jeudi 14 juillet 2016

(5) LES SERMONS DE WESLEY AVERTISSEMENT CONTRE LE BIGOTISME

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Sermon 38 :   (1750)        AVERTISSEMENT CONTRE LE BIGOTISME

Marc 9,38-39


38  Jean lui dit: Maître, nous avons vu un homme qui chasse des démons en ton nom; et nous l’en avons empêché, parce qu’il ne nous suit pas.
39  Ne l’en empêchez pas, répondit Jésus,..... (Marc 9: 38-39)
  
                    Nous lisons, dans les versets qui précèdent notre texte, que les douze disciples ayant « disputé en chemin qui d'entre eux serait le plus grand » , Jésus, « ayant pris un petit enfant, le mit au milieu d'eux ; et, le tenant entre ses bras, il leur dit : Quiconque reçoit un de ces petits enfants à cause de mon nom, il me reçoit ; et, quiconque me reçoit, ce n'est pas moi (seulement) qu'il reçoit, mais il reçoit celui qui m'a envoyé (Marc 9 : 34,37)  ». C'est, alors que Jean « répondit » (ce qui signifie que cela se rattachait à ce que Jésus venait de dire) : « Maître, nous avons vu quelqu'un qui chassait les démons en ton nom et nous nous y sommes opposés parce qu'il ne nous suit pas ». Il voulait dire : « Aurions-nous dû le recevoir ? Et, en le recevant, t'aurions-nous reçu ? N'était-ce pas plutôt notre devoir de l'empêcher ? N'avons-nous pas bien fait ? » « Mais Jésus leur dit : Ne vous y opposez pas ! »
  
                    Saint Luc rapporte aussi cet incident, et presque dans les mêmes termes. On dira peut-être : « Que nous importe cela, puisqu'il n'y a plus personne qui chasse les démons ? Est-ce que la puissance d'accomplir ce miracle n'a pas été refusée à l’Église chrétienne depuis douze à quatorze siècles ? Et s'il en est ainsi, qu'avons-nous à voir dans le cas mentionné par le texte et dans la solution que notre Sauveur en donna ? »

                    La question nous intéresse plus qu'on ne pense généralement ; car le cas dont il s'agit ici se présente assez fréquemment. Et pour que nous retirions de ce texte tout le profit possible, je me propose de montrer d'abord, dans quel sens il est vrai qu'on peut encore chasser les démons et qu'on les chasse encore maintenant ; ensuite, ce que signifient ces paroles : « Il ne nous suit pas » ; j'expliquerai, en troisième lieu, la recommandation faite par notre Seigneur : « Ne vous y opposez pas » ; et enfin, je m'efforcerai de tirer du tout une conclusion.

I

                    Je veux, tout d'abord, expliquer dans quel sens on peut encore chasser et, on chasse les démons.

                    Pour bien comprendre cela, il faut se rappeler ce que nous enseigne l'Écriture sainte, savoir que, comme Dieu habite et agit dans les enfants de lumière, de même le diable habite et agit dans les enfants de ténèbres. Comme le Saint-Esprit possède des justes, ainsi l'esprit du mal possède l'âme des méchants. C'est pour cela que l'apôtre l'appelle « le dieu de ce monde (2 Corinthiens 4 : 4) » , tant est absolu son empire sur les mondains ! De même encore notre bon Sauveur le nomme « le prince de ce monde (Jean 14 : 30) » , à cause du pouvoir souverain qu'il y exerce. Saint Jean dit aussi : « Nous savons que nous sommes de Dieu, et que tout le monde (tout, ce qui n'est pas de Dieu) est (gît) dans le malin (1 Jean 5 : 19 – Le même mot a été traduit le malin au verset 18 – Trad.) » , et non « dans le mal » ; le monde vit et se meut dans le malin, tout comme ceux qui ne sont pas du monde vivent et se meuvent en Dieu.

                    C'est qu'en effet le diable ne nous apparaît pas seulement « comme un lion rugissant, cherchant qui il pourra dévorer » , ou seulement comme un ennemi rusé qui surprend de pauvres âmes et « les prend pour faire sa volonté (2 Timothée 2 : 26) » ; mais aussi comme celui qui demeure au dedans des méchants et y marche, qui est prince des ténèbres ou de la méchanceté qui existe dans ce monde, prince des mondains et de tous leurs desseins et actes ténébreux, et, qui les gouverne en se maintenant dans leur cœur, en y établissant son trône, en y amenant toute pensée captive à son obéissance. C'est ainsi que « l'homme fort et bien armé garde l'entrée de sa maison (Luc 11 : 21) » ; et si cet esprit immonde, impur, sort parfois d'un homme, souvent aussi il y revient avec sept autres esprits pires que lui, « et ils y entrent et y demeurent (Luc 11 : 24-26)  ». Le malin n'habite point dans un cœur pour n'y rien faire ; sans cesse il « agit dans les enfants de rébellion (Éphésiens 2 : 2) » Il agit en eux avec puissance, avec une énergie redoutable, pour leur imprimer son image, pour effacer en eux les derniers vestiges de celle de Dieu, enfin pour les disposer à toutes sortes de paroles et d'actions mauvaises.

                    Il est donc incontestablement certain que Satan, le dieu, le prince de ce monde, possède tous ceux qui ne connaissent point le Seigneur. Mais la manière dont il les possède de nos jours ne ressemble pas à celle dont il les possédait autrefois. Jadis il torturait fréquemment le corps aussi bien que l'âme et cela ouvertement, sans se cacher ; maintenant, sauf de rares exceptions, c'est l'âme seule qu'il tourmente, et il le fait en se dissimulant autant que possible. Il est facile d'expliquer ce changement de tactique. Autrefois ses efforts tendaient à pousser l'humanité à la superstition ; c'est pour cela qu'il agissait aussi ouvertement qu'il le pouvait. Aujourd'hui il vise à nous porter à l'incrédulité ; et, dans ce but, il cache ses menées tant qu'il peut ; car plus il se dissimule et plus il a de succès.

                    Mais il y a encore aujourd'hui des pays où, si l'on peut en croire les récits, Satan agit tout aussi ouvertement qu'il le faisait autrefois. Pourquoi est-ce seulement dans des contrées barbares et sauvages Pourquoi n'agit-il plus ainsi en Italie, en France, en Angleterre ? La raison en est bien simple, c'est qu'il connaît son monde, et sait ce qu'il a à faire selon les cas. Chez les Lapons il se montrera sans déguisement, parce qu'il travaille à les confirmer dans leurs superstitions et dans leur idolâtrie grossière. Mais vis-à-vis de vous, il se propose un autre but. Il se propose de vous amener à vous idolâtrer vous-mêmes, à vous croire plus sages que Dieu lui-même et que tous les oracles de Pieu. Pour obtenir ce résultat, il doit bien se garder d'apparaître tel qu'il est ; cela ruinerait ses desseins. Aussi met-il tout son art à contribution pour vous faire douter de son existence, jusqu'au jour où vous serez pour jamais tombés entre ses mains.

                    Il règne donc, il règne de diverses manières, mais partout d'une façon aussi absolue. L'élégant incrédule d'Italie est dans ses griffes tout autant que le grossier Tartare ; mais le premier dort, pour ainsi dire, dans la gueule du lion, qui est bien trop avisé pour aller le réveiller. Pour le moment, il se contente de jouer avec sa proie, en attendant qu'il se décide à l'engloutir.

                   Le dieu de ce monde s'est emparé de ses adorateurs d'Angleterre tout aussi solidement que de ceux de Laponie. Mais son intérêt est de ne point les effrayer, de peur qu'ils ne cherchent un refuge auprès du Dieu des cieux. Le prince de ce monde ne se montre pas à ceux-là ; il se contente de les avoir pour sujets soumis de son royaume. Le tyran est d'autant plus sûr de ses prisonniers lorsque ceux-ci se croient libres. Et voilà comment « l'homme fort et bien armé garde sa maison, et tout ce qu'il a est en sûreté (Luc 11 : 21)  ». Le déiste, le chrétien de nom ne se doutent pas : qu'il est là ; aussi vivent-ils ensemble en parfaite paix.

                    Mais il ne perd pas de temps et agit énergiquement en eux. Il aveugle les yeux de leur esprit, pour que la lumière du glorieux Évangile de Jésus-Christ ne vienne pas les éclairer. Il enchaîne leur âme à la terre et à I'enfer lui-même par les liens de leurs passions dépravées. Il les lie à la terre par l'amour du monde, par l'amour de l'argent ou des plaisirs ou de la gloire. Au moyen de l'orgueil, de l'envie, de la colère, de la haine, de la vengeance, il les entraîne vers l'enfer. Et sa puissance sur eux est d'autant plus ferme, d'autant moins disputée, qu'ils ne se doutent pas même qu'il agit.

                    Mais aux effets qui se produisent, on peut aisément reconnaître quelle en est la cause. Ces effets sont, parfois évidents jusqu'à être palpables, tout comme ils l'étaient jadis parmi les nations païennes les plus cultivées. Sans aller plus loin, prenons ces vertueux Romains qu'on admire tant. Quand chez eux la science et la gloire étaient à leur apogée, vous trouverez ces Romains « remplis de toute de méchanceté, d'avarice, de malice, pleins, de meurtres, de querelles, de tromperies et de malignité ; rapporteurs médisants, ennemis de Dieu, outrageux, orgueilleux, vains, inventeurs de méchancetés, désobéissants à père et mère ; sans intelligence, sans foi, sans affection naturelle, implacables, sans compassion (Romains 1 : 29-31)  ».

                   Les traits les plus saillants de ce tableau sont confirmés par un témoin qui, aux yeux de quelques-uns, pourra sembler plus irrécusable que saint Paul. Je veux parler de l'historien romain et païen Dion Cassius. Il constate que, avant le moment, où César revint des Gaules, non seulement la gourmandise et les débauches de toutes sortes allaient dans Rome à découvert et le front levé ; non seulement le mensonge, l'injustice et la cruauté y abondaient, tant dans les tribunaux qu'au sein des familles ; mais encore les vols les plus insolents, les rapines, les meurtres étaient si fréquents dans tous les quartiers de la cité que peu de gens osaient sortir de chez eux sans avoir mis ordre à leurs affaires, tant ils étaient peu assurés d'y rentrer en vie !

                    Les œuvres du diable se montrent d'une façon tout aussi brutale, tout aussi palpable, chez la plupart des païens d'à présent, sinon chez tous. La religion naturelle des Creeks, des Cherokees, des Chicasaws, et autres tribus indiennes qu'on trouve dans le voisinage de nos colonies du sud (Dans l'Amérique septentrionale (Trad.) ), (et je ne parle pas ici de quelques individus, mais de peuples entiers), leur religion naturelle consiste à torturer leurs prisonniers sans distinction du matin jusqu'au soir, pour finir par les brûler à petit feu ; et si un des leurs même les a offensés le moins du monde et sans le vouloir, ils se glisseront par derrière et le transperceront d'un trait. Chez eux, si un fils trouve que son père a assez vécu, il n'est pas rare qu'il lui casse la tête ; si une mère est fatiguée de ses enfants, elle leur attachera une pierre au cou et en lancera trois ou quatre l'un après l'autre à la rivière.

                    On pourrait espérer que des païens seuls ont pu se livrer à des œuvres du diable aussi brutalement palpables ; mais nous nous garderions bien de l'affirmer. Même en fait de cruauté et de massacres, à vrai dire, les chrétiens ne le cèdent guère aux païens. Et ce ne sont pas seulement les Espagnols ou les Portugais, qui ont égorgé des milliers d'hommes dans l'Amérique du Sud ; ce ne sont pas seulement les Hollandais aux Indes, ou les Français dans l'Amérique septentrionale, imitant trop fidèlement les Espagnols ; nos propres compatriotes se sont aussi baignés dans le sang et ont exterminé des nations entières, et ainsi clairement démontré quelle sorte d'esprit habite et agit dans les enfants de rébellion.

