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Yves PETRAKIAN
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(tiré du livre LES SERMONS DE WESLEY -1- )
Actes des Apôtres (1744), prêché devant l'Université d'Oxford
«
Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit ». (Actes 4 : 31.)
La
même expression se présente au deuxième chapitre, où nous lisons
: « Le jour de la Pentecôte étant arrivé, ils étaient tous
(les apôtres, les femmes, la mère de Jésus et ses frères) — ils
étaient tous d'un accord dans un même lieu. Alors il se fit
tout-à-coup un bruit du ciel, comme le bruit d'un vent qui
souffle avec impétuosité. Et ils virent paraître des langues
séparées, comme de feu, qui se posèrent sur chacun d'eux. Et
ils furent tous remplis du Saint-Esprit ; et l'un des effets
immédiats fut qu'ils commencèrent à parler des langues
étrangères, en sorte que Parthes, Mèdes. Elamites et les autres
étrangers qui se rassemblèrent dès que le bruit s'en fut répandu,
les entendirent tous parler, dans leurs diverses langues, des
choses magnifiques de Dieu (Actes 2 : 1-6).
Dans
notre chapitre, nous lisons qu'après que les apôtres et les frères
eurent prié et loué Dieu, le lieu où ils étaient assemblés
trembla et qu'ils furent tous remplis du Saint-Esprit ; mais nous
ne trouvons point ici de signes visibles, comme dans le premier
cas, et il ne nous est point dit qu'aucun des frères ait alors
reçu les dons extraordinaires du Saint-Esprit, tel que le don de
guérir ou d'opérer d'autres miracles, ou la prophétie, ou le
discernement des esprits, ou la diversité des langues, ou le don
d'interpréter les langues (1Corinthiens 12 : 9,10).
Que
ces dons du Saint-Esprit fussent destinés à demeurer dans l'Église,
de siècle en siècle, ou qu'ils doivent ou non lui être rendus
à l'approche du rétablissement de toutes choses, ce sont
des questions qu'il n'est pas nécessaire de décider. Mais il
faut bien remarquer que ; même dans l'enfance de l'Église,
Dieu ne les distribua qu'avec réserve. Même alors, «
tous étaient-ils prophètes ? Tous opéraient-ils des miracles ?
Tous avaient-ils le don de guérir ? Tous parlaient-ils des langues ?
» (1Corinthiens 12 : 28-30) Non,
certes. Pas un sur mille, peut-être ; mais probablement ceux-là
seuls qui enseignaient dans l'Église, et, d'entre eux seulement
quelques-uns. Si donc tous furent remplis du Saint-Esprit, ce
fut dans un but bien plus excellent.
C'était
pour leur donner (et nul ne peut dire que ce ne soit essentiel pour
tous les chrétiens dans tous les siècles) les « sentiments
qui étaient en Christ » , ces fruits de l'Esprit qu'il faut avoir
pour être à lui ; c'était pour les remplir «
d'amour, de joie, de paix, de patience, de douceur, de bonté, de
fidélité, de bénignité, de tempérance (Galates 5 : 22-24» pour
les rendre capables de crucifier la chair avec ses passions,
désirs et convoitises, et, en vertu de ce changement au dedans,
d'accomplir au dehors toute justice, de marcher comme Christ a
marché lui-même dans les oeuvres de la foi, dans les travaux
de la charité, dans la constance de l'espérance (1 Thessaloniciens
1 : 3).
Laissant
donc les questions curieuses et inutiles touchant ces dons
extraordinaires de l'Esprit, considérons de plus près les
fruits ordinaires que nous savons appartenir à tous les siècles,
cette grande oeuvre de Dieu parmi les fils des hommes qu'on
désigne sous le nom de Christianisme, non en tant qu'elle se
rapporte à un ensemble d'opinions, à un système de doctrines, mais
en tant qu'elle concerne le coeur et la vie des hommes. Ce
christianisme, il peut nous être utile de l'envisager sous trois
aspects distincts :
1°
comme prenant naissance chez les individus.
2°
Comme se communiquant d'homme à homme.
3°
Comme couvrant la terre. — Je terminerai,
4°
ces considérations par une application pratique.
I
Et
d'abord considérons le christianisme dans sa naissance, comme
commençant à exister chez les individus. Supposez donc le
cas d'un de ceux qui entendirent l'apôtre Pierre prêcher la
repentance et la rémission des péchés : il est touché de
componction,(regret
d'avoir offensé Dieu) convaincu
de péché, il se repent et il croit en Jésus. Au moyen de
cette foi produite par Dieu, «
vive représentation des choses qu'on espère, et démonstration
de celles qu'on ne voit point (Hébreux 11 : 1) », il
reçoit à l'instant «
l'esprit d'adoption, par lequel il peut crier : Abba, Père
(Romains 8 : 15) ! » Maintenant
il peut, «par
le Saint-Esprit, appeler Jésus Seigneur (1Corinthiens 12 :
3) » ;
et aussi «
le Saint-Esprit lui-même rend témoignage à son esprit qu'il
est enfant de Dieu (Romains 8 : 16) ».
Maintenant il peut dire en vérité : «
Ce n'est pas moi qui vis, mais Christ vit en moi ; et si je vis
encore dans ce corps mortel, je vis par la foi au Fils de Dieu qui
m'a, aimé et qui s'est donné lui-même pour moi (Galates 2 :
20) ».
