jeudi 4 juin 2015

LES SERMONS DE WESLAY Sermon 8 LES PREMIERS FRUITS DE L’ESPRIT

Numérisation Yves PETRAKIAN
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Romains 8,1     (1746)

« Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, qui marchent non selon la chair, mais selon l'Esprit ». (Romains 7 : 1.)

              Par ceux qui sont en Jésus-Christ, il est clair que saint Paul entend ceux qui croient véritablement en Lui, ceux qui, justifiés par la foi, ont la paix avec Dieu par Lui. Ceux-là ne marchent plus selon la chair, ils ne suivent plus les mouvements d'une nature corrompue ; mais ils marchent selon l'Esprit ; — en eux, pensées, paroles et actions, tout est dirigé par le Saint-Esprit du Seigneur.
               Pour ceux-là donc il n'y a plus de condamnation, plus de condamnation de la part de Dieu ; car Il les a justifiés gratuitement par sa grâce, par la rédemption fui est en Jésus-Christ ; Il a pardonné toutes leurs iniquités et effacé tous leurs péchés ; — plus de condamnation de la part de leur conscience, car ils ont reçu, non l'esprit de ce monde, mais l'Esprit qui vient de Dieu, pour connaître les choses qui leur sont données de Dieu (1 Corinthiens 2 : 12), et cet Esprit rend témoignage à leur esprit qu'ils sont enfants de Dieu. A cela se joint encore le témoignage de leur conscience, qu'ils se
conduisent dans le monde en simplicité et en sincérité devant Dieu, non point avec une sagesse charnelle, mais avec la grâce de Dieu (2 Corinthiens 1 : 12).
                Mais vu les erreurs si fréquentes et si dangereuses dans lesquelles on est tombé par rapport au sens de cette parole de l'Écriture, et parce qu'une multitude de gens ignorants et mal assurés l'ont tordue à leur propre perdition ; je me propose de montrer, aussi clairement qu'il me sera possible : 
1° qui sont ceux qui, sont en Jésus-Christ, et qui marchent, non selon la chair, mais selon l'Esprit ; et 2° en quel sens il n'y a plus pour eux de condamnation. Je terminerai 3° par quelques conséquences pratiques.

I


               Je dois montrer d'abord qui sont ceux qui sont en Jésus-Christ ; mais qui seraient-ce, si ce ne sont ceux qui croient en son nom, ceux qui sont en Lui, revêtus, non de leur propre justice ; , mais de la justice qui vient de Dieu par la foi. C'est de ceux-là qu'on peut proprement dire qu'ils sont en Lui ; car ayant la rédemption par son sang, ils demeurent en Christ, et Christ demeure en eux. Ils sont unis au Seigneur dans un même Esprit. Ils sont greffés en Lui, comme le sarment l'est au cep. Il est la tête et ils sont les membres. Il existe entre eux et Lui une union que nul langage ne peut exprimer et qu'auparavant leur coeur n'eût jamais pu concevoir.
                 Mais quiconque demeure en Lui ne pèche point, il ne marche point selon la chair. La chair, dans le style habituel de saint Paul, signifie la nature corrompue. C'est dans ce sens qu'il écrit aux Galates :
« Les oeuvres de la chair sont manifestes (Galates 5 : 19) ; » et il venait de dire : « Marchez selon l'Esprit, et vous n'accomplirez pas les désirs de la chair (Galates 5 : 16) ; car, ajoute-t-il, la chair a des désirs contraires à l'Esprit, et l'Esprit a des désirs contraires à la chair, et les deux sont opposés – afin que vous ne fassiez pas les choses que vous voudriez ». Tel est le sens littéral du grec, et non pas « de sorte que vous ne faites pas les choses due vous voudriez », comme, si la chair l'emportait sur l'Esprit, traduction qui non seulement n'a rien à faire avec le texte, mais qui réduit à rien l'argumentation de l'apôtre, affirmant tout le contraire ; de ce qu'il veut prouver.
            Ceux qui sont en Christ, qui demeurent en Lui, ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs. Ils s'abstiennent de toutes les oeuvres de la chair. Ils fuient l'adultère, la fornication, l'impureté, la dissolution, l'idolâtrie, la sorcellerie, les inimitiés, les querelles, ! es jalousies, les animosités, les disputes, les divisions, les sectes, les envies, les meurtres, l'ivrognerie, les débauches, et toute intention, parole ou action qu'enfante la nature corrompue. Quoiqu'ils sentent encore en eux la racine d'amertume, la vertu d'en haut dont ils sont revêtus les rend capables de la fouler constamment aux pieds, de peur qu'elle ne pousse en haut et ne les trouble, et chaque nouvel assaut qu'ils soutiennent n'est pour eux qu'une nouvelle occasion de louanges, un nouveau motif de s'écrier : « Grâce à Dieu qui nous donne la victoire par Notre Seigneur Jésus-Christ ».
             Ils marchent maintenant selon l'Esprit ; ils lui soumettent leur coeur et leur conduite. C'est Lui qui leur enseigne à aimer Dieu et leur prochain d'un amour semblable à une source d'eau jaillissante en vie éternelle. C'est Lui qui les conduit à tout saint désir, à toute disposition divine et céleste, jusqu'à ce que chacune de leurs pensées soit la sainteté au Seigneur.
             C'est aussi cet Esprit qui leur donne de marcher en toute sainteté de conversation. Leurs discours sont toujours accompagnés de grâce et assaisonnés de sel, marqués par l'amour et la crainte de Dieu. Il ne sort de leur bouche aucune parole déshonnête, mais uniquement ce qui sert à l'édification, ce qui peut communiquer la grâce à ceux qui écoutent. Et leur étude est aussi jour et nuit de ne faire que les choses qui sont agréables à Dieu ; d'imiter dans leur conduite extérieure Celui qui nous a laissé un exemple afin que nous suivions ses traces ; de pratiquer la justice, la miséricorde et la fidélité dans tous leurs rapports avec le prochain, et, en toutes circonstances, de faire toutes choses pour la gloire de Dieu.
               Tels sont ceux qui marchent véritablement selon l'Esprit. Etant remplis de foi et du Saint-Esprit, ils possèdent dans leur coeur et montrent dans leur vie, dans tout l'ensemble de leurs paroles et de leurs actions, les fruits caractéristiques de l'Esprit de Dieu la charité, la joie, la paix, la patience, la douceur, la, bonté, la fidélité, la débonnaireté, la tempérance et toute autre disposition aimable et digne de louange. Ils rendent honorable en toutes choses l'Évangile de Dieu notre Sauveur, et ils démontrent ainsi pleinement à tous les   hommes qu'ils sont, en effet, mus et guidés par l'Esprit qui ressuscita Christ d'entre les morts.

II

               J'en viens maintenant à indiquer dans quel sens il n'y a plus de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ et qui ne marchent point selon la chair mais selon l'Esprit.
               
1° Et d'abord ceux qui croient en Christ et qui marchent aussi selon l'Esprit, ne sont plus condamnés pour leurs péchés passés, il n'en est aucun qui ne soit effacé. Ils sont comme n'ayant jamais été ; le Seigneur les a jetés comme une pierre au fond de la mer, et il ne s'en souvient plus. Dieu qui leur a donné son Fils comme victime de propitiation par la foi en son sang, leur a aussi fait connaître sa justice par la rémission des péchés précédents. Il ne leur en impute donc aucun ; il en a fait disparaître jusqu'au souvenir.
               Leur coeur même ne les condamne plus ; ils n'ont plus le sentiment pénible de leur culpabilité, plus de crainte de la colère du Tout-Puissant. Ils ont en eux-mêmes le témoignage, la conscience d'avoir part au sang de l'aspersion. Ils n'ont « pas reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte », dans le. doute et l'angoisse, mais ils ont reçu « l'Esprit d'adoption », qui crie dans leur coeur : « Abba, père ». Etant ainsi justifiés par la foi, la paix de Dieu règne dans leur coeur, cette paix qui découle du sentiment continuel du pardon par grâce et de « la réponse d'une bonne conscience devant Dieu ».
             Si l'on objecte que celui qui croit en Christ peut quelquefois perdre de vue la miséricorde de Dieu ; qu'il peut tomber dans les ténèbres, au point de ne plus voir, « Celui qui est invisible », de ne plus sentir le témoignage qu'il a part au sang expiatoire ; si l'on dit qu'il retrouve alors le sentiment de la condamnation, et se sent de nouveau placé sous la sentence de mort : je réponds que s'il perd ainsi la miséricorde de Dieu, il ne croit plus ; car qui dit foi, dit lumière, lumière, de Dieu illuminant l'âme. Une âme perd donc la foi pour le temps et dans la mesure où elle perd cette lumière. Et comme il n'est pas douteux qu'un vrai croyant peut perdre la lumière de la foi, il peut aussi, sans doute, pour un temps, retomber sous la condamnation. Mais quant à ceux qui maintenant sont en Jésus-Christ, qui maintenant croient en son nom, aussi longtemps qu'ils croient et marchent selon l'Esprit, ils ne sont condamnés ni de Dieu, ni de leur propre coeur.

2° Ils ne sont condamnés pour aucun péché présent, pour aucune transgression actuelle des commandements de Dieu. Car ils ne les transgressent point. Ils ne marchent point selon la chair, mais selon l'Esprit. La preuve permanente de leur amour pour Dieu, c'est qu'ils gardent ses commandements, comme saint Jean en rend témoignage en disant « Quiconque est né de Dieu ne fait point le péché, car la semence de Dieu demeure en lui, et il ne peut pécher, car il est né de Dieu ». Il ne peut pécher aussi longtemps que la foi agissante par la charité, cette sainte semence de Dieu, demeure en lui. Aussi longtemps qu'il se conserve lui-même dans cette foi « le malin ne le touche point ». Or il est évident qu'il n'est pas condamné pour des péchés qu'il ne commet en aucune manière. Ceux donc qui sont ainsi « conduits par l'Esprit ne sont plus sous la loi (Gal 5 : 18) », sous la malédiction ou la condamnation de la loi ; car la loi ne condamne que ceux qui la violent. Cette loi de Dieu : « Tu ne déroberas point », ne condamne que ceux qui dérobent ; cette autre : « Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier », ne condamne que ceux qui ne le sanctifient point. Mais la loi n'est point contre « les fruits de l'Esprit (Gal 5 : 23) ». C'est ce que l'apôtre déclare plus au long dans ces paroles remarquables de sa première Épître à Timothée : « Nous savons que la loi est bonne pour celui qui en fait un usage légitime et qui sait, — non que la loi n'est pas faite pour le juste, — mais plutôt, suivant le texte original, que la loi n'est point contre le juste, qu'elle n'a pas de force pour le condamner, mais qu'elle condamne. seulement les méchants et ceux qui ne peuvent se soumettre ; les impies et les vicieux ; les gens sans religion et les profanes, — conformément au glorieux Évangile de Dieu (1 Timothée 1 : 8,9,11) ».