                    De pareilles monstruosités seraient presque de nature à nous flaire oublier les œuvres du diable qui se produisent au sein même de notre pays. Hélas ! on peut à peine ouvrir les yeux sans les rencontrer partout. La manifestation du pouvoir de Satan laisse-t-elle à désirer, quand les blasphémateurs, les ivrognes, les débauchés, les adultères, les fripons, les voleurs, les sodomites et les meurtriers se rencontrent encore sur tous les points de notre territoire ? Comme il règne, comme il triomphe, le prince de ce monde, en tous ces enfants de rébellion !

                    C'est moins ouvertement, mais non moins effectivement qu'il agit chez ceux qui sont dissimulés, rapporteurs, menteurs, ou calomniateurs, chez ceux qui oppriment ou pressurent, leurs semblables, chez les parjures, chez ceux qui vendent leurs amis, leur honneur, leur conscience, leur patrie ! Et ils parleront pourtant encore de religion et de conscience, d'honneur, de vertu et de patriotisme ! Mais ils ne trompent point Dieu ni Satan non plus ; car ce dernier connaît, lui aussi, ceux qui sont siens ; et ils sont une grande multitude, venue de toute nation et de tout peuple ; et il les possède d'une manière absolue, aujourd'hui comme jadis.

                    Si vous admettez ces choses, vous n'aurez pas de peine à comprendre dans quel sens on peut encore de nos jours chasser les démons. C'est tellement vrai que tout ministre de Jésus-Christ en chasse, si l'œuvre de son Maître prospère entre ses mains. En effet, quand sa prédication est accompagnée de la puissance divine, il amène les pécheurs à la repentance, à un changement complet, intérieur aussi bien qu'extérieur, par lequel ils passent de tout ce qui est mauvais à tout ce qui est bon. Et c'est là bien réellement chasser les démons des âmes qui en étaient auparavant possédées. Alors l'homme fort n'est plus en état de conserver sa maison ; car un plus fort que lui est survenu, et l'a mis dehors, et s'en est emparé pour lui-même, et en a fait une maison de Dieu par son Esprit. A ce point donc la puissance de Satan expire ; le Fils de Dieu « détruit les œuvres du diable (Jean 3 : 8)  ». Dès ce moment l'esprit, du pécheur est éclairé et son cœur doucement attiré vers Dieu. Ses désirs sont transformés ; ses affections sont purifiées ; il est rempli du Saint-Esprit, et désormais il grandit en grâce jusqu'à ce qu'il devienne, non seulement saint par le cœur, mais aussi saint dans toute sa conduite.

                    Assurément, tout cela est bien l'œuvre de Dieu, Dieu seul peut chasser Satan. Mais, en il trouve bon de le faire par le moyen de l'homme, en se servant de lui comme d'instrument ; et alors on peut dire de celui-ci qu'il chasse les démons au nom du Seigneur, par sa puissance et par son autorité. Pour cette œuvre si haute, Dieu envoie qui il veut envoyer (Exode 4 : 13) ; et d'ordinaire ce sont des hommes auxquels on n'aurait pas pensé ; « car ses pensées ne sont pas nos pensées, et ses voies ne sont pas nos voies (Esaïe 55 : 8)  ». Il choisit donc le faible pour confondre le fort, le simple pour confondre le sage ; et il agit ainsi afin de se réserver toute la gloire et « afin que personne ne se glorifie devant lui (1Corinthiens 1 : 29) »

II

                     Mais ne devons-nous pas nous opposer à un homme qui chasse ainsi les démons, lorsqu'il « ne nous suit pas ? » tel était, parait-il, le sentiment, telle aussi avait été la façon d'agir de l'apôtre Jean, lorsqu'il soumit le cas au jugement de son Maître. « Nous nous y sommes opposés, lui dit-il, parce qu'il ne nous suit pas ». Et il croyait évidemment que cette raison était plus que suffisante. Nous devons maintenant examiner ce point-là ; que signifie cette expression : « Il ne nous suit pas ? »

                    Le moins que cela puisse vouloir dire, c'est ceci : « Il ne nous est pas associé visiblement ; nous ne travaillons pas de concert ; il n'est pas notre compagnon d'œuvre dans l’Évangile ». Mais quand il plaît au Seigneur d'envoyer beaucoup d'ouvriers dans sa moisson, il est impossible que, pour agir, ils soient tous subordonnés ou liés les uns aux autres. Il est même impossible qu'ils se connaissent tous personnellement ou seulement de nom. De toute nécessité, il s'en trouvera beaucoup, dans les diverses portions du champ, qui, non seulement n'entretiendront point de rapports les uns avec les autres, mais seront tout aussi étrangers les uns aux autres, que s'ils avaient vécu à des époques différentes. Il est bien sûr que de chacun de ces chrétiens que nous ne connaissons pas, nous pourrions dire : « Il ne nous suit pas ! »

                    On peut attacher un autre sens à cette expression, celui-ci : « Il n'est pas de notre parti ». Depuis longtemps déjà, tous ceux qui prient pour la paix de Jérusalem, s'étonnent et s'affligent de ce qu'il y a encore tant de partis divers parmi ceux qui tous portent, le nom de chrétiens. Ce fait attire l'attention, surtout dans notre pays où l'on voit les chrétiens se séparer à tout propos pour des questions sans importance, souvent pour des choses dans lesquelles la religion n'a rien a voir. Des circonstances insignifiantes ont amené la création de partis qui subsistent pendant plusieurs générations, et dont chacun est très porté à dire de celui qui occupe le bord contraire : « Il ne nous suit pas ! »

                    Mais cette expression peut encore avoir un troisième sens : « Ses opinions religieuses différent des nôtres. Il fut sans doute un temps où tous les chrétiens avaient la même pensée, tout comme ils n'étaient qu'un seul cœur, tant était grande la grâce qui reposait sur eux tous, après qu'ils eurent été remplis du Saint Esprit !

                    Mais combien peu dura cet état béni ! Qu'elle disparut vite, cette unanimité ! Bientôt on vit renaître, au sein même de l'Église de Christ, les divergences d'opinion ; et ce n'était point entre des chrétiens de nom, mais entre de vrais chrétiens, et même entre les principaux, entre les apôtres eux-mêmes ! De plus, rien ne prouve que les divergences de vues qui se manifestèrent alors, aient jamais complètement disparu. Nous n'avons pas lieu de croire que même les apôtres, ces colonnes du temple de Dieu, sont jamais arrivés à avoir les mêmes idées, les mêmes vues, surtout par rapport à la loi cérémonielle. Il n'est donc pas étonnant qu'on rencontre aujourd'hui dans l'Église chrétienne tant d'opinions diverses. Il arrive ainsi tout naturellement que tel homme que nous voyons « chasser les démons » , se trouvera être un homme « qui ne nous suit pas » ,dans ce sens qu'il n'a pas les mêmes idées que nous. Mais on ne peut guère espérer qu'il pensera comme nous en toutes choses, ou même en matière religieuse. Il est très possible que ses opinions diffèrent des nôtres sur des points importants, tels que la nature et le but de la loi morale, les décrets éternels de Dieu, l'étendue et l'efficacité de sa grâce, la persévérance de ses enfants.

                    En quatrième lieu, entre cet homme et nous il peut avoir non seulement des différences de vues mais aussi des différences quant à certains détails de pratique. Peut-être n'approuve-t-il pas la façon dont se célèbre le culte divin dans nos assemblées, et pense-t-il que les formes instituées par Calvin ou par Luther sont plus édifiantes pour son âme. Peut-être y a-t-il bien des choses qu'il n'accepte pas dans la liturgie que nous préférons à toutes les autres. Ou bien encore il aura des préventions défavorables au genre d'organisation ecclésiastique que nous considérons comme biblique et, apostolique. Il est même possible qu'il s'éloigne davantage encore de notre manière de voir, et que, par scrupule de conscience, il néglige certaines choses que nous regardons comme des institutions de Jésus-Christ. Et quand nous serions d'accord, lui et nous, pour admettre que Dieu les a instituée, nous pourrions ne pas nous entendre quant à la manière de les pratiquer ou quant au caractère des personnes que nous pouvons y admettre. La conséquence inévitable de n'importe laquelle de ces divergences sera que celui qui diffère ainsi de nous devra relativement aux points en question, se séparer de notre communauté particulière. De cette façon, on peut dire qu'il « ne nous suit pas » , ou bien (pour employer le langage d'aujourd'hui), qu'il n'est pas « de notre Église ».

                    A bien plus forte raison « ne nous suit pas » celui qui, non seulement appartient à une autre Église, mais appartient à une Église que nous regardons comme étant, à bien des égards, anti biblique et antichrétienne ; une Église dont nous tenons la doctrine pour fausse et absolument erronée et les pratiques pour vicieuses et pernicieuses ; à une Église que nous croyons coupable de superstitions grossières et même d'idolâtrie ; à une Église, enfin, qui a ajouté de sa propre autorité plusieurs articles de foi à cette « foi qui a été donnée une fois aux saints (Jude 1 : 3) », qui a supprimé tout entier un des commandements de Dieu, et anéanti plusieurs autres par ses traditions ; qui, tout en feignant de vénérer par dessus tout l'Église primitive et de lui ressembler en tout point, a cependant autorisé une multitude d'innovations qui ne peuvent s'appuyer ni sur le passé de I'Église, ni sur les Saintes Écritures. A coup sûr, un homme qui est séparé de nous si complètement est un homme qui « ne nous suit pas ».

                     Et pourtant, l'éloignement peut être encore plus grand que tout cela. L'homme dont les idées et les pratiques différent des nôtres, pourra être éloigné de nous par les sympathies encore plus que par les principes. En général, et très naturellement, c'est ce qui arrive. Les divergences d'opinions aboutissent à autre chose. D'habitude, elles envahissent le cœur lui-même et divisent les meilleurs amis. Il n'y a point de haines, plus profondes, plus implacables que celles qui naissent des divisions religieuses. C'est pour cela que les plus cruels ennemis d'un homme seront les membres de sa propre famille (Matthieu 10 : 33). C'est pour cela que le père s'élèvera contre ses propres enfants et les enfants contre leur père ; qu'ils se persécuteront peut-être les uns les autres, croyant de cette façon rendre service à Dieu. Nous devons donc nous attendre à ce que ceux qui s'éloignent de nous, en matière de doctrine ou de pratique religieuse, nous traitent bientôt avec aigreur et même avec une sorte d'amertume, et soient toujours davantage prévenus contre nous jusqu'à en venir à détester nos personnes tout autant, que nos idées. Par une conséquence presque immanquable, ces personnes diront, de nous tout le mal qu'elles en pensent. Elles se mettront en opposition directe avec nous et, autant qu'elles le pourront, contrecarreront notre œuvre, attendu qu'à leurs yeux ce n'est pas l'œuvre de Dieu, mais celle de l'homme ou du diable. Un individu qui pense, qui parle, qui agit ainsi est, bien, autant que possible, quelqu'un qui « ne nous suit pas ».

                    A la vérité, je ne me figure pas celui dont l'apôtre Jean parle dans notre texte (et que rien d'ailleurs, ni dans le contexte ni dans d'antres portions de la Bible, ne nous fait connaître), soit jamais allé jusque là. Il n'y a pas lieu de supposer qu'il y ait eu quelque différence essentielle entre lui et les apôtres, et encore moins qu'il ait été mal disposé à leur égard ou à l'égard de leur Maître. On peut ; en effet, tirer cette conclusion des paroles de Jésus qui suivent notre texte : « Il n'y a personne qui fasse des miracles en mon nom et qui puisse en même temps parler mal de moi (Marc 9 : 39)  ». Mais c'est à dessein que j'ai supposé un cas extrême, en y introduisant les circonstances diverses que l'on peut imaginer, afin qu'étant mis en garde contre tout ce qui constitue la force de cette tentation, nous puissions n'y jamais succomber et ne jamais faire la guerre à Dieu.

III

                    Ainsi donc, en supposant un homme qui n'a point de rapports avec nous, qui n'est pas des nôtres, qui se sépare de notre Église et qui même est bien loin de nous, tant par ses opinions que par ses pratiques et par ses sympathies ; si, malgré cela, nous le voyons « chasser les démons » , Jésus nous dit : « Ne vous y opposez pas ! » C'est cet ordre important du Seigneur que je vais maintenant essayer d'expliquer.