Telle
était donc réellement la foi, — une démonstration divine de
l'amour de Dieu en Christ, pour lui pécheur accepté maintenant
dans le Bien-aimé. Étant
donc justifié par la, foi, il avait la paix avec Dieu (Romains
5 : 1), et
même la paix de Dieu régnait dans son coeur (Col 3 : 15), et
cette «
paix, qui surpasse tout entendement (toute conception purement
humaine), gardait son coeur et son esprit » de
tout doute et de toute crainte, par la connaissance de Celui en qui
il avait cru. Il ne pouvait plus «
craindre aucun mauvais bruit, car son coeur était ferme, se confiant
en l'Éternel ». Il
ne craignait plus ce que l'homme pouvait lui faire, car il
savait que «
les cheveux mêmes de sa tête étaient comptés» . Il
ne craignait plus rien de la puissance des ténèbres que Dieu
brisait chaque jour sous ses pieds. Surtout il ne craignait plus
la mort, il désirait, au contraire, «
déloger pour être avec Christ (Philippiens 1 : 23) »,
sachant que, «
par sa mort, il a détruit celui qui avait la puissance de la
mort, c'est-à-dire le diable, et délivré ceux qui, par la
crainte de la mort, étaient toute leur vie assujettis à la
servitude (Hébreux 2 : 15) ».C'est
pourquoi son âme magnifiait le Seigneur, et son esprit se
réjouissait en Dieu, son Sauveur. Il se réjouissait d'une joie
ineffable en Celui qui l'avait réconcilié avec Dieu le Père et en
qui il avait la rédemption par son sang, le pardon des
offenses. Il se réjouissait dans ce témoignage que, l'Esprit de
Dieu rendait à son esprit qu'il était enfant de Dieu. Bien plus, il
se réjouissait, dans l'espérance de la gloire de Dieu, de sa
glorieuse image et du renouvellement de son âme en justice et en
vraie sainteté, dans l'espérance de cette couronne de gloire,
de cet héritage des cieux «
qui ne se peut corrompre, ni souiller, ni flétrir 1 Pierre 1.4)
». L'amour
de Dieu était aussi «
répandu dans son coeur par le Saint-Esprit » qui lui était donné
(Romains 5 : 5)».
Parce qu'il était fils, Dieu avait «envoyé
en lui l'esprit de son Fils, criant : Abba, Père (Galates 4 :
6) »; et
cet amour filial croissait sans cesse par le témoignage intérieur
(1Jean 5:10) du pardon de ses péchés, et en
contemplant «l'amour
que le Père nous a témoigné que nous soyons appelés ses enfants
(1Jean 3 : 1)» En
sorte que Dieu était le désir de ses yeux, la joie de son coeur, et
sa portion pour le temps et pour l'éternité.
Aimant
ainsi Dieu, il ne pouvait qu'aimer ses frères, et cela «
non pas en paroles seulement, mais en effet et en vérité ». «
Si Dieu, disait-il, nous a ainsi aimés, nous devons ainsi nous aimer
les uns les autres (Jean 4 : 11) ».
Nous devons aimer toute âme d'homme, car « les compassions de Dieu
sont sur toutes ses oeuvres (Psaume 145 : 9) ». Ainsi donc cet
ami de Dieu embrassait, à cause de Lui,dans ses affections,
tout le genre humain, sans excepter ceux qu'il n'avait jamais vus, ou
ceux dont il ne savait guère qu'une chose ; savoir, qu'ils
étaient « de la race de Dieu » et de ceux «
pour qui Christ est mort » ;
sans excepter les méchants et les ingrats, ni surtout ses ennemis,
ceux qui le haïssaient, le persécutaient ou le traitaient avec
mépris à cause de son Maître. Ceux-ci avaient une place
particulière dans son coeur et dans ses prières ; il les aimait
comme Christ nous a aimés.
Mais
la « charité
ne s'enfle point d'orgueil (1Corinthiens 13 : 4) »,
elle humilie sur la poudre l'âme où elle habite. Aussi
était-il humble de coeur, petit, méprisable et vil à ses propres
yeux. Il ne cherchait ni n'acceptait la louange qui vient des
hommes, mais seulement celle qui vient de Dieu. Il était
doux, patient, débonnaire et facile envers tous. La fidélité
et la vérité étaient «
liées autour de son cou et gravées sur la table de son coeur
».
Le
Saint-Esprit le rendait modéré en toutes choses, et il faisait
taire son âme «comme
un enfant sevré ». Il
était crucifié au monde et le monde lui était crucifié. Il était
au-dessus de « la convoitise de la chair, de la convoitise des
yeux et de l'orgueil de la vie ». Le même amour tout-puissant
le préservait de colère et d'orgueil, de convoitise et de
vanité, d'ambition et d'avarice et de toute affection étrangère
à Jésus-Christ.
On
croira. sans peine que celui qu'animait cet amour ne faisait point de
mal au prochain. Il lui était impossible de blesser, le sachant
et le voulant, qui que ce fût. Il était aussi loin que possible de
la cruauté et de toute action injuste ou malveillante. Et il ne
mettait pas moins de soin à « garder sa bouche, et l'ouverture
de ses lèvres », de peur qu'il ne péchât de a langue contre la
justice, la miséricorde ou la vérité. Il dépouillait tout
mensonge, toute fausseté, toute fraude, et l'on ne trouvait
aucun artifice dans sa bouche. Il ne médisait de personne, et jamais
ses lèvres ne laissaient échapper rien de désobligeant.
Et
comme il sentait profondément la vérité de cette parole : «
Hors de moi vous ne pouvez rien faire (Jean 15.5) »,
et le besoin d'être arrosé de Dieu, de moment en moment, il
persévérait chaque jour dans les ordonnances de grâce que
Dieu a établies comme canaux de sa bénédiction, —« dans
la doctrine des apôtres », —recevant cet aliment de l'âme
avec toute promptitude de coeur, — «
dans la fraction du pain » —
qui était pour lui «
la communion du corps de Christ »,
— « et
dans les prières »,
et les louanges offertes à Dieu par la grande assemblée. C'est
ainsi qu'il se fortifiait chaque jour dans la grâce, croissant
en vertu et dans la connaissance et l'amour de Dieu.