3° Ils ne sont pas non plus condamnés pour le péché intérieur, quoiqu'il demeure encore en eux. Que la corruption naturelle reste chez ceux mêmes qui sont devenus enfants de Dieu par la foi ; qu'ils aient en eux les semences de l'orgueil et de la vanité, de la colère et des mauvais désirs, et de toute sorte de péchés, c'est un fait d'expérience au-dessus de toute contestation ; et c'est pour cela que saint Paul, parlant à des gens qu'il venait de saluer comme étant en Jésus-Christ (1 Corinthiens 1 : 2,9), comme ayant été appelés de Dieu à la communion de son Fils Jésus, leur dit néanmoins « Frères, je n'ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes charnels, comme à des enfants en Christ (1 Corinthiens 3 : 1)». Des enfants en Christ ! Ils étaient donc en lui et croyants, quoique faibles. Et pourtant combien il restait encore en eux de péché, combien de cet esprit charnel qui ne se soumet pas à la loi de Dieu !
              Mais nonobstant tout cela, ceux qui sont en Jésus-Christ ne sont point condamnés. Quoiqu'ils sentent en eux la chair, la mauvaise nature, quoiqu'ils reconnaissent tous les jours plus, que leur coeur est rusé et désespérément malin, néanmoins aussi longtemps qu'ils y résistent, aussi longtemps qu'ils ne donnent point lieu au diable, mais qu'ils soutiennent une guerre constante contre tout péché, contre l'orgueil, la colère, la convoitise, en sorte que la chair n'a pas de domination sur eux, mais qu'ils continuent à marcher selon l'Esprit ; ils sont en Jésus-Christ, et il n'y a point pour eux de condamnation, Dieu prend plaisir à leur obéissance sincère, quoique imparfaite, et ils ont une grande confiance devant Dieu, connaissant qu'ils sont siens et le connaissant « par l'Esprit qu'il leur a donné (1Jean 3 : 24) ».

4° Et même ils ne sont condamnés ni de Dieu, ni de leur propre conscience, quoiqu'ils aient la conviction permanente de ne rien faire qui ne soit entaché de péché, de n'accomplir la loi parfaite ni en pensées, ni en paroles, ni en actions, et de ne point aimer le Seigneur leur Dieu de tout leur coeur, de toute leur pensée, de toute leur âme et de toute leur force ; quoiqu'ils sentent toujours plus ou moins d'orgueil et de volonté propre venant furtivement se mêler à ce qu'ils font de meilleur ; quoiqu'en face même de Dieu, soit dans la grande assemblée, soit dans le culte intime qu'ils rendent à Celui qui voit nos pensées et nos plus secrètes intentions, ils aient sans cesse à rougir de leurs pensées errantes et du mortel engourdissement de leur coeur, ils ne sont pourtant, dis-je, condamnés ni de Dieu, ni de leur conscience. La vue de leurs nombreuses imperfections ne fait que leur mieux démontrer leur besoin continuel du sang expiatoire et de cet Avocat auprès du Père qui est toujours prêt à intercéder pour eux. Elle ne fait donc que les presser de se rapprocher toujours plus de Celui en qui ils ont cru. Et plus ils sentent ce besoin, plus ils désirent, et par leurs oeuvres se montrent pressés de marcher selon le Seigneur Jésus-Christ, comme ils l'ont reçu.

5° Ils ne sont pas condamnés non plus pour les péchés qu'on appelle péchés d'infirmité. Pour leurs infirmités serait peut-être une expression plus convenable, en ce qu'elle évite l'apparence de tolérer le péché ou de l'amoindrir en y accolant le nom d'infirmité. Mais s'il faut conserver une expression si ambiguë, et si dangereuse, j'entendrai par péché d'infirmité, toute faute involontaire, comme, par exemple, de dire une chose fausse en la croyant vraie, ou de faire tort au prochain sans le savoir ni le vouloir, peut-être même en voulant lui faire du bien. Quoique ce soient là des déviations de cette volonté de Dieu, qui est « sainte, agréable et parfaite », ce ne sont pourtant pas des péchés proprement dits, et la conscience de ceux qui sont en Jésus-Christ n'en est point chargée ; ces choses ne peuvent établir aucune séparation entre eux et Dieu, ni intercepter la lumière de sa face, car elles n'excluent point le caractère général qui les distingue, savoir, de marcher, « non selon la chair, mais selon l'Esprit ».

6°. Enfin, ils ne sont condamnés pour rien de ce qui ne dépend pas de leur volonté, que la chose se passe au dedans ou au dehors, qu'elle consiste dans un acte positif ou dans nue omission. Ainsi on célèbre la Cène du Seigneur et vous vous en absentez. Mais pourquoi le faites-vous ? Parce que vous êtes retenu par la maladie ; il ne dépend donc pas de vous d'y assister, et c'est pourquoi vous n'êtes point coupable.
                  Il n 'y a pas de faute où il n'y a pas de choix. « Pourvu que la promptitude de la bonne volonté y soit, on est agréable à Dieu selon ce qu'on a, et non selon ce qu'on n'a pas». Un croyant peut, sans doute, s'affliger parfois empêché de faire les choses après lesquelles son âme soupire. Il peut s'écrier, lorsqu'il est retenu loin de la grande assemblée : « Comme un cerf brame après les eaux courantes, ainsi mon âme soupire après toi, Dieu ! mon âme a soif de Dieu, du Dieu fort et vivant. Quand entrerai-je et me présenterai-je devant la face de Dieu ? » Il peut désirer ardemment (quoi qu'il dise toujours dans son coeur : Non ce que je veux, mais ce que tu veux), « de marcher encore avec la troupe et de s'en aller avec elle jusqu'à la maison de Dieu ». Mais si pourtant il ne le peut, il n'est point condamné pour cela, mais il. peut faire taire ses désirs en disant joyeusement : O mon âme, attends-toi à Dieu ! car je le célébrerai encore ; il est la délivrance à. laquelle je regarde ; il est mon Dieu !
                Quant aux péchés dits de surprise, la difficulté est plus grande ; comme, par exemple, lorsque un homme qui possède habituellement son âme par la patience, surpris par une violente et soudaine tentation, parle ou agit en désaccord avec la loi royale, qui dit : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Peut-être est-il malaisé d'établir une règle générale touchant les transgressions de cette nature. Nous ne pouvons dire, d'une manière absolue, qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas condamnation pour les péchés de surprise. Mais lorsqu'un croyant tombe en faute par surprise, il y a, semble-t-il, plus ou moins de condamnation selon qu'il y a plus ou moins de concours de sa volonté. Selon qu'un désir, une parole, un acte répréhensible est plus ou moins volontaire, nous pouvons admettre que
Dieu en est plus ou moins offensé et que l'âme se trouve plus ou moins sous la condamnation.
            Mais dès lors, parmi les péchés de surprise, il peut y en avoir de très condamnables, car il peut arriver qu'on soit surpris, par suite de quelque négligence volontaire et coupable, ou par suite d'une somnolence qu'on aurait pu prévenir ou secouer avant l'assaut de la tentation. Vous recevez de Dieu ou des hommes un avertissement quant à des tentations et des dangers qui vous menacent, mais vous dites en votre coeur : « Encore un peu de sommeil, un peu les mains pliées pour être couché ». Si, plus tard, vous tombez, même à l'improviste, dans le piége que vous pouviez éviter, la surprise n'est point une excuse : vous auriez pu prévoir et fuir le mal. La chute est, dans ce cas, un péché volontaire, et conséquemment elle ne peut qu'exposer le pécheur à la condamnation de Dieu et de sa propre conscience.
                   Par contre, il peut nous venir de la part du monde, du prince de ce monde, ou souvent même de notre mauvais coeur, de soudains assauts que nous n'avons ni prévus ni guère pu prévoir. Le croyant faible dans la foi peut y succomber et céder, en quelque mesure, à la colère, peut-être, ou aux mauvais soupçons, sans que cela dépende, en quelque sorte, de sa volonté. Ici le Dieu jaloux ne manquera pas de lui montrer qu'il a agi follement ; et convaincu d'avoir dévié de « la loi parfaite » et des « sentiments qui étaient en Christ », il sera attristé d'une « tristesse selon Dieu » et pénétré devant Lui d'une honte accompagnée d'amour ; mais il ne s'ensuit pas qu'il soit sous la condamnation. Dieu ne lui impute point sa folie ; il a pitié de lui « comme un père est ému de compassion envers ses enfants » ; son coeur ne le condamne pas non plus ; il peut toujours dire, malgré la honte et la douleur qu'il éprouve : « J'aurai confiance, et je ne serai point ébranlé, car le Seigneur l'Éternel est ma force et mon cantique, et il a été mon Sauveur ».

III

             Il ne me reste maintenant qu'à tirer de ce qui précède quelques conséquences pratiques :

1° Et d'abord si ceux qui sont en Jésus-Christ et qui marchent, non selon la chair, mais selon l'Esprit, ne sont plus condamnés pour leurs péchés passés, pourquoi trembler encore, ô homme de peu de foi ? tes péchés étaient naguère en plus grand nombre que le sable de la mer ; mais qu'as-tu à craindre pour cela, puisque tu es maintenant en Jésus-Christ ? « Qui accusera les élus de Dieu ? Dieu les justifie ; qui les condamnera ? » Les péchés commis depuis ta jeunesse jusqu'à l'heure où tu fus reçu en grâce à cause du Bien-Aimé du Père ; ces péchés, dis-je, ont tous été emportés par le vent comme la balle ; ils sont engloutis dans la mer ; Dieu ne s'en souvient plus. Né du Saint-Esprit, voudrais-tu te tourmenter ou t'effrayer de ce qui eut lieu avant ta naissance nouvelle ? Chasse loin tes frayeurs ! Tu n'es pas appelé à la crainte, mais à avoir « un esprit de force, d'amour et de prudence ». Reconnais donc ton appel ! Réjouis-toi en Dieu ton Sauveur, et rends grâces à Dieu ton Père par Lui !
              Mais, diras-tu, j'ai de nouveau commis le péché depuis que je reçus la Rédemption par son sang. « C'est, pourquoi je me condamne moi-même et je me repens sur la poudre et la cendre ». Il est bon que tu te condamnes, et c'est Dieu qui te dispose à cela même. Mais crois-tu maintenant ? Le Seigneur t'a-t-il de nouveau donné de pouvoir dire : « Je sais que mon Rédempteur vit » et « je vis » moi-même, « Je vis dans la foi au fils de Dieu ? » Dés lors cette foi annule encore le passé et il n'y a plus pour toi de condamnation. Dès que tu crois au nom du Fils de Dieu, n'importe, le moment, tous tes péchés commis avant ce moment-là disparaissent, « comme la rosée matin ». Maintenant donc « tiens-toi ferme dans la liberté où Jésus-Christ t'a mis ! » Il t'a délivré, une fois encore de la puissance aussi bien que du châtiment du péché ; oh ! ne te remets pas sous la servitude, ni sous la vile et diabolique servitude du péché, sous l'enfer anticipé des désirs, des penchants, des paroles ou des actions mauvaises, ni sous la servitude des craintes, des tourments de conscience et de la condamnation.