                   Si nous le voyons chasser les démons, ai-je dit. Mais il est à craindre qu'en pareil cas nous ne croyions pas même ce que nous voyons de nos yeux et que nous ne récusions le témoignage de nos propres sens. Il faut bien peu connaître la nature humaine pour ne pas sentir que nous ne serons guère disposés à admettre qu'un homme, chasse réellement les démons, du moment qu'il « ne nous suit pas » en toutes choses ou dans la plupart des choses indiquées ci-dessus. J'allais dire en quelqu'une des choses ; et nous découvrons, en effet, par l'examen de ce qui se passe dans notre propre âme, combien peu l'on est disposé à reconnaître ce qu'il peut y avoir de bon chez ceux qui ne sont pas d'accord avec nous sur tous les points.

                    — « Mais à quoi connaîtrons-nous, d'une façon rationnelle et satisfaisante, qu'un homme « chasse les démons » , au sens spécifié précédemment ? » — La réponse à cette question est facile. Est-il bien prouvé, d'abord, qu'un certain individu vivait ouvertement et scandaleusement dans le péché ; ensuite, qu'il n'en est plus et que maintenant il a rompu avec ses péchés et mène une vie chrétienne ; enfin, que ce changement s'est accompli grâce aux prédications d'un certain homme ? Si ces faits sont établis et incontestables, vous avez la preuve rationnelle et satisfaisante que cet homme-là chasse les démons, et vous ne sauriez, sans pécher volontairement, rejeter cette preuve.

                    Ne vous opposez point à un tel homme. Gardez-vous d'essayer de l'arrêter, soit en employant votre autorité, soit en vous servant auprès de lui du raisonnement et de la persuasion. Ne cherchez d'aucune façon à l'empêcher de déployer toute la puissance que Dieu lui a confiée. Si vous possédez quelque autorité à son égard, ne vous servez pas de cette autorité pour arrêter l'œuvre de Dieu. Ne lui fournissez pas des raisons tendant à prouver qu'il doit s'abstenir de parler au nom de jésus. Satan lui en fournira bien assez, sans que vous l'aidiez à le faire. Ne travaillez pas à persuader cet homme d'abandonner son œuvre. S'il allait écouter le diable et vous, bien des âmes pourraient mourir dans leur iniquité, et c'est de votre main à vous que Dieu redemanderait, leur sang.

                    - « Mais si cet homme qui chasse les démons. n'est qu'un laïque, ne dois-je pas m'opposer à lui ? ». - Je réponds : Est-ce un fait admis, une chose suffisamment prouvée que cet homme a chassé des démons ou en chasse actuellement ? Dans ce cas, ne vous y opposez point ; je vous en conjure par le salut de votre âme. Voudriez vous empêcher Dieu d'agir par ceux qu'il juge bon d'employer ? Aucun homme ne saurait faire ces choses, si Dieu n'est avec lui, si Dieu ne l'a envoyé expressément pour cela. Et si Dieu l'a envoyé, voudriez-vous prendre sur vous de le rappeler, voudriez-vous lui défendre d'avancer ?

                    - « Mais j'ignore si Dieu l'a envoyé ! » Le premier venu de ceux qui ont servi de sceau à sa mission, de ceux qu'il a fait passer de la puissance de Satan à Dieu, pourrait vous répondre : « C'est une chose étrange que vous ne sachiez pas d'où il est ; et cependant il m'a ouvert les yeux. Si celui-ci n'était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire (Jean 9 : 30,33)  ». Si vous doutez encore de la réalité des faits, faites venir les parents de l'individu converti, ses frères, ses amis, ses connaissances. Mais si vous n'en pouvez plus douter, si vous êtes forcé d'avouer que « c'est une chose connue qu'il s'est fait un miracle évident (Actes 4 : 16 Ost. révisé.) », alors, comment pourriez-vous en bonne conscience avoir le courage de défendre à celui que Dieu a envoyé « de parler désormais en ce nom-là (Actes 4 : 17) ? »

                   Je dois convenir qu'il est tout à fait désirable une quiconque prêche au nom du Seigneur ait reçu un appel du dehors aussi bien qu'un appel intérieur ; mais que ce soit absolument indispensable, c'est ce que je nie.

                     - « Mais la parole de Dieu ne dit-elle pas formellement : « Personne ne peut s'attribuer cette dignité que celui qui y est appelé de Dieu, comme Aaron (Hébreux 5 : 4) ? »

                    Maintes fois l'on a cité ce texte à propos de cette question, et comme s'il était l'argument capital de cette cause ; mais jamais citation ne fut plus malheureuse. Car, premièrement, Aaron ne fut point appelé à prêcher, mais à « offrir des dons et des sacrifices pour le péché (Hébreux 5 : 1) ; » secondement, les hommes dont il s'agit ici n'offrent point de sacrifices ; ils prêchent uniquement, et c'est ce que ne fit point Aaron. Il serait donc impossible de trouver dans toute la Bible un texte moins adapté aux besoins de la cause.

                    - « Mais quelle ligne de conduite suivait-on dans le siècle apostolique ? » — Il vous sera facile de le voir dans les Actes des apôtres. Nous lisons dans le huitième chapitre : « Il s'éleva une grande persécution contre l'Église, de Jérusalem, et tous les fidèles, les apôtres furent dispersés dans les quartiers de la Judée et de la Samarie. Ceux donc qui furent dispersés, allaient de lieu en lieu, et ils annonçaient la parole de Dieu (Actes 8 : 1,4)  ». Ces gens étaient-ils tous appelés à prêcher par un appel du dehors ? Aucun homme de bon sens ne le soutiendra. Voilà donc un exemple irrécusable de ce qui se faisait à l'époque des apôtres. Vous voyez là, non pas un seul prédicateur laïque, mais une multitude ; et ces hommes n'avaient reçu que l'appel de Dieu.

                    Nous avons si peu de raison pour croire qu'au siècle des apôtres il n'était pas permis de prêcher sans avoir été consacré, qu'il semblerait plutôt qu'on jugeât nécessaire d'avoir prêché avant d'être consacré. En tous cas, c'était évidemment l'usage de l'apôtre saint Paul, et c'est aussi ce qu'il recommandait, d'éprouver un homme avant de le consacrer. En parlant des diacres, il dit : « Que ceux-ci soient premièrement éprouvés ; qu'ensuite ils servent (1Timothée 3 : 10)  ». Comment devaient-ils être éprouvés ? Était-ce en leur donnant à traduire et à analyser une phrase de grec ; ou en leur posant quelques questions banales ? La belle épreuve pour un ministre de Jésus-Christ ! Non, c'était en les soumettant à un essai public et satisfaisant (comme on le fait encore dans la plupart des Églises d'Europe), afin de déterminer si non seulement leur vie était sainte et irréprochable, mais encore s'ils possédaient les dons qui sont absolument indispensables pour édifier l’Église de Dieu.

                     - « Mais si un homme possède ces dons et a amené des pécheurs à la repentance, et que pourtant l'évêque (Il s'agit ici des évêques anglicans qui, dans leur Église, ont le monopole de la consécration et l'accordent ou la refusent selon qu'ils le trouvent bon – Trad.) refuse de le consacrer ! » -Dans ce cas là, c'est l'évêque qui s'oppose à ce que cet homme chasse les démons. Quant à moi, je ne m'y opposerais pas ; je ne l'oserais pas ; et j'ai publié mes raisons pour agir ainsi. Cela n'empêche pas qu'on soutienne encore que je devrais m'y opposer. Mais, vous qui soutenez cela ; répondez donc à mes raisons. Je ne sache pas que personne l'ait encore fait, ou même ait essayé de le faire. Quelques-uns, à la vérité, ont avancé que ces raisons étaient faibles et insignifiantes. Ils ne risquaient rien à parler ainsi ; car il est bien plus aisé de dédaigner (ou du moins d'affecter de dédaigner) certains arguments que de les réfuter. Aussi longtemps donc qu'on ne l'aura pas fait, je soutiendrai que, lorsqu'il m'est clairement prouvé qu'un homme chasse les démons, je ne me crois pas autorisé, quoi que fassent, les autres ; à m'y opposer, de peur qu'il ne se trouvât que je fais la guerre à Dieu.

                    Et toi aussi qui crains Dieu, qui que tu sois, ne t'oppose point, ni directement ni indirectement. Il y a, en effet, plusieurs manières de s'opposer. Par exemple, on s'oppose indirectement à un homme si l'on nie absolument ou si l'on méprise et rabaisse l'œuvre que Dieu a faite par son moyen. C'est encore s'opposer indirectement à lui que de le décourager de son travail, en l'entraînant dans des discussions à ce sujet, en soulevant des objections contre cette œuvre, en cherchant à l'effrayer par toutes sortes de prédictions qui, probablement, ne se réaliseront jamais. C'est s'opposer à lui que de lui montrer de la malveillance, soit dans nos discours, soit dans notre attitude ; et encore davantage si nous parlons de lui à d'autres personnes avec animosité ou mépris, si nous essayons de le faire voir à quelqu'un sous un jour défavorable et propre à attirer sur lui la déconsidération. On s'oppose à lui toutes les fois qu'on parle mal de lui ou qu'on déprécie son travail. Oh ! ne vous opposez à lui d'aucune de ces façons-là ; et ne le faites pas non plus en défendant d'aller l'entendre, en détournant, les pécheurs d'aller écouter la parole qui peut, sauver leur âme !

                     Il y a plus ; si vous voulez vous conformer pleinement et exactement. aux instructions de notre Seigneur, rappelez-vous ce qu'il a dit ailleurs : « Celui qui n'est pas avec moi est contre moi, et celui qui n'assemble pas avec moi disperse (Matthieu 12 : 30)  ». Celui qui n'assemble pas les hommes pour le royaume de Dieu, les disperse et les en éloigne. Car on ne peut rester neutre dans cette guerre-là.. On est du côté de Dieu ou du côté de Satan. Êtes-vous du côté de Dieu ? S'il en est ainsi, non seulement vous ne vous opposerez pas à quiconque chasse les démons, mais vous l' aiderez autant que vous le pourrez dans son œuvre. Vous serez toujours prêt à reconnaître l'œuvre de Dieu et à en proclamer la grandeur. Autant que cela sera possible, vous écarterez les obstacles et les objections que cet homme pourra rencontrer sur sa route. Vous fortifierez ses bras en parlant favorablement de lui à tout le monde, et en rendant témoignage de ce que vous avez vu et entendu. Vous encouragerez les gens à aller l'entendre prêcher, puisque Dieu l'a envoyé. Et vous ne négligerez aucune occasion que le Seigneur vous accordera de donner à cet homme des preuves positives de sincère affection.

IV

                    Si nous nous écartons volontairement de cette ligne de conduite ; si, directement ou indirectement, nous nous opposons à quelqu'un parce qu'il « ne nous suit pas » , c'est que nous sommes entachés de bigotisme. Telle est la conclusion que je rattache à tout ce que nous venons de dire. Mais le mot bigotisme, si souvent employé, n'est guère mieux compris que le mot enthousiasme. Il signifie un attachement trop grand, une trop grande inclination pour notre parti, pour notre opinion, pour notre Église, pour notre religion. Celui-là donc est un bigot qui tient tellement à ces choses, y est si fortement attaché qu'il s'opposera à quiconque chasse les démons, mais ne s'accorde pas avec lui sur tous les points, ou même sur un point.

                      Vous donc, tenez-vous en garde contre cela. Prenez garde, d'abord, de ne pas vous montrer bigot en refusant de croire que quelqu'un qui n'est pas des vôtres peut chasser les démons. Et, si en cela vous n'êtes point coupable, si vous admettez, les faits, demandez - vous ensuite : N'ai-je pas été coupable d'intolérance en m'opposant directement ou indirectement  à cet homme ? Est-ce que je ne me suis pas opposé à lui ouvertement parce qu'il n'était pas de mon bord, parce qu'il n'acceptait pas mes vues, ou bien parce qu'il n'adorait pas Dieu d'après le système religieux que mes pères m'ont transmis ?