Mais
c'était peu pour lui que de ne nuire à personne. Son âme avait
soif de faire du bien. Mon Père, disait-il toujours en son
coeur, mon Père agit continuellement, et moi je dois agir aussi ; —
mon Seigneur «
allait de lieu en lieu, faisant du bien »,
ne marcherai-je pas sur ses traces ? C'est pourquoi, selon que
l'occasion se rencontrait, s'il ne pouvait faire du bien d'un ordre
supérieur, on le voyait nourrir les affamés, vêtir ceux qui
étaient nus, assister les orphelins et les étrangers, visiter et
secourir les malades et les prisonniers. Il donnait tous ses biens
pour la nourriture des pauvres, se réjouissant de travailler ou
de souffrir pour eux, et d'exercer le renoncement surtout dans
les choses où il pouvait être utile aux autres. Aucun
sacrifice ne lui coûtait pour eux, car il se souvenait de cette
parole du Seigneur : «
En tant que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de
mes frères, vous me les avez faites à moi-même (Mat 25 : 40)
».
Tel
était le christianisme à sa naissance. Tels étaient les chrétiens
aux jours anciens. Tels étaient ceux qui, ayant entendu les
menaces des principaux sacrificateurs et des sénateurs, élevèrent,
tous d'un accord, leurs voix à Dieu, et furent tous remplis du
Saint-Esprit. La multitude de ceux qui avaient cru n'était
qu'un coeur et qu'une âme, — tant l'amour de Celui en qui ils
avaient cru les pressait de s'aimer les uns les autres, — «
et personne ne disait que ce qu'il possédait fût à lui
en particulier, mais toutes choses étaient communes entre eux
», tant il est vrai qu'ils étaient crucifiés au monde, et que
ce monde leur était crucifié ! «
Ils persévéraient tous dans la doctrine des apôtres, dans la
communion, dans la fraction du pain et dans les prières (Actes 2 :
42) ».
Et il y avait une grande grâce sur eux tous ; car il n'y avait
personne parmi eux qui fût dans l'indigence ; parce que tous
ceux qui possédaient des fonds de terre ou des maisons les vendaient
et en apportaient le prix aux apôtres ; et on les distribuait à
chacun, selon qu'il en avait besoin (Actes 4 : 31,35) ».
II
Considérons,
en second lieu, ce christianisme, comme se communiquant d'homme à
homme, et s'étendant ainsi graduellement dans le monde. Car
telle était la volonté de Dieu, qui n'allumait pas cette
lumière pour la mettre sous un boisseau, mais afin qu'elle éclairât
tous ceux qui étaient dans la maison ! Le Seigneur l'avait
déclaré à ses premiers disciples : «
Vous êtes le sel de la terre ; vous êtes la lumière du monde »,
leur donnant, en même temps, ce commandement général : «
Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient
vos bonnes oeuvres, et qu'ils glorifient votre Père qui est
dans les cieux (Mat 5 : 13-16) ».
Représentons-nous,
d'ailleurs, quelques-uns de ces amis de l'humanité, voyant le monde
entier plongé dans le mal : pouvons-nous croire qu'ils
restassent indifférents, à cette vue, à la misère de ceux
pour qui leur Seigneur était mort ? Leurs entrailles n'en
seraient-elles pas émues, et leurs cœurs fondus
d'angoisse ? Et pourraient-ils « rester tout le jour sans rien faire
», lors même qu'il n'y aurait pas de commandement de Celui
qu'ils aiment ? Ne travailleraient-ils pas, par tous les
moyens possibles, à retirer du feu quelques-uns de ces tisons ?
Oui, sans doute, ils n'épargneraient aucune peine pour ramener
le plus possible de ces brebis égarées au Pasteur et à l'Évêque
de leurs âmes (1Pierre 2 : 25).
Ainsi
faisaient les premiers chrétiens : ils travaillaient pendant qu'ils
en avaient l'occasion à faire du bien à tous les hommes, les
exhortant à fuir sans délai la colère à venir. Ils disaient :
« Dieu
ayant laissé passer les temps d'ignorance, annonce maintenant à
tons les hommes, en tous lieux, qu'ils se repentent (Actes 17 :
30) ; » ils
criaient à haute voix : «
Détournez vous, détournez-vous de tons vos péchés, et
l'iniquité ne vous sera pas une occasion de ruine (Ézéchiel 18
: 30) ». Ils
leur parlaient «
de la tempérance et de la justice » ; —
des vertus opposées à leurs péchés dominants, — «
et du jugement à venir (Actes 24 : 25) », de
la colère de Dieu qui va se répandre sur les ouvriers d'iniquité au
jour qu'il jugera le monde.
Ils
parlaient à chacun selon ses besoins : aux insouciants, à ceux qui
demeuraient insensibles dans les ténèbres et dans l'ombre de
la mort, ils criaient : «
Réveille-toi, toi qui dors, et te relève d'entre les morts, et
Christ t'éclairera ! (Ephésiens 5.14) » Mais
à ceux qui déjà réveillés du sommeil, gémissaient sons le poids
de la colère divine, ils disaient : «Nous
avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le Juste, il est
la propitiation pour nos péchés» ; —
et quant à ceux qui avaient cru, ils les excitaient à la charité
et aux bonnes oeuvres, ils les exhortaient à y persévérer avec
patience et à abonder de plus en plus en cette sainteté, «
sans laquelle nul ne verra le Seigneur (Hébreux 12 : 14) ».