2° Mais s'il est vrai que tous ceux qui sont en Jésus-Christ marchent, non selon la chair, mais selon l'Esprit, alors, nécessairement il s'ensuit que quiconque commet maintenant le péché n'a « ni part ni rien à prétendre dans cette affaire ». Dans ce moment même il est condamné par son propre coeur.
              Mais si notre coeur nous condamne, nul doute que Dieu ne nous condamne aussi : car « il est plus grand que notre coeur et il connaît toutes choses » ; et si nous nous abusons nous-mêmes, nous ne pouvons le tromper. Que nul ne présume de dire : j'ai été une fois justifié, mes péchés m'ont été une fois pardonnés. C'est ce que j'ignore, et je ne veux pas me prononcer ni pour ni contre cette assertion. Peut-être est-il à peu près impossible, vu le temps écoulé, de constater avec quelque certitude si ce fut véritablement une oeuvre de Dieu où si tu ne fis que séduire ta propre âme. Mais ce que je sais avec une certitude parfaite, c'est que « celui qui fait le péché est du diable ». Le Le diable est donc ton père et tu lui appartiens, tu ne peux le nier, puisque tu fais les oeuvres de  de ton père. Oh ! ne te flatte pas d'un vain espoir ! Ne dis point à ton âme : paix, paix ! car il n'y a point de paix. Crie à plein gosier, invoque Dieu du fond de l'abîme. Peut-être entendra-t-il ta voix. Invoque le tout de nouveau, comme pécheur misérable et pauvre, aveugle et nu. « Et ne donne pas de repos à ton âme jusqu'à ce que son amour, son pardon, te soient de nouveau scellés, jusqu'à ce qu'il ait « guéri tes rébellions » et qu'il t'ait de nouveau rempli de « la foi qui opère par la charité ».

3° Est-il vrai que ceux qui « marchent selon l'Esprit » ne sont point condamnés pour ce qui reste en eux du péché intérieur, pourvu toutefois qu'ils y résistent ; ni pour la souillure qui s'attache à tout ce qu'ils font ? Alors, ne t'agite point à cause de ces restes de corruption qui sont encore dans ton coeur. Ne murmure pas de ce que tu n'as pas encore atteint la glorieuse, image de Dieu, ne t'impatientes point parce que l'orgueil, la volonté propre ou l'incrédulité se mêlent à toutes les paroles, à toutes tes oeuvres, et ne redoute pas de connaître toute ta perversité, de te connaître tel que tu es connu. Demande plutôt à Dieu qu'il te donne de n'avoir pas une trop haute opinion de toi-même ; dis-lui sans cesse : Montre-moi les profondeurs du péché autant que mon âme en peut supporter la vue ! Découvre-moi toute l'incrédulité et tout l'orgueil qui sont cachés dans mon coeur !
               Mais, lorsque, exauçant ta prière, il te montrera jusqu'au fond de quel esprit tu es encore animé, prends garde qu'alors ta foi ne défaille et que tu ne te laisses ravir ton bouclier. Sois abaissé, humilié jusque dans la poudre. Ne vois en toi que néant, moins encore que le néant et que la vanité. Mais que ton coeur ne soit pourtant ni troublé, ni craintif. Qu'il persiste à dire : moi, oui, moi, indigne, j'ai « un Avocat auprès du Père, Jésus-Christ le Juste », et « autant que les cieux sont élevés par-dessus la terre », autant son amour s'élève par-dessus mes péchés. — Oui, Dieu est apaisé, même envers un pécheur tel que toi ! Dieu est amour, et Christ est mort ! C'est pourquoi le Père lui-même t'aime ! Tu es son enfant ! C'est pourquoi il ne te refusera rien de ce qui t'est bon !
                Est-il bon que le corps entier du péché, maintenant crucifié en toi soit, détruit ? Il le sera ! Tu seras « purifié de tonte souillure de la chair et de l'esprit ». Est-il bon qu'il ne reste rien en ton coeur qu'un pur amour pour Dieu ? Aie bon courage ! « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ta pensée, de toute ton âme, de toute ta force ». « Celui qui a fait les promesses est fidèle, et il le fera aussi ». Tu n'as, pour ta part, qu'à persévérer avec patience dans l'oeuvre de la foi, dans le travail de la charité ; tu n'as qu'à attendre dans une paix joyeuse, dans une humble confiance, dans une espérance, vive, mais calme et résignée, que la jalousie de l'Éternel des armées ait fait cela.

4° Si ceux qui sont en Christ et qui marchent selon l'Esprit ne sont point condamnés pour des péchés d'infirmité, pour des manquements involontaires ou pour quoi que ce soit qu'ils n'ont pu s'empêcher de faire, prends garde, ô toi qui as la foi au sang de Christ, que Satan ne prenne à cet égard quelque avantage sur toi. Tu es encore imprudent et faible, aveugle et ignorant, plus faible qu'aucune parole ne peut exprimer, plus ignorant et insensé que ton coeur ne peut encore concevoir ; tu n'as encore rien connu comme il faut le connaître. Mais quelles que soient cette imprudence et cette faiblesse, quels qu'en soient les fruits que tu ne peux encore éviter, que rien n'ébranle ta foi, ta filiale confiance en Dieu, que rien ne trouble ta paix, ni ta joie dans le Seigneur.
               La règle plus ou moins dangereuse que plusieurs donnent quant aux péchés volontaires peut être appliquée sûrement aux cas de faiblesse et d'infirmité. Es-tu tombé, ô homme de Dieu ? Ne reste point là par terre à le lamenter et à déplorer ta faiblesse, mais dis humblement : Seigneur, ah !c'est ainsi que je tomberai sans cesse, si ta main ne me  soutient ! — Puis, lève-toi et marche ! En avant ! « Poursuis constamment la course qui t'est proposée ».

5° Enfin, puisque le croyant n'a pas à craindre la condamnation pour être tombé par surprise dans un mal qu'il abhorre (si toutefois cette surprise ne tient pas à son insouciance ou à sa négligence), s'il t'arrive, ô enfant de Dieu, d'être ainsi pris en faute, va te plaindre au Seigneur ! ce sera pour toi un baume précieux. Répands ton coeur devant Lui, découvre-Lui ta peine, et prie instamment Celui qui « peut compatir à nos infirmités », d'affermir, de fortifier ton âme, et de te rendre inébranlable, en sorte que tu ne tombes plus à l'avenir. Mais souviens-toi qu'il ne te condamne point. Pourquoi craindrais-tu ? Il n'est pas nécessaire que tu sois sous l'empire d'une crainte accompagnée de peine. Aime celui qui t'aime : cela suffit. Avec plus d'amour tu auras plus de force ; et dès que tu l'aimeras de tout ton coeur, tu seras « parfait et accompli, et il ne te manquera rien ». Attends en paix l'heure bénie où « le Dieu de paix te sanctifiera lui-même parfaitement », afin que tout en toi, « l'esprit, l'âme et le corps, soit conservé irrépréhensible pour l'avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ ».


mercredi 3 juin 2015

LES SERMONS DE WESLAY Sermon 6 LA JUSTICE DE LA FOI

Numérisation Yves PETRAKIAN
Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement
Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

(tiré du livre 
 LES SERMONS DE WESLEY  -1- )

Romains 10,5-8  ()1746


« Moïse décrit la justice qui est par la loi, en disant, que l'homme qui fera ces choses vivra par elles; Mais la justice qui est par la foi parle ainsi : Ne dis point en ton coeur : Qui montera au ciel? C'est vouloir en faire descendre Christ. Ou : Qui descendra dans l'abîme ? C'est rappeler Christ d'entre les morts. Mais que dit-elle ? La parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton coeur. C'est la parole de la foi que nous prêchons ». (Romains 10 : 5-8)

                      Dans ce texte, l'apôtre ne met pas en opposition l'alliance donnée par Moïse, et l'alliance donnée par Christ. S'imaginer qu'il en est ainsi, ce serait ne pas observer que la dernière partie de ces paroles aussi bien que la première fut prononcée par Moïse lui-même, et adressée au peuple d'Israël, touchant l'alliance qui existait alors (De 30 : 11,12,14). Mais c'est l'alliance de grâce que Dieu a établie, par Christ, avec les hommes de tous les âges, aussi bien avant la dispensation juive, et sous cette dispensation que depuis l'époque où Dieu fut manifesté en chair ; c'est cette alliance, disons-nous, que saint Paul met ici en opposition avec l'alliance des oeuvres faite avec Adam, encore dans le paradis terrestre, et qui était ordinairement regardée, surtout par les Juifs que mentionne l'apôtre, comme la seule que Dieu eût traitée avec l'homme.
                 C'est de ces Juifs que parle saint Paul avec tant d'amour lorsqu'il dit au commencement de ce chapitre : « Le souhait de mon coeur, et la prière que je fais à Dieu pour Israël, c'est qu'ils soient sauvés. Car je leur rends ce témoignage qu'ils ont du zèle pour Dieu, mais ce zèle est sans connaissance, parce que ne connaissant point la justice de Dieu », la justification qui vient de sa pure grâce et de sa miséricorde par lesquelles il nous pardonne gratuitement nos péchés, à cause du Fils de son amour, en vertu de la rédemption qui est en Jésus ; — ne connaissant point cette justice, « et cherchant à établir leur propre justice », leur propre sainteté, antérieure à la foi en Celui qui justifie le méchant, comme base de leur pardon et de leur réception en grâce, « ils ne se sont point soumis à la justice de Dieu », et en conséquence, ils ont suivi une voie d'erreur qui conduit à la mort.
                      Ils ne comprenaient point que « Christ est la fin de la loi, pour justifier tous ceux qui croient » ; que par l'oblation de lui-même qu'il a offerte une fois, il a mis fin à la première loi ou alliance (donnée par Dieu, non pas à Moïse, mais à Adam dans l'état d'innocence), loi dont la stricte teneur était, et cela sans concession aucune « Fais ceci, et tu vivras ». Ils ne savaient pas qu'en annulant cette première alliance, Christ nous en a acquis une meilleure, savoir : Crois et vis, « crois et tu seras sauvé » ; sauvé maintenant de la coulpe et l'empire du péché, et par conséquent, aussi de la condamnation qui en est le salaire.
                    Et encore aujourd'hui, combien d'hommes aussi ignorants que l'étaient ces Juifs incrédules ! Combien même parmi ceux qui portent le nom de Christ, qui « ont du zèle pour Dieu », mais un zèle sans connaissance ! qui cherchent encore à établir leur propre justice comme fondement de leur pardon et de la faveur divine, et en conséquence, refusent résolument de se soumettre à la justice de Dieu ! En vérité, mes frères, le souhait de mon coeur et la prière que je fais à Dieu pour vous, c'est que vous soyez sauvés !
                    Afin d'ôter de votre route cette dangereuse pierre d'achoppement, je vais essayer de vous montrer, premièrement : quelle est la justice qui vient de la loi, et quelle est la justice qui vient de la foi ; — secondement : d'un côté la folie qu'il y a à se confier en la justice de la loi, et de l'autre, la sagesse qui se trouve dans une entière soumission à la justice de la foi.