                    Demandez-vous encore : Est-ce que je m'oppose à lui, au moins d'une façon indirecte, pour l'une l'autre ou de ces raisons ? Est-ce que je ne regrette pas que Dieu honore et bénisse ainsi un homme qui a des vues si erronées ? Est-ce que je n'essaye pas de le décourager parce qu'il n'est pas de mon Église, en discutant avec lui sur ce sujet, en soulevant des objections, en lui faisant entrevoir toutes sortes d'éventualités propres à troubler son esprit ? Est-ce que je ne lui témoigne ni colère, mépris, ni malveillance d'aucune sorte, soit dans mes discours, soit dans ma conduite à son égard ? Est-ce que par derrière lui, je signale ses fautes, réelles ou imaginaires, ses défauts, ses infirmités ? Est-ce que je n'empêche pas les pécheurs d'aller l'entendre ? Sachez que vous faîtes l'une ou l'autre de ces choses-là, vous n'êtes qu'un bigot.

                     « O Dieu fort, sonde-moi et considère mon cœur éprouve-moi et considère mes discours ; et regarde s'il y a en moi aucun dessein de nuire à personne (aucun bigotisme), et conduis-moi par la voie du monde (Psaume 139 : 23,24) ! »

                     Afin de nous examiner à fond sur ce point, supposons le cas le plus extrême. Que ferais-je si je voyais un papiste, un arien, un socinien, qui chasse les démons ? Même en pareil cas, je ne pourrais pas m'y opposer sans me rendre coupable de bigotisme. Allons plus loin ! A supposer que je rencontrasse un juif, un déiste ou un musulman qui accomplit cette œuvre, je ne pourrais m'y opposer, directement ou indirectement, sans être un bigot, et rien de plus.

                    Oh ! évitez soigneusement ce mal. Mais ne vous contentez pas de ne point vous opposer à ceux qui chassent les démons. Aller jusque là, c'est bien ; mais il ne faut pas s'y arrêter ; si vous voulez échapper à tout bigotisme, il faut aller plus loin. Dans tous les cas de ce genre, quel que soit l'instrument dont Dieu se sert, reconnaissez la main de Dieu. Ne vous contentez pas de la reconnaître ; réjouissez-vous de cette œuvre, et louez le nom du Seigneur avec des actions de grâces. Encouragez celui que Dieu daigne employer ainsi, à se consacrer entièrement à sa tâche bénie. Parlez favorablement, de lui partout où vous irez ; faites-vous le défenseur de sa réputation et de sa mission. Travaillez à agrandir autant que vous le pourrez sa sphère d'activité ; témoignez-lui de la bienveillance de toutes les manières, par vos paroles, mais aussi par vos actes ; et ne cessez point de prier Dieu pour lui, de demander qu'il soit sauvé avec ceux qui l'écoutent.

                    Je n'ai plus qu'un seul avertissement. à vous adresser. Ne croyez pas que le bigotisme d'autrui excuserait le vôtre. Il peut se faire que tel homme qui chasse des démons, s'opposera à ce que vous en fassiez autant.

                   Remarquez que c'est précisément ainsi que les choses s'étaient passées dans le cas mentionné par notre texte : les apôtres s'opposèrent à ce qu'un autre fit ce qu'eux-mêmes faisaient. Gardez-vous d'agir par un esprit de représailles. Vous ne devez pas rendre le mal pour le mal. Parce qu'un autre ne suit pas les instructions données par le Seigneur, ce n'est pas une raison pour que vous vous en écartiez. Laissez-lui donc le monopole de l'étroitesse. S'il s'oppose à vous, ne vous opposez point à lui. Faites au contraire plus d'efforts, veillez et priez davantage, pour vous affermir dans l'amour à son égard. S'il dit de vous toute sorte de mal, dites de lui toute sorte de bien, pourvu que ce soit la vérité. Imitez en cela un grand homme (plût à Dieu qu'il eût toujours été animé du même esprit !) qui prononça cette parole admirable : « Que Luther m'appelle diable cent fois, s'il le veut ; je ne cesserai pas de le vénérer comme étant un messager de Dieu ! »


 


mercredi 13 juillet 2016

(4) LES SERMONS DE WESLEY LE FAUX ENTHOUSIASME

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com 

Sermon 37 :   (1750)        LE FAUX ENTHOUSIASME

Actes des Apôtres 26,24  

Festus dit à haute voix : Tu as perdu le sens, Paul !  (Actes 26:24)

                    C'est ainsi que parlent les hommes du monde qui ne connaissent point Dieu, au sujet de tous ceux qui sont de la religion de Paul, au sujet de quiconque est son imitateur, comme il l'a été de Christ. Il est vrai qu'il y a une sorte de religion, que l'on décore même du nom de christianisme, laquelle n'expose en aucune façon ses partisans à passer pour fous, et qui est, dit-on ; conciliable avec le sens commun ; elle consiste en un ensemble de formes et de pratiques extérieures, accomplies de la façon la plus décente et la plus régulière. Ajoutez-y de l'orthodoxie, un système de croyances irréprochables et une close suffisante de moralité païenne, et vous ne vous exposerez pas à vous entendre dire que trop de religion vous a rendu fou. Mais si votre religion est celle du cœur, si vous vous avisez de parler « de justice, de paix et de joie par le Saint-Esprit (Romains 14 : 17) », oh ! alors on ne tardera pas à prononcer sur vous ce verdict : " Tu as perdu le sens ! "

                    Et, en vous traitant de la sorte, les hommes du monde n'entendent pas simplement vous faire un mauvais compliment. Ce qu'ils disent, ils le pensent. Ils n'affirment pas seulement, mais ils croient sérieusement qu'un homme a perdu le sens, quand il prétend que « l'amour de Dieu a été répandu dans son cœur par le Saint-Esprit qui lui a été donné (Romains 5 : 5) ; » et que Dieu l'a rendu capable de se réjouir en Christ « d'une joie ineffable et glorieuse (1Pierre 1 : 8)  ». Dès qu'un homme en est arrivé à vivre pour Dieu ; dès qu'il est mort à toutes les choses, d'ici-bas ; dès qu'il voit continuellement celui qui est invisible, et marche désormais par la foi et non par la vue, sa situation est claire, et sans hésitation on dira de lui : Trop de religion l'a rendu fou !

                    Il est bien évident que ce que le monde appelle folie, c'est justement ce souverain mépris de toutes les choses temporelles, cette suite persévérante des choses éternelles, cette divine persuasion des choses invisibles, cette joie que donne à l'âme sa réconciliation avec Dieu, cet amour de Dieu qui la rend heureuse et sainte, et ce témoignage que le Saint-Esprit, rend à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ; en un mot, tout ce qui constitue l'esprit, la vie et la puissance de la religion de Jésus-Christ.

                    On veut bien reconnaître toutefois qu'en toute autre matière, le chrétien agit et parle comme un homme de sens rassis. Il est raisonnable pour tout le reste ; sur ce point seulement il a un grain de folie. On déclare donc que la folie qui le tient est d'une espèce très particulière ; aussi lui donne-t-on un nom particulier ; on l'appelle de l'enthousiasme (Ce mot a souvent en anglais une signification analogue à celle du mot fanatisme, et c'est dans ce sens spécial que Wesley l'emploie dans ce sermon. Nous avons dû conserver habituellement ce mot dans notre traduction, bien qu'en français il ne soit guère employé en mauvaise part. (Trad.) ).

                    C'est là un terme très fréquemment employé de nos jours, et qui est constamment sur les lèvres de certains hommes, On peut toutefois affirmer qu'il est rarement compris, même par ceux qui s'en servent le plus. Il pourra donc être utile aux hommes sérieux, qui désirent comprendre ce qu'ils disent ou ce qu'ils entendent, que j'essaie d'expliquer le sens de ce terme et de montrer ce qu'est l'enthousiasme. En le faisant, j'apporterai peut-être quelque soulagement à ceux qui sont injustement accusés, et je pourrai être de quelque utilité à ceux qui mériteraient cette accusation, comme aussi à d'autres qui seraient en danger de ce côté-là, s'ils n'étaient avertis.

                    Quant au terme lui-même, on accorde généralement qu'il est d'origine grecque. Mais on n'a pas encore établi clairement d'où vient le mot grec lui-même, Quelques-uns ont essayé de le faire dériver des mots, en Dieu, en disant que tout enthousiasme se rapporte à Dieu (C'est l'étymologie adoptée aujourd'hui par les lexicographes. (Trad.). Mais cette étymologie est forcée ; la ressemblance est faible entre le mot dérivé et ceux d'où l'on tente de le faire dériver. D'autres le tirent de : en sacrifice, pour cette raison que c'était au moment des sacrifices que certains enthousiastes des temps anciens étaient le plus violemment affectés. C'est peut-être un mot factice, inventé d'après le bruit que faisaient ceux qui étaient affectés de la sorte.

                    Il est assez probable qu'une raison pour laquelle, ce mot étrange a été conservé dans tant de langues, c'est que les hommes n'en saisissaient guère mieux le sens que la dérivation. Ils adoptèrent d'autant plus facilement le terme grec qu'ils le comprenaient moins. S'ils ne le traduisirent pas, c'est qu'ils auraient eu la plus grande peine à rendre dans d'autres langues un mot dont le sens était obscur et incertain et auquel ne s'attachait aucune idée bien précise.

                    Il ne faut donc pas s'étonner qu'il soit pris de nos jours dans des acceptions si diverses, et que, en passant d'une personne à une autre, il signifie des choses tout à fait contradictoires. Les uns, l'entendant dans un sens favorable, y voient une impulsion ou une impression divine, supérieure à toutes les facultés naturelles et qui amène, pour un temps, la suspension totale ou partielle de la raison et des sens physiques. Dans ce sens, les prophètes et les apôtres de jadis auraient été de vrais enthousiastes, puisque, à certains moments, ils étaient tellement remplis de l'Esprit et tellement placés sous son influence, que l'exercice de leur raison, de leurs sens et de leurs facultés naturelles était suspendu et que, sous l'action absolue du pouvoir divin, ils ne parlaient plus que « poussés par le Saint-Esprit (2Pierre 1 : 21)  ».

                    D'autres entendent ce mot dans un sens indifférent, je veux dire dans un sens qui n'implique moralement ni bien ni mal. C'est ainsi qu'ils parlent de l'enthousiasme des poètes, d'Homère et de Virgile, par exemple. Un éminent écrivain de notre temps a été jusqu'à dire qu'aucun homme ne peut exceller dans sa profession, quelle qu'elle soit, sans avoir dans le tempérament une forte teinte d'enthousiasme. Ce qu'ils paraissent entendre par enthousiasme, c'est une vigueur peu commune de pensée, une ferveur particulière d'esprit, une vivacité et une force qui ne se trouvent pas dans les hommes ordinaires, et qui élèvent l'âme à des choses plus grandes et plus hautes que celles où la froide raison peut atteindre.

                    Mais aucune de ces acceptions n'est celle dans laquelle le mot enthousiasme est le plus ordinairement employé. La plupart des hommes s'accordent au moins en ceci que l'enthousiasme est quelque chose de mauvais ; et c'est tout particulièrement la pensée de ceux qui flétrissent de ce nom la religion du cœur. Dans les pages suivantes, je le prendrai donc dans cette acception, et je l'envisagerai comme un malheur, sinon comme une faute.

                    Pour ce qui est de la nature de l'enthousiasme, c'est évidemment un désordre de l'esprit, et un désordre tel qu'il nuit grandement à l'exercice de la raison. Parfois même il la supplante complètement ; il n'obscurcit pas seulement les yeux de l'entendement, il les ferme. On peut donc le considérer comme une sorte de folie, et non simplement comme étant de la sottise. Un sot est, à proprement parler, un homme qui tire de fausses conclusions de prémisses vraies, tandis qu'un fou est celui qui tire des conclusions justes de prémisses fausses. Ainsi fait l'enthousiaste. Supposez ses prémisses vraies, et vous êtes forcé d'admettre ses conclusions. Mais justement il se trompe en posant des prémisses fausses. Il s'imagine qu'il est ce qu'il n'est pas ; et son point de départ étant faux, plus il avance et plus il s'égare.