Et
leur travail n'était pas vain devant le Seigneur, sa parole avait un
libre cours est était glorifiée. Mais plus elle avançait,
plus elle était un objet de scandale. Le monde, en général, se
scandalisait, parce qu'ils rendaient témoignage que ses oeuvres
étaient mauvaises (Jean 7 : 7). Les gens de plaisir se
scandalisaient, non seulement de ce que ces hommes semblaient faits
pour les reprendre : (Il se vante, disaient-ils, de
connaître Dieu, et il s'appelle enfant du Seigneur ; sa vie n'est
pas semblable à celle des autres, et ses voies sont
différentes. Il s'abstient de nos voies comme d'une souillure ;
il se glorifie d'avoir Dieu pour son père (Sagesse 2 : 13-16 )
; — mais surtout ils se scandalisaient de ce que tant de leurs
compagnons leur étaient enlevés et ne voulaient plus «
courir avec eux dans les mêmes débordements de dissolution
(1Pierre 4 : 4) ».
Les hommes de réputation se scandalisaient de ce qu'en
proportion des progrès de l'Évangile, ils baissaient dans, l'estime
du peuple, en sorte que plusieurs n'étaient plus libres de leur
donner des titres flatteurs, ni de rendre à l'homme l'hommage qui
n'est dû qu'à Dieu. Les artisans s'assemblaient et disaient : «
O hommes, vous savez que tout notre gain vient de cet ouvrage ;
mais vous voyez et vous entendez que ces hommes ont persuadé
et détourné un grand nombre de personnes ; tellement qu'il est
à craindre que notre métier ne soit décrié (Actes 19 :
25-27)».
Mais surtout les hommes dits religieux, les saints du monde,
se scandalisaient, et toujours ils étaient prêts à s'écrier
: « Hommes
israélites, aidez-nous ! Nous avons trouvé ces gens qui sont
une peste publique et qui excitent des séditions par tout le monde
(Actes 24 :5), prêchant partout contre la nation et contre ce lieu
(Actes 21 : 28) ! »
Ainsi
le ciel s'obscurcissait de nuages et l'orage se formait. Car plus le
christianisme avançait, plus ceux qui le rejetaient y voyaient
de mal, et plus le nombre augmentait de ceux qui, remplis de
rage contre ces perturbateurs du monde (Actes 17 : 6), ne
cessaient de crier : «
Qu'on les ôte de la terre ! il n'est pas juste de les laisser
vivre » ;
— et qui même croyaient sincèrement que «
quiconque les ferait mourir rendrait service à Dieu ».
On
ne manquait pas non plus de rejeter leur nom comme mauvais (Luc 6 :
22), et «
partout on s'opposait à cette secte » (Actes 28 : 22) Les
hommes disaient contre eux toute sorte de mal, comme on avait
fait pour les prophètes venus avant eux (Matthieu 5 : 11-12). Et ce
que l'un affirmait, les autres le croyaient, en sorte que les
sujets de scandale se multipliaient comme les étoiles du ciel. De
là s'éleva, au temps voulu du Père, la persécution sous
toutes ses formes. Les uns ne souffrirent d'abord que la honte
et l'insulte ; d'autres, la perte de leurs biens ; plusieurs furent
éprouvés par les opprobres et les fouets, plusieurs par les
liens et par la prison ; d'autres durent résister jusqu'au sang
(Hébreux 10 : 34 11 : 36).
Ce
fut alors que les forteresses de l'enfer furent ébranlées, et que
le royaume de Dieu s'étendit toujours plus. Partout les
pécheurs furent convertis des ténèbres à la lumière et de la
puissance de Satan à Dieu. Le Seigneur donnait à ses enfants «
une bouche et une sagesse à laquelle leurs adversaires ne
pouvaient résister » ;
et leur vie n'avait pas moins de force que leurs paroles. Ils
se rendaient recommandables
«
comme serviteurs de Dieu, dans les afflictions, dans les
nécessités, dans les maux extrêmes, dans les blessures, dans
les prisons, au milieu des séditions, dans les travaux, dans
les périls sur mer ou dans les déserts, dans les fatigues et les
peines, dans la faim, la soif, le froid et la nudité (2
Corinthiens 6 : 4) ».
Et
s'il leur arrivait, après avoir soutenu le bon combat, d'être
menés comme des brebis à la boucherie, et «
de servir d'aspersion sur le sacrifice et l'offrande de leur foi
»,
alors le sang de chacun d'eux trouvait une voix, et les païens
avouaient que, quoique morts, ils parlaient encore.
Ainsi
le christianisme se répandit sur la, terre. Mais combien l'ivraie se
hâta de paraître avec le bon grain et le mystère d'iniquité
d'agir concurremment au mystère de piété! Comme Satan eut
bientôt son trône, même dans le temple de Dieu ! L'Eglise
s'enfuit au désert et les fidèles furent de nouveau réduits à
un petit nombre parmi les fils des hommes. Ici nous entrons dans un
chemin battu. La corruption toujours croissante des siècles
suivants, a été, à diverses époques, amplement décrite par
les témoins que Dieu s'est suscités pour montrer qu'il a bâti son
Église sur le roc et que «
les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle
(Matthieu 16 : 18) ».