I

                      Et d'abord, la justice qui est de la loi parle ainsi « L'homme qui fera ces choses vivra par elles ». Observe toujours et parfaitement tous les commandements pour les pratiquer, et alors tu vivras à jamais. — Cette loi ou alliance (ordinairement appelée l'alliance des oeuvres), donnée par Dieu à l'homme en Eden, exigeait de lui une obéissance parfaite en tout point, une obéissance entière et sans aucun défaut ; elle l'exigeait comme condition de la conservation éternelle de la sainteté et du bonheur que possédait Adam à sa création.
                         Cette loi demandait à l'homme l'accomplissement de toute justice, intérieure et extérieure, négative et positive ; — elle lui ordonnait, non seulement de s'abstenir de toute parole oiseuse et d'éviter toute mauvaise oeuvre, mais encore de garder chaque affection, chaque désir et chaque pensée dans l'obéissance à la volonté de Dieu ; elle exigeait qu'il demeurât, dans son coeur et dans toute sa conduite, saint comme Celui qui l'avait créé est saint ; — qu'il fût pur de coeur comme Dieu est pur, parfait comme son Père qui est aux cieux est parfait. — L'alliance des oeuvres commandait à l'homme d'aimer le Seigneur son Dieu de tout son coeur, de toute son âme, de toute sa force, de toute sa pensée ; — d'aimer aussi comme Dieu l'avait aimé lui-même, toute âme créée par Dieu ; elle voulait que, pratiquant cette bonté universelle, l'homme demeurât en Dieu qui est amour et Dieu en lui ; — qu'il servit le Seigneur son Dieu de toutes ses forces, et qu'en toutes choses il se proposât uniquement sa gloire.
                      Voir ce qu'exigeait la justice de la loi, voilà les choses que devait pratiquer l'homme, afin de pouvoir vivre par elles. Mais la loi requérait, de plus, que cette entière obéissance à Dieu, cette sainteté intérieure et extérieure, cette conformité de coeur et de vie à la volonté du Seigneur, fussent parfaites quant à leur degré. L'alliance des oeuvres ne pouvait souffrir sur le moindre point, ni violation, ni concession ; elle ne tolérait ni faiblesse, ni imperfection, soit quant à la loi qui s'applique à l'intérieur, soit quant à celle qui règle l'extérieur. Et en supposant que chaque commandement relatif aux choses extérieures fût gardé, cette obéissance ne suffisait pas, à moins qu'elle ne fût rendue, par l'homme, de toute sa force ; dans la mesure la plus élevée et de la manière la plus parfaite. Les exigences de cette alliance n'étaient pas satisfaites, bien que l'homme aimât Dieu de chacune de ses facultés, s'il ne l'aimait encore de la pleine capacité de chaque faculté, de toute la puissance de son âme.
                       La justice de la loi réclamait encore une chose indispensable ; elle voulait que cette obéissance universelle et cette parfaite sainteté du coeur fussent aussi entièrement exemptes d'interruption ; qu'elles ne connussent aucune intermission, à dater du moment où Dieu créa l'homme et lui donna le souffle, jusqu'au jour où son état d'épreuve devait finir, et où il serait mis pleinement en possession de la vie éternelle.
                         La justice de la loi parle donc ainsi : Toi, ô Homme de Dieu ! persévère dans l'amour de Dieu, et conserve en toi son image en laquelle tu as été formé. Si tu veux demeurer dans la vie, garde les commandements qui sont maintenant écrits dans ton coeur. Aime le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur. Aime, à l'égal de toi-même, toute âme qu'il a faite. Ne désire rien que Dieu. Rapporte-Lui chacune de tes pensées, de tes paroles et de tes oeuvres. Que pas un mouvement de ton âme ou de ton corps ne t'éloigne de Lui, qui est le but et le prix de ta haute vocation, et que tout ce qui est en toi, chaque puissance, chaque faculté de ton âme bénisse son saint nom, en toute chose, au plus haut degré, à chaque moment de ton existence. Fais cela et tu vivras. Ta lumière brillera, ton amour s'enflammera de plus en plus, jusqu'à ce que tu sois admis aux cieux, dans la maison de Dieu, pour régner avec lui au siècle des siècles.
                   Mais voici comment parle la justice qui est par la foi : « Ne dis point en ton coeur : Qui montera au ciel ? C'est vouloir en faire descendre Christ » (comme si c'était quelque impossibilité que Dieu te demande d'accomplir pour obtenir sa faveur) ; « ou : Qui descendra dans l'abîme ? C'est rappeler Christ des morts ». (Comme si ce qui doit te procurer l'amour de Dieu n'était pas encore accompli.) « Mais que dit-elle ? La parole », suivant la teneur de laquelle tu peux être constitué héritier de la vie éternelle, « cette parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton coeur. C'est là la parole de la foi que nous prêchons » ; la nouvelle alliance que Dieu, par Jésus-Christ, a maintenant établie avec l'homme pécheur.
                        Par la justice qui vient de la foi, il faut entendre la condition de justification (et par conséquent, de salut présent et final, si nous y persévérons jusqu'à la fin) que Dieu donna à l'homme déchu, par les mérites et la médiation de son Fils unique. Bientôt après la chute, elle fut en partie révélée à Adam dans la promesse faite à lui et à sa postérité, que la semence de la femme écraserait la tête du serpent (Genèse 3.15 Elle fut un peu plus clairement révélée à Abraham par l'ange de Dieu, qui du ciel lui parla et lui dit : « J'ai juré par moi-même, dit l'Éternel, que toutes les nations de la terre seront bénies en ta postérité (Genèse 22 : 15,18) ». Cette révélation fut encore faite d'une manière plus complète à Moïse, à David et aux prophètes qui suivirent, et par eux elle se communiqua à une partie du peuple de Dieu, dans ses générations successives. Mais la masse des fidèles mêmes l'ignorait, et elle n'était clairement comprise que d'un très petit nombre. Ajoutons que la vie et l'immortalité ne furent jamais mises en évidence pour les anciens Juifs, comme elles le sont maintenant pour nous par l’Évangile.
                      Ainsi donc, cette alliance ne dit point à l'homme pécheur : Rends à Dieu une obéissance sans péché, et tu vivras. Si telle était la condition, l'homme ne recevrait pas plus d'avantage de tout ce que Christ a fait et souffert pour lui, que si, pour avoir la vie, il devait monter au ciel et en faire redescendre Christ, ou descendre dans l'abîme, dans le monde invisible, et ramener Christ des morts. Cette alliance ne demande point d'impossibilité, ce serait se moquer de la faiblesse humaine. Ce qu'elle exige est à la vérité impossible à l'homme abandonné à lui-même, mais non plus à l'homme assisté de l'Esprit de Dieu. En effet, à proprement parler, l'alliance de grâce ne nous oblige à faire aucune chose, comme absolument et indispensablement nécessaire à notre justification, si ce n'est de croire en Celui qui, pour l'amour de son Fils, et à cause de la propitiation qu'il a faite, justifie le pécheur qui n'a pas fait les oeuvres, et lui impute sa foi à justice. C'est ainsi qu'Abraham crut à l’Éternel, qui lui imputa cela, à justice (Genèse 15 : 6) ; « puis il reçut le signe de la circoncision, comme sceau de la, justice de la foi, — afin qu'il fût le père de tous ceux qui croient, — et que la justice leur fût aussi imputée (Romains 4 : 11)Or, ce n'est pas seulement pour lui qu'il est écrit que cela (la foi) lui fut imputé à justice, mais c'est encore pour nous, à qui il sera aussi imputé », à qui la foi sera imputée à justice et tiendra lieu d'obéissance parfaite, afin que nous soyons reçus en grâce par Dieu, si « nous croyons en Celui qui a ressuscité des morts le Seigneur Jésus, lequel a été livré (à la mort) pour nos offenses, et qui est ressuscité pour notre justification. (Romains 4 : 23,25) » ; pour donner l'assurance de la rémission des péchés et d'une seconde vie à venir à ceux qui croient.
                     Que dit donc l'alliance de pardon, d'amour et de miséricorde gratuite ? — Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé. Au jour que tu croiras, tu vivras certainement ; tu seras rétabli dans la faveur de Dieu ; et tu sauras que dans sa bienveillance il y a la vie. Tu seras sauvé de la malédiction et de la colère de Dieu, tu seras ressuscité de la mort du péché à la vie de la justice, et si, jusqu'à la fin, tu persévères à croire en Jésus, tu ne connaîtras jamais la seconde mort ; mais après avoir souffert avec ton Sauveur, avec lui aussi tu vivras et tu régneras au siècle des siècles.
                       Maintenant cette parole est près de toi. Cette condition de vie est claire, facile, toujours possible à remplir ; elle est dans ta bouche et dans ton coeur, par l'action de l'Esprit de Dieu. Dès l'instant où tu croiras dans ton coeur eu Celui que Dieu a ressuscité, des morts, et où « tu confesseras de ta bouche le Seigneur Jésus » comme ton Seigneur et ton Dieu, tu seras sauvé de la condamnation, de la culpabilité, de ta peine de tes péchés passés, et tu obtiendras le pouvoir de servir Dieu dans une sainteté véritable tout le reste de ta vie.
                          Quelle est donc la différence entre la justice de la loi et la justice de la foi ? Entre la première alliance, ou alliance des oeuvres, et la seconde, ou alliance de grâce ? La différence essentielle, immuable, est celle-ci : la première suppose que celui qui la reçoit est déjà saint et heureux, créé à l'image de Dieu, et possédant sa faveur, et elle prescrit à quelle condition il peut se maintenir dans cet état, dans l'amour et dans la joie, dans la vie et dans l'immortalité. La seconde suppose que celui qui la reçoit est actuellement corrompu et malheureux, privé de l'image glorieuse de Dieu, sous le poids de la colère divine, et se précipitant par le péché qui a déjà fait mourir son âme, vers la mort du corps et la mort éternelle ; — à l'homme, dans cette situation, elle présente la condition à laquelle il peut retrouver la perle qu'il a perdue, savoir : la faveur de Dieu et la grâce d'être formé de nouveau à son image. Elle lui dit à quelle condition il peut recouvrer la vie de Dieu dans son âme et être rendu à la connaissance et à l'amour de son Créateur, ce qui est le commencement de la vie éternelle.
                      Sous l'alliance des oeuvres, afin que l'homme pût conserver la faveur de Dieu, sa connaissance et son amour, et qu'il demeurât dans la sainteté et dans le bonheur, il était encore exigé de l'homme parfait une obéissance parfaite et constante à chaque point de la loi, taudis que sous l'alliance de grâce, pour recouvrer la faveur et la vie de Dieu, il n'est imposé à l'homme d'autre condition que la foi, une foi vivante en Celui qui, par Christ, justifie celui qui n'a pas obéi.
                       Encore une fois, l'alliance des oeuvres exigeait d'Adam et de tous ses enfants qu'ils payassent eux-mêmes le prix qui devait leur assurer toutes les bénédictions futures de Dieu. Mais, sous l'alliance de grâce, puisque nous n'avons rien pour payer, Dieu nous quitte gratuitement toute notre dette, pourvu seulement que nous croyions en Celui qui a payé le prix pour nous, et qui s'est donné lui-même en « propitiation pour nos péchés et pour ceux du monde entier ».
                         Ainsi donc, la première alliance demandait ce qui est maintenant bien loin de tous les enfants des hommes, savoir, une obéissance sans péché, qui ne se trouve certes pas chez ceux qui sont conçus et nés dans le péché. Au lieu que la seconde alliance exige ce qui est près de nous ; voici son langage : Tu es péché ; Dieu est amour ! Par le péché, tu t'es privé de la gloire de Dieu, mais il y a miséricorde auprès de Lui. Apporte donc tous tes péchés à ce Dieu qui pardonne, et ils s'évanouiront comme un nuage. Si tu n'étais pas méchant, il ne pourrait te justifier comme méchant ; mais maintenant, approche-toi de lui dans la pleine assurance de la foi. Dieu parle, et tout est fait ! Ne crains point, crois seulement ; car même le Dieu juste justifie tous ceux qui croient en Jésus.