                    Tout enthousiaste est donc, à bien, parler, un fou. Seulement sa folie n'est pas ordinaire, elle est religieuse. Je ne veux pas dire par là qu'elle constitue un des éléments de la religion ; bien au contraire. La religion est le fait d'un esprit sain ; et conséquemment est en opposition directe avec toute espèce de folie. Mais je veux dire que cette sorte de folie a la religion pour objet, et qu'elle se meut dans cette sphère. Aussi l'enthousiaste parle-t-il généralement de religion ; de Dieu et des choses de Dieu, mais il en parle de telle façon que tout chrétien raisonnable peut discerner le désordre qui règne dans son esprit. L'enthousiasme, en général, peut être décrit ainsi : une folie religieuse résultant d'une prétendue influence ou inspiration divine, ou tout au moins une folie qui attribue à Dieu ce qui ne doit pas lui être attribué, ou qui attend de lui ce qu'on ne doit pas en attendre.

                    Il y a d'innombrables espèces d'enthousiasmes. Afin qu'on puisse plus aisément s'y reconnaître et les éviter, j'essaierai de grouper sous quelques chefs généraux, celles qui sont les plus communes, et par conséquent les plus dangereuses.

                     La première espèce d'enthousiasme que je mentionnerai est celui des gens qui imaginent qu'ils possèdent la grâce qu'ils n'ont pas. Quelques-uns croient, sans raison, avoir la rédemption par Christ, « savoir la rémission de leurs péchés (Éphésiens 1 : 7)  ». Ce sont ceux qui « n'ont pas de racine en eux- mêmes (Matthieu 13 : 5,6,20,21) », ni repentance profonde, ni vraie conviction. « Ils reçoivent d'abord la parole avec joie », mais comme « elle n'entre pas profondément dans la terre », qu'il n'y a pas d'œuvre profonde dans leur cœur, la semence « lève aussitôt », il s'accomplit un changement superficiel immédiat, qui, combiné avec leur joie légère, avec l'orgueil de leur cœur qui n'a pas été brisé et avec leur amour désordonné d'eux-mêmes, les persuade aisément qu'ils ont « goûté la bonne parole de Dieu et les puissances du siècle à venir (Hébreux 6 : 5)  ».

                    C'est là une sorte de folie, qui provient de ce qu'on s'imagine avoir reçu une grâce que l'on n'a pas reçue, en se décevant ainsi soi-même. Pure folie en effet que celle-là ! Le raisonnement serait bon, si les prémisses n'étaient pas fausses ; mais comme elles ne sont que le fruit de l'imagination, tout ce qui s'appuie sur elles s'écroule pitoyablement. Toutes les rêveries de ces pauvres gens partent de cette supposition qu'ils ont la foi en Christ. S'ils l'ont, ils sont « sacrificateurs et rois (1Pierre 2 : 9) », possesseurs « d'un royaume qui ne peut être ébranlé (Hébreux 12 : 28)  ». Mais comme ils n'ont pas en réalité cette foi, tout ce qu'ils prétendent en tirer est aussi vide de vérité et de sens que les prétentions d'un fou ordinaire qui, se croyant roi, parle et agit en conséquence.

                     Il y a bien d'autres enthousiastes de cette sorte. Tel est, par exemple, cet orgueilleux zélote, fanatique, non de la religion, mais des opinions et, des formes de cultes auxquelles il donne ce nom. Celui-là aussi s'imagine qu'il est un croyant, voire même un champion de la foi qui a été donnée aux saints. Aussi, toute sa conduite s'appuie sur cette vaine imagination. Sa manière de faire aurait quelque raison si sa supposition était juste ; mais il n'est que trop évident qu'elle est l'effet d'un esprit et d'un cœur mal équilibrés.

                    Mais les plus nombreux parmi les enthousiastes de cette catégorie, ce sont ceux qui imaginent qu'ils sont chrétiens, tandis qu'ils ne le sont pas. Ils abondent, non seulement dans toutes les parties de notre pays, mais à peu près sur tout les points de la terre habitée. Si les oracles de Dieu sont vrais, il est clair et incontestable que ces gens-là ne sont pas chrétiens. Les chrétiens sont saints : eux ne le sont pas. Les chrétiens aiment Dieu : eux aiment le monde. Les chrétiens sont humbles : eux sont orgueilleux. Les chrétiens sont doux : eux sont irritables, les chrétiens ont l'esprit qui était en Christ : eux en sont éloignés autant que possible. Conséquemment ils ne sont pas plus des chrétiens qu'ils ne sont des archanges. Pourtant ils prétendent à ce titre, et voici quelques-unes des raisons qu'ils invoquent à l'appui : on les a toujours désignés ainsi ; ils ont été baptisés, il y a de longues années ; ils professent les opinions chrétiennes, ou, comme on dit, la foi chrétienne et catholique ; ils pratiquent les rites religieux que pratiquaient leurs pères avant eux ; ils mènent, comme leurs voisins, ce que l'on appelle une bonne vie chrétienne. Et qui osera prétendre que ces gens-là ne sont pas chrétiens ? quoique, il est vrai, ils n'aient pas une parcelle de vraie foi en Christ ou de véritable sainteté intérieure, quoiqu'ils n'aient jamais goûté l'amour de Dieu et n'aient pas été « faits participants du Saint-Esprit (Hébreux 6 : 4)  ».

                     Ah ! pauvres victimes de l'illusion ! Non, vous n'êtes pas chrétiens ! Vous n'êtes que des enthousiastes à la plus haute puissance ! Médecins, guérissez-vous vous-mêmes ! Mais d'abord apprenez à connaître votre maladie. Votre vie tout entière est dominée par ce mauvais enthousiasme et faussée par cette illusion qui vous fait croire que vous avez reçu la grâce de Dieu, laquelle vous n'avez pas reçue. Par suite de cette erreur fondamentale, vous errez chaque jour davantage, usurpant, tant dans vos paroles que dans vos actes, un caractère qui ne vous appartient à aucun degré. De là, dans toute votre conduite, une inconséquence palpable et flagrante, un bizarre mélange de paganisme réel et de christianisme imaginaire. Toutefois, comme les majorités sont de votre côté, vous réussirez toujours à obtenir de la multitude ce verdict : que vous êtes les seuls chrétiens de bon sens, et : que tous ceux qui ne sont pas tels que vous sont des fous. Mais cela ne change en rien la vraie nature des choses. Au point de vue de Dieu et de ses saints anges, et aussi au point de vue de tous les vrais enfants de Dieu qui sont sur la terre, c'est vous qui êtes des insensés et de pauvres enthousiastes ! En voulez-vous la preuve ? Ne marchez-vous pas au milieu d'ombres vaines, une ombre de religion, une ombre de bonheur ? Ne vous agitez-vous pas en vain au sujet d'infortunes aussi imaginaires que votre bonheur ou votre religion ? Ne vous croyez-vous pas grands et bons, très expérimentés et très sages ? Jusques à quand dureront vos illusions ? Peut-être jusqu'à ce que la mort vienne vous ramener assez à la raison pour vous faire déplorer à jamais voir folie.

                    Une seconde espèce d'enthousiastes sont ceux qui imaginent avoir reçu de Dieu des dons qu'ils n'ont pas reçus. Il en est qui se sont mis dans l'esprit qu'ils ont reçu le don de faire des miracles, de guérir les malades par la parole ou par l'attouchement, de rendre la vue aux aveugles, voire même de ressusciter les morts ; un cas de ce genre s'est récemment produit parmi nous. D'autres ont entrepris de prophétiser, d'annoncer les choses à venir avec certitude et précision. Lorsque les faits viennent démentir leurs prédictions, l'expérience accomplit ce que la raison n'avait pu faire et se charge de les ramener au bon sens.

                    A cette même classe appartiennent ceux qui s'imaginent à tort que leurs prédications ou leurs prières sont inspirées par l'Esprit de Dieu. Je sais bien que sans lui nous ne pouvons rien faire, spécialement dans notre ministère public ; que toutes nos prédications sont vaines, si elles ne sont pas accompagnées de la puissance d'en haut, et qu'il en est de même de nos prières, si « l'Esprit ne nous aide dans nos infirmités (Romains 8 : 26) ». Je sais que si nous prêchons et prions sans l'Esprit, tout notre travail est stérile ; et je crois que tout ce qui se fait de bon ici-bas est l'œuvre de celui qui accomplit toutes choses en tous. Mais ceci ne change rien au cas qui est devant nous. S'il existe une influence réelle de l'Esprit de Dieu, il y en a aussi de purement imaginaires, et bien des gens s'y trompent. Tels supposent qu'ils se trouvent sous cette influence, alors qu'ils sont bien loin d'y être. D'autres supposent y être à un degré où ils n'y sont pas réellement. Je crains qu'il ne faille mettre dans ce nombre tous ceux qui imaginent que Dieu leur dicte les paroles qu'ils prononcent, et qui, conséquemment, croient qu'il est impossible qu'ils se trompent, soit pour le fond, soit pour la forme. On sait quel nombre prodigieux d'enthousiastes de cette sorte a produit notre siècle, et parmi ceux-là il s'en trouve qui parlent d'une manière plus autoritaire que ne l'ont jamais fait saint Paul ou les autres apôtres.

                    Cette même espèce de fanatisme se trouve fréquemment, quoique à un moindre degré, chez des hommes non revêtus d'un caractère public. Ils peuvent aussi s'imaginer à tort qu'ils sont placés sous l'influence et sous la direction de l'Esprit. Je reconnais que « si un homme n'a pas l'Esprit de Christ, il n'est pas à lui (Romains 8 : 9) ; » et que c'est toujours par le secours de cet Esprit que nous pensons bien, que nous parlons bien, que nous agissons bien. Mais que de gens lui imputent des choses, ou en attendent de lui, sans avoir pour le faire aucune base ni rationnelle ni scripturaire ! Tels sont ceux qui s'imaginent qu'ils peuvent ou doivent recevoir des directions particulières de Dieu, non seulement dans des affaires importantes, mais dans des choses sans importance et dans les plus petites circonstances de la vie. C'est là oublier que Dieu nous a donné notre raison pour guide dans ces choses, sans exclure jamais toutefois l'assistance secrète de son Esprit.

                    Ce sont encore des enthousiastes du même ordre, ceux qui s'attendent à être dirigés de Dieu, soit pour les choses spirituelles, soit pour la vie commune, d'une manière qu'ils appellent extraordinaire ; je veux dire au moyen de visions et de songes, par de fortes impressions ou par de soudaines impulsions de leur esprit. Je ne nie pas que Dieu ait autrefois manifesté sa volonté de cette manière, ou qu'il puisse encore le faire ; je crois même qu'il le fait dans quelques cas très rares. Mais que de fois les hommes se trompent à cet égard ! Combien souvent l'orgueil ou une imagination échauffée les pousse à attribuer à Dieu des impulsions ou des impressions, des rêves ou des visions absolument indignes de lui ! C'est là du pur fanatisme, aussi de la religion que de la vérité et, du bon sens.

                    Quelqu'un demandera peut-être : « Ne devons-nous donc pas en toutes choses chercher à connaître quelle est la volonté de Dieu ? et ne devons-nous pas faire de cette volonté la règle de notre conduite ? » Sans aucun doute. Mais comment un chrétien sensé cherchera-t-il à discerner la volonté de Dieu ? Non en attendant des rêves surnaturels ou des visions peur la lui manifester ; pas davantage en attendant des impressions particulières ou des impulsions soudaines dans son esprit ; mais en consultant les oracles de Dieu. « A la loi et au témoignage (Esaïe 8 : 20) ! » C'est là la méthode ordinaire de « connaître la volonté de Dieu, qui est bonne, agréable et parfaite (Romains 12 : 2) »,

                    — « Mais, demande-t-on, comment connaîtrai-je quelle est la volonté de Dieu, dans tel et tel cas particulier, en une chose de nature indifférente, et sur laquelle l’Écriture ne se prononce pas ? » Je réponds : Les Écritures vous donnent elles-mêmes une règle générale applicable à tous les cas particuliers : « La volonté de Dieu, c'est notre sanctification (1Thessaloniciens 4 : 3) ». C'est sa volonté que nous soyons saints intérieurement et extérieurement ; que nous soyons bons, que nous fassions le bien, en toute manière et au degré le plus élevé dont nous sommes capables. Nous sommes ici sur un terrain solide. Cette règle est aussi claire que la lumière du soleil. Nous n'avons donc, pour connaître quelle est la volonté de Dieu dans un cas particulier, qu'à appliquer cette règle générale.

