peu de chose que d'avoir à employer au service de Dieu tout ce que vous avez reçu de lui. Cela demande toute votre sagesse, tout votre courage, toute votre patience et toute votre persévérance ; cela en exige beaucoup plus que vous n'en possédez naturellement, mais pas davantage que vous n'en pouvez obtenir de la grâce de Dieu. Car sa grâce vous suffira, et vous savez que toutes choses sont possibles pour celui qui croit (Marc 9 : 23)  ». Ainsi donc, par la foi « revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ (Romains 13 : 14) », « prenez toutes les armes de Dieu (Éphésiens 6 : 13) », et il vous sera donné de le glorifier par toutes vos paroles et par tous vos actes, et même « d'amener captives toutes vos pensées pour les soumettre à l'obéissance de Christ (2 Corinthiens 10 : 5) ! »