II

                        Ces vérités, une fois établies, il est facile de montrer, en second lieu, comme je me suis proposé de le faire, combien il serait insensé de se confier en la justice qui est de la loi, et quelle sagesse il y a à se soumettre à la justice qui est par la foi.
                      Nous pouvons déjà clairement voir la folie de ceux qui se confient encore en la justice qui vient de la loi, dont les termes sont : Fais cela et tu vivras. Ils commencent mal; leur premier pas est une erreur fondamentale, car, avant de réclamer une seule bénédiction d'après les termes de cette alliance, ils doivent se supposer dans l'état de celui avec qui elle fut contractée. Mais que cette supposition est vaine, puisque cette alliance fut faite avec Adam dans l'état d'innocence ! Quel défaut de solidité dans tout l'édifice qui repose sur un pareil fondement ! Combien sont insensés ceux qui bâtissent ainsi sur le sable, et paraissent n'avoir jamais considéré que l'alliance des oeuvres ne fût point donnée à l'homme mort dans ses fautes et ses péchés, mais à l'homme vivant à Dieu, ne connaissant point le péché, et étant saint comme Dieu est saint ! — Ils oublient que cette alliance n'eut jamais pour but de rendre la faveur et la vie de Dieu une fois perdues, mais seulement de les conserver et de les augmenter jusqu'à ce qu'elles fussent complètes dans la vie éternelle.
                 Ceux qui cherchent ainsi à établir leur propre justice qui vient de la loi, n'examinent pas non plus quelle est l'espèce d'obéissance on de justice que la loi exige indispensablement. Cette obéissance doit être parfaite et entière en tout point ; sinon, la loi n'est pas satisfaite. Mais qui de vous pourra rendre à Dieu une telle obéissance et par conséquent, avoir la vie par ce moyen ? Qui de vous accomplit, ne fût-ce que les commandements extérieurs de Dieu, jusqu'à un iota ? ne faisant aucune chose, petite ou grande, que Dieu ait défendue ? ne négligeant rien de ce qu'il ordonne ? ne disant pas une parole oiseuse ? ayant toujours une conversation propre à « communiquer la grâce à ceux qui vous entendent ? » Et soit que vous mangiez ou que vous buviez, ou quelque chose que vous fassiez, faisant tout pour la gloire de Dieu ?
                    Combien moins encore pouvez-vous garder tous les commandements intérieurs de Dieu, ceux qui demandent que chaque émotion, chaque sentiment de votre âme, soit la sainteté à l'Éternel !
                             Pouvez-vous aimer Dieu de tout votre coeur ? Pouvez-vous aimer tous les hommes comme vous aimez votre propre âme ? Pouvez-vous prier sans cesse, et en toutes choses rendre grâce ? Pouvez-vous avoir Dieu continuellement devant les yeux, et tenir dans l'obéissance à sa loi, toutes vos pensées, tous vos désirs et toutes vos affections?
                        Vous devriez considérer, en outre, que la justice de la loi veut, non seulement l'observation de tout commandement de Dieu, qu'il soit négatif ou positif, qu'il se rapporte au coeur ou à la conduite extérieure, mais aussi qu'elle réclame la perfection quant au degré de cette obéissance. Dans tous les cas possibles la voix de la loi est : Tu serviras le Seigneur ton Dieu de toutes tes forces. — Elle n'admet aucune espèce d'affaiblissement des obligations qu'elle impose ; elle n'excuse aucun défaut ; elle condamne tout acte qui n'atteint pas la pleine mesure de l'obéissance, et prononce aussitôt une malédiction contre le coupable ; en un mot, elle n'a égard qu'aux règles invariables de la justice ; elle dit : Je ne sais ce que c'est que la miséricorde.
                              Qui donc pourra comparaître devant un juge si prompt à remarquer le mal ? Que ceux-là sont faibles, qui désirent être cités devant le tribunal où nul homme vivant, aucun descendant d'Adam, ne sera justifié ! Car en supposant que nous observions maintenant chaque commandement de toutes nos forces, une seule faute que nous ayons jamais commise suffit pour détruire complètement tout notre droit à la vie. Si nous avons jamais péché dans un seul point, c'en est fait de cette justice ; car la loi condamne tous ceux dont l'obéissance n'est pas sans interruption, aussi bien que parfaite. De sorte que, suivant la sentence que prononce cette loi, celui qui a une fois péché n'a plus rien à attendre qu'un jugement terrible et un feu ardent qui doit dévorer les adversaires de Dieu.
                         N'est-ce donc pas le comble de la folie pour l'homme déchu que de chercher la vie par cette justice ? l'homme qui a été formé dans l'iniquité, et que sa mère à conçu dans le péché ? ; qui est, par nature, terrestre, sensuel, diabolique, tout-à-fait corrompu et abominable ; l'homme en qui, jusqu'à ce qu'il ait trouvé grâce, n'habite aucun bien ; l'homme qui, de lui-même, ne peut avoir une bonne pensée ; qui n'est que péché, qu'une masse impure, et dont chaque souffle est un péché ; l'homme, dont les transgressions de parole ou d'action surpassent en nombre les cheveux de sa tête ! Quelle stupidité, quelle absurdité, chez un ver de terre si impur, si coupable, si impuissant, que de rêver à obtenir la faveur de Dieu par sa propre justice, et de prétendre à la vie par la justice qui est de la loi !
                            Et maintenant ; les considérations qui montrent la folie qu'il y a à se confier dans la justice de la loi, prouvent aussi combien il est sage de se soumettre à la justice qui est de Dieu par la foi. Il serait facile de le montrer par rapport à chacune des considérations qui précèdent. Mais laissant cela de côté, nous voyons clairement quelle sagesse il y a dans le premier pas que fait le pécheur dans cette voie ; nous voulons dire dans le renoncement à notre propre justice, puisque ce renoncement est un acte conforme à la vérité et à la nature même des choses. Car, qu'est-ce autre chose sinon un aveu de notre véritable état, et qui est fait du coeur aussi bien que des lèvres ?
                       Renoncer à notre justice propre, n'est-ce pas reconnaître que nous apportons avec nous dans le monde une nature pécheresse et corrompue, plus corrompue même qu'il n'est aisé de le concevoir ou de l'exprimer ? que cette nature nous porte à faire tout ce qui est mal, et nous éloigne de tout ce qui est bien ? que nous sommes remplis d'orgueil, de volonté propre, de passions désordonnées, de désirs insensés, d'affections basses et déréglées ? que nous sommes amateurs du monde et des plaisirs plus que de Dieu ? Renoncer à notre propre justice, n'est-ce pas avouer que notre vie n'a pas été meilleure que notre coeur, et que nos voies ont été impies et injustes, de sorte que nos péchés, soit de parole, soit d'action, ont égalé en nombre les étoiles des cieux ? que pour toutes ces raisons nous sommes sous le déplaisir de Celui dont les yeux sont trop purs pour voir le mal ? N'est-ce pas confesser que nous ne méritons que l'indignation, la colère et la mort, tristes gages du péché ? que ni par notre justice (car en vérité nous n'en avons point), ni par nos oeuvres (fruits mauvais d'un arbre mauvais), nous ne pouvons apaiser la colère de Dieu, ni détourner la peine que nous avons justement encourue ? Enfin, par le renoncement à notre propre justice, ne reconnaissons-nous pas que, laissés à nous-mêmes, nous ne ferons qu'empirer et nous plonger toujours plus avant dans le péché ? Offensant Dieu de plus en plus, tant par nos mauvaises oeuvres que par les mauvaises dispositions de notre coeur charnel, jusqu'à ce qu'ayant comblé la mesure de nos iniquités, nous attirions sur nous une prompte destruction ? — Cette confession n'exprime-t-elle pas le véritable état dans lequel nous sommes naturellement ? S'il en est ainsi, reconnaître cet état, du coeur et des lèvres, c'est-à-dire rejeter tout espoir eu notre propre justice, en cette justice qui vient de la loi, c'est agir conformément à la vraie nature des choses, et en conséquence, c'est montrer une véritable sagesse.
                        La sagesse de se soumettre à la justice de la foi ressort encore de la considération que cette justice est celle de Dieu ; — je veux dire que c'est le moyen de réconciliation avec Lui, que Dieu lui-même a choisi et établi, non seulement comme Dieu de justice, mais aussi comme Maître souverain du ciel, de la terre et de toutes les créatures qu'il a, formées. Maintenant, comme il ne convient à personne de dire à Dieu : Que fais-tu ? Et comme aucun homme, à moins qu'il ne soit complètement privé d'intelligence, ne songera à disputer avec Celui qui est plus puissant que lui, et dont la domination s'étend sur toutes choses, c'est donc faire preuve d'une vraie sagesse et d'une saine intelligence, que d'acquiescer à ce que Dieu a choisi et de dire en ceci comme nous devons le faire en toutes choses : « C'est le Seigneur, qu'il fasse ce qui lui semblera bon ».
                          On peut remarquer en outre que c'est par pure grâce, par amour gratuit, par une miséricorde dont l'homme pécheur était indigne, que Dieu lui a accordé nu moyen de réconciliation avec Lui-même, afin que nous ne fussions pas entièrement rejetés et effacés de son souvenir. Par conséquent, quel que soit le moyen qu'il plaît à Dieu d'adopter dans sa tendre miséricorde et dans sa bonté toute gratuite, pour réintégrer dans sa faveur des ennemis qui se sont si ouvertement et si obstinément rebellés contre lui, il y a assurément sagesse de notre part à accepter ce moyen avec une vive reconnaissance.
                      Ajoutons une dernière considération. — La sagesse consiste dans l'emploi des meilleurs moyens pour arriver au meilleur but. Or, le plus excellent but que puisse se proposer la créature, c'est de trouver le bonheur en Dieu ; le meilleur but que puisse poursuivre une créature déchue, c'est le recouvrement de la faveur de Dieu et de la sainteté qui est son image. Et le meilleur, ou plutôt le seul moyen, sous le ciel, donné à l'homme pour retrouver cette faveur de Dieu qui est préférable à la vie, et cette ressemblance à Dieu qui est la vraie vie de l'âme ; ce moyen, dis-je, c'est de se soumettre à la justice qui est par la foi, c'est de croire au Fils unique de Dieu.