                    Supposez, par exemple, qu'on propose à un homme raisonnable de se marier ou d'entreprendre une affaire. Pour savoir quelle est la volonté de Dieu, il se dira :

                    « C'est la volonté de Dieu à mon égard que je sois aussi saint et que je fasse autant de bien que je le puis », et, partant de ce principe, il se demandera simplement : « Dans lequel de ces états puis-je être le plus saint et faire le plus de bien ? » Et à cette question il répondra en consultant la raison et l'expérience. L'expérience lui dira, quels avantages lui offre sa condition présente pour être saint et utile ; et, la raison lui montrera ce que lui apporterait en échange la situation qui lui est proposée. Il établira ainsi une comparaison et jugera quelle est la voie dans laquelle il pourra être le plus saint et le plus utile, et il pourra de la sorte déterminer, avec quelque certitude, quelle est la volonté de Dieu.

                    Il va sans dire que nous supposons l'aide du Saint-Esprit, pendant tout le cours de cette recherche. Il n'est pas facile sans doute de dire de quelle manière cette aide nous est envoyée. Dieu peut nous remettre en mémoire diverses circonstances, mettre plus fortement en lumière certains faits, disposer insensiblement notre esprit à recevoir une conviction, et fixer cette conviction sur notre cœur. Et à un concours de circonstances de cette nature., il peut ajouter une paix intérieure si profonde et une mesure si grande de son amour, qu'il ne nous reste plus aucune possibilité de douter quelle est, dans ce cas particulier, sa volonté à notre égard.

                     Telle est la manière simple, scripturaire et rationnelle de connaître ta volonté de Dieu dans un cas déterminé. Mais quand on considère combien peu cette méthode est suivie, et à quel débordement de fanatisme nous assistons de la part de ceux qui veulent connaître la volonté de Dieu par des méthodes contraires à l'Écriture et à la raison, on en vient à se demander s'il n'y aurait pas lieu d'user plus discrètement de cette expression. Bien des gens, qui disent vouloir chercher à connaître la volonté de Dieu, lorsqu'il s'agit des choses les plus triviales, se rendent coupables de la violation du troisième commandement ; ils prennent le nom de Dieu en vain et commettent à son égard une coupable irrévérence. Ne vaudrait-il pas mieux employer d'autres expressions, qui seraient moins sujettes à la critique ? Au lieu de dire, par exemple, dans tel cas particulier : « Je désire connaître la volonté de Dieu  » ; ne vaudrait-il pas mieux dire : « Je désire connaître ce qui contribuera le mieux à me rendre plus saint et plus utile ? » Cette manière de parler est claire et inattaquable ; elle est d'accord avec les saintes Écritures, et écarte le danger de fanatisme.

                    Une troisième et très commune espèce d'enthousiastes (que nous aurions peut-être pu rattacher à la première catégorie) comprend ceux qui veulent atteindre la fin sans se servir des moyens, et qui attendent une intervention directe de Dieu. Leur attente serait justifiée, si Dieu lui-même refusait les moyens. Dieu peut certainement, en un tel cas, exercer directement sa puissance, et il l'a fait quelquefois. Mais ceux qui attendent son intervention, et qui, lorsque les moyens extérieurs existent, refusent de s'en servir, ceux-là sont des fanatiques. Sur le même rang nous placerons ceux qui s'attendent à comprendre les Saintes Écritures sans les lire et sans les méditer, et en dédaignant les secours qui sont à leur portée et qui leur en feraient pénétrer le sens. Tels sont aussi ceux qui, de propos délibéré, prennent la parole dans une assemblée religieuse sans aucune préparation préalable. Je dis : de propos délibéré ; car il peut y avoir telle circonstance où l'on soit contraint, de parler sans préparation. Mais quiconque méprise ce moyen de parler utilement se montre en cela un enthousiaste.

                    On peut s'attendre que je mentionne ici, comme formant une quatrième catégorie d'enthousiastes, ceux qui attribuent à la Providence de Dieu des choses qui ne devraient pas lui être attribuées. Mais j'avoue que je ne connais pas moi-même quelles choses ne doivent pas être attribuées à la Providence, quelles choses demeurent en dehors ; du gouvernement divin et ne s'y rattachent pas, soit directement, soit indirectement. Je n'excepte que le péché ; et encore, dans les péchés des autres, je reconnais la Providence de Dieu envers moi. Je ne dis pas : la Providence générale ; car c'est là un grand mot qui ne signifie rien du tout. Et s'il existe une Providence particulière, elle doit s'étendre à tous les hommes et à toutes choses. Notre Seigneur l'entendait ainsi ; sans quoi il n'eût jamais dit : « Les cheveux même de votre tête sont tons comptés (Matthieu 10 : 30) ; » et encore : « Un passereau ne tombe pas à terre sans la permission de votre Père (Matthieu 10 : 29)  ». Mais s'il en est ainsi, si Dieu préside universis tanquam singulis, et singulis tanquam universis, (sur les individus, comme sur les individus comme sur l'univers,) que reste-t-il (sauf nos propres pêchés) que nous puissions soustraire à la Providence de Dieu ? Je ne puis donc comprendre qu'on élève ici l'accusation de fanatisme.

                    On me dira : « Vous vous considérez donc comme particulièrement favorisé du ciel ». Je réponds : Vous oubliez ce que nous venons de dire, que la Providence veille sur tous les hommes, aussi bien que sur chacun individuellement. Ne comprenez vous pas que l'homme qui croit cela considère tout homme comme autant favorisé d'en haut, qu'il l'est lui-même ?

                    Nous devons nous garder avec le plus grand soin contre toutes ces formes du faux enthousiasme et considérer les déplorables effets qu'il a souvent produits et qui en sont le résultat naturel. L'orgueil vient en première ligne ; c'est l'orgueil qui alimente sans cesse la source d'où il dérive ; et c'est lui qui nous sépare toujours plus de la faveur et de la vie de Dieu, c'est lui qui tari en nous les sources de la foi, de l'amour, de la justice et de la vraie sainteté, en nous séparant de la grâce qui les produit ; car « Dieu résiste aux orgueilleux, mais il fait grâce aux humbles (Jacques 4 : 6)  ».

                     En même temps que l'esprit de l'enthousiaste est dominé par l'orgueil, il devient absolument rebelle à la persuasion et même aux conseils. Il en résulte que quelles que soient les erreurs ou les fautes auxquelles il succombe, il n'y a guère lieu d'espérer son relèvement. On a souvent et justement remarqué que la raison doit avoir bien peu de poids pour celui qui s'imagine être conduit par un guide supérieur à elle, par la sagesse même de Dieu. A mesure donc que son orgueil grandit, l'enthousiaste devient toujours plus entêté et rétif aux avis d'autrui, toujours moins susceptible d'être convaincu ou persuadé, toujours plus attaché à son propre sens et à sa propre volonté, jusqu'à devenir absolument fermé à toute bonne influence.

                    Ainsi cuirassé à la fois contre la grâce de Dieu et contre les avis et l'aide de ses semblables, il n'a plus d'autres guides que son propre cœur et que Satan, prince des orgueilleux. Il n'est pas étonnant qu'il s'enracine toujours plus dans son mépris pour les autres hommes, dans ses dispositions irritables et malveillantes, et qu'il manifeste des sentiments terrestres et diaboliques. Il ne faut pas non plus s'étonner des terribles effets qui, dans tous les temps, ont découlé de telles dispositions ; on peut dire que toute espèce de méchanceté ; toutes les œuvres de ténèbres ont été commises par des gens qui se nomment chrétiens et qui font ce que des païens rougiraient de faire.

                 Telle est la nature, tels sont les tristes effets de ce monstre à plusieurs têtes, le faux enthousiasme. De cet examen nous pouvons maintenant déduire quelques simples conclusions pratiques.

                    Et d'abord, si l'enthousiasme est un terme peu compris, quoique fréquemment employé, évitez soigneusement d'employer un mot que vous comprenez mal. A cet égard, comme à tous les autres, apprenez à penser avant de parler. Rendez-vous bien comble de la signification de ce terme étrange, et ne l'employez qu'à bon escient.

                    Prenez garde, en second lieu, d'appeler quelqu'un enthousiaste, simplement parce que tout le monde l'appelle ainsi. On n'est pas fondé, pour une pareille raison à appliquer à qui que ce soit une appellation malsonnante, et celle-là moins encore qu'aucune autre. Il n'est ni juste ni miséricordieux de porter sans preuve une aussi grave accusation contre quelqu'un.

                    Mais si le faux enthousiasme est un si grand mal, prenez garde de n'en être atteint. Veillez et priez, pour ne pas succomber à une tentation qui menace ceux qui ont la crainte et l'amour de Dieu. Prenez garde de n'avoir pas de vous-même une plus haute opinion qu'il ne faut. Ne vous imaginez pas avoir atteint telle grâce de Dieu, à laquelle vous n'êtes pas en réalité parvenu. Vous pouvez avoir beaucoup de joie et une certaine mesure d'amour, et n'avoir pas encore une foi vivante. Demandez à Dieu qu'il ne permette pas que, aveugle comme vous l'êtes, vous sortiez du bon chemin ; que vous ne vous imaginiez pas être un croyant aussi longtemps que Christ ne s'est pas révélé en vous, et que son Esprit n'a pas témoigné à votre esprit que vous êtes enfant de Dieu.

                       Ne soyez pas un enthousiaste persécuteur. Ne vous imaginez pas que Dieu vous a appelé (contrairement à l'Esprit qui était en Jésus) à faire périr les hommes, et non à les sauver. Ne songez pas à contraindre les hommes à entrer dans les voies de Dieu. Pensez pour vous-mêmes et laissez penser les autres. N'usez pas de contrainte en matière de religion. N'essayez pas de contraindre même les plus égarés, par d'autres moyens que la raison, la vérité et l'amour.

                    Ne vous imaginez pas que vous êtes un chrétien, si vous ne l'êtes pas. N'usurpez pas ce nom vénérable, si vous n'y avez un titre clair et scripturaire, et surtout si vous n'avez pas l'Esprit qui était en Christ, en sorte que vous marchiez comme il a marché lui-même.

                    Ne vous imaginez pas avoir reçu de Dieu des dons que vous n'avez pas reçus, Ne vous fiez pas aux visions ou aux songes, et pas davantage aux impressions soudaines ou aux fortes impulsions, de quelque nature qu'elles soient. Souvenez-vous que ce n'est pas ainsi que vous devez chercher à connaître la volonté de Dieu dans ou telle ou telle occasion particulière ; mais ayez recours tout simplement à l’Écriture, en vous aidant de l'expérience et de la raison, et en réclamant le secours de l'Esprit de Dieu. N'employez pas à la légère le nom de Dieu : n'alléguez pas sa volonté à propos des plus futiles circonstances ; mais que vos paroles comme vos actions, soient empreintes de révérence et d'une crainte pieuse.

                     Enfin, gardez-vous d'imaginer que vous pouvez obtenir la fin sans vous servir des moyens qui y conduisent. Dieu peut sans doute donner la fin sans les moyens ; mais vous n'avez aucune raison de penser qu'il veuille le faire. Servez-vous donc constamment et avec soin de tous les moyens qu'il a établis pour être les canaux ordinaires de sa grâce. Servez-vous de tous les moyens indiqués par la raison ou par l’Écriture, pour obtenir ou pour augmenter en vous les dons de Dieu. Cherchez à croître journellement dans cette pure et sainte religion, que le monde appelle et appellera toujours de l'enthousiasme, mais qui, pour tous ceux qui sont délivrés du mauvais enthousiasme et du christianisme purement nominal, est « la sagesse de Dieu et la puissance de Dieu (1Corinthiens 1 : 24) » , la glorieuse image du Très-haut « la justice et la paix (Romains 14 : 17) » , et une « source d'eau vive qui jaillit jusqu'en vie. éternelle (Jean 4 : 14) ».

lundi 11 juillet 2016

(3) LES SERMONS DE WESLEY LA LOI ÉTABLIE PAR LA FOI, SECOND DISCOURS

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com 

Sermon 36 :  (1750)   LA LOI ÉTABLIE PAR LA FOI, SECOND DISCOURS


Romains 3,31

Anéantissons-nous donc la loi par la foi? Loin de là! Au contraire, nous confirmons la loi. 