III
Mais
ne verrons-nous pas de plus grandes choses que celles-là ? — Oui ;
de plus grandes qu'il n'y en a encore eu depuis la création du
monde ! Satan peut-il faire que la vérité de Dieu trompe ou que
ses promesses soient de nul effet ? — Mais, s'il ne le peut,
le temps viendra où le christianisme, vainqueur de toute
opposition, couvrira la terre. C'est le troisième point que nous
nous étions proposé d'établir. Arrêtons-nous et contemplons
d'avance cet étrange spectacle : un monde chrétien. Ce fut
l'objet de l'exacte recherche et de la profonde méditation des
prophètes (1Pierre 1 : 10) ; et l'Esprit qui était en eux en
rendit témoignage :
«
Il arrivera aux derniers jours que la maison de l’Éternel sera
affermie au-dessus des montagnes et élevée par-dessus les coteaux,
et tous les peuples y aborderont ! - Et ils forgeront leurs
épées en hoyaux et leurs hallebardes en serpes ; une nation ne
lèvera plus l'épée contre une autre et ils ne s'exerceront plus à
la guerre (Esaïe 2 : 1-4). —
En
ce jour-là, les nations rechercheront la racine d'Isaï, dressée
pour enseigne des peuples et son séjour ne sera que gloire. —
Et il arrivera en ce jour-là que le Seigneur mettra encore la main
à recouvrer les restes de son peuple : il élèvera l'enseigne
pour les nations ; il rassemblera ceux d'Israël qui auront été
chassés ; il recueillera des quatre coins de la terre ceux de Juda
qui auront été dispersés. — Le loup habitera avec l'agneau,
et le léopard gîtera avec le chevreau ; le veau, le lionceau
et le bétail qu'on engraisse seront ensemble, et un enfant les
conduira. On ne nuira point, on ne fera aucun dommage à
personne dans toute la montagne de ma sainteté. Car la terre
sera remplie de la connaissance de l’Éternel, comme le
fond de la mer est couvert des eaux (Esaïe 11 : 6- 12) ».
Tel
est aussi le sens de ces paroles du grand Apôtre, qui évidemment
attendent encore leur accomplissement :
«
Dieu a-t-il rejeté son peuple ? A Dieu ne plaise ! — Mais le salut
a été donné aux Gentils par leur chute. Or, si leur chute a
fait la richesse du monde, que ne fera pas la conversion de ce
peuple entier ?... Car, mes frères, je ne veux pas que vous ignoriez
ce mystère, que si une partie d'Israël est tombée dans
l'endurcissement, ce n'est que jusqu'à ce que la multitude des
Gentils soit entrée dans l'Église. — Et ainsi tout Israël sera
sauvé. (Romains 11 1 : 11,25,26) »
Supposons
maintenant la plénitude des temps arrivée et les prophéties
accomplies. Quelle perspective ! Tout est paix, calme et
assurance à, jamais. C'en est fait du fracas des armes, du tumulte
et des vêtements souillés de sang. La destruction a pris fin pour
toujours. Les guerres ont cessé sur la terre. Il n'y a plus
même de discorde intestine ; plus de frère qui s'élève contre
son frère ; plus de ville ; ni de province divisée contre
elle-même et déchirant ses propres entrailles.
C'en
est fait pour toujours des guerres civiles ; il ne reste personne qui
détruise ou moleste son prochain. Ici plus d'oppression qui
mette lors de sens le sage lui-même ; plus d'extorsion qui écrase la
face des pauvres ; plus de tort ni de larcin ; plus de rapine ni
d'injustice : car tous sont contents de ce qu'ils possèdent.
Ainsi la justice et la paix se sont entre-baisées ; elles ont pris
racine et rempli la terre ; «
la vérité et germé de la terre, et la justice a regardé des cieux
(Ps 85 : 10,11) ».
Et
avec la justice il y a aussi la miséricorde. La terre n'est plus
remplie de cabanes de violence. Le Seigneur a détruit l'homme
sanguinaire et le malicieux, l'envieux et le vindicatif. Y eût-il
encore provocation, il n'y a plus personne qui rende mal pour
mal ; mais il n'y a pas même de provocation ; car tous les
hommes sont simples comme des colombes. Remplis de paix et de joie
par la foi, unis en un seul corps par le même Esprit, ils
s'aiment comme des frères : ils ne sont qu'un coeur et qu'une âme.
Et nul d'entre eux ne dit que ce qu'il possède lui appartienne en
propre. Il n'y a parmi eux personne dans l'indigence ; car
chacun aime son prochain comme lui-même ; et ils n'ont tous
qu'une règle : « tout ce que vous voulez que les hommes vous
fassent, faites le-leur aussi de même On n'entend donc plus
parmi eux ni paroles désobligeantes, ni débats de langue, ni
contentions d'aucun genre, ni railleries, ni médisances ; mais
tous ouvrent la bouche avec sagesse ; tous ils ont «
la loi de débonnaireté (humilité)sur les lèvres ».
Mais ils sont aussi incapables de fraude ou de déguisement :
leur amour est sans dissimulation ; leurs paroles sont toujours
la juste expression de leurs pensées, ouvrant, pour ainsi dire,
une fenêtre à leur coeur, afin que quiconque veut y regarder voie
que Dieu et son amour y habitent seuls.
C'est
ainsi que le Dieu tout-puissant « se revêtant de sa force et
entrant dans son règne » se soumet toutes choses, et fait
déborder tous les cœurs d'amour et toutes les bouches
de louanges.
«
Heureux le peuple qui est dans cet état ! Heureux le peuple
duquel l'Éternel est le Dieu (Ps 144 : 15) »
«
Lève-toi, sois illuminée, dit l'Éternel, car ta lumière est
venue, et la, gloire de l'Éternel est levée sur toi. Tu as
reconnu que moi, l'Éternel, je suis ton Sauveur et ton Rédempteur,
le Puissant de Jacob. — Je ferai que la paix règne sur toi,
que la justice te gouverne. On n'entendra plus parler de violence
dans ton pays, ni de dégât ou d'oppression dans tes contrées ;
mais tu appelleras tes murailles salut et tes portes louanges.