III

                 Qui que tu sois donc, ô toi qui désires le pardon de tes péchés et la réconciliation avec Dieu, ne dis pas en ton coeur : Il me faut d'abord faire ceci ; il me faut premièrement surmonter tout péché, renoncer à toute mauvaise parole et à toute mauvaise action, et faire toute sorte de bien à tous les hommes ; ou il me faut d'abord aller à l'église ; il me faut communier, entendre plus de sermons, dire un plus grand nombre de prières. Hélas ! mon frère, tu t'égares complètement. Tu ne connais pas encore la justice de Dieu ; tu cherches encore à établir ta propre justice comme base de ta réconciliation ; ne sais-tu pas que jusqu'à ce que tu sois réconcilié, avec Dieu, tu ne peux rien faire que pécher ? Pourquoi donc dis-tu, il faut premièrement que je fasse ceci ou cela, et ensuite je croirai ? Non, crois d'abord. Crois au Seigneur Jésus qui est la propitiation pour tes péchés. Pose d'abord ce bon fondement, tout ira bien ensuite.
Ne dis pas non plus en ton coeur : Je ne puis encore être reçu en grâce, car je ne suis pas assez bon.
                 Qui est assez bon, qui fut jamais assez bon pour mériter la faveur de Dieu ? Entre les fils d'Adam s'en trouva-t-il jamais un qui fût assez bon pour cela ? Et jusqu'à la fin de toutes choses, y en aura-t-il jamais un qui le soit ? Quant à toi, tu n'es nullement bon ; en toi n'habite aucun bien, et tu ne seras jamais bon jusqu'à ce que tu croies en Jésus. Au contraire, tu te reconnaîtras de plus en plus mauvais. Mais est-il nécessaire de devenir plus mauvais pour être pardonné de Dieu ? N'es-tu pas déjà assez mauvais ? Oui, certes, tu es assez mauvais ; Dieu le sait, et tu ne peux le nier toi-même.
                   Tout est prêt maintenant ; ne diffère donc plus de croire au Sauveur. Lève-toi, et sois lavé de tes péchés. La source est ouverte ; c'est maintenant le temps de te blanchir dans le sang de l'Agneau. Christ te purifiera maintenant comme avec l'hysope, et tu seras net : il te lavera et tu seras plus blanc que la neige.
                Ne dis pas : Mais je ne suis pas assez repentant, je ne sens pas assez de douleur à cause de mes péchés. Je le sais ; plût à Dieu que tu sentisses tes péchés et que tu en fusses mille fois plus affligé que tu ne l'es ! Mais n'attends pas pour cela. Il se peut que Dieu brise ton coeur, non avant que tu croies, mais lorsque tu croiras, et par le moyen de la foi. Il peut arriver que tu ne verses pas beaucoup de larmes jusqu'à ce que tu aimes beaucoup, parce qu'il t'aura été beaucoup pardonné.
                  Dès maintenant regarde à Jésus, vois combien il t'aime ! Que pouvait-il faire pour toi qu'il ne l'ait fait ? Ô Agneau de Dieu, fût-il jamais douleur comme ta douleur ! fût-il jamais amour semblable à ton amour ! — Pécheur, tiens les yeux constamment fixés sur lui jusqu'à ce qu'il te regarde et qu'il brise la dureté de ton coeur ; alors ta tête se fondra en eaux et tes yeux seront comme des fontaines de larmes.
                  Garde-toi encore de dire : Il faut que je fasse quelque chose de plus, avant d'aller à Christ. Si ton Seigneur tardait à venir, j'admets qu'il serait bon et juste d'attendre son apparition en faisant selon ton pouvoir tout ce qu'il t'a commandé. Mais une telle supposition n'est pas nécessaire. Comment sais-tu qu'il doit tarder ? Il apparaîtra peut-être comme l'aurore avant la lumière du matin. Ne lui prescris pas le moment où il doit venir ; mais attends-le à toute heure. Maintenant, il est proche et à la porte.
                 Et dans quel but voudrais-tu attendre d'avoir plus de sincérité avant que tes péchés fussent effacés ? Serait-ce pour te rendre plus digne de la grâce de Dieu ? Hélas ! tu cherches encore à établir ta propre justice. Il te fera miséricorde, non parce que tu en es digne, mais parce que ses compassions sont infinies ; non parce que tu es juste, mais parce que Jésus-Christ a expié tes péchés.
                    Mais encore si la sincérité est une bonne chose, pourquoi espères-tu la trouver en toi avant  d'avoir la foi, puisque la foi seule est la source de tout ce qui est véritablement saint et bon ? Jusques à quand donc oublieras-tu, que quoi que tu fasses, quoi que tu possèdes, avant d'avoir reçu le pardon de tes péchés, rien de tout cela n'a ta moindre valeur devant Dieu pour te procurer ce pardon ? Il y a plus : il faut que tu jettes tout cela derrière toi, que tu le foules aux pieds, que tu n'en fasses aucun cas ; autrement jamais tu ne trouveras grâce devant Dieu. Car jusqu'à ce que tu en sois venu à ce complet renoncement à tes oeuvres, tu ne peux demander grâce comme un pauvre pécheur coupable, perdu, ruiné, n'ayant rien à faire valoir auprès de Dieu, rien à lui offrir, sinon les seuls mérites de son Fils bien-aimé, qui t'a aimé et qui s'est, donné lui-même pour toi.
                Enfin, qui que tu sois, ô homme qui es sous la sentence de mort, qui sens que tu es un pécheur condamné, et que la colère de Dieu pèse sur toi, le Seigneur ne te dit pas : Fais cela ; — garde parfaitement tous mes commandements et tu vivras ; — mais crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé. La parole de la foi est près de toi ; maintenant, à l'instant même, et dans ton état actuel, tel que tu es, tout pécheur que tu es ; crois à l’Évangile, et cette promesse de l’Éternel s'accomplira : « Je te pardonnerai tes péchés, et je ne me souviendrai plus de tes iniquités ».







LES SERMONS DE WESLAY Sermon 5 : LA JUSTIFICATION PAR LA FOI

Numérisation Yves PETRAKIAN
Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement
Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

(tiré du livre 
 LES SERMONS DE WESLEY  -1- )


Romains 4,5  (1746)

« Pour celui qui ne fait point d'oeuvre, mais qui croit en Celui qui justifie l'impie, sa foi lui est imputée à justice ». 

1. Comment le pécheur peut-il être justifié devant Dieu, le Seigneur et le Juge ? Cette question est d'une suprême importance pour tous les hommes sans exception. Cette question touche à la raison d'être de notre espérance, puisqu'il ne peut y avoir pour nous ni paix véritable, ni joie solide, ici-bas ou dans l'éternité, aussi longtemps que nous sommes en état de révolte contre Dieu. Quelle peut être notre paix, si notre coeur nous condamne ; si surtout Dieu nous condamne, Lui qui « est plus grand que notre coeur et connaît toutes choses » ? Quelle joie peut régner en nous, si « la colère de Dieu demeure sur nous » ?

2. Combien, cependant, cette question vitale a été mal comprise ! Que de notions confuses à cet égard ! Non seulement ces notions sont confuses, mais absolument fausses ; aussi contraires à la vérité, que les ténèbres à la lumière ; en opposition manifeste avec les révélations divines. Le fondement même de ces conceptions est sans solidité ; aussi quel peut être l'édifice ! Les hommes n'ont pas employé « l'or, l'argent ou les pierres précieuses», mais ils se sont servis, pour bâtir, de « foin et de chaume ». Leur travail à déplu à Dieu et n'a point été utile à l'humanité.

3. Je vais m'efforcer de faire justice, autant qu'il dépend de moi, à cette question essentielle; je chercherai à préserver ceux qui veulent la vérité avec sincérité, de « toute vaine dispute de mots » , comme aussi à dissiper les obscurités de leur pensée, en leur donnant une conception juste et vraie de ce grand mystère d'amour. — Je me propose, pour cela de montrer :

I. Quelle est la base de toute la doctrine de la justification ;
II. Ce qu'est la justification ;
III. Qui sont les justifiés ;
IV. Et, enfin, à quelles conditions ils sont justifiés.

I

Tout d'abord, quelle est la base de toute la doctrine de la Justification ?

1. — L'homme a été fait à l'image de Dieu ; saint comme Dieu est saint ; compatissant comme Dieu est compatissant : parfait comme son Père dans les cieux est parfait. Dieu est amour ; de même l'homme, demeurant dans l'amour, demeurait en Dieu et Dieu en lui. Dieu fit de lui « une image de sa propre éternité » , une représentation de sa gloire. Il était pur, comme Dieu est pur, sans aucun péché. Il ne connaissait point le mal, mais il était irrépréhensible dans ses pensées comme dans ses actes. Il « aimait le Seigneur, son Dieu, de tout son coeur, de toute son âme, de toute sa force, de toute sa pensée ».

2. — Dieu donne à l'homme parfait une loi parfaite, que l'homme devait accomplir parfaitement. Il exigea une obéissance loyale à la loi toute entière, une obéissance de tous les instants ; sans aucune exception ni intermittence. Aucune indulgence pour la moindre faute. Au reste, rien n'obligeait l'homme à commettre de faute puisqu'il était capable d'accomplir la tâche qui lui avait été confiée et qu'il avait reçu de Dieu toutes les énergies nécessaires pour vivre la vie bonne dans ses paroles et dans ses oeuvres.

3. — A la loi d'amour qui était gravée dans son coeur (et qu'il ne pouvait pas, sans doute, violer ouvertement), Dieu jugea nécessaire, dans sa sagesse souveraine, d'ajouter un commandement précis « Tu ne mangeras pas du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin ». Et Il ajouta à cet ordre cette menace : « Au jour où tu en mangeras, tu mourras ».

4. - Tel était l'homme dans le Paradis. Dieu, dans son amour, l'avait fait heureux et saint. Il connaissait Dieu et se réjouissait en Dieu. Il possédait ainsi la vie, la vie éternelle. Il était destiné à vivre toujours cette vie d'amour. Mais il devait, pour cela, obéir à Dieu en toutes
choses. Du jour où il désobéirait, il entrerait dans la mort.

5. — L'homme désobéit à Dieu. Il « mangea du fruit de l'arbre dont Dieu lui avait parlé en disant : tu n'en mangeras pas ». Ce jour-là, il fut condamné par le Dieu juste. Le châtiment dont il était menacé le frappa. Dès qu'il eut mangé le fruit, il mourut. Son âme mourut, fut séparée de Dieu, séparée de Celui qui est aussi indispensable à la vie de l'âme que l'âme à la vie du corps. Son corps devint mortel. Mort spirituellement, mort dans son péché, il sentit venir sur lui la mort éternelle.

6. — Ainsi « par un seul homme le péché est entré dans le monde et, par le péché, la mort. Et la mort s'est étendue sur tous les hommes », comme un prolongement de la mort d'Adam, le père et le représentant de toute la race humaine. « Par une seule offense la condamnation a atteint tous les hommes ». (Romains 5 : 18).

7. — Nous étions tous dans cette situation lamentable quand « Dieu aima tellement le monde qu'Il donna son Fils unique ». Au temps fixé, Il devint homme, Chef et Représentant de l'Humanité tout entière. Il s'est chargé de nos péchés. « Il a été frappé pour nos transgressions, brisé par nos iniquités ». « Il a livré son âme en oblation pour le péché ». Il a versé son sang pour les coupables ; « Il a porté nos péchés en son corps sur le bois » et « par ses meurtrissures nous avons la guérison ».
Par son sacrifice, le sacrifice de lui-même, offert une fois pour toutes, Il nous a rachetés, tous, ayant ainsi expié les péchés du monde.

