Dans
la ressemblance de sa mort
On a souvent fait remarquer que la mort de Christ, avait, et a encore, un double aspect. Premièrement, l'aspect substitutif qui est unique, isolé, complet, et définitif. Personne n'y peut rien ajouter, et personne ne peut contribuer en quoi que ce soit à son efficacité rédemptrice et propitiatoire. Nous en recevons le bénéfice par la foi, en pur don, et nous sommes ainsi justifiés.
Mais
il y a un second aspect, qui est représentatif. C'est ici que nous
avons notre place. Nous-mêmes, dans notre nature adamique déchue,
sommes inclus dans cette mort. L'aspect substitutif tranche la
question de notre péché, l'aspect représentatif tranche la
question de notre personne. Bien que ces deux questions soient, l'une
et l'autre, en rapport vital avec notre salut, la seconde — celle
de notre personne — pourra rester assez longtemps à l'arrière-plan
de notre vie spirituelle ; ce n'est que lorsque nous en viendrons à
réaliser ce que c'est que de vivre la vie de Christ et d'entrer
expérimentalement dans le «dessein éternel », que Dieu
mettra l'accent sur ce coté-là de l'œuvre de la croix.
Ce
second aspect de la croix se trouve souligné partout dans l'Ancien
Testament, soit dans les types, soit dans l'enseignement général.
Il est indispensable qu'Abraham soit séparé de son « pays » (le
monde), de sa « famille » (les relations naturelles) et de la «
maison de son père » (le vieil homme). Un auteur chrétien a fait
remarquer que la vie d'Abraham tout entière est une illustration de
ce principe de mort, dans son application à toutes sortes de
domaines de la vie naturelle. Il fait un premier pas en sortant du
pays des Chaldéens, mais à Charan, et jusqu'à la mort de son père,
sa marche en avant est arrêtée. Le vieil homme ne peut pas être
introduit au-delà du Jourdain, c'est-à-dire au-delà de la croix.
Les « lieux célestes » sont inaccessibles à la vie naturelle.
L'auteur dont nous parlons fait ressortir la signification
spirituelle qui s'attache aux différentes relations qu'Abraham a
entretenues et aux nombreux incidents de sa vie, en soulignant leur
caractère charnel, ainsi que les difficultés, les retards, les
tragédies mêmes qui en ont résulté. Il montre enfin comment tous
ces éléments doivent, pour finir, être retranchés et abandonnés.
En voici quelques-uns :
-
L'Égypte : représente le domaine des sens. L'Égypte
représente une tentative pour trouver des forces spirituelles grâce
à quelque circonstance tangible, apparente, à notre portée.
-
Lot : représente « la droiture et l'intégrité de l'homme
naturel ». La pensée naturelle et la pensée spirituelle semblent,
tout d'abord, tellement unies qu'il est difficile de distinguer entre
elles. La différence entre la manière de penser de l’homme
spirituel et la manière de penser de l’homme naturel, si intègre
soit-il, est facilement discernable dans tout le cours des relations
entre Abraham et Lot. Ce n'est qu'après que Lot se fut séparé de
lui que Dieu dit à Abraham : — Lève les yeux maintenant...
-
Les Cananéens : représentent les fausses religions qui ont
une certaine spiritualité, mais qui sont toutes sataniques. Elles
ont souvent des manifestations visibles, accompagnées de signes et
de prodiges, mais démoniaques.
-
Agar et Ismaël : ils représentent ce qui est accommodant et
complaisant. Ce sont les moyens employés pour atteindre des fins
spirituelles par des moyens naturels. C’est parvenir à des
résultats, mais par le biais de l'effort personnel, grâce aux
ressources de la chair, et sur le terrain du naturel.
On
peut suivre ce principe dans de nombreux autres détails de sa vie,
mais nous nous limitons simplement à en montrer le principe. Pour
pouvoir entrer dans les conditions de l'alliance éternelle et
bénéficier de cette divine fécondité, il faut qu'Abraham soit un
homme de l'esprit, un homme spirituel, et cela, sur une base de la
foi.