                    Dans un premier discours, nous avons montré quelles sont les manières les plus ordinaires d'anéantir la loi par la foi ; savoir :

1° de ne point du tout prêcher la loi, ce qui en effet l'anéantit d'un seul coup ; et cela, sous prétexte de prêcher Christ et de glorifier l’Évangile, quoique ce soit, en réalité, détruire l'un et l'autre ; 

2° d'enseigner (directement ou indirectement,) que la foi supprime la nécessité de la sainteté ; que la sainteté est moins nécessaire, ou qu'un moindre degré de sainteté est nécessaire maintenant qu'avant la venue de Christ ; qu'elle nous est moins nécessaire, en tant que nous croyons, qu'elle ne l'eût été sans cela, ou que la liberté chrétienne nous affranchit d'un genre ou d'un degré quelconque de sainteté (triste abus de cette grande vérité, que nous sommes maintenant, non sous l'alliance des œuvres, mais sous celle de la grâce ; que l'homme est justifié par la foi, sans les œuvres de la loi ; qu'à celui qui n'a point travaillé, mais qui croit, sa foi lui est imputée à justice) ;

3° enfin, d'anéantir la loi en pratique, sinon en principe ; de vivre ou d'agir comme si la foi nous était donnée pour nous dispenser de la sainteté ; de nous permettre le péché parce que nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce. Il nous reste à voir comment, nous pouvons suivre une meilleure règle et être rendus capables de dire avec l'apôtre :

« Anéantissons-nous donc la loi par la foi ? Dieu nous en garde ! Au contraire, nous établissons la loi ».

                    Nous n'établissons pas, il est vrai, l'ancienne loi rituelle : nous savons qu'elle est abolie pour toujours. Bien moins encore établissons-nous l'économie mosaïque en général ; sachant que le Seigneur l'a clouée à sa croix. Nous n'établissons même pas la loi morale (ce que font, nous le craignons, un trop grand nombre de personnes), comme si son accomplissement était la condition de notre justification ; s'il en était ainsi, « personne ne serait justifié devant Dieu (Romains 3 : 20)  ». Mais tous ces points concédés, toujours est-il que, dans le même sens que l'apôtre, « nous établissons la loi » , la loi morale ! 

 I

                   Nous établissons la loi, en premier lieu, par notre doctrine ; en nous efforçant de prêcher la loi dans toute son étendue, d'en exposer avec insistance toutes les parties, comme le faisait sur la terre notre divin Maître. Nous l'établissons en suivant cette direction de saint Pierre : « Si quelqu'un parle, qu'il parle selon les oracles de Dieu (1 Pierre 4 : 11) », c'est-à-dire comme ont parlé et écrit, pour notre instruction, les saints hommes de Dieu d'autrefois, poussés par le Saint-Esprit, et les apôtres de notre Seigneur, dirigés par le même Esprit. Nous l'établissons lorsque, prêchant au nom de Christ, nous ne cachons rien aux auditeurs, mais que nous leur déclarons, sans limitation ni réserve, tout le conseil de Dieu. Et pour l'établir plus complètement, nous usons, dans nos discours, d'une grande simplicité. « Nous ne falsifions pas la parole de Dieu, comme le font plusieurs ( 2 Corinthiens 2 : 17. – Le terme de l'original, s'emploie pour la fabrication des vins.) ; » nous ne la fraudons, nous ne la mêlons, nous ne l'altérons, nous ne l'adoucissons pas, pour l'accommoder au goût. des auditeurs ; mais nous parlons avec sincérité, comme de la part de Dieu, et, en la présence de Dieu en Jésus-Christ » , comme n'ayant d'autre but que de nous rendre « recommandables à la conscience de tous les hommes devant Dieu, par la manifestation de la vérité (2Cornthiens 4 : 2)  ». 

                    Ainsi nous établissons la loi par notre doctrine, quand nous la déclarons ouvertement à tous les hommes ; et cela dans la plénitude dans laquelle nous la donnent le Seigneur et ses apôtres, quand nous la publions dans sa hauteur, sa profondeur, sa longueur et sa largeur. Ainsi nous établissons la loi quand nous en déclarons chaque partie, chaque commandement, non seulement dans la plénitude du sens littéral, mais en même temps dans le sens spirituel ; non seulement quant aux actes extérieurs qu'elle commande ou défend, mais aussi quant à son principe intime, quant aux pensées, aux désirs et, aux intentions du cœur. 

                    Et quant à ceci, nous y mettons d'autant plus de soin, que c'est non seulement de la plus haute importance, — puisque, si l'arbre est mauvais, si les dispositions du cœur ne sont pas droites devant Dieu, le fruit (paroles ou œuvres) ne peut qu'être mauvais en tout temps, — mais aussi parce que ces choses, quelque importantes qu'elles soient, sont peu méditées ou peu comprises, — si peu comprises que nous pouvons appliquer à la loi, prise dans toute sa signification spirituelle, ce que saint Paul dit de l’Évangile, que c'est le mystère qui avait, été caché dans tous les temps et dans tous les siècles (Colossiens 1 : 26) » Elle fut entièrement cachée aux païens. Avec toute leur prétendue sagesse, ils n'avaient trouvé ni Dieu ni la loi de Dieu ; ils en ignoraient la lettre et bien plus encore l'esprit. « Leur cœur, destitué d'intelligence, se remplit de plus en plus de ténèbres ; se disant sages, ils étaient devenus fous (Romains 1 : 21,22)  ». Et la masse des Juifs n'était, pas moins étrangère au sens spirituel de la loi. Quelque prompts qu'ils fussent à dire d'autrui : « Cette populace, qui n'entend point la loi, est exécrable (Jean 7 : 49) », ils prononçaient en cela leur propre sentence, étant dans une ignorance non moins funeste et sous la même malédiction. Témoin les reproches continuels que le Seigneur adresse aux plus sages d'entre eux pour les erreurs grossières de leurs interprétations de la loi. Témoin le préjugé par lequel ils s'imaginaient généralement qu'ils n'avaient qu'à « nettoyer le dehors de la coupe et du plat » qu'à « payer la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin (Matthieu 23 : 23-25) », et que cette exactitude au dehors servirait d'expiation pour les souillures du dedans, pour l'oubli total de la justice et de la miséricorde, de la foi et de l'amour de Dieu. Que dis-je ? le sens spirituel de la loi était tellement caché aux plus sages d'entre eux que voici le commentaire d'un de leurs plus éminents rabbins sur ce verset du psalmiste : « Si j'eusse pensé quelque iniquité dans mon cœur, le Seigneur ne m'eût point écouté (Psaume 66 : 18) » , c'est-à-dire, dit-il, « que si c'est seulement dans mon cœur, et non au dehors, que je commets l'iniquité, le Seigneur n'y prendra pas garde ; il ne me punira point, à moins que je n'aille jusqu'à l'acte extérieur ! »

                    Mais, hélas ! la loi de Dieu, quant à sa signification intérieure et spirituelle, n'est point cachée seulement aux Juifs et aux païens, elle l'est encore aux chrétiens ; au moins à la grande majorité d'entre eux. Pour eux aussi, cette signification spirituelle est encore un mystère. Et cela ne se voit pas seulement dans les pays que Rome a enveloppés de ténèbres et d'ignorance, mais il n'est que trop certain que la plupart de ceux même qu'on appelle chrétiens réformés sont encore totalement étrangers à la loi de Christ, dans sa pureté et sa spiritualité. 

                   Il en résulte que, de nos jours aussi, « les scribes et les pharisiens » , c'est-à-dire ceux qui ont la forme et non la force de la religion, et qui sont en général sages à leurs propres yeux, et justes dans l'opinion qu'ils ont d'eux-mêmes, « sont scandalisés quand ils entendent ces choses » , et sont profondément blessés quand nous parlons de la religion du cœur, et surtout quand nous montrons que, sans elle, « quand même nous donnerions tous nos biens pour la nourriture des pauvres, cela ne nous servirait de rien (1Corinthiens 13 : 3)  ». Mais il faut qu'ils soient scandalisés ; car nous ne pouvons pas ne pas dire la vérité, telle qu'elle est en Jésus. « Soit qu'ils écoutent, soit qu'ils n'en fassent rien (Ézéchiel 2 : 5) », nous devons, quant à nous, « délivrer notre âme (Ézéchiel 3 : 19)  ». Et tout ce qui est écrit. dans le livre de Dieu, nous devons le déclarer, non pour plaire aux hommes, mais pour plaire au Seigneur. Nous devons déclarer, non seulement toutes les promesses, mais aussi toutes les menaces que nous y trouvons. En même temps que nous proclamons toutes les bénédictions, tous les privilèges que Dieu a préparés pour ses enfants, nous devons « leur apprendre à garder toutes les choses qu'il a commandées (Mattieu 28 : 20)  ». Et nous savons qu'elles ont toutes leur importance, soit pour réveiller ceux qui dorment, pour instruire les ignorants, pour consoler les faibles, soit pour développer et perfectionner les saints. Nous savons que « toute l’Écriture divinement inspirée est utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger et pour instruire dans la justice » , et que l'homme de Dieu a besoin de toutes les parties de l’Écriture pour que l'œuvre divine se fasse complètement dans son âme, et qu'il soit enfin « accompli et parfaitement propre pour toute bonne œuvre (2Timothée 3 : 16,17)  ». 

                   C'est ainsi que nous devons prêcher Christ, en prêchant tout ce qu'il nous a révélé. Nous pouvons assurément, en bonne conscience, et même avec une bénédiction particulière de Dieu, faire connaître l'amour de notre Seigneur Jésus-Christ ; parler d'une manière spéciale de « l’Éternel notre justice (Jérémie 23 : 6) ; » nous étendre sur la grâce par laquelle « Dieu était en Christ réconciliant le monde avec soi  » ; (2 Corinthiens 5 : 19) nous pouvons, quand l'occasion s'en présente, célébrer les louanges de Celui qui a porté « les iniquités de nous tous » , qui a été « navré pour nos forfaits, frappé pour nos iniquités » , et qui nous donne « la guérison par ses meurtrissures ». (Esaïe 53 : 5,6) Toutefois nous ne prêcherions pas Christ selon sa parole, si nous bornions à cela notre prédication ; nous devons, pour être nous-mêmes nets devant Dieu, proclamer Christ, dans toutes ses fonctions. Pour faire l'œuvre d'un ouvrier sans reproche, il nous faut prêcher Christ, non seulement comme notre grand Sacrificateur, « pris d'entre les hommes et établi pour les hommes dans les choses qui regardent Dieu (Hébreux 5 : 1) », nous réconciliant, comme tel, avec Dieu par son sang, et à toujours vivant pour intercéder pour nous (Hébreux 7 : 25) ; » — mais aussi comme le prophète du Seigneur, « qui nous a été fait sagesse de la part de Dieu (1Corintiens 1 : 30) ; » qui, par sa parole et par son Esprit, est toujours avec nous, « nous conduisant dans toute la vérité (Jean 16 : 13) ; » — et comme notre Roi pour toujours, donnant des lois à tous ceux qu'il a rachetés par son sang, rétablissant à l'image de Dieu ceux qu'il a rétablis dans sa faveur, et régnant dans tous les cœurs croyants jusqu'à ce qu'il se soit « assujetti toutes choses (1Co 15 : 28) » ; jusqu'à ce qu'il ait rejeté dehors toute iniquité et « amené la justice des siècles (Daniel 9 : 24)  

.II 

                   En second lieu, nous établissons la loi, quand nous prêchons Christ de manière, non à rendre superflue la sainteté, mais à la produire, sous toutes ses formes, négatives et positives, dans le cœur et dans la vie. 