8. — Parce que le Fils de Dieu a souffert la mort pour tous, le Seigneur nous a réconciliés avec Lui-même. « Comme par la désobéissance d'un seul homme, tous ont été condamnés, ainsi, par l'obéissance d'un seul, la justification qui donne la vie s'étend à tous les hommes ». A cause des souffrances de son Fils Bien-aimé, de ce qu'Il a fait et enduré pour nous, Dieu s'engage (à une condition, une seule, qu'Il a Lui-même fixée) à nous pardonner nos offenses, à nous réintégrer en sa faveur, et à rendre la vie, la vie éternelle à nos âmes mortes.

9. — Telle est la base essentielle de la doctrine de la justification. Par la faute du premier Adam, qui était notre père mais aussi notre représentant à tous, nous nous sommes privés de la faveur de Dieu ; nous sommes devenus enfants de la colère. Mais, d'autre part, par le sacrifice accompli par le second Adam, notre représentant, Dieu nous a donné une alliance nouvelle. Il n'y a plus de condamnation pour nous ; nous avons été justifiés par grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ.

II

1. — Que signifient ces termes : « Etre justifié, justification ? » C'est ce que je me propose maintenant d'expliquer. D'après ce que nous venons de dire, ces termes n'expriment pas le fait de la victoire sur le péché, de la vie de justice. Ceci est proprement la sanctification. Sans doute, la sanctification est le fruit de la justification, mais elle est cependant, un don spécial de Dieu et d'une nature différente du premier. La justification représente l'oeuvre accomplie par Dieu pour nous en Son Fils ; la sanctification est l'oeuvre accomplie en nous par Son Esprit. Sans doute, il est possible de trouver quelques cas où le mot de justification comprend celui de sanctification ; mais, en général, ces deux expressions sont distinctes l'une de l'autre, dans les épîtres de St Paul et des autres écrivains sacrés.

2. — Ne disons pas non plus que la justification nous délivre de l'accusation qui pèse sur nous, surtout celle de Satan. Aucun texte ne nous permet de croire que Dieu se préoccupe de cette accusation ni de celui qui la porte contre nous. Sans doute, Satan est l' « accusateur » , mais la justification n'a rien à faire avec cette accusation.

3. — Ne disons pas non plus que la justification nous délivre de l'accusation portée contre nous par la loi. Cette manière malencontreuse de s'exprimer ne peut s'expliquer que si on la traduit ainsi : Dieu épargne à ceux qui sont justifiés la punition que pourtant ils méritent.

4. — Surtout ne présentons pas Dieu comme trompé en quelque sorte par ceux qu'Il justifie. Ne disons pas qu'Il s'imagine les justifiés différents de ce qu'ils sont. Dieu ne nous juge pas
contrairement à l'évidence ; Il ne nous considère pas comme meilleurs que nous ne sommes et ne voit pas en nous des justes alors que nous sommes des injustes. Son jugement est toujours conforme à la vérité. Il ne peut pas s'imaginer que je suis innocent ou juste et saint, parce qu'un autre l'est. Il ne peut pas plus, à ce point de vue, me confondre avec Christ qu'avec David ou Abraham. Que chacun étudie cette question avec impartialité; il se rendra compte certainement qu'une pareille notion de la justification n'est en harmonie ni avec la raison ni avec l'Ecriture.

5. — La justification est essentiellement, d'après la Bible, le pardon des péchés. La justification est l'acte par lequel Dieu le Père, à cause de la propitiation accomplie par le sang de son Fils, manifeste sa justice en accordant la rémission des péchés passés. Telle est bien la définition que St Paul en donne, en particulier dans l'épître aux Romains. «heureux, dit-il, sont ceux dont les iniquités sont pardonnées, dont le péché est couvert ; heureux est l'homme à qui le Seigneur n'impute point son péché ». Dieu ne condamnera point celui qui est justifié, pardonné ; Il ne le condamnera ni ici-bas, ni dans le siècle à venir. Ses péchés, tous ses péchés passés, péchés de pensée, de paroles ou d'actions, sont effacés ; ils ne lui seront plus reprochés. Dieu ne veut pas que le pécheur justifié souffre ce qu'il mériterait de souffrir, car le Fils de Dieu, le Fils de son amour, a souffert pour ce pécheur. Dès le moment où nous « sommes reçus en son Bien-aimé » , où nous « sommes réconciliés avec Dieu par son sang ; Dieu nous aime, nous bénit, comme si nous n'avions jamais péché.
            Sans doute, l'Apôtre semble, en un passage de ses épîtres, donner une signification plus large au mot de justification, lorsqu'il dit : « Ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi, mais ceux qui la pratiquent, qui seront justifiés ». Mais ici St Paul fait allusion à notre justification lors du Jugement.
        C'est aussi ce que fait notre Seigneur lorsqu'Il s'écrie : « Tu seras justifié par tes paroles » , montrant ainsi que « pour toute vaine parole que les hommes prononceront, ils devront rendre compte au jour du jugement ». Mais il serait difficile de citer un autre passage de l'apôtre qui donne au mot « justifié » cette signification. D'une manière générale, il ne lui donne pas ce sens ; il ne le lui donne certainement pas dans le verset que nous avons pris pour texte. Ce verset se rapporte, non point à ceux qui « ont achevé leur course » , mais à ceux qui sont au début de leur course, qui entre prennent de parcourir la carrière qui est devant eux.

III

1. — Une troisième question se pose devant nous « Qui sont les justifiés ? » L'apôtre nous le dit : Ce sont les impies. « Dieu justifie l'impie » , l'impie quel qu'il soit, quel que soit le degré de son impiété. Il ne justifie que l'impie. De même que les justes n'ont pas besoin de repentance, de même ils n'ont pas besoin de pardon. Il n'y a que le pécheur qui puisse admettre le besoin d'être pardonné. Le pardon est en relation directe avec le péché. C'est à l'égard des injustes que le Dieu compatissant veut déployer sa grâce ; c'est notre iniquité dont Il ne veut plus se souvenir.

2. — Cette conception est tout-à-fait opposée à celle qui considère la sanctification comme condition de la justification, qui présente l'obéissance à la loi de Dieu comme nécessaire pour le Pardon ; à moins cependant qu'ils ne pensent à la justification au jour du jugement, ce qui est une toute autre question. Non seulement il est impossible d'être saint en dehors de l'amour pour Lui et de la foi en son Amour, mais il est absurde, illogique de faire précéder ainsi la justification de la sanctification. Dieu n'aurait pas 0 justifier des saints mais ce sont des pécheurs, des rebelles, qui ont besoin de sa miséricorde. Il ne peut exiger la sainteté de ceux qui sont impurs. Comment admettre que l'Agneau de Dieu ne puisse ôter que les péchés qui ont déjà été ôtés ?

3. — Le Bon Berger cherche-t-il les brebis qui sont déjà, au bercail ? Non certes ; Il cherche celles qui sont perdues. Il sauve ceux qui ne Lui appartiennent pas encore ; ceux en qui ne réside aucun bien, mais qui sont esclaves de l'orgueil, de la colère ; de l'amour du monde.

4. — Ce sont les malades qui ont besoin de médecin. Ceux qui sont condamnés, non seulement par Dieu mais par leur conscience, ceux qui ont le vif sentiment de leur corruption profonde et de leur incapacité à faire ou penser le bien, ceux-là, crient à Dieu pour obtenir la délivrance. Ils reconnaissent que leur coeur est mauvais, profondément mauvais. Ils savent que le « mauvais arbre ne peut porter de bon fruit ».

5. — On dira peut-être : « L'homme, même avant d'être justifié, peut nourrir l'affamé, vêtir le
pauvre, faire des oeuvres bonnes ». - Il est facile de répondre à cette objection : Ces oeuvres sont bonnes en ce sens qu'elles sont utiles aux hommes. Mais il ne s'ensuit pas qu'elles soient vraiment bonnes aux yeux de Dieu, bonnes en elles-mêmes. Toute OEuvre bonne vient après la justification.
             Les oeuvres ne sont vraiment bonnes que dans la mesure où elles procèdent d'une foi vivante. Les oeuvres qui précèdent la justification ne sont pas bonnes dans le sens chrétien de ce mot, parce qu'elles ne procèdent pas de la foi en Jésus-Christ, parce qu'elles ne sont pas vraiment conformes à la volonté de Dieu. « Au contraire, n'étant pas faites comme Dieu veut et commande qu'elles le soient, nous ne doutons point, quelque étrange que ceci paraisse à quelques-uns, qu'elles n'aient la nature du péché ».

6. — Peut-être ceux qui doutent de cette déclaration n'ont-ils pas dûment pesé la preuve solide présentée ici pour établir qu'aucune oeuvre faite avant la justification ne peut être réellement bonne. Voici l'argument en forme :
         Aucune oeuvre n'est bonne, lorsqu'elle n'est point faite comme Dieu veut et commande qu'elle le soit ; Or, aucune oeuvre faite avant la justification n'est faite comme Dieu veut et commande qu'elle le soit. Donc aucune oeuvre faite avant la justification n'est une bonne oeuvre.
           La première proposition est évidente par elle-même. Et quand à la seconde, « aucune oeuvre faite avant la justification n'est faite comme Dieu veut et commande qu'elle le soit », elle paraîtra également simple et irrécusable, si seulement nous considérons que Dieu a voulu et commandé que toutes nos oeuvres fussent faites par amour ; par cet amour pour Dieu qui produit l'amour pour toute l'humanité. Or, aucune de nos oeuvres ne peut être faite par cet amour, tant que l'amour du Père (de Dieu comme notre Père), n'est pas en nous. Et cet amour ne peut exister en nous jusqu'à ce que nous recevions l'Esprit d'adoption, lequel crie dans nos cœurs : Abba, c'est-à-dire Père. C'est pourquoi si Dieu ne justifie pas le pécheur, et celui qui ne fait pas les oeuvres, Christ est mort en vain ; et, malgré Sa mort, nul homme vivant ne peut être justifié.

IV

1. — Mais à quelle condition est justifié celui qui est complètement pécheur, et qui jusqu'à ce moment n'a pas fait les oeuvres ? A une seule : LA FOI. Il « croit en celui qui justifie le pécheur » ; et celui qui croit en lui n'est point condamné, mais il est passé de la mort à la vie. « Car la justice (la miséricorde) de Dieu est par la foi en Jésus Christ, en tous ceux et sur tous ceux qui croient », Dieu L'ayant « destiné pour être une victime propitiatoire par la foi en son sang ;... afin qu'il soit trouvé juste, et que (conformément à sa justice) il justifie celui qui a la foi en Jésus... Nous concluons donc que l'homme est justifié par la foi, sans les oeuvres de la loi »; sans obéissance antérieure, à la loi morale, qu'il n'avait pu accomplir jusqu'à cette heure. Qu'il soit question ici de la loi morale et de cette loi seule, c'est ce qui paraît évident par les paroles qui suivent :
              « Anéantissons-nous donc la loi par la foi ? Dieu nous en garde ! Au contraire, nous établissons la loi ». Quelle loi établissons-nous par la foi ? la loi des observances, la loi cérémonielle de Moïse ? Nullement ; mais la grande et immuable loi de l'amour saint de Dieu et de notre prochain.