Il
en est de même pour Moïse. Il doit connaitre, lui aussi, la
discipline qui le préparera à son œuvre. Un des passages les plus
extraordinaires et — pour beaucoup de lecteurs — les plus obscurs
des Écritures, est cette déclaration dans Exode 4 :24 : «L'Éternel
vint contre lui et chercha à le faire mourir », et cela après
que Moïse eut reçu de Dieu vision et mission.
Nous
savons par le texte que cet incident est en rapport avec le signe de
l'alliance, la circoncision ; mais nous ne devons pas oublier que la
circoncision symbolise justement ce dépouillement de tout le corps
de la chair, et que ceci se rapporte à notre identification avec
Christ dans sa mort (Colossiens 2 :11-12). Quarante ans auparavant,
Moïse avait essayé de mettre les ressources de sa vie naturelle au
service du peuple de Dieu. Il n'avait réussi, c'était inévitable,
qu’à produire un échec et un temps d’arrêt dans le déroulement
du propos de Dieu ; sans faire avancer d'un pas la cause qu'il
prétendait défendre. Pendant quarante ans, un principe de mort dut
se frayer un chemin dans sa personne, jusqu'à ce qu'enfin la
perspective du service de Dieu lui arrachât ce cri du cœur : — Je
ne puis pas !
Délibérément,
Dieu avait tout mis en œuvre pour réduire son instrument à rien.
Mais il fallait que la vérité fondamentale, qui était
sous-jacente, s’exprime sous la forme concrète d'un témoignage
extérieur dument reconnu. Le fait spirituel devait revêtir une
expression claire et nette, il fallait une ordonnance, une
prescription. Mais l’ordonnance en elle-même n'est rien. Elle n'a
de valeur que dans la mesure où la réalité spirituelle qu'elle
représente est sincèrement reconnue et confessée. Telle était, en
Israël, la circoncision, l'ablation sanglante, image de la
séparation entre l'homme naturel et l'homme spirituel, entre le
vieil homme et le nouvel homme. Ceci explique ce passage d’Exode.
La progression de Moïse est soudainement arrêtée. Dans un
bouleversement considérable, il dut se résoudre à admettre et à
démontrer le principe d’abaissement et de la fin de la chair.
Nous
pouvons être certains que, si nous essayons d'introduire l’homme
naturel, l'incirconcision de la chair, dans le domaine de la vie
spirituelle et du service de Dieu, nous serons brisés. Tôt ou tard,
l’homme naturel doit faire la dure expérience que la croix
représente pour lui un jugement.
Ainsi,
nous voyons que cette vérité de l'incorporation à Christ dans sa
mort représentative se trouve être, dans l'Ancien Testament, à la
base même de l’expérience des serviteurs de Dieu. Nous pourrions
en suivre le principe à travers toutes les Écritures. Qu'est-ce que
l'histoire d'Israël, sinon un long commentaire sur ce sujet ? La Mer
Rouge est la mort substitutive, et le désert est une révélation de
la nécessité du Jourdain, c'est-à-dire de la mort représentative,
de l'identification avec Christ dans sa mort.
L'œuvre
substitutive de Christ, avec les bénédictions qu'elle nous procure
et toutes les satisfactions de la justification par la foi, doit nous
conduire plus loin. Si notre vie spirituelle reste pure et se
développe, nous ne tarderons pas à nous rendre compte à quel point
est profonde la séparation entre l'ancienne création et la
nouvelle. Il y a un abîme entre l’homme naturel et l'homme
spirituel. Nous ne le réalisons que progressivement, par étapes
successives. Mais Dieu voit la chose d'En-Haut, comme une affaire
déjà réglée. L'homme naturel et l'homme spirituel ne s’imbriquent
pas l'un dans l'autre ; il n'y a, sur aucun point, ni fusion ni
superposition. Pour Dieu, ils sont aux antipodes l'un de l'autre.