Tes enfants seront tous justes ; ils posséderont éternellement la
terre ; ils seront le rejeton que j'ai planté et l'ouvrage de mes
mains dans lequel je serai glorifié. Tu n'auras plus le soleil
pour lumière du jour, et la lueur de la lune ne t'éclairera plus ;
mais l’Éternel sera pour toi une lumière éternelle, et
ton Dieu sera. ta gloire, (Esaïe 60 1 : 16-19) ».
IV
Ayant
ainsi brièvement considéré le christianisme dans sa naissance,
dans ses progrès, dans sa victoire, tout ce qu'il me reste à
faire c'est de conclure par une application simple et pratique.
--Et
d'abord, je le demande, où existe maintenant un tel christianisme ?
--Où
sont, je vous prie, les chrétiens ?
--Quel
est le pays où les habitants sont ainsi remplis du Saint-Esprit, —
n'ont tous qu'un coeur et qu'une âme, — ne peuvent laisser
l'un d'entre eux dans l'indigence, mais donnent constamment à
chacun selon ses besoins ?
--Où
est le pays dont tous les habitants ont le coeur tellement
rempli de l'amour de Dieu, qu'il les presse d'aimer leur prochain
comme eux-mêmes, — dont tous les habitants sont revêtus des
entrailles de miséricorde, d'humanité, de douceur de patience,
— ne blessent, ni de fait ni en paroles, la justice, la miséricorde
ou la vérité, mais font en tous points, à tous les hommes,
comme ils voudraient qu'on leur fît à eux-mêmes ?
--De
quel droit appellerions-nous chrétienne une contrée qui ne
répond pas à cette description ?
Ah
! ne craignons pas de l'avouer : nous n'avons encore jamais vu
de pays chrétiens. Mes frères, je vous en supplie, par les
compassions de Dieu, si vous me tenez pour fou ou pour insensé,
supportez-moi comme insensé. Il est nécessaire que quelqu'un vous
parle avec franchise. C'est nécessaire aujourd'hui même ; car
qui sait si ce temps qui nous est donné n'est pas le dernier
? Qui sait si le juste Juge ne dira point bientôt : «
Ne me prie plus pour ce peuple ? Quand Noé, Daniel et Job
seraient dans ce pays, ils ne délivreraient que leurs propres âmes
».
Et qui usera de cette franchise, si je ne le fais ? C'est
pourquoi je parlerai moi, tel que je suis. Et je vous conjure, par
le Dieu vivant, de ne point fermer vos cœurs pour ne
pas être bénis par mes mains.
Ne
dites pas intérieurement : « Quand tu me persuaderais, tu ne me
persuaderas point ! », ou, en d'autres termes : Seigneur
n'envoie pas qui tu veux envoyer ! Que je meure « dans mon sang
»,plutôt que d'être sauvé par cet homme !
Mes
frères, j'attends de meilleures choses de vous, quoique je parle
ainsi. Souffrez donc que je vous le demande avec amour et dans
un esprit de douceur :
--Est-ce
ici une ville chrétienne ?
--Y
trouve-t-on le christianisme, le christianisme scripturaire ?
--Sommes-nous,
tous ensemble, tellement remplis du Saint-Esprit, que nous en
goûtions dans nos cœurs et en montrions dans notre
vie les vrais fruits ?
--Les
magistrats, les chefs des corps universitaires et leurs dépendants,
pour ne rien dire des autres habitants de la ville, ne sont-ils
tous qu'un coeur et qu'une âme ?
--L'amour
de Dieu est-il répandu dans nos cœurs ?
--Avons-nous
les mêmes sentiments qu'avait Jésus-Christ ?
--Notre
vie est-elle conforme à la sienne ?
--Sommes-nous
saints, dans toute notre conduite, comme celui qui nous a appelés
est saint?
Veuillez
observer qu'il ne s'agit pas ici d'idées particulières ; que la
question n'est pas touchant des opinions douteuses, quelles
qu'elles soient, mais touchant les points fondamentaux et
indubitables, s'il en est de tels, de la doctrine qui nous est
commune, et que c'est à vos propres consciences, guidées par
l'Écriture, que j'en appelle pour la décision. Si quelqu'un n'est
pas condamné par son propre coeur, je n'ai pas à le condamner
non plus.
C'est
donc en la crainte comme en la présence du grand Dieu devant qui
nous comparaîtrons bientôt, vous et moi, que je vous prie,
vous qui avez autorité sur nous et que je révère à cause de vos
fonctions, de considérer (et non comme dissimulant avec Dieu) si
vous êtes remplis du Saint-Esprit ; si vous êtes de vivantes images
de Celui que vous représentez parmi les hommes ? « J'ai dit, vous
êtes des dieux », ainsi vous parle l'Écriture, vous magistrats et
gouverneurs ; vous êtes, par office, alliés de si près au
Dieu du ciel ! Vous êtes chargés, à divers degrés, de nous offrir
l'image de l'Éternel notre Roi. Toutes les pensées de
vos cœurs, vos dispositions, vos désirs conviennent-ils
à votre haute vocation? --Toutes vos paroles sont-elles
semblables à celles qui sortent de la bouche de Dieu?
--Y
a-t-il dans toutes vos actions de la dignité et de l'amour, — une
grandeur que les paroles ne peuvent exprimer, qui ne peut
procéder que d'un coeur plein de Dieu, et compatible pourtant
avec le néant de « l'homme qui n'est qu'un ver et du
fils de l'homme qui n'est qu'un vermisseau ? »
Et
vous, hommes graves et respectables, qui êtes particulièrement
appelés à former l'esprit flexible de la jeunesse, à en
écarter les ombres de l'ignorance et de l'erreur, à la rendre sage
à salut :
--Êtes-vous remplis
du Saint-Esprit ; de tous ces fruits de l'Esprit que l'importance de
votre charge rend si indispensables ?