2. — La foi, dans un sens général, est une évidence ou conviction divine, surnaturelle, des choses qu'on ne voit point et qui ne tombent pas sous les sens, parce qu'elles sont ou passées, ou futures, ou spirituelles. La foi justifiante n'implique pas seulement l'évidence ou la conviction divine « que Dieu était en Christ réconciliant le monde avec soi » , mais aussi la pleine confiance que Christ est mort pour mes péchés, qu'il m'a aimé et s'est donné lui-même pour moi. Et quel que soit le moment où un pécheur croit ainsi, dans sa tendre enfance, dans la force de l'âge où lorsqu'il est vieux et couvert de cheveux blancs, Dieu le justifie, lui, méchant ; Dieu, à cause de son Fils, le pardonne et l'absout, lui, qui, jusque-là, n'avait rien de bon en lui. Dieu lui avait donné auparavant, il est vrai, la repentance, mais qu'était-ce autre chose qu'un profond sentiment de l'absence de tout bien et de la présence de tout mal dans son coeur ? Et quel que soit le bien qu'il y ait en lui ou qu'il fasse depuis l'instant où il a cru en Dieu par Christ, la foi ne l'a pas trouvé dans Son coeur, mais l'y a apporté ; c'est le fruit de la foi. L'arbre est fait bon d'abord, les fruits deviennent bons ensuite.

3. — Je ne puis mieux décrire la nature de la foi que dans ces paroles de l'Eglise anglicane: « Le seul instrument de salut » (dont la justification est une partie), « c'est la foi, c'est-à-dire une ferme confiance que Dieu a pardonné et veut pardonner nos péchés ; qu'Il nous a de nouveau reçus dans sa faveur, à cause des mérites de la mort et de la passion de Christ. Mais nous devons prendre garde, en venant à Dieu, de ne pas chanceler par inconstance et incertitude de fol. Pierre fut sur le point de se noyer en marchant sur la mer pour aller à Christ, parce que sa foi défaillit. Nous, de même si nous commençons à hésiter ou à douter, il est à craindre que nous ne nous enfoncions, non dans les vagues de la mer, mais dans l'abîme sans fond du feu de l'enfer ». (Second sermon sur la Passion.)
               « C'est pourquoi aie une foi sûre et constante, non seulement que la mort de Christ est, efficace pour tous les hommes, mais qu'il a offert un sacrifice complet et suffisant pour toi, qu'il a fait une parfaite purification de tes péchés, de telle sorte que tu puisses dire avec l'Apôtre, qu'Il t'a aimé et s'est donné Lui-même pour toi. C'est ainsi que tu t'approprieras Christ et que tu t'appliqueras à toi-même ses mérites ». (Sermon sur la Sainte-Cène.)

4. — Quand j'affirme que la foi est la condition de la justification, je veux dire, premièrement, que sans elle il n'y a pas de justification. Celui qui ne croit point est déjà condamné ; et aussi longtemps qu'il ne croit point la condamnation ne peut être ôtée, mais la colère de Dieu demeure sur lui.
             Comme il n'y a point sous le ciel d'autre nom donné aux hommes que celui de Jésus de Nazareth, point d'autres mérites que les siens, qui puissent sauver de sa culpabilité tout pécheur condamné, ainsi il n'y a aucun autre moyen d'obtenir une part dans ses mérites que la foi en son nom.. Aussi longtemps donc que nous n'avons pas cette foi, nous demeurons « étrangers à l'alliance de la promesse, séparés de la république d'Israël, et sans Dieu dans le monde ». Quelques vertus que l'homme puisse avoir (je parle de celui à qui l’Évangile est prêché, car qu'ai-je affaire de juger les autres ?) quelques bonnes oeuvres qu'il fasse, elles ne lui profitent de rien ; il reste toujours enfant de colère, il demeure sous la malédiction, jusqu'à ce qu'il croie en Jésus.

5. — La foi est donc la condition nécessaire de la justification, elle en est même la seule condition nécessaire. C'est là le second point qui demande une sérieuse attention. A l'instant même où Dieu donne la foi au pécheur (car elle est un don de Dieu), à l'instant où Il donne la foi à celui qui n'a 
point fait les oeuvres, cette foi lui est imputée et Justice. Avant ce moment, il n'a aucune justice quelconque, pas même une justice ou une innocence négative ; mais dès qu'il croit, la « foi lui est imputée à justice ». Ce n'est pas, je l'ai déjà dit, que Dieu le prenne pour ce qu'il n'est pas ; mais comme il a fait Christ péché pour nous, c'est-à-dire l'a traité comme un pécheur, en Le punissant pour nos péchés, ainsi il nous tient pour justes du jour où nous croyons en Lui, c'est-à-dire qu'il ne nous punit pas pour nos iniquités. Il nous traite, au contraire, comme si nous étions justes et sans culpabilité.

6. — Assurément, la difficulté que l'on éprouve à admettre cette proposition, que la foi est la seule condition de la justification, naît de ce qu'on ne la comprend point. Nous entendons par là que c'est la seule condition sans laquelle personne n'est justifié, la seule condition qui soit directement, essentiellement, absolument exigée pour obtenir le pardon. Ainsi, d'un côté, comme l'homme qui possède tout, excepté la foi, ne peut pas être justifié, de l'autre, celui qui manque de tout, s'il a la foi, ne peut qu'être justifié. Car si un pécheur quelconque, ayant une pleine conviction de sa méchanceté totale, de sa complète incapacité pour penser, dire ou faire le bien, et ne se sentant propre que pour le feu de l'enfer, si un tel pécheur, dis-je, se voyant sans secours et sans espoir en lui-même, se jette entièrement dans les bras de la miséricorde de Dieu en Christ, ce qu'il ne peut faire que par la grâce de Dieu, qui oserait douter qu'il ne soit pardonné dès ce moment ? 
        Qui voudrait affirmer que quelque chose de plus est indispensablement requis, pour que ce pécheur puisse être justifié ? S'il y a jamais eu un seul exemple semblable, depuis le commencement du monde (et n'en a-t-il pas existé, et n'en existe-t-il pas des mille milliers?), il en résulte naturellement que la foi est, dans le sens que nous avons indiqué, la seule condition de la justification.

7. — Il ne convient pas à de pauvres vermisseaux, coupables et pécheurs, qui doivent à la grâce, à une faveur imméritée, toutes les bénédictions dont ils jouissent (depuis la moindre goutte d'eau qui rafraîchit leur langue, jusqu'aux immenses richesses de gloire dans l'éternité), de demander à Dieu les raisons de sa conduite, ce n'est pas à nous à questionner Celui qui « ne rend aucun compte de ce qu'Il fait » à personne, et à Lui dire : Pourquoi as-tu fait de la foi la condition, la seule condition de la justification ? Pourquoi as-tu décrété que, celui qui croira, et lui seul sera sauvé ? C'est le point sur lequel saint Paul insiste si fortement dans le neuvième chapitre de cette Épître, à savoir que les conditions du pardon et de la faveur de Dieu doivent dépendre, non de nous, mais de Celui qui nous appelle ; qu'il n'y a point d'injustice en Dieu, à fixer ses propres conditions selon son bon plaisir, et non suivant le nôtre ; puisqu'Il est Celui qui peut dire avec justice : « Je ferai miséricorde à celui à qui je ferai miséricorde », c'est-à-dire à celui qui croit en Jésus. Ce n'est donc point à celui qui veut, ni à celui qui court à choisir la condition à laquelle il sera reçu en grâce, mais à Dieu qui fait miséricorde, qui ne reçoit personne que de sa propre et libre bienveillance, de sa bonté imméritée. Il fait donc miséricorde à qui Il veut, c'est-à-dire à ceux qui croient au Fils de son amour ; et ceux qu'il veut, ceux qui ne croient pas, Il les endurcit, les abandonne ; à la fin, à l'endurcissement de leurs cœurs.

8. — Nous pouvons cependant humblement concevoir une des raisons pour lesquelles est fixée cette condition de justification : «Si tu crois au Seigneur Jésus-Christ, tu seras sauvé» . C'est afin d'humilier l'orgueil de l'homme. L'orgueil avait déjà détruit les anges de Dieu, il avait fait tomber « la troisième partie des étoiles du ciel » ; C'est en grande partie à l'orgueil qu'Adam avait dû, lorsque le tentateur lui dit : « Vous serez comme des dieux » ; de déchoir et d'introduire le péché et la mort dans le monde. C'est pourquoi c'était une preuve de sagesse digne de Dieu, de fixer pour lui et pour toute sa postérité une condition de salut qui pût les humilier et les abaisser jusque dans la poudre. Telle est la loi. Elle répond particulièrement à ce but ; car celui qui vient à Dieu par la foi, ne doit fixer les yeux que sur sa propre méchanceté, sur ses crimes, et sur son incapacité quant au bien ; il ne doit regarder à aucun bien supposé, à aucune vertu ou justice ; quelconque en lui-même.
            Il doit venir simplement comme pécheur, pécheur intérieurement et extérieurement, détruit par sa faute, condamné par sa propre conscience, n'apportant rien à Dieu que l'iniquité, et, lorsqu'il plaide avec lui, ne lui présentant rien qui lui soit propre, si ce n'est le péché et la misère. Lorsqu'il a ainsi la bouche fermée et qu'il se trouve entièrement coupable devant c'est alors, et alors seulement qu'il peut regarder à Jésus comme à la parfaite et seule propitiation pour ses péchés. Alors seulement, il peut être trouvé en lui et recevoir la justice qui est de Dieu par la foi.

9. — Toi donc, méchant, qui entends ou lis ces paroles ! toi, pécheur vil, misérable et impuissant ! Je te somme devant Dieu, le juge de tous, d'aller directement à Lui, avec toute ta méchanceté. Prends garde de perdre ton âme en plaidant plus ou moins ta justice propre. Présente-toi à Lui comme étant entièrement méchant, coupable, perdu, ruiné, comme méritant l'enfer, et déjà sur le bord de l'abîme, et tu trouveras grâce devant Lui, et tu sauras qu'Il justifie le pécheur. Tu seras ainsi conduit au Sauveur, au sang de l'aspersion, comme un pécheur perdu, sans secours et damné.
             Regarde donc à Jésus ; voilà l'Agneau de Dieu qui ôte tes péchés. Ne fais valoir aucune oeuvre, aucune justice qui t'appartienne ! aucune humilité, aucune contrition, aucune sincérité ! Non ! ce serait renier le Seigneur qui t'a racheté. Plaide uniquement le sang de l'alliance, la rançon payée pour ton âme orgueilleuse, rebelle et pécheresse. Qui es-tu, toi qui actuellement vois et sens à la fois ta méchanceté intérieure et extérieure ? C'est à toi que je m'adresse ! je te réclame pour mon Seigneur. Je te supplie de devenir un enfant de Dieu par la foi ! Le Seigneur a besoin de toi ; toi qui te sens propre pour l'enfer, tu es propre à avancer sa gloire ; la gloire de sa libre grâce qui justifie le méchant et celui qui n'a point fait les oeuvres. Oh ! viens sur-le-champ ! Crois au Seigneur Jésus : et toi, oui toi, tu seras réconcilié avec Dieu !