Dans sa pensée, le rapprochement ou la réunion des deux s’apparente
à la fornication spirituelle, et les fruits qui en résultent, soit
dans la vie personnelle, soit dans le service chrétien, ne
trouveront jamais grâce à ses yeux.
Son
plan, pour nous, est de nous rendre la chose toujours plus claire ;
et bien qu'il puisse nous sembler y avoir entre ces deux ordres de
choses des mélanges ou des entrelacements, Dieu nous montrera, avec
un discernement croissant, qu'entre l'un et l'autre, il y a la croix.
Nous
avons cité plus haut de nombreux passages des Écritures qui
établissent les différences fondamentales qui existent entre ces
deux modes d'existence, le naturel et le spirituel. Être un «
chrétien », ce n'est pas simplement modifier la direction de nos
intérêts. Ce n'est pas orienter nos facultés, nos énergies, nos
ressources, nos enthousiasmes, qui étaient, jusque-là, au service
du monde ou de nous-mêmes, vers la foi chrétienne, l’évangile,
le royaume de Dieu.
Dans
le domaine des choses de Dieu et de la vie divine, Dieu a prononcé
sur l'homme naturel ce double verdict, que les Écritures
reproduisent ou reflètent en chacune de ses pages : « ...rien
» (Jean 6 :63) et « ...il ne peut pas. » (Rom 8 :7). Ne pas
discerner le sens de ces mots, c'est être voué à la stérilité et
au désespoir de Romains 7. Une lutte intense n'aboutissant à rien,
tel sera immanquablement le résultat, pour peu qu'il y ait de réels
besoins spirituels. Du reste, que ces besoins existent ou non, si la
notion du service pour Dieu consiste simplement en une réorientation
de l'homme naturel vers le « service chrétien », ce service-là
n'atteindra jamais l'objectif véritable que Dieu lui a assigné, et
restera toujours spirituellement stérile. Nulle chair ne saurait se
glorifier en la présence de Dieu, et la chair religieuse n'est pas
plus agréable à ses yeux que l'irréligieuse.
Que
de personnes bien intentionnées s'efforçant d’atteindre un niveau
spirituel satisfaisant, ou se donnant courageusement à l'œuvre de
Dieu, mais avec les ressources naturelles de leur intelligence, de
leur volonté, de leurs sentiments, de leurs raisonnements, de leurs
enthousiasmes, défaillent à l’accomplissement de la volonté de
Dieu! C’est ce qui explique toutes les organisations, agencements
et autres propagandes humaines qui sont employés afin de combler les
manquements spirituels.
Seul
l’homme nouveau peut être agréé par Dieu. Cet homme nouveau a
une vie nouvelle, une manière de penser nouvelle, un esprit nouveau,
des voies nouvelles, des capacités nouvelles, une conscience des
choses nouvelle. En fait, « toutes choses sont devenues nouvelles
». Cet homme nouveau réalisera de plus en plus à quel point la
manière divine de faire les choses est différente de la manière
humaine ; et à quel point les choses elles-mêmes que Dieu fait sont
différentes. Les objectifs de Dieu, les méthodes de Dieu, les
moyens employés par Dieu, l'heure de Dieu, représentent, pour cet
homme en Christ, toute une éducation, et souvent toute une
discipline. Jusqu'à ce que le « vieil homme » soit vraiment
crucifié, les voies de Dieu, ses méthodes, son moment, son
véritable but sont, pour l'homme nouveau, une épreuve pénible.