--Votre
coeur est-il tout à Dieu, plein d'amour et de zèle pour établir
son règne sur la terre ? --Rappelez-vous sans cesse à ceux qui
sont sous vos soins que le seul but raisonnable de toutes nos
études est de connaître, d'aimer et de servir le seul vrai Dieu et
Jésus-Christ qu'il a envoyé ?
--Leur
inculquez-vous, jour par jour, que l'amour seul ne périt jamais
(tandis que les langues et la connaissance philosophique seront
anéanties) et que sans l'amour, la glus grande science n'est qu'une
splendide ignorance, une pompeuse folie, un tourment d'esprit ?
--Tout
ce que vous enseignez tend-il effectivement à l'amour de Dieu
et de tout le genre humain pour l'amour de lui ?
-Visez-vous
à ce but en tout ce que vous leur prescrivez touchant le choix,
le mode et la mesure de leurs études, travaillant pour que ces
jeunes soldats de Christ, quel que soit le poste qui leur tombe en
partage, soient comme autant de lampes ardentes qui brillent et
qui honorent l'Évangile de Christ en toutes choses ?
--Et,
permettez encore que je le demande, déployez-vous dans cette grande
oeuvre toutes vos forces ?
--Y
travaillez-vous de tout votre pouvoir ?
--Y
appliquez-vous toutes les facultés de votre âme, touts les
talents que Dieu vous a confiés, et cela avec toute l'énergie dont
vous êtes capables ?
Qu'on
ne dise pas que je parle ici comme si tous ceux qui sont sous vos
soins étaient destinés pour le ministère ; non, je ne parle
que comme s'ils étaient chrétiens.
--Mais
quel exemple reçoivent-ils de nous qui, dans les divers grades
universitaires, jouissons de la bénéficence (bienfaisance) de nos
ancêtres, particulièrement de ceux d'entre nous qui sont de
quelque rang ?
--Frères,
êtes-vous remplis des fruits de l'Esprit, d'humilité, de
renoncement, de sérieux, de gravité, de patience, de douceur,
de sobriété, de tempérance, et vous appliquez-vous
constamment et sans relâche à faire du bien, en toute façon,
à tous les hommes, à subvenir à leurs besoins temporels, à amener
leurs âmes à la vraie connaissance et à l'amour de Dieu ?
--Est-ce
là le caractère général des gradués des collèges ?
--Je crains
bien que non. Mais plutôt l'orgueil, la fierté, l'impatience, la
mauvaise humeur, la paresse et l'indolence, la gourmandise et la
sensualité, ou même une inutilité proverbiale, plutôt, dis-je,
tous ces vices ne nous sont-ils pas reprochés, et pas toujours
peut-être, par nos ennemis, ni sans fondement ?
Oh
que Dieu veuille ôter de dessus nous cet opprobre et que le souvenir
même en soit effacé pour jamais ! Plusieurs de nous sont plus
immédiatement consacrés à Dieu, appelés au service des chose
saintes.
--Eh
bien ! sommes-nous « les modèles des autres, en paroles, en
action, en charité, en esprit, en foi, en pureté (1 Timothée
4 : 12) ? »
--Ces
mots, sainteté à l'Éternel, sont-ils écrits sur nos fronts
et dans nos cœurs ?
--Par
quels motifs sommes-nous entrés dans ce ministère ?
--Était-ce avec
un œil simple pour servir Dieu, persuadés que le
Saint-Esprit nous pressait intérieurement de prendre cette
charge pour l'avancement de sa gloire et pour l'édification de son
peuple ?
--Était-ce avec
la résolution bien arrêtée, par la grâce de Dieu, de nous y vouer
entièrement?
--Rejetons-nous, autant
qu'il est possible, tous les soins et les études profanes, pour nous
appliquer uniquement à cette oeuvre-ci et y tourner tous nos
soins et toutes nos études ? Sommes-nous propres à enseigner ?
--Sommes-nous
enseignés de Dieu pour être en état d'enseigner les autres ?
Connaissons-nous Dieu ?
--Connaissons-nous
Jésus-Christ ?
--Dieu
a-t-il révélé son Fils en nous ?
--Nous
a-t-il rendus capables d'être ministres de la nouvelle Alliance
?
--Où
donc sont les sceaux de notre apostolat ?
--Qui
sont ceux qui, étant morts dans leurs fautes et dans leurs
péchés, ont été vivifiés par notre parole ?
--Brûlons-nous d'un
tel désir de sauver les âmes de la mort, que pour l'amour d'elles
nous oubliions souvent de manger notre pain ?
--Parlons-nous
ouvertement pour la manifestation de la vérité, nous recommandant
à la conscience de tous les hommes en la présence de Dieu?
--Sommes-nous morts
au monde et aux choses du monde, ne nous amassant de trésors que
dans le ciel ?
--Loin de
dominer sur les héritages de Dieu, sommes-nous comme les plus petits
et les serviteurs de tous ?
Si
nous portons l'opprobre de Christ, nous pèse-t-il, ou nous en
réjouissons-nous ?
--Quand
on nous frappe sur une joue, en avons-nous du ressentiment, de
l'impatience, ou présentons-nous l'autre, ne résistant point
au mal mais surmontant le mal par le bien ?
--Avons-nous un zèle amer qui nous incite à contester
aigrement et avec passion contre ceux qui s'égarent, ou notre zèle
est-il la flamme de la charité qui dirige toutes nos paroles
dans la douceur, l'humanité, la débonnaireté et la sagesse ?