                    Dans ce but, nous ne cessons de déclarer (et c'est ce que devrait toujours considérer attentivement quiconque désire ne point « anéantir la loi par la foi », ) que la foi elle-même, la foi chrétienne, la foi des élus de Dieu, la foi que Dieu opère, n'est cependant que la servante de l'amour. Quelque glorieuse et. honorable qu'elle soit, elle n'est pas « la fin du commandement (1Timothée 1 : 5)  ». Dieu a donné cet honneur au seul amour. L'amour est la fin de tous les commandements de Dieu. L'amour est l'unique fin de toute dispensation divine, depuis le commencement du monde jusqu'à la consommation des siècles, et il subsistera quand auront passé les cieux et la terre ; car « l'amour » seul « ne périt jamais (1Corinthiens 13 : 8)  ». La foi périra tout entière ; elle se perdra dans la vue, dans l'éternelle vision de Dieu. Mais alors même l'amour

Toujours de même usage et de même nature,
Vivra dans son triomphe aux parvis éternels,
Conservant son flambeau, son feu qui toujours dure,
Répandant le bonheur parmi les immortels.

                    Des choses magnifiques sont dites de la foi ; et quiconque la possède peut bien s'écrier avec l'apôtre : « Grâces soient rendues à Dieu pour son don ineffable ! (2 Corinthiens 9 : 15) » Mais toute son excellence disparaît comparée à celle de l'amour. Ce que dit saint Paul de la gloire de l'Évangile par-dessus celle de la loi peut aussi se dire à propos de la gloire de l'amour pardessus celle de la foi : « Et même ce qui a été si glorieux ne l'a point été en comparaison de ce qui le surpasse de beaucoup en gloire. Car si ce qui devait prendre fin a été glorieux, ce qui doit toujours subsister l'est bien davantage (2 Corinthiens 3 : 10,11)  ». Et même la gloire qui appartient présentement à la foi provient tout entière de ce qu'elle sert à l'amour ; c'est le grand moyen temporaire que Dieu a ordonné pour accomplir ce but éternel.

                     Que ceux qui exaltent démesurément la foi jusqu'à anéantir tout ce qui n'est pas elle, et qui se méprennent sur sa nature jusqu'à imaginer qu'elle remplace l'amour, considèrent de plus que, si l'amour doit survivre à la foi, il a aussi existé longtemps avant la foi. Les anges qui, dès leur création, contemplaient la face de leur Père céleste, n'avaient. nul besoin de foi, dans son sens général, c'est-à-dire comme « démonstration des choses qu'on ne voit point. (Hébreux 11 : 1)  ». Elle ne leur était pas non plus nécessaire dans son acception spéciale, c'est-à-dire comme foi au sang de Jésus, « car il n'a pas pris les anges, mais il a pris la postérité d'Abraham (Hébreux 2 : 16)  ». Il n'y avait donc, avant la création du monde, aucun lieu pour la foi, ni dans le sens particulier, ni dans le sens général. Mais il y avait lieu pour l'amour ; l'amour existait de toute éternité, en Dieu, le grand océan d'amour. L'amour fut dans tous les enfants de Dieu, dès leur création ; leur miséricordieux Créateur leur donna, en même temps, d'exister et d'aimer.

                    Il n'est pas même certain (malgré tout ce qu'on a pu dire d'ingénieux et de plausible là-dessus) que la foi, même dans le sens général ; ait eu une place dans le paradis terrestre. On peut admettre, d'après le court récit des Écritures, qu'Adam, avant sa révolte, marchait avec Dieu par la vue, et non par la foi.

Car d'un œil d'aigle alors sa raison pénétrante
Aurait pu, d'aussi près qu'un ange radieux,
Contempler fixement la face éblouissante
De son Créateur glorieux.

                    Il pouvait parler face à face à Celui dont nous ne pouvons voir la face et vivre ; il n'avait donc nul besoin de cette foi dont l'office est de suppléer à la vue qui nous manque.

                    D'autre part, il est certain que la foi, dans son sens particulier, n'avait alors aucune raison d'être. Car, dans ce sens, elle présuppose nécessairement le péché, et la colère de Dieu déclarée au pécheur. Comme donc l'expiation n'était pas nécessaire avant la chute, il n'y avait non plus lieu à croire en cette expiation, l'homme étant alors pur de toute souillure de péché et saint comme Dieu est saint. Mais, alors même, l'amour remplissait son cœur ; il y régnait sans rival ; et ce fut seulement quand le péché eut chassé l'amour, que la foi fut donnée, mais non pour elle-même, ni pour exister plus longtemps que jusqu'à ce qu'elle eût atteint le but pour lequel elle était établie, savoir de rétablir l'homme dans l'amour d'où il était, déchu. Après la chute donc, survint la foi, cette démonstration, auparavant superflue, des choses qu'on ne voit point, cette confiance en l'amour du Rédempteur, laquelle ne pouvait exister,jusqu'à ce que fût faite la promesse que « la postérité de la femme écraserait la tête du serpent (Genèse 3 : 15)  ».

                     Puis donc que la foi fut destinée dès l'origine à rétablir la loi d'amour, en parler ainsi, ce n'est pas la. rabaisser, ni lui dérober sa louange ; mais, au contraire, c'est montrer son vrai prix, c'est l'exalter dans les vraies proportions, et lui donner la place même que la sagesse de Dieu lui assigna dès le commencement. Elle est le grand moyen de rétablir ce saint amour que l'homme avait reçu du Créateur. Il s'ensuit que, bien que la loi n'ait pas de valeur en elle-même (puisqu'elle n'est qu'un moyen), cependant, comme elle conduit à ce grand but le rétablissement de l'amour dans nos cœurs, et que, dans l'état présent des choses, elle est sous les cieux l'unique moyen pour y parvenir, la foi est dés lors une bénédiction ineffable pour l'homme et une chose infiniment précieuse devant Dieu.

III

                   Ceci nous conduit naturellement au troisième et au plus important moyen d'établir la loi ; il consiste à établir la loi dans nos propres murs, dans notre propre vie. Et sans cela, je le demande, à quoi servirait tout le reste ? Nous pourrions établir la loi par notre doctrine ; la prêcher dans toute son étendue ; en exposer, en presser chaque commandement ; en découvrir le sens le plus spirituel et faire connaître les mystères du royaume ; prêcher Christ dans toutes ses fonctions, et la foi en Christ comme ouvrant tous les trésors de son amour ; nous pourrions faire tout cela, et pourtant, si nous prêchions ainsi sans que cette loi fût établie dans nos murs, nous ne serions rien de plus devant Dieu que « l'airain qui résonne ou la cymbale qui retentit  » ; bien loin de nous être de quelque avantage, toute notre prédication ne ferait qu'accroître notre condamnation.

                    Voici donc le grand point à considérer : Comment ; établir la loi dans nos propres cœurs, de manière qu'elle exerce toute son influence sur notre vie ? Or, ceci n'est possible que par la foi.

                     La foi seule répond efficacement à ce but, comme nous l'apprend, chaque jour, l'expérience. Car aussi longtemps que nous marchons par la foi, et non par la vue, nous courons dans la voie de la sainteté. Tant que nous fixons nos regards, non sur les choses visibles, mais sur les invisibles, nous sommes de plus en plus crucifiés au monde et le monde nous est crucifié. Que l'oeil de l'âme regarde constamment, non aux choses temporelles, mais à celles qui sont éternelles, et nos affections, se détachant toujours plus de la terrer, s'attacheront aux choses d'en haut. En sorte que la foi, prise dans le sens général, est le moyen le plus direct et le plus efficace de nous faire avancer dans la justice et, dans la sainteté et d'établir la loi dans le cœur des croyants. 
          
                     Mais dans sa signification spéciale, c'est-à-dire comme confiance en un Dieu qui pardonne, la foi établit la loi dans nos cœurs d'une manière encore plus efficace. Car rien n'est plus puissant, pour nous porter à aimer Dieu, que le sentiment de l'amour de Dieu en Christ. Rien n'est plus propre à nous faire donner notre cœur à Celui qui s'est donné pour nous. Et, de ce principe d'amour pour Celui qui nous pardonne, découle aussi l'amour pour nos frères. Nous ne pouvons même ne pas aimer tous les hommes, si nous croyons véritablement à l'amour dont Dieu nous a aimés. Or cet amour pour les hommes, fondé sur la foi et sur l'amour pour Dieu, « ne fait pas de mal au prochain  » ; cet amour est donc, comme le dit l'apôtre, « l'accomplissement de la loi  » ; et d'abord de la loi négative : « car ce qui est dit : tu ne commettras point d'adultère ; tu ne tueras point ; tu ne déroberas point ; tu ne diras point de faux témoignage ; tu ne convoiteras point. ; et s'il y a quelque autre commandement, tout est compris sommairement dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Romains 13 : 9,10) ; » mais aussi de la loi positive ; car il ne suffit pas à l'amour de ne pas faire de mal au prochain. Il nous excite continuellement, suivant que nous en avons le temps et l'occasion, à lui faire du bien ; à faire à tous les hommes et en toutes choses le plus de bien possible.

                    La foi ne se contente pas non plus d'accomplir la loi négative ou positive quant, au dehors, mais elle agit au dedans par l'amour ; d'abord pour la purification du cœur, pour le nettoyer de toute impure affection. Quiconque a celle foi « se purifie soi-même comme lui aussi est pur (1Jean 3 : 3) ; » se purifie de tout désir sensuel et terrestre, de toute affection déréglée, en un mot de toute cette affection de la chair qui est inimitié contre Dieu. Puis, afin que son œuvre soit parfaite, elle le remplit aussi de toute bonté, de justice et de vérité. Elle fait descendre le ciel dans son âme, et le fais, marcher dans la lumière comme Dieu lui-même est dans la lumière.

                     Efforçons-nous d'établir ainsi la loi au dedans de nous ; ne péchant pas « parce que nous sommes sous la grâce », mais nous servant plutôt du pouvoir de la grâce, pour accomplir toute justice. Nous rappelant quelle lumière nous reçûmes de Dieu quand son Esprit. nous convainquit de péché, gardons-nous d'éteindre cette lumière ; retenons ferme ce qu'alors nous obtînmes. Que rien ne nous induise à rebâtir ce qu'alors nous démolîmes ; à reprendre aucune chose, grande ou petite, que nous vîmes clairement alors n'être pas pour la gloire de Dieu ; ni à négliger aucune chose, grande ou petite, que nous ne pouvions alors négliger sans être repris par notre conscience ; et à cette lumière, qu'alors nous reçûmes, joignons, pour l'accroître et la rendre parfaite, la lumière de la foi. Confirmons ainsi ces premiers dons de Dieu, par un sentiment plus profond des choses mêmes qu'alors il nous montra, par une plus grande délicatesse de conscience. Marchant maintenant dans la joie et non dans la crainte, dans une claire contemplation des choses éternelles, nous regarderons les plaisirs, les richesses, les louanges, toutes les choses terrestres, comme des bulles de savon sur l'eau ; rien ne nous paraissant important, ni désirable, ni digne d'occuper nos pensées, si ce n'est ce qui est « au delà du voile », là où Jésus « est assis à la droite de Dieu ».

                       Pouvez-vous dire : « Il pardonne toutes mes iniquités, il ne se souvient plus de mes péchés ? » Alors songez désormais à fuir le péché, comme on fuit un serpent. Car maintenant, combien il vous paraît odieux et « excessivement péchant ! » Et, par contre, sous quel aspect nouveau et aimable vous apparaît maintenant la sainte et parfaite volonté de Dieu ! Travaillez donc pour qu'elle soit accomplie en vous, par vous et pour vous. Travaillez maintenant et priez, afin que vous ne péchiez plus, mais que vous voyiez et évitiez jusqu'à la moindre transgression de la loi divine ! Quand le soleil pénètre dans un lieu obscur, vous voyez des atomes qui vous échappaient auparavant. Il en est de même, quant au péché, maintenant que le soleil de justice luit dans votre cour. Appliquez-vous donc de toutes vos forces à marcher maintenant, à tous égards ; selon celle lumière. Soyez maintenant zélés, pour recevoir chaque jour plus de lumière, pour croître dans la connaissance et l'amour de Dieu, pour recevoir une plus grande mesure de l'Esprit de Christ, de sa vie et de la puissance de sa résurrection ! Faites valoir maintenant tout ce que vous avez reçu de connaissance, d'amour, de vie, de force ; et vous irez ainsi de foi en foi, et vous croîtrez sans cesse dans un saint amour, jusqu'à ce que la foi se change en vue et que la loi d'amour soit établie pour l'éternité !