Soit il se révoltera purement et simplement, et s'égarera dans son
propre chemin, ou bien il acceptera de descendre dans les profondeurs
des agissements de Dieu dans sa vie. Il devra en venir à comprendre
que, dans l'intention de Dieu, lui, l'homme naturel, doit aller à la
croix, car c'est là que Dieu l'a placé une fois pour toutes en la
personne représentative de l'Homme Jésus — le Christ (1
Corinthiens 1 :30). L'homme naturel touchant aux choses de l'Esprit
ne rencontre que mort et désolation. De là vient la nécessité
pour le Seigneur, dans sa grâce, de prendre des précautions contre
cette vie naturelle chez les siens. Il désire les conduire à un tel
point d’affaiblissement que leurs capacités naturelles soient
réduites à l’inaction. Il place une écharde dans la chair de
Paul, comme précaution contre les sursauts de sa vie naturelle, afin
qu’il n’y ait pas d’interruption mais plutôt un accroissement
de son utilité spirituelle.
Nous
avons une connaissance bien imparfaite de nos inclinations
naturelles. Nos mobiles, la nature de nos désirs, — même quand il
s'agit de bénédictions spirituelles, — les intérêts personnels
que nous avons dans le royaume de Dieu, la soif de posséder, d'être
satisfaits, d'avoir de l'influence, le désir d'être indépendant,
ou considéré ; toutes ces choses, et beaucoup d'autres, sont des
éléments constitutifs de notre nature. Dieu seul sait à quel point
toutes les sources et expressions de notre vie sont infectées et
tronquées. Loin de Lui la pensée de nous voir nous livrer à une
introspection maladive et à nous lamenter sur notre état. Ce qu'Il
cherche à obtenir de nous, c'est que nous ayons la même
appréciation que Lui quant à « l'homme naturel » et que nous
acceptions les exigences divines relatives à sa crucifixion. Quand,
par la foi en son jugement et en sa parole, nous acceptons ainsi la
croix, II entreprend Lui-même d’accomplir et d’effectuer cette
mort en nous, et nous aurons la réalisation grandissante, que c'est
bien de cela dont nous avons besoin. Nous refusons alors d’agir en
dehors de l’Esprit sur la base de cette vérité: « J'ai été
crucifié avec Christ... ce n'est plus moi ».
De
même que, dans l'onction symbolique de l'Ancien Testament, l'huile
de l'onction sainte ne devait pas venir sur la chair de l’homme, de
même, dans cette économie de l'Esprit, Dieu ne permettra jamais que
l’Esprit Saint vienne sur la chair. D'abord, la croix. Dans
l'histoire aussi bien que dans l’expérience personnelle, la croix
précède la Pentecôte. Aux yeux de Dieu, l’homme naturel est
foncièrement incapable et indigne de faire quoi que ce soit pour
Lui. Une révélation personnelle de cet état de fait a toujours été
un prélude nécessaire à l'onction pour le service. Le Je ne
peux pas ! de Moïse, le Malheur à moi ! d'Ésaïe, le Je
ne suis qu'un enfant ! de Jérémie, le Je suis un homme
pécheur ! de Pierre, le ce qui est bon n’habite pas en moi
de Paul, sont des exemples typiques de l'attitude à laquelle furent
amenés les grands appelés de Dieu. Ces expressions résultent tout
simplement d'une application, dans leur vie personnelle, du vrai sens
de la croix. Pourtant, dans le domaine de leur vie naturelle, ils
étaient des enthousiastes de la religion, dévoués à la cause de
Dieu. C'est toujours l'amour de Dieu qui nous conduit sur le chemin
de la croix, quelle que soit l’amertume de la coupe qu'il faille
boire quand « l’âme » (et non l'esprit) est vidée jusqu'à la
mort ; car ce n'est que par ce chemin que notre vie peut se libérer
des limitations de la nature pour entrer dans les possibilités
universelles et infinies de l'Esprit.
Relisons
les Écritures en gardant cette pensée devant nous. Quand nous
verrons que vraiment sa mort est notre mort, disons :
— Amen
!
Et
demandons ensuite :
— Seigneur,
réalise cela dans ma vie !
Nous
pourrons alors, avec vérité, emprunter le langage de Paul : «
...connaître Christ, et la puissance de sa résurrection, et la
communion de ses souffrances, étant rendu conforme à sa mort. »
(Philippiens 3 :10).
à suivre...
T..A.S.