--Un
mot encore : que dire de la jeunesse de ce lieu ?
--Avez-vous,
ô jeunes gens, la réalité ou même seulement la forme de la
piété chrétienne ? --Êtes-vous humbles, traitables, dociles, —
ou revêches, opiniâtres, entêtés et hautains ?Obéissez-vous
à vos supérieurs comme à des pères, ou méprisez-vous ceux à
qui vous devez le plus rendre respect ?
--Êtes-vous
actifs dans vos légers travaux, poursuivant vos études de
toutes vos forces ?
--Rachetez-vous
le temps, remplissant chaque journée d'autant de travail
qu'elle en peut contenir, ou bien votre conscience vous dit-elle, au
contraire, que vous perdez jour après jour, soit à lire ce qui
n'intéresse point le christianisme, soit au jeu, soit à toutes
sortes de riens ?
--Êtes-vous
meilleurs économes de votre bien que de votre temps ?
--Prenez-vous soin,
par principe, de ne devoir rien à personne ?
--Vous
souvenez-vous du jour du repos pour le sanctifier et pour
l'employer plus immédiatement au service de Dieu ?
--Quand
vous êtes dans la maison de Dieu, pensez-vous que Dieu est là
?
--Et
vous comportez-vous comme voyant Celui qui est invisible ?
--Savez-vous
posséder vos corps dans la sainteté, et l'humilité ?
--L'ivrognerie,
l'impureté ne se trouvent-elles pas parmi vous ?
--N'y
en a-t-il pas même parmi vous qui se glorifient de ce qui fait leur
confusion, ou qui prennent le nom de Dieu en vain, habituellement
peut-être, sans crainte ni remords ?
--ou
même, et de ceux-là une multitude toujours croissante, qui se
parjurent ?
Ne
vous étonnez point de ceci, mes frères. Devant Dieu et devant
cette assemblée, j'avoue que j'ai été de ce nombre, ayant
juré solennellement d'observer tous les usages prescrits, alors que
je n'en avais aucune connaissance, et nos statuts que je ne
parcourus pas même ni alors ni de longtemps après.
--Si
ce n'est pas là un parjure, qu'est-ce que le parjure ?
Mais
si c'en est un, oh ! quelle culpabilité, quelle noire
culpabilité pèse sur nous !
--Et
le Très-Haut ne le voit-il point ?
--Ce
péché ne vient-il point de ce que tant d'entre vous sont une
génération frivole, qui ne font que badiner avec Dieu, les uns
avec les autres et avec leur propre âme ?
--Car
enfin, combien y en a-t-il qui, dans toute une semaine, passent
seulement une heure à prier en secret ?
--Combien
qui songent à Dieu dans l'ensemble de leur conversation ?
--Qui
d'entre vous cornait tant soit peu les opérations de son
Esprit, son oeuvre surnaturelle dans les âmes ?
--Pouvez-vous
souffrir, si ce n'est de temps en temps, dans une église, qu'on
vous parle du Saint-Esprit ?
--Et
si quelqu'un entamait une telle conversation, douteriez-vous que
ce ne fût un hypocrite ou un enthousiaste ?
--Au
nom du Seigneur Dieu tout-puissant, je vous le demande, de
quelle religion êtes-vous donc, puisque vous ne pouvez ni ne
voulez souffrir qu'on parle du christianisme ?
--Ô
mes frères ! quelle ville chrétienne est-ce ici ?
Il
est temps, Seigneur, que tu y mettes la main !
--En
effet, quelle probabilité, ou plutôt (pour parler à vue humaine)
quelle possibilité y a-t-il que le christianisme, le
christianisme scripturaire devienne encore la religion de ces lieux ;
que les gens de tout état parmi nous viennent à parler et à
vivre comme étant remplis du Saint-Esprit ? Par qui ce christianisme
serait-il rétabli ?
--Pour
ceux d'entre vous qui ont en main l'autorité ?
--Mais
êtes-vous convaincus que ce soit ici le christianisme de
l'Ecriture ?
--Désirez-vous
qu'il soit rétabli ?
--Et
tenez-vous votre fortune, votre liberté, votre vie comme ne
vous étant pas précieuses, pourvu que vous serviez
d'instruments pour le rétablir ?
--Mais,
supposé que vous en ayez le désir, qui est assez puissant pour
produire l'effet désiré ?
Quelques-uns
d'entre vous ont fait peut-être quelques faibles efforts, mais
avec combien peu de succès !
--Le
christianisme serait-il donc rétabli par des jeunes gens
inconnus et sans autorité ?
Je
ne sais si vous-mêmes vous pourriez le souffrir !
--Quelques-uns
de vous ne crieraient-ils point : Jeune homme, en faisant cela,
tu nous accuses ?
Mais
il n'y a nul danger que vous soyez mis à cette épreuve, tant
il est vrai que l'iniquité nous inonde comme un fleuve.
--Qui
donc Dieu enverra-t-il ?
--La
famine, la peste (dernier message à un pays coupable), ou l'épée
?
--Les
armées romaines, les étrangers, pour nous ramener à notre première
charité ?
Ah
! « que nous tombions entre tes mains, Seigneur ! plutôt
qu'entre les mains des hommes ! » Seigneur, sauve-nous, ou nous
périssons ! retire-nous afin que nous n'enfoncions pas dans
le bourbier ! Ah ! délivre-nous, car le secours de l'homme est
vain ! Toutes choses te sont possibles ! Selon la grandeur de ta
force, garantis ceux qui s'en vont mourir ! et sauve-nous comme tu
trouveras bon ; non selon notre volonté, mais selon la tienne !